Plusieurs semaines s’étaient écoulées depuis cette fameuse soirée, celle qui avait marqué Leah au fer rouge pour le restant de ses jours. Depuis lors, ses journées se passaient dans une espèce de brume dont elle sortait parfois pour reconnecter à la réalité. Rester apathique lui permettait de ne pas avoir à faire face à ce qu’elle ressentait, et cela lui convenait très bien. Ce comportement lui avait fait perdre la seule personne qui aurait pu l’aider à passer au-dessus de ça, et maintenant il s’était envolé pour dieu seul sait quel pays sans se retourner. Ce départ avait toutefois été une première bouffée d’air frais pour la brune qui ne savait tout simplement plus comment gérer une cohabitation aussi sinistre que la leur. A présent, ses efforts étaient tournés vers la recherche d’un nouvel endroit où vivre pour enfin mettre tout ça derrière elle et aller de l’avant. Aller de l’avant. Cette perspective la faisait doucement rire tant elle se demandait comment elle était supposée aller mieux après ça. Cette volonté de lui faire avaler qu’elle finirait par aborder l’avenir plus sereinement et sans souffrance était précisément ce qui l’avait poussée à se couper de ses proches, pour un temps du moins. Elle avait systématiquement refusé les visites tout comme le moindre appel téléphonique visant à prendre de ses nouvelles. Il n’y avait rien à dire. Il en était de même pour les messages qu’elle laissait sans réponse, préférant de loin le confort de sa chambre et la compagnie passive de la télévision qui elle ne se permettait pas de parler à sa place – un bon point pour elle. Au fil des jours, Leah était devenue une pro du binge-watching, réalisant que s’abrutir en observant la vie faussement dramatique des acteurs était un moyen plus qu’acceptable de s’empêcher de penser. Elle s’était aidée de quelques médicaments, l’apaisement chimique étant le seul moyen pour elle de trouver un sommeil qui ne se révélait absolument pas réparateur. Mélangées à la bonne quantité d’alcool, ces petites pilules faisaient parfois de vrais miracles mais lui provoquaient aussi des cauchemars abominables – c’était quitte ou double. Cela dit, Leah recommençait à ressentir le besoin de sortir de chez elle, au moins pour prendre l’air et voir autre chose que les quatre murs sinistres de cette chambre. Le départ du kiné lui avait permis de prendre un peu plus possession des autres pièces de la maison sans avoir peur de tomber nez à nez sur lui, les mettant l’un et l’autre dans une position plus que gênante puisqu’ils n’avaient finalement plus rien à se dire. C’est ainsi que lors d’un raid au supermarché – car il s’agissait là d’une véritable expédition pour Leah que de s’apprêter approximativement pour affronter le monde réel – elle repensa à Alex et à leur rencontre fortuite d’il y a quelques mois. Alex qui s’était montré très présente pour elle sans jamais s’imposer en voyant que la brunette se refusait à donner le moindre signe de vie. Le regard de la jeune femme se posa sur le rayon des alcools, celui où elle allait le plus quand ça n’était pas celui des surgelés pour refaire le plein de glaces en tout genre, et se dirigea vers celui-ci d’un pas décidé pour y prendre une bouteille. Puis une deuxième – sait-on jamais – qu’elle attrapa d’un geste maladroit avant de se diriger vers la caisse pour payer, abandonnant par la même occasion sa bonne résolution de se faire à manger en achetant des aliments dignes de ce nom ; le régime liquide lui convenait toujours pour le moment. En attendant que la caissière ne daigne passer la deuxième, Leah attrapa son téléphone afin d’envoyer un message à la britannique afin de voir si elle était chez elle et surtout, si elle était disponible. La réponse d’Alex s’afficha quelques secondes après et un début de sourire étira les lèvres de la jeune femme qui tendit un billet à l’étudiante aux cheveux roses qui s’obstinait à mâcher un chewing-gum en l’observant avec ennui ; un vrai charme. Sans prendre la peine de repasser par chez elle, Leah reprit la route vers Redcliffe, presque nostalgique à l’idée de retourner dans son ancien quartier. Une pensée fugace la traversa, celle qui lui soufflait qu’elle n’aurait jamais dû laisser tomber son appartement pour emménager avec lui. Cette grossesse avait tout précipité et leur avait fait sauter des étapes primordiales, les amenant à cette fin pathétique qui était la leur. Secouant la tête pour se reconcentrer sur la route, la jeune femme bifurqua finalement pour tomber dans la rue où habitait Alex. Elle trouva une place, s’y garant approximativement sans prendre la peine de se remettre bien droite, et se dirigea d’un pas rapide vers la porte de l’immeuble qui abritait l’appartement de la britannique. Elle écrasa son index sur l’interphone, le laissant longuement appuyé histoire d’être sûre que la brune l’entende bien. Finalement, le bruit significatif de l’ouverture automatique se fit entendre et Leah monta les escaliers qui la séparaient du 115 – évitant toujours les ascenseurs. La porte s’ouvrit à l’instant où elle arriva dans le couloir et son regard croisa celui de son amie, faisant remonter immédiatement des souvenirs et des sentiments qu’elle désirait pourtant garder enfouis au plus profond de son esprit. « Salut. J’ai pris à boire, mais comptes pas sur moi pour les cocktails cette fois-ci. » Lança-t-elle dans une vaine tentative d’humour en s’approchant de la brunette, levant ses bouteilles en l’air comme pour appuyer ses paroles.
Alex était installée dans son salon, les yeux rivés sur l'écran de son ordinateur, ses doigts pianotant sans discontinus sur le clavier. La télé diffusait en boucle des résumés de matchs auxquels elle avait arrêté de prêter attention depuis un bon moment déjà. Depuis quelques temps, elle augmentait les temps de travail chez elle, ne se présentant au bureau que pour les réunions obligatoires. Officiellement, elle avançait que ce changement lui permettait de moduler plus facilement ses horaires en fonction des événements sportifs sur lesquels elle travaillait (argument qui semblait valable pour quelqu'un qui devait suivre pas mal d’événements se déroulant sur le continent Européens), mais c'était surtout bien plus simple pour elle de cacher ses problèmes d'alcool en restant chez elle. Son ordinateur ne la jugeait pas, et n'allait pas lui renvoyer au visage ses erreurs ou ses mensonges. Et puisque ses articles étaient rendus dans les temps, on avait rien à lui reprocher et on la laissait moduler ses horaires comme elle ça l'arrangeait.
Le bip caractéristique de la réception d'un message avait obligé Alex à lever les yeux de son écran d'ordinateur pour se concentrer sur un autre écran, celui de son portable. S'attendant à un message de Caleb, elle n'avait pas hésité à laisser sa phrase en suspens pour vérifier le contenu du message. Et le nom qui s'affichait sur son écran, l'avait laissé quelques secondes sans réaction. Leah. Quelques secondes à regarder les mots de son amie et à réfléchir à la réponse la plus appropriée. En soit, la question n'avait rien de compliquée. Alex était chez elle et elle était disponible pour recevoir du monde, cet article n'allait pas s'écrire tout seul, mais il pouvait bien attendre un peu. Et pourtant Alex avait tout de même hésité, pas parce qu'elle ne voulait pas voir Leah, mais parce qu'elle avait peur de la voir, après tout ce qu'il s'était passé dans la vie de Leah, Alex n'était pas certaine d'être la mieux placée pour se montrer de bonne compagnie. Et pourtant, durant la période qui avait suivis le drame, Alex avait tenté de prendre des nouvelles de Leah régulièrement, de se montrer présente par message, la seule chose que Leah tolérait en partie même si elle ne répondait pas. Alex avait vraiment voulu être une amie dans cette épreuve, surtout qu'elle se sentait encore coupable d'avoir utilisé, sans le savoir, l'ancien conjoint de Leah pour lui permettre de garder en vie les souvenirs de Rachel. Alex s'en voulait d'avoir blessée Leah, et elle voulait réellement soutenir l'Australienne, et pourtant, une part d'elle avait été presque soulagée de voir que Leah refusait son aide, sa présence auprès d'elle. Parce qu-une part d'elle même, se sentait tellement honteuse. Comment pouvait-elle prétendre vouloir soutenir une amie qui venait de perdre un bébé, alors qu'elle même avait abandonné le sien ? C'était un non-sens, qu'elle n'arrivait pas totalement à gérer et pourtant, pour une fois, il ne s'agissait pas de sa douleur à elle mais bien de celle de son amie, qui avait du renoncer à son bébé, pas par choix mais parce que la vie s'était montrée trop cruelle, encore.
Fermant son ordi, incapable de se concentrer à nouveau sur son article, elle avait répondu favorablement au message de Leah et elle attendait désormais que son ancienne collègue arrive, le tout en se servant un fond de verre, parce qu'elle avait eu un léger moment de doute qu'elle tentait de contrôler avec ce qu'elle connaissait le mieux : l'alcool. Le regard perdu dans le vide, elle tentait de faire abstraction de ses doutes, et de sa peur de se retrouver confronter aux émotions de Leah. Elle tentait d'étouffer tout ce qu'elle ressentait pour ne pas se montrer trop vulnérable, parce qu'elle n'avait pas à l'être. Ce n'était pas ses actions ou ses remords qui étaient jugées, il n'était question que de Leah, d'un bébé qu'elle avait perdu, un bébé dont elle voulait et qu'elle n'avait plus. Ce n'était pas son histoire, c'était celle de Leah. Et finalement que ce soit ses problèmes ou ceux des autres, Alex adoptait la même attitude parce qu’elle était incapable de faire face. Incapable de savoir comment se comporter face à la tristesse, incapable de se confronter à la réalité quand elle était trop douloureuse ou trop emprise à des souvenirs auxquels elle ne voulait pas avoir à repenser. Le déni, la fuite, l’évitement autant de mécanismes qu’elle avait déjà bien rodé pour éviter d’avoir à se confronter aux choses réelles. Mais Leah était devant elle, sur le palier de sa porte, l’allure marquée par des semaines compliquées et un manque de sommeil flagrant. Et Alex ne pouvait juste pas éviter le sujet, elle était lâche mais pas au point de regarder Leah et d'être capable de ne rien ressentir. Elle devait juste faire preuve de détachement, elle devait accepter les émotions de Leah sans laisser les siens venir modifier sa perception des choses. Elle devait se concentrer sur Leah et uniquement elle. « Salut. J’ai pris à boire, mais comptes pas sur moi pour les cocktails cette fois-ci. » Alex regardait son amie, et les deux bouteilles qu'elle levait en l'air. Elle aurait du être celle qui pour une fois se montre raisonnable. Sachant par expérience personnelle, que l'alcool n'était pas une solution, du moins pas à long terme. Elle aurait du être en mesure de regarder son amie, et lui proposer une toute autre alternative, pour ces retrouvailles après un long moment de silence. Alex, n'allait pas blâmer Leah pour le silence, non parce qu'elle n'était franchement pas la mieux placée pour ça, et parce qu'elle avait comprit le besoin de son amie de s'isoler après cet événement. Mais elle n'allait pas non plus être raisonnable, elle n'en était pas capable en temps normal, alors recevoir dans son salon, son amie qui se remettait de la perte de son bébé, c'était clairement peine perdue d'espérer pouvoir gérer les moments à venir sans alcool. Parce qu'elle était vraiment touchée par l'histoire de Leah, elle était vraiment triste pour son amie, mais au fond, elle ne se sentait pas légitime pour compatir avec elle. C'était totalement absurde, débile et même fortement égoïste, mais elle ne pouvait pas regarder dans les yeux Leah, et lui dire qu'elle comprenait, qu'elle était désolée. Elle n'en avait pas le droit. Parce qu'un jour, durant sa grossesse, elle avait sûrement eu cette pensée horrible, malgré elle. Mais elle aurait voulu que rien de tout ce qu'elle vivait ne soit réelle, et pour ça, il fallait que ce qu'elle avait dans le ventre disparaisse. Oui elle avait eu cette pensée, une fois, peut-être deux et plus, son esprit avait posé un voile sur cette partie de sa vie, rendant tout ses souvenirs flous, approximatifs, douloureux. Et voilà qu'elle repensait à elle, à ses sentiments, à sa propre histoire. Elle devait vraiment laisser le passé là ou il devait être, et se concentrer sur le présent et Leah était le présent. « Fallait rien emmener, j'ai ce qu'il faut à la maison. Allez restes pas là, entre. » Un sourire amical sur le visage, Alex tentait réellement d'oublier qu'elle se sentait honteuse face à la peine de son amie. Elle laissait Leah entrer chez elle, refermant la porte derrière la brunette. « Tu as une petite mine, sommeil compliqué ? » Le tact avait été oublié quelque part entre l’encadrement de sa porte et son canapé. Mais Alex arrivait difficilement à cacher quand elle était mal à l’aise. Elle tentait de donner le change, ne sachant pas encore si Leah cherchait une oreille réconfortante ou une amie capable d’enchaîner les verres avec elle. Ou un peu des deux ? A défaut de connaître les intentions de Leah et surtout son ressenti sur l’épreuve qu’elle venait de traverser, Alex restait sur des banalités d’usages et le sommeil était un sujet basique à la fois neutre et pas vraiment. Et tout en ramenant deux verres et de quoi ouvrir les bouteilles Alex cherchait le meilleur moyen pour se comporter en amie et dépasser ses appréhensions auxquelles Leah ne pouvait même pas songer un instant puisqu’elle ne savait rien de cette partie de la vie d’Alex. Elle ne savait pas qu’elle venait confier sa peine à une femme qui avait refusé de garder son bébé. Si elle savait, peut-être que Leah haïrait Alex pour son geste ? « Comment tu vas ? » Et alors qu’elle avait même pas fini de prononcer cette phrase, Alex s’en était voulue. C’était sûrement une question conne, comment pouvait elle allait ? Alors pour s’éviter une autre phrase débile de la sorte, Alex avait ponctuée sa phrase en buvant une première gorgée d’alcool. Une première avec Leah mais pas sa première de la journée et certainement pas la dernière.
