Depuis que j'ai rejoins Brisbane, je ne pouvais nier le fait que je me sentais bien. Bien mieux que je n'aurai pu me sentir en restant à Toowoomba. Edge m'aidait énormément. A remonter la pente, à ne pas me laisser tomber. Cian, Archibald. J'avais tellement d'ami sur qui me retourner si besoin. Mais j'avais encore un peu de difficulté à vraiment m'ouvrir un peu plus. Parce que c'est bien un de mes meilleurs amis qui m'a fait autant de mal. Mais je suppose que, de toute manière, ça se serait passer comme ça. J'essaye de ne plus blâmer qui que ce soit malgré le fait que je continue de leurs en vouloir profondément. J'imagine qu'il va falloir patienter un peu pour que tout ne soit qu'un souvenir.
Je venais tout juste de déposer mes petits monstres et je franchissais les portes de Brisbane. La circulation n'avait pas été trop mauvaise et j'avais pu faire l'aller retour assez rapidement. Pas de discussion avec mon ex femme parce que j'ai coupé un peu les ponts avec elle. Je ne fais qu'appeler mes enfants et c'est suffisant pour moi. Ils sont les plus importants. Pas le temps de rentrer chez Edge puisque je n'avais pas ma soirée de libre. En effet, parmi les nombreux amis que j'avais pu voir récemment, il en avait manqué un. Un des plus proches de moi en plus.
Marius et moi, ça remontait à pas mal de temps. Peu d'ami d'enfance arrivent à passer les années, à devenir adulte et à ne pas perdre contact. Parce que la vie est prenante, le travail aussi. Ce n'est pas qu'on oublie les autres, c'est juste que les préoccupations sont un peu plus compliqué. Avec Marius, ça n'a jamais été le cas. Simplement parce que même en grandissant, même en étant dans des pays différents, on a pu continuer à avoir une relation proche. Nous sommes même aller plusieurs fois le voir en France. C'était le bon temps. Et savoir qu'il était revenu à Brisbane depuis un peu plus longtemps que moi, il était impossible de ne pas se voir. Alors, même si j'ai conduis plusieurs heures pour pouvoir revenir, je voulais y aller sans attendre.
Rien n'était réellement prévu. Un bar et deux amis. Autant dire que la soirée allait être plutôt intéressante. Je ne me faisais pas de mourront la dessous. Et me voilà d'ailleurs qui me gare sur le parking avant d'en sortir. Pour une fois, je n'étais pas en retard. Ce qui était plutôt rare quand on me connaissait bien. Je poussais la porte du bar avant de balayer la salle du regard. Je n'étais pas vraiment sûr de sa présence ou non. Mais à en juger par la carrure plus loin.
- Marius !
Je viens déjà m'affaler sur la chaise juste en face de lui, un grand sourire sur le visage.
- Rassure-moi, tu n'attends pas depuis trop longtemps, hein ?
Tes amis, tu les comptais sur les doigts d’une main. Tes vrais amis en tout cas. Toujours un peu renfermé, un peu mystérieux, tu n’étais pas une personne qui se livrait facilement et si cela intriguait au premier abord, au bout de quelques temps, cela fatiguait tes interlocuteurs plus qu’autre chose. Peu de personnes arrivaient à avoir la patience de passer au dessus de tes multiples barrières. Mais Paul faisait parti de ces gens là. Peut-être que c’était dû au fait que vous vous soyez rencontrés enfants et qu’à cette époque là tu étais bien moins réservé qu’aujourd’hui ou peut-être pas. En tout cas, vous aviez réussi à rester en contact toutes ces années alors même que vos vies vous avaient amenées à différents endroits du globe. C’était assez drôle pour toi de voir comment tu pouvais perdre de vue des gens qui habitaient à Brisbane mais rester en contact avec des personnes à l’autre bout du monde … Il y a peu en prenant des nouvelles de Paul, tu avais appris qu’il revenait vivre sur Brisbane après que lui et sa femme aient décidé de divorcer. Cette nouvelle t’avait surprise car tu n’avais jamais envisagé cela possible pour ton ami et sa famille. Toutefois s’il y avait une personne peu qualifiée pour juger ou faire des remarques à ce sujet c’était sans nul doute toi. Tu lui avais laissé le temps de s’installer en ville chez son cousin et de reprendre pied avant de lui proposer d’aller boire un verre. Il avait accepté sans hésitation et c’était la raison pour laquelle tu te retrouvais assis tranquillement à une table dans un bar avant un verre de limonade dans les mains à l’attendre patiemment. C’était pathologique chez toi de toujours arriver en avance sur l’heure de rendez-vous donnée. Tu avais donc pris depuis des années l’habitude de profiter de ces moments solitaires avant des soirées où il te fallait être sociable. Et puis tu avais toujours été passionné par l’observation des gens autour de toi. Tu ne te fondais pas vraiment dans la masse mais en général, les gens arrivaient à oublier que tu étais là et tu aimais les voir interagir, les observer, cela t’inspirait beaucoup dans tes aquarelles. Car même si tu n’étais pas la personne la plus sociable ou loquace sur terre, tu aimais observer les interactions autour de toi. « Marius ! Rassure-moi, tu n'attends pas depuis trop longtemps, hein ? » L’arrivée de ton ami te sorti de tes pensées. Tu focalisais alors toute ton attention sur lui en lui serrant la main pour le saluer avant qu’il ne prenne place en face de toi. Un léger sourire sur les lèvres, tu lui dis : « Assez pour boire une limonade. » Lui dis-tu en désignant ton verre vide. « Mais c’est de ma faute, j’étais là bien en avance. » Dis-tu simplement en faisant signe au serveur de passer vous voir. « Comment vas-tu ? Ton retour à Brisbane se passe bien ? » Demandas-tu à ton ami curieux. Tu ne savais pas ce qui était le pire. Avoir passé quarante ans de ta vie seul et toujours l’être aujourd’hui ou alors avoir eu une vie à deux et la perdre à quarante ans. C’était un dilemme que tu n’arrivais pas à trancher.
Je n'irai pas jusqu'à dire que je suis constamment en retard. Mais j'avoue arriver en général pile à temps. Parce que même si je sais correctement gérer mon temps, j'ai tendance à me perdre ici et là et à me rendre compte d'où je suis que quelques minutes après. Marius est déjà présent. Et ça ne m'étonne même pas. A dire vrai, il a toujours été du genre à être présent avant quiconque. Il me désigne son verre vide et je frotte ma nuque avec lenteur. Donc, il est là depuis longtemps. Je grimace avec douceur et laisse échapper un léger ricanement.
