Man, he never had a chance and no one even knew It was really only you. And now you steal away, take him out today. Nice work you did, You're gonna go far, kid. With a thousand lies And a good disguise, Hit 'em right between the eyes
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Le téléphone dans sa main vibre pendant un court instant et Eliott sait très bien que le message qu'il viens de recevoir n'est qu'une nouvelle tirade de sa femme qui ne l'a pas vu rentrer de la nuit. Une urgence au boulot, qu'il avait prétexte dans un message qu'elle avait sans doute à peine ouvert, et même si elle était loin d'être stupide Eliott savait que son excuse ferait l'affaire pour la journée. Après tout il bossait depuis quelques temps sur la venue des comédiens de la Northlight Compagny qui devaient faire la promotion de leur nouveau spectacle de matin. Pas vraiment un mensonge alors, mais pas une vérité non plus puisqu'il avait passé la nuit dans le fond d'un bar à dilapider une grande partie de son salaire au cours d'une partie de poker qu'il n'avait même pas gagné. Depuis quelques temps le présentateur affichait une mauvaise main, perdant encore et encore peu importe le jeu mais ne voulant pas s'arrêter pour autant. Les yeux fatigués, le teint blafard d'une nuit sans sommeil, Eliott avait rejoint le fauteuil du maquillage d'un pas lent tout en faisant glisser les noms de son répertoire téléphonique pour trouver la prochaine partie de ce soir, le nouveau lieu qui allait accueillir sa carcasse fatiguée et honteuse. "Oui, je sais, j'ai mauvaise mine. Essayez de faire au mieux." Qu'il avait glissé à la jeune femme avant de lui accorder un sourire désolé. Elle avait fait de son mieux pour cacher les cernes présentes sur le visage du présentateur avant que ce-dernier ne rejoigne d'un pas lent le plateau où l'équipe semblait complètement débordée par les événements. "Lynch, on a un soucis". Il détestait entendre ce genre de phrase quelques minutes avant le lancement de la matinale et soupira lourdement devant l'assistant au visage rougit et au souffle court. "Quoi, comme problème ?" Son binôme se tenait à quelques mètres de là, happé par une discussion avec le producteur dont les gestes étaient confus et désorientés comme si la fin du monde était en train de s'abattre sur lui. "Le comédien que tu devais interviewer s'est fait la malle, pris de panique apparemment." Eliott avait froncé les sourcils avait de jeter un coup d'oeil vers la petite troupe de jeunes et moins jeunes se tenant là, tous excités de se trouver sur un plateau de télévision. Il avait fait glisser son gobelet de café chaud jusqu'à ses lèvres en se dirigeant d'un pas décidé vers le petit groupe, puisqu'il devait toujours tout faire tout seul pour s'en sortir. "Bon, il parait que votre ami n'a pas supporté le stress. Quelqu'un pour le remplacer ?" Ouais, ils n'avaient pas franchement l'air emballés à l'idée de passer à la télé, pour des comédiens s'étaient un soucis assez important. D'un doigt Eliott avait jeté son dévolu sur un jeune gringalet à l'allure de jeune premier qui ferait l'affaire, de un parce qu'il avait une jolie gueule qui passerait bien à l'écran, de deux parce qu'il était le seul à regarder le présentateur dans les yeux. "Toi, t'es intéressé ?" Insistant, peut être un peu, Lynch avait claqué des doigts pour qu'un assistant se dépêche de donner un micro au petit jeune qui allait faire le boulot, peu importe si il le voulait ou non Eliott avait besoin de tenir son programme et le jeune ferait parfaitement l'affaire.
C’est bien la première fois que nous, les comédiens de la northlight sommes invité à la matinale de ABC radios. Normalement c’est toujours Charles qui s’occupe de la présentation de nos spectacles, mais cette fois-ci, pour cette nouvelle pièce, il nous a demandé à nous d’en faire la promotion. Toute l’équipe a été invitée pour assister à l’enregistrement live, mais seul un comédien a été convié sur le plateau. Malheureusement, Jack fait parti de ceux qui ont un mal fou de gérer son stress et son trac. Bien qu’il fasse parti de nos meilleurs atouts, il faut toujours le rassurer tout le temps avant qu’il ne monte sur scène sinon il est du genre à se dégonfler. Je ne dis rien car, fut un temps, c’est moi qui était sujet aux crises d’angoisses donc je suis là pour le rassurer en toute heure. Sauf aujourd’hui où la peur a prit le dessus et que Jack a décidé de s’enfuir, tout simplement.
C’est Eliott, le présentateur, qui nous en informe. Et, alors que Charles soupire, rage et s’en va –sans doute pour essayer de joindre Jack- l’homme se tourne vers nous et cherche un volontaire pour remplacer le comédien. Mes collègues baissent leur regard tandis que le mien est irrévocablement attiré par celui d’Eliott. Et lorsque nos regards se croisent, c’est le match. Pas celui de tinder qui pense nous trouver notre âme sœur en seulement quelques clique et avec seulement un nombre infime d’informations, mais bel et bien le genre qui me fait comprendre que, peu importe la suite des évènements, je sais que tout se passera bien. C’est bizarre à expliqué, mais parfois lorsque quelque chose nous semble juste, il faut suivre son instinct.
Alors, lorsqu’Eliott me demande si je veux remplacer Jack, je n’hésite pas un seul instant et hoche la tête « oui » déclarais-je, presque solennellement alors qu’un assistant s’empresse de venir me rejoindre afin de me donner un micro et m’indiquer de descendre sur le plateau. Je m’empresse de le suivre et m’approche d’Eliott, souriant «Clément » me présentais-je en lui tendant la main « désolé pour Jack il … pour un comédien il gère assez mal son stress et panique assez facilement et …bref, je suis là» assurais-je, me sentant plutôt détendu malgré le fait que je ne sois jamais passé devant la caméra. Mais ce n’est pas si différent que de jouer devant un public, non ? «par contre … va falloir m’expliquer un peu ce que je dois faire et comment je dois me comporter et …bref, je pense que Jack a été briefé plusieurs jours avant, non ?» je me passe une main dans les cheveux, n’ayant tout simplement pas envie de faire d’erreur qui risque de porter préjudice à l’émission et donc au présentateur.
