| (yassan) i'll tell you the truth but never goodbye |
| | (#)Dim 1 Déc 2019 - 13:34 | |
| EXORDIUM. L'eau glacée lui dégringolait encore le long de la colonne vertébrale pendant que le frisson de l'air un peu plus tiède de la pièce lui mordait agréablement la peau. Yasmine attrapa son peignoir de bain pour s'y emmitoufler, l'expression de son visage froissée par la courte nuit qu'elle avait passé. Une observation rapide dans le miroir embué de la salle de bain était quasiment inutile, elle n'avait pas besoin de constater à quel point le manque de sommeil et les soucis avaient creusé des sillons indélébiles sous ses yeux et entre ses sourcils si bien esquissés. Mais au moins pour arranger la tenue de ses cheveux humides, elle s'y risqua. Elle frotta la pellicule de condensation recouvrant le miroir avec la paume de sa main, puis elle essora le reste d'eau qui imbibait ses mèches brunes au-dessus du lavabo qui se parsema de plusieurs dizaines de gouttelettes. Ses yeux se verrouillèrent à ceux de son propre reflet. Elle gonfla ses joues, confrontée au spectacle affligeant de cette terrible mine qu'elle présentait. Son teint était presque gris, et l'ombre bleutée qui soulignait l'éclat éteint de ses grands yeux en amande devenait de plus en plus marqué… rien qu'un bon anticernes ne pourrait dissimuler au demeurant, elle devrait faire un effort sur le maquillage pour aujourd'hui. Mais même avec un bon coup de pinceau pour raviver son teint, Fatima s'inquiéterait sûrement du manque de couleur de sa fille tout à l'heure et ce, dès qu'elle passerait le pas de la porte de chez ses parents – un déjeuner dominical y serait organisé pour rattraper les quelques semaines durant lesquelles la jeune femme s'était rendue indisponible, l'esprit focalisé sur trop de choses à la fois pour qu'elle n'accepte d'infliger son air constamment distrait à ses parents. Déjà, elle s'imaginait en train de se défendre à coups de semi-mensonges, dégainant ses heures supplémentaires comme l'arme ultime contre les questions de ceux qui démontraient un peu d'intérêt pour sa santé, mais pas que… et ce fût immédiat, son cœur manqua un battement lorsqu'elle pensa à l'interrogatoire en bon et due forme qu'elle allait subir à propos de ses résultats d'examen qu'elle évitait de mentionner à qui que ce soit, alors qu'elle était supposée les avoir reçu depuis près de deux semaines déjà. Le courrier qu'elle avait reçu de l'université avait quitté le fond de son sac à main pour atterrir sur la porte de son réfrigérateur. Maintenue par un aimant, elle passait devant chaque fois qu'elle entrait dans le coin cuisine de son appartement. L'avantage de sa peur irrationnelle d'ouvrir cette enveloppe placée dans un endroit aussi stratégique, c'était que ça lui donnait moins envie d'aller fourrager l'intérieur du frigo, mais à part ça… ça ne faisait qu'ajouter à sa charge mentale déjà trop lourde à laquelle s'ajoutait aussi la crainte de décevoir quiconque s'enquérait de l'évolution de ce projet. Ouvre-là cette putain d'enveloppe, Khadji, avait persifflé Sloan la veille tandis qu'ils quittaient la chambre d'Edge après quelques heures à lui tenir compagnie, démontrant une impatience rare face à la terreur de celle qui était devenue son amie. Il s'était radoucit aussi vite, néanmoins elle avait eu le temps de réaliser combien il était injuste de sa part de le faire autant mariner à ce sujet. Après tout, il avait abattu autant d'énergie qu'elle pour préparer cet examen… c'était sans doute pour ne plus jamais avoir à lire ce qu'elle avait lu dans ces yeux à ce moment-là qu'elle avait décidé qu'elle ouvrirait cette enveloppe ce matin.