- Donc, tu es là depuis un bon moment alors. Je suis désolé de t'avoir laissé attendre.
J'aurai pu aussi venir un peu plus tôt. Mais j'avais mes enfants et j'avais préféré avoir le maximum de temps avec eux étant donné le peu de temps que je possède en temps normal. Je sais bien que Marius comprends suffisamment. Après tout, il était conscient de toute ma situation. Si ma propre famille n'était pas encore au courant mis à part Edge, Marius l'était lui. Il avait toujours été présent aussi et nous ne nous étions jamais perdu de vue. Autant dire que je me voyais mal lui cacher les choses. Et puis non, je ne voulais pas. Je repose les yeux sur son visage armé d'un sourire. J'avais toujours été quelqu'un de positif mais il est vrai que j'avais pu l'être un peu plus ces derniers temps. Parce que malgré tout, mon retour à Brisbane m'avait fait du bien.
- Je vais bien ! Mon retour à Brisbane ne m'a fait que du bien. Edge a été super de m'héberger jusque là. J'avais vraiment besoin de revenir ici.
Et c'était un peu bizarre quand on y pensait. Simplement parce que je ne pouvais déjà pas voir mes enfants bien longtemps mais pourquoi avoir déménagé encore plus loin d'eux dans ce cas ? Et je pouvais comprendre le problème. Malgré tout, ma présence à Brisbane était surtout pour pouvoir aller mieux.
- J'ai pu retrouver du travail ici aussi. Même si ce n'est pas toujours la joie côté moral, j'estime que ça va mieux qu'avant...
Edge m'avait beaucoup aidé. Au delà du fait de m'héberger, il m'avait été une oreille attentive. Il avait fait beaucoup pour que j'aille mieux. Et j'essayais de faire la même chose bien qu'il était beaucoup moins ouvert sur ses émotions que je pouvais l'être. Enfin, récemment, son arrivée à l'hôpital m'avait un peu chamboulé. Mais ça ne m'étonne pas. Je repose les yeux sur Marius.
- Et toi ? Comment vas-tu ? Plus trop dépayser à force ?
La France et l'Australie, ce n'était pas pareil. Enfin, ça faisait quelques temps qu'il était revenu à Brisbane alors ça ne devrait pas être le cas. Je glisse les bras sur mon torse et garde mon éternel sourire.
« Donc, tu es là depuis un bon moment alors. Je suis désolé de t'avoir laissé attendre. » Tu secouais la tête n’en voulant vraiment pas à ton ami d’avoir mis un peu de temps à arriver. Toujours se présenter partout en avance vous apprenait à être patient et à ne plus s’impatienter inutilement quand les minutes s’écoulaient les unes après les autres. Tout le monde courait après le temps de nos jours, cela ne te surprenait pas que ce soit le cas de ton ami aussi. Il devait avoir un emploi du temps chargé entre son boulot, ses enfants et son réaménagement à Brisbane. D’ailleurs, tu ne savais pas s’il avait retrouvé du boulot en ville et quelle était réellement la situation avec ses enfants. Chaque divorce était différent, chaque garde d’enfants aussi mais tu espérais qu’il avait trouvé un accord avec son ex-compagne qui lui convenait. Il n’avait pas l’air de mauvaise humeur ou particulièrement stressé à première vue alors tu fis l’hypothèse que ce rythme devait lui convenir. « Je vais bien ! Mon retour à Brisbane ne m'a fait que du bien. Edge a été super de m'héberger jusque là. J'avais vraiment besoin de revenir ici. » Connaissant Paul depuis longtemps, tu avais déjà entendu parler de Edge mais il te fallut un peu de temps pour te souvenir que c’était le cousin de ton ami. Tu n’avais jamais rencontré la famille de Paul en dehors de sa femme et de ses enfants mais savoir qu’il avait du soutien était une très bonne chose. Toi qui affrontais tout seul dans la vie, tu ne pouvais t’empêcher de te dire que des fois un peu de support doit aider. « Tu habites encore chez ton cousin ? » Demandas-tu curieux avant d’ajouter : « Je suis ravi de te voir de retour. Brisbane n’attendait que ton retour ! » Lui dis-tu un sourire en coin sur les lèvres. « Tu as réussi à trouver un poste dans une école ? » Tu ne savais pas si Paul avait déjà commencé ou s’il allait commencer à la rentrée prochaine mais en tout cas c’était une très bonne nouvelle. La vocation d’enseigner était un de vos points communs même si vous n’enseigniez pas du tout aux mêmes âges. « Et toi ? Comment vas-tu ? Plus trop dépayser à force ? Ca me fait plaisir de te voir. » Dépaysé ? Plus vraiment désormais … Malgré tes années passées en France, c’était bien à Brisbane que tu avais passé la plus grosse partie de ta vie. Donc c’était plutôt à Paris qu’il t’était toujours étrange de revenir. Brisbane, c’était la maison, cet endroit que sain dans lequel on revient se réfugier quand ça ne va pas. « Ça me fait plaisir de te voir aussi ! Ca fait tellement longtemps … » Commences-tu par lui dire laissant ta voix se tenter d’un brin de nostalgie. C’était ridicule parce que Paul et toi n’aviez jamais vraiment perdu contact mais bon … « Je vais bien, je vais mieux en tout cas. Comme toujours je travaille énormément et j’essaie de ne pas faire exploser une nouvelle bombe sur le champs de mine que constitue ma relation avec mon frère en particulier mais mes soeurs aussi. » C’était terriblement épuisant que de devoir toujours peser tes mots, avoir peur de blesser sans cesse mais tu avais terriblement besoin d’avoir une place dans leur vie, un besoin maladif qui t’avait amené à faire des choses peu recommandables. « Ca fait quoi d’être de nouveau célibataire ? » Ne pus-tu t’empêcher de lui demander un sourire en coin sur les lèvres. L’ayant été quasiment toute ta vie, tu avais de ton côté envie de trouver quelqu’un pour partager ta vie mais tu ne semblais jamais y arriver.