La dernière fois que les deux jeunes femmes s’étaient vues, les choses ne s’étaient pas exactement déroulées comme prévu puisque le salon avait été le théâtre de nouvelles déclarations sur les relations que Stephen entretenait sans lui dire. Il ne s’agissait aucunement de tromperie au sens propre du terme même si c’était exactement ainsi que Leah s’était sentie ; trompée. Une de ses plus proches amies qui côtoyait sans qu’elle le sache le père de son enfant, c’était tout de même aberrant. Et si les nerfs de la brune avaient failli lâcher à ce moment-là, sa colère n’avait pas été dirigée une seule seconde contre la britannique qui n’avait pas la moindre idée de qui était Stephen pour elle. Elle avait d’ailleurs été mortifiée d’apprendre tout ça et Leah l’avait rassurée à ce sujet, lui expliquant qu’elle ne lui en voulait absolument pas. Le fait qu’elles ne se soient pas forcément croisées depuis lors avait davantage tenu de fait de leurs emplois du temps respectifs que d’une quelconque envie de s’éviter, et puis le drame était survenu et tout avait basculé. Alex s’était montré relativement présente en apprenant la nouvelle sans jamais s’imposer, ce que Leah avait apprécié. Peu de gens comprenaient le besoin de solitude dans des moments pareils et la brunette pouvait compter sur les doigts d’une main ceux qui avaient agis comme Alex à ce moment-là. A présent, elle ressentait le besoin de parler à quelqu’un et de passer une soirée avec un être humain et non pas une télévision qui tournait toute la journée sur Netflix ou L’incroyable famille Kardashian – tout était bon à prendre quand on voulait s’éviter de penser. A son grand soulagement, la brune avait accepté de la recevoir en lui signifiant qu’elle était bien chez elle, ce qui poussa Leah à payer ses courses en quatrième vitesse avant de prendre la route pour Redcliffe sans même repasser par chez elle. Lorsqu’Alex ouvrit la porte, Leah ne put s’empêcher de penser que son amie était dans un état au moins aussi piteux que le sien, ce qui la poussa à relever un sourcil tout en soulevant les bouteilles qu’elle avait amené en offrande à la britannique pour la remercier de l’accueillir chez elle – même si elle comptait bien sur le fait de commencer à la consommer sur place. « Fallait rien emmener, j'ai ce qu'il faut à la maison. Allez restes pas là, entre. » La brune esquissa un sourire tout en s’effaçant pour laisser la jeune femme entrer à l’intérieur, ce qu’elle fit d’ailleurs sans se faire prier. « Bien sûr que si, j’allais pas arriver les mains vide et vider ton stock en toute impunité. » Lança-t-elle tout en déposant son butin sur le plan de travail de la cuisine. « Tu as une petite mine, sommeil compliqué ? » Alex referma la porte et Leah se tourna vers elle, amusée plus que vexée par la première remarque qui vint à l’esprit de la brune en voyant la tête de son amie. « Comment tu peux dire ça, je dors douze heures par jour. » La jeune femme prétendit s’offusquer avant de reprendre un air légèrement plus sérieux, tenant difficilement le cap de la bonne humeur avec tout ce qui lui passait pas la tête ; c’était fatiguant de donner le change. « Mon seul moyen de dormir, c’est ça… » Elle indiqua la bouteille qu’elle venait de déposer en esquissant un sourire ironique. « … Et ça. » Ajouta-t-elle en sortant une tablette d’anxiolytiques de sa poche pour la montrer à Alex, absolument pas concernée par le fait que la britannique puisse porter un quelconque jugement sur la situation. « Et tu peux parler, t’es pas dans un meilleur état que moi. » Finit-elle par lui lancer en croisant les bras, un début de sourire au coin des lèvres ; c’était beau de pouvoir parler en toute franchise. Elle n’aurait su dire pourquoi, mais elle sentait que quelque chose n’allait pas chez Alex et elle espérait sincèrement que ça ne vienne pas du fait qu’elle se soit pointée chez elle aussi spontanément. Elle laissa la britannique passer devant elle afin de s’emparer de verres et de lancer officiellement les hostilités – un vrai plaisir de se sentir comprise sans avoir à dire quoique ce soit. « Comment tu vas ? » Leah se mordit la lèvre tout en s’installant sur le tabouret qui donnait sur la cuisine d’Alex, non pas parce que la question manquait de tact – un peu quand même – mais bien parce qu’elle ignorait quoi répondre finalement. L’usage voulait qu’on dise que tout allait bien même si ça n’était pas vraiment le cas, cela dit Alex savait parfaitement ce qu’elle venait de vivre et ne s’attendait donc pas à une réponse teintée de paillettes et de barbe à papa. « Ça pourrait être pire. » Car il y avait toujours pire après tout, pas vrai ? « Stephen a quitté le pays, du coup je cherche un endroit où vivre le temps qu’il revienne et j’espère vraiment avoir trouvé avant que ça ne soit le cas. » Elle grimaça un peu rien qu’en imaginant le genre de retrouvailles que ça pourrait donner si elle n’était pas encore partie à son retour. « Je vais pouvoir terminer ce que j’ai commencé avec les pompiers, ça devrait m’aider à me changer les idées, me concentrer sur autre chose. » En tout cas l’espoir faisait vivre comme disait l’adage. « Et toi comment tu vas ? J’espère vraiment que je tombe pas mal… » Demanda-t-elle en attrapant le verre que son amie lui tendait avec un air reconnaissant sur le visage.
De l'alcool, encore et toujours de l'alcool, c'était de toute façon inévitable. Leah montrait les bouteilles et Alex savait à ce moment, qu'aujourd'hui au moins, elle n'aurait pas à cacher le fait qu'elle ait bu. Parce que Leah était là avec elle, et que pour cette fois, elle allait avoir une excuse pour boire. Parce qu'elle n'allait pas boire seule, et parce qu'elle allait juste accompagner une amie dans son désir d'oublier ses malheurs. Du moins c'était l'idée qu'Alex se faisait de l'arrivée de Leah chez elle avec une bouteille dans chaque main, ou c'était juste son côté alcoolique qui réagissait à la vu de cet alcool ? Alex avait sourit, non pas d'un sourire amusé, mais plutôt d'un sourire gêné, en entendant Leah lui dire qu'elle ne voulait pas vider le stock d'alcool de l'Anglaise. Si elle savait que le stock était régulièrement vidé et réapprovisionné, mais c'est une information qu'Alex s'était bien gardée de dévoiler, invitant plutôt Leah à entrer et se dirigeant directement vers le meuble ou elle rangeait ses verres. Quitte à boire autant commencer maintenant, parce qu'Alex avait besoin d'alcool pour gérer cette situation et Leah en avait sûrement autant, voir plus, besoin qu'elle non ?
« Mon seul moyen de dormir, c’est ça … Et ça. » Les yeux rivés sur la tablette de médicaments que tenait Leah, Alex comprenait. Peut-être mieux que quiconque, elle savait aussi bien les effets positifs que négatifs d'un tel cocktail et si Leah tentait un sourire ironique pour accompagner sa remarque, Alex ne pouvait l'imiter. Les médicaments, tout avait commencé par là, sa dépendance, puis l'alcool, la drogue et d'autres dépendances encore, qu'elle avait du combattre et contre lesquels elle tentait de ne pas sombrer encore aujourd'hui. « Va s'y doucement avec ces choses là. » Absolument aucun jugement ne pouvait se faire entendre derrière cette remarque, juste une inquiétude sincère pour son amie, et pour ce qu'elle traversait au delà de la douleur, Alex comprenait à quel point les insomnies pouvaient être un ennemi redoutable dans de telle situation. Mais les médicaments pouvaient l'être aussi, ça avait été le cas pour elle et elle ne voulait juste pas que Leah prenne le même chemin qu'elle. « Et tu peux parler, t’es pas dans un meilleur état que moi. » Alors, certes l'Anglaise ne s'était pas maquillée ce matin là, l'avantage du travail à la maison, elle n'avait pas à cacher les cernes sous ses yeux et le teint terne de sa peau, mais même sans maquillage, elle ne pensait pas avoir une tête qui méritait un tel commentaire. Elle avait des difficultés à dormir, c'était un fait, elle buvait trop, c'était un autre fait avéré (par elle même mais avéré quand même), mais elle allait relativement bien si on omettait les questionnements relatifs à ce mois de Novembre trop riche en souvenirs et une hygiène de vie qui n'était pas des plus saine. Mais sa vie semblait prendre une direction positive, un petit-ami parfait, un boulot idéal, et si beaucoup de monde la détestait, elle retrouvait peu à peu ses proches et la complicité avec quelqu’une des personnes importantes pour elle. Alors, elle n'avait pas de quoi être malheureuse, pas de quoi justifier ses difficultés d'endormissements et son sommeil agité. Pas de quoi justifier son alcoolisme. Pas de quoi se plaindre alors que Leah se tenait devant elle, se remettant tout juste d'une épreuve aussi tragique que la perte d'un enfant. « Je t’accueille chez moi et c'est comme ça que tu me remercies. » Un sourire naissait sur le visage d'Alex, plus par imitation, que par réelle envie de sourire. Mais ce n'était pas à elle de ternir l'ambiance, ce n'était pas à elle de se sentir mal et c'était sur ça qu'elle tentait de se concentrer. Sur Leah, et uniquement elle parce qu'elle avait fait l'effort de venir, de sortir de son mutisme et d'accepter l'idée de voir du monde et Alex ne voulait pas gâcher tout les efforts de Leah. Peut-être qu'elle s'était un peu trop concentrée sur son amie, et qu'elle avait oublié de faire preuve d'un peu de retenue au moment ou elle lui avait demandé comment elle allait. En voyant Leah se mordre la lèvre, Alex s'en était voulue. Qu'est-ce qu'elle pouvait parfois être conne dans certains moments, incapable de réfléchir un minimum avant d'ouvrir la bouche. Incapable de trouver les mots justes, ou du moins de ne pas choisir les plus mauvais mots à dire. Et elle aurait maudit la personne qui aurait osé lui demander comment elle allait à la place de Leah. Elle aurait détesté qu'on lui demande si elle allait bien alors que tout les signes semblaient répondre à la question par la négation. Mais Leah ne semblait pas lui en tenir rigueur, du moins, elle s'était installée et n'avait pas fuit à la question de Leah. A croire que la fuite, n'était pas un système de défense commun à tout le monde, uniquement à Alex ? « Ça pourrait être pire. Stephen a quitté le pays, du coup je cherche un endroit où vivre le temps qu’il revienne et j’espère vraiment avoir trouvé avant que ça ne soit le cas. » Stephen, à ce moment précis, Alex avait eu envie de dire du mal du garçon, parce qu'il était parti. Il avait laissé tout le monde, Leah, Anabel, Alfie et surtout elle. Parce que dans la souffrance, parfois, Alex avait du mal à penser aux autres et pour le coup, le départ de Stephen lui avait fait du mal à elle. Sûrement pas plus qu'aux autres, sûrement même moins au vue des circonstances de son départ, mais il était parti et il avait emporté avec lui les souvenirs de Rachel. Foutu Stephen. Et Alex, avait bu une autre gorgée de son verre tout en laissant à Leah le temps de développer sa réponse à cette fichue question du comment ça va. « Je vais pouvoir terminer ce que j’ai commencé avec les pompiers, ça devrait m’aider à me changer les idées, me concentrer sur autre chose. Et toi comment tu vas ? J’espère vraiment que je tombe pas mal… » Pas un mot sur cet enfant, sur les circonstances, sur son ressenti, ni sur la perte, ni sur la séparation avec Stephen. Bien-sur que la question était pourrie, mais au moins elle avait eu le mérite d'être ouverte et Leah avait choisit la manière d'y répondre. Elle avait dit ce qu'elle voulait dire, et Alex ne se sentait pas de creuser un peu plus, se concentrant sur ce que Leah avait accepté d'évoquer. « Si tu as besoin d'aide pour le déménagement ou les recherches n'hésite pas, je peux adapter mes horaires pour pouvoir t'aider. » C'était ça aussi être une amie non ? Se montrer présente, et finalement peut-être que ça arrangeait Alex de se concentrer sur le déménagement de Leah. Sur ce fait, puisque ça évitait autant à elle, qu'à Leah d'avoir à évoquer le véritable sujet, celui qui privait Leah d'un sommeil de qualité, celui qui mettait aussi mal à l'aise Alex. Mais peut-être était-ce son rôle en tant qu'amie ? Lui permettre de se confier ? Mais pouvait-elle être cette amie ? Alex était aussi nulle finalement pour recevoir les émotions des autres, que pour gérer ses propres émotions. Et comme souvent, le plus simple pour elle était de faire semblant. « Moi ça va. » Mensonge partiellement vrai. Elle allait bien. Tant qu’on ne la privait pas d’alcool et que Caleb ne s’éloignait pas trop. Elle allait bien, tant qu’elle s’évitait de penser elle allait bien. Un sourire sur les lèvres la plupart du temps, parce qu’elle avait retrouvait l’homme qu’elle aimait. Un sourire fixé et sincère sur son visage quand elle était avec lui, parce qu’ils s’aimaient, se le disaient, se le montraient et surtout évitaient les sujets dangereux. Un sourire quand elle pensait à lui, un sourire qui disparaissait quand elle pensait au passé. Mais elle allait bien. Bien mieux que ce qu’elle avait connu sans lui. Bien mieux que ces dernières années. Hormis son passé, son alcoolisme, et ce fichu mois de décembre, fichue naissance, fichue suicide, sinon tout allait bien pour Alex. « Tu ne tombes pas mal je t’assure. Je bossais rien d’important. » Et au fond, ça c'était vrai. Leah ne dérangeait pas le quotidien d'Alex, elle ne tombait pas mal dans la journée d'Alex mais c'était assez inattendu et elle n'avait pas pu se préparer à gérer les choses avec le recul nécessaire. Leah, avait débarqué après plusieurs jours de silences, sans réellement montrer de signes clairs de ce dont elle avait besoin et Alex avait juste peur de mal faire ou de blesser son amie qui semblait faire son retour parmi la société depuis cette terrible épreuve qu'elle avait du traverser. « Je suis contente de te voir, je ne m’y attendais. Je m’inquiétais pour toi depuis ... » Et pourquoi elle avait rajouté cela ? Pourquoi fallait-il qu’elle l’ouvre toujours ? Qu'elle soit toujours aussi maladroite. Elle s'était arrêtée avant la fin de sa phrase, mais elle avait déjà été trop loin. S'autorisant une gorgée d'alcool pour cacher sa gêne, elle tentait de garder la face. « Ça me fait plaisir de te voir vraiment. Tu sais que je suis là si tu as besoin de te changer les idées. » Elle venait de ramener involontairement le sujet dans la conversation et voilà qu'elle lui disait qu'elle pouvait compter sur elle pour l'aider à se changer les idées. C'était définitivement du grand Alex, maladroite, mal à l'aise, incertaine mais elle tentait vraiment de faire de son mieux pour se comporter en bonne amie. « Et puis si tu as besoin d'aide pour retrouver la forme, je serais ravie de t'accompagner dans cette étape. » Parler de sport, de remise en forme, oui voilà, c'était parfait comme sujet. C'était parfait, et Alex ne lui dirait pas, mais au moins elle savait par quoi allait passer Leah pour retrouver toutes ses capacités et les sensations dans son corps malmené ces derniers mois. Proposer son aide pour retrouver sa condition physique d'avant grossesse, voilà c'était ça être une amie. Enfin c'était ce qu'Alex pensait tout en remplissant (déjà) les verres des deux femmes.