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Là où la vie personnelle n'était pas forcément une promenade de santé tant Eliott était d'une lâcheté sans nom vis à vis de sa femme et de ses filles, le présentateur pouvait tout de même compter sur le boulot pour lui donner un minimum envie de continuer à se lever tous les jours. Une partie de perdue, une partie de gagnée, assez de piment dans son quotidien pour lui permettre de trouver un sens à cette vie qu'il avait toujours passé roulé en boule dans un coin. Peureux de tout, jamais satisfait de ce qu'il avait dans les mains Lynch s'était vu abandonné la tranquillité d'un quotidien reposant pour la palpitation de soirées pendant lesquelles il misait tout. Si la maison n'avait pas encore été mise sur le tapis en gage de bonne foi pour prouver qu'il avait de l'argent plein les poches et qu'il pouvait se permettre de jouer encore une dernière partie, c'était uniquement parce qu'elle était aussi au nom de sa femme. C'était le dernier pas avant un divorce qui pointait déjà le bout de son nez et qui l'angoissait au plus au point. Crise d'angoisse, de panique, les mains moites et le souffle court là où il se devait pourtant de jouer le bon rôle, celui du père de famille modèle et de l'employé parfait qui avait toujours une solution aux soucis. Un problème comme ce jeune comédien qui avait pris la fuite à dix minutes du lancement de l'interview. Passant une main moite sur son front maquillé Eliott avait jeté son dévolu un jeune homme à l'allure de premier de la classe qui ferait parfaitement l'affaire, du moins si ce-dernier n'était pas pris d'une crise d’eczéma une fois présenté sous les caméras. Le désignant du doigt et les claquant de son autre main pour faire venir un assistant et un micro Eliott n'avait même pas entendu le « oui » qui s'était échappé des lèvres du jeunot. Ce-dernier avait tendu la main au présentateur qui, malgré un déficit profond en caféine et en sommeil, avait haussé un sourire chaleureux sur ses lèvres pour le mettre à l'aise. « Clément » Ah oui, pas con, il était mieux pour le Lynch de connaître le prénom de l'intéressé plutôt que d'avoir à l'appeler "toi" durant toute l'interview. « Enchanté Clément, je compte sur toi pour faire le boulot. » Pas que l'émission dépende entièrement de son implication mais Eliott avait toujours eu le goût du travail bien fait. « Désolé pour Jack il … pour un comédien il gère assez mal son stress et panique assez facilement et …bref, je suis là. » Au moins il a assez de bagout pour tenir le rythme tressautant d'une interview à la télé, un bon point pour Clément. Le présentateur avait glissé ses lèvres sur le gobelet de café encore fumant avant de faire intervenir le cameraman pour qu'il puisse prendre en compte la différence de taille entre Jack, le fuyard, et Clément, le volontaire. « Ne t'excuse jamais pour les autres Clément. L'important c'est que tu sois sûr de toi, je ne veux pas avoir à te regarder vomir après la première question, ok ? » Eliott avait l'habitude d'être rassurant, et si ses filles avaient toujours appréciées cette voix de papa ours il n'était pourtant pas sûr qu'elle fonctionne avec le pauvre comédien qui était en train de se faire encourager par un papa trop anxieux. « Par contre … va falloir m’expliquer un peu ce que je dois faire et comment je dois me comporter et …bref, je pense que Jack a été briefé plusieurs jours avant, non ? » Eliott avait hoché la tête en se pinçant les lèvres, essayant de rassembler les souvenirs de sa petite entrevue avec Jack quelques jours plus tôt pour préparer la futur interview. « Oui mais j'ai pas le temps de tout reprendre avec toi. Contente toi d'être naturel et de parler comme si tu le faisais avec des amis. » Un assistant avait levé un doigt vers le Lynch pour le prévenir que l'émission était sur le point de commencer, augmentant le stress du présentateur ainsi que celui de Clément qui devait pourtant se faire l'idée de bientôt être sous le feu des projecteurs. « Tu es comédien, joue avec la caméra comme si c'était le public, n'hésite pas à nous montrer que tu sais rebondir sur les sujets et surtout, surtout, ne laisse pas de blanc dans la conversation, ok kiddo ? » Eliott avait agrippé l'épaule du jeune homme avant de le faire grimper sur le plateau et de prendre sa place dans le siège qui était le sien depuis quelques années maintenant. La lumière avait changée et le regard d'Eliott était maintenant accroché à l'assistant au dessus de la première caméra dont les doigts mimaient un compte à rebours. 5, 4, 3, 2, 1. « Bienvenue sur le plateau de la matinale, avec nous aujourd'hui un jeune comédien de la Northlight Company qui présente son nouveau spectacle. Clément, bonjour, pouvez-vous nous en dire plus sur ce nouveau show ? » Il était à l'aise, rapide, efficace, et même si la courte nuit s'affichait encore sur son visage malgré le passage dans la chaise de maquillage, Eliott ne se serait pas imaginé faire autre chose de sa vie.
Je ne sais pas si c'est la bonne chose à faire. Peut-être le regretterais-je plus tard ? Mais sur le coup ça m'a semblé être la solution idéale. N'ais-je pas envie de percer dans le milieu artistique et donc être connu ? Si, évidemment. Et je pense que passer devant les caméras afin de présenter la pièce dans laquelle j'ai le rôle principal est un super exercice et une vraie opportunité. C'est donc avec assurance que je sers la main d'Eliott ne pouvant m'empêcher de m'excuser pour Jack qui a fuit. C'est sur un ton rassurant que le présentateur m'indique de ne jamais m'excuser pour les autres et que l'important de toute manière est que je sois sûr de moi et que je n'aille pas vomir après la première question. «Ah mince c'était exactement ce que je voulais faire, zut! » lançais-je en laissant échapper un rire amusé avant de secouer la tête «Ne t'inquiète pas, je saurais me retenir » assurais-je en me redressant, avant de me rendre à l'évidence que je n'ai absolument aucune idée quoi faire. Et Eliott, n'ayant tout simplement pas le temps pour me briefer d'avantage, me dit simplement d'avoir l'air naturel, de jouer avec la caméra comme je jouerais avec le public et de ne surtout pas laisser de blanc.
« o..ok. Ok. Bien reçu» hochais-je la tête avant de suivre le jeune homme vers les canapés. Je m'installe, hésite, change de pose pendant les quelques secondes avant que nous ne soyons à l'antenne. Et là, comme si j'étais sur scène, tout mon stress semble s’évaporer et c'est un large sourire tout à fait naturel que j'adresse à Eliott lorsque celui me présente comme étant 'comédien pour la northlight theater company'
« Bonjour Eliott» déclarais-je, me redressant légèrement «Tout d'abord merci beaucoup de m'accueillir ici sur le plateau pour présenter ce que je considère comme une 'œuvre d'une vie' » je rigole doucement « Je n'ai que 25 ans mais ...voilà, c'est mon premier grand rôle et c'est un rêve qui devient réalité» je me passe une main dans les cheveux «Le spectacle que nous présentant s'appelle 'the newsies' et met en scène la grève de 1899 des newsboys de New-york. Les jeunes porteurs de journaux qui se révoltent contre l'oppression des plus 'grands'» expliquais-je, parlant autant avec des mots qu'avec mes mains pour appuyer mes propos « Moi je joue Jack Kelly, un jeune homme qui fait ce métier depuis plusieurs années maintenant et qui commence à en avoir ras le bol. Il a envie de changement, souhaite quitter New-york pour aller refaire sa vie à Santa Fe, mais ...» j'hausse les épaules « Je ne vais pas en révéler plus sinon je risque de spoiler le pitch et c'est pas ce qu'on veut» je souris doucement «Tout ce que je peu dire de plus c'est que rien ne se passe comme Jack le voudrait bien » j'écarte les mains et affiche une moue innocente
« La première du spectacle se déroule au Southern Cross Theater sur Grey street le 1er octobre à 20h. Tu veux venir ?» je pose mon regard sur Eliott « Je peux t'avoir des places sans problème » assurais-je. C'est la moindre des choses, non ?