Je hochais la tête quand Marius me demandait si j'habitais encore chez Edge. Je sais que je vais devoir trouver un appartement à moi seul.. Mais... La perspective de rentrer. De ne voir personne à la maison, pas de bruit, pas de mouvement. Je dois avouer que ça m'angoisse un peu. J'ai tellement eu l'habitude d'avoir du monde autour de moi que j'ai peur de me retrouver avec mes propres peurs, mes propres démons. Je sais qu'ils ne sont pas bien loin.
- Oui ! Je travaille à l'école de Brisbane. Celle où j'étais gamin. Je dois dire que ça me fait prendre un certain coup de vieux...
L'espace d'un instant, je me revois gosse accroché à la table pour pouvoir ne rien louper de ce que me disait le professeur. J'adorai l'école, plus jeune. Je crois que je me suis toujours destiné à ce type de carrière. Et Marius semble confirmer aussi que le temps est passé. Même si nous parlions régulièrement, nous n'étions jamais l'un en face de l'autre. Du moins, pas aussi souvent qu'au téléphone. De ce fait, je comprends plutôt facilement ce qu'il veut dire. Il me parle de son frère et je hoche la tête. Je n'ai pas tout les détails mais suffisamment pour pouvoir comprendre la difficulté de la situation.
- La situation est devenu plus compliqué avec ton frère et tes soeurs ? Enfin, si tu ne veux pas en parler. Je comprends. Je ne vais pas t'en vouloir.
Je connaissais suffisamment Marius pour ne pas l'obliger à parler. Simplement parce qu'il n'était déjà pas du genre à s'ouvrir vraiment aux autres mais aussi parce que, bêtement, je faisais un peu la même chose.
- Ca doit être compliqué de ne pas pouvoir t'exprimer librement..
Mon verre arrive et je remercie le serveur. Je prend une gorgée et penche la tête. Qu'est ce que ça me faisait d'être célibataire ? Je ne sais pas trop. Ca ne me faisait... pas plaisir. Après avoir passer autant de temps avec une personne, j'ai longtemps eu du mal à me voir avec les autres. Ou avec moi seul, d'ailleurs.
- Je dois t'avouer que c'est un peu.. déroutant ? Il y a quelques mois, je ne me serais pas dit que je me retrouverais seul. Je n'ai pas vraiment ça. Parce que ça m'oblige à faire face à moi-même. Et ces derniers temps, j'évite. Je n'ai pas envie de faire de rétrospective sur moi-même.
Et dit comme ça, ça doit être absolument pathétique. Je perd un peu mon sourire mais fini par boire une seconde gorgée. Sûrement pour me donner une contenance. Comment lui expliquer plus facilement. Je réfléchis durant quelques secondes et ajoute.
- En fait, je n'aime pas la solitude. J'ai tellement de question sur les causes de mon divorce. Et quand je suis tout seul, j'y pense. Les questions tournent, se mélangent. Et à la fin, j'ai l'impression d'être... juste un moins que rien. Alors que je ne suis pas forcément responsable à 100%..
Mon regard se perd un peu dans le vide et je lâche un léger soupire. Entre ça et mes enfants que je ne vois pas souvent. Je viens ajouter à nouveau.
Paul à Brisbane, c’était une aubaine. Tu n’avais pas des dizaines et des dizaines d’amis et avoir ton ami dans la même ville que toi était une perspective réjouissante. Vu qu’il était là depuis quelques temps déjà, tu commençais par prendre des nouvelles de son installation et de sa recherche de travail qui apparemment n’avait pas été difficile. « Oui ! Je travaille à l'école de Brisbane. Celle où j'étais gamin. Je dois dire que ça me fait prendre un certain coup de vieux... » Tu laissais échapper un petit rire à ces paroles. Tu n’avais nullement de mal à le comprendre, toi qui travaillais toujours à l’université où tu avais fait tes études. Pourtant, l’envie de partir ne s’était jamais réellement posée. Tes escapades en France étaient des exceptions à la règle mais tu avais toujours été plutôt sédentaire. « On a passé la quarantaine, on est rentré chez les vieux. » Lui dis-tu amusé avant d’ajouter : « J’ai vu la différence avec mes élèves, je commence à rentrer dans les profs ringards. » Tu exagérais un peu parce que même si le regard de tes élèves changeait alors que tu vieillissais, tu étais encore loin d’être ringard mais il y avait des différences. Tu ne les regrettais pas toutes, se faire draguer par ses élèves était quelque chose que tu avais toujours détesté vivre et que tu n’avais jamais vu comme quelques chose de flatteur. En général, un essai suffisait à les dissuader de recommencer. Alors que Paul prenait de tes nouvelles, tu ne pus t’empêcher de lui faire remarquer que c’était toujours compliqué avec ta fratrie. « La situation est devenu plus compliqué avec ton frère et tes soeurs ? Enfin, si tu ne veux pas en parler. Je comprends. Je ne vais pas t'en vouloir. » Tu poussais un léger soupir parce que la vérité c’était que tu avais rarement envie de parler de ta famille. Mais si tu n’en parlais pas à Paul, à qui allais-tu en parler ? « Ca doit être compliqué de ne pas pouvoir t'exprimer librement.. » Cette fois, un rictus s’échappa de tes lèvres et tu secouais la tête. Paul faisait parti des gens qui avaient des familles normales qui s’entendaient bien. Il ne pouvait pas s’imaginer une seule seconde ce qu’était ta famille. « Je ne me suis jamais exprimé librement dans ma famille. Ca fait parti de nos spécificités je suppose. Toute la complexité était de savoir ce qui déclencherait une bombe pour essayer de l’éviter. Ou pas d’ailleurs en fonction des situations. » Il y avait des bombes que tu n’avais pas voulu éviter. Quand Tommy était tombé amoureux d’Alice et inversement, appuyer sur ce qui faisait mal à ton frère était devenu ta manière de survivre. « Les choses ne se