@Wylda Ashby & Romy ⊹ Paint on a caution wind 'Neath the bleeding sky I called your name There was no one there And in the cold and snow I saw your face

Romy appréhendait cette soirée, comme toutes celles où l'intégralité de sa famille était réunie. Ces moments étaient rares depuis que les enfants Ashby avaient quitté le navire, et pourtant, la petite blonde se satisfaisait de ne pouvoir les compter que sur les doigts d'une main chaque année. Noël, quelques anniversaires ... les occasions se devaient d'être exceptionnelles pour que l'effort de coordination entre tous soit fait. Wylda délaissait la base, Simon grimpait dans un train, maman Ashby sortait le nez de la véranda pour migrer jusque dans le salon ... au fond il n'y avait que Romy et son père qui faisaient toujours partie des présents, des piliers, à ceci près qu'aujourd'hui, la jeune femme n'en avait plus vraiment envie. Elle aurait volontiers préféré passer sa soirée en compagnie de Lonnie, et bien que ces derniers temps la petite blonde passait toutes ses soirées ou presque en compagnie du flic, elle n'aurait troqué ces moments dans leur bulle pour rien ou presque, et surtout pas les tirades dépressives de sa mère et les tentatives de Wylda de se tenir informée des dernières updates familiales ; breaking news, oui, la voisine était décédée et oui, les nouveaux voisins avaient emménagé depuis un bon six mois déjà. "J'ai cramé les lasagnes il faudra commander des pizzas les filles." Les rares moments où Romy supportait sa sœur étaient probablement ceux que la blondinette et son aînée passaient avec leur mère. Dans la cuisine familiale, se débarrassant l'une et l'autre de leurs affaires alors qu'elles venaient tout juste d'arriver dans une coordination presque parfaite, les deux jeunes femmes se firent abandonner par la matriarche qui les avait à peine saluées d'une vague étreinte. "Ouais ... évidemment. On va commander des pizzas pour l'anniversaire de papa." que soufflait la blonde en rassemblant ses cheveux dans une sorte de chignon mal défini ; un geste qui trahissait son agacement et sa nervosité. "Je crois qu'on va devoir se retrousser les manches et cuisiner un truc. Ou téléphoner au traiteur du bout de la rue le temps que papa revienne de la gare, il devait aller chercher Simon." Romy s'adressait à Wylda sans la regarder, sans savoir non plus si cette dernière était au courant de l'emploi du temps de son père puisque ce dernier se gardait bien de lui parler de sa fille aînée sans que sa cadette ne devienne une boule de nerfs. Cela faisait quelques mois que la jeune femme ne se cachait plus face à cette montagne de ressentis qu'elle gardait en réserve face à cet équilibre familial précaire qu'elle s'efforçait à maintenir à bout de bras, et si le premier des Ashby ne se réjouissait pas à l'idée de voir sa fille quitter le navire à son tour, il n'osait pourtant rien dire. "T'en penses quoi ?" et Romy relevait le menton, osant enfin se confronter au regard de sa soeur alors que ses iris bleutés la fixaient, brûlants d'un feu froid qu'elle tachait de maintenir pour ne pas faire demi tour et claquer la porte.  

Spoiler:

  

  