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Eliott n’avait pas le temps de peser le pour et le contre de cette situation dans laquelle il était plongé contre sa volonté. La migraine pointait déjà le bout de son nez, obligeant le présentateur à fourrer la main dans la poche intérieure de sa veste pour y tirer sa paire de lunette de vue qu’il détestait mettre tant elle lui rappelait que la quarantaine n’allait pas tarder à le surprendre. Pour aujourd’hui il laisserait de côté les petites erreurs techniques afin de se concentrer uniquement sur le bon déroulé de l’émission, et même si sa longue nuit sans sommeil allait forcément jouer sur son humeur Eliott n’avait pas le droit de s’octroyer une minute pour reprendre son souffle. Le boulot était constant, contrairement à son couple qui entrait de plus en plus dans une spirale destructrice sur laquelle il n’avait aucun contrôle, et si le Lynch était terrifié à l’idée de perdre sa femme pour de bon il l’était également à la pensée de se faire licencier pour un prétexte quelconque. Par le droit à l’erreur, pas le droit au repos. Alors que le jeune comédien s’enfuyait à vive allure sous l’effet du stress qui le ferait vomir dans une ruelle, Eliott avait jeté son dévolu sur un autre gringalet qui ferait parfaitement l’affaire tant ce-dernier avait assez de charme pour tenir le regard de la caméra. On s’en foutait bien de savoir si le dénommé Clément allait assurer ou non l’interview, tout ce qui était important c’était d’avoir quelqu’un à interroger. Le petit avait du répondant, un ‘je-ne-sais-quoi’ qui donnait à Eliott des impressions de déjà vu, le poussant alors à répondre par un sourire à la petite blague lancée par le comédien là où il aurait simplement tiré la gueule avec quelqu’un d’autre. « On va essayer de te faire monter une bassine alors, tu profiteras des coupures pubs. » D’une tape amicale sur l’épaule Eliott avait fait son possible pour rassurer le jeune homme dont les genoux devaient trembler, et même ce-dernier devait avoir l’habitude de se retrouver face à un public il y avait tout de même une différence entre jouer un texte sur scène et répondre à des questions face à une caméra immobile. « Tu vas bien t’en sortir, et si à un moment tu sens que tu n’as pas la réponse évite de bégayer et lance moi juste un regard, je ferai en sorte de relancer. » On n’en était plus qu’à quelques secondes maintenant du lancement du direct, le présentateur avait rejoint sa chaise pour qu’on lui applique les dernières touches de maquillage nécessaire pour cacher les cernes. Le voyant de la caméra s’allume et le Lynch est maintenant plongé dans son boulot, un rôle dans lequel il excelle à défaut d’être un bon père et un bon mari. Il n’y a qu’ici que le brun se sent en sécurité, bien protégé derrière son bureau, intouchable. Plus de raison d’avoir, plus aucune pression sur les épaules, plus cette envie oppressante de claquer un fric durement gagné simplement pour ressentir quelque chose. Tout s’envole alors qu’Eliott présente rapidement Clément et la compagnie de théâtre avant de laisser la parole au jeunot, un exercice à la portée de n’importe qui mais qui prend tout son sens dans la bouche du jeune. Il est passionné, se tarie pas d’éloges concernant sa troupe ainsi que sur le spectacle dont la première est prévue pour bientôt. Complètement à l’aise sur le plateau Clément réussi même à soutirer un sourire au présentateur alors que ce dernier se pare d’un habit plus professionnel pour ne pas que les doutes envahissent son équipe. Il fait bien semblant, Eliott. Semblant d’aller bien, semblant de savoir ce qu’il fait. Un petit jeu bien plus prenant que toutes les parties de cartes du monde, que tous les tournois de poker dans les salles sombres d’un bar miteux. Accueillant avec un sourire faux la remarque de Clément sur les places qu’il pourrait lui obtenir de par son statut de comédien Eliott accorde un regard scripté à la caméra avant de reporter son attention sur le jeunot. « Mais avec plaisir, je suis impatient de découvrir tout ça. Tout comme notre public. » Le tutoiement de ne lui arrache même pas un haussement d’épaule, et si Eliot sait parfaitement tenir son rôle d’employé modèle, il faut reconnaître que Clément arrive à attirer l’attention de la caméra, ce qui augmentera alors ses chances d’être de nouveau invité dans l’émission une fois le show démarré. « Maintenant dites m’en plus sur les préparations à cette première ? Comment se sont déroulées les répétitions ? Un peu de stress sans doute. » Un assistant lui indique que la prochaine coupure pub apparaîtra après la réponse, laissant planer un sourire satisfait sur les lèvres d’Eliott qui s’imagine déjà reprendre un café pour éviter la somnolence. Toute la petite troupe de comédiens s’est rassemblée à quelques pas du plateau pour soutenir leur camarade par le regard et quelques pouces tendus ici et là. Cette vision soudaine d’un groupe soudé plonge le Lynch dans la contemplation de ses propres échecs. Incapable de soutenir sa femme, trop peu présent pour ses filles qui le questionne constamment sur ses absences. Les lèvres pincées Eliott se reconcentre pour ne pas que son visage ne trahisse cette soudaine crise de panique.
Je laisse échapper un rire amusé lorsque Eliott surenchérit à ma déclaration, disant qu'il fera monter une bassine afin que je puisse vomir dedans et non pas sur le plateau « Trop aimable » souriais-je une dernière fois avant que je ne monte derrière le présentateur et ne m'installe sur l'un des canapés en face du jeune homme. Avant que la caméra ne s'allume et que nous ne sommes en direct à la télé, Eliott me donne encore quelques conseils de dernières minutes, m'intimant de ne pas bégayer et de plutôt lui lancer un regard significatif. J'y arriverais sans problème. Je n'ai jamais bégayer même lorsque je ne connaissais pas une réponse et j'ai toujours eu ce don de pouvoir paraphraser et parler pour ne rien dire, faisant ainsi comprendre à la personne que la réponse ne me vient pas.
