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 Who will fix me now? Dive in when I'm down? Save me from myself. Don't let me drown ▬ Alfie

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Message(#)Who will fix me now? Dive in when I'm down? Save me from myself. Don't let me drown ▬ Alfie EmptySam 16 Nov 2019 - 22:58


Who will fix me now ? Dive in when I'm down ?
Save me from myself. Don't let me drown.
EXORDIUM.
Satané mois de Novembre. Elle avait toujours maudit ce mois, du moins elle ne l'avait jamais réellement appréciée durant son enfance, et elle avait finit par le haïr complètement à partir de l'année 2011. Et si à Londres, elle pouvait au moins accorder son moral au temps affreux, et prétexter comme tous, la pluie, le froid et les journées plus courtes pour expliquer l'absence de sourire sur son visage et sa nostalgie grandissante. Cette fois à Brisbane, elle maudissait le soleil qui brillait trop et qui l'empêchait de se trouver un prétexte pour expliquer qu'elle n'avait pas le moral. C'était quand même bien plus aisé de parler du mauvais temps que de son accouchement, de l'abandon de son enfant, de sa fuite ou encore du suicide de sa mère. Le mauvais temps était clairement une excuse qui se voulait passe-partout, et qui lui évitait d'avoir à fondre en larmes devant des inconnus. Mais ici à Brisbane, le soleil brillait trop, la chaleur réchauffait les cœurs et les corps et Alex ne pouvait définitivement pas prétexter une petite dépression pré-hivernal. Et pourtant, elle maudissait toujours autant le mois de Novembre, soleil ou pas, elle allait devoir surmonter tout ce que ce mois avait de pire à lui remémorer comme souvenirs. Et c'était d'autant plus frustrant pour elle, que pour une fois, et ce depuis longtemps, sa vie semblait aller dans une direction positive. Du moins sa relation avec Caleb semblait allait relativement bien, et c'était bien au delà de ce qu'elle aurait pu espérer. Et comme les choses allaient bien entre eux, elle ne voulait pas lui montrer qu'elle n'allait pas si bien que ça. Elle aurait pu -du- se confier à lui, se tourner vers lui parce qu'il savait la rassurer et l'apaiser, mais elle ne pouvait pas. Rectification, elle ne voulait pas. Parce qu'elle ne voulait pas partager avec lui ce qui la mettait dans cet état, elle ne pouvait pas lui parler de ses ressentis sans risquer de le blesser ou de raviver des douleurs pas encore totalement guéries (dont elle n'était même pas sûre qu'elles puissent guérir un jour). Parce que c'était le mois d'anniversaire de ce fils qu'à cause d'elle, il n'aurait jamais l'opportunité de connaître, parce que c'était en partie les souvenirs liés à cette épreuve qu'elle devait apprendre à gérer, et elle ne pouvait pas l'envahir avec ses ressentis sur ce sujet. Elle ne voulait pas que ce mois de Novembre devienne aussi compliqué pour lui qu'il ne l'était pour elle. Alors, elle ne lui disait rien de ces sentiments qu'elle ressentait, comme elle ne lui parlait pas de sa manière bien à elle, qu'elle avait de résoudre ses soucis. Elle ne lui disait pas tout, préférant se concentrer sur le réconfort qu'elle ressentait le soir, quand enfin elle pouvait se blottir contre lui, parce que si la chaleur des rayons du soleil n'avait aucun effet sur elle, la chaleur du corps de Caleb avait le pouvoir de l'apaiser et elle ne voulait surtout pas refroidir leur relation en risquant d'évoquer cet enfant dont ils ne parlaient pas. Alors à défaut de la chaleur de Caleb, ou du soleil, elle trouvait du réconfort dans une autre source de chaleur, celle qui chauffait ses joues, lui brûlait la gorge et lui réchauffait l’intérieur. L'alcool.  Parce qu'elle était une alcoolique, elle ne pouvait plus se mentir à elle même, et pourtant elle réussissait encore à mentir au reste du monde. Un exploit dont elle ne pouvait même pas être fière. Et si l'alcool était un problème dans sa vie, il restait aussi une solution quand tout devenait trop douloureux, trop sombre. L'alcool comme refuge, un bar comme abri, et des inconnus comme seuls témoins de la descente bien trop rapide de l'Anglaise. Ce soir, elle ne buvait pas pour calmer la dépendance. Elle buvait pour oublier. Oublier que ce mois de Novembre était trop craignos pour elle, et qu'elle n'avait personne à qui confier tout ce qu'elle traversait. Elle était toute seule dans ce bar, avec son verre d'alcool, à maudire le mois de Novembre, parce que c'était finalement plus simple de maudire ce fameux mois, que de se maudire elle même pour les choix qu'elle avait fait durant ce fameux mois.

Et toute seule dans ce bar, elle regardait autour d'elle, les gens rire, échanger, sourire, vivre. Ça puait la joie partout autour d'elle, à croire qu'il n'y avait qu'elle qui était là pour noyer son chagrin. Mais le pire, restait à venir et elle ne s'y attendait même pas. Pas préparée à être la témoin d'une partie de beer-pong à quelques mètres d'elle, d'une bande d'amies visiblement en pleine festivité, sûrement un enterrement de vie de jeune fille à en croire les affriolantes dégaines de ces femmes. C'était soit ça, ou alors Alex était déjà bien bourrée et c'était son esprit qui créait tout ça. Et à défaut de compagnie, elle avait arrêté de plonger son regard dans le vide de son verre et elle avait regardé ces filles se lancer dans cette partie de beer-pong. Le niveau globale était affligeant, et Alex, dans toute sa vie, n'avait connu qu'une seule personne capable d'être aussi mauvaise sans le faire exprès. Une seule personne et cette personne était morte. Et voilà, comment d'une soirée déjà pourrie, Alex pouvait réussir à la rendre encore pire. Et comment d'une pauvre partie d'un jeu d'alcool aussi basique que celui ci, elle en était arrivée à avoir le visage de Rachel gravé dans la tête ? Les souvenirs de son amie, de son niveau calamiteux. Alex était pendant longtemps persuadée qu'elle le faisait exprès, mais il s'était avérée qu'elle était juste nulle. Nulle au point qu'Alex avait décrété lors d'une soirée trop arrosée que Rachel aurait, à vie, le titre de plus mauvaise joueuse de beer-pong au monde. Sauf que ce soir dans ce bar, l'une des filles semblait vouloir détrôner Rachel de ce titre pourtant décerner à vie. Mais puisque Rachel était morte, le titre était de nouveau remit en jeu non ? Est-ce qu'elle pouvait le garder quand même ? Est-ce la mort pouvait lui retirer ce titre ? Les pensées de l'Anglaise avaient déjà perdu un peu en cohérence, mais peu à peu, elle avait cessé de regarder ces filles, elle avait cessé de les observer parce qu'elle avait fini par les haïr, elles et leurs sourires. Elles et leur partie de beer-pong, elles et leur enterrement qui se déroulait dans les rires. Elle haïssait ces filles, et surtout cette fille si nulle qui venait de remplacer Rachel, dans l'esprit de l'Anglaise, au rang de plus mauvaise joueuse. Et elle ne voulait pas que quiconque puisse un jour remplacer Rachel, même pour un truc aussi banal et pathétique qu'un titre donné sans aucune légitimité, lors d'une soirée ou tout le monde avait un peu trop bu. Et comme si le mois de Novembre n'était pas assez riche en souvenirs douloureux, Rachel venait de s'immiscer dans les pensées d'Alex, et elle était désormais incapable de penser à autre chose qu'à son amie décédée, qui ne pourrait jamais tenter de défendre son titre dûment acquis après des dizaines de parties ou Alex avait donné de sa personne acceptant toujours, de faire équipe avec elle malgré tout. Et c'était des souvenirs, sourires, des soirées passées avec elle, des moments de rires mais aussi de larmes qu'elle devait gérer alors que sa capacité à gérer ses émotions semblait en berne ces derniers temps. Et, elle finissait par avoir un constat glaçant. Elle lui manquait terriblement. Les années avaient passé, elle avait quand même passé huit ans de sa vie loin d'elle. Et pourtant, Rachel lui manquait, sa présence lui manquait, sa bienveillance lui manquait, sa joie de vivre lui manquait, son soutien lui manquait. Elle avait passé huit ans à vivre sans elle et pourtant elle ressentait un vide dans sa vie dès qu'elle pensait à elle. Alex plongeait son regard dans son verre comme si l'alcool allait pouvoir l'aider à se sentir mieux. C'était insensé, tout était hautement insensé finalement, ou c'était l'alcool qui rendait tout absurde? Alex laissait ses pensées vagabonder, lui apportant quelques sourires mais aussi beaucoup de regrets et un lourd sentiment d'injustice. Une sensation que la vie était parfois bien trop cruelle avec elle. Et elle finissait par penser à la mort, un élément malheureusement indissociable de Rachel. Sa mort, était tellement injuste, elle ne méritait pas de mourir si jeune, elle ne méritait pas. Pas elle. Et certains seraient tenté d'ajouter que personne ne méritait de mourir si jeune, mais Alex n'aurait pas été de cet avis. Et c'était pas tant que certains le méritaient mais plutôt qu'ils le cherchaient, et Rachel n'avait jamais rien fait pour défier la mort. Elle ne s'était jamais droguée, elle avait consommé moins d'alcool dans toute sa vie, qu'Alex avait pu le faire au cour de cette dernière année (selon les calculs très approximatifs de l'Anglaise, après son troisième ou quatrième verre de vodka, au fond personne ne tenait les comptes), elle avait arrêté de fumer, c'était Stephen qui l'avait confirmé. Rachel prenait soin d'elle, elle prenait soin des autres, ne fuyant pas ses responsabilités, elle était quelqu'un de bien et pourtant elle était morte. Tout simplement morte et si ça faisait déjà plus de dix mois qu'Alex avait apprit la nouvelle, elle restait encore parfois bien incapable d'accepter cette vérité, de composer avec sans se laisser envahir par la colère et la tristesse. D'autant plus maintenant, que Stephen avait décidé de s'enfuir. Il avait fuit laissant Alex en proie aux doutes, incapable de gérer les émotions qui la submergeaient quand elle repensait à Rachel, des moments comme celui qu'elle traversait aujourd'hui. Et, elle voulait juste boire un peu, boire un peu pour endormir ses sentiments, et ne plus ressentir ce manque, ce sentiment de colère et d'injustice. Cette culpabilité aussi. Elle avait le visage de Rachel à l'esprit mais Stephen n'était plus là, elle était seule avec ses souvenirs, et elle n'arrivait plus à penser à Rachel sans se laisser dévorer par tout ses sentiments négatifs, elle n'avait plus personne avec qui partager ses souvenirs. Personne avec qui sourire en repensant à Rachel, sans que son esprit en arrive à la conclusion qu'elle avait été une amie horrible. Alors, elle voulait juste boire un peu (plus encore, toujours plus) pour modifier la perception qu'elle pouvait avoir des événements, juste un tout petit peu. Oublier qu'elle avait apprit que Rachel était morte, oublier ce 'détail' pour l'imaginer vivant sa vie, heureuse comme elle l'aurait mérité. Oublier qu'un jour Stephen était entré dans ce bar, pour lui annoncer que son amie était morte et continuer à la penser vivante quelque part à l'autre bout du globe. Elle avait vécu huit ans sans Rachel dans sa vie, huit ans sans prendre des nouvelles de cette amie alors ce qu'elle cherchait en avalant ce verre posé devant elle, c'était juste à oublier la cruelle vérité, oublier qu'elle était quelque part sous terre, oublier tout ça. Et tout le reste aussi. Ce n'était pas dur, il fallait juste aider un peu son cerveau à s'adapter et l'alcool l'aidait à modeler la vérité pour qu'elle devienne moins cruelle, plus supportable. Stephen n'était plus là, le défunt mari était parti, alors il ne restait rien pour prouver à l'Anglaise que Rachel n'était plus parmi eux. Il ne restait plus personne pour témoigner du manque qu'elle avait laissé en mourant. Et comme si ce mois de Novembre n'était pas assez glauque, assez riche en souvenirs, Rachel s'était incrustée au milieu de ce bordel amenant avec elle d'autres souvenirs qui se mélangeaient entre eux, trouvant un point d'ancrage lors de ce fameux jour ou Alex avait vu sa vie basculer, ou elle s'était écroulée et ou les bras de Rachel l'avaient soutenu. C'était le point de départ de tout, ce qui avait fait d'elle une mauvaise personne, une mauvaise femme, une mauvaise petite-amie, une mauvaise amie. C'était ce jour là que sa vie avait commencé à dérailler, et elle pouvait refaire le fil de sa vie, l'issue restait toujours la même. Elle avait abandonné tout le monde, elle avait fait souffrir tout le monde et Rachel était morte sans qu'Alex n'ait été là pour la soutenir. Et un nouveau verre était vidé avec une facilité déconcertante pour une femme de son gabarit. Un nouveau verre qui devait l'apaiser, parce qu'elle y croyait encore à ce miracle. Et à sa gauche, la partie de beer-pong continuait, encore et au vue du niveau des femmes, elle n'était pas prête de se terminer. Et après un énième raté de la néo plus nulle joueuse du monde, elle entendait les remarques moqueuses de ses copines. Les même remarques, qu'Alex et les autres avaient pu faire à Rachel, l'accent British en plus dans le cas d'Alex. Et elle rigolait désormais en se souvenant de ces moments, elle rigolait en se souvenant de Rachel tenant une balle de ping-pong, se préparant à lancer tout en sachant qu'elle ne réussirait même pas à effleurer un verre. Elle rigolait et le moins que l'on puisse dire, c'était que l'alcool faisait effet, enfin. Et les larmes, les douleurs semblaient ne plus être d'actualité, et d'un coup elle voulait partager ce souvenir amusant de Rachel avec quelqu'un, parce qu'elle ne voulait pas être la seule à penser à elle. Elle ne voulait plus être seule, et elle regardait toujours cette fille incroyablement nulle qui semblait être venue exprès pour raviver les souvenirs de l'Anglaise. Et elle la regardait lancer encore une fois la balle et elle riait, il fallait que quelqu'un voit ça, parce que personne ne pourrait la croire si elle venait à dire qu'elle avait rencontré quelqu'un de plus nulle que Rachel. Quelqu'un devait confirmer que cette fille était vraiment plus nulle, c'était désormais la seule idée qu'Alex avait en tête. Que quelqu'un assiste à ce spectacle qu'elle ne pensait jamais voir de son vivant. Alex avait sorti son portable pour trouver un témoin, n'importe qui, et en ouvrant son répertoire, un nom lui était apparu comme étant la personne à contacter. Bon c'était le premier nom de son répertoire, elle n'avait pas eu à aller chercher bien loin, ni à réfléchir d'ailleurs et heureusement, elle n'en était plus réellement capable. Mais s'il était le premier de la liste, il était aussi la personne parfaite. Alfie, le cousin de Rachel, celui qu'elle avait revu quelques jours plus tôt chez Stephen alors qu'il s'apprêtait à partir. Ce gars dont elle connaissait certains secrets sans même avoir à le connaître lui réellement. Ce gars qui comptait pour Rachel, au point de lui en donner des insomnies. Et c'était finalement assez logique pour Alex, si quelqu'un pouvait dire si Rachel restait la joueuse la plus nulle ou si cette fille pouvait rivaliser, c'était bien lui non ? Alors sans hésiter, elle lui avait envoyé un sms, suivis de sa position, parce qu'il devait venir voir ça lui aussi.

« Alfie ! Je suis dans un bar et je te jure, y'a une fille je crois qu'elle est plus nulle que Rachel. Tu dois voir ça !!! Je pensais pas voir ça un jour, mais tu dois me dire si Rachel reste la plus nulle ou si cette fille fait pire !!! »

Alex devait savoir. L'Anglaise avait focalisé son esprit sur cet élément pourtant tellement peu important, mais ça lui permettait de se raccrocher à quelque chose de concret, à quelque chose qui n'était pas douloureux, à un souvenir qu'elle voulait garder et partager pour que Rachel puisse vivre encore, pour toujours. Parce qu'elle ne voulait juste pas accepter qu'elle était partie, pour toujours. Elle n'était pas assez forte pour supporter cette idée et tout ce que ça signifiait. Elle n'était pas assez solide pour faire face à la vérité, et finalement, l'alcool avait eu l'effet escompté. Alex venait de fuir, pas physiquement, mais fuir la réalité trop douloureuse à laquelle elle était confrontée. Sa vie, ses choix, ses erreurs, ses pertes, c'était trop. Et après avoir passé plusieurs verres seule. Oui Alex comptait en verre et non en minutes ou en heures, elle se sentait désormais plus légère, parce qu'elle venait de noyer tout ses problèmes dans l'alcool. Et au milieu de ce liquide aussi nocif que bénéfique, elle avait vu flotter cette bouée, le visage de Rachel souriante, encore vivante. Et, elle voulait s'y accrocher encore et encore parce qu'elle avait besoin d'elle la maintenant. Elle avait terriblement besoin d'elle et elle n'était même pas là. Ses yeux fixaient toujours cette partie interminable qui se déroulait à quelques mètres d'elle, et elle ne savait plus si elle devait rire ou pleurer. Alors, elle ne faisait plus rien, fixant cette fille qui avait juste eu le tord d'être nul. Mais au moins grâce à elle, Alex avait fini par ne plus penser à ses problèmes (ou etait-ce grâce à l'alcool?). Elle avait oublié sa détestation pour le mois de Novembre. Elle avait oublié qu'elle avait accouché d'un enfant une nuit de Novembre 2011, elle avait oublié que sa propre mère s'était suicidée un jour de Novembre 2018. Elle avait oublié tout ce pourquoi elle était venue dans ce bar en premier lieu, et maintenant elle ne pensait plus qu'à Rachel. Pour le meilleur et pour le pire.
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Message(#)Who will fix me now? Dive in when I'm down? Save me from myself. Don't let me drown ▬ Alfie EmptyDim 1 Déc 2019 - 22:39


ALEX & ALFIE ⊹⊹⊹ Who will fix me now? Dive in when I'm down? Save me from myself. Don't let me drown, Who will make me fight? Drag me out alive? Save me from myself, Don't let me drown.