Dire qu’elle n’avait aucune envie de se trouver ici aujourd’hui était faux. Du moins, pas complètement faux. Romy était heureuse de fêter l’anniversaire de son père en compagnie de sa famille, mais la petite blonde redoutait l’atmosphère générale de la soirée organisée pour l’occasion, car bien que la présence de son petit frère l’apaiserait, celle de sa sœur lui effilocherait les nerfs à n’en pas douter. Les relations entre les deux sœurs ne s’étaient pas améliorées au fil des années, bien au contraire. L’absence de Wylda n’avait fait que creuser l’écart, si tant est qu’aujourd’hui ni l’une ni l’autre ne se connaissait vraiment. De vagues messages échangées par moments, quelques étreintes pour les fêtes, les aînées Ashby avaient perdu leur lien déjà fragilisé par leurs différences de caractère, et au-delà de cette réalité déjà bien déprimante s’ajoutait le fait que la militaire avait quitté le navire familial sitôt sa majorité acquise et que sa cadette ne l’avait pas bien pris. Pas bien du tout même. L’anniversaire du paternel partait déjà sur de mauvaises bases, et bien que Romy avait promis d’y mettre du sien, elle n’avait pas accordé de réel coup d’œil à la brune lorsque cette dernière arrivait avec elle dans la cuisine de cette maison qui accueillait autrefois leurs rires d’enfants. Les informant qu’elle avait fait brûler le plat de lasagnes censé faire office de repas pour ce soir, maman Ashby avait disparu sans même s’encombrer d’une étreinte pour ses enfants ; ce n’était pas comme si elle les voyait souvent après tout, hein. Romy avait râlé, ruminant que non, il était hors de question qu’elles commandent des foutues pizzas pour l’anniversaire du seul parent qui ait été là pour eux. Elle n’avait pas la moindre idée de ce que Wylda faisait, fuyant toujours son regard comme pour s’épargner une conversation gênante, mais force était de constater qu’elles devraient finir par converser puisqu’il fallait trouver une alternative au dîner suggéré par leur mère. « Je veux bien cuisiner un truc, mais tu connais mes talents dans le domaine… Je compte sur toi pour me guider. » Romy relevait le menton, appréciant que sa sœur veuille se remonter les manches, et c’était probablement pour cette raison que non, elle ne relèverait pas le fait qu’elle ne sache rien des compétences de son aînée avec une casserole puisque les occasions de la voir à l’œuvre manquaient. « Oui on va faire ça. » Romy hochait la tête, observant la silhouette longiligne de son aînée se mouvoir vers le frigo. Elle ne pouvait s’empêcher de la trouver belle, forte, un brin femme fatale. Romy l’avait toujours trouvée fascinante sans toutefois la jalouser. Elle avait consciente qu’elles étaient différentes. Wylda qui attrapait les regards et elle qui adoucissait les cœurs. « Je vois pas mal de légumes… On peut faire une ratatouille ? » Pourquoi pas. Au moins visuellement ça en jetait. Plus qu’un plat de lasagnes cramé au moins. « Sauf si t’as une autre idée ! ». Oula. Un sourire aux lèvres, la brune tentait une approche qui, à défaut d’être bien assimilée par la jeune femme, avait au moins le mérite d’exister. C’était quoi son problème ce soir ? Non pas qu’elles s’ignorent d’habitude, elles étaient sœurs pas en guerre, mais Wylda avait délaissé son tempérament fonceur pour un plus doux qui intriguait blondinette. « Non va pour la ratatouille. Au moins c’est fa… » la poche de son jean vibrait, et par réflexe Romy avait tout interrompu pour décrocher. C’était son père. Au moins il y avait une chance pour que ce dernier leur donne une idée approximative du temps qu’il mettrait à revenir. « Dis, quand est ce que… » « Romy j’ai pas trop le temps de parler. Simon a fait un malaise en sortant du train, on l’a conduit aux urgences. Ils lui font des examens mais tout va bien ne t’en fais pas. Si Wylda est déjà là, demande lui de venir avec toi, et prends nos papiers d’assurance dans le meuble de l’entrée… » et en vérité Romy n’avait plus rien écouter après le mot « urgences », les mains tremblotantes, elle n’avait même pas eu le temps de brancher le pilote automatique pour se gérer, alors refourguant son portable dans les mains de sa sœur elle s’était empressée de quitter la cuisine pour aller chercher les fameux papiers, priant pour que la brune sache mieux gérer la tempête émotionnelle qu’elle devenait. Elle retenait mal le flot d’émotions qui la feraient se changer en un fontaine si toutefois l’on venait à la bouleverser, mais alors que ses yeux rougissaient et que sa sœur la rejoignait dans la pièce de vie, elle bredouillait quelque chose comme « Je... conduis. Conduis je peux pas. » Car si il y avait bien une personne au monde à relier encore les deux jeunes femmes, c’était bel et bien leur petit frère.