Alex l’avait laissée entrer avec un sourire sur les lèvres, probablement amusée par l’offrande improvisée par Leah qui n’en était pas vraiment une dans la mesure où elle prévoyait d’entamer la première bouteille dans les minutes qui suivaient – et la deuxième ensuite. Ravie de voir que la britannique avait lu dans ses pensées en se dirigeant directement vers le meuble où elle rangeait sa vaisselle, la brune déposa ses affaires en laissant son attention dirigée vers son amie. Cela lui faisait du bien de la voir et sa présence était déjà un réconfort en elle-même, mais le fait qu’elle se soit pointée en pleine journée sans vraiment lui laisser un temps convenable de réponse pour accepter de la recevoir la faisait un brin culpabiliser maintenant qu’elle était sur place. Après tout, son monde à elle s’était peut-être arrêté de tourner mais ça n’était pas le cas pour le reste de la population. Après avoir reçu un compliment sarcastique de la brune qui sous entendait que ses heures de sommeil ne semblait pas faire de miracle sur son beau visage, Leah lui avoua avec une légèreté destinée à masquer son désarroi qu’elle utilisait un cocktail bien à elle pour parvenir à s’endormir le soir. Car les nuits étaient les plus atroces pour elle. La brune parvenait à s’occuper en journée, à s’adonner à des tâches qui l’empêchaient de penser de trop. Mais une fois que l’obscurité tombait sur la ville, la jeune femme se sentait vulnérable et livrée à elle-même. Le silence qui régnait autour d’elle était une source d’angoisse permanente et elle laissait la télévision allumée en toute circonstance afin de garder une présence relative dans cette grande maison inhabitée. Cloîtrée dans sa chambre la plupart du temps, Leah affrontait comme elle pouvait l’épreuve qu’elle venait de vivre, se refusant à sortir au début puis prenant sur elle de jour en jour afin de reconnecter avec la réalité. Mais à peine avait-elle les yeux fermés que les souvenirs de cette nuit-là lui revenaient en tête, ainsi que les scènes où elle se revoyait telle une épave à côté d’un Stephen qui n’en menait pas large lui non plus. Contempler le cimetière de ses souvenirs en pleine nuit sans qu’elle ne puisse rien y faire, à part revivre les mêmes choses encore et encore avec la même impuissance qu’elle avait ressenti à ce moment-là, voilà ce qui l’empêchait de trouver le sommeil. Seul un savant mélange chimique lui permettait de se sentir apaisée. Elle savait que ça ne durerait qu’un temps et que jouer à ça risquerait de lui apporter plus de problèmes encore, mais elle s’en fichait. Elle en avait besoin. Elle ne voulait plus ressentir cette douleur, cette souffrance qu’elle ressentait dans chaque parcelle de son corps dès qu’elle pensait à cet enfant et à cette vie qu’elle avait perdu le même soir. « Vas'y doucement avec ces choses-là. » Sa voix trahissait son inquiétude et même si Leah lui en était reconnaissante, rien de ce qu’elle pourrait dire ne parviendrait à lui faire arrêter. Pour l’instant. « Je fais attention, promis. » Une promesse en l’air puisque la brune se fichait bien de savoir si cette façon de procéder risquait de mettre sa santé en danger ou non, du moment qu’elle se sentait momentanément apaisée. Mais son but n’était pas d’inquiéter davantage Alex, alors elle colla un sourire de fortune sur ses lèvres tout en taquinant son amie sur son physique fatigué à elle aussi – un juste retour des choses au vu de sa précédente remarque. « Je t’accueille chez moi et c'est comme ça que tu me remercies. » Leah hocha la tête en haussant les épaules, l’air de dire « j’ai pas pu m’en empêcher tu m’en voudras pas. » avant de lui rendre son sourire et de laisser échapper un petit rire. La britannique n’avait rien d’une fille susceptible et heureusement d’ailleurs, avec la brunette elle serait bien mal tombée si ça avait été le cas. Adepte du second degré et des remarques mordantes destinées à taquiner ses proches, la jeune femme avait plus d’une fois déclenché un élan de vexation chez ses interlocuteurs. Et Alex était faite du même bois, avec un penchant supplémentaire pour la maladresse, comme le démontrait la question qu’elle venait de poser à son amie. Est-ce que ça allait ? Une question somme toute assez banale, que l’on posait et que l’on se voyait poser tous les jours ou presque, mais qui ici prenait une tournure totalement différente. Un air grave apparu sur le visage fatigué de Leah, malgré son envie de prétendre une nouvelle fois que ça allait. Plus ou moins. Elle répondit comme elle le pouvait, éludant le sujet principal en se concentrant sur le travail et son futur déménagement qui l’occupaient suffisamment que pour cesser de s’écrouler dès que son esprit pensait à Aaron. Tout le monde marchait sur des œufs avec elle et Alex ne faisait pas exception, sondant son visage en en fronçant les sourcils à l’instant même où elle lui avait demandé comment elle allait, comme si elle lui avait demandé la pire chose du monde. Pressée de chasser ce moment de malaise inhérent à toutes les entrevues qu’elle avait avec ses proches ces derniers temps, elle lui retourna la question afin de se concentrer sur elle car après tout, son amie n’avait pas non plus l’air d’être au mieux de sa forme. « Si tu as besoin d'aide pour le déménagement ou les recherches n'hésite pas, je peux adapter mes horaires pour pouvoir t'aider. » Leah acquiesça, sachant pertinemment qu’elle ne dérangerait sans doute pas la brune pour si peu. Elle se fichait bien de l’endroit où elle allait vivre, du moment qu’elle quittait cette maison et tous les souvenirs qui étaient déjà accrochés à elle en dépit du fait qu’ils n’y étaient restés que quelques mois. « Merci. J’ai plusieurs visites de programmées et je pense que ça devrait aller, mais si je coince je t’appellerai. » Elle porta son verre à ses lèvres, fermant les yeux en sentant la brûlure apaisante de l’alcool descendre dans sa gorge avant de reporter son attention sur la britannique, avide de savoir comment ça allait pour elle depuis tout ce temps. « Moi ça va. » Elle n’en donnait pas l’impression, mais après tout il s’agissait peut-être simplement de fatigue ou d’une surcharge de travail. Tout le monde n’était pas forcément au bord du gouffre comme elle. « Tu ne tombes pas mal je t’assure. Je bossais rien d’important. » Et en quelques mots, Alex venait de la rassurer quant à sa présence inopinée dans son appartement, ce qui détendit quelque peu la brunette qui sentit ses épaules retomber quelque peu. Un mince sourire se dessina sur ses lèvres tandis qu’elle se laissait un peu plus aller dans le fauteuil où elle s’enfonça de façon plus confortable maintenant qu’elle savait qu’Alex ne la chasserait pas dans quelques minutes en prétextant un rendez-vous important ou une autre excuse destinée à fuir cette entrevue quelque peu malaisante. « Je suis contente de te voir, je ne m’y attendais pas. Je m’inquiétais pour toi depuis ... » Depuis qu’elle avait perdu son bébé ? Depuis que Stephen avait pris la tangente ? Leah déposa sa tête contre le dossier du fauteuil sur lequel elle se trouvait, retenant un léger soupir sans trop savoir quoi répondre à ça. Elle avait l’impression qu’il lui fallait rassurer tout le monde sur son état, sauf qu’elle n’avait rien de positif à dire. Il y avait eu des jours où l’idée de continuer à vivre lui semblait insurmontable, d’autres où elle aurait volontiers agressé quiconque lui adressant la parole et puis les jours meilleurs où elle ne ressentait rien grâce aux médicaments. Constat mitigé, donc. « Ça me fait plaisir de te voir vraiment. Tu sais que je suis là si tu as besoin de te changer les idées. » La britannique se rattrapa rapidement et la brune hocha la tête, cherchant ses mots afin de ne pas paraître trop froide alors qu’elle voulait simplement l’aider, comme tout le monde finalement. « Moi aussi ça me fait plaisir de te voir, il fallait que je sorte de cette maison. Et merci. Pour l’instant le simple fait de discuter et de voir du monde me fait du bien. » Elle lui adressa un nouveau sourire destiné à appuyer ses paroles. « Tu n’as pas à t’inquiéter Alex, évidemment que c’est pas facile mais… Ca va aller. J’ai pas le choix de toute façon. » Elle haussa les épaules avant de reprendre une gorgée de son verre, évitant le regard de son amie qui se faisait insistant en dépit du malaise qui s’était une nouvelle fois installé entre elles. Leah espérait intérieurement que ça n’était qu’une passe et que bientôt, son entourage parviendrait à lui parler sans l’observer avec inquiétude et tristesse en s’attendant presque à ce qu’elle s’effondre sous leurs yeux. « Et puis si tu as besoin d'aide pour retrouver la forme, je serais ravie de t'accompagner dans cette étape. » La jeune femme haussa un sourcil en tendant son verre à Alex pour qu’elle puisse le lui remplir à nouveau, légèrement amusée par la maladresse de la brune. « Tu trouves que j’ai pris du poids, c’est ça ? » Elle prit un air faussement offusqué, sachant pertinemment qu’on était sur le processus inverse. Elle avait perdu plus de poids qu’elle n’en avait pris lors de sa grossesse, la ramenant plus bas qu’elle ne l’était en tombant enceinte ; la faute à un manque d’appétit qu’elle n’arrivait pas à dépasser. « J’ai déjà repris le sport et la boxe… Je réintègre les pompiers, il faut que je sois en forme. Mais on pourra aller se faire une séance si ça te dit, c’est toujours plus motivant à deux. » Ajouta-t-elle avec un sourire en coin, persuadée qu’Alex serait une bonne acolyte pour ce genre de sortie sportive.
Leah avait débarqué à l'improviste ou presque amenant avec elle de l'alcool mais aussi un sentiment étrange qu'Alex avait encore du mal à gérer. Elle ne s'était jamais sentie mal à l'aise avec Leah, ou peut-être une fois quand elle avait comprit son lien avec Stephen, mais sinon elle savait qu'avec Leah, elle pouvait être naturelle. Un brin gaffeuse, un brin trop franche, et pourtant alors que la brune était face à elle, Alex se sentait incertaine indécise. Incapable de savoir vraiment comment l'accueillir, ou comment se comporter avec elle. C'était pourtant une amie que Leah était venue chercher, une amie dont elle avait besoin et même ça, Alex semblait avoir du mal à remplir ce rôle. Leah ne demandait rien, elle n'avait même pas cherché à aborder un quelconque sujet, elle était venue, avec ces deux bouteilles et Alex aurait pu se contenter de boire avec Leah. Elle aurait pu, c'était déjà ce qu'elle faisait seule. Mais elle s'était inquiétée pour l'Australienne, pour son moral, pour sa santé aussi. Parce que la blonde constatait avec inquiétude les marques de fatigue sur le visage de Leah, qui lui relevait l'usage du bien connu mais non moins craint, cocktail médicamment-alcool. Et au vu de sa mine, ça n'avait même pas l'air de si bien fonctionné que ça. « Je fais attention, promis. » Alex ne s'était pas laissée avoir par le sourire de circonstance de Leah, ni par sa taquinerie pour tenter de distraire l'attention et peut-être que les craintes d'Alex n'étaient pas fondées, peut-être que c'était son passé à elle qu'elle projetait sur Leah mais elle s'en inquiétait, tout en restant silencieuse pour ne pas accabler un peu plus Leah. Se contentant de boire un peu pour tenter de donner à cette situation un semblant de naturel mais rien n'était finalement naturel pour Alex qui enchaînait les maladresses et qui avait fini par réussir à perturber Leah. Et Alex se demandait encore si elle devait aborder le sujet, si elle devait obliger Leah à en parler, si elle était la bonne personne pour ça. Elle n'avait jamais été très douée pour soutenir les gens, elle n'avait jamais été l'amie sur laquelle on pouvait compter pour évoquer ses craintes, elle ne gérait déjà pas les siennes alors prétendre pouvoir gérer celles des autres était bien au delà de ses compétences. En revanche, elle était celle que l'on pouvait appeler pour boire un verre, pour s'amuser et rire, mais même ça aujourd'hui ça semblait au dessus de ses forces. Alors elle s'essayait au rôle d'amie présente et soutenant, proposant son aide dans les démarches pour le déménagement futur de Leah. Visiter des appartements, critiquer la déco des propriétaires, remplir des cartons, porter des meubles, elle pouvait le faire, c'était dans ses cordes. « Merci. J’ai plusieurs visites de programmées et je pense que ça devrait aller, mais si je coince je t’appellerai. » Alex avait bien senti que Leah avait répondu par politesse plus que parce qu'elle croyait vraiment en la proposition d'aide de sa part. Mais elle ne pouvait pas forcer la main à la jeune femme. Et alors que le sujet du déménagement n'était même pas encore vraiment clôt, Leah avait questionné l'état de forme d'Alex. Un peu prise de court, l'Anglaise s'était contenté d'une réponse simple, peu convaincante mais qui ne laissait pas de place à plus de discussion. Parce qu'il n'était finalement pas question d'elle aujourd'hui. Ses démons elle vivait avec depuis plusieurs années maintenant et elle en était l'unique responsable, alors elle n'avait pas à ramener ses erreurs aujourd'hui. Elle ne pouvait pas dire que huit ans plus tôt, elle avait décidé d'abandonner son fils, elle ne pouvait absolument pas dire cela à Leah qui venait d'enterrer son fils. Alors, elle devait faire en sorte d'aller bien et d'en convaincre Leah et elle même. Elle devait rassurer Leah, elle devait se rassurer, elle devait faire en sorte d'être l'amie dont Leah avait besoin, celle qu'elle était venue trouver avec deux bouteilles d'alcool. Se resservant un verre, elle voulait vraiment faire les choses bien. Sauf qu'elle se laissait encore gagner par cet espèce de stress qu'elle ressentait désormais en présence de Leah, et elle ne voulait pas ressentir tout ça. Elle ne voulait pas mais elle enchaînait encore les gaffes. Essayant tant bien que moi de ne pas faire la boulette de trop, elle tentait de se rattraper comme elle pouvait mais elle voyait bien que son attitude commençait à agacer Leah. « Moi aussi ça me fait plaisir de te voir, il fallait que je sorte de cette maison. Et merci. Pour l’instant le simple fait de discuter et de voir du monde me fait du bien. » Alex hocha la tête. Et même si Leah ne semblait pas très loquace sur ce qu'elle venait de vivre, si elle voulait discuter, Alex devait pouvoir réussir à discuter avec elle tout en évitant de penser à tout ce qu'elle avait en tête, peut-être que discuter pourrait lui faire du bien aussi finalement. S'apprêtant à accepter ce difficile exercice, de faire comme si tout allait bien, elle avait vite changer d'avis quand Leah avait reprit la parole. « Tu n’as pas à t’inquiéter Alex, évidemment que c’est pas facile mais… Ca va aller. J’ai pas le choix de toute façon. » Leah pouvait lui dire qu'elle n'avait pas à s’inquiéter, que ça allait aller pour elle. Alex n'était pas pour autant rassurée par les propos de Leah. Pas du tout même. « C'est pas une question de choix. » Une remarque que l'Anglaise avait laissé échapper d'entre ses lèvres, alors qu'elle voyait Leah se jeter sur son verre. L'Anglaise ne jugeait pas, elle n'était personne pour prétendre savoir comment gérer les moments douloureux. Elle n'avait jamais réussi, et si le choix était le seul élément qui comptait dans de telles circonstances, Alex ne serait sans doute pas tombée aussi bas. Quoique. Elle avait parfois tellement voulu fuir ses soucis, fuir sa culpabilité qu'elle avait sans doute choisit volontairement mais de façon inconsciente, le pire choix possible pour elle. Mais, alors qu'elle regardait Leah, elle se devait d'être honnête, du moins autant qu'elle le pouvait. Et pour elle, le choix d'aller mieux ou pas, ne suffisait pas toujours. « Pas toujours du moins. » Parce qu'Alex connaissait la douleur qui s'incrustait dans chaque souvenir, dans chaque pensée. Elle connaissait les insomnies qui finissaient par faire perdre la tête, elle connaissait les dégâts des regrets et personne n'aurait choisi de se faire vivre tout ça et pourtant, c'était une réalité. Et si Leah en était déjà au mélange médicaments – alcool c'était que le choix d'aller mieux n'était pas suffisant pour faire taire tous les autres éléments inhérents à l'épreuve qu'elle était en train de vivre. « Et Leah, je ne serais pas honnête avec toi si je ne te faisais pas part de mes inquiétudes. » Alex savait que Leah était quelqu'un d'honnête, de franche, et Alex utilisait sans doute la notion d’honnêteté à son avantage, alors qu'elle ne l'était pas réellement mais ses inquiétudes étaient réelles. Et cette fois, oubliant son passé, ses échecs, ses regrets, Alex ne pensait qu'à cette inquiétude qu'elle ressentait pour Leah. Et si elle voulait être une amie, une vraie, elle ne pouvait pas se taire et juste attendre de voir comment Leah finirait par remonter la pente ou par s'écrouler. « Je serais toujours là pour discuter, ou boire un verre en silence, mais Leah, je suis ton amie et je ne vais pas te dire comment gérer mais ne fais pas semblant, pas avec moi d'accord ? Je veux juste que tu saches que si un jour ça ne va vraiment pas bien, tu n'es pas obligée de sombrer toute seule. » Parce que tomber c'est une chose, mais rien n'oblige de rester au sol après coup. Et Alex, espérait seulement entendre Leah lui dire qu'elle avait reçu le message d'Alex. Lui dire de façon honnête et sincère et pas dans l'unique but de faire plaisir à l'Anglaise. Et si Leah savait la vérité sans doute qu'elle traiterait Alex d'hypocrite, mais c'était justement parce qu'elle n'avait pas accepter qu'on l'aide qu'elle s'était laissée tomber si bas et elle ne voulait pas que Leah puisse tenter de reproduire le même schéma.