« HEIN ?! » Ça aurait presque pu être un hurlement. Et peut-être que c’en est un, en fin de compte, lorsqu’Alfie apprend de la bouche de Stephen qu’il souhaite le désigner lui, l’irresponsable notoire, sur l’agrément de garde et de responsabilité parentale temporaire d’Anabel alors qu’il ne peut emmener cette dernière avec lui pour ce voyage humanitaire de quelques mois. Alfie enregistre un grand nombre d’informations à la fois ; à tel point que son système moteur freeze et que c’est sa seule réaction durant de longues minutes (dizaines de minutes ?) après la multiplication d’annonces douloureuses de son cousin par alliance. Leah a vécu un accouchement prématuré. Le bébé n’a pas survécu. Leur couple n’a pas tenu. Il est peut-être passé trop rapidement à autre chose. Il a eu une opportunité de voyage humanitaire au Cambodge. Il doit la saisir pour son propre bien et celui d’Anabel. Mais elle ne peut pas venir, et il est hors de question qu’elle soit confiée à ses grands-parents. Alfie est désigné comme le plus à même de s’occuper d’elle. Stephen ne lui force pas la main, mais explique les raisons de son choix face à un Alfie qui ne comprend rien à ce qu’il se passe. Stephen part. Stephen part alors qu’il a plus que jamais besoin de lui, alors que tout son monde semble s’effondrer autour de lui. Le départ de Stephen n’est qu’une nouvelle vague qui vient de s’abattre sur lui et qui fragilise l’ensemble, prêt à s’effondrer à tout moment. Anabel tente de consolider le tout par sa présence, et peut-être que cela marchera – pendant un temps. Alfie met en évidence la longue liste de défauts qui sont les siens, de son impatience à son irresponsabilité, en passant par son impulsivité et son instabilité, sans oublier toutes les difficultés qui sont les siennes depuis quelques semaines ; et ces foutues pertes de mémoire et parfois de connaissances qu’il ne parvient pas à gérer comme il le prétend. Il essaie de retracer le fil de cette soirée, de comprendre ce qui a pu se passer sans jamais y parvenir. Il cherche constamment ses mots, perd le fil de ses réflexions (plus que d’ordinaire), oublie même des détails évidents comme le prénom de sa tortue ou la couleur préférée de Jules. Il navigue entre diverses périodes de latence qui explosent successivement, lui conférant un mal de crâne à en avoir les larmes aux yeux et des excès de rage face à ce cerveau qui le lâche autant que son corps l’a fait. Il tente toujours de réparer celui-ci, et pas uniquement suite à cette agression destructrice ; qui n’a finalement fait que raviver les souvenirs d’une autre agression, qu’il a si profondément enfouie qu’elle lui parait désormais inexistante alors que toutes les problématiques qui impactent désormais sur son quotidien prennent racines dans celle-ci. C’est des choses qu’il commence à reconnaître sans vouloir l’évoquer auprès des autres ; et il y a toutes ces choses qu’il n’évoque pas même auprès de lui-même. Il a ces envies toujours plus présentes, toujours plus insistantes, qui sont parvenues à créer une fissure, très légère, par ce retour à la cigarette. Il se résonne, songe au fait qu’une fissure ne met pas forcément en péril la stabilité de l’édifice, que c’est un passage obligatoire de la vie de toute construction, et que c’est la preuve qu’il fait des efforts pour être parvenu à garder un état aussi optimal durant tant d’années. Mais il sait aussi qu’une première microfissure peut très vite s’allonger, s’aggraver et donner naissance à des dizaines d’autres. Alfie est fissuré, et qu’est-ce qu’il se passera lorsque cela attendra Anabel ? Il ne peut l’envisager ; et il doit refuser. Il n’est pas prêt, il en est pas capable, que ce soit pour six jours ou six mois. Il est foutrement égoïste, surtout. Il est hors de question de prendre Anabel à charge ; il ne sait pas comment la gérer sur le long terme, il ne sait pas comment se gérer sur le long terme, mais plus que tout, il ne veut pas apprendre à le faire. Il ne veut pas que son quotidien soit chamboulé par la présence de la petite fille, il ne désire pas que ce monde tourne tout autour d’elle pour les prochains mois, il veut continuer de s’épanouir comme il l’entend. Mais est-ce que son épanouissement prévaut obligatoirement sur celui des autres ? Dans d’autres circonstances, il en aurait eu l’assurance. Dans ce cas précis, force est de constater que l’épanouissement d’Anabel est bien le seul qui passe avant le sien, au même titre que celui de Jules. Jules, qu’il n’a pas consultée lorsqu’il a promis à Stephen qu’il ferait de son mieux, et qu’il a finalement accédé à sa demande.

« C’est une plaisanterie ? » La réaction de la mère de Rachel ne se fait attendre lorsqu’elle apprend que sa chère petite-fille va vivre chez son parrain plutôt que chez elle et son mari, et très vite Alfie se concentre sur le ton autoritaire, froid et presque menaçant que sa tante utilise, ainsi que les regards noirs que son oncle lui adresse pour confirmer sa bonne décision, même si au fond de lui il n’en est pas aussi convaincu. « C’est pour le mieux. » Qu’il tente de souligner, le ton bienveillant et le consensus forcé, lui qui n’est pas du genre à vouloir arranger tous les partis. « Toi ? Le mieux, pour Anabel ? » Que le père de Rachel intervient finalement, un air outré sur le visage et un regard entendu. « Oui. » Alfie tente de garder son calme, de ne pas donner raison à ses habitudes d’aller au conflit pour mieux exercer son travail ; dans ce cas précis c’est exactement ainsi qu’il échouera sa mission. « Alfred… nous savons bien que tu tiens à Anabel autant que nous, et c’est pour cela qu’il serait préférable que nous puissions revoir les termes de ton arrangement avec Stephen, car… » « Stephen me l’a confiée à moi, pas à vous, c’est ainsi. » Qu’il souligne toutefois en haussant les épaules, avant que son regard ne soit porté sur son oncle dont le visage est crispé. « Anabel n’est pas ton nouveau jouet, Alfred ! Elle n’est pas une de tes énièmes lubies que tu pourras abandonner dès que tu en auras marre ! Rends service à tout le monde et ouvre les yeux : tu n’es pas capable de t’occuper d’elle. » « Ton oncle a raison. On pense à Anabel, mais à toi aussi. C’est une trop grosse responsabilité pour quelqu’un comme toi, tu ne peux… » « Quelqu’un comme moi ? » « Tu sais très bien ce que l’on veut dire. » Alfie se rapproche, son air de connard fier bien ancré sur son visage, et son sourire au coin qui n’attend que ça. « Non, non, je vois pas, non. » Et il sait, que ce n’est pas une bonne idée. D’aller à la provocation, d’entendre ce qu’il ne veut pas entendre, ce qu’il ne peut pas entendre. D’être encore condamné une décennie après les faits, d’accentuer ce sentiment de paria qui l’a amené à cette même condamnation qu’il s’est lui-même infligé. Mais il en a besoin, ne serait-ce que pour confirmer qu’Anabel va être mieux avec lui qu’avec eux, quand bien même ils n’en croient pas un seul mot. « Arrête, Alfred. Que tu veuilles ignorer à quel point tu as fait souffrir tes parents, que tu nous as fait souffrir, c’est ton choix. » « Je l’ignore pas, je-. » « Mais tu ne peux pas ignorer à quel point Rachel a souffert à cause de toi. Et il est hors de question que cela se reproduise avec notre petite-fille. » Alfie maintient le regard de son oncle, déglutit un bref instant et met toute l’énergie qu’il possède pour tenter de garder une contenance alors qu’il affirme  « Anabel vient chez nous, point final. Je sais même pas pourquoi on a cette conversation. » « Parce que nous voulions essayer de te faire entendre raison avant d’aller plus loin. » La menace qui plane au-dessus de sa tête depuis plusieurs jours est enfin explicitement formulée, et c’est un sourire qui nait sur les lèvres d’Alfie alors qu’il croise les bras sur son torse. « Oh, mais vous n’allez pas le faire, ah ça, non. » Qu’il affirme, convaincu, alors qu’au fond, il est autant paniqué qu’eux quant à cette situation, à une différence près : il y voit les intérêts de la petite avant tout le reste, contrairement à ce qu’ils pensent. « Ouais, j’ai mes antécédents. Mais comme le nom l’indique, c’est du passé, et j’ai un avantage sur vous : j’ai pris les devants, j’ai anticipé, je suis coopératif, et j’irai pisser dans un gobelet toutes les semaines, et devant vous si ça vous tient à cœur, j’ai appris par cœur la liste de tous les contacts qui entourent Anabel, son école, son club de foot, son généraliste, sa psychologue, oh et même son orthodontiste, j’ai prévu de rendre compte de tous mes déplacements avec elle, de garder un contact quasiment quotidiens avec les assistants sociaux, et même avec vous. » Il marque une courte pause pour reprendre son souffle, se précipite pour reprendre la parole au moment où son oncle ouvre la bouche. « Ouais, j’ai mon lot d’erreurs, je manque de stabilité, peut-être, mais… dans les faits, c’est plus compliqué à prouver, n’est-ce pas ? J’ai une bonne éducation, je suis en bonne santé, j’ai un boulot stable, un revenu conséquent, un appartement sécurisé, une compagne qui me soutient, je suis intégré et engagé dans la société. » Il laisse échapper un soupir accompagné d’un haussement d’épaules (faussement) blasé. « Et vous... oh, je pourrais simplement évoquer votre âge et trouver des excuses pour justifier que cela soit un frein pour l’épanouissement de votre petite fille. Mais, voyez, je préfère me baser sur des faits concrets. Comme le fait que vous n’avez jamais signé le registre des visites de Rachel lorsqu’elle était à l’hôpital, que jusqu’à ses quatre ans Anabel ne vous avais vu deux fois alors qu’elle avait grandi en partie avec moi, puisque vous l’aviez pratiquement reniée dû au contexte de sa conception. À moins que je me focalise sur la manière dont vous l’avez retirée à son père adoptif en vous donnant le droit de venir la chercher et l’emporter avec vous à la sortie de l’école, ce qui… dans les faits, s’apparentent légèrement à un enlèvement vu que vous n’aviez aucune autorité sur elle. Oh, non, je sais ! Parlons de ce procès intenté contre Stephen, vous savez, celui au milieu duquel une petite fille a dû choisir son camp parce que ses grands-parents n’ont pas su reconnaître que son père ne partageait peut-être pas son sang, mais tenait pourtant parfaitement son rôle. C’est vrai qu’on était dans l’intérêt évident de l’épanouissement de la petite à ce moment-là, hein, de la balloté d’un endroit à l’autre, de lui interdire de voir son père et de lui imposer votre présence alors qu’elle ne vous connaissait pas. C’est si sain, pour le bon développement d’une gamine que de la mettre dans une situation pareille. » Le ton de sa voix se fait plus dur, plus autoritaire, tout comme son regard. Surtout, il en a oublié de respirer, ainsi se permet-il une pause avant de conclure. « Alors, comprenez que les souffrances que j’ai pu infliger à Rachel et celles que je pourrais éventuellement infligé à Anabel me paraissent toutes relatives dans ce contexte. Et qu’il en sera probablement de même pour un juge. » Il n’entend pas leurs réponses qu’il se saisit déjà du sac d’affaires de la petite avec son sourire de connard satisfait greffé sur les lèvres. « Mais je pense à son bien-être, moi. Et vous pourrez la voir autant que c’était le cas avec Stephen. » Il conclut en claquant la porte, toujours aussi paniqué quant à la situation, mais surtout terriblement convaincu d’avoir pris la bonne décision.

« Alfie ! Je suis dans un bar et je te jure, y'a une fille je crois qu'elle est plus nulle que Rachel. Tu dois voir ça !!! Je pensais pas voir ça un jour, mais tu dois me dire si Rachel reste la plus nulle ou si cette fille fait pire !!! » Il pourrait prétendre que le texto d’Alex l’a réveillé, la vérité est qu’Alfie ne dort pas, même s’il a tout fait pour donner cette impression. Il a bercé Anabel dans sa chambre de fortune qui est le salon, s’est glissé dans les draps à une heure raisonnable, et a serré Jules dans ses bras jusqu’à ce que celle-ci s’endorme. Mais ses paupières à lui ne se sont pas fermées, bien au contraire. Il n’a pas tenté, car le moment de s’enfermer dans la pénombre restait le moment de la journée qu’il appréhende le plus ; d’autant plus depuis qu’un inconnu a mis à mal son intégré physique. Alors il n’essaie plus, et fait semblant de sombrer lorsque Jules met plus de temps que d’ordinaire à s’endormir. Il relit le message d’Alex encore et encore et un sourire se dessine sur ses lèvres lorsqu’il lit le prénom de Rachel. Sa cousine lui manque terriblement, et si pendant longtemps il ne s’est pas autorisé à faire ce deuil parce qu’il ne voulait pas reconnaître ce décès, les choses commencent à devenir plus concrètes même s’il persiste dans son déni. Et bientôt, le sourire nostalgique fait place à un sourire triste. Il n’est pas sans savoir qu’Alex est dans le même déni que lui, parce qu’ils n’en parlent pas, ou presque pas, et que lorsqu’ils le font, l’ambiance s’alourdit aussitôt alors qu’ils évoquent leurs souvenirs respectifs de la maman d’Anabel. De la même manière que son humeur n’est plus aussi légère dès qu’il songe à Rachel, et que cela doit probablement être une attitude partagée par Alex. Qui est ce soir dans un bar. Alfie tique finalement ; n’est-elle pas censé être clean ? Rien ne l’empêche d’aller boire un verre si elle ne retombe pas dans ses vieux travers, mais Alex ne lui a pas parlé d’alcool ou tout ce qui s’en rapporte de près ou de loin depuis très longtemps ; et il est bien placé pour savoir à quel point l’évocation des souvenirs de Rachel lui donne envie de les rendre moins douloureux en les faisant passer avec de l’alcool. Alors il se dégage délicatement des bras de Jules, enfile des habits et se glisse dans le salon. Si Jules ne semble plus s’alarmer de ses allers et venues nocturnes, la nouvelle locataire n’y est pas encore habituée. « Alfie ? » La voix d’Anabel l’interrompt dans son élan alors qu’il se saisit de ses clefs et il fait les quelques pas séparant l’entrée de la pièce de vie pour s’agenouiller devant la petite dont la tête finit par émerger de son lit-tipi dressé derrière le canapé. « Je ne voulais pas te réveiller, rendors-toi. » Il ordonne en lui caressant la joue d’un geste furtif et en lui adressant un léger sourire. « Pourquoi moi je dois toujours dormir et les adultes pas ? C’était déjà comme ça avec papa. » Il hausse les épaules et esquisse une moue. « Parce que tu veux me faire croire que t’as jamais réveillé ton papa en sautant sur son lit ? Et Jules, elle dort pas, là, peut-être ? » Il la questionne, quelque peu amusé. « Mais toi tu dors jamais, t’es toujours réveillé. » Alfie rapproche son visage de la petite, histoire de lui murmurer, sur le ton de la confidence : « C’est pour que tu puisses mieux prendre ma place dans le lit et aller dormir avec Jules. » Il justifie, devant l’air ravi d’une Anabel soudainement bien réveillée. « C’est vrai ?! » Alfie colle sa main sur la bouche de sa filleule, lui murmurant un « chut » avant d’ajouter « Oui, mais sois discrète pour ne pas la réveiller, tu me le promets ? » L’enfant secoue vivement la tête en guise de confirmation, alors qu’Alfie lui donne le top départ en se relevant en désignant la porte de la chambre d’un geste de la tête. Il reste planté là, observant une Anabel surveillée qui fait de son mieux pour ne pas faire de bruit et réussit plutôt bien la mission. Lorsqu’elle renferme la porte de la chambre, il en fait de même avec celle de l’entrée.