sont pas détériorées. Elles se sont même légèrement arrangées mais nous sommes encore loin d’une quelconque entente. » Tu n’étais pas quelqu’un d’optimiste en général et avec ta famille tu aimais penser que tu étais réaliste. Tu changeais de sujet et tu demandais à ton ami ce que cela lui faisait d’être célibataire, lui qui était marié depuis des années. « Je dois t'avouer que c'est un peu.. déroutant ? Il y a quelques mois, je ne me serais pas dit que je me retrouverais seul. Je n'ai pas vraiment ça. Parce que ça m'oblige à faire face à moi-même. Et ces derniers temps, j'évite. Je n'ai pas envie de faire de rétrospective sur moi-même. En fait, je n'aime pas la solitude. J'ai tellement de question sur les causes de mon divorce. Et quand je suis tout seul, j'y pense. Les questions tournent, se mélangent. Et à la fin, j'ai l'impression d'être... juste un moins que rien. Alors que je ne suis pas forcément responsable à 100%.. Enfin, je ne vais pas me morfondre. » Ah les remises en questions … Tu les connaissais mieux que personne. Tu avais l’impression de toujours te remettre en question et c’était épuisant. Tu aimerais faire parti des gens qui pouvaient mettre les choses derrière eux et avancer sans toujours avoir besoin de se demander ce qu’ils auraient pu faire différemment. Tu n’avais jamais réussi de ton côté et le désarroi que tu lisais sur les traits de Paul n’était pas très agréable. « Je sais que c’est facile à dire mais des fois, il faut accepter que l’on n’aurait rien pu faire pour changer les choses. » Commenças-tu à dire avant de prendre une gorgée de ta boisson. « J’ai mis longtemps à accepter que rien de ce que j’aurais pu faire n’aurait empêché Alice de tomber amoureuse de mon frère. Je ne saurai jamais pourquoi exactement elle l’a choisi mais ça n’aurait rien changé. » Tu n’avais jamais plus parlé à Alice une fois qu’elle avait choisi ton frère. Votre dernière conversation n’avait pas été des plus cordiales et elle s’était ensuite envolée pour le Canada où elle avait perdu la vie. Mais elle avait été heureuse, tu l’avais vu sur les photos chez tes parents et c’était le principal non ? « Etre célibataire, se retrouver seul, ça demande un peu d’adaptation. Si t’as besoin de conseils, n’hésite pas à me faire signe. » Lui dis-tu un sourire amusé sur les lèvres. Toi, la solitude, tu ne connaissais que ça alors si ton expérience pouvait aider les autres, c’était déjà ça.
Marius avait raison. Une fois passé la quarantaine, on commençait à se demander où toutes nos années étaient passées. Est-ce qu'on avait vécu suffisamment ? Est-ce que l'on ne regrettait pas quelques trucs ? De mon côté, je n'aimais pas faire de rétrospective sur moi-même. Parce que je ne regrettais rien en soit. Sauf peut-être de faire un peu de mal à mes enfants avec cette histoire de divorce. Rien en soit.
- Toi ? Ringard ? La bonne blague. Dépend du point de vue ! Après tout, qu'est ce qui n'est pas ringard maintenant ? Chez certains adolescents, c'est même devenu un compliment !
Visiblement, la situation familiale de Marius ne s'était pas bien arrangé. C'était dommage. Pour avoir une famille relativement nombreuse, ne pas avoir de bon terme avec eux me ferait de la peine. Enfin, ça sera peut-être le cas au moment où ils connaîtront la réelle raison de mon retour ici. Je ne veux pas l'obliger à parler. Mais lorsqu'il me dit que la liberté de parole n'était pas vraiment de rigueur chez lui, je ne peux empêcher une grimace de venir se poser sur mon visage. Je comprends ce qu'il veut dire.
- Je suis désolé de l'apprendre, Marius.
Il change de sujet et je ne renchérie pas sur celui d'origine. Simplement parce que je ne veux pas que ça soit compliqué pour lui. Que la soirée soit gâché par un sujet qu'il n'aime pas abordé. Alors au final, on parle de moi. Alors je lui explique vraiment ce que je pense. Je ne prends pas de gant. Il y a certaines personnes avec qui j'agis aussi librement que possible. Edge, Marius.. Je n'étais pas trop entouré mais suffisamment tout de même. Mais je l'écoute. C'est vrai que je devrais accepter. Mais bon... Il fait une comparaison avec sa propre vie. Je comprends, oui.
- Mais ce qui me tue.. c'est que.. Avant que ça ne devienne un problème, avant qu'elle n'aille voir ailleurs. Pourquoi elle ne m'a pas parlé ? Je veux dire.. si vraiment le problème venait de moi, en parler aurait peut-être pu arranger les choses. Au lieu de ça ? Elle se tape un de mes amis et c'est encore moi le fautif ?
Un peu d'adaptation. Ah ça oui. Mais pour le moment, je n'étais pas seul. Je retardais l'échéance en étant chez Edge. J'aimais bien sa compagnie. On se donnait quand même beaucoup d'espace. Mais rien que savoir qu'il allait rentrer ou qu'il était là. Bah.. Je me sentais mieux que lorsque j'étais dans un petit appartement.
- Un peu, oui. Ça fait longtemps que je ne me suis pas retrouvé seul. Quand elle n'était pas là, mes enfants l'étaient. En fait, c'est le manque de vie dans un endroit que je n'aime pas. Et.. j'ai un peu l'impression ou peut-être la peur qu'on m'oublie simplement..
Mes enfants ne me voyaient que le week end. Alors même si c'était assez souvent selon certain, j'avais toujours peur qu'un jour, ils ne me reconnaissent pas. Qu'ils appellent ce con papa à ma place. Et ça, ça me bouffe un peu les trippes. Je soupire avec douceur et avale une gorgée de ma boisson.
- On ne va pas se morfondre sur nos problèmes respectifs.
Dis-je finalement pour retrouver un semblant de sourire. Je n'étais pas venu ici pour lui miner le moral en plus de ça. Je viens déjà ajouter.