Et alors qu'elle tentait de se comporter en amie, solide, sur laquelle Leah pouvait compter, ce dont elle doutait elle même finalement. Alex avait dévié la conversation vers un sujet qui rapprochait les deux filles. Le sport. Et la reprise du sport après une grossesse, mais ça Leah n'en avait pas conscience. « Tu trouves que j’ai pris du poids, c’est ça ? » Alex avait bien remarqué que Leah n'avait plus aucune forme d'une femme ayant porté un enfant encore récemment. Elle semblait même encore plus mince qu'avant sa grossesse et même si Alex n'en avait pas la certitude, ça n'était pas un phénomène très positif en soit. Bien qu'elle se contentait d'un silence, là ou Leah semblait tenter de mettre un peu de légèreté dans leur conversation. Elle n'allait pas pointer tout les éléments qui l'inquiétait dans la manière dont Leah gérait cette épreuve. « J’ai déjà repris le sport et la boxe… Je réintègre les pompiers, il faut que je sois en forme. Mais on pourra aller se faire une séance si ça te dit, c’est toujours plus motivant à deux. » Et si Alex venait de se retenir d'une remarque, Leah ne l'aidait clairement pas, à croire qu'elle le faisait exprès pour provoquer une réaction chez Alex ? Ou c'était elle qui faisait une fixation sur des détails ? « La boxe déjà ? » Peut-être qu'elle aurait pu retenir un peu mieux sa surprise devant la reprise très rapide d'une telle activité. « Tu sais que tu dois y aller doucement si tu veux pas te bousiller le corps. » Reprenant un ton plus neutre, et sans entrer dans les détails, Alex s'était juste contenté d'une phrase, une seule parce qu'après tout Leah devait savoir tout ça, Leah devait avoir été tenue informée de ce qu'elle pouvait ou ne pouvait pas faire et surtout ce qu'elle devait faire pour muscler son corps qui avait perdu en tonicité pour éviter de se retrouver avec des soucis au plus ou moins longs termes. Elle devait savoir, et Alex n'avait aucune légitimité pour donner de tels conseils à Leah, c'était son corps, c'était à elle de le gérer après tout non ? « Mais je serais ravie de t'aider pour ta remise en forme, même si tu as aucune chance de me suivre. » Alex essayait de sourire, d'amener une touche de légèreté, de changer de sujet aussi, parce que Leah avait dit que discuter lui faisait du bien, alors Alex voulait juste aider Leah. « Tu reprends quand les pompiers ? » Et dans cette optique, elle avait de nouveau rempli leurs deux verres, parce qu'au fond, Alex comme Leah avaient besoin de boire, chacune pour ses propres raisons mais elles avaient toutes les deux besoins et envies.
Le regard d’Alex ne la quittait pas et Leah savait précisément l’image qu’elle renvoyait en ce moment, mais elle s’en fichait bien. Les cernes marquaient son visage fatigué et on ne pouvait plus lire la lueur amusée qui brillait habituellement dans ses yeux noisette, c’était même l’inverse. On disait que la souffrance et la peine se voyaient qu’on le veuille ou non, et la brunette n’avait pas fait exception. La jeune femme n’avait déjà pas une silhouette très enveloppée de prime abord, et les récents évènements l’avaient affectée à tel point qu’elle flottait pratiquement dans ses anciens vêtements. Les marques de sa grossesse avaient déjà disparu et plus rien n’indiquait qu’elle avait un jour été enceinte, si ce n’était la fine cicatrice sur son ventre due à la césarienne pratiquée en urgence le jour de l’accouchement. Une marque qui venait rejoindre les nombreuses autres traces qui s’étaient posées sur son corps tout au long de sa vie d’adulte, notamment par sa relation avec Camden. La brune s’efforçait de conserver un sourire rassurant face à la britannique, histoire de ne pas totalement l’alerter quant à la situation, mais cette dernière ne semblait pas dupe du tout. Peut-être que de s’amener avec deux bouteilles avait dû lui mettre la puce à l’oreille car après réflexion, ça donnait vraiment une image d’alcoolique désespérée. Ce qu’elle n’était pas, pas tout à fait du moins. Sombrer dans l’alcool était généralement sa façon de gérer les choses au début, avant de rebondir et de passer à autre chose. L’important pour elle était de ne rien ressentir, et l’anesthésie procurée par la brûlure des spiritueux lui faisait un bien fou. Pour le temps que ça durait du moins. Leah essaya donc de garder le cap en rassurant son amie et en lui expliquant brièvement où elle en était actuellement, sa vie tournant principalement autour de la recherche d’un nouvel appartement. Une tâche qui aurait pu s’avérer simple si seulement elle n’avait pas arrêté de travailler autant de temps en se reposant sur Stephen, ce qui la poussait aujourd’hui à revoir ses espérances à la baisse. Alex lui proposa spontanément de lui venir en aide si elle en avait besoin, ce à quoi elle répondit qu’elle devrait s’en sortir mais qu’elle n’hésiterait pas à donner suite si elle se retrouvait en galère. Même si la brune recommençait à voir ses proches, elle restait égale à elle-même en restant indépendante au maximum et en gérant tout toute seule, c’était ainsi qu’elle fonctionnait. Depuis toujours. Elle tenta de dévier la conversation sur la brune, mais cette dernière éluda rapidement le sujet pour se reconcentrer sur elle en lui faisant part de son inquiétude, toujours aussi honnête qu’avant. La jeune femme soupira légèrement avant de lui expliquer qu’elle n’avait pas d’autre choix que d’aller mieux, une allégation qui ne sembla pas satisfaire la britannique qui fit pratiquement les gros yeux en l’observant boire une énième gorgée de son verre. « C'est pas une question de choix. » Non c’était vrai, mais il n’empêchait que Leah ne comptait pas rester dans cette bulle infernale qui était la sienne aujourd’hui. Elle ne se reconnaissait plus et elle devait aller de l’avant, sans quoi elle finirait vraiment par perdre les pédales à force de ressasser tout ce qu’elle avait perdu. « Pas toujours du moins. » La brune releva les yeux vers son amie, réalisant qu’elle parlait presque comme si c’était pour elle. « Je peux pas m’empêcher de ressentir ce que je ressens, mais je compte pas devenir une épave sous prétexte que j’ai perdu mon bébé. » Les dents serrées, le ton de la jeune femme était monté sans même qu’elle ne s’en rendre compte. Les mains qui tenaient son verre étaient tremblantes, et les larmes lui montèrent instinctivement aux yeux tant la colère s’emparait d’elle avec violence tandis qu’elle prononçait ces paroles à voix haute pour la première fois depuis que c’était arrivé. « Et Leah, je ne serais pas honnête avec toi si je ne te faisais pas part de mes inquiétudes. » Alex pouvait bien se mettre dans la file d’attente à ce stade. Tous ses proches l’observaient avec le même regard compatissant et la jeune femme se sentait presque obligée de donner le change pour qu’ils se sentent mieux à leur propre égard, mais la britannique n’était pas facile à duper. Leah avala une énième gorgée de son verre, le regard vide tout en écoutant les paroles bienveillantes de son amie même si les mots glissaient sur son esprit légèrement embrumé. « Je serais toujours là pour discuter, ou boire un verre en silence, mais Leah, je suis ton amie et je ne vais pas te dire comment gérer mais ne fais pas semblant, pas avec moi d'accord ? Je veux juste que tu saches que si un jour ça ne va vraiment pas bien, tu n'es pas obligée de sombrer toute seule. » La brunette se contenta d’hocher la tête avant de relever le menton vers elle, l’ébauche d’un sourire lui étirant les lèvres. « Je fais pas semblant, j’essaie simplement de pas m’effondrer dès que je rencontre quelqu’un. Mais c’est épuisant je dois bien l’avouer. » Elle soupira une nouvelle fois en se laissant un peu plus aller contre le dossier du fauteuil où elle avait pris place, croisant une jambe tout en faisant tourner le verre entre ses mains. « T’as l’air de savoir de quoi tu parles Clarke, quelque chose me dit que t’as dû passer par des trucs pas cool toi aussi. » Pas cool étant un pur euphémisme, et Leah ignorait d’ailleurs la raison pour laquelle elle venait de dire ça, mais ses yeux ne quittaient pas le visage fatigué d’Alex, persuadée qu’elle n’avait pas été totalement honnête lors de leurs retrouvailles. Elle avait pris la tangente une fois, et quelque chose lui disait que les raisons étaient plus sombres que ce qu’elle avait bien voulu avouer. La journaliste lui proposa de la rejoindre lors d’une séance de sport, ce à quoi la brune répondit par une tentative – ratée – de faire de l’humour pour détendre un rien l’atmosphère qui devenait bien trop grave à son goût en dépit de l’alcool déjà ingurgité par leurs deux petits gabarits. « La boxe déjà ? » Oui, déjà. Le médecin lui avait dit de faire attention mais la jeune femme n’avait pas vu là une interdiction formelle de reprendre le sport, elle avait donc décidé de n’en faire qu’à sa tête et de comprendre les choses comme elle le voulait. Le sport avait toujours été son exutoire et la boxe encore plus, ce qui l’aidait déjà d’ailleurs à s’endormir sans user de trop de médicaments pour s’embrumer l’esprit et ne penser à rien. « Tu sais que tu dois y aller doucement si tu veux pas te bousiller le corps. » « Tu sais, à ce stade, je m’en fiche bien. Je prévois pas de séduire qui que ce soit avant le prochain siècle, et je veux me préparer pour les pompiers. Puis ça m’aide à me vider la tête, alors… » Elle haussa les épaules, sachant pertinemment que les risques étaient là, mais ils n’étaient vraiment pas sa priorité. Elle avait commencé une rééducation post-grossesse à laquelle elle s’était rendue une seule fois, et d’où elle était partie en larme en entendant les mamans épanouies discuter de leur nouvelle vie. C’était trop pour elle. L’idée de contacter un kiné indépendant lui avait effleuré l’esprit, mais la Baumann en avait sa claque des kinés et pour l’instant, elle avait décidé de faire l’impasse. Elle verrait plus tard. « Mais je serais ravie de t'aider pour ta remise en forme, même si tu as aucune chance de me suivre. » Cette remarque fit réellement sourire la jeune femme qui se sentit piquée dans son esprit légendaire de compétition. « Tu parles, c’est toi qui serais à la traîne Clarke. » Elle haussa un sourcil avant de laisser échapper un petit rire d’entre ses lèvres en secouant la tête. « Tu reprends quand les pompiers ? » La brune la regarda leur servir une nouvelle fois à boire, ravie que le sujet de discussion revienne sur quelque chose de plus léger. « Dans moins d’un mois, mais je n’irai pas au feu directement. Ma formation avait été arrêtée et je dois terminer quelques trucs avant d’aller officiellement sur le terrain, ce qui n’est pas plus mal finalement. » Elle pencha la tête sur le côté en pointant un index sur l’ordinateur encore allumé de la britannique. « Et toi tu bosses sur quoi ? » Lui demanda-t-elle avec un réel intérêt pour le travail de son amie.
