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 norammy + bruised and battered

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Message(#)norammy + bruised and battered - Page 2 EmptyDim 21 Juin 2020 - 21:09

Dans un sens, le rôle d’arbitre que Norah lui décrivait pour expliquer la place qu’elle occupait au sein de sa fratrie et la neutralité qui semblait vouloir être la sienne dans les conflits plus ou moins sérieux qui animaient ses frères lui faisaient penser au rôle qu’occupait Beth auprès de sa propre famille. Sa sœur aînée, bien que dévorée par une ambition qui lui faisait parfois oublier qu’un monde entier existait hors de sa sphère professionnelle, avait toujours eu plus à cœur que tout le reste des Warren de tendre vers une harmonie familiale qui n’existait pourtant que dans ses espoirs les plus fous. Elle était la plus conciliante, la plus à même de chercher le compromis quand bien même elle ne l’obtenait pas à chaque fois … et elle était aussi la seule à même de supporter le caractère de Marius, ce qui aux yeux de Tommy lui donnait presque des allures de sainte. De leurs propres fratries la conversation avait cependant fini par dériver vers celle qu’élevait Norah, et dans laquelle l’absence du père avait apporté son lot de questions et d’incertitudes. Pris entre deux feux, Tommy lui enviait autant la curiosité de son aînée au sujet de son père qu’il réalisait que sa propre fille souffrait probablement beaucoup moins de l’absence de sa mère qu’il n’en souffrait lui-même, l’absence de souffrir jouant forcément dans la sensation de manque qu’ils réveillaient. « Je pense que ça a ses bons et ses mauvais côtés. Je veux dire ... Je chéris les souvenirs que j'ai de Frank plus que tout. Mais quand les petits me demandent de ressortir les albums photos, de les expliquer ... » Secouant la tête, elle avait marqué une pause avant de reprendre avec une tristesse qui se devinait sans mal « Ça me fait sourire, ça me fait plaisir devoir ces photos mais ... Le vide se creuse chaque fois un peu plus. » Lui offrant un sourire compatissant, Tommy n’avait pas osé lui dire que malheureusement pour elle, les choses ne semblaient pas s’arranger avec le temps … Elle ne s’était pas arrangées pour lui en tout cas, et si voir le sourire d’Alice sur papier glacé lui en arrachait toujours un en retour, son cœur se serrait toujours aussi fort et la boule dans sa gorge lui faisait toujours aussi mal malgré les huit années déjà écoulées sans elle. « Et Julie et Aidan n'arrangent pas toujours les choses non plus. Parfois, ils posent des questions un peu trop pertinentes et qui touchent juste là où ça fait le plus mal. Ils n'y peuvent rien, mais ... » Mais cela restait difficile. Il comprenait, et avait lentement hoché la tête avant de laisser passer quelques secondes et de finalement affirmer « Je sais. » avec douceur. « Mais au fond c’est bien, qu’ils veuillent en apprendre plus sur l’homme qu’il était … C’est une manière supplémentaire de se souvenir de lui. » Et ce Frank avait eu de la chance d’appartenir à cette famille qui continuait d’entretenir son souvenir et de faire en sorte que l’on ne l’oublie pas. Parfois Tommy avait l’impression de faillir à cette tâche, de ne pas être à la hauteur d’Alice même encore maintenant … et à nouveau il avait soupiré tristement, terminant sa tasse de café sans trouver aucun réconfort dans la boisson.