Seulement, elle s'était réveillée avec la boule au ventre. Plutôt vive au réveil d'habitude, elle s'était longtemps prélassée en pensant grapiller une heure de sommeil en plus. Et puis elle s'était laissé distraire par son téléphone, par les textos reçus au cours des quatre heures durant lesquelles elle avait réussi à véritablement se reposer, mais surtout par son chat qui avait étendu son petit corps près d'elle en attendant qu'elle lui flatte la robe. Ses ronrons n'avaient pas fait passer cette sensation qu'elle connaissait bien désormais, celle d'endurer tellement sa sensibilité qu'elle ne se sentait quasiment plus maîtresse de son propre corps ni de son propre esprit ; la trace de l'oreiller encore sur la joue, elle avait fait une crise de panique, d'où la douche glacée supposée calmer ce qu'elle avait finalement fini par réguler, l'eau froide colmatant la déchirure douloureuse de ses poumons, l'exemptant de fait de parfaire la mission qu'elle s'était fixée. Peut-être que demain elle y arriverait, qui sait ? La sonnette de la porte d'entrée lui fit battre des cils et rendre plus nette sa silhouette au travers du miroir qu'elle fixa sans le voir. Hassan. Il avait proposé de passer la prendre puisque lui aussi était convié au déjeuner chez les Khadji. Soumise à tout et son contraire, elle avait presque oublié, et ce rappel soudain la fit brusquement se ranimer et s'agiter pour placer convenablement ses cheveux mouillés de part et d'autre de son visage. Elle se pencha sur le miroir, suivit la ligne de ses cernes avec son petit doigt dans l'espoir vain de les lisser avant de pouvoir les camoufler plus consciencieusement tout à l'heure, et quand la sonnette retentit une seconde fois, elle s'écria à vive voix :
"J'arrive tout de suite !" Le miaulement du chaton se joignit à sa voix, aussi elle s'activa pour de bon. Resserrant la ceinture de son peignoir pour préserver sa nudité avec toute la pudeur qu'on lui connaissait, elle s'élança pieds-nus jusqu'au vestibule dans lequel elle marqua une très courte pause. Les doigts s'enfonçant dans ses cheveux trempés, elle s'exerça une, puis deux fois, à sourire comme elle en avait l'habitude, fixant le judas du battant comme s'il s'agissait d'une vraie personne. Enfin, dans une très grande inspiration toujours un peu douloureuse, les résidus de sa crise de panique ne s'étant pas tout à fait dissipé, elle coinça ses cheveux derrière ses oreilles, puis déverrouilla la porte. Dans une pâle imitation de l'éclat qui faisait sa personnalité d'ordinaire, elle dit au jeune homme qu'elle invita immédiatement à entrer dans une large ouverture de bras "Je suis pas en retard, c'est toi qui es en avance… non, non, viens par là, toi." Elle se pencha pour récupérer son chat qui préparait déjà une fuite du cocoon pourtant si douillet que sa nouvelle maîtresse avait su lui créer. Après s'être relevée, Sasha tout contre elle, puis après avoir fermée la porte derrière elle, elle s'approcha d'Hassan vers qui elle leva la patte de la boule de poil dans un simulacre d'high five qui l'empêcha de le regarder en face – pour l'instant en tout cas, car en vérité, sitôt que la main du jeune homme eut frôlé les coussinets de l'animal, elle lui tendit la joue pour le traditionnel baiser de bonjour qu'ils se donnaient à chaque fois ; même depuis cette fois-là, six mois auparavant, quand il lui avait semblé impossible qu'ils réussissent à se retrouver. Non, ce n'était pas encore ça, mais le temps ferait son œuvre, ils n'avaient pas le choix "Je serai pas très longue, t'as qu'à te préparer un thé en attendant. Je te le laisse, je sais que tu l'aimes déjà." argua-t-elle en ne lui laissant pas voix au chapitre, et en lui fourrant son chat dans les bras avant de lui fausser commodément compagnie pour au moins enfiler une tenue plus appropriée. Sans compter que ça lui donnerait aussi l'occasion de rassembler davantage ses esprits.