Être une amie pour Leah. Ça n'aurait pas du être une épreuve terrible pour la Britannique et pourtant, elle avait l'impression d'échouer sur toute la ligne. Peut-être qu'elle commençait à culpabiliser de voir que Leah venait chercher sa compagnie dans un tel moment alors qu'elle lui avait menti et caché des choses importantes sur elle ? La journaliste tentait d'être à la hauteur d'un rôle qu'elle s'était elle même attribué, Leah n'ayant jamais émit la volonté de voir Alex la questionner sur cette épreuve, ni même l'envie de voir l'Anglaise exposer à voix haute ses craintes quand à la façon de gérer de l'Australienne. Mais, la blonde le faisait quand même, bien que cela ne l'aidait pas à se sentir droite, bien au contraire. Perdue entre son propre vécu et les analyses qu'elle tirait des propos de Leah, Alex sentait que son comportement n'était pas opportun et qu'elle poussait peut être un peu trop ? Mais c'était toujours délicat de savoir comment gérer face à la douleur de ses proches. Faire semblant ? Éviter le sujet ? Ou foncer les deux pieds dans le plat en évoquant les choses directement ? Après tout, Leah venait de perdre son enfant et Alex le savait, c'était un élément qu'il était difficile d'ignorer alors que l'aspect physique de Leah, laissait aucun doute sur la difficulté qu'avait été les dernières semaines pour elle. Ce n'était pas à Alex de décider si la futur pompier devait en parler ou pas, et pourtant, c'était elle qui avait poussé la discussion encore et encore, jusqu'à obliger presque Leah à se livrer. « Je peux pas m’empêcher de ressentir ce que je ressens, mais je compte pas devenir une épave sous prétexte que j’ai perdu mon bébé. » Le ton employé par Leah avait fait baisser les yeux d'une Alex un peu trop touchée par la peine de son amie. Focalisant son regard sur les mains de l'Australienne, elle avait vu le tremblement incontrôlé sans doute provoqué par l'émotion, et elle avait posé sa main sur celle de Leah dans un geste amical. 'Devenir une épave sous prétexte que j'ai perdu mon bébé.' Les mots étaient durs mais ils n'étaient rien à côté de la douleur qu'elle devait ressentir et Alex se sentait si inutile, et si minable aussi. Inutile parce qu'elle ne savait pas comment soutenir Leah, elle ne savait pas parce qu'elle, elle était devenue une épave, ne trouvant pas la force de se relever. C'était d'ailleurs pour ça qu'elle se sentait si minable. Parce qu'elle avait eu le choix. Ce n'était pas la vie qui lui avait enlevé son bébé, elle avait fait ce choix seule. Elle avait fait le choix de fuir, de partir et de sombrer toute seule et elle se sentait démunie, sans mots, sans force pour aider Leah. Elle n'était définitivement pas la bonne personne pour recueillie les émotions d'une femme qui faisait le deuil de son enfant. Alors, sans vraiment trouver une façon pour soutenir l'Australienne, la journaliste s'était contentée de faire part de ses inquiétudes et d'affirmer, avec le peu de conviction qu'elle pouvait trouver, qu'elle serait là si Leah en avait besoin et qu'elle n'avait pas besoin de faire semblant avec elle. Une phrase qui semblait si fausse, tant Alex avait fait semblant pendant des années et qu'elle continuait encore finalement. « Je fais pas semblant, j’essaie simplement de pas m’effondrer dès que je rencontre quelqu’un. Mais c’est épuisant je dois bien l’avouer. » Ne pas sombrer demandait bien plus de force que de succomber à ses pires instincts, Alex en savait quelque chose. Et elle avait essayé de ne pas s'effondrer, elle avait vraiment essayé mais ça demandait bien trop de force, force qu'elle n'avait plus en elle, et elle avait abandonné face à la souffrance et à la fatigue. « Je sais. » Alex n'avait jamais été forte, c'était ainsi qu'elle se définissait, comme quelqu'un de faible. Alors l'idée de ne pas s'effondrer, c'était une notion bien trop abstraite pour elle et elle aurait aimé pouvoir rassurer Leah, lui dire qu'elle pouvait surmonter tout ça, elle n'aurait sans doute pas eu la crédibilité nécessaire pour défendre cette idée. Parce qu'Alex était en train de se perdre dans ses propres souvenirs, dans sa propre expérience, oubliant que tout le monde (fort heureusement) ne réagissait pas comme elle. Le regard vide, elle s'était faite avoir par la question inattendue de Leah. « T’as l’air de savoir de quoi tu parles Clarke, quelque chose me dit que t’as dû passer par des trucs pas cool toi aussi. » Et sans même qu'Alex n'ait réellement pu comprendre comment elle s'était retrouvée à son tour sous le feu des questions, elle avait du faire face au regard de Leah. « Oui, mais moi, je ne peux m'en prendre qu'à moi même. » Elle se détestait pour ses choix, pour la façon dont elle avait géré sa vie et c'était impossible de ne pas le sentir dans la manière avec laquelle elle répondait à Leah. Refusant de donner plus de détails, elle ne voulait pas que Leah la déteste, elle venait de perdre son fils et Alex ne pouvait pas lui avouer avoir abandonner le sien. « J'ai pas été forte, je connais le cocktail médicament-alcool, je sais l'effet des insomnies, et je veux juste m'assurer que tu ne finisses pas comme moi, parce que tu ne mérites pas de vivre cette épreuve toute seule. » Leah n'était pas responsable, elle n'avait en rien provoqué cette descente aux enfers et elle ne méritait pas de souffrir à ce point, c'était une chose dont Alex était persuadée et elle voulait juste s'assurer que Leah accepterait l'aide avant de sombrer. La sienne ou l'aide d'un autre, tant que Leah acceptait de laisser quelqu'un lui tendre la main, c'était tout ce qui comptait pour Alex. « Ne te renferme pas complètement et ne laisse pas cette épreuve définir le reste de ta vie. » Alex attrapait la bouteille pour remplir son verre, et elle n'avait pas attendu pour en boire plusieurs gorgées comme pour oublier le contenu de cette dernière discussion et des souvenirs qu'elle provoquait. Elle ne voulait pas régler ses problèmes face à Leah, elle devait être une amie pour elle. Une amie pour soutenir l'Australienne dans cette épreuve, c'était tout ce qu'elle devait faire et c'était déjà beaucoup visiblement alors qu'elle avait l'impression de tout faire de travers. Alors, après quelques gorgées d'alcool, elle s'était reprise, et oubliant les drames, elle avait évoqué un sujet qui rapprochait les deux filles. Leur passion pour le sport. Et Alex constatait que Leah n'avait que faire des risques, pourtant réels, liés à une reprise du sport trop précoce.« Tu sais, à ce stade, je m’en fiche bien. Je prévois pas de séduire qui que ce soit avant le prochain siècle, et je veux me préparer pour les pompiers. Puis ça m’aide à me vider la tête, alors… » La touche d'humour n'avait pas fait sourire Alex, parce qu'elle avait été une adepte du 'je fais ce que je veux et si c'est dangereux et bien tant mieux', mais ce n'était pas une solution saine. Surtout pour Leah dont le corps allait être l'outil de travail pour les années à venir. En tant que futur pompier, elle devait prendre soin de son corps, et même si Alex comprenait ce besoin de se défouler, surtout dans une telle période, elle ne partageait pas la vision de Leah. Mais elle lui avait déjà fait part de son inquiétude sur ce sujet, elle lui avait déjà fait part de son étonnement quant à sa reprise si rapide, et d'un sport si intense. Alors, à moins d'entrer dans des détails qu'elle ne voulait pas dévoiler, elle préférait se taire et proposer à Leah de l'aider dans sa remise en forme. Peut-être qu'il s'agissait là d'un moyen pour l'Anglaise de garder un œil sur Leah ? De tempérer les ardeurs de l'Australienne, tout en s'assurant de ne pas la voir sombrer ? Peut-être mais ça fonctionnait puisque Leah acceptait l'offre, tout en lâchant un petit rire à la remarque d'Alex. Peut-être le premier rire sincère de la soirée ? Et c'était peut-être ce dont elles avaient besoin toutes les deux finalement. Parler de choses et d'autres, de tout mais surtout pas d'enfants. Alors Alex, l'avait questionné sur les pompiers. Parce que dans ces moments là, il était important d'avoir des projets pour tenir et garder l'envie d'avancer. « Dans moins d’un mois, mais je n’irai pas au feu directement. Ma formation avait été arrêtée et je dois terminer quelques trucs avant d’aller officiellement sur le terrain, ce qui n’est pas plus mal finalement. » Oh oui c'était clairement pas plus mal de garder Leah loin des flammes pour le moment, vu la façon dont elle gérait sa vie actuellement, Alex ne serait pas réellement sereine à l'idée de la savoir courir au devant de situations dangereuses. Mais ce n'était pas à elle de faire cette remarque, elle en avait sans doute déjà faite assez et elle ne voulait pas risquer de perdre le peu de légèreté qu'elles avaient réussi à mettre dans la discussion. « Mes propos de la dernière fois tiennent toujours, j'ai besoin de tes mains pour nos futurs soirées cocktails, alors tu joues pas avec le feu la bas. » Essayant de garder son sourire pour montrer qu'elle plaisantait même si les mots et surtout l'idée était sincère, mais les inquiétudes n'étaient liées qu'à son choix de carrière et Alex faisait en sorte de ne pas y intégrer l'état d'esprit actuel de la jeune femme. Leah était venue chercher de la compagnie, et finalement parler de sport, de pompier, c'était pas plus mal. Pour tout le monde et Alex se cachait derrière les questions de Leah parce que tout était plus simple et moins douloureux. « Un article sur les meilleurs footballeurs Australiens qui ont joué en Premier League et sur l'impact que leur carrière a eu dans le développement de l'image du foot ici en Australie. » Tim Cahill, Harry Kewell, Mark Schwarzer, Mark Viduka, autant de noms qui ont marqué le foot Australien. Et finalement, même si elle doutait sincèrement des connaissances de Leah dans le domaine, ce petit aparté dans leur discussion lui avait permit de souffler un peu et ce n'était pas de trop. Reprenant un peu de contenance, elle remarquait au contenu restant dans les bouteilles, qu'elles avaient réellement bu bien trop et trop vite. Et le tout sans rien avaler de solide, et vu l'état physique de Leah, c'était sûrement pas le premier repas qu'elle sautait. « J'ai rien avalé aujourd'hui, ça te dit de manger avec moi ? » S'attendant à une réponse négative, Alex n'avait pas réellement laissé le choix à Leah de répondre. « Rassure toi, je vais pas te faire manger un truc que j'ai préparé. C'est un vrai chef de restaurant qui a cuisiné, tu peux pas refuser ça ? » Alex s'emparait des bouteilles d'alcool, elle n'allait pas laisser Leah boire une nouvelle goutte d'alcool si elle refusait de manger. C'était un nouveau rôle pour Alex, elle qui buvait beaucoup trop, elle se retrouvait à calmer les ardeurs d'une autre au sujet de l'alcool. Improbable mais vrai.
Leah sentait que son amie galérait à trouver les mots justes, et elle aurait aimé pouvoir la rassurer en lui expliquant qu’aucun mot, qu’aucune parole ne parviendrait à sonner juste dans des circonstances pareilles. Les phrases toutes faites en période de deuil perdaient tout leur sens à l’instant où on les prononçait, et la brune n’était pas sans savoir que ces expressions étaient davantage destinées à soulager la conscience de ceux qui la prononçaient plutôt que de celui qui les recevaient. Les mots glissaient sur la jeune femme, vides de sens alors que sa vie entière avait perdu son sens et qu’elle ne ressentait désormais que de l’amertume et de la colère. Elle s’efforçait pourtant de donner le change, face à ses proches, et surtout face à la britannique qui ne savait sans doute pas sur quel pied danser avec elle. Tout ce que Leah voulait, c’était passer du temps avec une personne en qui elle avait confiance et pouvoir se laisser aller sans ressentir le moindre jugement de sa part. Alex lui était apparue comme une évidence et c’était pour cette raison qu’elle s’était pointée sur le pas de sa porte, accompagnée de ses amis du moment ; vodka et gin. Elle dévoila le fond de sa pensée à la journaliste, employant des termes qui franchissaient ses lèvres avec une dureté nouvelle tandis que les traits de son visage s’obscurcissaient encore un peu, creusant la ligne de ses cernes pourtant déjà bien marquées. « Je sais. » L’air perdu, Alex semblait elle aussi se perdre dans les tréfonds de ses souvenirs tandis que Leah s’épanchait sur sa propre situation, la poussant tout naturellement à lui demander de but en blanc si elle aussi avait traversé des épreuves telles qu’elle pouvait effectivement savoir de quoi elle parlait. Sans filtre, la jeune femme observait la britannique avec une once de curiosité dans le regard, s’interrogeant sur ce qu’elle avait pu vivre pour être hantée elle aussi par ces démons qu’elles semblaient avoir en commun. « Oui, mais moi, je ne peux m'en prendre qu'à moi même. » Relevant le menton vers Leah, elle lui répondit d’un ton qui en disait long sur le fil de ses pensées ; elle n’avait pas envie d’en débattre davantage. La brunette se souvint du vide de quelques années présent dans leur relation, et si elle n’avait jamais réellement posé la question à Alex, elle devinait maintenant que ce départ n’avait rien eu d’anodin. « Tu dis ça parce que t’as pas envie de m’en parler. Tu te défiles. » Elle haussa un sourcil avant de s’enfiler la fin de son verre, avalant le liquide comme s’il s’agissait d’un grand verre d’eau et ignorant la brûlure qui traversa son œsophage. « J'ai pas été forte, je connais le cocktail médicament-alcool, je sais l'effet des insomnies, et je veux juste m'assurer que tu ne finisses pas comme moi, parce que tu ne mérites pas de vivre cette épreuve toute seule. » Finir comme elle ? Mais qu’est-ce qu’elle racontait. Leah jeta un œil à l’appartement de la britannique, cherchant un détail qui pourrait lui faire comprendre le discours insensé de son amie. Mais rien n’y faisait, la brune n’avait aucun talent d’enquêtrice et son esprit partiellement embrumé par l’alcool ne venait pas vraiment l’aider en ce sens. « Finir comme toi ? Mais j’aimerais tellement Alex. T’as trouvé quelqu’un de bien, t’as un boulot qui te passionne et des projets. Qu’est ce que j’ai moi, hein ? » Elle leva les yeux au ciel face à la mauvaise foi apparente de la jeune femme dont la vie la faisait déjà bien plus rêver que la sienne ces derniers temps. Elle ne se doutait pas un seul instant qu’Alex avait bien plus de problèmes qu’elle ne voulait bien l’avouer. « Ne te renferme pas complètement et ne laisse pas cette épreuve définir le reste de ta vie. » Facile à dire. Plus difficile à mettre en œuvre. Se couper de son entourage avait été la solution de facilité, la solution de repli pour ne pas avoir à affronter les regards compatissants et les chuchotements dans son dos face à ce qui lui était arrivé. Quelle terrible épreuve. La pauvre, est-ce qu’elle s’en remettra un jour ? Elle a déjà tellement souffert. Et blablabla. Dans un soupir, Leah laissa tomber sa tête contre le dossier du fauteuil sur lequel elle était assise, ressentant avec un plaisir non-dissimulé les premiers symptômes de sa consommation excessive d’alcool. « Tu veux dire que je ne devrais pas me définir comme la fille qui s’est fait taper dessus par son ex pendant quatre ans avant d’avoir failli y passer ? Ou comme la fille qui s’est fait plaqué par celui qu’elle considérait comme l’homme de sa vie après avoir perdu leur bébé ? » Un rire sarcastique s’échappa de ses lèvres tandis qu’elle attrapait le verre qu’Alex venait de remplir pour le porter une nouvelle fois à ses lèvres, comme si le liquide allait pouvoir effacer les pensées qui lui traversaient l’esprit et lui tenaillaient la poitrine. « J’essaie Alex, c’est pour ça que je suis là, avec toi, au lieu de m’enfermer avec mes séries et mes pots de glace comme une Bridget Jones ratée. » Marmonna-t-elle avant de lever un sourcil face à l’inquiétude de son amie quant à sa reprise anticipée du sport. C’était à peu près la seule chose qui la forçait à se lever le matin, alors même s’il était un peu trop tôt, elle n’allait pas faire l’impasse dessus. C’est ce qu’elle lui précisa, avant de lui expliquer qu’elle reprenait son activité en tant que pompier dans un peu moins dans moins, sans toutefois devoir aller au feu dans un premier temps. « Mes propos de la dernière fois tiennent toujours, j'ai besoin de tes mains pour nos futurs soirées cocktails, alors tu joues pas avec le feu la bas. » Cette remarque fit sourire la brunette qui se rappela leur dernière conversation à ce sujet. Presque comme si cette discussion avait appartenu à une autre vie, que ces mots avaient été prononcés par une autre Leah. « T’en fais pas, je te laisserais pas nous empoisonner Clarke. » Lança-t-elle dans une vaine tentative d’humour en levant son verre en l’air, faisant référence au talent approximatif de la britannique lorsqu’il s’agissait de la mixologie. N’est pas barmaid qui veut, et heureusement Alex avait bien d’autres talents, comme celui qu’elle exerçait dans sa branche ; le journalisme. Consciente que la conversation tournait bien trop autour d’elle, la brunette l’interrogea sur ce qu’elle faisait en ce moment, réellement curieuse à ce sujet. Le sport les passionnait toutes les deux et elle ne manquait jamais de lire les articles de son amie, même si elle ne le lui disait pas forcément. « Un article sur les meilleurs footballeurs Australiens qui ont joué en Premier League et sur l'impact que leur carrière a eu dans le développement de l'image du foot ici en Australie. » Hum, rien que ça. Le thème était intéressant et Leah était sûre que le style de la blonde ne manquerait pas d’apporter ce qu’il fallait à cet article pour qu’il touche le plus grand nombre. « Intéressant. » Commenta-t-elle avec sincérité sans toutefois parvenir à étayer sa pensée, déjà bien trop engourdie par l’alcool qu’elle avait ingéré. Il ne s’agissait pas tant de la quantité mais bien du fait que son estomac était vide la plupart du temps, ce qui n’arrangeait pas son cas. « J'ai rien avalé aujourd'hui, ça te dit de manger avec moi ? Rassure toi, je vais pas te faire manger un truc que j'ai préparé. C'est un vrai chef de restaurant qui a cuisiné, tu peux pas refuser ça ? » A croire qu’Alex lisait dans ses pensées, ou du moins dans son ventre. Faisant la moue, Leah s’apprêta à refuser la proposition de son amie, mais cette dernière anticipa sa réaction en la prenant pratiquement par les sentiments et en argumentant avec de grands yeux qui voulaient tout dire. Laissant échapper un petit rire d’entre ses lèvres, la brune finit par hocher la tête en s’étirant légèrement. « D’accord. Mais c’est bien parce que t’as rien cuisiné toi-même hein, tu promets ? » Plaisanter lui faisait du bien, même si le cœur n’y était pas vraiment. Peut-être qu’à force de prétendre, elle y arriverait.