Il n’aime pas les bars à ces heures avancées de la nuit. Il aime l’ambiance qui y règne au moment de l’happy hour, il n’a aucune difficulté à apprécier un début de soirée entre de tels murs, mais il n’aime pas terminer celle-ci dans ces mêmes lieux. Parce qu’il l’a trop souvent fait, et que la fin de soirée s’accompagne souvent d’une nostalgie douloureuse et de regards vides de clients qui supplient pour un dernier verre, pour anesthésier leurs pensées. Il a été de ceux-ci, Alfie, et il sait qu’Alex l’a été aussi. Il se penche sur la pointe des pieds pour que le visage de la jeune femme apparaisse dans son champ de vision et quand c’est enfin le cas, il se précipite vers elle. Du moins, il essaie. Arrêté par quelques jeunes gens ayant déjà profité de la soirée, bousculé par d’autres, il ravale sa salive alors qu’il essaie de se souvenir pourquoi il est venu ici ; mais il n’a qu’une envie : fuir cet endroit qui rappelle toute la misère humaine et qui, surtout, le confronte à sa propre condition. Arrivant finalement vers Alex, il lui adresse une tape sur l’épaule pour signaler sa présence, alors qu’un fin sourire se dessine sur ses lèvres en guise de salutations. Son regard ne tarde pas à s’orienter vers la fameuse table où des jeunes femmes jouent au beer-pong, et il demeure silencieux quelques instants alors qu’il les observe. Finalement, il se penche vers l’oreille d’Alex, pour répondre à son interrogation formulée plus tôt. « Elle n’est pas nulle, elle fait seulement exprès. Ça lui permet d’attirer l’attention de ses amis – qui ne doivent pas réellement en être si elle se comporte de cette façon. Elle cherche juste à se faire apprécier, à s’intégrer, et elle a vu que ça marchait ainsi. Mais si tu regardes, lorsqu’elle a eu de la peine à finir son verre précédent, elle vise juste, ça lui évite de reboire tout de suite. » Il analyse, avant de conclure : « Rachel reste la plus nulle. » Et pas seulement parce que c’est le cas, mais surtout parce que personne ne peut contester son titre. C’est hors de question. « On prend l’air ? » Qu’il finit par demander après avoir posé ses yeux quelques instants sur Alex et le comptoir, puis compris qu’elle n’en est probablement pas à son premier verre. Un peu d’air ne lui fera pas de mal, et à lui non plus, déjà bien assommé par cette proximité induite par le succès du bar qui le rend bondé, et cette musique qui résonne dans son crâne encore fragile. Les lumières qui flashent ne l’aide pas plus, et ça fait beaucoup trop de choses à assimiler en peu de temps. Oui, ce ne sont que des éléments techniques, et à aucun moment le souvenir d’une Rachel encore bien présente qui lui est désagréable.  
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Message(#)Who will fix me now? Dive in when I'm down? Save me from myself. Don't let me drown ▬ Alfie EmptyVen 6 Déc 2019 - 6:44


Who will fix me now ? Dive in when I'm down ?
Save me from myself. Don't let me drown.
EXORDIUM.
Alfie a fait son entrée dans le bar, et lorsqu'Alex l'a aperçu, elle n'a pas semblé si heureuse finalement. En invitant le cousin de Rachel à la rejoindre, elle n'a peut-être pas anticipé les souvenirs qui accompagneraient sa venue dans ce lieu. Et merde, elle qui pensait que l'alcool avait fait son effet, finalement, c'était peut-être un peu présomptueux de sa part. Alfie, lui adresse une tape sur l'épaule et Alex montre du regard la fille qui était à l'origine de tout finalement. Cherchant à se concentrer sur cette fille, sur son niveau et rien d'autre, parce que tout le reste semble bien trop risqué. « Elle n’est pas nulle, elle fait seulement exprès. Ça lui permet d’attirer l’attention de ses amis – qui ne doivent pas réellement en être si elle se comporte de cette façon. Elle cherche juste à se faire apprécier, à s’intégrer, et elle a vu que ça marchait ainsi. Mais si tu regardes, lorsqu’elle a eu de la peine à finir son verre précédent, elle vise juste, ça lui évite de reboire tout de suite. » C’est fou ce que les gens peuvent analyser quand ils sont sobres. Et Alex regarde Alfie avec un air surprit, se demandant durant quelques secondes s’ils observent la même chose. L’alcool a un effet certain sur la perception des choses mais Alex ne pense pas qu’elle en est déjà arrivée au moment où la réalité, sa réalité n’est plus tout à fait la même que celle des gens sobres autour d’elle. Elle est donc déjà saoule au point de ne plus pouvoir déceler un fait aussi minable qu’une pauvre fille qui cherche à attirer l’attention ? L’attention elle l’a eu, du moins elle a eu celle d’Alex et l’anglaise se sent biaisée, trompée par cette fille, mais aussi par son propre esprit qui n’a pas été capable de voir au delà des apparences. Et il n’a finalement vu que ce qu’il voulait bien voir. Alex a transposé ses souvenirs de Rachel sur cette fille et à partir de ce moment c’en était fini de la journaliste. L’alcool coulant dans ses veines, les souvenirs remontant à la surface, Alex n’est plus sobre et plus lucide. Elle cherche à se convaincre qu'elle va mieux une fois saoule mais elle est juste incapable de réagir avec lucidité, avec réflexion mais elle ne va pas mieux. Et il suffit d'un rien pour qu'elle retombe dans la mélancolie. Perturbée par un trop pleins de souvenirs, de ses sentiments qui envahissent son esprit l’empêchant de réfléchir avec calme. Parce qu'elle est finalement encore incapable de penser à tout ce qui lui fait mal avec calme. Elle ne sait pas faire face à la douleur, que ce soit la sienne ou celle des autres. Elle n'y arrive pas. Même l'alcool ne semble pas l'apaiser. Gérer la tristesse, la peine, la colère elle ne sait pas le faire. Elle sait gérer la douleur physique, c'est concret, c'est réel et ça se soigne. La glace soulage, le chaud apaise, et ça finit par cicatriser. Mais les blessures internes, celles qui sont ancrées en elle, se nourrissant de ses erreurs pour grossir encore et encore sans qu'Alex ne puisse panser ses plaies. Sans qu'elle puisse les soulager avec une crème, ou une poche de glace. Elle a peur de ces blessures là, celles dont elle n'arrive pas à parler, celles qui la suivent ou qu'elle aille et quoiqu'elle fasse. Elle ne sait pas faire face à ses émotions, elle ne sait pas parce qu'elle a peur d'avoir mal. Peur de souffrir, peur de ce qu'elle peut faire quand elle souffre trop. Peur d'elle même et de ses réactions face à sa propre douleur. Alors, elle veut juste éviter d'avoir mal mais elle ne peut pas échapper à cette douleur là. Parce qu'elle est en elle et revient constamment. Comme ce soir. Elle a mal parce que penser à Rachel, ça lui fait mal, définitivement mal, comme tout ce qui entoure ce fichu mois de Novembre. Et elle s’en veut d’être aussi faible face à ses souvenirs. Incapable de les contrôler, incapable de se tenir convenablement, incapable de faire face à la vérité. Elle s’en veut d’être constamment faible, de ne pas pouvoir digérer avec maturité et modération les souvenirs de ses erreurs, de ses pertes. Elle s’en veut d’avoir constamment la même attitude, comme si cela fait désormais partie de tout son être, comme un instinct de survie ancré en elle qui la pousse à boire pour ne pas avoir à gérer la souffrance. Parce qu’elle en est incapable. Alors si elle a mal, en écoutant Alfie parler, si elle ressent encore les choses, c'est sûrement qu'elle n'a pas bu assez, finalement. Elle ne voit que ça comme solution. Elle ne pense pas une seconde que peut-être que la douleur est si ancrée en elle, qu'elle ne peut pas la faire disparaître en la noyant sous l'alcool. Elle ne pense pas à d'autres options pour se sentir moins mal, elle ne voit que l'alcool. Elle regarde Alfie puis son verre vide. Elle regarde le bar et les gens bourrés autour d'elle. Elle hésite à reprendre un verre mais elle ne fait rien écoutant l'analyse d'Alfie. « Rachel reste la plus nulle. » Et si l’emploi du présent semble bien peu adapté, Alex finit par sourire, presque rassurée de voir que finalement rien ne pourra jamais venir ôter ce titre à Rachel. Pas cette fille, pas la mort. Rachel est et restera la plus nulle joueuse de beer-pong. C'est son titre, elle l'a mérité et Alfie vient de le confirmer, évitant à Alex bien d'autres questionnements sur le sujet. Éteignant même au passage les doutes de l'Anglaise, voilà au moins une chose qui avait le mérite de ravir Alex. Elle a bu, le rire, les larmes, les souvenirs positifs, les souvenirs négatifs, tout se mélangent dans sa tête et elle passe d'un état à l'autre avec une aisance déconcertante, mais surtout avec une incapacité à contrôler ses émotions. « On prends l’air ? » Il vient d’arriver qu’il veut déjà partir ? Mais Alex commence seulement à apprécier sa présence ici. Enfin apprécier est un bien grand mot. Après l’alcool, elle compte sur la musique si forte qui viendrait l'empêcher d’entendre ses propres pensées, et comme elle n’a pas encore découvert le bouton on/off de son cerveau elle se contente d’éléments extérieurs et le mélange alcool/musique semble encore être un moyen possible (dont l'efficacité reste à prouver) pour faire taire cette voix en elle. Celle qui lui dit à quel point elle est pathétique. À quel point elle est minable. À quel point sa vie est pourrie et qu’elle en est la seule fautive. Cette voix la, celle avec laquelle elle doit se résoudre à vivre depuis des années, celle qui ne l’épargne qu’une fois sa conscience endormie par l’alcool ou la drogue. Elle aimerait pouvoir faire taire cette voix en elle, définitivement, retrouver sa vie d’avant, mais elle se refuse à faire face à toutes ses erreurs et ses pertes parce qu’elle a bien trop peur. Peur de se rendre compte que personne ne peut plus rien pour elle, qu’elle ne vaut pas un clou. Elle a peur finalement d’être vide, que sa part d’ombre ait, consumé totalement ce qu’elle fut par le passé avant de fuir. Elle a peur de ne plus exister sans cette souffrance qu’elle porte en elle depuis des années. Elle a peur de ce qu’il restera d’elle si on vient à lui enlever la seule chose qui ne l’ait jamais quitté, sa culpabilité. Elle a peur tout simplement. Peur d'avoir mal, mais peur de ne plus exister si on venait à lui ôter toute sa souffrance. « Tu veux déjà partir ? » Et Alex ne pense pas à Alfie. A aucun moment elle ne pense à ce type, lui, l’ancien drogué, fêtard, devenu sobre qu’elle vient d’inviter dans un bar, agitant son verre d’alcool (certes vide mais qui sent quand même l'alcool) sous son nez et ravivant le souvenir d’une Rachel dont le manque se fait cruellement sentir. Pour elle, pour lui, pour tout le monde enfaîte. Ils se connaissent, ils connaissent les failles l’un de l’autre et Alex a même déjà été témoin de la façon dont le cousin de Rachel pouvait vivre ses excès par le passé. Et si elle était sobre, il ne fait aucun doute, qu’elle s’en serait voulue d’avoir conduit Alfie dans ce lieu, à ce moment précis de la nuit, mais elle n’est plus sobre, pas encore défoncée mais sa lucidité a disparu quelque part entre l’un des nombreux verres qu’elle a ingurgité oubliant même de tenir le compte. « C’est fou, on se croirait revenu 10 ans en arrière. » Au moment où il a été sobre, au moment où Alex ne l’était pas et surtout au moment où Rachel était encore là pour eux. Sauf qu’Alex a beau chercher partout dans le bar, Rachel n’est pas là, et elle ne va pas apparaître même après plusieurs verres. L’alcool ne lui donne pas d’hallucinations, mais d’autres produits lui ont permis de voir son amie, et c’est peut être ce qu’elle doit faire ? S'autoriser plus de drogues, moins d'alcool ? Puisque l'alcool n'a pas tout les effets escomptés. Et si elle se met à penser à la drogue, c'est parce qu'elle est bourrée, parce que sa façon de penser change et les filtres tombent peu à peu. Laissant percevoir que la drogue peut finalement être une idée intéressante.

La partie de beer-pong s’était terminée sans même qu’Alex n’ait pu prendre connaissance des grands vainqueurs. En soit, ça n’a rien d’important mais ça l’est pour elle qui n’a jamais, absolument jamais gagné une seule partie durant laquelle elle a fait équipe avec Rachel. « Tu sais le plus drôle, c’était souvent Rachel qui nous sortait quand elle voyait qu’on avait atteint la limite. » Que ce soit dans les soirées dans un bar, dans les soirées étudiantes dans lesquelles Alex s’incrustait avec Rachel sans même être étudiante. C’était Rachel qui savait à quel moment la coupe était pleine pour tout le monde. Elle connaissait les limites d'Alex bien mieux qu'elle même. Et si parfois il y avait des ratés, elle avait sans doute permît en son temps à l'Anglaise de devenir un peu moins abusive, de découvrir une autre façon de faire la fête et d'apprendre à se contrôler. « Tu as bien évolué Alfie. » Une tape sur l'épaule de l'homme et un sourire qui n’a rien de joyeux s’affiche sur le visage de l’Anglaise. Si même lui, le cousin qui a fait tant de frayeurs à Rachel et à Alex aussi une fois, vient lui dire à elle qu’il faut prendre l’air c’est pas réjouissant pour elle. Et ça en dit long sur ce qu’elle est devenue durant ces années. Une femme incapable d’évoluer, coincée dans ses propres mécanismes de défenses, coincée dans sa vie. Après une concertation rapide avec elle même et son verre vide, elle a fini par attraper son sac et elle a déposé, en liquide, de quoi payer ses consommations, sans même savoir réellement le montant qu’elle devait au bar. Elle n’a pas envie de le savoir, si elle ne compte pas ses verres ce n’est pas pour qu’une petite conne lui annonce avec dédain, tout en lui affichant une note sous les yeux comme un rappel désespérant de la condition d’Alex. Alors elle laisse trop, parfois beaucoup trop mais elle s’en fiche l’argent ne fait pas le bonheur. C’est sans doute une parole de riche, mais l’argent lui permet au moins de pouvoir se payer de l’alcool et c’est déjà pas mal finalement. Ça ne la rends pas heureuse mais ça lui permet au moins de faire taire son malheur quelques heures, de s'acheter quelques heures de répits. Elle se lève, quitte le bar, acceptant de suivre Alfie, acceptant de prendre l'air et de renoncer à enchaîner encore d'autres verres. Elle ne saura donc pas si son corps était encore en mesure d'encaisser beaucoup plus ou pas. Et au moment ou elle sort du bar, elle regarde Alfie, elle regarde son portable et elle réalise qu'il est venu alors que la nuit est déjà bien commencée pour beaucoup de gens de leur âge. Des vieux de trente ans, avec une vie de couple à défaut d'une vie de famille. « Tu dormais pas ? Pourquoi t'es venu ? » C'est elle qui lui a envoyé ce sms, mais il aurait pu faire semblant de ne pas le voir ou même la laisser seule par choix, parce qu'il ne doit rien à Alex. Alors c'est une question légitime. Du moins c'est ce que pense l'Anglaise en s'allumant une cigarette. Parce qu'une soirée avec de l'alcool mais sans cigarette, n'est pas une soirée complète.
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Message(#)Who will fix me now? Dive in when I'm down? Save me from myself. Don't let me drown ▬ Alfie EmptyDim 22 Déc 2019 - 3:34