Une fois installer, il ne se passe que quelques secondes jusqu'à ce que l'assistant ne nous indique que nous somme à l'antenne. Professionnel, Eliott me pose la première question et j'y réponds avec un certain naturel, ajoutant d'avantage de détail encore et parlant de chose qu'il n'avait peut-être pas envie d'entendre. Si bien que je fini même par lui proposer des billets pour la première. J'allais lui dire que je peux aussi avoir des places pour sa femme et ses éventuels enfants, mais en vrai je n'ai absolument aucune idée de s'il est marié ou non ou même s'il est père, alors, au lieu de dire de conneries et mettre les deux pieds dans le plat, je décide de me taire.
Comme il l'a dit lui-même, Eliott ne laisse pas de blanc s'installer et enchaîne directement avec une nouvelle question : comme se sont passé les répétitions ? « Un peu stressante, oui» avouais-je « Ce n'est pas rien et un projet assez ambitieux. Charles, notre metteur en scène, y a mit des moyens, autant techniques que financier et on est tous persuadé que ce sera parfait» j'hausse les épaules et me penche en avant pour attraper le verre d'eau qui est posé sur la table «Mais aucun spectacle et aucun comédien ni metteur en scène n'est à l’abri des critiques. Il suffit que ça ne plaise pas à un critique de théâtre et le spectacle sera démonté. » j'hausse les épaules, prends une gorgé de mon eau puis souris « Mais y a pas de raison à ce qu'on en arrive là !» du coin de l'oeil je vois la petite troupe de comédien qui s'est attroupé au bord du plateau « Sinon oui, ça demande beaucoup de travail. Non seulement pour apprendre les différentes chorégraphies mais surtout pour synchroniser le tout entre nous, mettre en places les danses qui correspondent aux chants et tout. Charles laisse une certaine liberté à ses comédiens, donc il y a toujours moyens et le temps d'improviser quelques truc, mais ça reste assez limité. » offrant un sourire à Eliott, je lui fais ainsi, silencieusement, comprendre que j'ai fini ma réponse.
Et lorsque l'assistant indique que nous ne sommes plus en ligne le temps de la pub, mon sourire disparaît légèrement en voyant le présentateur et ses lèvres pincés. Tout dans sa posture montre qu'il ne semble plus autant à l'aise qu'avant. Quelque chose à changé dans son regard et, fronçant légèrement les sourcils, je l'observe «ça va Eliott ? » demandais-je finalement, presque inquiet.
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Clément est bien plus à l’aise que lui dans cette exercice, s’acclimatant parfaitement bien avec le plateau et les équipes autours de lui le jeune comédien arrive à se mettre assez en valeur pour tenir la conversation, intéressant le public de la matinale, faisant ainsi grimper l’audience. Si Eliott ne veut pas se jeter de fleurs trop vite en faisant comprendre à tout le monde qu’il a eu le bon réflexe en désignant le jeune homme pour remplacer son camarade au pieds levé, il sent tout de même que l’on viendra le féliciter pour ce choix. Il n’y a que le boulot qui va, de toute façon, alors le présentateur se contente des petites victoires obtenues au quotidien. Un pas après l’autre Lynch essai de s’en sortir. Lentement, comme un enfant qui apprend à marcher. Il y a d’abord la famille, sa femme et ses deux filles qui se posent de plus en plus de questions et qui n’hésiteront pas à le placer en face de la vérité. C’était plus simple, tout était plus simple avant ce faux pas, cette dégringolade soudaine qui l’avait forcé à mettre la main à la poche en tirant dans ses économies. Jamais Eliott n’a voulu faire de mal à sa famille. Sa femme qui se bat pour garder le couple en vie tout en s’efforçant de mener à bien sa carrière. Ses deux filles qui s’inquiètent de plus en plus de ne pas le voir revenir le soir et de n’avoir rien d’autre qu’un sourire fatigué en guise d’excuses. Eliott, qui fout tout en l’air pour un peu de frisson, une sensation volage d’avoir enfin un rôle à jouer quelque part et de ne pas être qu’un pion sur un échiquier géant. Le jeune comédien tire la couverture à lui et c’est tant mieux, ça laisse au présentateur le temps de faire le point sur un quotidien devenu néfaste. Le manque de sommeil joue aussi, la caféine sûrement, et alors que Clément s’épanche sur son rôle et sur la première du spectacle qui va bientôt démarrer, Eliott se demande s’il réussira à faire semblant d’aller bien devant sa famille. La dernière phrase meurt entre les lèvres du comédien alors qu’Eliott relève la tête pour faire son boulot, applaudissant les commentaires du jeune homme qui s’en tire à merveille. Il ne doit pas être de ceux qui ont le trac, plus à l’aise devant un public que le présentateur qui se cache constamment dès qu’on le reconnait dans la rue. C’est ironique, cette façon qu’il a de fuir le monde alors que des centaines de personnes prennent leur café en le regardant chaque matin. Il fait son boulot, Lynch, remerciant Clément quand ce dernier lui propose des places pour une première à laquelle il n’assistera pas. Trop de gens, une dizaine de façons différentes d’avoir un accident : une ruée du public et le voilà écrasé sous les bottes d’un spectateur ; un feu qui se déclenche et qui embrase le théâtre et c’est une longue agonie jusqu’à la mort. Il préfère se savoir en sécurité dans un son lit, et ça contredit avec son addiction pour les arrières salles de bar miteux dans lesquels il trouve un peu de vie. Pour ne pas se faire surprendre par un silence gênant Eliott enchérie sur les répétitions du spectacle qui, selon les dires du comédien, se sont assez bien déroulées pour les mettre en confiance, lui comme le reste de l’équipe qui se partage la scène. Il l’aime bien, ce garçon, sûr de lui et plein de bonne volonté qui n’hésite pas à se tourner vers la caméra pour jouer de son charme. C'est devenu trop rare de voir des jeunes plein d’ambition, et ça rappelle au Lynch l’époque où il aurait donné sa vie pour un article dans le journal. « Vous avez une sacrée équipe qui vous accompagne, ça doit faciliter les choses … En espérant que vous vous entendiez bien ! » Parce qu’il y aurait toujours des rivalités, peu importe l’emploi occupé. Des jaloux, des fouines qui se permettent un petit commentaire pour rabaisser les autres en prétextant être simplement francs. Non, tu n’es pas franche Carole, quand tu dis que du petit assistant qu’il a l’air aussi dégourdi qu’une poule avec un couteau, t’es juste une connasse. Eliott ferme les yeux un instant pour tenter de faire disparaître la crise d’angoisse qui lui colle des sueurs froides le long de la colonne, essayant de concentrer toute son attention sur Clément qui est en train de lui voler la vedette. « Nous reviendrons vers vous dans une minute pour en apprendre plus sur ce spectacle. » Sourire aux lèvres le présentateur accueillie la publicité comme la dernière goutte d’eau durant une traversée du désert, et même si le plateau se mets en ébullition autours de lui Eliott préfère rester assis derrière son pupitre, les jambes cotonneuses. Clément est plein de bonne intentions, et quand il se penche pour lui demander si tout vas bien, Lynch essuie un sourire crispé. « Oui, la nuit a été courte c’est tout. » Rien de plus que la vérité. Une maquilleuse s’empresse de venir retoucher son front luisant de sueur qui ne fait pas bon effet devant la caméra, et l’assistant de l’assistant - qui n’est rien de plus qu’un stagiaire encore tout jeune – dépose un café fumant sur le pupitre. « Tu veux un café ? » En un claquement de doigt Eliott fait sursauter le jeune garçon qui s’empresse de disparaître afin d’accomplir au mieux sa nouvelle mission ô combien importante. « Tu t’en sort très bien, kiddo. C’est même plutôt impressionnant mais ça ne m’étonne pas, la scène et le public tu dois avoir l’habitude. » Ce qui est impressionnant c’est la façon dont les mains d’Eliott, tremblantes, arrive à s’emparer de la tasse sans la faire tomber. « T’as quel âge Clément ? » Pour faire la conversation, mais aussi pour se mettre en tête que les gamins d’aujourd’hui sont bien plus à l’aise que les vieux d’hier.