Reste que l’enfance de leurs enfants à tous les deux serait forcément amputée d’une partie de l’insouciance à laquelle devaient normalement avoir le droit tous les enfants, et la seule crainte du brun résidait désormais dans la frustration et les incompréhensions que cela pourrait provoquer, et la manière dont tout cela rejaillirait – ou non. Après tout il n’était pas sans savoir que la crise d’adolescence pouvait être une période compliquée, ingrate pour les enfants et frustrante pour les parents. « Je me dis qu'il y aura forcément un contrecoup à un moment donné. Que s'il y en a un, je ne serai pas surprise et je ferai au mieux pour redresser la situation et que si y'en a pas, je me féliciterai d'avoir tort. Avec une pointe de soulagement. » avait de son côté confié Norah, avec plus d’optimisme, et faisant se demander à Tommy si son adolescence à elle s’était passée sans heurts. « Je sais pas si on classe ce genre de choses dans les trucs de fille, mais je peux te dire avec assurance qu'elle viendra déjà en parler quand elle le voudra. » avait-elle ensuite assuré lorsqu’il lui avait confié le refus de Moïra à évoquer sa mère, même lorsqu’il tentait d’aborder lui-même la question armé de sa maladresse. « À sa place, j'aurais pas non plus apprécié qu'on cherche à me forcer la main pour que je déblatère des trucs sur un sujet que j'ai pas envie d'aborder. » Elle marquait un point, et bien que Tommy en était déjà parvenu seul à la conclusion en cessant d’insister et en priant Marius d’en faire de même, il avait gratifié Norah d’un « Tu as sans doute raison. » résigné, s’adossant à nouveau au dossier de sa chaise puis ajoutant « Je n’ai pas vraiment d’autre choix que de laisser faire les choses, de toute façon … C’est juste que parfois, ça me fait peur de me dire qu’elle ne sera peut-être jamais curieuse à ce sujet. Qu’Alice restera un sujet tabou et qu’on finisse par l’oublier. » Lui ne l’oublierait jamais, ce n’était pas la question. Mais il se sentait bien peu de choses face au monde, et le monde n’avait pas conscience de la personne qu’il avait perdu … Cela lui brisait le cœur, mais chaque deuil n’arrêtait de faire tourner que le monde de celui qui le vivait, et rien d’autre.

Paradoxalement, si le sujet du parent disparu restait encore sensible, il en était un que leurs filles respectives semblaient aborder avec un intérêt beaucoup moins timide : la vie sentimentale de leur autre parent. Revenant brièvement sur la mésaventure dans laquelle l’avait entraîné Moïra en l’inscrivant sur le site qui l’avait mis en contact avec Isla, Norah s’était fendue d’un « Julie se prendrait une de ces soufflantes si elle ose m'inscrire sur ce genre de trucs. » catégorique, et pour sa part Tommy s’était contenté d’assurer « Crois-moi, Moïra a compris la leçon. » sans se donner la peine de rentrer en détails dans la manière dont il avait fait passer le message, estimant que cela ne regardait que Moïra et lui et que l’important était que le message soit passé et intégré. « Mais c'est chouette que tu aies pu rencontrer quelqu'un qui soit finalement devenue une amie. » avait-elle en tout cas ajouté dans un sourire concernant la chute de cette histoire, avant de toutefois questionner « Et ça te manque pas, de partager ta vie avec quelqu'un ? Autre que Moïra, je veux dire. » avec un brin de curiosité. « Je demande juste, hein. Y'a pas de pression à avoir, ou même, te sens pas obligé à répondre. » Malgré cette dernière précision, Tommy avait senti le rouge lui monter aux joues et espéré de toutes ses forces que sa barbe suffisante à ce que l’infirmière ne s’en rende pas compte. « Je sais pas trop, je … Ça fait tellement longtemps qu’on est juste Moïra et moi. Je ne suis pas sûr d’être encore fait pour ça … » Et il était encore moins sûr de retrouver un jour quelqu’un qu’il puisse à la fois aimer autant qu’il avait aimé Alice, et qui en retour trouvait chez lui ce que son épouse avait su y trouver … Ce quelque chose qui lui avait fait préférer le réservé et maladroit Tommy au charismatique et cultivé Marius, et que le brun ne s’était jamais réellement expliqué. « Début d'année, Julie est venue me voir, avec le plus grand sérieux, en me disant que j'avais le droit d'avoir quelqu'un dans ma vie. Un peu comme si elle me donnait son feu vert. » Un peu songeuse, Norah avait poursuivi « Et autant j'ai eu cette sorte de soulagement, autant j'ai eu un pincement au coeur parce que c'est pas quelque chose que j'arrive à envisager. Et si même un jour ça me prend, j'ai pas envie qu'au bout d'un moment, ils me fassent la remarque que je remplace Frank. Je veux pas remplacer Frank non plus. » Étrangement capable de plus de recul lorsque la situation s’appliquait à une autre personne que lui, Tommy avait offert à la brune un sourire bienveillant « Je pense que l’important c’est simplement de rencontrer quelqu’un qui ne cherchera pas à prendre sa place … Qui acceptera qu’une partie de toi lui appartiendra toujours, et qui sera en paix avec ça. » Plus facile à dire qu’à faire, mais pourtant Tommy voulait croire que ce genre de personnes existaient. « Mais tu sais … on ne se connait pas depuis très longtemps, et je n’ai jamais rencontré Frank, mais … L’amour que tu as pour lui, il crève les yeux. Et si moi j’arrive à le voir, alors il n’y a aucune chance que tes enfants ne le voient pas. » Il il trouvait cela beau. Triste, mais beau.