Clairement, Romy avait bien mieux à faire que de supporter ce dîner, et si ce n’était pour accompagner son père vers cette nouvelle année, la petite blonde aurait volontiers laissé le carnage assuré l’épargner ce soir, car une soirée passée en compagnie de sa mère et de sa sœur relevait assurément d’une mort lente et douloureuse. Ou quelque chose de ce genre-là. L’arrivée des aînées dans la maison familiale s’était d’ailleurs faite de façon … inattendue, car ce n’était pas les crépitements d’aliments dans les poêles qui les accueillaient pour dîner mais une odeur de brûlé et la voix de leur génitrice qui annonçait que commander des pizzas se profilait comme étant une alternative satisfaisante au plat de lasagnes carbonisé. Ben voyons. Sur ce point, Wylda et Romy s’accordaient au moins : il était hors de question que leur père, le seul à tenir les cordages de cette famille, ne se retrouve à mettre ses bougies sur une quatre fromages de chez Domino’s, et alors que la militaire proposait une ratatouille, sa cadette acceptait, surprise mais ravie de la voir investie dans ce sauvetage minute. Si elle n’avait pas été interrompue par la sonnerie de son téléphone, il y avait fort à parier que Romy aurait entamé le dialogue (ou un peu, du moins) mais ce qui lui était apparue comme la pire des nouvelles l’avait frappée de plein fouet, et c’est complètement paniquée qu’elle obéissait aux injonctions de son père qui n’avait pas misée sur la Ashby la plus froide pour mener à bien le rapatriement des papiers de santé. Simon, son petit frère, leur petit frère. Il était à l’origine de la dissolution de leur famille mais en était en même temps la composante que tous voulaient couver, protéger à outrance. « Ma voiture est garée devant. » Maladroitement, Romy avait refourgué son téléphone dans les mains de sa sœur, lui assurant ne pas être en capacité de prendre le volant alors même qu’elle ne lui disait rien sur la raison de son état. La brune avait pourtant été la plus réfléchie des deux et s’était activée sans leur faire perdre de temps. Courant presque jusque dans l’habitacle, les deux sœurs firent au plus vite, et l’aînée se fendit d’une remarque très pertinente : « Bon tu veux bien me dire ce qui se passe ? Que je sache au moins où aller. » Tout juste. Les doigts massacrant la lanière de son sac à main, Romy avait relevé un regard paniqué à Wylda, à pas grand-chose d’exploser si on la chamboulait trop. « A l’hôpital. Simon va pas bien. Enfin si il va bien. Mais ça c’est papa qui le dit. Il serait pas à l’hôpital s’il allait bien. » Moulin à paroles et stressée bien plus que de raison, elle était heureuse d’être en compagnie de sa sœur pour ne pas avoir à conduire, et quelque part … soulagée qu’elle soit là. Le cœur revient toujours vers la famille, quelle que soit la distance qui les séparait. « J’ai même pas prévenu Maman qu’on partait. En même temps elle doit s’en moquer. » Un rire sans joie la secouait alors que son regard glissait vers l’extérieur, accrochant aux maisons, aux visages des passants, n’importe quoi qui puisse lui changer les idées. « Parle-moi, je me fais des films, et j’ai … je vais pas aller bien jusqu’à ce que je le vois. » Boule de nerfs, Romy avait déjà arraché le coin en plastique de la pochette, se demandant au passage si cette dernière pouvait contenir ses assauts jusqu’à ce qu’elles arrivent. « Tu restes ici longtemps ? » Peut-être pas le bon sujet pour commencer, mais quitte à parler de tout et de rien … autant débuter par une information qui avait du sens.