Même si je n'ai jamais été devant les caméras, je me sens rapidement très bien et très à l'aise, parlant avec aisance et répondant avec facilité aux questions d'Eliott. Je m'autorise même d'ajouter quelques truc en plus, déviant sur des sujets qui ne figurent peut-être pas dans le registre de questions du présentateur. Toutefois, celui-ci ne semble pas s'en formaliser et n'a pas de mal à s'en sortir. «Ouais, pour être une sacré équipe nous le sommes réellement » dis-je avec un sourire, fier et amusé.
Je répond ensuite à une dernière question avant que la pub ne soit lancé et que nous ne sommes plus à l'antenne. C'est à ce moment là que je décide de demander à Eliott si tout va bien pour lui, ayant bien remarqué un changement dans son attitude. Sa réponse concernant une courte nuit ne me semble pas tout à fait correct mais je vais m'en contenter. Nous venons tout juste de nous rencontrer, il ne va pas non plus me dire la vérité sur son état d'esprit. Alors, lorsqu'il me propose un café j'accepte avec plaisir et sourit au stagiaire avant de reporter mon attention sur Eliott qui m'informe que je me débrouille très bien mais que ça ne l'étonne pas car je dois avoir l'habitude avec la scène et le public « Je connais ouais, mais ...C'est pas la même chose. J'ai jamais été filmé et je suis encore moins passé en live à la télé» j'hausse les épaules « Enfin si on oublie le petit rôle d'extra que j'ai eu dans une série dernièrement. Mais bon, c'est toujours pas la même chose» je laisse échapper un rire et gratifie le jeune stagiaire d'un sourire avant d'attraper la tasse «j'ai 25 ans monsieur » dis-je en prenant une gorgé du liquide fumant «je les ai eu ce mois-ci » pourquoi cette précision ? Ce n'est pas une information primordiale et encore moins importante.
« ça fait longtemps ?» demandais-je, bien décidé d'en apprendre un peu plus sur mon interlocuteur « Que tu es présentateur pour la télé ici ?» m'empressais-je de préciser afin qu'Eliott ne se fasse pas de film sur une éventuelle curiosité par placée.
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Le gamin est bien plus à l'aise devant les caméras qu'Eliott dont c'est pourtant le boulot, mais pour présentateur tout ça est devenu une routine dont il s'accoutume maintenant chaque jours sans même penser à réfléchir. Un café, deux trois rayures au stylo sur les notes qu'il a préparé en avance, un sourire à la caméra et c'est tout une routine qui s'enclenche. Clément avait le champ libre pour parler du spectacle, de la compagnie, tout le temps dont il avait besoin pour donner envie au public d'assister aux représentations. Se mordant la lèvre inférieure pour ne pas laisser place à la panique Eliott avait enchaîné les sujets de conversation pour ne pas se faire surprendre par la pression, ni par cette sensation de ne plus être en contrôle, lui qui détestait ça. Le comédien, à l'aise dans l’exercice, ne se formalise pas de la publicité qu'un assistant envoie alors que le Lynch se noie dans sa tasse de café pour cacher son inquiétude naissante, et se permet même de se montrer familier avec le présentateur qui prend quelques secondes de son temps pour se pencher vers le jeune homme, lui proposant un café pour faire taire la voix dans sa tête qui le pousse à fuir et à rentrer chez lui. L'assistant se dépêche de répondre au claquement de doigt d'Eliott pour se faire bien voir, mais aussi pour assurer sa place au sein de l'équipe qui n'a de cesse de tourner ces derniers temps. Clément se débrouille bien, et pour détourner la conversation de sa potentielle crise de panique le présentateur se penche vers lui pour lui confirmer que tout se passe bien, qu'il à très bien compris le fonctionnement d'un plateau télé. Il est comédien, après tout, c'est un peu son boulot d'attirer les regards et de tout faire pour donner envie au public. Se cacher derrière un rôle, c'est aussi ce que fais Eliott tous les jours, plus ou moins bien, en mentant à la femme de sa vie. « Pour quelqu'un qui n'as pas l'habitude d'être filmé je trouve que tu captes bien la caméra. T'as déjà pensé à faire du cinéma ? » Pas qu'il soit forcément en relation avec des gens du septième art mais Eliott savait reconnaître le talent du jeune homme, et si lui n'avait jamais été tenté par les feux de la rampe il n'en restait pas moins quelqu'un de facilement reconnaissable dans la rue. On lui demandait rarement des photos mais le présentateur avait été de nombreuses fois pointé du doigt dans la rue, souvent suivi d'un murmure auquel il répondait généralement par un sourire poli. « Tu étais dans quelle série ? » Sirotant son café lentement le Lynch avait accueilli la maquilleuse dans un sourire gêné qui repassait un coup de fond de teint sur son visage, avant de reporter son attention sur le prompteur indiquant dix minutes avant la reprise de l'émission. Vingt-cinq ans, encore la vie devant lui pour réaliser ses rêves et se permettre de concrétiser des projets. Clément avait tout pour vivre le plus grand des bonheurs, et Eliott ne pouvait que se sentir un peu heureux de voir qu'il existait encore des jeunes bourrés de talent prêt à tout. « T'es originaire du coin ? » Eliott avait ce besoin de faire la causette pour s'éviter une crise de panique qui venait déjà lui chatouiller l'estomac, et le pauvre jeune homme se trouvait être la personne la plus proche pour subir cette interrogatoire gênant que le présentateur ferait passer pour une simple discussion. Sans vraiment s'y attendre il était devenu l’interrogé, avalant d'une traite la fin de son café alors que Clément le questionnait sur ce boulot qui n'avait rien d'ordinaire. « Une dizaine d'années maintenant ... » Et c'était bien la seule chose qu'il était capable de faire, complètement perdu à l'idée d'avoir à retourner sur le terrain après tant d'années passées derrière un bureau à faire semblant d'être l'intouchable, l'imperturbable. « J'ai commencé entant que journaliste dans des petits papiers locaux et j'ai grimpé les échelons doucement. » Pas de pistons, pas de papa au portefeuille bien rempli qui avait tiré les ficelles pour placer son fils dans le siège de présentateur, que des années de boulot qui l'avaient conduit jusqu'ici. « On va pas tarder à reprendre, tu crois que tu pourrai m'en dire un peu plus sur ce qui t'as poussé à devenir comédien ? Histoire de combler un peu avant la fin de la séquence. » Les notes entre les mains Eliott avait déposé son regard sur le jeune homme en haussant les sourcils. Il n'y avait pas beaucoup d'intérêt à imposer à Clément une longue interview alors qu'il ne faisait que remplacer un collègue dont le stress avait été plus que marquant, mais rien ne l'empêchait d'évoquer un peu son parcours afin de remplir les cases jusqu'à la prochaine séquence.