L’âge n’était pour toi pas un problème. Au contraire même, tu étais persuadé que prendre de l’âge apportait de nombreux avantages. Avec l’âge venaient des regrets toutefois et ça tu t’en serais bien passé. Tu avais accueilli la quarantaine avec sérénité et tu invitais Paul à en faire de même malgré le fait que tu ne pouvais nier voir un changement dans les regards qui se posaient sur toi, notamment de la part de tes élèves. « Toi ? Ringard ? La bonne blague. Dépend du point de vue ! Après tout, qu'est ce qui n'est pas ringard maintenant ? Chez certains adolescents, c'est même devenu un compliment ! » Un sourire se dessina sur ton visage. Tu exagérais un peu avec le mot ringard, tu ne l’étais pas encore non mais tu t’en approchais. Tu essayais de rester le plus proche possible de tes élèves, de te connecter avec eux mais ce n’était pas toujours évident. Une chose était certaine, l’art était intemporel et intergénérationel, tu n’avait pas de soucis à te faire si vous restiez sur ton sujet favoris. « Je te tiendrai au courant. Une manière de savoir quand tu deviens ringard c’est quand aucun de tes élèves n’essaie de te draguer à la fin du cours. Là j’en prendrai vraiment un coup. » Tu n’avais jamais compris ce qui les poussait à tenter leur chance en début de semestre ou même au cours du semestre mais cela arrivait régulièrement. Tu t’en amusais plus qu’autre chose car c’était eux qui finissaient par être embarrassés plus que toi au final. Et puis ils devraient le savoir que tu n’avais jamais été réceptif à ce genre d’avance. Paul te demanda ensuite sur les choses s’étaient arrangées avec ta famille et même si tu aurais aimé lui dire que oui, ce n’était pas le cas. « Je suis désolé de l'apprendre, Marius. » Tu lui fis un petit signe de la main avant d’ajouter : « Ce n’est pas de ta faute. Ça a toujours été comme ça avec ma famille. » Résigné tu commençais à l’être mais tu continuais quand même tes efforts, sait-on jamais si tu pouvais arriver à créer ne serait-ce qu’une petite connexion, cela te suffirait. Tu détournes la conversation sur Paul et sur la situation qu’il affronte avec son ex-femme. Tu ne pouvais qu’essayer de le comprendre, tu n’étais jamais arrivé dans une relation à l’envie de te marier depuis Alice alors tu n’étais pas certain de pouvoir tout comprendre. « Mais ce qui me tue.. c'est que.. Avant que ça ne devienne un problème, avant qu'elle n'aille voir ailleurs. Pourquoi elle ne m'a pas parlé ? Je veux dire.. si vraiment le problème venait de moi, en parler aurait peut-être pu arranger les choses. Au lieu de ça ? Elle se tape un de mes amis et c'est encore moi le fautif ? » Tu restais persuadé qu’il valait mieux se séparer avant d’en arriver à tromper l’autre. Paul avait raison, elle aurait dû lui en parler mais tu avais vu Alice t’échapper et tu savais que cela n’avait pas été simple pour elle non plus. Il n’y avait pas de solution miracle par contre, elle n’avait pas le droit de faire poser la faute sur Paul. « Ce n’est pas toi le fautif. Si une relation arrive à son terme, ce n’est pas la faute de l’un ou l’autre, la faute est forcément partagée. Peut-être qu’elle cherche à se protéger, à se déculpabiliser en faisant peser la faute sur toi. » Dis-tu en haussant les épaules. Paul se remettait énormément en question, tu pouvais le voir mais il ne fallait pas qu’il tombe trop profondément dans cette spirale. « Ne prend pas tous les coups sans en donner. Elle est d’autant plus fautive que toi car c’est elle qui t’a trompé. Ne lui donne pas la possibilité de te convaincre du contraire. » La laisser remporter toutes les disputes était peut-être plus simple mais ce n’était pas la bonne chose à faire. Curieux, tu demandais à ton ami comment il s’adaptait à sa nouvelle vie de célibataire en colocation avec son cousin. « Un peu, oui. Ça fait longtemps que je ne me suis pas retrouvé seul. Quand elle n'était pas là, mes enfants l'étaient. En fait, c'est le manque de vie dans un endroit que je n'aime pas. Et.. j'ai un peu l'impression ou peut-être la peur qu'on m'oublie simplement. » La peur qu’on l’oublie … Tu aimerais avoir la même peur mais pour toi, tu savais qu’elle ne viendrait certainement pas. Tu n’avais impacté la vie de personne de cette manière et si tu l’avais fait, tu savais que ces personnes préfèreraient t’oublier. « Tes enfants ne pourront jamais t’oublier, même si tu ne les vois que le week-end. Cela ne fonctionne pas comme ça. Ça vous demandera un temps d’adaptation très certainement mais vous allez trouver un autre équilibre. » Tu le leur souhaitais en tout cas parce que Paul avait toujours été un très bon père et ses enfants le savaient, tu n’en doutais pas. « On ne va pas se morfondre sur nos problèmes respectifs. Et toujours pas de couple toi ? » Cette fois, tu retins un petit rire qui, si tu l’avais laissé sortir, aurait sonné jaune. Tu avais toujours été le loup solitaire et cela n’était pas vraiment prêt de changer. « Non, je suis encore seul mais cela ne me dérange pas. Je n’ai jamais cherché à être en couple simplement pour être en couple. J’espère l’être un jour mais quand je serai sûr de mon coup. » Tu n’avais pas envie de te précipiter, de faire les mauvais choix parce que tu te sentais seul. Tu as toujours été un romantique et un rêveur, tu voulais bien faire les choses tout simplement.
Je ne peux m'empêcher de rire quand il me parle de drague à la fin du cours. Je ne peux pas dire que Marius aura ce genre de problème si tôt. Il est grand, beau et bien bâti. Avec l'âge, il n'a fait que s'embellir. De ce fait, je pense que les élèves seront toujours là pour essayer. Mais est-ce que je devrais lui dire ? Bien sûr.
- Crois moi, je doute que tu n'es plus d'élève attiré aux fesses avant une bonne dizaine d'année et encore.
La conversation passe de sa famille à la mienne. Et je parle ouvertement à Marius. Je ne me cache plus même si j'essaye de garder bonne figure. Il y a quelques mois, j'aurai probablement tout fait pour recoller les morceaux. Et ça, jusqu'à ce que je n'apprenne qu'au final, elle trouvait du réconfort ailleurs. De ce que je comprenais et les nombreuses conversations que j'avais pu avoir avec mon ex, elle laissait bien voir que j'étais le problème. Alors, cette question tournait encore et encore jusqu'à m'empêcher de dormir. J'écoute Marius. Il n'a pas tort dans ses propos. Les torts sont partagés. Mais j'aurai aimé pouvoir comprendre mes torts avant que ça ne soit plus du tout réparable.
- C'est plus simple de se dire que l'autre est fautif, je suppose.