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Message(#)norammy + bruised and battered - Page 2 EmptyJeu 25 Juin 2020 - 17:33

BRUISED AND BATTERED
saw my reflection in a window and didn't know my own face
Ayant toujours mis son mari dans un piédestal, le résumer à quelques photographies et souvenirs qui lui étaient propres ne lui rendaient pas suffisamment honneur pour qu'elle en soit pleinement satisfaite. Bien sûr qu'elle était heureuse de voir que ses enfants s'intéressaient sincèrement à lui et  que Julie voulait en savoir un maximum sur lui. Mais il n'y avait pas une seule fois où elle partageait ce moment précieux avec ses enfants où elle ne se disait pas qu'elle aurait préféré qu'il soit tout simplement là. Et pour ça, le temps ne l'aidait vraiment. Il ne la soutenait pas dans son seuil, ne lui filait pas un coup de pouce pour qu'elle puisse enfin finaliser cette épreuve de plus en plus douloureuse à vivre au quotidien. "Sûrement." répondit-elle d'un ton évasif, ayant plus hâte de conclure cette conversation pour mieux poursuivre les autres. Oui, les souvenirs étaient une bonne chose. Mais pour Norah, pour elle, il était évident que cela n'était plus suffisant pour outrepasser tout ceci. On ne pouvait pas lui forcer la main en lui hurlant dessus pour tenter de la convaincre d'aller de l'avant, tout comme Tommy ne pouvait pas forcer sa fille unique de discuter de la fameuse Alice. L'infirmière s'était permise de lui donner un conseil sur la gente féminine. Elle savait combien les filles pouvaient être complexes, avec des raisonnements suffisamment tordus pour que les hommes n'y comprennent absolument rien. Elle le savait parce qu'elle était parfois pareille, bien que toujours droite dans ses baskets. Parfois les hormones la rendaient insupportables (rien d'ingérable cependant), mais elle remerciait son contrôle de soi pour que tout ne parte en cacahuète à cause d'une contrariété. "Et ça pose quoi comme problème, qu'elle ne soit pas curieuse de sa mère ?" lui demanda-t-elle alors, d'un ton loin d'être accusateur. "C'est pas ça qui m'interpellerait le plus chez mes gosses. Je ne suis pas inquiète qu'Aidan ait commencé à y songer parce qu'il voyait les parents des autres à l'école ou parce qu'il entendant Julie me poser des questions. Il n'aura jamais ses propres souvenirs, lui." Mais ça non plus, Norah n'y pouvait pas faire grand chose. "Qu'elle ait envie de parler de sa mère ou non, elle aura de toute façon une sorte de crise identitaire à un moment donné, qu'elle vivra à sa façon. Ca nous fait revenir sur l'adolescence." Elle fit un sourire encourageant. "Si elle n'en parle pas, c'est qu'elle n'en a pas foncièrement besoin pour le moment. Si elle n'en a pas besoin, c'est que l'environnement que tu lui offres, le fait de t'avoir toi, te suffit." Tommy avait la fâcheuse tendance de se dénigrer avec facilité. Le manque de confiance en soi crevait les yeux et était toujours assez inexplicable. Elle ne le connaissait pas assez bien pour ça. Moïra semblait déterminé à trouver une nouvelle âme soeur pour son père, si bien qu'elle avait pris les devants en l'inscrivant sur un site de rencontre. Une initiative que Norah ne cautionnait absolument pas, et Julie ne ferait mieux de ne pas y penser. Tommy avait apparemment fait la leçon à sa propre