Si j'ai pensé un jour à faire du cinéma ? «oui» direct, rapide, sans hésitation « J'y ai pensé, mais j'ai décidé de me concentrer d'abord sur ma carrière dans le théâtre et plus particulièrement la comédie musicale» avouais-je en prenant une gorgé de mon café après avoir longuement soufflé dessus «Mon but, en fait, c'est de me produire à Broadway avant mes trente ans. J'ai encore cinq ans pour atteindre ce but et je pense que ce n'est pas irréalisable » avouais-je en pinçant les lèvres en un sourire. Parler de ce projet à des gens que je ne connais pas me donne toujours l'impression d'être quelqu'un de hautain, qui se la 'pète' comme on dit. Mais en vrai ce n'est que de l'ambition et chacun à le droit d'avoir des rêves, non ?
Reposant mon gobelet à moitié vide sur la table, je croise à nouveau le regard d'Eliott et remarque réellement ses traits tirés ainsi que ses cernes apparente sous le maquillage qui commence doucement à s’effriter à cause de la chaleur. Il a beau donné l'impression que tout va bien, j'ai de plus en plus l'impression que son énergie est fake, qu'il ne joue qu'un rôle devant la caméra et qu'il n'attend que de pouvoir rentrer pour pratiquer le décès. Il n'a pas l'air totalement authentique et savoir que je ne pourrais rien faire pour lui me désole quelque peu.
Je fini par ressortir de mes pensées lorsqu'il me demande le nom de la série dans laquelle j'ai joué un extra « Moondoor ou un truc de ce genre. Enfin quelque chose avec Moon. C'est pas une grande production, ce n'est qu'une mini série de 5 ou 6 épisodes et elle ne passera qu'à la télé » j'hausse les épaules « Je t'avoue que je n'ai pas vraiment eu d'informations sur le pich, sans doute parce qu'ils ont eu peur qu'on ne spoil quoique ce soit» je pince les lèvres «Et heureusement que je ne sais rien, parce que je suis le premier à gaffer dans ce sens » rigolais-je avant de reprendre mon gobelet en main.
« Originaire, oui» répondais-je à sa question lorsqu'il souhaite savoir si je suis du coin ou non «Enfin je suis né ici, mais j'ai été adopté à ma naissance par mes parents qui sont néo zélandais et j'ai grandit et vécu le plus clair de ma vie à Riwaka, un petit village à coté d'un des nombreux parc nationaux du pays » expliquais-je avec un certain entrain « Bon après y a eu plusieurs histoires familiales qui font qu'au final je me suis retrouvé à emménager ici avec ma mère et ...Voilà. Ça fait quoi... 5 ans que j'habite en Australie maintenant» concluais-je mes explications.
Je décide ensuite de me montrer un peu plus curieux concernant Eliott et la carrière de ce dernier et apprend ainsi qu'il a commencé en tant que simple journaliste et qu'il a, comme qui dirait, grimper les échelons. «Et ça va, ça te plaît ? » je suppose que oui, étant donné que c'est quelque chose qu'il faut aimé pour réussir à percer dans ce milieu.
Finissant mon café, je lance un coup d'oeil vers mes collègues et capte les pouces en l'air de Jess et Tim avant que mon regard ne se pose sur Jack qui, bien qu'ayant le teint livide, m'observe d'un œil mauvais, sans doute ne supportant-t-il pas de me voir à sa place. Déglutissant, je me détourne du public et reporte mon attention sur Eliott qui me demande si je pourrais parler un peu plus de moi et de mon choix de carrière avant la fin de la séquence «Oui, bien sûr » assurais-je en me redressant, gratifiant le stagiaire d'un sourire et d'un hochement de tête lorsque celui-ci revient pour récupérer nos gobelets de café. « je suis près » indiquais-je au présentateur en lissant un plie de ma chemise avant de me réinstaller correctement sur le canapé.