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| | | | (#)Sam 14 Déc 2019 - 7:27 | |
| Lorsque Phil lui avait proposé le dernier mini-donut du plateau, Hassan avait eu un instant d’hésitation. Et puis sans surprise il avait cédé, enfournant la pâtisserie dans sa bouche – parce qu’il aurait été dommage que cela termine à la poubelle, pas vrai ? – et pouvant dès lors presque entendre Fatima le houspiller dans un coin de sa tête, parce qu’on n’avait pas idée de se goinfrer ainsi de cochonneries toute la matinée avant un repas de famille. Et il le savait bien, qu’il regretterait ce buffet de petit déjeuner à la minute où la matriarche poserait sur la table de la salle à manger le repas préparé pour douze personnes quand bien même ils ne seraient que quatre à table … Mais sa gourmandise avait été plus forte que sa raison, et comme toutes les personnes présentes au traditionnel petit-déjeuner de clôture de la saison du club, le brun avait suffisamment bu et mangé pour que sauter un repas ait été la marche à suivre logique de la journée. Comme chaque année il y avait aussi eu la flopée de dessins d’enfants offerts aux bénévoles du club – Hassan, un brin sentimental, les conservaient dans une pochette en carton de son bureau – les pleurs de quelques tous petits pour qui la rentrée suivante semblait être dans trois siècles, les discussions enflammées des adultes à propos des derniers exploits des Queensland Reds, et la curiosité quant au programme des vacances des uns et des autres … Finalement la matinée était passée à toute allure, le buffet avait été dévalisé, et les volontaires s’affairaient maintenant à ranger avec comme objectif d’être chez eux pour midi. Plus tôt pour le brun, qui avant d’aller montrer patte blanche chez les parents Khadji devait d’abord faire un crochet par Redcliffe pour récupérer Yasmine. Ayant proposé de passer la prendre avec la sensation de prendre un risque un peu inconsidéré, il avait été bien trop heureux qu’elle accepte pour s'appesantir trop longtemps sur la façon dont elle était parvenue, au fil de leur échange téléphonique, à noyer le sujet de ses résultats d’examens. À l’heure du numérique, Hassan s’étonnait en effet un peu de sa volonté à attendre après une enveloppe – qui tardait à arriver, des dires de la jeune femme – quand quelques clics auraient suffi à lui fournir la réponse à sa grande question … Mais il n’avait pas insisté, trop soucieux de préserver l’équilibre précaire sur lequel se trouvait leur relation depuis l'hiver. Pour lui la situation n’avait pas tant évolué : il continuait de marcher sur des œufs et de nager dans un océan d’incertitude. Simplement il avait pris le parti de se contenter de ce que Yasmine serait désormais résolue à lui donner et de ne plus questionner le reste, espérant simplement que cela pèserait dans la quête de la brune pour retrouver un semblant de sérénité. Appréciant à sa juste valeur le fait qu’un dimanche à cette heure de la journée les routes soient quasiment désertes, le brun avait garé sa moto au pied de l’immeuble pile à l’heure convenue, et grimpant jusqu’à l’étage où l’infirmière avait élu domicile il avait enfoncé le bouton de la sonnette après une tentative aussi brève qu’infructueuse de discipliner ses cheveux dans le miroir de l’ascenseur. Mais quelle importance, il remettrait son casque plus vite qu’il ne parviendrait à faire obéir sa tignasse. La voix de Yasmine lui parvenant de façon lointaine au moment où il s’apprêtait à sonner une seconde fois, il avait patienté sagement et laissé échapper un sourire lorsque les miaulements du tout nouveau colocataire s’étaient ajoutés à l’équation. « Je suis pas en retard, c'est toi qui es en avance … non, non, viens par là, toi. » Ses plans d’évasion tués dans l’œuf avant même d’avoir atteint les frontières de la terre des lions, l’animal s’en était sorti avec un nouveau miaulement tandis que sa maîtresse le ramenait contre elle, Hassan passant le pas de la porte en se fendant d’un « Il va falloir qu’on resynchronise nos montres avant la prochaine mission, agent Khadji. » Incapable de retenir la grimace attendrie que lui avait tiré le high-five échangé avec le chaton, il