Se défiler, Leah n'aurait pas pu trouver des mots plus justes pour évoquer la façon de gérer d'Alex. Ou plutôt de ne pas gérer. Elle se défilait tout le temps. Fuyant à l'autre bout du monde à chaque fois que ses problèmes devenaient trop compliqués. Elle l'avait fait une première fois pour fuir son père, puis une deuxième fois pour fuir ses responsabilités. Elle fuyait physiquement, mais aussi émotionnellement, incapable de gérer ses émotions elle les noyait dans la drogue, l'alcool, les deux pour éviter d'avoir à gérer. Alex se défilait tout le temps, pour se protéger, pour ne pas avoir à gérer sauf qu'aujourd'hui face à Leah, elle ne le faisait pas pour se protéger mais pour éviter de blesser encore un peu plus une Leah encore accablée de chagrin et de colère suite au drame qu'elle avait vécu. « J'ai pas envie de te décevoir et de te blesser. C'est pas le moment pour ça Leah, crois moi. » Elle était honnête sur ce point. Elle ne fuyait pas totalement, elle n'en parlait pas, gardant pour elle ses démons, mais elle ne niait pas non plus leur présence. Elle ne niait pas qu'elle cachait encore des choses à Leah, mais si elle n'avait pas réussi à trouver le moment pour lui en parler plus tôt, aujourd’hui semblait être le pire jour possible pour annoncer à son amie qui venait de perdre son fils, qu'Alex avait abandonné le sien. Préférant se focaliser sur le résultat plutôt que sur la cause, elle se livrait sur les insomnies, sur le cocktail médicament-alcool qui avait fait des ravages sur Alex, taisant en revanche la partie alcool qu'elle n'avait pas encore réglé. « Finir comme toi ? Mais j’aimerais tellement Alex. T’as trouvé quelqu’un de bien, t’as un boulot qui te passionne et des projets. Qu’est ce que j’ai moi, hein ? » La réponse normale et honnête aurait tenu en quelques mots 'je suis alcoolique Leah' mais Alex n'était pas encore prête à tenir un tel discourt. Elle le savait, au fond d'elle, elle en avait conscience, mais l'avouer était encore bien au dessus de ses forces. Alors puisqu'elle savait se défiler, elle continuait à noyer le poisson avec plus ou moins de crédibilité et de conviction, préférant se focaliser sur son ancienne vie, sur des démons qu'elle avait déjà réglé (ou qu'elle pensait avoir réglé) et dont elle avait déjà parlé en partie à Leah, parce que ça lui permettait de ne pas se sentir complètement minable. Un peu, beaucoup mais pas complètement. « Je me suis droguée pendant deux ans, deux ans à vivre de tout les excès possibles, j'ai fais toutes les conneries, médicaments, drogues, alcools, sexes, j'ai tout fais pour éviter de souffrir, pour éviter de penser à tout cette douleur constante que j'avais au fond de moi. Pour éviter de penser à cette culpabilité que je ressentais, et c'est dur de remonter la pente quand tu te laisses sombrer aussi bas. Je ne veux pas te voir te détruire c'est tout. » Et sur ce dernier point Alex était sincère. Elle avait trop souffert pour accepter de voir quelqu'un qu'elle appréciait se laisser sombrer comme elle l'avait fait et elle se détesterait de ne pas essayer d'aider Leah. Mais Alex savait aussi que seule Leah pouvait être à même de demander de l'aide, ou même d'accepter l'aide proposé, sans ça, si la jeune femme voulait se détruire, elle trouverait la solution pour le faire et Alex, et personne, ne pourrait rien faire contre la volonté d'une femme blessée et en souffrance. Elle mélangeait tout, transposant son vécu à celui de Leah et inversement. Elle n'avait plus l'esprit totalement clair quand elle avait dit à Leah qu'elle ne devait pas laisser cette épreuve définir sa vie, réalisant sa maladresse au moment ou Leah s'emportait en faisant le récit de ce qu'elle venait de vivre. « Leah tu sais ce que je vois moi dans tout ça ? Je vois une femme qui a réussi à se relever après avoir failli y passer et qui n'a pas laissé cette première épreuve l'arrêter. » Alex reprenait volontairement les termes de Leah pour leur donner du sens, pour donner plus d'impact à ce qu'elle disait, même si elle se savait clairement pas douée pour ce genre de chose. « Une femme qui malgré tout s'est relevé, et a continué à vivre. Leah c'est injuste ce que tu vis, mais ça montre une chose de toi, c'est que tu es forte, malgré ce que tu as vécu tu as continué à vivre et à faire des projets. Je t'assure que c'est pas donné à tout le monde de reprendre sa vie en main et tu l'as fais pourtant, tu peux réussir à nouveau. Tu es tout sauf une ratée, faut pas que tu penses comme ça. » Parce que si le regard des gens était compliqué à gérer dans ces moments, son propre regard pouvait vite devenir insupportable. Cette sensation d'avoir tout raté, d'avoir tout perdu, d'avoir tout gâché. Cette culpabilité. Ça pouvait devenir invivable pour une personne fragilisée émotionnellement. Alex en savait quelque chose, elle qui se considérait comme quelqu'un de faible incapable de surmonter quoique ce soit et elle menait sa vie avec cette idée, réussissant la plupart du temps à se donner raison et à faire preuve de faiblesse.
Le sujet semblait devenir un peu trop compliqué pour les deux filles et la discussion sur le sport avait semble-t-il permis de relâcher un peu la pression, même si Alex n'avait pu taire ses doutes sur la façon trop prématurée à son goût, dont faisait preuve Leah dans sa reprise du sport. Mais elle n'était personne pour dire à Leah comment elle devait gérer. Elle s'était tout de même proposée pour accompagner l'Australienne et l'aider (surveiller) dans sa remise en forme pour les prochaines échéances qui l'attendaient, à savoir les pompiers. Et Alex avait rappelé ses préoccupations à Leah quand à son nouveau rôle, mais avec un peu d'humour qui ne faisait pas de mal au vue de leur état émotionnelle et leur alcoolisation à toutes les deux. « T’en fais pas, je te laisserais pas nous empoisonner Clarke. » Ce fut au tour d'Alex de sourire à la remarque de Leah. Et ça faisait du bien. Parce que évoquer le passé, les souffrances, les douleurs, c'était toujours aussi compliqué et Alex avait toujours autant de mal à gérer les choses sans se laisser submerger alors elle appréciait ce changement de ton, sans oublier pour autant qu'elles continuaient à trop boire pour anesthésier leur douleur. « Au pire, si ça devait arriver, les pompiers seraient déjà sur place. » L'humour n'était pas encore réellement là, et c'était plutôt un bide qu'elle venait de faire, mais c'était important de maintenir ce niveau de tension au plus bas. Elles méritaient un peu de répit. Et après une discussion insignifiante sur le travail d'Alex mais au combien importante pour participer à calmer leurs émotions, l'Anglaise avait fini par proposer à Leah de manger un peu. Pour la forme mais aussi parce qu'elles avaient toutes les deux bu beaucoup trop d'alcool pour leurs petits organismes et que ce n'était pas raisonnable. Et si Alex pouvait s'en rendre compte, tout le monde le pouvait. . « D’accord. Mais c’est bien parce que t’as rien cuisiné toi-même hein, tu promets ? » Premier vrai rire de la soirée pour Alex. Peut-être que finalement, elle commençait à retrouver un peu de son naturel avec Leah ? Après avoir vécu une discussion plus que complexe, mais peut-être aussi utile, Alex se sentait moins gênée en compagnie de Leah et plus à même d'être une amie, une véritable amie pour elle et l'aider à se changer les idées. « Promis. Tu sais, je n'ai pas le droit de toucher à autre chose que le micro-onde, et encore. Visiblement je suis une catastrophe en cuisine, je comprends vraiment pas. » Levant les épaules en signe d'incompréhension, Alex souriait, essayant de plaisanter un peu. Quiconque aurait vu Alex cuisiner aurait compris pourquoi elle était considérée comme étant une catastrophe même si depuis elle avait prit quelques cours de cuisine, elle restait au mieux 'minable' derrière un fourneau. Après elle souffrait de la comparaison avec son mec et ne pouvant pas rivaliser avec le talent d'un vrai chef, elle avait tout simplement abandonné l'idée d'être un jour, juste potable. « Mais tu verras je maîtrise comme personne la technique du réchauffage de plat au micro-onde. » Continuer à sourire, continuer à vivre, continuer à rire avec Leah. C'était peut-être ce qu'elle aurait du faire depuis le début, lui montrer que la vie continuait et que certaines choses de changeaient pas. Qu'elle était là pour elle tout simplement.
Leah ne pouvait s’empêcher de parler sans filtre à son amie, agissant comme elle aurait aimé qu’on le fasse avec elle ; sans prendre de pincettes ou en marchant sur des œufs. Sa remarque sembla faire réfléchir la britannique qui hésita une seconde avant de répondre quelque chose qui ne fit qu’exacerber le sentiment de la brune sur le fait qu’elle lui cachait quelque chose. « J'ai pas envie de te décevoir et de te blesser. C'est pas le moment pour ça Leah, crois moi. » La jeune femme haussa un sourcil dans sa direction, comprenant qu’il s’agissait de quelque chose de sérieux. Cependant, elle ne voyait pas bien en quoi Alex avait la capacité de la blesser en lui parlant de choses ayant eu lieu dans son passé, lorsqu’elles ne s’étaient plus vues depuis longtemps, car c’était bien de ça qu’il s’agissait pas vrai ? A moins qu’elle ne lui annonce avoir eu une double vie avec Stephen lorsque Leah était déjà avec, il y avait peu de chance qu’elle parvienne à lui annoncer quelque chose ayant la capacité de provoquer une quelconque déception chez elle. La brunette n’était pas du genre à juger, encore moins maintenant que sa propre vie était devenue un géant bordel sur lequel elle n’avait plus prise. « Je vois pas ce que tu pourrais dire qui parviendrait à me blesser Alex, mais maintenant que tu m’as dis ça il va falloir que tu m’en dises plus. » Et ainsi, elle éludait totalement le fait que ce que son amie pouvait lui dire avait réellement le potentiel de lui faire du mal, bien trop curieuse de voir ce qu’elle lui cachait. La britannique avait changé depuis leurs années à servir ensemble en tant que barmaid, Leah avait décelé beaucoup de tristesse et d’amertume chez elle mais n’avait jamais cherché à en connaître la cause. En effet, la brune était plutôt partisante du fait que si les gens voulaient parler de leurs problèmes, ils le faisaient d’eux-mêmes sans qu’on ait à les y pousser. Elle avait donc opté pour cette façon de faire avec la blonde et peut-être qu’aujourd’hui, elle allait finalement lui expliquer ce qui lui était arrivé. Elle donnait l’impression de vouloir lui éviter d’opter pour le même chemin qu’elle, et Leah ignorait ce dont elle parlait, ce qu’elle lui fit savoir en répondant avec vigueur qu’elle aurait bien aimé finir comme elle en cet instant. Car la britannique donnait davantage l’impression de mener sa barque avec brio qu’elle, en apparence du moins. « Je me suis droguée pendant deux ans, deux ans à vivre de tout les excès possibles, j'ai fais toutes les conneries, médicaments, drogues, alcools, sexes, j'ai tout fais pour éviter de souffrir, pour éviter de penser à tout cette douleur constante que j'avais au fond de moi. Pour éviter de penser à cette culpabilité que je ressentais, et c'est dur de remonter la pente quand tu te laisses sombrer aussi bas. Je ne veux pas te voir te détruire c'est tout. » Cette culpabilité ? L’esprit de la brune était déjà un peu embrumé par l’alcool, mais cela ne l’empêchait pas de lire entre les lignes et de chercher à comprendre le discours d’Alex. Elle avait l’air réellement touchée et semblait vouloir de toute ses forces empêcher Leah de sombrer dans les travers qu’elle avait elle-même traversés, et cette attention fit quelque peu tomber les épaules de la brunette qui observa son amie avec des yeux embués de larmes. « Qu’est-ce qu’il t’est arrivé Alex ? » Murmura-t-elle en délaissant son verre, penchant la tête sur le côté sans lâcher la blonde des yeux afin qu’elle ne puisse pas se défiler cette fois-ci. « Je prévois pas de me détruire, disons simplement que pour l’instant ça me fait du bien de me laisser aller sans rien penser, et sans rien ressentir pendant quelques heures… » Son discours faisait précisément écho à ce que son amie tenait à lui éviter, mais elle ne pouvait pas s’en empêcher. Elle était constamment en colère ou triste et ne trouvait tout simplement plus la force d’avancer sans ces aides qu’elle s’octroyait de temps en temps. Bien entendu, elle savait qu’elle ne pourrait pas éternellement continuer sur cette voie, mais qu’importe, elle avait cessé de se projeter dans le futur et de s’inquiéter des conséquences. La seule chose qui lui soufflait de ne pas totalement perdre les pédales, c’était la perspective d’enfin réaliser son projet d’entrer chez les pompiers. Or, il y avait peu de chance qu’ils acceptent une femme totalement accro aux anxiolytiques pour aller en intervention. Ébranlée par cette conversation qui devenait beaucoup trop intime et la forçait à évoquer des évènements passés qui l’avaient amené à la fragilité émotionnelle qui était désormais la sienne, la brune s’emporta quelque peu en faisant référence à Camden et à ce qui lui était arrivée, laissant un rire sans joie s’échapper de ses lèvres tremblantes. « Leah tu sais ce que je vois moi dans tout ça ? Je vois une femme qui a réussi à se relever après avoir failli y passer et qui n'a pas laissé cette première épreuve l'arrêter. » Oui. Mais elle n’y était pas parvenue toute seule, elle était tombée sur Stephen pile à cette époque et c’était lui qui avait fait office de pilier et de soutien dans toute cette histoire. Et là, il l’avait laissée. Elle n’avait plus personne, c’était en tout cas l’impression qu’elle avait – c’était faux, mais la brune portait des œillères depuis quelques semaines maintenant, se focalisant uniquement sur le négatif et ce qui n’allait pas dans sa vie. « Une femme qui malgré tout s'est relevé, et a continué à vivre. Leah c'est injuste ce que tu vis, mais ça montre une chose de toi, c'est que tu es forte, malgré ce que tu as vécu tu as continué à vivre et à faire des projets. Je t'assure que c'est pas donné à tout le monde de reprendre sa vie en main et tu l'as fais pourtant, tu peux réussir à nouveau. Tu es tout sauf une ratée, faut pas que tu penses comme ça. » Leah esquissa un