Man, he never had a chance and no one even knew It was really only you. And now you steal away, take him out today. Nice work you did, You're gonna go far, kid. With a thousand lies And a good disguise, Hit 'em right between the eyes
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Clément avait beau être un jeune homme au talent visible autant pour ses collègues que pour le Lynch qui n’y connaissait rien du tout à ce corps de métier, il n’en restait pas moins que le jeune homme avait de l’assurance à revendre et une attitude qui aurait très pu énervé tant il essayait de se mettre en avant. Pas que le présentateur ne lui en tienne rigueur, le gamin avait assez de fougue pour plaire à un Eliott qui appréciait les gens plein de confiance qui avaient à cœur de tirer leur épingle du jeu. Profitant de la pause publicité pour refaire son plein en café et en maquillage que l’on déposait sur son visage tous les matins, Eliott avait entretenu la conversation avec Clément afin de ne pas céder à une panique qui lui compressait maintenant la poitrine. Comment pouvait-on avoir autant d’audace à un si jeune âge alors que le Lynch arrivait à la quarantaine et qu’il refusait encore de se rendre au zoo par peur que le gorille s’échappe de sa cage ? Un peu jaloux de cette attitude qu’il avait longtemps cherché chez lui Eliott avait dévié le sujet vers les rêves de grandeur du comédien qui se voyait déjà à la tête des plus affiches de Broadway. « C’est bien, il faut que tu t’accroches. Je ne doute pas que tu aies les capacités pour décrocher ton premier rôle très vite. » Le stylo tapotant contre le bois du bureau Eliott lui avait adressé un sourire alors que l’assistant lui versait son quatrième et dernier café de la journée, sans quoi il n’arriverait pas à dormir les trois heures nécessaires en rentrant du boulot. « Broadway tu dis … Je ne sais même pas si je pourrai citer plus d’une comédie musicale … Cats, ça compte ? » Dans un haussement de sourcil et un sourire joueur Eliott avait taire la petite voix paniquée dans son esprit qui n’hésiterait pas à lui sauter dessus au moment opportun. Il arrivait sans mal à faire la part des choses entre sa vie professionnelle et sa vie privée, avait même été contraint de faire attention à ne pas trop jouer les cons au boulot sous peine de se voir vite remplacé par la patronne. Si le gamin mettait toutes les chances de son côté pour réaliser ses rêves Eliott avait tout de même du mal à croire que la mini-série dans laquelle il s’était embarqué aurait un succès fou si il en avait déjà oublié le nom. Clément était touchant, presque familier au présentateur qui aurait bien voulu avoir un fils même si Anna et Sam faisaient sa fierté, alors il avait du mal à ne pas se ranger aux côtés du comédien chez qui on pouvait ressentir une passion hors du commun. « Promis, on coupera les caméras et le micro si tu commences à trop en dire. » Sourire taquin sur les lèvres Eliott s’était vu remettre la deuxième partie de l’interview dans les mains sous forme de post-it avec lesquels il avait toujours préféré travailler. En détournant la conversation sur Clément plutôt que sur lui le brun espère que le comédien n’y verra que du feu sur ses mains qui commencent à devenir moites. En plus le gamin n’a pas de mal à parler de lui, à s’ouvrir à la conversation en lui donnant un ton léger employé par le tutoiement qui n’a jamais vraiment dérangé le présentateur tant il s’obstine à ce donner une image de quelqu’un d’accessible. N’ayant jamais voyagé plus loin que le fond de son jardin mis à part le déménagement qui l’a coupé de sa Croatie natale, Eliott tire le maximum de cette conversation en s’imaginant les contrées Néo-Zélandaise qui auraient fait rêver n’importe quelle personne saine d’esprit. « Je suis sûr que c’est magnifique. » Histoire de faire la conversation sans pour autant avouer qu’il n’y mettrait jamais les pieds à cause d’une phobie certaine de l’avion, et du bateau. « Le pays répond à toutes tes attentes jusque-là ? » Lui qui avait aussi vécu un déménagement après de nombreuses années à se plaire dans son pays de naissance, et le fait d’avoir recommencé une nouvelle vie n’avait pas forcément été bénéfique, ni pour lui ni pour Spencer qui avait affronté la pire période de sa vie. La curiosité piquée du jeune homme lui permet de poser les questions à son tour, ravi de pouvoir en apprendre un peu plus sur le Lynch qui se cache derrière des réponses bateau pour ne pas attirer trop l’attention. « Oui bien sûr, je ne me verrai pas faire autre chose de toute façon. » Parce qu’il ne savait pas quoi faire d’autre que ça, qu’il n’était pas assez doué pour avoir un autre métier que celui qu’il exerçait depuis si longtemps. « Mais tu es bon dans l’exercice, si jamais tu as besoin d’un stage pour gonfler ton CV. » Eliott n’hésiterait pas tirer quelques ficelles pour faciliter l’entrée de Clément dans la vie active et dans cette passion qui l’animait, soudainement pris de sympathie pour le jeune homme qui aspirait à bien plus pour sa vie qu’être le second rôle d’une petite production. L’assistant lève cinq doigts en direction d’Eliott pour lui indiquer la reprise imminente de l’émission, alors que le prompteur se mets en marche le présentateur se redresse dans son fauteuil pour se donner une allure professionnelle avant de se racler la gorge. « De retour avec Clément, ce jeune comédien qui portera bientôt le rôle principal de la nouvelle production de la Nothlight Company. Clément, pouvez-vous nous en dire plus sur votre vie, sur ce qui vous as poussé à devenir comédien ? » Professionnel, adaptable, Eliott avait relancé la conversation par un sourire en attirant la caméra vers Clément, bien plus à l’aise que lui sur le plateau.
C'est un sourire fier qui s'affiche sur mes lèvres alors que me redresse légèrement lorsqu'Eliott me dit, avec grande sincérité, qu'il ne doute pas de mes capacités à décrocher un premier rôle très prochainement. « Merci» je crois sincèrement que le présentateur ne sait pas combien ses paroles comptent pour moi, combien c'est exactement ce dont j'ai besoin d'entendre. Si je doute de moins en moins de mes capacités, il m'arrive encore bien trop souvent à nager en pleine remise en questions au risque de m'y noyer. Certes, mon père, Sybbie, Elora et bien d'autre personnes ne cessent de me dire et me répéter que tout ira bien, que j'ai tout leur soutient, l'entendre de la voix d'un parfait inconnu est totalement différent.
Je laisse ensuite échapper un rire lorsqu'Eliott m'explique ne pas être capable de citer ce serait-ce qu'une seule comédie musicale de Broadway «C'est tout à fait normal » dis-je en haussant les épaules «Tout le monde a entendu parlé de Broadway et sait exactement ce que c'est, mais personne ne connaît les spectacles qui y sont joué » ajoutais-je « Sauf ceux qui s'y intéresse réellement. Enfin, tout le monde connaît les spectacles 'normaux' gens tous les disney comme Frozen ou Alladin, mais pas les autres qui sont moins connu» précisais-je en finissant mon gobelet de café
Refusant poliment que le stagiaire remplisse à nouveau mon récipient de liquide caféiné, je parle de mon expérience en tant qu'Extra devant les caméras d'un réalisateur d'une mini série. J'avoue avec un peu de honte ne pas connaître le pitch de la série et que je serais bien incapable de dire quoique ce soit là-dessus, précisant en même temps que je suis bien du genre à toujours trop révélé. Sybbie me surnomme régulièrement 'le spoiler sur pied' tant je n'arrive à me retenir. Donc c'est peut-être une bonne chose qu'on ne m'ait rien dit sur la série ? Peu importe de toute manière, je ne suis même pas sûr qu'elle apparaîtra un jour à l'écran donc bon.
Dans tous les cas, nous passons, avec une facilité assez déconcertante, du coq à l'âne, lorsqu'Eliott me pose des questions sur mes origines. Je lui parle avec une certaine passion de nouvelle zélande, ce pays qui m'a vu grandir puis de mon déménagement à Brisbane. « Oh que oui !» répondais-je avec entrain lorsque le présentateur souhaite savoir si l'Australie répond à mes attentes. «Et bien plus encore ! En arrivant ici j'étais déjà passionné de théâtre et de danse et je savais que je voulais en faire mon métier, mais c'est ici que j'ai trouvé les opportunités pour réussir à percer dans le milieux. Je ne suis pas sûr que j'aurais eu cette opportunité en restant en Nouvelle Zélande» Du moins pas en restant dans le village de mon enfance.