Il me parle de coup et je repense à mon dernier coup donné justement. Il n'était pas dirigé vers ma femme, forcément. Mais à l'annonce du divorce dans le tribunal, c'est vers celui qui était censé être mon amis qui s'est prit mon coup de poing. Je sais que Marius ne parle pas de vrai coup mais celui-ci m'avait fait du bien. Je parle beaucoup de ce que je ressens. Marius est d'une oreille attentive, vraiment. Et je lui parle de ma peur d'être oublié, invisible aux yeux de ma propre famille. Parce que c'est si simple si je ne suis pas là.
- Ils sont jeunes. Je pense que ça me fait peur aussi de voir que je me suis fait remplacé d'une facilité déconcertante. Tu as raison.
Je fini par lui sourire avec douceur. Il a raison. Et puis, les quelques week ends que j'ai déjà pu passer avec eux étaient super. C'était un peu difficile au départ de dire au revoir. Mais avec le temps, je suis persuadé que tout ira de mieux en mieux. Je lui demande à son tour si lui et les couples s'étaient réconcilié ou non. Visiblement non vu le pseudo rire que j'ai pu entendre. Je hoche alors la tête et me met simplement à sourire.
- Je te demandais justement si tu avais trouvé quelqu'un qui te donnait envie d'être en couple. L'être pour l'être ne te fera que du mal, de toute manière.
De mon côté, c'était un peu similaire. Avec le divorce de toute manière, je refusait simplement de me retrouver en couple comme ça. Même si j'aime le fait d'être avec quelqu'un. Je ne pense pas que psychologiquement, ce soit une bonne idée. Mais bon... Je lève finalement mon verre avec un sourire.
- Ecoute, on s'en fiche ! Chaque chose en son temps ! Entre nos boulots et nos états d'âmes, autant patienter un peu !
Et puis, ça me permettait quand même de me concentrer sur moi-même. De pouvoir revoir mes amis et prendre ma vie en main là où je l'avais laissé tomber avec le divorce. Sourire aux lèvres, je repose les yeux sur Marius.
- Ce n'est pas comme si la vie s'arrêtait d'un coup, après tout.
Tes élèves et leurs avances, c’était toute une histoire … Cela t’avait mis mal à l’aise il y a quinze ans, cela te mettait toujours mal à l’aise aujourd’hui. Tu te souviens à l’époque de personnes te demandant si tu n’avais pas de fantasmes sur tes élèves, en particulier sur une relation élève/professeur qui respirait l’interdit. Même si tu étais le premier à avouer que tu avais des élèves d’une grande beauté dans tes cours, l’idée d’en avoir une dans ton lit te faisait froid dans le dos. Déjà parce que tu n’étais pas quelqu’un qui amenait facilement une femme dans son lit, les coups d’un soir très peu pour toi et ensuite parce que tu avais toujours eu un sens moral bien trop développé pour ne serait-ce qu’envisager la chose. « Crois moi, je doute que tu n'es plus d'élève attiré aux fesses avant une bonne dizaine d'année et encore. » Secouant la tête, tu ne pus t’empêcher de penser qu’il avait sans doute raison. Enfin tu verras bien. Tu ne savais pas s’il valait mieux ce genre de comportement car au moins les élèves semblaient intéressés ou leur indifférence. « Je verrai bien ce que ça donne, je te tiendrai au courant. » Ce genre de comportement de tes élèves était un désagrément que tu avais du métier mais il n’avait pas assez important pour te dissuader. La conversation se tourna ensuite vers ta famille qui était toujours au beau fixe. Enfin ‘beau’ était un bien grand mot parce que non, il ne faisait pas beau chez les Warren mais la situation semblait aller vers l’amélioration même si elle était minime. Paul te parle ensuite de son ex-femme avec qui son mariage s’est terminé brusquement et de la pire des manières à tes yeux : « C'est plus simple de se dire que l'autre est fautif, je suppose. » Certes mais dans le cas présent c’était un peu le cas. Paul devait avoir ses tords lui aussi mais elle ne pourra jamais lui reprocher de l’avoir trompée et de ne pas avoir voulu que leur mariage fonctionne car elle ne lui avait pas laissé le choix. « Peut-être qu’il faudrait que vous en parliez ? Une fois que tu auras repris pied, que les rancoeurs seront adoucies, tu pourras lui demander pourquoi elle n’a pas daigné et laisser une chance d’arranger les choses. » Cette question semblait ruiner ton ami et peut-être pour rien. Car des fois, il n’y avait pas d’explications et surtout il n’y avait rien à sauver. C’était dur à admettre, c’était dur à encaisser mais c’était vrai. Contrairement à toi, Paul avait eu des enfants et cette nouvelle distance avec eux n’était pas simple. « Ils sont jeunes. Je pense que ça me fait peur aussi de voir que je me suis fait remplacé d'une facilité déconcertante. Tu as raison. » Il ne s’était pas fait remplacé, pas vraiment. Pour avoir eu Moïra avec toi pendant quelques années avant que son père ne revienne, tu savais que les enfants n’oubliaient jamais leurs parents, peu importe qui s’occupait d’eux à l’instant présent. Et Paul restait présent pour eux malgré tout. « Ils ne t’ont pas remplacé. Crois-moi, on sous-estime souvent les enfants, ils sont bien plus intelligents qu’on ne le pense. Ils n’ont pas eu de problèmes avec tous ces changements ? » Lui demandas-tu curieux. Car tu trouvais cela étrange. Même petit, les enfants sont habitués à leur routine et tu ne vois pas comment ils pourraient se faire à tout cela sans encombre. « Je te demandais justement si tu avais trouvé quelqu'un qui te donnait envie d'être en couple. L'être pour l'être ne te fera que du mal, de toute manière. » C’est compliqué, comme toujours quand on parle de ta vie amoureuse qui est presque inexistante. Tu soupires en passant une main dans tes cheveux avant de lui dire : « Il y a quelqu’un qui m’a donné envie de retenter l’expérience mais cette relation est morte dans l’oeuf. C’est … Je sais pas, c’est difficile de se convaincre qu’on mérite l’autre quand elle finit toujours par en choisir un autre. » C’était quelque chose que tu avais du mal à accepter et tu te remettais beaucoup en question à ce sujet ces derniers temps. « Ecoute, on s'en fiche ! Chaque chose en son temps ! Entre nos boulots et nos états d'âmes, autant patienter un peu ! Ce n'est pas comme si la vie s'arrêtait d'un coup, après tout. » Tu lèves ton verre à ces belles paroles avant d’en prendre une gorgée. En effet, la vie ne s’arrête pas et tu sais que ta carrière te portera pour encore de belles années si tu n’arrives pas à trouver une personne qui t’apprécie et te veut dans sa vie. « Tu as tout à fait raison ! » Lui dis-tu en guise de réponse.