Jamais Romy n’aurait songé que ce serait Wylda qui sauverait les meubles de cette catastrophe à venir en proposant de cuisiner une ratatouille express pour l’anniversaire de leur père. Ce n’était pas le plat qu’il préférait (du moins pas à sa connaissance) mais avec les moyens du bord les gamines Ashby auraient préparé quelque chose de moins impersonnel qu’une pizza pour fêter le passage chez les sexagénaires de leur parent le plus proche, et ça avait quelque chose qui aurait presque pu sonner comme réjouissant si un appel n’était pas venu tout chambouler. Boule de nerfs, Romy n’avait pas su répondre à son père lorsqu’il lui avait annoncé que Simon se trouvait mal. Elle n’avait pas non plus su répondre à Wylda lorsque cette dernière lui expliquait qu’elle avait besoin de plus d’informations pour réagir, c’était elle qui avait la tête la plus froide des deux. Elle la grande sœur, la solide, la dure à cuir. La petite blonde avait toujours envié ce trait de caractère chez sa sœur, surtout dans des moments comme celui-ci. Dans la voiture elle peinait à retrouver son calme, à dompter les soubresauts de son cœur qui allait à vive allure et semblait prêt à sortir de sa poitrine à tout moment. Simon était à l’hôpital. Simon leur petit frère, la seule et unique personne à les rassembler toutes les deux. Il était la cause de l’implosion familiale, malgré lui, et paradoxalement celui que tous aimaient plus que quiconque dans cet ensemble familial un brin trop précaire. Y compris leur mère. « Merde… Il t’a rien dit de plus ? » Non. Secouant le menton, Romy regardait par la fenêtre les paysages filer sous ses yeux, comme si cela pouvait la calmer. C’était peine perdue. « Bah t’en fais pas, elle aura sans doute un sms de Papa. » La militaire venait de s’arrêter au feu rouge, soupirant, comme si tout cela lui était compliqué également. « J’espère. » Elle espérait surtout qu’une réaction naîtrait chez leur génitrice, mais pour cela mieux valait allumer un cierge à la chapelle. Cette dernière n’avait pas manifesté le moindre intérêt pour ses enfants depuis près de vingt ans, cela ne risquait pas de changer aujourd’hui. Pour s’épargner de se ronger les sangs sur tout le long du trajet, Romy avait demandé à la brune de la distraire, de lui parler. Elle ne s’attendait pas vraiment à ce qu’elle ne lâche une bombe lorsqu’elle commençait : « Je comptais en parler à table, mais puisque tu poses la question… » après que sa cadette ne lui demande combien de temps elle comptait rester à Brisbane. Ohoh. Wylda n’hésitait pas. Jamais. Romy tournait alors le menton vers sa sœur, les sourcils froncés. Elle déménageait à l’autre bout de la planète et ils ne la verraient plus ? Mars ? Tombouctou ? Le Mexique ? « J’ai demandé à être mutée ici. ». Ici, ici dans quel pays ici ? Ici … « Ici ? » qu’elle répétait alors, comme soufflée. Heureusement pour elles deux, ce n’était pas Romy qui conduisait, car de toutes les nouvelles, celle-ci était sans doute la dernière à laquelle elle s’attendait. « Donc oui je reste ici longtemps. ». On ne pouvait pas retirer à Wylda le fait qu’elle avait réussi avec brio à changer les idées de sa sœur cadette ; sœur cadette qui ne savait d’ailleurs toujours pas comment réagir à cette annonce. « Attends, toi ? Toi tu as demandé à revenir ici ? Je te rappelle que t’évites de passer autant que possible ? Que t’as voulu aller vivre ta meilleure vie ailleurs en te tirant à l’école militaire ? » La rancœur était toujours présente, et si Romy avait fini par passer l’éponge au fil des années, ce n’était pas pour autant qu’elle avait oublié le comportement fantomatique de son aînée dans leurs vies, dans ce cadre familial qu’elle avait tenu à bout de bras pendant des années.

Simon allait mal. Cette phrase tournait en boucle dans son esprit depuis de longues minutes déjà. L'information l'empêchait de réfléchir correctement, de se gérer, de bouger. Romy était pétrifiée à l'idée que quelque chose puisse mal aller avec ce frère qu'elle aimait tant, que son cœur puisse de nouveau poser problème. Wylda était la seule à garder son sang froid dans cette voiture, et quelque part, c'était sans doute la première fois que la petite blonde se satisfaisait de la savoir aussi différente d'elle. Wylda l'intrépide, l'aventurière, celle qui ne se laissait pas chambouler par ses émotions. Pas comme elle. De par ce tempérament mesuré, la militaire avait toujours fait la fierté de leur père, de leur frère aussi, mais était bien trop éloignée pour le voir alors que sa cadette se contentait de la maudire, et parfois la jalouser. Tant qu'elle n'était pas dans les parages, les nerfs de sa petite sœur étaient relativement stables, mais alors qu'une discussion se lançait pour palier au cataclysme engendré par le manque d'informations fournies par l'hôpital, Romy ne s'attendait pas le moins du monde à subir la seconde information de type "bombe atomique" de la soirée. Wylda. Revenait. A. Brisbane. Aucun des mots de cette phrase ne semblait vouloir s'incrémenter dans l'esprit de la blondinette qui fixait son aînée sans que cette dernière ne lui accorde le moindre regard. « Oui c’est moi qui ait demandé à venir ici, je sais que ça peut sembler surprenant. ». Surprenant ? SURPRENANT ? Un rire sans joie lui échappait. Elle ne savait pas quoi répondre à cela. Y avait il seulement quelque chose à dire ? « J’ai eu besoin de renouer avec tout ça, la famille, Brisbane. ». De mieux en mieux. "T'as eu besoin de renouer. Tu te fous de moi ? Tu vas me faire croire que t'as quitté ta caserne et tes coéquipiers parce que t'étais nostalgique ?" Sa langue était acerbe, ne lui ressemblait pas. C'était un flot d'émotions contradictoires qui parlait à sa place, et Romy sentait l'énervement pointer de la même façon que la détresse laissée par cette soirée riche en rebondissements. Ce soir tout était bancal, tout partait en sucette sans qu'elle ne comprenne pourquoi l'univers lui jouait cette blague. « Je regrette mon absence parce que vous en avez souffert, je le sais, mais j’y arrivais plus et j’avais besoin de penser à moi. ». De mieux en mieux. Elle regrettait, était consciente que tous avaient soufferts. La réalité était peut être un brin plus dramatique, mais à quoi bon enfoncer les portes ouvertes et rouvrir de vieilles plaies ? « C’était égoïste, je le sais, mais c’est comme ça, et j’en suis désolée… » Égoïste était le bon terme, et Romy ne pouvait que l'approuver bien que les mots ne sortaient pas d'entre ses lèvres. Laissant filer quelques secondes de silence -le temps d'encaisser- elle répondait finalement : "Wylda. Dis moi pourquoi t'es là ? C'est quoi que tu veux ? Rattraper le temps perdu ? Spoiler alert, c'est pas possible." Pour tout un tas de raisons évidentes, à commencer par le fait qu'elle avait changé. Qu'elles avaient sûrement changé toutes les deux, d'ailleurs. "C'est quoi que tu veux exactement ? Tu te pointes la bouche en coeur et on recommence à zéro ? Tu voulais le dire ce soir pendant l'anniversaire de papa pour imposer ton grand retour triomphant à la maison ?" Un peu comme l'enfant prodigue revenue parmi les siens après des années d'errance ? Ce n'était pas juste, et égoïstement, Romy estimait que Wylda ne méritait pas ce spotlight que son père et son frère approuveraient. Ce n'était pas juste.