avait rendu à la jeune femme son baiser sur la joue et ajouté d’un ton faussement sérieux « J’en conclus que ce n’est pas la tenue dans laquelle tu comptais débarquer chez papa-maman ? » en désignant le peignoir d’un geste de la main. Il s’étonnait un peu de la trouver aussi peu prête à partir à vrai dire, Yasmine n’était pas le genre qui se mettait en retard ; Mais personne n’était jamais à l’abri d’une panne de réveil, et lui collant le chaton dans les bras sans lui laisser le temps de protester, elle s’était d’ailleurs éclipsée aussi sec en suggérant « Je serai pas très longue, t'as qu'à te préparer un thé en attendant. Je te le laisse, je sais que tu l'aimes déjà. » afin de se donner le temps de terminer de se préparer. « Moi ? Aimer cette boule de poils ? Teuh. » Pour preuve, il s’était mis à le gratter entre les deux oreilles à la seconde où sa maitresse avait eu le dos tourné – mais cela resterait leur secret. Les parents Khadji quant à eux ne s’offusqueraient pas de les voir débarquer avec un peu de retard, l’heure à laquelle ils leur suggéraient d’arriver étant toujours plus une approximation qu’un horaire à scrupuleusement respecter. La suggestion de se préparer un thé avait en tout cas fait son chemin, et l’estomac toujours plein de ce petit déjeuner qui n’en avait pas fini, Hassan s’était dit qu’un peu de thé vert pour aider à la digestion ne pourrait pas faire de mal – de là à feinter Fatima au point qu’elle ne resserve pas son assiette à peine vide, en revanche, il ne fallait pas pousser l’optimisme. Le chat toujours dans les bras, et tant pis pour les poils gris qui couvriraient son tee-shirt au passage et provoqueraient la suspicion de ses deux colocataires canins – Comment, tu as câliné d’autres animaux que nous ? Traitre. – le brun avait donc rejoint la cuisine, abandonnant finalement l’animal à ses pieds pour remplir la bouilloire et la mettre à chauffer avant de se lancer dans une quête vers la réserve à thé de la maîtresse des lieux. Lançant un « Je t’en prépare un aussi ? » suffisamment fort pour se faire entendre de Yasmine depuis l’autre bout de l’appartement, il avait fait son choix parmi les mugs sur les étagères avec la certitude que celui annonçant en couleurs criardes « twerk kween » ne pouvait être qu’un cadeau de Clara. Il avait bien fallu qu’il passe deux ou trois fois devant le frigo avant qu’enfin, l’enveloppe retenue par un magnet contre la paroi n’attire son attention et ne lui fasse froncer les sourcils. Plus que l’enveloppe en elle-même c’était surtout l’entête dans son coin qui l’avait interpelé, mais avant qu’il n’ait pu réfléchir plus loin que le fait qu’elle ne semblait pas ouverte, il avait été interrompu à la fois par Sasha, lancé en pleine ascension le long de sa jambe, toutes griffes dehors et lui arrachant un « Mais heeey, je suis pas un arbre à chat. » plus amusé qu’agacé, ainsi que par Yasmine, de retour dans la cuisine et le peignoir troqué contre des vêtements plus adapté à un repas dominical hors de chez soi. « Je subis une agression brutale et sauvage, tu es témoin ? »
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| | | | (#)Mer 18 Déc 2019 - 11:39 | |
| EXORDIUM. Ne craignant pas qu'Hassan et Sasha réussissent à trouver un terrain d'entente, la passion que le jeune homme entretenait pour les animaux abandonnés, pour les animaux tout court, n'étant un secret pour personne, Yasmine s'éclipsa pour passer par sa chambre avec la conscience tranquille. Au moins de ce côté-ci… ce qui n'était pas négligeable, son réveil difficile ne l'aidant pas à considérer l'arrivée d'Hassan avec toute la décontraction dont elle aurait aimé se rengorger pour l'accueillir comme l'amie fidèle qu'elle avait toujours été. Ils avaient beau faire amende honorable, une tension subsistait malgré ses tentatives pour continuer à mener leur relation comme ils l'avaient toujours fait, et ce sans plus aucune ambigüité. Elle le lui avait dit la dernière fois qu'ils avaient discuté, c'était à elle de faire les plus gros efforts à ce sujet, et parce que l'amour était un mal qui se soignait plus difficilement que le reste, il y avait des moments plus difficiles que d'autre, elle devait