C’est plus fort que lui ; il a toujours besoin d’analyser ce qu’il se passe autour de lui. Ça a commencé quand il était jeune et que sa concentration était trop versatile pour lui permettre de s’intégrer dans un monde qui ne laissait que peu de place aux enfants comme lui. Trop turbulent, trop bruyant, trop créatif, trop anarchique, Alfie a appris à canaliser ce trop-plein d’énergie en passant mentalement en revue tout ce qu’il parvenait à distinguer dans son champ de vision. Des détails de la soutane du prêtre à l’énumération des couleurs des vitraux sur sa gauche en passant par le nombre de pois sur la chemise de la femme devant lui ; c’était le seul moyen pour lui de parvenir à supporter une heure assis sur un banc d’église sans bouger. Mais si cette façon de faire lui a permis d’apprendre à se contenir physiquement, il n’en va pas de même du mental ; et ce sont des dizaines et des dizaines de listes inutiles qui s’emmagasinaient aux côtés de toutes les pensées dont Alfie n’arrivait déjà pas à se défaire à l’époque. De toutes ses situations qu’il revivait sans cesse en imaginant tous les cas de figure possible qui auraient pu amener à une autre issue, à ce qu’il aurait pu dire pour se défendre lors de la réunion entre sa professeur principale et ses parents, en passant par les réflexions de certains de ses amis qui pouvaient donner lieu à toutes sortes d’interprétations et qu’il ne savait comment prendre. Il avait toujours beaucoup trop d’informations qui se court-circuitaient les unes les autres dans son esprit, et il ne cessait de s’en ajouter simplement par nécessité d’être un « bon gamin » quand il n’avait jamais eu, personnellement, la vocation de l’être. Mais cette observation exagérée s’était aussi avérée bénéfique ; lorsque les choses le dépassaient et qu’il poursuivait la rédaction de listes fictives seulement pour porter attention sur autre chose, tout et n’importe quoi qui l’éloignait de ce qui lui posait problème. Comme c’est le cas ce soir, dans ce bar, et tous ses effluves d’alcool qui lui rappellent à quel point il adorait ça, à quel point il vivait pour ça. À quel point il aimerait à nouveau vivre pour tout ça. Alfie chasse cette pensée de son esprit en portant son attention sur Alex qu’il finit par rejoindre ; mais même la vue du visage si détendue d’une personne si compliquée lui suggère à nouveau cette nécessité de s’oublier à nouveau dans les solutions artificielles. Il en a besoin. Il en avait tellement besoin à sa sortie d’hôpital. Mais les semaines sont passées, ses responsabilités ont augmenté et Alfie se retrouve moins pris au piège avec lui-même. Pour autant, se rendre en ce lieu reste compliqué, surtout à cette heure-ci. Il n’a jamais eu de difficultés à accompagner ses amis dans un bar, optant simplement pour un cocktail sans alcool ou un soda, mais il ne s’y rend pas seul. Car c’est bien quand il est seul que tout dérape, parce que ce sont dans ces moments-là qu’il se persuade qu’il ne doit rien à personne et que personne ne dépend de lui, la réalité tenue à l’écart pour satisfaire une personnalité qui ne s’exprime réellement que lorsqu’elle cherche à s’autodétruire. Alors il ne supporte pas d’être dans ce bar, il ne supporte pas d’être avec son équivalent féminin en la matière. Parce qu’il ne lui doit rien, à Alex, parce qu’elle ne dépend pas de lui, et qu’il n’y a aucune barrière qui l’empêche de sombrer comme il aimait tant le faire. Car à cet instant, Alfie ne pense pas à tous les désagréments qui ont suivi ses excès, les nombreux problèmes de santé qu’ont été les siens – parfois sérieusement humiliants – les relations mises à mal par son égoïsme et ses désirs ; non, il pense seulement à toutes ses choses bénéfiques que tout ceci lui a apporté. Et la liste est longue, finalement, mais peut se résumer en une phrase : il a arrêté de penser. C’est tout ce qu’il a toujours recherché, et il n’a jamais réussi à retrouver cette sensation. Alors pour ne pas se laisser tenter par la solution de facilité, il fait très exactement l’inverse : il se force à penser, il surcharge son esprit d’informations, il accumule et observe, encore et toujours. Ce qui en ressort est que cette fille n’est pas si nulle au Beer-Pong, elle est seulement désireuse de trouver sa place dans son cercle, dans la société plus généralement. Qui peut la blâmer ? Tout le monde est pareil. Alex, lui, malgré leurs prédispositions à fuir et à s’autodétruire, leur indépendance qu’ils chérissent autant qu’ils craignent, leur dérégulation émotionnelle sérieusement handicapante, leur capacité à prendre les décisions qui auront les pires conséquences ; ils veulent se faire accepter, ils veulent rentrer dans les moule. Ils sortent dans les bars, ils sont un boulot lambda, ils ont une vie de couple rangée. Et c’est ça, le problème, pour Alfie. Les mois passent et il ne se reconnait plus dans ce quotidien, déchiré entre son amour inconditionnel pour Jules et son envie irrépressible de liberté et d’autodestruction, piégé par cette situation qu’il ne peut exprimer sans passer pour un ingrat ou être incompris. La seule personne qui le comprenait sans le juger est partie, et ne reviendra jamais. Le cœur d’Alfie se serre alors que son regard se pose sur Alex. Il l’aime bien, mais elle le fait terriblement souffrir par sa seule existence ; elle est indissociable de Rachel, même pour lui, et lorsque ses yeux se posent sur la journaliste, il ne peut s’empêcher de voir la silhouette de sa cousine accrochée à son bras. Parce qu’elles étaient toujours fourrées ensemble, qu’on ne pouvait pas compter sur l’une sans l’autre, et que même la mort n’a pas mis fin à leur duo. Et c’est le problème, pour un Alfie qui aimerait passer à autre chose, qui voudrait se forcer à le faire. Mais comment le faire alors qu’il persiste à parler de sa cousine au présent, qu’il n’a jamais effacé son numéro de son répertoire et qu’il continue de lui envoyer des messages à intervalles réguliers, qu’il ne cesse de se dire « ah faut que je prévienne Rachel » sans remettre en doute la cohérence de tels propos ? Alfie ne peut pas passer à autre chose, parce qu’il n’a pas encore pris la mesure de la situation. Pourtant, c’est ce qui lui arrive depuis quelques semaines, depuis l’apparition de Leah dans son quotidien et le bouleversement engendré par l’existence de cette dernière. Alfie prend conscience que Rachel a disparu, pire, qu’elle est remplaçable, même s’il le refuse. Alors il ne peut pas colmater ce vide dans son cœur, parce qu’il n’arrive pas à donner plus de place à quelqu’un d’autre pour le faire disparaître. Il ne disparaîtra pas, pas comme Rachel. La gorge d’Alfie se serre alors qu’il perd peu à peu toute la contenance qu’il prétextait et qu’il supplie presque Alex d’accepter qu’ils sortent d’ici. Parce que le bout de ses doigts joue avec l’un des verres laissés par Alex sur le comptoir et qu’il veut juste ramener cette dernière en sécurité chez elle et oublier tout ce qu’elle est déjà parvenue à faire remonter en lui par sa seule présence. Je te déteste, Alex. « Ce n’est pas moi qui veut être là. » Il rétorque à Alex alors qu’il sent les mots qui commencent à lui échapper. Il était pourtant sur la bonne voie, depuis quelques jours. Plus aucune perte de mémoire, moins de difficultés à s’exprimer, et des mots qui venaient plus facilement. Mais ils sont aussi chamboulés que lui et eux, ils peuvent se permettre de prendre la fuite et de le laisser derrière eux. Et c’est ce qu’ils ne se privent pas de faire, laissant un Alfie toujours plus en colère contre lui-même gérer les conflits internes qu’Alex réanime et qu’il est incapable de verbaliser pour s’en soulager. « Ouais. » Qu’il rétorque par automatisme, le seul mot capable d’être formulé sans difficulté alors qu’Alex les plonge dans un passé qu’il veut oublier. Et elle poursuit, elle l’enfonce toujours un peu plus alors qu’elle souligne leurs limites et la manière dont Rachel était toujours là pour assurer leurs arrières. Elle vient de mettre le doigt sur le plus grand regret d’Alfie, celui qu’il ne se pardonnera jamais. Les Forbes ont encore appuyé sur celui-ci quelques semaines plus tôt ; et sur la manière dont il avait pu traiter la seule personne de sa famille pour qui il aurait tout fait, tout donné, tout accepté. Mais est-ce qu’il aurait réellement pu le faire ou est-ce qu’il s’est seulement bercé d’illusion pour se donner bonne conscience quand Rachel était justement cette personne qui a tout fait, tout donné et tout accepté pour lui ? Qui a pris un nombre incalculable de blâmes pour le préserver, qui s’est privée de sommeil de nombreuses nuits lorsqu’il fallait le veiller pour ne pas que son état empire pendant la nuit, qui a été traitée comme une moins que rien les fois où elle a tenté de s’opposer à son addiction, insultée et même giflée, qui lui confiait ses économies pour qu’il éponge ses dettes afin que sa situation n’empire pas. Et lui dans tout ça ? Un ingrat, un profiteur, un manipulateur qui n’a jamais pu se faire pardonner. « On lui en demandait trop. » Qu’il murmure dans un soupir alors qu’Alex reprend la parole et qu’il se mord cette fois-ci la lèvre pour se contenir du flot qu’il voudrait déverser. Mais il ne sait pas lequel, exactement. Verbaliser ses regrets, diriger sa colère, verser ces larmes qu’il s’est toujours interdit. « T’es bourrée, Alex. » Sans quoi, elle saurait. Elle saurait qu’il n’a pas évolué, mais qu’il régresse sans cesse, et pas uniquement à cause des séquelles de son agression. Elle le saurait, parce qu’elle vit la même situation, ce combat interne qui ne cessera jamais de les suivre parce qu’ils ont pris, un jour, la mauvaise décision qui a bouleversé l’entier de leur vie, alors qu’il ne voulait qu’un peu de bonheur immédiat, juste un jour, juste une fois. Un soupir de soulagement s’échappe d’entre ses lèvres lorsqu’elle rassemble ses affaires et abandonne un peu d’argent sur le comptoir, le signal qu’elle accepte sa demande formulée plus tôt et qu’il se faufile dans la foule dense sans un regard en arrière, avec pour seul objectif de sortir d’ici au plus vite et de permettre à ses poumons de retrouver l’air dont il les prive depuis son arrivée ici. « Ça va aller ? » Qu’il lui demande, le coude légèrement tendu en sa direction au cas où elle aurait besoin d’un appui pour se stabiliser et qu’il fait quelques pas pour l’inviter à en faire de même. Le chemin jusqu’au seul parking encore ouvert et ayant des places à cette heure de fête va leur demander un peu de marche, ainsi il est judicieux de prendre la température quant à l’état d’Alex. Alors qu’elle reprend la parole, Alfie hausse les épaules, fatigué de se justifier de son rythme de sommeil irrégulier. Fatigué, tout court. Non, épuisé. Par toutes ces nuits sans sommeil, par tous ces cauchemars et par tous ses mensonges qu’il met tant d’énergie à construire. « Pourquoi tu m’as appelé ? » Il rétorque alors, s’arrêtant presque alors qu’il la détaille dans l’attente d’une réponse. Elle a envoyé un sms, il n’est plus au clair sur tous les termes, mais l’idée est là, et il s’apprête à la verbaliser. « Pourquoi moi ? » Qu’est-ce que tu attends de moi, Alex ?
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Message(#)Who will fix me now? Dive in when I'm down? Save me from myself. Don't let me drown ▬ Alfie EmptyMar 7 Jan 2020 - 5:52


Who will fix me now ? Dive in when I'm down ?
Save me from myself. Don't let me drown.
EXORDIUM.
Alfie est arrivé, Alfie est là face à elle et elle n'a même pas réellement réfléchis à ce qu'elle ressentirait en le voyant débarquer. Parce qu'elle n'est plus en mesure de réfléchir, ou du moins de pouvoir anticiper les choses, elle ne fait que subir. Subir les souvenirs qui lui reviennent en mémoire, subir les pensées qui la submergent, subir les paroles qu'elle prononce. Elle voulait arrêter de trop réfléchir, elle a presque réussi mais c'est pas pour autant une réussite. Elle oscille entre plusieurs sentiments, plusieurs émotions qui menacent de la submerger à tout moment. Parce que c'est une émotive et qu'elle peut refouler les choses autant qu'elle veut, elle finit par sombrer à un moment ou à un autre. Elle n'en est pas encore là, gérant sa consommation d'alcool avec autant de réussite que ses émotions, elle ferait honte à beaucoup de monde mais pourtant elle sait qu'Alfie a déjà vu pire. A déjà connu pire et a déjà été pire. Alors, elle ne cherche pas à paraître dans un meilleur état qu'elle ne l'est réellement, elle est comme elle est et elle dit ce qui lui passe par la tête au moment ou elle réalise qu'Alfie est le plus responsable des deux. Et le plus rabat-joie aussi. Et si elle n'a pas relevé le fait qu'Alfie vient clairement de leur reprocher d'avoir été des boulets pour Rachel, ce qu'elle aurait d'ailleurs eu bien du mal à réfuter tant son comportement tout entier parlait en la faveur des mots d'Alfie. Elle s'est plutôt concentrée sur Alfie, lui disant qu'elle est bourrée. Et oui, elle l'est, ça ne fait pas l'ombre d'un doute. Elle est bourrée, et elle a beau être une putain d'alcoolique, cette fois, c'est pas pour calmer son alcoolisme qu'elle a bu. Et elle le sait. Elle a été trop loin dans sa consommation, beaucoup trop loin mais entendre Alfie lui dire une vérité pareille, a une petite note ironique qui fait rire Alex. Sans qu'elle ne puisse s'expliquer sa réaction, elle rit. Pas un rire amusé, mais plutôt consternant, parce que c'est ce qu'elle est consternante, pathétique et sans doute dépitante pour Alfie qui n'a rien demandé et qui se retrouve face au pire de ce qu'elle peut montrer ou presque. « Oui je suis bourrée et alors ? » Ajoutant un 'et alors ?' comme pour donner un caractère presque normal à la situation. Alex avoue être bourrée et c'est quelque chose d'assez rare, mais elle n'a pas pour idée de tromper Alfie, pas sur le sujet de l'alcool. Elle sait qu'il connaît, et pire qu'il comprends donc elle n'a pas cherché à mentir. Pas à lui. Elle s'est contentée d'accepter de le suivre, de quitter ce bar et de laisser à son foie un peu de repos pour ce soir. Repoussant d'un geste de la main les questionnements au sujet de son état, elle a quitté son siège. Se lever n'a pas été la chose la plus compliquée pour elle, traverser la foule et tout ces corps alcoolisés, sentant un mélange écœurant d'alcool et de sueur, n'a pas été une épreuve non plus. Son équilibre précaire est compensé par tout les appuis qu'elle trouve sur son chemin avec les corps entassés qui n'ont même plus la lucidité de remarquer le passage d'Alfie et d'Alex et bien qu'elle ait conscience que le sol bouge sans doute uniquement pour elle, jamais elle n'avouera avoir besoin d'aide pour rester debout. Elle peut s'écrouler, elle s'en fout, et si elle doit le faire, elle le fera seule. Alcoolique mais fière quand même, c'est peut-être la seule fierté qu'elle a d'ailleurs, celle de rester debout et droite quand elle est au pire d'elle même. Et ce soir, elle est pas loin de montrer son pire visage, et elle le sait, malgré ses promesses, malgré ses dires, si ce soir elle avait de la drogue sur elle, elle aurait craqué, parce que c'est comme ça qu'elle fonctionne. Parce qu'elle est faible et que sa vie continue à venir lui rappeler. Parce qu'elle doit se résoudre à accepter qu'elle ne sait pas faire autrement que se faire du mal pour aller mieux. Un mieux faux, mais un mieux apaisant pour quelques heures. Parfois. Mais aujourd'hui, elle n'en as pas et elle s'est contentée de l'alcool, de beaucoup trop d'alcool, même pour elle, même pour l'habituée qu'elle est. Et c'est lorsqu'elle arrive dehors qu'elle ressent vraiment les effets de l'alcool sur son organisme. Et si la cigarette semblait une bonne idée, elle ne l'est finalement pas du tout, mais elle ne s'arrête pas pour autant de tirer sur sa cigarette avec vigueur. Elle s'arrête, se stabilise, retient son souffle alors qu'elle a l'impression que tout son estomac se contracte menaçant dangereusement d’éjecter le trop plein d'alcool de lui même. Mais elle lutte, elle garde et elle prends sa plus longue latte, infligeant à son corps cette dernière addiction. Comme un moyen de prouver qu'elle contrôle, alors qu'elle sait qu'elle ne contrôle que dalle, qu'elle est juste accro. Accro à tous, à l'alcool, à la cigarette mais à la douleur aussi. Elle retrouve un équilibre, précaire mais qui lui permet d'avancer sans risquer de s'écrouler, alors elle repart, elle suit Alfie, et alors qu'il ne réponds pas à la question qu'elle s'est osée à lui poser, il réussit à la déstabiliser avec à son tour une question à laquelle elle ne s'attendait pas. Pourquoi elle l'a appelé lui ? « Parce qu'il fallait que je sache pour le beer-pong. » Oui il fallait qu'elle sache mais ce n'est sans doute pas une réponse attendue, ni même envisageable à donner à quelqu'un qu'elle vient de tirer de son lit au beau milieu de la nuit. Ce n'est même pas la raison qui l'a poussé à contacter Alfie. Un prétexte tout au plus. « Et tu étais le premier dans mon répertoire. » Et elle se moque de lui presque sans retenue, parce que c'est bien plus simple à donner comme réponse que la vérité qu'elle ne veut pas annoncer comme ça. Qu'elle ne veut pas assumer. Elle ne veut pas lui dire à quel point Rachel lui manque depuis qu'elle arpente de nouveau les rues de Brisbane. Elle ne veut pas avoir à lui avouer qu'elle n'arrive pas à accepter la mort d'une personne qu'elle a pourtant laissé derrière elle en partant comme une lâche huit ans plutôt. Elle ne peut pas faire face à tout ce que ces mots auraient comme impact sur elle, même bourrée. Même déchirée, même défoncée, le mort de Rachel reste une douleur que rien ne semble pouvoir totalement apaiser. Des remords, des souvenirs et une culpabilité énorme de ne pas avoir été là, de ne pas avoir été à la hauteur. Rachel est morte et cette idée semble parfois bien trop cruelle pour être acceptée par l'Anglaise qui se débat pour entretenir les souvenirs joyeux qu'elle a avec celle qui a été sa plus proche confidente. La seule qui l'a vu au plus bas, la seule avec qui elle a partagé sa grossesse et ses ressentis. La seule qui sait tout d'elle. Et, elle ne peut pas dire ça à Alfie. Lui dire à quel point, elle trouve ça injuste, à quel point elle se sent coupable, à quel point elle refuse d'accepter cette vérité trop cruelle. Elle n'a pas le droit de lui dire ça. Et à la question d'Alfie « Pourquoi moi ? » Elle n'a pas eu de réelle réponse à lui donner, pas de réponse plus précise qu'un simple « Parce que Stephen est parti et que j'avais besoin de parler d'elle. » C'est finalement pour ça qu'elle a appelé Alfie, parce qu'il est la personne de son répertoire qui a le mieux connu Rachel, sa Rachel. Celle qu'elle connaissait, pas la mère de famille, dentiste accomplie. Mais leur Rachel. Celle qui était capable de les gérer au pire de leur existence, celle qui savait faire face à chacune de leurs conneries, à chacun de leurs débordements. Celle qui pouvait être à la fois une partenaire de soirée, et qui pouvait aussi être leur support pour qu'ils n'aient jamais à s'écrouler. Les dents serrés, le cœur encore plus, elle lutte contre elle même, contre les mots qu'elle veut dire mais qu'elle retient en elle sachant pertinemment qu'ils feront mal. « Elle me manque j'ai même pas pu lui dire au revoir. » A qui la faute Alex ? Cette voix en elle qui s'amuse de ses regrets, qui s'amuse à lui rappeler ses erreurs au pire moment. Elle la déteste, elle se déteste. Et puisque la nostalgie est désormais de rigueur, puisqu'Alex a clairement annoncé la couleur face à Alfie à qui elle impose ses pensées et ses besoins sans ménagement. Elle se laisse aller à parler de Rachel, parce qu'elle a trop de souffrance en elle, parce que son absence semble parfois ingérable et qu'elle n'a personne avec qui en parler. Elle a perdu Rachel. Comme beaucoup, mais elle n'était pas là pour lui dire au-revoir, elle n'était pas là le jour ou elle est morte, elle n'était pas là tout simplement. Et que c'est dur pour elle de vivre avec ce sentiment. Cette culpabilité couplée à l'envie de se raccrocher à l'idée que tout cela n'est pas réel. Et elle peut le faire, parce qu'elle n'a pas vu son corps sans vie, elle n'a pas vu Rachel s'éteindre peu à peu. Elle n'a que les souvenirs de Rachel bien vivante, souriante. Et elle n'arrive tout simplement pas à la voir autrement et surtout pas sous terre, dans une boite, inerte, sans vie. Cette pensée est juste insupportable, alors elle la réfute. Elle la repousse violemment, et elle s'accroche à ce qui peut maintenir en vie cette image de Rachel. Elle s'est accrochée à Stephen, et il est parti. Envolé, emportant avec lui le souvenir d'une Rachel qu'elle apprenait à connaître. Elle est perdue ce soir et dans ces moments, elle a besoin de Rachel. Elle a besoin de ses conseils, de son sourire, de sa présence apaisante et rassurante. Mais elle n'est pas là et l'absence est cruelle. Et si l'alcool a eu le mérite de l'aider à prioriser ses pensées, elle se retrouve face aux souvenirs de Rachel et une incapacité à gérer ce que ça provoque en elle. Cette voix qui vient lui glisser sournoisement qu'elle ne reverra plus jamais son sourire, alors qu'elle s'entête à ignorer la vérité, la réalité. Elle ne gère pas, pas ce soir, pas quand elle va mal. Et ce soir, elle va mal, parce que tout dans ce mois de Novembre lui rappelle comme sa vie est affreuse. Et elle a eu l'idée lumineuse de noyer avec l'alcool le peu de lucidité qu'elle a en elle, et sa capacité à gérer les émotions est désormais en berne. L'anglaise est démunie, perdue au moment ou elle accepte à voix haute, d’énoncer ce qu'elle ressent vis à vis de Rachel. « Je crois que je lui en veux d'être morte. Je lui en veux de m'avoir laissé et j'en veux à la vie de nous priver d'elle. Parce qu'elle méritait pas ça. Elle méritait pas ça. Regarde nous, on a joué trop souvent et on est encore là et pas elle. C'est injuste. » Elle n'est plus en mesure de réellement prendre conscience de ses mots, peut-être que c'est mieux ainsi, ça lui évite de se rendre compte qu'elle vient d'annoncer à Alfie, qu'au fond, elle aurait sans doute trouver ça plus juste d'être celle dont le corps serait enterré dans une boite dans un cimetière. D'éviter aussi de se rendre compte, qu'elle vient de ramener Alfie à une époque qu'il cherche sans doute à oublier. Eviter d'avoir à gérer le fait qu'elle vient d'avouer qu'elle en voulait à Rachel d'être morte. Et même si au fond c'est sans doute à elle même qu'elle en veut le plus, elle ne l'a pas formulé ainsi. Elle s'est lâché, elle a dit ce qu'elle ressentait sur le moment sans tenir compte d'Alfie face à elle. Elle s'est laissée aller à parler et désormais elle cherche à reprendre un peu de tenue. Elle cherche à récupérer le contrôle qu'elle a abandonné en acceptant de répondre à Alfie. « Et toi pourquoi t'es venu ? » Réitérant sa demande, entre deux soupirs cherchant à apaiser son cœur trop lourd. Il sait désormais pourquoi Alex l'a appelé lui, et personne d'autre. Pourquoi c'est lui qu'elle a dérangé alors que les souvenirs de Rachel se faisaient trop pesants pour elle seule. Mais ce qu'elle ne sait pas c'est pourquoi il est venu.
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Message(#)Who will fix me now? Dive in when I'm down? Save me from myself. Don't let me drown ▬ Alfie EmptyLun 10 Fév 2020 - 13:11