sourire pour la forme, mais il n’avait rien de joyeux. Les propos d’Alex lui faisaient plaisir, mais elle se trompait. Elle n’était pas forte, elle était à deux doigts de s’effondrer et elle-même ne comprenait pas comment elle faisait pour tenir encore sur ses deux jambes, jour après jour. « Tu te trompes Alex, la fille que tu décris c’est pas moi. J’ai plus la force de rien, mon seul projet c’est de pas perdre le travail pour lequel j’avais postulé et de trouver un putain d’endroit où vivre avant que Stephen ne se décide à rentrer à Brisbane. » Sa voix tremblait et d’un geste fébrile, elle s’empara de son verre dont elle vida le contenu de quelques gorgées rapides avant de le reposer devant elle en plissant les lèvres. On pouvait sentir toute la colère et la frustration dans sa voix et elle espérait qu’Alex ne se formalise pas en le prenant pour elle, car ça n’était vraiment pas son intention. Heureusement, la conversation glissa sur un sujet empreint de moins de gravité tandis que le sujet des pompiers et de la reprise d’une activité sportive pour Leah était mis sur le tapis. Elle rassura son amie sur le fait qu’elle ne prendrait pas de risques inconsidérés, et se risqua même à faire une tentative d’humour qui arracha un sourire à la britannique. « Au pire, si ça devait arriver, les pompiers seraient déjà sur place. » Pas faux. Leah opina du chef avant d’accepter la proposition – qui tenait davantage d’un ordre si on voulait son avis – d’Alex qui suggérait qu’il fallait qu’elles mangent afin d’éponger ce qu’elles avaient déjà descendu, et la brune ne pouvait qu’être d’accord sur le principe même si elle ne mourrait pas vraiment de faim. La seule chose qui la poussa réellement la jeune femme à se laisser aller à un oui était la promesse de son amie qu’elle n’avait rien à voir de près ou de loin dans la préparation du plat qu’elles s’apprêtaient à manger. Bien. « Promis. Tu sais, je n'ai pas le droit de toucher à autre chose que le micro-onde, et encore. Visiblement je suis une catastrophe en cuisine, je comprends vraiment pas. » Leah comprenait très bien elle, mais elle s’abstint de faire un commentaire négatif sur le non-talent de la blonde lorsqu’il s’agissait de cuisine - voire même de cuire un œuf d’ailleurs, on en était là, vraiment – parce qu’après tout, elle l’accueillait chez elle et s’efforçait de se montrer de bonne compagnie en dépit de son arrivée purement improvisée. Il aurait donc été malvenu de la descendre davantage sur ses capacités de cuisinière, d’autant qu’elle semblait vraiment ne pas comprendre pourquoi elle était interdite de taques de cuisson. Sur ce point-là, elles étaient vraiment les mêmes. « Personne ne me l’a interdit mais j’ai moi-même conscience d’être une vraie calamité en cuisine, alors je compatis Clarke. A nous deux on serait capable de faire exploser l’immeuble. » Et elle était sérieuse. « Mais tu verras je maîtrise comme personne la technique du réchauffage de plat au micro-onde. » Elles étaient sauvées. Leah laissa un rire s’échapper de ses lèvres tandis qu’elle se levait péniblement du fauteuil sur lequel elle avait élu domicile, portant une main à son visage le temps de récupérer un semblant d’équilibre. « Je te crois sur parole. Qu’est-ce qu’on mange ? Fais moi rêver. » Elle savait que le copain d’Alex était cuisinier, ça lui suffisait amplement pour savoir qu’elle ne risquait ni l’empoisonnement, ni l’indigestion.
La conversation engagée, Alex se retrouvait à livrer quelques brides de son passé sans pour autant assumer de dévoiler la vérité. Elle assumait la façon désastreuse avec laquelle elle avait géré sa vie. Elle assumait avoir fait des choix de vie douteux et honteux. L'alcool, la drogue et même les coups d'un soir avec des inconnus, elle assumait. Mais elle n'avait encore pas trouvé le moyen d'assumer son choix. Elle ne voulait pas non plus assumer ses regrets, assumer qu'au fond d'elle peut-être qu'elle avait fait le mauvais choix, le pire choix et qu'elle le regretterait toute sa vie. Elle n'était pas prête à faire face à ses sentiments et au jugement des autres, et c'était peut-être encore pire devant Leah. Parce qu'elle venait de perdre son fils. Et Alex n'aurait jamais trouvé les mots pour justifier son choix devant une mère en deuil. Elle ne se le justifiait pas en temps normal déjà, alors devant Leah c'était peine perdue. Leah voulait en savoir plus, elle voulait comprendre le mystère qu'Alex laissait entrevoir sans le dévoiler, mais l'Anglaise, refuser de donner suite. Se concentrant plutôt sur les conséquences merdiques qu'elle avait rencontré dans sa vie. La souffrance, la culpabilité, la solitude. Elle ne taisait rien à Leah, sauf le commencement de sa descente aux enfers. L’événement qui l'avait fait sombrer et qu'elle portait encore en elle comme un fardeau l'empêchant de s'épanouir pleinement. Elle disait tout cela à Leah, parce qu'elle tenait à l'Australienne, son amitié comptait aux yeux de l'Anglaise et elle ne voulait pas la voir se détruire. Elle ne le méritait pas, 'elle'. Sauf que de tout ça, Leah n'avait qu'une chose à redemander. « Qu’est-ce qu’il t’est arrivé Alex ? » Les yeux de Leah qui la fixait, Alex aurait aimé pouvoir se fondre dans le fauteuil et disparaître. L'Australienne ne lâchait pas l'affaire et Alex se sentait comme acculée dans le fond de son siège. Et pourtant Leah ne la menaçait pas, elle n'était pas virulente, elle n'était pas agressive, elle était juste la, à la regarder sans détourner son regard. « Je suis partie du jour au lendemain parce que j'étais enceinte et j'étais pas prête à assumer. J'ai accouché, je l'ai laissé à l'adoption et je me suis enfuie à Londres. » Et ce qui pouvait sembler fou, c'était que dit comme ça, Alex se sentait presque mal de s'en vouloir. C'était une histoire banale, peut-être pas pour Leah qui venait de perdre son fils, mais une histoire assez banale, bien que triste pour l'enfant mais pas de quoi se gâcher la vie derrière. Sauf qu'Alex avait rendu les choses peut-être un peu plus facile pour une fois. Elle qui avait tendance à dramatiser tout, tout le temps, venait de rendre son histoire moins délicate. Taisant le déni de grossesse, le choc de la découverte, le corps qui s'était modifié du jour au lendemain, la réalité impossible à accepter, la séparation avec Caleb, la culpabilité d'avoir été incapable de protéger cet enfant pendant presque 5 mois, les circonstances de l'accouchement qu'elle avait volontairement voulu le plus douloureux possible pour elle. Et cette séparation, rapide et pourtant déchirante. Elle n'avait pas partagé tout ça avec Leah parce qu'elle ne pouvait pas demander à son amie de la plaindre alors qu'elle était l'unique responsable de son propre malheur. Alex n'osait plus regarder Leah, elle n'osait plus vraiment faire face à son amie. Essuyant du revers de sa main les quelques traces d'humidité au creux de ses yeux, elle se vengeait sur l'alcool et sur son verre qui ne restait plein que quelques secondes. « Je suis désolée. » D'une petite voix honteuse elle s'excusait. Sans même préciser ce pourquoi elle était désolée, elle se sentait coupable et elle s'excusait auprès de Leah. Autant de l'avoir tenu à l'écart, de ne jamais lui avoir dit depuis son retour, alors qu'elle en avait eu l'occasion, mais aussi d'avoir fait ce qu'elle avait fait. Mais Leah avait tenu à savoir, et désormais elle savait. Leah connaissait à présent les conséquences du choix d'Alex, mais le choix en lui même qui avait conduit la journaliste dans cette spirale dans laquelle elle s'était détruite et perdue avant de revenir à Brisbane. « Ne te laisse pas sombrer. » C'était la seule chose qu'Alex était encore en mesure de conseiller à Leah, parce qu'à présent elle ne semblait plus légitime pour dire quoique ce soit. Elle l'avait mérité de souffrir, elle avait fait un choix et elle en avait payé les conséquences, mais pour les Leah les choses étaient différentes, et Alex ne pouvait plus prétendre savoir comment gérer. Bien qu'elle ne l'avait jamais vraiment suggéré, elle était bien loin d'être un modèle à suivre, et pas une femme à plaindre non plus. Elle n'était qu'une femme paumée, qui avait longtemps cherché comme se pardonner, comment accepter, comment avancer malgré tout et finalement même si les choses étaient différentes, les deux femmes se ressemblaient quand même assez sur les étapes qu'elles avaient à traverser. Et si Alex avait repoussé tout le monde, mettant des milliers de kilomètres entre elle et ses proches, elle ne voulait pas que Leah se comporte comme elle. Elle se sentait coupable pour à peu près tout dans sa vie, mais elle était là avec Leah et elle devait se comporter comme une amie. Pas pour soulager sa conscience mais parce qu'elle le devait à Leah. Parce qu'elle était son amie et que cette fois c'était son rôle. Un rôle qu'elle prenait à cœur même si elle craignait toujours de ne pas être légitime ou de ne pas être à la hauteur. Essayant de montrer à Leah la vision qu'elle avait d'elle, celle d'une femme forte ayant réussi à se relever après avoir subi les coups d'un conjoint violent. Une femme qui a réussi à faire confiance à nouveau, à s'engager à nouveau dans une relation, à créer des projets de vie. Mais Leah ne se voyait plus ainsi. « Tu te trompes Alex, la fille que tu décris c’est pas moi. J’ai plus la force de rien, mon seul projet c’est de pas perdre le travail pour lequel j’avais postulé et de trouver un putain d’endroit où vivre avant que Stephen ne se décide à rentrer à Brisbane. » La fébrilité de Leah ne pouvait pas laisser Alex insensible, surtout que toute cette discussion était réellement trop riche en émotion pour elle et que l'alcool n'aidait plus réellement à garder un certain contrôle, sur la situation, sur les événements et sur ses émotions. « Tu as deux projets Leah, c'est déjà une preuve que tu continues à vivre. Concentre toi sur ça. » Tout ça sonnait faux, tellement faux mais Alex essayait de remonter le moral de Leah, elle essayait vraiment, sans y croire réellement. Parce qu'elle avait envie de chialer avec Leah à l'injustice de ce monde. Elle avait envie d'hurler sa colère face aux événements de la vie. Et parce que souvent elle avait eu envie d'arrêter de se battre devant la douleur qu'elle ne pouvait plus supporter. Alors à quoi bon faire croire à Leah que les choses pouvaient s'apaiser ? Et encore une fois Alex se sentait démunie, incapable de trouver des mots ou des phrases de soutien, même toutes faites. Elle n'y arrivait pas, parce qu'elle n'y croyait pas à tout ce qu'elle aurait du dire pour aider Leah. Elle n'y croyait pas et elle n'aurait tellement pas aimé entendre de belles paroles pleines de fausseté à l'époque. Elle aurait aimé que l'on soit honnête avec elle, même s'il avait fallu qu'on lui dise à quel point elle avait été horrible, à quel point son comportement avait été honteux, à quel point elle était affreuse. Mais dans le cas de Leah, c'était la vie qui avait été affreuse et elle ne pouvait juste pas dire à une femme perdue que le monde était juste ainsi fait, de petits bonheurs et de grands déconvenues. Alors à défaut de savoir comment se comporter, à défaut de trouver les mots pour l'aider à passer cette épreuve, Alex avait finit par décider de laisser la discussion glisser d'elle même vers des sujets plus légers. Le sport, les pompiers, son métier de journaliste, et la nourriture. Des sujets avec lesquels les deux femmes pouvaient souffler un peu. Se donner du répit bien mérité. Parce qu'elles avaient sans doute épuisé une partie de leurs ressources émotionnelles et assez malmenées leur organisme avec l'alcool. Elles avaient besoin de souffler, et de manger un peu parce qu'elles avaient une sacrée descente et l'estomac un peu trop vide pour tenir le coup. Ironisant sur ses capacités culinaires catastrophiques, ce qui était quand même une honte pour celle qui avait pour petit-ami un chef cuisinier, Alex appréciait ce moment de légèreté. Et elle se sentait soulagée de voir que Leah semblait elle aussi se prendre un peu au jeu. « Personne ne me l’a interdit mais j’ai moi-même conscience d’être une vraie calamité en cuisine, alors je compatis Clarke. A nous deux on serait capable de faire exploser l’immeuble. » C'était possible en plus. Bien qu'elle n'avait jamais réellement mit le feu à quoi que ce soit, enfin pas réellement, elle avait déjà eu le loisir de déclencher plusieurs alarme incendie. Véridique ! Mais si elle avait développé quelques talents au contact de Caleb, c'était celui de réchauffer les plats préparés par le chef cuisinier. Pour ça elle était douée et elle allait pouvoir montrer ses talents à Leah puisque l'Australienne semblait accepter l'idée de se nourrir. « Je te crois sur parole. Qu’est-ce qu’on mange ? Fais moi rêver. » Elle voulait du rêve, cherchant dans ses souvenirs de quand Caleb devait apprendre des intitulés de menus plus pompeux les uns que les autres, elle sortait avec son meilleur accent British. « Selle d'agneau, farcie aux trompettes, gnocchi de pomme de terre au persil, noix de macadamia, jus réduit . » Et si elle avait du donner le sens de chacun des mots qu'elle venait d'employer elle en aurait été incapable mais ça sonnait bien non ? « En vrai, c'est de la viande avec des pommes de terre, des champignons et de la sauce. » Si Caleb venait à entendre la façon dont Alex résumait son plat, il aurait sans doute été dépité, mais c'était littéralement ce qu'elle était en train de servir aux deux femmes. De la viande, des patates et des champignons. Sauf que c'était des bons produits, bien cuisinés, et si Alex ne savait pas apprécier la délicatesse des intitulés, elle savait apprécier les plats gastronomiques de son homme, et elle espérait que cela conviendrait aussi à Leah. « Après le repas, c'est karaoké ! » L'idée lui venait comme ça, parce qu'elle se rappelait les soirées au bar à chanter sur les musiques, elle se souvenait que cela les faisait rire à l'époque et elles avaient toutes les deux besoins de rire un peu et d'hurler à tue tête des paroles plus ou moins justes, et pendant qu'elles chantaient au moins elles ne pensaient pas et au fond c'était la meilleure façon pour éviter de souffrir, ne pas penser. Ne pas réfléchir.