bien l'admettre. Mais elle essayait, se donnant les moyens de sauver ce qu'il restait du lien qui les unissait en tachant de se reposer de la bonne façon sur les sentiments amoureux qu'elle lui avait déclaré ressentir à son égard ; c'est-à-dire sans rien attendre de plus en retour. Etrangement, c'était cette idée qui était la plus facile à accepter finalement, lui donnant l'impression d'avoir juste eu besoin qu'il lui rappelle une bonne fois pour toute qu'elle n'avait pas le droit d'envisager la situation comme une ouverture dans laquelle elle se faufilerait si l'occasion lui était offerte. Pour elle, il était désormais évident que la porte était définitivement fermée, et elle avait bien du mal à ne pas se dire que c'était sans aucun doute mieux ainsi. Elle fit une halte rapide dans sa penderie, y dénichant sa tenue du jour tandis que dans la foulée, elle se départissait de son peignoir douillet qu'elle posa négligemment sur son lit défait. Une tenue basique qui la caractérisait bien, rien de plus qu'un jean brut taille haute dans lequel elle fourrerait le chemisier kaki – sans doute trop ample de l'avis des experts en matière de mode ; en d'autres termes, de l'avis de Clara qui lui reprocherait de cacher sa jolie silhouette sous tout ce fatras mal taillé pour elle – qu'elle avait choisi, mais qui lui permettait de se sentir à l'aise, à l'abri des regards. Elle s'habilla rapidement, refusant de s'attarder sur les pensées décousues qui lui traversaient l'esprit lorsqu'elle enfila ses sous-vêtements, et se concentra davantage sur les prochaines heures, surtout sur cette envie qu'elle avait de profiter un peu du moment passé avec sa famille, espérant décompresser des moments pénibles qu'elle avait dû affronter ces dernières semaines et dont elle n'avait parlé à quiconque. En même temps, la pression inconsciente que leur présence et leurs questions faisaient peser sur elle et ses secrets, elle aurait pouvoir y échapper, ne serait-ce que pour se défaire de cette sensation constante de gruger sans arrêt pour n'inquiéter personne, pour ne pas déranger ; tant de contradictions qu'elle avait bien du mal à gérer en cette matinée déjà riche en émotions… comme c'était bien souvent le cas depuis un bon moment déjà. Elle boucla sa ceinture avec détermination. Prenant soin de ne pas remarquer que ses doigts tremblotaient un peu, elle déboutonna son corsage pour ajuster sa silhouette sans trop en montrer néanmoins, repliant la dentelle noire qui enjolivait son décolleté discret, et les médailles et les chaînes délicates qu'elle ne quittait jamais, pas même pour dormir. Puis, elle fit basculer un rideau de cheveux d'un côté à un autre de son visage. S'exemptant de l'étape du miroir à pied, au moins pour vérifier que rien ne jurait, elle décida de se faire confiance aujourd'hui. Yasmine quitta sa chambre pour rejoindre la salle de bain au cœur de laquelle la plus grosse partie du chantier l'attendait.
"Ça ira, merci." répondit-elle à Hassan qui lui demandait à distance si elle voulait qu'il lui prépare un thé en même temps que le sien. Son refus lui ferait sans doute défaut, elle trouvait toujours beaucoup de réconfort dans le simple geste de tenir une tasse chaude dans la paume de ses mains, mais aussi dans celui de souffler sur l'eau bouillante qu'elle goûtait à toutes petites gorgées…mais elle avait aussi d'autres chat à fouetter compte tenu de la tête de déterrée qu'elle se traînait. Ainsi, une couche d'anticernes plus tard, pas de fond de teint, ayant toujours beaucoup tenu à ses taches de rousseur qu'elle refusait de cacher sous aucun prétexte, plusieurs coups de blush pêche pour raviver son teint caramel, un trait d'eye-liner au ras de ses cils rendus plus longs encore grâce à un soupçon de mascara, et elle conclut qu'elle ne pourrait pas faire grand-chose d'autre pour limiter les dégâts ; elle se ravisa après s'être détournée du miroir, ajoutant par tapotement avec la pulpe de son index un peu de rouge à lèvre qui se fondait avec la teinte naturelle de sa bouche. Elle laissa ses cheveux prendre l'air pour que ses boucles se dessinent au fur et à mesure de la journée, fit couler de l'étagère en verre placée