Et elle rit. Il ne saurait dire s’il s’agit d’un rire moqueur, fatigué, nerveux, il ne veut pas le savoir, et pour une fois, il ne cherche pas à comprendre. Tout ce qu’il comprend, c’est qu’à travers ce rire, elle le renvoie à la réalité de son état, au paradoxe de sa réflexion. Et le pire dans tout ça, c’est qu’il ne peut même pas lui en vouloir tant il pourrait mêler son rire au sien s’ils étaient dans un autre lieu, à un autre moment. S’il s’adressait à quelqu’un d’autre, surtout. Car l’ombre de Rachel plane constamment sur Alex, donnant une saveur douce-amère à leur relation, qu’il ne saurait décrire. S’agit-il d’amitié ? De nécessité ? Il la connaît et la cerne mieux qu’il ne cerne certains de ses amis, pour autant il a toujours ce sentiment de malaise en sa compagnie, une compagnie dont il a pourtant besoin alors même qu’elle est terriblement douloureuse. Comme à cet instant, et pas seulement à cause de Rachel, mais de ce rire, de ce foutu rire, et de cette réponse. « Et alors rien, simple constat. » Je ne te juge pas Alex, et tu sais autant que moi que je serais mal placé pour le faire. Parce qu’à l’observer désormais en silence, il peut s’imaginer sans difficulté à la place de la jeune femme. Normal, il l’a été. Quelques années plus tôt, c’était lui sur ce tabouret de bar, c’était ses verres qui s’enchaînaient les uns après les autres, son argent qui disparaissait petit à petit, et Rachel qui venait le chercher au milieu de la nuit, épuisée, et pas seulement parce qu’il venait d’interrompre son sommeil. Mais parce qu’il en revenait toujours au même point, encore et toujours, après les mêmes promesses qu’il formulait jour après jour, mais qu’il ne tenait jamais. « C’est la dernière fois que je buvais, j’suis trop mal pour recommencer », « c’était ma dernière pilule, je t’assure », « promis, demain je mets un terme à ma relation avec Amelia », « c’est le dernier service que je te demande, Rachel ». La seule promesse qu’il était capable de tenir, dans le fond, c’était qu’il continuerait de lui mentir, encore et encore. Et la seule que sa cousine pouvait lui faire, c’est qu’elle serait toujours là, quoi qu’il advienne, quand bien même il faisait tout pour qu’elle l’abandonne. Elle ne l’a jamais fait. Contrairement à lui, qui s’est barré en Colombie à la première opportunité professionnelle pour oublier sa maladie, pour ne pas la voir dépérir, pour ne pas être confronté à la réalité. Son cœur se serre, et il préfère reporter son attention sur Alex. Il ne juge pas, parce que c’est une solution à laquelle il s’est longtemps raccroché, et que même son statut d’ancien addict ne lui permet pas de considérer comme inefficace. Elle est efficace. Elle est terriblement efficace, c’est bien le problème. Ce sont les conséquences qui le sont moins. Mais à cet instant, elles n’existent pas pour Alex. Il ne juge pas, parce qu’il comprend. Et que de toute façon, il ne serait pas cohérent de juger quelque chose dont il a envie.

Alors elle est bourrée, tant mieux pour elle. Tout ce qu’il désire, de son côté, c’est quitter les lieux. Idéalement, Alfie aimerait qu’elle le suive, de façon à ce qu’il soit certain qu’elle rentre à bon port, parce qu’il connaît les décisions prises durant ce genre de soirée, où l’alcool essaie d’atténuer la peine, et où la peine augmente avec l’alcool. C’est à l’issue d’une d’entre elle qu’il a fait une overdose, devant Rachel et Alex. Il ne va pas se montrer paternaliste en lui disant ce qu’elle doit faire, mais à défaut, il aimerait être là si les choses prennent cette tournure. Aujourd’hui, ou demain, ou le siècle prochain, il veut simplement qu’Alex pense à lui en cas de nécessité. Est-ce pour cela qu’elle l’a appelé ? Parce qu’elle a senti que le vent tournerait ? Il l’ignore, et sa présence ici est un point d’interrogation qui nécessite une réponse. Mais pas maintenant, pas tant qu’il sera entre les murs de cet enfer. Il n’a pourtant jamais eu de difficultés à accompagner ses potes dans un bar, Alfie. La plupart ignore même qu’il s’est longtemps débattu avec les plaisirs de l’éthanol, idée qu’il concrétise en évoquant simplement « un esprit sain dans un corps sain » pour justifier sa non-consommation d’alcool. Il ne les envie pas réellement, d’ordinaire. Il les observe enchaîner les tournées sans qu’il ne soit mal à la vision des verres vides, sans qu’il n’hésite quant à sa prochaine consommation. Mais avec Alex, c’est différent. Parce qu’ils se sont toujours connu dans le pire, comme s’ils ne pouvaient pas exister dans le meilleur ; et Alfie est à son apogée, pourtant. Alors pourquoi est-ce qu’il a l’impression d’étouffer et que chaque seconde passée ici grignote un peu plus de sa volonté ? Il l’ignore et il ne veut pas chercher à comprendre, tout juste se permet-il de laisser échapper un soupir alors qu’elle concède à le suivre – quand bien même elle refuse son aide.

Il se remet à respirer en quittant le bar, gardant un œil sur une Alex instable à ses côtés, ne lui proposant pas son bras, mais restant à disposition. Il cherche par automatisme dans ses poches avant de se souvenir qu’il ne se balade pas avec des cigarettes sur lui, Jules n’étant pas au courant de sa rechute. Il laisse échapper un soupir au même moment que la question s’échappe entre ses lèvres ; pourquoi l’avoir appelé ? Dans ses souvenirs, Alex a toujours été seule, mais a pourtant toujours été entourée. N’importe qui d’autre aurait pu s’occuper d’elle, alors pourquoi lui, alors qu’il n’est même pas son ami, même pas un véritable proche ? « Parce qu'il fallait que je sache pour le beer-pong. » Qu’elle rétorque et Alfie se pince les lèvres, ne prend pas la peine de souligner ce mensonge. « Parce qu’il fallait que je parle de Rachel » et il se rend compte que ce qui devait être une simple mission de sauvetage va sûrement prendre la tournure qu’il craignait, et qu’il lui faut trouver une échappatoire au plus vite. Parce qu’il n’aurait pas évoqué Rachel si elle ne l’avait pas fait en premier ; et qu’il n’a aucune envie de poursuivre sur cette voie. Ni avec elle, ni avec Jules, ni avec Stephen. Sa cousine bénéficie du même statut qu’Amelia dans sa mémoire ; il n’accepte pas de les évoquer, car cela en revient à partager ses souvenirs avec d’autres et à en être dépossédés. « C’est une jolie anecdote », non, ce n’est pas une histoire quelconque, c’est la sienne, et Alfie en devient fou dès qu’on ose commenter ce qu’il a partagé, raison pour laquelle il ne le fait plus. Tout ceci, c’est entre Rachel et lui, et personne d’autre. Et ainsi, cela lui permet surtout d’avoir encore besoin de Rachel, toujours plus, et de se donner l’impression qu’elle n’est pas totalement partie. Le jour où il partagera à d’autres ce qu’il aurait partagé avec elle marquera son absence définitive, et il n’est pas prêt à l’accepter. « Je vais changer de nom, t’es pas la pa-première à me sortir cette excuse. » Il rétorque en se frottant l’arête du nez à l’aide de ses pouces, laissant échapper un léger rire qui se veut nerveux. « Zachariah, c’est plus safe et ça m’irait bien. » Il ajoute, ses pouces remontant au coin de ses yeux pour frotter ceux-ci avant qu’il ne relève la tête pour observer le chemin. Il tente de se lancer dans un small talk, alors même qu’Alex l’a profondément déstabilisé et qu’il s’agace de n’être en mesure que de faire des phrases courtes. Il avait l’impression que son état s’améliorait, que ses difficultés cognitives n’en étaient bientôt plus, ce qui aurait été légitime après tant de convalescence suite à son agression, mais c’est peine perdue ; et il régresse, encore, accentuant toujours plus cette frustration avec laquelle il vit depuis des semaines. Alors il n’est plus à ça près, et peut-être est-ce la raison pour laquelle il veut l’entendre, il a besoin de l’entendre, et qu’il se permet cette seconde question. « Parce que Stephen est parti et que j'avais besoin de parler d'elle. » Il le savait. Et il savait aussi qu’il n’aurait pas dû demander. Parce que là, il a besoin d’un verre. Et ça le rend dingue, autant que ça le rend dingue de savoir qu’il va encore devoir partager sa Rachel avec les autres. Il a toujours été égoïste, Alfie, à penser à lui avant les autres, et il n’aime pas l’idée que d’autres subissent l’absence de Rachel autant que lui, parce que c’était sa cousine, sa meilleure amie, et pas celle des autres. Et qu’il ne peut qu’écouter la peine des autres au lieu de verbaliser la sienne. « Personne n’a pu lui dire au revoir, Alex. » Même ceux qui étaient présents à ce moment-là. Même lui, qui l’a pourtant veillée, et qui venait régulièrement à l’hôpital. Ce n’est pas parce qu’il l’a voyait quotidiennement, qu’il a pu lui dire au revoir. Non, c’est justement parce qu’il l’a voyait quotidiennement qu’il n’a pas pu le faire. Parce que dans sa tête, tout était abstrait. Elle était là, en mauvaise santé, certes, mais c’était toujours sa Rachel au fond, avec le même humour, et les mêmes chamailleries. Alors, elle ne pouvait pas mourir, pas vrai ? Parce qu’elle n’avait pas changé, parce qu’elle était toujours là et que cela voulait dire que la maladie n’avait pas gagné, qu’elle ne pourrait pas gagner. Il a tenté d’ouvrir les yeux à Stephen, de l’épauler, de le préparer, mais il n’a pas pris le temps de s’ôter ses propres œillères, personne ne l’a fait pour lui et il ne compte pas attribuer ce rôle à Alex, pas aujourd’hui.

D’autant qu’il ne devrait pas lui accorder le moindre crédit, alors qu’elle réactive sa colère. Elle en veut à Rachel d’être morte, et Alfie plisse les sourcils à cette information. Autant parce qu’il en veut à Alex de penser cela que parce qu’il ressent la même chose et refuse de l’admettre. On ne peut pas en vouloir à une morte. C’est une leçon qu’il a appris de nombreuses années plus tôt, lorsque pour la première fois, il a laissé échapper auprès de ses proches le fait qu’il n’était pas mécontent qu’Amelia ait succombé à leur accident de voiture. Les regards posés sur lui ont suffi à lui faire comprendre que malgré le comportement de son premier amour, son décès l’enfermait dans une sorte de bulle protectrice impossible à percer. Il en va de même pour Rachel, elle qui n’aurait pourtant jamais dû les quitter, quand eux ont tout fait pour disparaître. « Et tu veux que je te dise quoi, Alex ? » Qu’il demande, sans prendre la mesure du ton de sa voix, et baissant la tête quand c’est le cas. Si Alex semble avoir la mélancolie facile, de son côté c’est la colère qui prédomine. Pire, une véritable rage qui s’accumule en lui depuis des mois, des années même, tellement qu’il n’arrive bientôt plus à la maîtriser alors qu’elle menace de briser les barrières qui parviennent encore à la contenir. « Désolé. » Qu’il se reprend se pinçant la lèvre. « J’aurais tout donné pour être à sa place, mais ce n’est pas notre choix. » Foutaises. Bien-sûr que le choix de s’autodétruire est le leur, et qu’ils en profitent allégrement. Mais il est sincère, Alfie, il aurait tout donné pour être à la place de Rachel, pour être celui dont la vie se serait arrêtée en pleine force de l’âge. Il aurait adoré, même, parce que c’est la seule chose qu’il recherche depuis tant d’années, sans jamais vouloir l’admettre. Et peut-être qu’il lui en veut plus de lui avoir volé sa place que d’être morte. « C’est révoltant, c’est sûr, mais… on peut rien faire. Et ça me tue autant que toi, mais… » Il marque un nouveau temps d’arrêt pour réfléchir au choix de ses mots, pour empêcher ses neurones déficitaires de compliquer la tâche plus qu’elle ne l’est déjà. « Tu sais autant que moi qu’elle supporterait pas de nous voir dans cet état. » Il se contente de souligner en haussant les épaules. Reprends-toi, Alex, ce n’est pas ce qu’elle aurait voulu. « On peut pas lui faire ça. » Qu’il ajoute par la suite en esquissant un maigre sourire, ses mains qui viennent s’enterrer au fond de ses poches et ses épaules qui s’abaissent au même titre que sa tête. « On peut pas changer les choses, on aurait jamais pu. » Qu’il répète, comme par un besoin de l’entendre à voix haute pour parvenir à l’accepter. Ça ne fonctionne pas, mais il a au moins le mérite d’avoir essayé. « Et on peut pas l’us-l’ue… l’utiliser comme excuse pour… » Tu vois ce que je veux dire. Quand bien même c’est terriblement tentant. Ils n’ont pas le droit, elle ne leur pardonnerait jamais. Parce qu’elle continue d’avoir un impact sur leurs vies, comme si elle était toujours présente. Et c’est peut-être cette façon de penser le véritable problème.