Leah sentait que son amie lui cachait quelque chose, ou en tout cas qu’elle se retenait volontairement de lui livrer tous les détails sur ce qui l’avait poussée à « sombrer » comme elle le disait si bien dans cette spirale infernale qui était si attirante aux yeux de la brune ces derniers temps. En temps normal, la jeune femme se serait contentée de respecter le silence de la britannique sans chercher à insister, en se contentant de la soutenir d’un regard muet et peut-être de lui dire qu’elle était là pour elle si elle en avait besoin. Mais rien n’était normal aujourd’hui, et certainement pas la brunette qui se sentait au bord du gouffre et dont les limites semblaient constamment repoussées par l’alcool qu’elle ingérait et qui faisaient tomber ses filtres et son inhibition. Son franc-parler revenait de plein fouet lors de leur conversation, la poussant à regarder Alex droit dans les yeux et à lui demander de but en blanc ce qui lui était arrivé. Car il lui était forcément arrivé quelque chose, sans quoi elle n’aurait pas évoqué une éventuelle déception à laquelle Leah ne comprenait rien tant les probabilités de celle-ci frôlaient le zéro pointé. La journaliste avait toujours été présente pour elle, et même son départ de Brisbane ne s’était pas fait dans les larmes et le sang, simplement dans un silence que la brune avait respecté et ce même si les circonstances autour de sa disparition restaient floues et un rien mystérieuses. Lors de leurs retrouvailles, Alex avait rapidement balayé les questions de la brune et cette dernière s’était contentée d’accepter cette version, tout simplement parce que tout ça ne la regardait en rien. Mais depuis, les choses avaient évolué et elle pouvait voir que son amie n’allait pas bien du tout, et que cet état était directement lié à ce qu’elle s’efforçait de lui cacher. C’était pour cette raison qu’elle l’interrogea sans ciller, décidée à lui tirer les vers du nez – sauf si elle la jetait hors de chez elle à coups de pieds pour son manque de discernement, ça aussi c’était une possibilité. « Je suis partie du jour au lendemain parce que j'étais enceinte et j'étais pas prête à assumer. J'ai accouché, je l'ai laissé à l'adoption et je me suis enfuie à Londres. » Leah encaissa l’information sans broncher, restant muette durant les quelques secondes nécessaires à ce processus d’intégration. Alex avait été enceinte ? La brune avait bien du mal à réaliser, se remémorant brièvement les dernières fois où elles s’étaient vues avant qu’elle ne prenne la tangente vers Londres sans plus d’explication. Elle comprenait un peu mieux où son amie voulait en venir à présent, et beaucoup de réactions et de paroles prenaient leurs sens maintenant qu’elle savait ce qu’il s’était passé. Et si elle n’avait pas voulu lui en parler, c’était tout simplement parce qu’elle avait mis son enfant à l’adoption et n’assumait pas cette décision face à elle qui avait perdu son futur bébé. Bon. Dans les circonstances actuelles, il était vrai que Leah ne pouvait pas concevoir comment on pouvait donner naissance à un enfant pour l’abandonner ensuite. Mais elle n’était pas sans se rappeler son propre cheminement de pensée lorsqu’elle avait appris être enceinte, et il aurait été de mauvais goût de porter le moindre jugement sur la décision qu’Alex avait prise à l’époque. Elle leva les yeux vers la britannique, l’observant s’essuyer les yeux d’un geste rapidement avant de murmurer un « Je suis désolée. » qui brisa une nouvelle fois le cœur déjà bien meurtri de la brune. Elle pouvait lire la honte et la culpabilité sur son visage, et Leah se rendit compte que cette blessure ne s’était sans doute jamais refermée pour son amie, pas en étant dans cet état après autant d’années à peine le sujet était-il évoqué. « Alex… Quand j’ai appris que j’étais enceinte, j’ai longtemps hésité sur ce que je voulais faire. Et avant que je ne me refasse agressée, on avait rendez-vous pour une IVG. Alors t’as pas à t’inquiéter, jamais je ne te jugerai sur ce que tu as fais à l’époque ou même maintenant. Une personne n’est pas l’autre et même si je tuerais pour qu’on me donne la chance de revenir en arrière et de pouvoir changer les choses, ce n’est pas pour ça que je t’en veux d’avoir pris cette décision. » Elle lui adressa un petit sourire, tentant de reprendre contenance face à l’émotion palpable de son amie et la sienne. « Tu veux en parler ? » Maintenant que la boîte de Pandore avait été ouverte, plus rien n’empêchait la britannique de lui livrer les détails de ce qu’il s’était passé à l’époque, car il était évident qu’elle était encore profondément touchée par toute cette histoire. Et Leah la comprenait, elle n’imaginait d’ailleurs même pas comment elle avait fait pour vivre une grossesse complète et parvenir à tourner la page sur son enfant. Regrettait-elle sa décision ? Elle plissa les lèvres en réfléchissant à tout ça, cette révélation ayant tout de même fait l’effet d’une bombe dans son esprit et ce même si elle s’efforçait de ne pas montrer son trouble à Alex. « Ne te laisse pas sombrer. » Elle avait probablement vécu une descente aux enfers similaire à la sienne, pour des raisons différentes et dans des circonstances qui l’étaient encore plus, mais Leah comprenait déjà mieux tous ces conseils obscurs que la blonde lui balançait ici et là depuis que tout ça était arrivé. « Je vais faire de mon mieux. » Promit-elle en vidant le fond de son verre, car si elle devait être tout à fait honnête, ça n’était pas aujourd’hui qu’elle prévoyait de commencer à reprendre la route de la sagesse. La journalise essayait de lui montrer le bon côté des choses et de la persuader qu’elle avait encore des choses auxquelles se raccrocher, s’appuyant sur la soi-disant force mentale dont faisait preuve Leah au jour le jour, mais cette dernière ne voyait plus de quoi elle parlait. Toutes ses forces l’avaient abandonnée et elle se demandait tous les jours comment elle était encore en mesure de mettre un pied devant l’autre après tout ça. « Tu as deux projets Leah, c'est déjà une preuve que tu continues à vivre. Concentre toi sur ça. » Mouais. Rien de très palpitant ; le premier consistait à ne pas foutre en l’air ce qu’elle avait vainement tenté de mettre en place et qui lui avait pratiquement coûté son couple – un joli signe avant-coureur, si elle avait su – et le deuxième résidait à un besoin viscéral de fuir la maison qu’elle avait sélectionnée comme étant celle de leur bonheur à venir. Autant dire qu’en toute objectivité, elle avait déjà connu plus palpitant comme projets de vie. Mais Alex faisait de son mieux pour lui remonter le moral, et la brune décida de ne pas se montrer encore plus négative qu’elle ne l’était déjà. A la place, elle se laisser aller à accepter la proposition de l’anglaise qui lui offrit la possibilité de manger quelque chose afin d’éponger ce qu’elles avaient déjà bu, et en lui assurant au passage qu’elle n’était en rien l’auteure du chef d’œuvre culinaire dont elle vantait déjà les mérites – un détail qui fit pencher la balance en faveur de ce plat que Leah n’aurait probablement pas tenté de goûter si Alex y avait touché de près ou de loin. « Selle d'agneau, farcie aux trompettes, gnocchi de pomme de terre au persil, noix de macadamia, jus réduit . » Ah oui, rien que ça. L’accent d’Alex, un brin surjoué, tira un sourire au coin des lèvres de la brunette qui finit par laisser un petit rire s’en échapper en secouant la tête. « En vrai, c'est de la viande avec des pommes de terre, des champignons et de la sauce. » Voilà qui était déjà plus clair. « Super. Tu remercieras Caleb pour moi. » Lui lança-t-elle en l’observant s’affairer dans la cuisine pour les servir toutes les deux. Leah n’avait jamais goûté la cuisine du jeune homme, mais à entendre son amie, elle en valait réellement le détour – à voir si tout ça n’était pas qu’un charme opéré par la magie de l’amour. « Après le repas, c'est karaoké ! » Quoi ? Leah secoua la tête en riant à nouveau, étonnée de cette proposition spontanée de la part de la journalise. Après la discussion qu’elles venaient d’avoir, il était vrai qu’un peu de laisser aller ne serait pas de trop finalement, mais… « Il va me falloir encore quelques verres avant d’être prête à t'entendre massacrer Céline Dion. » Assura-t-elle en haussant les épaules, provoquant ouvertement son amie tout en se resservant un verre de vin pour la peine. Oh oui, elle allait finir cette journée dans un état lamentable, mais elle s’en inquiéterait le lendemain. Pour l’heure, elle renouait avec son amie et ça, ça lui faisait énormément de bien.
Les mots venaient d'être prononcés, la vérité était révélée et son secret n'en était plus un, du moins plus aux yeux de Leah. Alex venait de dévoiler sa plus grande faiblesse et sa plus grosse honte aussi. Mais elle ne devait pas craquer, pas devant Leah, pas dans les circonstances actuelles. C'était son choix, personne ne l'avait obligé à faire un tel choix, personne ne l'avait poussé à se débarrasser de son enfant. Et personne n'avait ensuite poussé Alex à se détruire peu à peu, dans le seul but d'enterrer sa culpabilité. Elle était la seule coupable dans cette histoire et la seule qui n'avait pas le droit de se plaindre. S'excusant honteusement auprès de Leah, elle avait baissé les yeux, et essuyée rapidement les traces de faiblesses qui naissaient au coin de ses yeux. « Alex… Quand j’ai appris que j’étais enceinte, j’ai longtemps hésité sur ce que je voulais faire. Et avant que je ne me refasse agressée, on avait rendez-vous pour une IVG. Alors t’as pas à t’inquiéter, jamais je ne te jugerai sur ce que tu as fais à l’époque ou même maintenant. Une personne n’est pas l’autre et même si je tuerais pour qu’on me donne la chance de revenir en arrière et de pouvoir changer les choses, ce n’est pas pour ça que je t’en veux d’avoir pris cette décision. » Une nouvelle fois, Alex avait essuyé les larmes qui coulaient malgré elle sur son visage, alors que Leah semblait lui accepter un pardon qu'Alex n'avait même pas osé demander. Et les rôles s'étaient inversés, Leah qui était venue chercher un peu de soutien en venant chez Alex, devenait celle qui écoutait les regrets d'Alex. Et Alex écoutait les mots de Leah, elle était touchée de l'entendre se confier à elle, sans la juger. Sans la regarder avec ce regard face auquel elle s'était retrouvée plusieurs fois quand elle avait du avouer la vérité. Alex s'était confiée, et Leah comme pour lui montrer qu'elle ne la jugeait pas, l'avait fait à son tour. Parlant d'IVG, parlant de son parcours à elle. Et toutes les deux, avec leur verre et déjà un peu trop alcoolisées, elles devaient gérer leur émotion face à toutes ses confidences. « Tu veux en parler ? » Est-ce qu'elle voulait vraiment en parler ? Est-ce qu'elle pouvait vraiment en parler ? « Y'a pas grand chose à dire de plus. » Mensonge. Il y avait tellement à dire. Sur son choix, sur les conséquences, sur sa culpabilité, sur le secret qu'elle a imposé à tout le monde. Mais c'était pas à Leah de gérer tout ça, surtout pas à elle et pas à ce moment précis. C'était à Alex d'être présente pour Leah dans ce moment difficile et pas l'inverse. Alors elle lui demandait de ne pas se laisser sombrer, en quelque sorte de ne pas faire comme elle. De ne pas suivre son exemple, c'était le seul conseil qu'Alex était en mesure de lui donner. « Je vais faire de mon mieux. » Le verre que Leah vidait en prononçant cette phrase, n'était pas réellement rassurant. Mais Alex n'allait pas juger, non, elle vidait son verre à son tour. Puisqu'elle faisait ça mieux que personne. Elle était tellement plus douée dans ce domaine, plus douée pour boire que pour remonter le moral d'une amie qui semblait pourtant en avoir cruellement besoin. Elle essayait pourtant, elle y mettait de la volonté, mais elle n'était pas dupe, malgré l'alcool qui coulait en elle. Elle voyait bien que ses mots n'atteignaient pas Leah, mais elle n'ajoutait rien de plus. Se concentrant sur des sujets plus légers, moins dramatique, moins sujet à émotions pour elles. Le travail de Leah, le sport qu'elles appréciaient toutes les deux, parce que l'Anglaise avait besoin de souffler et qu'elle voyait bien que Leah buvait trop. La vie continuait, et il était peut-être temps de mettre en pratique cette idée. Arrêter de se regarder, arrêter d'enchaîner les verres pour commencer à mettre à profil ce temps ensemble. Leah avait besoin de se changer les idées et désormais Alex aussi. Elle venait de convaincre Leah qu'il fallait qu'elle mange et après s'être moquée de ses propres capacités (ou plutôt incapacités) culinaires, elle s'était activée en cuisine à mettre la préparation au micro-onde tout en installant deux assiettes. « Super. Tu remercieras Caleb pour moi. » L'ambiance était plus légère, avec même quelques sourires et clairement Alex avait besoin de ça, de souffler. Alors sans même réfléchir, elle avait lancé l'idée d'un karaoké, parce qu'il était hors de question de repartir dans des confidences beaucoup trop compliquées à gérer. « Il va me falloir encore quelques verres avant d’être prête à t'entendre massacrer Céline Dion. » Alex riait tout en reprenant le refrain de 'All by myself' en y mettant autant d'énergie que la chanteuse, avec peut-être un peu moins de justesse dans les aiguës. « All by myseeeelffff, don't wanna be, all by myself, anymoooorre. » Et peut-être que ce n'était pas la chanson la plus logique à reprendre, mais Alex souriait en hurlant ce titre avec énormément d'envie. Oh oui elle était en train de massacrer Céline, mais elle le faisait en riant tout en apportant le plat à Leah. Fini les larmes, fini les regrets, pendant quelques heures en compagnie de Leah, l'Anglaise comptait bien retrouver leur ancienne complicité. Avant qu'Alex fuit l'Australie. Avant que Leah ne perde son bébé. Avant tout ça. Juste de l'alcool, des rires, un karaoké improvisé et peut-être quelques voisins mécontents. Mais c'était ce dont elles avaient besoin, une complicité qui avait toujours été sur une base de sourire et de légèreté et pour le reste de la journée c'était ce qu'Alex voulait et elle mettrait tout en œuvre pour profiter du temps avec Leah, et rire.