« Oui, ça fait partie des raisons qui m’ont poussé à revenir. » Wylda revenait. Pour de bon. Romy avait beau se répéter les mots prononcés par sa sœur, elle n'en demeurait pas moins incapable de les intégrer. Pas pour le moment du moins. Ce retour était incohérent, et surtout ce n'était pas juste. La brune s'était tirée depuis des années sans véritablement émettre le moindre regret à ce sujet. Et maintenant ? Pourquoi maintenant d'ailleurs ? « Non je ne suis pas naïve. Je sais bien qu’on effacera pas le passé et c’est pas mon objectif. » lui assurait-elle toutefois, ne récoltant pas grand chose de sa cadette si ce n'est une main qu'elle se passait sur le visage pour tenter de se redonner contenance. Cette soirée était bien trop riche en émotions, et si Romy n'avait pensé qu'à Simon jusque là, Wylda était désormais en tête de liste de ses préoccupations immédiates. Elle avait au moins réussi à songer à autre chose ... mais peut être pas pour le mieux. Il ne fallait pas se méprendre, la militaire comptait pour sa cadette. Elle était son sang, et avait été son principal soutien durant leur enfance lorsque leur mère les délaissait et que leur père travaillait. Aujourd'hui pourtant, c'était un monde qu'il y avait entre elles deux, et la petite blonde avait souffert de l'absence de son aînée. Bien trop pour intégrer son retour en la félicitant d'une étreinte. Ces dernières années elle avait été la seule à servir de lien pour toute la famille. Totalement seule, là où Wylda ne revenait aux fêtes de famille que comme l'enfant prodigue qui daignait faire acte de présence. A ses yeux du moins. « Je veux pas recommencer à zéro, je sais que c’est impossible. Je veux reprendre les choses comme je les ai laissés, et faire en sorte que le futur ne soit pas aussi pourri que ce que j’ai pu faire, c’est tout. ». Ouvrant la bouche pour répondre, Romy se ravisait pourtant aussitôt. Elle était dans le conflit alors que Wylda tentait d'arrondir les angles. La rancœur parlait à sa place, et parlerait encore si jamais elle répondait. Après quelques secondes de silence, elle soufflait alors : "On en reparlera. Je sais pas quoi en penser." de la façon la plus transparente qui soit. Au moins elle ne dirait rien qu'elle pourrait regretter plus tard ... et c'était déjà un exploit. Cette discussion était la première pleine de sens qu'elles avaient depuis des lustres, mieux valait ne rien gâcher. Impulsive par nature, Romy était loin d'avoir le sang froid dont faisait preuve sa sœur. Il faudrait pourtant qu'elle gagne en assurance dans les secondes à venir, puisque cette dernière s'engageait sur le parking du Saint Vincent. « On va arriver à l’hôpital, tu sais où ils sont exactement ? » lui demanda-t-elle en se garant rapidement. Sortant son téléphone de sa poche, la petite blonde tremblait encore, mais beaucoup moins que lors de l'annonce de son père quelques minutes plus tôt. "J'appelle. On va vers les admissions, viens." Pressant le pas, courant presque, Romy entraînait Wylda vers l'entrée des urgences. Pour l'heure il était question de Simon, mais nul doute que dans les temps à venir elles reparleraient de ce retour pour le moins inattendu.

-sujet terminé-