Dans d’autres circonstances, il aurait détesté qu’Alex réitère sa demande et reporte l’attention sur lui, pour autant, il accepte ce cas de figure si cela peut lui permettre de reprendre le contrôle de ses émotions pendant quelques instants. Parce qu’elle l’a déstabilisé, elle l’a forcé à l’être en évoquant une Rachel dont il se contente de conserver le souvenir sans jamais le partager. « Parce que Rachel serait venue. » Il explique dans un premier temps, un fin sourire sur les lèvres, plus nostalgique que véritablement mélancolique. Rachel serait venue, Rachel est toujours venue pour eux. Et maintenant qu’elle n’est plus dans l’équation, c’est à eux de compléter le vide laissé par la jeune femme. « Et j’étais réveillé, j’allais pas faire semblant de ne pas avoir vu ton message. » Il ajoute avec un léger rire, même si c’est là quelque chose dont il ne se gêne habituellement pas. Ne pas répondre, dire honnêtement à son interlocuteur qu’il a mieux à faire, planter ceux-ci après une demi-heure de rendez-vous parce qu’il s’ennuie, Alfie n’a jamais été très regardant sur la politesse. « Et ça a ra-am-arrangé Anabel, elle a pu prendre mon lit, donc… dis-toi que t’as fait une bonne action. » Il ajoute avec un fin sourire, en reportant son attention sur Alex. Une bonne action, oui, mais certainement pas pour l’enfant.  
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Message(#)Who will fix me now? Dive in when I'm down? Save me from myself. Don't let me drown ▬ Alfie EmptyMer 1 Avr 2020 - 20:37


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Save me from myself. Don't let me drown.
EXORDIUM.
L'air frais aurait pu l'aider à retrouver ses esprits, l'aider à apaiser son cœur trop lourd mais c'était sans compter sur la présence d'Alfie à ses côtés, qui lui rappelait inlassablement qu'elle avait été faible ce soir. Encore une fois faible et que dans sa faiblesse elle l'avait appelé lui. Pas parce qu'elle avait particulièrement envie de le voir, elle ne connaissait Alfie qu'au travers de Rachel. Alfie était inexorablement lié à Rachel. A Rachel et à une vie d'excès aussi. Une vie dans laquelle elle replongeait malgré l'envie qu'elle avait d'aller mieux, parfois la douleur était trop forte, elle était la seule chose qu'il lui restait et elle finissait dans un bar, seule à boire, trop, beaucoup trop. Et ce soir,  quand Alex s'était retrouvée bourrée, replongeant sans filet de sauvetage dans ses souvenirs lointains d'une vie avec Rachel, c'était lui qu'elle avait contacté. C'était avec lui qu'elle avait eu besoin de parler, parce qu'au fond elle n'en parlait pas, à personne. Rachel, c'était une douleur qu'elle gardait, une douleur qu'elle continuait à s'infliger silencieusement, une souffrance dont elle ne voulait pas chercher à se débarrasser totalement puisqu'elle avait le mérite d'être présente elle au moins. Et c'était tout ce qu'elle avait encore de Rachel. La douleur de son absence, et ces reproches qu'elle pouvait se faire encore et encore, elle n'avait jamais été à la hauteur et elle ne le serait jamais. Elle était minable ce soir, mais elle pouvait l'être devant Alfie, puisqu'il connaissait tout ça. Et puis ce n'était qu'un juste retour des choses, elle l'avait, elle même vu au pire de sa forme. Elle avait mal, mais pourtant elle n'était pas encore prête à laisser ses émotions prendre le dessus, elle n'était pas prête à avouer tout ce qu'elle ressentait en pensant à Rachel. Préférant encore pendant quelques minutes, se moquer d'Alfie avant de finir par répondre réellement à sa question. Pourquoi lui ? Pourquoi l'avoir appelé lui ? Et pas un autre ? Alex aurait pu rester avec son air détaché, rire à sa remarque sur le prénom, parce que non Zachariah ça ne lui irait réellement pas, mais elle avait fini par craquer. Devant Alfie, dans cette rue, presque incapable de marcher droite, elle avait craquer et elle avait évoqué Rachel, la douleur et la colère que ça mort provoquait en elle. Parce qu'elle était triste ça bien sur, tout ceux qui avait eu la chance de croiser la route de Rachel pouvait se sentir triste de ne plus la compter parmi eux. Mais Alex n'était pas juste triste, elle souffrait, elle refusait d'accepter, elle refusait cette idée selon laquelle, Rachel était définitivement morte parce que c'était beaucoup trop insupportable. Et alors que sa capacité intellectuelle et émotionnelle était mise à mal par la quantité d'alcool qu'elle avait ingurgité, elle se laissait aller, elle osait évoquer devant Alfie la colère qu'elle ressentait, envers Rachel d'abord parce que c'était elle qui n'était plus là. Elle qui était partie, elle dont l'absence se faisait ressentir avec beaucoup trop de force. Elle ne ménageait pas Alfie, elle ne se ménageait pas non plus et c'était le cœur à vif qu'elle écoutait Alfie lui répondre. « Personne n’a pu lui dire au revoir, Alex. » Alex ne comprenais pas les mots d'Alfie, elle ne comprenais pas le sens de sa phrase, elle ne comprenais pas ce qu'il voulait dire parce qu'à ses yeux, Alfie avait été là. Ils avaient été là pour lui dire au revoir, pour l'accompagner, puisqu'elle était morte d'un cancer, alors d'après elle, tous avait pu lui dire au revoir. Tous sauf elle parce qu'elle n'avait pas été là. Elle n'avait jamais pu dire au revoir à son amie, de son vivant ou à sa mort et ça l'énervait qu'Alfie ne comprenne pas. Mais ce qui l'énervait vraiment, c'était qu'il soit presque compréhensif avec elle finalement. Elle le savait qu'elle n'avait pas le droit de se plaindre, mais elle le faisait quand même. Comme avec Caleb, comme avec Emma, comme avec Jasper, comme avec tout ceux qu'elle avait fait souffrir à un moment ou un autre, elle se plaignait de ses erreurs, et c'était ce qu'elle faisait encore avec Alfie. Et c'était égoïste de sa part, mais comme souvent, quand elle n'était plus en mesure de gérer ses émotions, elle reportait ses propres colères sur les autres, parce que ça devenait ingérable pour elle. Parce qu'elle ne pouvait plus cohabiter avec cette petite voix qui lui rappelait avec une cruauté malsaine, qu'elle était l'unique responsable de tout ça. Elle ne pouvait  pas, parce qu'elle avait peur de ce qu'elle serait capable de faire pour faire taire cette voix, pour mettre fin à cette douleur, à cette haine d'elle même qu'elle avait construite pierres après pierres durant huit ans. Alors elle faisait ce qu'elle savait faire de mieux, elle en voulait au reste du monde, avant de s'en vouloir à elle même. Et ce soir, c'était à Rachel qu'elle en voulait, parce que c'était elle qui était partie cette fois et elle osait lâcher ces mots. Elle osait et c'était sans tenir compte d'Alfie, de son émotion qu'elle lui avouait en vouloir à Rachel. « Et tu veux que je te dise quoi, Alex ? » Elle levait les épaules, faignant de n'être même pas un peu touchée par le ton de la voix d'Alfie. Faignant de n'attendre aucune réponse de sa part. De toute façon que pouvait-il dire ? Que pouvait-il répondre devant cet aveux d'Alex ? Un aveux qu'elle n'aurait jamais été en mesure de verbaliser si elle n'avait pas bu autant ce soir. Parce qu'elle n'avait pas le droit d'en vouloir à Rachel. Elle n'avait pas le droit de se sentir abandonnée. Mais à ce moment précis de la soirée, en vouloir à Rachel était la seule chose qu'elle pouvait faire. Parce que si elle ne pouvait pas en vouloir à Rachel, c'est sur elle qu'elle allait finir par reporter ses émotions négatifs. C'est elle même qu'elle allait finir par haïr, encore un peu plus et elle n'était pas en mesure de le gérer. Pas ce soir. « Désolé. J’aurais tout donné pour être à sa place, mais ce n’est pas notre choix. » Ce n'était pas leur choix, et c'était ça finalement qui rendais ce départ si délicat pour Alex. Enfin ce départ, cette mort plutôt parce que si l'Anglaise ne l'acceptait pas, c'était pourtant le mot le plus juste à employer. Rachel n'était pas juste partie, elle était morte. Alex était partie. Rachel était morte. L'une avait choisit et pas l'autre. Et Alex vivait avec cette culpabilité en elle, celle là et tant d'autres. La culpabilité d'être partie, de n'avoir jamais pu être à la hauteur avec Rachel. La culpabilité de l'avoir abandonné, là ou l'Australienne n'avait jamais lâché l'Anglaise. Même dans le désaccord, même lorsqu'Alex lui avait fait promettre de ne jamais rien révéler de son secret, quitte à mentir pour elle. Rachel avait tout accepté pour elle et l'Anglaise était partie. Sans jamais se retourner, sans jamais s'inquiéter de la peine qu'elle pourrait causer autour d'elle. Elle était bien trop engluer dans ses propres émotions pour remarquer que le monde continuait de tourner et qu'Alexandra Clarke n'était pas le centre de ce petit monde, pas même le centre de son propre monde. Elle s'était enfuie et elle avait fait à Rachel, ce qu'elle avait fait à Caleb et à tout ses proches. Elle avait disparu de leur vie. Sauf que maintenant qu'elle se trouvait confrontée à la réalité d'un départ définitif, à l'absence d'une amie qu'elle n'avait pas décidé, qu'elle subissait, elle n'arrivait pas à le gérer. Parce que c'était elle, celle qui partait normalement et elle se rendait compte jour après jour, de la souffrance que cela pouvait engendrer chez ceux qui restaient. Et ça, elle ne pouvait pas y faire face tout simplement. Elle ne pouvait pas être celle qui était abandonnée. Et cette fois, Rachel les avait abandonné et elle laissait un vide beaucoup trop dur à gérer pour la journaliste, qui le comblait de sentiments négatifs avec lesquels elle était familière. La douleur, la colère, la culpabilité, et là ou certains voudrait se battre pour honorer la vie. Vivre pour ceux qui n'avaient pas pu le faire, Alex ne savait que se détruire encore et encore.  « C’est révoltant, c’est sûr, mais… on peut rien faire. Et ça me tue autant que toi, mais… Tu sais autant que moi qu’elle supporterait pas de nous voir dans cet état. » Alex lâchait un rire, presque ironique. Un rire en entendant Alfie reprendre des mots qu'elle aurait très bien pu prononcer si elle avait été en vie. Elle devait sans doute lui avoir répétée à plusieurs reprises, et elle se demandait si Alfie entendait la voix de Rachel alors qu'il prononçait ces même mots. 'Je ne supporte plus de te voir comme ça.' ou encore 'Te voir te détruire, me fait mal parce que je tiens à toi.' Le cerveau plus réellement au maximum de ses capacités, l'Anglaise n'était plus en mesure de se rappeler des mots exacts, mais elle se souvenait très bien de ce regard que Rachel avait le jour ou elles avaient retrouvé Alfie. Il lui avait fait du mal de son vivant et maintenant il osait dire à Alex qu'il ne pouvait pas lui faire ça ? Mais lui faire quoi ? Elle n'était plus là pour voir ce gâchis, et Alex se dédouanait en se disant qu'elle ne pourrait jamais faire souffrir Rachel autant qu'Alfie l'avait fait. Une maigre consolation, mais une consolation quand même pour Alex qui cherchait toujours un moyen de se dédouaner d'un comportement toujours plus chaotique. « Ça tombe bien, elle n'a plus à le supporter. » Ni Alfie, ni Alex ne serait un poids à l'avenir pour elle, elle n'avait plus à venir les sauver. C'était sans doute pas la meilleure remarque qu'elle pouvait faire, mais c'était pourtant ce qu'elle pensait à ce moment précis. Elle n'était plus là, et c'était tout ce qu'Alex pouvait retenir finalement. Cette absence et c'était pour la combler qu'elle se mettait dans de tel état, alors elle n'allait pas trouver la paix ainsi. « Tu peux me dire quelles douleurs de plus fort que la mort, me voir ainsi peut lui procurer ? » C'était froid, c'était peut-être un peu trop dur dans sa façon de le dire, mais c'était ce que l'Anglaise ressentait. Rachel était morte, et Alex en très mauvaise croyante,  n'avait pas à gérer les états d'âmes des morts. Pour elle, les morts étaient morts, simplement morts et si elle n'arrivait pas à vivre pour elle même, si elle n'arrivait pas à vivre pour les vivants, elle n'allait pas se mettre à vie pour plaire aux morts. Cette discussion commençait à l'énerver parce qu'elle devait gérer à la fois ses souvenirs, les mots d'Alfie qui était bien trop gentil avec elle, mais qu'elle trouvait pourtant hypocrite, et sa colère envers elle même, envers Rachel, envers Alfie aussi. « On peut pas changer les choses, on aurait jamais pu. » Elle soufflait un peu trop bruyamment, s'allumant une nouvelle cigarette tout en proposant à Alfie son paquet. Il affirmait quelque chose avec laquelle Alex ne pouvait pas être d'accord. Parce que c'était presque le but ultime de la vie d'Alex. Changer les choses, elle aurait donné tout ce qu'elle avait pour changer les choses. Parce qu'elle en avait fait des erreurs, elle en avait fait souffrir des gens et elle avait impacté la vie des autres de bien des manières. Et au fond d'elle, elle aimait penser qu'elle aurait pu avoir un impact sur les choses. Et si ça faisait très prétentieux, c'était aussi une pensée qui lui permettait de s'ajouter une part de responsabilité dans la mort de Rachel. Et 'si elle était restée'. Et 'si elle n'avait jamais abandonné Rachel'. Et 'si elle avait été là pour elle'. Jamais elle n'aurait de réponse, mais cette incertitude, ces 'si' qui restaient sans réponses, sans certitudes, lui permettait de se reprocher toute sorte de chose dans sa vie et la mort de Rachel faisait inlassablement partie des choses qu'elle aimait se reprocher, comme pour alimenter toujours un peu plus le bol des reproches qu'elle pouvait se faire. « Et on peut pas l’us-l’ue… l’utiliser comme excuse pour… »  « Pourquoi Alfie ? » Oui pourquoi ne pouvait-elle pas l'utiliser comme excuse ? Pour tout, pour se détruire, pour se faire du mal, pour aller mal ? « Elle n'est plus là, elle ne peut plus nous reprocher de nous détruire ce serait hypocrite non ? » Et Alex amenait ça comme si Rachel avait choisit de partir, de les laisser. Et encore une fois, c'était la colère qui parlait, cette blessure, ce sentiment d'avoir été abandonnée par celle qui ne l'avait jamais laissé tombée avant. Elle avait été abandonnée et c'était tentant d'abandonner à son tour. Juste pour voir si la paix arrivait après le chaos. Juste pour voir si le néant avait quelque chose de réconfortant. Juste pour voir si la douleur, la colère, la haine, la souffrance, la culpabilité, tout ça finissait par disparaître à un moment. Parce que parfois c'était invivable, et se faire subir tout ça, n'était pas humain. Alors si Rachel avait eu le droit d'abandonner, de les abandonner, pourquoi elle n'aurait pas le droit de le faire elle aussi ?  