sous le miroir la montre dont elle s'était acquittée en entrant dans la douche pour la fixer à son poignet, et après plusieurs pschitt de parfum vanillé qu'elle dispersa par grands gestes tout autour de sa tête, elle rejoignit le jeune homme à qui elle adressa un sourire éteint aussitôt que son regard croisa le sien "Peut-être qu'il se défend juste de l'agression brutale que tu lui as fait subir pendant mon absence. Pas vu, pas pris… je réserve mon témoignage pour plus tard, agent Jaafari." lui répondit-elle avec partialité, refusant de prendre parti. Après s'être penchée doucement, elle récupéra Sasha pour lui faire changer de trajectoire ; la démarche chaloupée du chaton la fit sourire avec plus d'entrain pendant qu'elle appuyait ses deux avant-bras sur le comptoir du petit déjeuner. Elle resta un instant à le regarder filer vers le canapé, avant de tourner son attention vers l'ouverture du coin-cuisine dans laquelle se trouvait Hassan. Fatalement, son regard rencontra la porte du réfrigérateur sur laquelle elle ne s'attarda pas plus d'une nanoseconde, même si elle se demanda si le jeune homme avait eu le temps de se rancarder de ce qui y était affiché… et par conséquent, de prendre conscience du mensonge éhonté qu'elle lui avait débité chaque fois qu'il lui avait demandé de quoi il en retournait, si elle avait eu des nouvelles de ses résultats d'examen. Son cœur manqua un autre battement, le centième depuis qu'elle était debout. Depuis quand était-elle devenue aussi menteuse ? Elle roula ses lèvres discrètement enduites de rouge à lèvres, et décida de jouer cartes sur table… parce qu'elle connaissait suffisamment Hassan pour savoir qu'il avait l'œil partout – un trait de caractère qui lui venait directement de Fatima, à croire qu'il ne suffisait pas d'avoir le même sang pour hériter de ce genre de chose. Elle désigna l'enveloppe d'un index peint en marron glacé "J'avais décidé de l'ouvrir ce matin, mais j'ai pas pu m'y résoudre." avoua-t-elle d'une voix serrée qu'elle tenta de rendre moins solennelle en laissant échapper un sourire teinté d'un embarras manifeste que, là encore, elle cacha en baissant le menton pour fixer ses phalanges baguées "Je l'ai reçue il y a deux semaines environ." ajouta-t-elle de bonne volonté, et ce fût tout. Yasmine ne dit rien de plus sur le moment, laissant le sifflement de la bouilloire interrompre le silence qu'elle avait momentanément fait tomber sur la petite pièce.
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| | | | (#)Lun 13 Jan 2020 - 21:53 | |
| Hassan n’était pas très chats, croyait-il. Mais Hassan n’était pas très chiens non plus avant d’en avoir un, puis deux, et le voilà maintenant qui s'extasiait sur chaque représentant de la race canine qui croisait sa route, alors qui sait. Dans le déni, il préférait pour l’heure agir comme si le fait que son petit cœur fonde à chaque miaulement de Sasha n’était qu’une coïncidence, voir un réflexe dû au fait qu’il s’agissait du colocataire de Yasmine plutôt que de n’importe quel autre chat. Le tout en continuant de jouer les effarouchés face à la jeune femme, tandis que son matou se lançait dans l’ascension de sa personne avec enthousiasme à l’instant même où elle reparaissait fin prête. Les effluves de vanille que dégageaient son parfum étaient venues chatouiller ses narines avec familiarité, et son « Peut-être qu'il se défend juste de l'agression brutale que tu lui as fait subir pendant mon absence. Pas vu, pas pris … je réserve mon témoignage pour plus tard, agent Jaafari. » minaudé d’un air taquin avait poussé Hassan dans la comédie d’une main posée sur son cœur d’un air faussement outré. Déjà le fauve obtenait le bénéfice du doute, et s’il n’avait pas semblé si pataud tandis qu’il prenait maintenant la direction du canapé, le brun aurait presque pu lui prêter un rire machiavélique et un bout de canine brillant de satisfaction à l’idée d’avoir gagné une bataille supplémentaire contre l'humain venu empiéter sur ses plates-bandes. « Bien, c’est un complot, je note. » La bouilloire sur le feu, il avait laissé tomber au fond de la tasse le sachet en mousseline sélectionné juste avant et s’était adossé au plan de