Je rigole et me contente de hocher alors la tête avec douceur. J'avais un peu la même chose avec mes élèves mais ça avait plutôt un côté mignon vu leurs jeunes âges. Rien de malsain. Même si j'avais eu un peu de mal à avoir la confiances des parents d'élèves lorsque j'ai commencé. Je ne peux pas leurs en vouloir d'être inquiet. Il y a tellement d'histoire que je ne peux que comprendre et leurs prouver que je ne suis pas une mauvaise personne et que je suis là pour aider.
- J'ai des demandes en mariage une fois par semaine, moi. Mais c'est moins lourd que toi parce que moi.. elles ont quatre ans donc c'est juste mignon.
La famille était un sujet très compliqué. Marius n'avait pas vraiment de chance de ce côté là. Et moi, mis à part ma femme, ma famille allait bien. Mes parents, mes cousins. Non, tout le monde allait plutôt bien. De ce fait, la seule ombre au tableau restait ma femme. Et j'avais l'impression d'y penser constamment. Je suis d'ailleurs persuadé que j'en parle tout le temps et que ça doit sérieusement emmerder les gens. Marius n'avait pas tord, il faudrait en parler. Mais je ne pense pas que je veuille connaître la réponse au final. C'était bizarre. Je suis indécis. Je veux et je ne veux pas. Je ne sais pas vraiment.
- En toute honnêteté.. Je ne suis pas sûr de vouloir vraiment savoir.. Mais.. Je pense que c'est parce que je lui en veux toujours. Quand ça sera passé, je verrais. Tu as raison.
Les changements n'ont pas été tant compliqué pour Denis. Encore un peu jeune et pas forcément capable de comprendre toutes les subtilités. Emma allait bien. Elle s'entendait déjà plutôt bien avec le nouveau compagnon de ma femme. Marc, ça avait été un peu plus compliqué avec lui. J'ai du expliquer plus longtemps à Marc pourquoi je devais m'en aller. Je glisse la main sur ma barbe et ajoutais alors.
- Denis est encore petit. Il prend ça comme des vacances que je passe loin de lui. Je suis content de le voir me sourire quand je viens le chercher.. Emma n'a pas eu trop de problème. Je pense qu'elle a rapidement compris.. Mais je me demande si elle n'a pas vu quelque chose.. Marc a été.. plus affecté. Il m'en voulait beaucoup de ne pas être présent. J'ai mis plus de temps à lui faire comprendre que je préférais rester avec eux que de partir..
Et ça me mine un peu d'un coup. Je fini par baisser les yeux, laissant mon index jouer avec le bord de la tasse. Je pince mes lèvres durant quelques secondes avant de relever la tête vers Marius. J'affiche un faible sourire.
- Maintenant, ça va mieux. Ils ont l'air d'accepter et comme je l'ai appelle pratiquement tout les soirs, ils savent que je suis là. Et puis.. si jamais ils voulaient me voir, j'ai encore le droit de passer les voir même sans les prendre avec moi. Je pense que.. au final, c'est plus compliqué pour moi.. J'ai l'impression.
Je pousse un profond soupire. J'essayais de remonter mon humeur pour ne pas me mettre à fondre en larme comme un enfant. C'est difficile comme situation. Et j'ai parfois un peu de mal à sourire constamment comme je peux le faire en temps normal. Je me concentre un peu sur Marius, sur sa vie sentimentale qui semble être aussi à l'arrêt depuis quelques temps. Je pince mes lèvres à nouveau quand il me réponds. Oui, ça n'annonce rien qui va en soit.
- Même si je devrais adopter moi-même ce conseil.. et que je le fais pas, si une relation n'est pas faite pour durée.. c'est que tu dois être destiné à quelqu'un d'autres.. Que ça prenne dix ans ou dix jours, je suis sûr que tu trouveras quelqu'un qui te fera oublié le reste. Je te le souhaite.
J'essayais finalement de nous remonter le moral. Et je ne peux que décrocher un sourire quand il me dit que j'ai raison et que nos verres sont levés. J'avale une gorgée de mon verre. Mine de rien, ça faisait du bien d'être un peu seul. On tentait simplement de continuer à vivre mais on pouvait au moins se focaliser un peu sur soit. On pouvait régler les problèmes, essayer de retirer le boulet qui nous ralentissait pour avancer.