Et finalement, alors que ses pensées étaient en train de devenir plus sombres, alors qu'elle n'arrivait plus réellement à faire le tri dans ses émotions, entre ce qu'elle pouvait ressentir, ce qu'elle pouvait  dire qui soit politiquement correct, elle avait finit par lui demander pourquoi il était venu. Sans doute pas pour apaiser les souffrances de l'Anglaise dont il avait sans doute peu à faire avant ce soir. C'était Alfie, elle était elle et leur seul point commun avait été d'être des boulets dans la vie de Rachel. « Parce que Rachel serait venue. » Cette phrase avait déstabilisé l'Anglaise complètement, qui s'était arrêtée nette. Laissant Alfie marcher devant elle. Il était venu, il était là devant elle parce que Rachel n'était plus en mesure de le faire. Parce qu'elle était morte, parce qu'elle n'était plus là, parce que son absence était un élément indissociable de son prénom maintenant. Et il était là devant elle, à la place de Rachel rendant son absence d'autant plus réelle d'un coup. Et toute la colère qu'elle exprimait pour cacher ses souffrances, avait laissé place à une vague de tristesse qu'elle ne pouvait pas contrôler. Pas dans son état. Rachel serait venue, mais elle ne peut plus, elle ne pourra plus jamais. Et c'était un vide immense qu'elle laissait, un vide qu'Alfie avait essayé de combler en prenant sa place ce soir. Alex pleurait désormais, parce que finalement c'était la seule chose qu'il lui restait. Les larmes qu'elle retenait jusqu'à présent, coulait sans s'arrêter sur son visage. Elle écoutait les mots d'Alfie, qui continuait de parler, en marchant, elle arrivait même à entendre son léger rire. Mais elle ne pouvait plus. « Je pourrais jamais lui demander pardon. Je ne pourrais jamais savoir si elle m'avait pardonné d'être partie. Je ne pourrais jamais être là pour elle comme elle l'a été pour moi. Je ne pourrais jamais être à sa hauteur. Je ne pourrais jamais me pardonner de l'avoir abandonnée. » Et après avoir exprimé sa colère envers Rachel d'être partie, c'était contre elle même que la colère se retournait, la vraie colère. Cette haine d'elle même, cette culpabilité intense qu'elle ressentait au fond d'elle quand elle repensait à toutes ses erreurs. Rachel n'était plus là, et elle laissait un vide immense et personne ne pourrait le combler puisqu'elle était là seule qui aurait pu apaiser un tant soit peu Alex. Elle ne pourrait jamais demander pardon, elle ne pourrait jamais savoir si Rachel lui avait pardonné son départ au moment de sa mort. Et à défaut d'avoir cette réponse, Alex avait choisi de se haïr au lieu de se pardonner.


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Message(#)Who will fix me now? Dive in when I'm down? Save me from myself. Don't let me drown ▬ Alfie EmptySam 16 Mai 2020 - 0:43

Il n’a jamais su définir ses liens avec Alex. Partagé entre l’amitié particulière qui les unit par le biais de Rachel et cette animosité silencieuse qui les lie pour les mêmes raisons, il n’a jamais su se positionner quant à ce qu’Alex lui inspire. Et si d’ordinaire il s’en satisfait dû au fait qu’il a toujours catégoriquement refusé d’étiqueter ses relations ou d’avoir l’obligation de définir celles-ci ; concernant Alex c’est pourtant une stratégie qui l’aiderait à y voir plus clair. Parce qu’ils sont tous les deux en équilibre sur un fil, oscillant entre l’envie de précipiter l’autre dans le vide autant que celle de lui tendre la main pour l’aider à conserver l’équilibre. Et à cet instant, Alfie sait exactement l’option qu’il choisirait s’il en avait l’opportunité : il n’hésiterait pas à pousser Alex dans le précipice. Parce que cette fois, il en est sûr, il sait ce qu’il pense d’elle. Oubliées les hésitations, oubliées les nombreux secrets et souvenirs qui leur imposent d’être liés et qui imposent de se faire une opinion de l’autre. À cet instant, tout est clair dans son esprit : il déteste Alex. Il la déteste de tout son être, comme jamais il n’a probablement détesté quelqu’un. Pourtant, c’est un sentiment qu’il a déjà ressenti pour elle, au fil des années, lorsqu’elle a été témoin de cet événement qu’il n’aurait jamais voulu partager avec quelqu’un d’autre que Rachel, ou lorsqu’elle a quitté cette dernière sans se retourner et qu’il a vu sa cousine en souffrir. Il l’a détestée à de nombreuses occasions ; mais il l’a également appréciée à tout autant d’occasions. Parce qu’elle avait été là quand il n’avait pas été en mesure d’être un soutien pour Rachel, parce qu’elle avait toujours essayé d’être à la hauteur de celle-ci quand lui avait échoué à cette mission. Même maintenant que sa cousine n’est plus là pour juger de ceux-ci, Alex persiste à vouloir se racheter, dans la manière dont elle se flagelle pour son absence. Mais il est trop tard pour changer les choses ; il est trop tard pour pleurer la décédée, pour faire son deuil, et Alfie bouillonne de l’intérieur alors qu’Alex l’oblige à faire face à ces deux choses dont il s’est toujours détourné jusqu’ici, quand bien même ce sont des étapes supposément obligatoires pour avancer. Mais il ne veut pas avancer, Alfie, il ne veut pas aller de l’avant, il ne veut pas s’épanouir dans cette vie où Rachel n’existe pas, parce qu’il ne peut concevoir que celle-ci puisse en valoir la peine si sa cousine n’est pas à ses côtés pour en profiter. On lui a enlevé la personne qui lui était le plus cher, il conserve précieusement son souvenir pour ne pas être dépossédé de toutes les bribes de Rachel qu’il est parvenu à conserver malgré le temps. Parce qu’il paraît que le temps efface la peine, mais cela efface surtout les souvenirs ; le souvenir de sa voix, le souvenir de son sourire, le souvenir d’elle, tout simplement. Deux ans après le drame, c’est trop tôt, c’est beaucoup trop tôt pour qu’elle lui soit enlevée, pour qu’il doute quant au son de sa voix, pour qu’il n’arrive plus à dessiner son sourire dans sa mémoire, pour qu’il se fasse à l’idée qu’elle n’est plus là, pour qu’il accepte celle-ci. Il ne veut pas l’accepter, et pourtant Alex l’y force – probablement sans en prendre conscience. Mais elle le force par le simple fait de vouloir l’évoquer, par son envie de partager ses regrets et ses souvenirs, forçant Alfie à partager ces poussières de Rachel qu’il conservait précieusement. Il n’en a plus beaucoup, autant qu’elles soient encore siennes, encore un peu, juste un peu. Mais ça, Alex ne le comprend pas. Elle le pousse, elle éveille ses souvenirs, elle martyrise son cœur, elle déstabilise son être et oui, il en est certain. Il déteste Alexandra Clarke comme jamais il n’a détesté personne.

Mais il n’y arrive pas. Il n’arrive pas à se détacher d’elle, il n’arrive pas à la laisser à son sort, à détourner ses pas sans s’être assuré que ses vieux démons ne la rappellent pas. Parce qu’ils l’ont déjà fait, pour sûr, mais aussi parce que cet égoïsme qui caractérise Alfie et qui a tant desservi Rachel de son vivant n’a pas disparu avec sa cousine : il doit se préserver avant les autres. La perspective qu’Alex enchaîne les verres et ne soit pas en mesure de prendre des décisions rationnelles ce soir l’inquiète, bien évidemment, mais pas autant que la perspective qu’il finisse par être celui dénué de rationalité alors qu’il se sera replongé dans le réconfort d’un verre. Parce que ça commence toujours ainsi. Des souvenirs douloureux, une béquille sur laquelle s’appuyer, une condamnation de son vivant. Et c’est ce qu’Alex fait, c’est tout ce qu’elle provoque en lui, en alourdissant ses épaules par sa culpabilité d’être vivant, de s’en être sorti là où Rachel n’y est pas parvenue. Ils ont trop joué, c’est certain, et pas un jour ne se passe sans qu’Alfie espère se réveiller de ce mauvais cauchemar et prendre la place de sa cousine. Il y en a des injustices, dans le monde, il en a souvent été témoin de par son métier, mais aucune n’est plus insupportable que celles qui frappent les êtres aimés. Il l’aurait fait, lui, de donner sa vie pour sa cousine, sa meilleure amie. Il l’aurait fait sans aucune once d’hésitation, sans aucune crainte, parce qu’il aurait su que c’était la chose à faire. Il ne l’aurait pas proposé dans le vide pour prétendre la bienveillance, non, le vide est ce qui l’aurait accueilli si cela avait permis à Rachel de voir grandir sa fille. Il a joué avec ses proches autant qu’il a joué avec sa vie, et il ne pensait pas que sa plus grande culpabilité serait celle d’avoir survécu là où il aurait dû se maudire pour ses erreurs passées. C’est bien son présent qui lui est insupportable, et ce chemin qu’il emprunte sans Rachel à ses côtés. Et la tentation de se foutre en l’air l’a guidé pendant des semaines, des mois, après le décès de la dentiste. C’était son seul moyen d’avoir l’impression de renouer avec Rachel : parce qu’ils n’avaient jamais été aussi proches que lorsqu’il essayait de mettre de la distance entre eux. Elle avait toujours été là, l’avait toujours soutenu, malgré les horreurs de ses actes et de ses mots. Et il aurait tout donné pour retrouver ça, pour avoir l’impression que Rachel était encore un peu avec lui, qu’elle l’observait de là-haut, et qu’ils étaient à nouveau réunis dans son malheur. Mais il savait aussi que ce n’était pas une solution viable à termes, et que jamais il ne se serait pardonné de reproduire les mêmes fautes que sa cousine avait passé sa vie à lui empêcher de commettre. Ça n’aurait pas honoré sa mémoire, mais à vrai dire, qu’est-ce qui pourrait le faire ? Il n’a jamais été à la hauteur de Rachel, il n’a jamais pu prétendre pouvoir lui ressembler. Il a toujours été déméritant entre eux, et jamais il ne pourra changer cela. Mais il peut empêcher Alex d’envisager le même schéma que celui dans lequel il aurait souhaité se plonger ; car s’il ne sait pas comment faire honneur à Rachel, il sait pertinemment ce qui serait un déshonneur à la mémoire de la jeune femme. « Ça tombe bien, elle n'a plus à le supporter. » « Alex. » Qu’il reprend sèchement. Alex, je t’en supplie, tais-toi. Car en l’espace de quelques mots, ce sont un millier de poignards qu’elle vient d’asséner au cœur d’Alfie, seulement parce qu’elle rend toujours plus concret le fait que Rachel n’est plus parmi eux. Il n’est pas fou, Alfie, il sait qu’il ne croisera plus jamais sa cousine au coin de la rue, qu’il n’entendra plus sa voix. Il sait que sa demeure est désormais le cimetière ; mais ce n’est pas pour autant que l’idée lui semble réelle. Elle ne l’est pas, elle ne le sera probablement jamais, et ce sont des mots qu’il ne désire pas entendre. « Des regrets. » Qu’il assène avec la même froideur alors que son regard noir se porte sur Alex et sa main sur son paquet qu’il arrache sans délicatesse pour coincer une cigarette entre ses lèvres. Allumant celle-ci, il finit par clarifier son propos, tentant de regagner son calme. « Les regrets n’ont pas d’issue. » Contrairement à la mort. La mort est concrète – même s’il refuse de l’admettre dans le cas de Rachel. Les regrets, eux, seront toujours entourés de tous ces « et si ? » à l’origine d’une douleur qui ne pourra jamais être atténuée. Et si Rachel était restée en vie ? Et si elle avait été là pour les aider ? Et si elle les voyait, qu’en dirait-elle ? Et s’ils la décevaient aujourd’hui plus que jamais auparavant ?

Et si elle n’était pas une excuse ? Parce qu’elle n’en est pas une, ni pour lui, ni pour elle. Et pourtant, tous deux se cachent derrière celle-ci, la plus facile, parce que jamais personne ne peut en vouloir à une morte et, par extension, aux vivants qu’elle préserve. « Mais moi je suis là. » Qu’il formule tandis qu’il relève le regard vers Alex. « Et moi, je te le ri-reprocherais. » Pour Rachel. Parce que tu peux te détruire, Alex, je m’en fiche. Mais Rachel aurait été anéantie par cela, et je vais être anéanti pour elle, si ça me permet de partager encore quelque chose avec elle. « C’est vi-vraiment ce que tu veux ? Te détruire, pour anéantir tout ce qu’elle a fait pour nous ? Pour oublier qu’elle était l’u-la seule qui croyait en nous ? Pour pat-piétiner tout le respect qu’on lui doit ? » Il questionne tandis qu’il reporte son attention sur la rue face à eux, avant de reprendre. « L’hypn-hypocrisie, c’est de lui avoir fait croire de son vivant qu’elle avait raison de penser qu’on vi-valait mieux que ça, et de revenir à zéro sous pi-prétexte qu’elle n’est plus là, et pire encore, de l’utiliser comme juge-justice-justification. » Il souligne, le regard perdu vers l’horizon, et la cigarette déjà terminée au bout des doigts, tandis que ses pas continuent d’arpenter les rues, bientôt abandonnés par ceux d’Alex tandis qu’il persiste à devoir évoquer sa cousine et à partager un peu d’elle avec Alex. Ce n’est que lorsqu’une voix brisée par les sanglots s’élève qu’il prend la mesure de leur distance et qu’il se retourne, la colère qui ne disparaît pas face aux larmes d’Alex. Parce qu’elle n’a pas le droit. Elle n’a pas le droit de lui infliger ça, elle n’a pas le droit de lui montrer que Rachel lui manque, elle n’a pas le droit de faire son deuil, là, maintenant avec lui et de le forcer à se confronter à tout ce qu’il redoute, à tous ces faits si concrets, mais pourtant si abstraits dans son esprit. « Alex... » Qu’il se contente de murmurer tandis qu’il revient sur ses pas, et qu’il ne sait comment réagir. Parce que c’est Rachel qui sait s’y prendre, c’est elle qui a toujours su trouver les mots. Lui, il se contente de fuir et c’est la première envie qu’est la sienne ; fuir avant de craquer à son tour, fuir avant d’être confronté à la réalité, fuir avant de devoir continuer à partager les souvenirs de Rachel. « Il n’est pas trop tard pour être à la hauteur. » Qu’il souligne, le regard qui se porte tout autour d’Alex, mais surtout par dans ses yeux mouillés. « Il suffit de lui pri-prouver qu’elle avait raison de nous soutenir. Qu’on en vaut la pain-peine. Qu’on peut le faire, même sans elle. » Mais il se mure dans le silence tandis que ses mots ne sont pas sincères, malgré toute la conviction qu’il tente d’y mettre. Parce que ça le frappe si soudainement qu’il en oublie de reprendre sa respiration, et qu’il a le souffle saccadé lorsqu’il y parvient. Ça le frappe, ça lui transperce le cœur et s’impose dans ses pensées. Comment peut-il rassurer Alex, alors qu’il aurait pu tenir le même discours ? Parce qu’il s’est rassuré quant au fait qu’il a été présent durant la fin, mais il l’a abandonnée, au début. Il a saisi la première opportunité professionnelle qui s’offrait à lui pour fuir à l’autre bout du monde ; partant sans se retourner plutôt que de poser le regard sur sa cousine et prendre le risque de ne plus la reconnaître. Il était parti, et jamais il ne s’est excusé. Il était revenu parce qu’il y a été forcé ; et même cloués dans leurs lits d’hôpital respectifs, il n’a jamais formulé ces quelques mots. « Je m’excuse ». Il ne l’a jamais fait, pas même lorsque, rongée par la maladie, le décompte de ses derniers jours enclenché, elle fut celle qui tentait de le soutenir et d’éponger ses traumatismes. Elle mourrait, et il a continué à lui prendre toute son énergie, précipitant son déclin sans jamais demander pardon. Il ne l’a jamais fait. Oh, bien-sûr, qu’il a promis de son vivant qu’il ne recommencerait pas, que les bêtises étaient terminées, qu’il ne commettrait plus aucune faute. Mais jamais il ne l’a pensé. Jamais il n’a été sincère, quand elle n’a cessé de l’être avec lui. Il l’a prise pour acquis, et il a piétiné ses sentiments et ses espoirs. Il s’est toujours convaincu que ce n’était que lorsqu’il était dans sa mauvaise passe, se cachant derrière l’excuse de la drogue. Puis, derrière l’excuse de son agression. Mais ce n’en était pas une, alors qu’à ses côtés, la maladie avait commencé à leur ôter Rachel et qu’elle ne s’est jamais cachée derrière celle-ci pour abandonner son cousin, au moment où il avait eu le plus besoin d’elle. Au moment où elle avait eu le plus besoin de lui. Et il n’avait pas été là. Il n’a jamais été là. « Je... » Tu, quoi, Alfie ? Tu prends la mesure de toutes tes erreurs ? Tu prends la mesure de ce pardon que tu n’auras jamais ? « Tais-toi. » Tais-toi. Tais-toi. Tais-toi. Cesse de disperser du sel sur des plaies qui ne pourront jamais se renfermer. Cesse de m’obliger à me confronter à mes pensées et mes actes. « Tais-toi, je t’en supplie, tais-toi. » Mais elle ne parle plus, Alfie, alors pourquoi est-ce que ses mots résonnent en boucle dans ta boîte crânienne ? Pourquoi est-ce qu’il se sent vide, pourquoi est-ce que ses épaules s’affaissent sous des poids inexistants, pourquoi est-ce qu’il sent que la colère a été remplacée par du désarroi, et que son cœur tambourine bien trop fort dans sa cage thoracique ? Pourquoi est-ce qu’elle a été obligée d’appuyer là où ça fait mal, pourquoi l’a-t-il laissée accéder à cette part de lui qu’il refusait de voir ? Pourquoi est-ce qu’elle ne s’excuse pas, pourquoi est-ce qu’il a l’impression que c’est volontaire ? Pourquoi est-ce qu’il a l’impression que jamais il n’aura aucun répit, et que c’est amplement mérité ? Pourquoi est-ce que ce n’est plus sa voix dans son esprit ? Pourquoi est-ce qu’il ne la voit plus, alors qu’il reprend son chemin sans se tourner vers elle ? « Je... il faut que je... j’aille la voir. » Il a besoin de sentir sa présence, il a besoin d’elle, plus que jamais. Mais elle n’est plus que poussière, et il n’y a plus qu’une pierre tombale qui leur permette de l’avoir à leur côté, ce n’est pas grand-chose, mais c’est toujours mieux que ce rien qu’elle est supposée être.