travail en croisant les bras. Le regard qu’il avait posé sur la brune était volontairement tranquille, et le sourire qu’il lui avait décoché était du même acabit ; En clair, il décidait de la laisser mener la conversation vers la futilité qui lui plairait. Bien qu’elle lui aurait brûlé les lèvres toute la journée il aurait gardé sa curiosité pour lui, et se serait convaincu que s’il n’avait pas obtenu de réponse en posant la question la première fois, c’était qu’il n’était pas destiné à l’obtenir plus tard. Toute cette incessante gymnastique mentale lui faisait regretter l’époque où Yasmine et lui se disaient simplement les choses de but en blanc, sans avoir jamais peur de la réponse ou de la réaction de l’autre, mais cette époque Hassan savait qu’il devait en faire le deuil, et d’avoir enfin commencé à l’accepter lui rendait le goût des choses moins amer que durant les mois qui avaient précédé. « J’ai fait chauffer assez d’eau pour deux, si jamais tu changes d’avis. » avait-il néanmoins fini par poser, pour ne pas laisser au poids du silence le temps de s’installer. Au bout du compte néanmoins l’infirmière semblait à peine l’avoir entendu, et passant un bout de langues sur ses lèvres d’un air hésitant elle avait désigné le réfrigérateur, sa voix montant un peu plus haut dans les aigus au moment d’admettre « J'avais décidé de l'ouvrir ce matin, mais j'ai pas pu m'y résoudre. » comme à chaque fois que son stress s’exprimait à sa place. Elle pouvait bien fixer ses doigts et en triturer les bijoux avec nonchalance, l’intonation ne trompait pas, et malgré tout la véritable ampleur du problème Hassan ne l’avait saisie que lorsqu’elle avait ajouté « Je l'ai reçue il y a deux semaines environ. » Pour se laisser le temps de jauger l’information et de bien choisir ses mots, il n’avait pas répondu immédiatement et avait de ce fait été pris de court par le sifflement de la bouilloire. La situation était délicate, il ne souhaitait pas brusquer Yasmine mais la soupçonnait en même temps de lui faire cet aveu afin de n’avoir plus d’excuse derrière laquelle se cacher pour continuer à repousser l’inévitable. Sa tasse remplie et laisser à infuser dans un coin, il s’était donc à nouveau tourné vers la brune et avait commencé par poser les bases avec prudence. « Je comprends. T’as mis beaucoup de temps et d’énergie là-dedans, c’est normal d’être stressée à l’idée de voir si ton travail a payé. » Avançant de quelques pas dans sa direction, il s’était immobilisé à distance raisonnable avant de reprendre « Mais deux semaines d’incertitude, tu ne penses pas que tu t’es suffisamment torturée … ? C’est un peu comme un pansement, quel que soit le résultat tu te sentiras mieux après. » Espérant lui arracher un sourire, il avait même ajouté « Et j’ai utilisé exprès une métaphore d’infirmière, j’espère que tu apprécies l’effort. » d’un ton amusé, mais rapidement repris un air sérieux tant il avait conscience que pour elle l’heure n’était pas à la plaisanterie. « Que tu l’ouvres aujourd’hui ou que tu patientes une semaine de plus ça ne changera pas le contenu de cette enveloppe, et tu le sais … T’as fait de ton mieux pendant les épreuves, non ? » Bien sûr que si, il n’avait pas besoin qu’elle réponde à cette question pour le savoir. Yasmine ne faisait jamais les choses à moitié et ne supportait pas l’à peu près, une qualité qui à de rares occasions pouvait aussi être un défaut, mais pas à ce sujet. « Alors y’a pas de regret à avoir. » Faisant finalement un pas de plus pour se rapprocher d’elle, il lui avait fait relever la tête du bout de l’index « Fais-toi confiance. » Un conseil qu’elle appliquait trop peu à son goût. Désireux néanmoins de lui laisser une porte de sortie pour qu’elle ne se sente pas prise au pied, il avait marqué une pause et puisé dans ses réserves pour reprendre un ton plus léger. « Mais tu n’es pas obligée de l’ouvrir maintenant si tu ne te sens pas prête. Ça peut attendre que le repas chez tes parents soit passé, je ne vendrai pas la mèche. » De son point de vue, elle se privait surtout de la possibilité de pouvoir leur annoncer une bonne nouvelle, mais il n’avait pas envie d’être celui qui lui forçait la main.