C’est un peu un running gag que le sujet de tes élèves et des fantasmes qu’ils peuvent avoir sur toi. Tu sais qu’il y a certains professeurs qui en profitent, certains ont déjà dû succomber à des avances qui leur ont été faites mais toi, tu n’as jamais été tenté. Oh tu avais des étudiantes magnifiques, cela ne faisait aucun doute mais ta carrière était bien plus importante que ta libido, même quand l’écart d’âge entre tes élèves et toi était mince. Aujourd’hui, alors que tu pourrais être leur père, tu étais encore moins tenté. Etrangement, cela semblait encore plus intéresser tes élèves par contre. « J'ai des demandes en mariage une fois par semaine, moi. Mais c'est moins lourd que toi parce que moi.. elles ont quatre ans donc c'est juste mignon. » Un grand sourire se dessine sur ton visage alors que tu imagines ces petites filles qui demandent à leur maître de se marier avec elles. En effet, c’était mignon et tout le monde savait que cela n’amènerait à rien. Pour toi, c’était légèrement différent. Ce n’était plus des demandes en mariage que tu avais mais des demandes bien plus physiques. Des fois, tu avais du mal à croire que certaines demoiselles pouvaient trouver ça normal de faire de telles propositions à leur professeur. « J’échange tes demandes en mariage contre mes propositions de nuit torrides quand tu veux ! » Dis-tu à ton ami pour rigoler. Tu doutais que cela l’intéresse plus que toi et si jamais il faisait une crise de la quarantaine et voulait une demoiselle dans la vingtaine, il lui suffisait de traîner dans un bar près de l’université et il ne lui faudrait pas chercher plus d’une heure pour trouver une demoiselle intéressée. Paul te parla de la situation avec sa femme, de tout le ressentis que cela avait entraîné et tu essayais de lui donner les meilleurs conseils possibles, ceux que tu aurais aimé que l’on te donne concernant Alice et Tommy. Parce que maintenant, Alice ne pourra jamais te dire pourquoi elle t’a préféré ton frère. Cela ne change rien au final mais tu t’étais énormément remis en question suite à cela et savoir aurait pu te permettre de mieux tourner la page ou de la tourner tout court si tu étais honnête. « En toute honnêteté.. Je ne suis pas sûr de vouloir vraiment savoir.. Mais.. Je pense que c'est parce que je lui en veux toujours. Quand ça sera passé, je verrais. Tu as raison. » Tu hoches la tête et tu n’ajoutes rien. Cela ne sert à rien de se forcer, de faire cette démarche trop tôt. Il faut que Paul en ait envie et qu’il se sente prêt. Si tout se passe bien, son ex-femme est destinée à vivre encore longtemps, il n’y a pas de raisons qu’il n’ait pas le temps de lui poser ses questions. « Denis est encore petit. Il prend ça comme des vacances que je passe loin de lui. Je suis content de le voir me sourire quand je viens le chercher.. Emma n'a pas eu trop de problème. Je pense qu'elle a rapidement compris.. Mais je me demande si elle n'a pas vu quelque chose.. Marc a été.. plus affecté. Il m'en voulait beaucoup de ne pas être présent. J'ai mis plus de temps à lui faire comprendre que je préférais rester avec eux que de partir. Maintenant, ça va mieux. Ils ont l'air d'accepter et comme je l'ai appelle pratiquement tout les soirs, ils savent que je suis là. Et puis.. si jamais ils voulaient me voir, j'ai encore le droit de passer les voir même sans les prendre avec moi. Je pense que.. au final, c'est plus compliqué pour moi.. J'ai l'impression. » Si tout se passait bien pour ses enfants, c’était déjà un soulagement. Parce que des changements comme ceux-ci, cela marque tout de même. Il aurait sans doute préféré que cela se passe moins bien mais à tes yeux ce n’était pas une mauvaise chose. Tu ne connaissais pas bien les enfants de Paul, tu les avais croisés tout au plus quelques fois. Malgré tout, tu étais sûr qu’ils ne pouvaient pas oublier qui était leur père. « C’est toujours plus dur pour les parents. Si tu es là pour eux, si vous arrivez à leur faire comprendre que ce n’est pas de leur faute, c’est le plus important. » Il ne pouvait malheureusement pas faire grand chose de plus pour l’instant. « Tu les vois un week-end toutes les deux semaines ? Tu voudrais les avoir plus souvent ? » Tu ne savais pas exactement comment s’était passé le divorce de Paul au niveau juridique. Tu connaissais assez de gens qui avaient divorcé désormais pour savoir qu’arriver à s’accorder sur un sujet tel que la garde des enfants n’était pas simple et il semblait y avoir beaucoup de rancoeur dans le couple. Cela vous amena d’ailleurs à parler de ta vie de couple qui n’existait pas bien entendu. « Même si je devrais adopter moi-même ce conseil.. et que je le fais pas, si une relation n'est pas faite pour durée.. c'est que tu dois être destiné à quelqu'un d'autres.. Que ça prenne dix ans ou dix jours, je suis sûr que tu trouveras quelqu'un qui te fera oublié le reste. Je te le souhaite. » Tu l’espérais aussi, au moins pour ne pas finir tes jours seul dans ton loft. Parce que le rêve de fonder une famille s’éloignait de jour en jour et c’était une réalité que tu commençais doucement mais sûrement à accepter. « Je l’espère aussi. On verra de quoi l’avenir sera fait ! » Tu n’étais pas du genre à forcer les choses, arrivera ce qui arrivera.
J'arque un sourcil quand il me parle de nuits torrides. Parce que c'était aussi cru que ça ? Je veux dire. Un élève qui fait des avances à un professeur. Malheureusement, c'est assez souvent. Mais est-ce qu'il avait carrément ce type de proposition ? J'ouvrai la bouche, pointant mon doigt vers son visage, une mine surprise sur le visage.
- Alors déjà.. mes élèves ont 4-5 ans, je finirais en prison. Ensuite, tes élèves te proposent vraiment de but en blanc une nuit torride ? Je garde mes demandes en mariage, du coup !
On parle un peu de moi, de mes enfants. Mais surtout de leurs propre ressentis. Ca semblait aller bien pour eux. Le problème venait sûrement de moi. Mais bon.. Ce n'était sûrement qu'une question de temps. Marius avait raison. Tant qu'ils ne se sentaient pas coupables, c'était l'essentiel.
- Je ne pense pas qu'ils se sentent coupables, non. Ils s’adaptent mieux que moi. C'est ça. A dire vrai, j'aimerai les avoir tout court. Mais.. Je ne sais pas si à l'avenir, même en faisant les démarches, si j'aurai la chance de les avoir ou non.
Après tout, je suis tout seul et même si mon emploi avait l'avantage de pouvoir surveiller mes propres enfants à l'école, ça pouvait gêner. Le système à tendance à privilégier les mères. Non pas que ça soit une mauvaise chose mais dans mon cas.. Eh bien, ça l'est. Si Marius me donnait des conseils, j'essayais aussi de faire la même chose. Même si ni lui ni moi n'allait prendre les conseils de l'autre. Trop têtu ou peut-être pas forcément envie de changer la chose pour le moment. Mais question couple, ni lui ni moi ne semblait avoir un peu de chance. Entre guillemet.
- Tout finira par s'arranger!
Enfin, il avait eu plus de difficulté que moi. J'avais quand même eu quelques années magnifiques et des enfants que j'aimai plus que tout. Alors même si ça s'était terminé par un divorce et une estime de moi-même assez défoncé.. Disons que, ça avait fini par valoir le coup.
Ça m'a fait plaisir de voir Marius ce soir. Même si on se parlait assez souvent avant mon retour à Brisbane, ce n'était pas pareil. On a pu beaucoup discuter, se retrouver un peu. Parle d'autant de chose positif que négatif. Non, ça m'a vraiment fait du bien de le voir. Et je compte bien continuer à l'embêter un peu pour que l'on se voit assez souvent. Nous avions vieillis tout les deux. Mais ça n'avait pas changé grand chose si ce n'est nos physiques respectifs. Et j'espérais aussi que nos problèmes respectifs allaient s’atténuer ou se régler assez rapidement.
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