fille aussi, bien qu'il ait pu tirer quelque chose de bien à cette expérience pour le moins incongrue. Poser la question de vie amoureuse le mettait par contre beaucoup plus mal à l'aise. Les joues soudainement bien roses, il bafouillait quelques mots avant de parvenir à verbaliser son ressenti, le fait qu'il ne se sentait pas encore tout à fait prêt à avoir une autre femme dans sa vie. "Si ça se trouve, ça va te tomber dessus le jour où tu t'y attendras le moins. Ou peut-être que tu l'as déjà rencontrée, qui sait." dit-elle d'un ton un petit peu plus taquin afin de détendre l’atmosphère quelques secondes durant. Elle le lui souhait en tout cas. Elle savait par Julie que Tommy était seul depuis bien longtemps (sûrement un argument supplémentaire pour tenter de maquer les deux parents célibataires) qu'elle. Norah se surprit ensuite à être dans la confidence. Sûrement parce qu''elle se disait qu'il serait le mieux placé pour comprendre les émotions qui la traversaient. Pour Tommy, il était plus qu'évident que son amie soit encore éperdument amoureuse de Frank, paix à son âme. "Tu penses vraiment qu'il existerait un mec capable d'accepter que la fille avec qui il sortirait aura toujours une pensée pour son ancien mari ? Mère de deux enfants, qui plus est ?" Elle ne précisait pas que parfois le fait d'être infirmière ne rendait pas la tâche très facile non plus, avec les weekends travaillés et les horaires décalés. "C'est pas vraiment un packaging qui vend du rêve." pouffa-t-elle. Norah ne se dénigrait pas, elle était juste très factuel. Cette pointe de pragmatisme qui la rendait parfois un peu trop rêche. Elle était la dernière à s'apitoyer sur son sort et savait se contenter de ce qu'elle avait. Mais elle en venait à un point où son incapacité à sortir de cette sorte de léthargie la frustrait et l'épuisait. "Je ne pensais pas être si transparente en matière d'émotions." dit-elle d'un air amusé, elle que l'on comparait souvent à un robot dans ses plus mauvais jours. "Mais oui, ils savent que j'aimerais certainement toujours leur père. Ca fait partie de ces fameux coups de foudre, enfin, tu sais quoi." dit-elle avec un sourire. Il devait encore aimer Alice autant que Norah aimait encore Frank, sinon il ne serait toujours pas célibataire. "J'ai même lâché le petit copain que j'avais à l'époque pour lui." Pourtant Jasper avait tout pour lui aussi, au fond. Ils ne partageaient pas juste les mêmes points de vue concernant le fait de fonder une famille, mais au fond, ils auraient été parfaitement capables de surmonter ce soucis là. "Un flic et une infirmière, ça fait presque trop cliché pour être vrai. Et pourtant." s'amusait-elle à dire avec nostalgie. Ils avaient chacun un sens du dévouement envers l'humanité au delà de la normale, avec une approche différente au vue de leur exercice. Cela avait ses bons et ses mauvais côtés. Il fallait ensuite imaginer comment était leur mariage, avec deux branches de métier qui avaient leur sens propre de faire la fête et leur humour plus que décalé. "Comment tu l'as connue, Alice ? Coup de foudre au premier regard aussi ?" Cette fois-ci c'était au tour de Norah de prononcer pour la première fois le nom de la personne avec qui Tommy avait partagé sa vie. Même pour elle, c'était étrange tant cela lui paraissait intime.