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Message(#)Who will fix me now? Dive in when I'm down? Save me from myself. Don't let me drown ▬ Alfie EmptyMar 27 Oct 2020 - 10:47


Who will fix me now ? Dive in when I'm down ?
Save me from myself. Don't let me drown.
EXORDIUM.
« Alex. » Est-ce qu'elle peut sentir la froideur alors qu'Alfie ne fait que prononcer son prénom ? Est-ce qu'elle peut voir le mal qu'elle lui fait, qu'elle se le fait aussi à évoquer Rachel ainsi ? Oubliant presque volontairement tout ce que l'Australienne avait fait pour eux, oubliant le mal qu'elle s'était donnée pour que ses proches soient heureux. Parce que c'était tout ce qu'elle avait toujours voulu Rachel, s'oubliant trop souvent pour venir en aide à ses proches. A Alfie, mais à Alex aussi. Deux boulets qu'elle n'a plus à gérer désormais. Alex ne s’écroulera plus jamais dans ses bras en apprenant qu'elle est enceinte. Alfie ne sera plus jamais secouru par sa cousine. Elle n'est plus là et elle laisse derrière elle deux âmes en peine qui se retrouvent en cette soirée Australienne. Et si les souvenirs sont trop douloureux, les regrets ont quelques choses de rassurants, pas qu'ils fassent du bien au contraire, mais ils permettent à Alex de continuer à pleurer la mort de son amie sans vraiment le faire. Parce que son deuil elle ne veut pas le faire, elle ne veut pas accepter qu'elle ne soit plus parmi eux et qu'elle ne le sera plus jamais. Elle ne veut pas se dire que désormais elle doit vivre pour elle mais sans elle, c'est trop dur, ce soir ça l'est vraiment trop. Et son état le prouve. Même si se cacher derrière la mort de Rachel est facile, égoïste aussi, ça lui permet de boire et de pleurer. De se culpabiliser et de se reprocher encore d'autres choses, de la tenir loin d'un bonheur dont elle entrevoit pourtant le chemin depuis que Caleb est revenu dans sa vie. Mais pas ce soir. Ce soir, elle veut pleurer, elle veut aller mal, elle veut se reprocher ses erreurs, elle veut sentir en elle toutes les douleurs qu'elle a fait subir aux autres et elle en a fait subir beaucoup à Rachel. Et même si les regrets n'ont pas d'issue, quand ils sont tout ce qui reste, quand ils sont tout ce qui les approche de l'être perdu, Alex ne peut pas s'en débarrasser. Alex ne peut pas se pardonner parce qu'elle n'en a pas le pouvoir, pas la force et pas l'envie. Et la seule qui pourrait lui dire qu'elle peut arrêter de regretter, qu'elle peut arrêter de se blâmer n'est plus là pour le faire. Parce qu'elle est morte. putain de merde, Rachel est morte, pourquoi elle, pourquoi hein ? Qu'on me donne un putain de sens à tout ça. Et la vie est tellement injuste parfois que les regrets sont inévitables, ils sont tous ce qui reste à Alex, quand à la fin de la journée, bourrée elle plonge dans un énième verre pour oublier. « Et pourtant c'est tout ce qui me rattache encore à elle. » Elle souffle ces mots tout en expirant les dernières bouffées de sa cigarette, avec une forme d'indifférence alors que son cœur a mal, que son cœur lui crie que son amitié avec Rachel mérite tellement plus que ça. Mais l'amitié n'existe plus, les souvenirs joyeux n'en sont plus vraiment alors que le sourire de Rachel n'existe plus que sur les photos. Elle déteste cette discussion, elle déteste cette soirée, elle déteste ce mois de Novembre et elle se déteste aussi. Peut-être plus que tout le reste, elle se déteste d'être là alors que Rachel ne l'est plus, mais c'est pourtant à la dentiste qu'elle en veut, parce qu'elle les a abandonné. Elle est morte, et si ce n'est pas son choix, pas sa faute, ça reste injuste et Alex lui en veut. Elle en veut à la vie aussi. De lui prendre tout, alors qu'au fond c'est elle qui abandonne tout, tout le temps. Et ce soir, elle est sur le point de le faire. Ou peut-être pas, peut-être que pour ça aussi elle est trop lâche. Elle se détruit, elle détruit les autres mais pourtant, malgré tout ce qu'elle a fait pour se faire du mal, et elle en a fait, elle n'a jamais été jusqu'à tenter de mettre fin à ses jours. Et c'est une pensée qui lui traverse l'esprit pendant une seconde. Pas l'idée de se tuer, non mais la constatation qu'elle aime trop se faire du mal pour songer même arrêter tout ça. Tout arrêter. Arrêter de se faire du mal. Pour qui ? Pourquoi ? Elle pense à Caleb, durant une seconde elle pense à sa promesse, de ne plus le faire souffrir et elle sait inévitablement qu'elle va échouer. Parce qu'elle fait souffrir tout le monde autour d'elle. L'avantage pour Rachel, c'est qu'elle n'est plus là, et elle ne le verra pas. Rachel ne pourra plus lui reprocher de se faire du mal, elle ne verra plus la tristesse dans les yeux de son amie. Comme elle ne verra plus jamais son sourire. « Mais moi je suis là. » Oui Alfie, moi aussi je suis là mais ça ne change pas qu'elle, elle ne soit pas là, c'est même pire finalement. Nous deux ensembles sans elle. Nous deux vivants, elle morte. Oui c'est pire, vraiment pire. « Et moi, je te le ri-reprocherais. » Encore des reproches, toujours des reproches. Va s'y dis moi comme ma vie est pourrie, dis moi que je suis égoïste, dis moi que je ne mérite pas d'être heureuse, dis moi tout ça, parce que j'ai besoin que quelqu'un me le confirme. Quelqu'un autre que ma tête qui me le répète sans cesse. Quelqu'un qui justifie tout ça, qui m'aide à trouver un sens à tout ce merdier qu'est devenu ma vie depuis que j'ai quitté Brisbane. Elle le regarde, immobile, silencieuse alors que ses poings se serrent, alors qu'elle lutte contre ce qu'elle ressent, qu'elle lutte aussi pour ne pas se sentir touchée par les mots d'Alfie. Il est là, il a répondu présent à son appel alors que rien ne l'y obligeait. Mais maintenant qu'il est là, maintenant que Rachel n'est plus vraiment un tabou dont elle ne parle à personne, elle fait face à tout un tas d'émotions qu'elle ne gère plus. Et ce n'est pas les mots d'Alfie qui vont apaiser l'Anglaise. Elle veut qu'on l'aide à légitimer sa douleur, qu'on lui donne une raison de continuer à se faire du mal, sauf qu'Alfie ne fait pas ce qu'elle voudrait. Ou peut-être que si, mais ça lui fait mal. Très mal. Entendre que Rachel croyait en eux en elle, ça lui serre le cœur parce qu'il a sans doute raison Alfie mais c'est impossible à avouer pour Alex. Impossible à accepter aussi. Elle veut, non elle a besoin, d'entendre Rachel lui dire ces mots, lui dire tout ça. Lui dire de se battre, d'avancer, d'accepter. De se pardonner surtout. Lui dire qu'elle a le droit d'être heureuse et même le devoir de l'être. Tu as un tel sourire Alex que c'est cruel d'en priver le monde. Elle n'entends plus la voix de Rachel mais elle se souvient de certaines de ses phrases, de certaines de leurs discussions et elle voudrait pouvoir sourire. Elle veut pouvoir rire et pleurer dans ses bras. Lui partager tout de sa vie, ses joies, ses peines, ses doutes, ses angoisses, ses envies. Elle veut son amie, la seule qui a toujours tout su d'Alex, la seule avec qui elle a toujours été sans filtres, sans craintes de déplaire ou de décevoir. Et pourtant, depuis elle a du la décevoir un sacré paquet de fois. De toute façon elle déçoit tout le monde alors c'est juste logique au fond. Une mauvaise fille, une mauvaise petite-amie, une mauvaise amie, une mauvaise personne tout simplement. « J'y arrive pas sans elle. » Une constatation qui sonne comme un aveux d'impuissance, comme si elle était désormais incapable d'affronter la vie sans Rachel, ou du moins de l'affronter avec dignité sans elle. Alors qu'elle n'a pas le choix finalement. Elle retrouve peu à peu ses marques pourtant mais il n'y a que dans les bras de Caleb qu'elle sent son cœur s'alléger un peu, le reste du temps elle souffre. Et si elle n'arrivait jamais à aller mieux ? Si elle ne s'autorisait jamais à aller mieux ? Et si finalement Rachel avait eu tord ? Le bonheur n'est pas fait pour tout le monde. Elle a été la première à croire en Alex, la première à voir derrière cette fille paumée qui se cherchait dans des soirées bien trop déjantée pour y trouver une quelconque réponse. Elle a été la première, alors peut-être qu'elle avait tord. Peut-être qu'elle a entraîné Alex à se mentir à elle-même, à croire en un possible bonheur qui ne lui était pourtant pas destiné ? Elle a fait croire à Alex qu'elle était une bonne personne et pourtant tout le reste a prouvé qu'elle avait tord. L'Anglaise n'a jamais été une bonne personne, elle n'a jamais fait que décevoir encore et encore et elle le fait à nouveau aujourd'hui. Elle déçoit les morts, oublie les souvenirs d'une amitié si forte et anéantis tout ce que Rachel a fait pour elle. Rachel aurait été là pour elle si elle avait pu. Rachel serait devant elle si elle n'était pas si-pied sous terre à l'heure actuelle, arrachée par la vie, par la maladie et pas par choix. Ça n’apaise pas les douleurs, mais c'est injuste de lui en vouloir, de lui reprocher sa mort. Et c'est injuste de l'utiliser pour gâcher sa vie, parce qu'elle en a encore une de vie. « Je sais pas ce que je veux, ça te va comme réponse ? Je sais pas ce dont j'ai besoin, je ne comprends pas pourquoi elle a cru en moi, j'y comprends rien à tout ça, je n'ai jamais mérité toute son attention, toute son amitié. Tu t'es pas déjà demandé si c'était pas elle qui avait tord finalement ? Et si le fait qu'elle ne soit plus là, ça montre qui on est réellement ? » La colère, la tristesse, l'injustice, la haine d'elle même, c'est une sacrée pagaille ce qui se passe dans la tête d'Alex à ce moment. Entre cris et pleurs. Elle n'a plus aucune assurance à ce moment de la soirée, elle n'en a déjà pas beaucoup en temps normal mais ce soir elle semble sur le point de s'écrouler. Et les larmes font leur apparition, les pleurs éclatent laissant sa culpabilité s'exprimer de façon plus nette, plus franche. Elle s'en veut, plus qu'elle n'en veut à quiconque c'est à elle qu'elle en veut. C'est elle qui est partie, elle qui a tourné le dos à Rachel, elle qui l'a abandonné et jamais elle ne pourra obtenir le pardon de son amie, jamais elle ne pourra se pardonner de lui avoir fait du mal, à elle et aux autres. Elle impose tout ça à Alfie et il a rien demandé, il a sa propre douleur à gérer et elle lui inflige la sienne alors qu'elle ne peut plus le porter tout ça toute seule. « Il n’est pas trop tard pour être à la hauteur. Il suffit de lui pri-prouver qu’elle avait raison de nous soutenir. Qu’on en vaut la pain-peine. Qu’on peut le faire, même sans elle. » Il est trop tard, il est définitivement trop tard parce qu'elle est morte. Elle a envie d'hurler ces mots, mais elle ne peut plus parler, elle n'y arrive plus. Elle a mal, vraiment mal et les larmes qui coulent en sont la preuve. Elle exprime ses émotions avec intensité, et elle en a besoin. Bien plus que l'alcool, elle a besoin de se libérer de tout ce qu'elle ressent parce qu'elle retient tout, elle garde trop et elle explose à ce moment sous le poids de la culpabilité mais aussi de la tristesse. Rachel est morte. C'est dur, c'est violent mais c'est une réalité avec laquelle ils doivent vivre désormais, c'est la réalité et elle en prends conscience ce soir alors qu'elle aurait eu tellement besoin de l'Australienne. Elle n'est plus là, et désormais ce sera ainsi pour le reste de sa vie et elle va devoir apprendre à vivre avec cette réalité. « Tais-toi. Tais-toi, je t’en supplie, tais-toi.  » Mais elle ne parle plus. Elle ne dit plus rien, laissant ses larmes couler et pourtant Alfie lui demande de se taire, encore. Il supplie Alex de se taire, elle ouvre la bouche, mais la referme aussitôt. A l'instant ou elle le voit s'enfuir, elle se sent abandonnée encore une fois. Et si Alfie a tout les droits de le faire, parce qu'il ne doit rien à l'Anglaise, rien du tout, elle ne supporte pas de le voir lui tourner le dos. Elle ne supporte pas non plus toute cette douleur, toute cette peine qu'elle ressent et qui menace de la faire s'écrouler à tout moment. Replonger aussi dans la drogue peut-être. Parce que l'alcool ne suffit plus à ce moment précis. L'alcool semble même bien loin, alors que son cœur tape plus fort, que son sang semble battre si fort dans ses tempes qu'elle a envie de se cogner la tête contre le mur pour faire taire tout ça. « Je... il faut que je... j’aille la voir. » Elle voit son dos, elle le voit partir, immobile elle le regarde s'éloigner sans rien faire alors que son corps tout entier semble incapable de bouger. Le monde va vite, trop vite. Les gens vont et viennent. Mais tous finissent par partir. Mais c'est elle qui part normalement, c'est elle qui tourne le dos aux autres et elle ne supporte pas l'idée qu'on en fasse de même avec elle, parce que c'est trop dur de rester seule. Trop dur de se sentir abandonnée, de se retrouver confrontée à ses propres émotions, à ses propres failles, seule face à ses erreurs. Seule, parce que c'est tout ce qu'elle mérite. Elle ne mérite pas d'être heureuse, elle ne mérite pas ce bonheur que Caleb tente pourtant de lui offrir, elle ne mérite pas d'être soutenue. Mais pourtant elle en a besoin, et elle le cris. « Alfie, me laisse pas. » Elle le supplie, elle crie ses mots au milieu de ses larmes qui n'en finissent plus de couler. Elle ne peut pas rester seule, pas ce soir, pas après tout ses mots. Pas alors qu'elle laisse ses émotions s'exprimer, qu'elle laisse son manque se manifester. Elle ne peut pas le laisser partir. Elle ne peut pas parce qu'il est tout ce qu'il reste d'eux. D'elle. De leurs souvenirs de cette vie dans laquelle elle était là. Tout le temps. Présente à chaque instant pour elle, pour eux. Dans cette vie dans laquelle tout était plus simple, plus léger, plus facile. Parce qu'il est là Alfie, et l'ombre de Rachel est là aussi avec lui. Quelque part, parce qu'ils sont liés finalement. Alfie n'existe pas sans Rachel, il n'aurait jamais du faire partie de la vie de l'Anglaise sans Rachel. Et si la dentiste n'est plus là, lui il l'est. Il est là rappelant encore et encore le vide immense que laisse l'absence de Rachel. Il est perdu, elle le voit, sauf qu'elle l'est tout autant que lui. Perdue dans son deuil, perdue dans ses émotions, perdue sans elle. « Tu le crois vraiment ? » Elle le rattrape, elle essaye, comme elle le peut, en titubant, en lui criant des mots au milieu de cette rue comme s'il n'y avait qu'eux et à ce moment, il n'y a vraiment qu'eux pour Alex. « Qu'on peut le faire sans elle ? Qu'on a le droit de le faire sans elle ? » Pas pour elle, mais sans elle. Elle n'y croit pas une seconde, mais si lui y croit alors peut-être qu'elle a une chance de voir qu'il y a un espoir pour eux ? Il est tout ce qui lui reste de Rachel, il est ce lien vivant avec celle qui n'est plus là. Il est Alfie, le Alfie de Rachel. Son cousin auquel elle tenait tant. Il est définitivement tout ce qui reste de ce lien qu'elle avait avec Rachel. « Je peux rester avec toi ? » Elle est hésitante, elle ne sait pas si être avec Alfie est une bonne idée, si ce n'est pas une idée qui risque de leur faire plus de mal que de bien. Si ça ne va pas les détruire plus que les apaiser, mais elle ne veut définitivement pas être seule ce soir, et c'est lui qu'elle a appelé, lui qui a répondu présent et elle a besoin de lui, à défaut d'avoir Rachel.
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