Au final, je décide de me montrer un peu plus curieux et pose, à mon tours, des questions à Eliott qui me répond qu'il ne se verrait pas faire un autre métier que celui qu'il fait actuellement. Je lui répond avec un sourire et un hochement de tête, hésitant si oui ou non je peux continuer sur la lancé de ma curiosité. Mais le timing de l'émission décide pour moi et nous sommes obligé de reprendre place sur les canapés. Après avoir fait comprendre au présentateur que je suis près, il fait le décompte et nous nous retrouvons à nouveau live devant les caméras.
Je porte un regard intéressé sur le jeune homme et l'écoute avec attention lorsqu'il brode autour de la question d'origine. « Permet moi de reformuler la question» répondais-je en souriant «ce n'est pas 'CE' qui m'a poussé mais bel et bien 'QUI' ma poussé à devenir comédien » précisais-je « C'est notre metteur en scène, Charles Johnson. Tu le connais, il est déjà passé plusieurs fois dans l'émission il me semble. Originaire de Brisbane, il a percé dans le milieu artistique à l'âge de 15 ans et s'est produit dans les plus grands théâtres du monde. Broadway à New-York, le Globe à Londres et même le moulin Rouge à Paris, il a écumé tous les théâtre et a même tourné quelques films qui ont été eu pas mal de succès. Il a décroché un oscar et plusieurs tony award avant de revenir en ville à l'âge de 50 ans pour mettre sa carrière entre parenthèse le temps de relancé la Northlight qui a pas mal souffert du départ de l'ancien metteur en scène.» je lance un coup d’œil vers le groupe de comédien au bord du plateau avant de reporter mon attention sur Eliott « Bref, là où les adolescents avaient des poster de chanteurs et avaient un crush secret sur Shakira ou Britney Spears, moi j'avais un grand poster de Charles dans ma chambre et ….voilà» ajoutais-je avec un sourire innocent «C'est lui, sa passion et son talent qui m'ont donné envie de me lancer là-dedans. Alors travailler avec lui maintenant est bien plus qu'un simple et grand honneur»
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L’anxiété commence à prendre le pas sur la raison, poussant Eliott à agir tout en cachant sa nervosité au yeux du jeune homme dont les paroles s'enchaînent, complètement à l'aise sur le plateau là où le présentateur avait mis des années avant de se sentir assez à l'aise derrière la caméra pour ne plus trembler. Pourtant, il avait l'impression que la colère se lisait sur son visage et que tout le monde pouvait deviner au son de sa voix que rien n'allait, que tout était en train de s'envoler autours de lui alors qu'il gardait la face pour ne pas qu'on lui propose un petit congés loin du bureau. Le Lynch n'avait plus que ça, ce boulot qui lui prenait un temps fou, qui l'obligeait à ne dormir que quelques heures par nuit afin de préparer l'émission du lendemain, qui le coupait de sa famille. Du moins c'est ce qu'il préférait croire. Au delà de son travail Eliott avait toujours ce problème d'addiction qui le coupait de sa femme et de ses filles. Égoïstement il aurait préféré croire que la faute pouvait uniquement se glisser sur les épaules d'ABC, mais - encore une fois - ce serait se voiler la face. Clément refusait poliment une deuxième tasse de café, alors qu'Eliott ne se faisait pas prier pour accepter au nom du comédien alors que je déverse le peu de culture que je possède sur les shows présent à Broadway. Rien de tout ça n'a jamais vraiment attiré le présentateur, mais le jeu consiste aussi à s'intéresser un tant soit peu à la vie des invités sous peine de devoir tout couper au montage. "Mes filles aiment énormément les Disney, là je peux comprendre la référence." Car Sam avait assez tourmenté ses parents avec la Reine des Neiges pour que le couple Lynch finisse par connaître les paroles par coeur. Un sourire en attirant un autre Eliott avait fini par mettre de côté cette nervosité pour se focaliser uniquement sur le comédien dont les origines interpellent le brun qui n'a plus jamais voyagé depuis son déménagement en Australie quand il était gamin. Les paysages que décrit le jeune homme attire un rictus sur les lèvres d'Eliott qui tente de s'imaginer une vie passée entre les montagnes et les rivières, entouré de toute cette magie que l'on décrit dans les livres et les films. Sans savoir pourquoi, comment, le présentateur prend plaisir à envisager des vacances avec Mila et les filles. Et ça le trouble. Lui qui ne fait jamais rien, enfermé dans une routine destructrice où la seule poussée d'adrénaline qu'il récupère se trouve être les trois parties de poker par semaines. "Tu sais, je ne suis pas australien non plus. Enfin, je ne suis pas né ici." Le petit small talk avait tendance à apaiser le brun dont les préoccupations n'étaient maintenant plus tournées que vers Clément dont la vie semblait si éloignée de celle du Lynch. "Mais moi aussi j'ai trouvé le pays bien accueillant quand je suis arrivé, et je ne regrette pas." Parce que toute sa vie était ici maintenant. Il avait rencontré Mila, s'était marié, avait eu ses filles. La Croatie n'était plus maintenant qu'un petit bout d'encre sur son état civil. Alors qu'un assistant indique que la coupure pub touche bientôt à sa fin Eliott se redresse sur son siège pour reprendre une posture professionnelle, pour donner l'illusion encore une fois et se glisser dans la peau de cet homme intouchable qui attire les regards et, un peu, l'admiration. Clément reprend lui aussi son rôle, le visage souriant alors que la caméra se braque de nouveau sur lui, abordant une grande partie de sa vie. Si ce n'est pas vraiment le "quoi" mais plutôt le "qui" dont le jeune homme s'extasie à l'instant, Eliott comprend alors que la raison qui a poussée le comédien à suivre cette voix est en fait le metteur en scène dont la réputation n'est pus à refaire. Charles, cet homme haut en couleurs qui a déjà fait plusieurs apparitions dans l'émission et que le présentateur a toujours eu du mal à cerner. "Et bien on peut dire que vous avez beaucoup d'admiration pour cet homme." Clément ne tarit pas d'éloge en évoquant son mentor, poursuivant sur sa lancée alors que le Lynch aperçoit, dans son champ de vision, une main glissée sous une gorge indiquant que l'interview touche à sa fin. "Merci pour votre présence Clément. N'hésitez pas à venir voir ce jeune homme et toute la troupe de la Northligh Company dont le spectacle s'ouvre prochainement." En un claquement de doigt le show se termine, laissant Eliott entre satisfaction du travail bien fait et envie de rentrer chez lui pour dormir. "C'était bien, vraiment. J'espère qu'on aura l'occasion de se revoir et j'attend mes billets avec impatience." Le brun avait tendu la main devant lui avant de tourner les talons pour se réfugier dans sa petite loge et sous une montagne de café.