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Message(#)norammy + bruised and battered - Page 2 EmptyJeu 3 Sep 2020 - 22:53

À première vue, pouvoir discuter de ces sujets-là avec quelqu’un qui avait également perdu son conjoint ne pouvait qu’être bénéfique : qui de mieux placé pour comprendre toutes les nuances du manque et de la souffrance qu'insufflait l’absence de l’autre ? Pourtant à mesure que la discussion avançait Tommy réalisait que l’adage disait vrai et qu’aucun deuil n’était semblable à un autre. Peu importe que la mort ait été une surprise ou se soit annoncée, peu importe que l’autre s’en soit allé depuis dix jours, huit mois, cinq ans … Il y avait autant de manières de faire son deuil que de personnes endeuillées, et chercher la comparaison en espérant se sentir moins seul dans le sien était vain. La résignation s’était donc mêlée au brin de déception lorsque Norah lui avait demandé « Et ça pose quoi comme problème, qu'elle ne soit pas curieuse de sa mère ? » avec l’air de ne véritablement pas comprendre quel était le problème. Mais comment aurait-elle pu ? Car Frank n’était pas Alice, et la famille de Norah n’était pas la famille Warren. « C'est pas ça qui m'interpellerait le plus chez mes gosses. Je ne suis pas inquiète qu'Aidan ait commencé à y songer parce qu'il voyait les parents des autres à l'école ou parce qu'il entendant Julie me poser des questions. Il n'aura jamais ses propres souvenirs, lui. » avait-elle pourtant tenté de comparer à son tour, ajoutant « Qu'elle ait envie de parler de sa mère ou non, elle aura de toute façon une sorte de crise identitaire à un moment donné, qu'elle vivra à sa façon. Ça nous fait revenir sur l'adolescence. Si elle n'en parle pas, c'est qu'elle n'en a pas foncièrement besoin pour le moment. Si elle n'en a pas besoin, c'est que l'environnement que tu lui offres, le fait de t'avoir toi, lui suffit. » et n’arrachant à Tommy qu’un sourire triste, quand bien même il aimait parfois le croire. Qu’il était suffisant, que Moïra n’avait besoin de rien d’autre. « Le problème, c’est que si Moïra ne s’y intéresse pas … Personne d’autre ne le fera. » Il avait marqué une pause, et s’était permis de déglutir avant de reprendre d’un ton éteint « Alice, elle … On était la seule famille qu’il lui restait, Moïra et moi. Et du côté de ma famille on ne peut pas vraiment dire qu’elle était appréciée alors … Si Moïra ne s’y intéresse pas, c’est fini. Et c’est tellement injuste, parce qu’Alice c’était … C’était vraiment quelqu’un de bien, tu vois ? Elle mérite mieux que d’être oubliée par tout le monde. » Et c’était probablement ce qui se passerait, pourtant. Au bout du compte Alice mourrait une seconde fois avec lui, parce qu’elle ne manquait qu’à lui. Mais ça Norah ne pourrait probablement jamais le comprendre car son Frank, lui, semblait manquer à beaucoup d’autres.

Étonnamment – ou pas tant que cela, en réalité – la conversation avait fini par dériver sur leurs vies amoureuses respectives, ou plutôt sur l’absence de vie amoureuse qui semblait les caractériser autant l’un que l’autre. Pas que le brun ne se lamentait véritablement à ce sujet, il ne mettait pas beaucoup de volonté dans le fait de refaire sa vie, et la vérité c’est que jusqu’à présent cela ne lui avait jamais vraiment manqué … Et puis qui, qui d’autre qu’Alice aurait pu voir en lui ce qu’elle y avait vu ? Il doutait d’avoir cette chance une seconde fois. « Si ça se trouve, ça va te tomber dessus le jour où tu t'y attendras le moins. Ou peut-être que tu l'as déjà rencontrée, qui sait. » Elle en avait plaisanté, et plus parce que l’idée paraissait incongrue que parce qu’il y croyait réellement il avait répondu par un bref sourire … et le rouge qui lui était à nouveau monté aux oreilles, inlassablement. « Tu penses vraiment qu'il existerait un mec capable d'accepter que la fille avec qui il sortirait aura toujours une pensée pour son ancien mari ? Mère de deux enfants, qui plus est ? C'est pas vraiment un packaging qui vend du rêve. » avait finalement repris Norah, tout de suite moins assurée lorsqu’il était question d’elle et non plus de Tommy, et faisant tourner quelques instants sa tasse vide entre ses doigts ce dernier n’avait pu s’empêcher de lui faire la remarque. « Ça te paraîtrait possible pour moi, mais pas pour toi ? » Mais cela ne l’étonnait qu’à moitié en fin de compte. De Norah émanait cette sagesse des gens qui donnaient de bons conseils mais sans savoir les appliquer à eux-mêmes ; En cela elle lui rappelait un peu Elizabeth, sa sœur aînée. « Je pense que ce genre de mecs existe … et je pense que celui qui tombera sur toi aura de la chance. » À peine sortie de sa bouche sa réponse lui avait semblée un peu – trop – cavalière, et bafouillant un « J’veux dire, je … » qui s’était heureusement évaporé dans la suite de la conversation, et la certitude qu’il avait d’une Norah encore très attachée à son défunt mari. Trop pour songer à qui que ce soit d’autre, sans doute. « Je ne pensais pas être si transparente en matière d'émotions. » L’était-elle ? Ou bien était-ce simplement d’avoir le veuvage en commun qui rendait Tommy perspicace ? « Mais oui, ils savent que j'aimerais certainement toujours leur père. Ça fait partie de ces fameux coups de foudre, enfin, tu sais quoi. J'ai même lâché le petit copain que j'avais à l'époque pour lui. » Le brun avait eu l’air de s’en étonner, mais pas de la mauvaise manière. Sans doute y voyait-il un parallèle supplémentaire entre elle et lui, sans pour autant oser le mentionner, d’autant plus qu’elle avait ajouté sans attendre « Un flic et une infirmière, ça fait presque trop cliché pour être vrai. Et pourtant. » Norah n’en comprendrait probablement pas la raison, mais entendant cela le Warren avait baissé les yeux d’un air penaud. Évidemment, là s’arrêtait la comparaison et les points communs … Et le plus dur ne serait pas pour Norah de trouver quelqu’un prêt à la prendre avec ses amours passés, mais pour cette personne de rivaliser avec ce cliché presque trop beau pour être vrai.

Sans que Norah ne le sache, l’aveu que feu son époux appartenait aux forces de l’ordre avait jeté un voile de doute sur les épaules de Tommy. Que penserait-elle si elle connaissait la vérité à son sujet ? Si elle apprenait qu’entre ce bonheur sans nuages avec Alice et ce retour plus contraint qu’autre chose à Brisbane, il y avait cette tache indélébile sur son CV, ce séjour en prison qui lui donnait l’air plus menaçant qu’il ne le serait en réalité jamais ? Sûr qu’il n’y aurait ni café ni bavardages supplémentaires, si elle le découvrait … Et d’y penser, le brun réalisait qu’il en serait attristé. Il avait finalement fallu qu’elle demande « Comment tu l'as connue, Alice ? Coup de foudre au premier regard aussi ? » pour qu’il relève les yeux vers elle. Pouvait-il vraiment être honnête, là aussi ? Sans doute que non. Sans doute que comme tous ceux à qui on contait cette histoire elle se contenterait d’avoir de la peine pour le pauvre, pauvre Marius. « On peut dire ça, oui. » Marquant une pause, cherchant ses mots pour répondre sans mentir mais sans avoir à admettre ce que la vérité avait de moins avouable, il avait repris « Elle débarquait de France pour retrouver quelqu’un. Un homme, mais ça je ne le savais pas encore à l’époque. Et puis elle est venue prendre un verre au bar où je travaillais. » Et le coup de foudre, le vrai. Pas besoin de tout dire, pas besoin d’admettre que l’homme qu’elle était supposée retrouver était son frère, pas besoin de dire que si elle se trouvait dans ce cas ce soir-là c’était parce qu’elle écumait la ville depuis des jours à la recherche du bon Warren. « J’ai noté mon numéro sur une serviette en papier et je lui ai donné en même temps que son verre. Je ne sais pas trop ce qui m’a pris, j’avais jamais fait ça avant, c’est pas vraiment mon genre, mais … » Mais il n’avait jamais ressenti cela non plus. Haussant les épaules, un sourire lui avait échappé et il avait finalement repris « Elle a traîné au bar jusqu’à la fermeture, et à la fin de mon service elle m’attendait dehors. » Le reste n’appartenait qu’à eux. Et des années après Tommy chérissait encore ces quelques heures, ces quelques jours, où Marius n’était pas encore entré dans l’équation et où Alice et lui s’étaient simplement aimés sans que rien d’autre autour d’eux ne semble exister. Il y avait toujours un peu de place pour le souvenir de cette insouciance dans un coin de son crâne, tout comme devait demeurer dans celui de Norah les brides d’une époque où Frank et elle vivaient dans leur bulle.
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