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| | | | (#)Jeu 16 Jan 2020 - 11:26 | |
| EXORDIUM. Pourquoi, depuis un sacré bout de temps maintenant, fallait-il qu'elle se sente au pied du mur pour agir, ou pour avouer des choses qu'elle gardait précieusement dans son jardin secret ? Yasmine avait toujours été magnanime, mais elle n'avait jamais fait preuve d'hypocrisie, moins douée qu'il n'y paraissait dans l'art de la dissimulation de ses pensées. Elle n'était pas brutalement honnête, loin d'être une fanatique de la bousculade pour faire entendre son opinion, elle avait cependant sa méthode à elle. Avec douceur, elle réussissait à faire passer les nouvelles les moins glorieuses, les moins faciles à entendre, et lorsqu'il fallait monter au créneau, c'était son étonnante innocence qui prenait le relais, tandis qu'elle se plaçait en grande défenseuse des causes qui lui tenait tant à cœur, toute passionnée qu'elle était. Mais elle n'y arrivait plus, à partager ses secrets sur le ton banal de la conversation, ayant toujours la sensation qu'il ne valait mieux pas s'y attarder, nourrissant tellement de craintes et d'angoisses à certains sujets qu'elle préférait s'auto-contaminer, marinant dans le jus de ses incertitudes, plutôt que de quémander les bons conseils des autres et soulager sa conscience. Elle en pâtissait, ses relations avec les autres en pâtissaient, et pendant qu'elle devenait si difficile à atteindre, s'obstinant à rester hors de portée de ceux qui, comme Hassan, la connaissaient suffisamment bien pour savoir quand elle n'allait pas bien, l'état de stress perpétuel dans lequel elle s'était presque volontairement placée la consumait chaque jour un peu plus. Mais elle voulait retrouver celle qu'elle avait été, elle voulait redevenir la jeune femme transparente et bonhomme qui se félicitait de ne rien avoir à cacher… et peut-être qu'au fond, était-ce davantage pour cette raison qu'elle avait pris les devants en avouant à Hassan que l'enveloppe placardée sur la porte de son frigo contenait les résultats de son examen d'admission à l'école de médecine. Elle aurait aimé s'en féliciter, mais le monstre – fait des angoisses qu'elle avait déjà eu à gérer en cette matinée – à peine endormi, pelotonné confortablement au fin fond de son estomac qui se mit à grouiller discrètement, elle eut du mal à juger son timing comme étant le bon… parce que dans moins d'une heure, elle devrait rejoindre la maison de ses parents, et qu'elle aurait davantage de mal que d'ordinaire à faire comme si tout était sous contrôle.
Elle eut un sourire lorsque le jeune homme s'approcha d'elle, et qu'il se risqua à user d'un peu d'humour pour détendre les plis soucieux qui dessinaient des ombres indistinctes sur son visage légèrement maquillé. Elle se tourna de trois-quarts, s'accota au comptoir pour mieux le regarder, et pencha la tête pendant une longue seconde, passant en revue tous les détails de ce visage qui lui manquait autant que toutes les boutades discutables qu'il laissait filer dans l'espoir de rendre l'atmosphère moins pesante. Arrêter de considérer Hassan comme son âme-sœur était une épreuve difficile à surmonter, une autre à ajouter à sa liste personnelle, mais c'était encore la moins effrayante… parce que malgré tout, malgré le petit sentiment de gêne qui persistait entre eux, elle avait la conviction profonde que, quoi qu'il arriverait, il serait toujours là pour elle, et elle serait toujours là pour lui – un petit fait simple qu'elle avait omis ces derniers temps, et qui se rappela à elle comme un illumination qui lui réchauffa le cœur, colmatant au passage les plaies à peine cicatrisées de leur dernière conversation sur le bas-côté de la route. "Hum, j'ai remarqué. C'est très apprécié, t'as raté ta vocation." fit-elle en le regardant encore un petit instant tout en laissant flotter un sourire qui disparut rapidement lorsqu'elle baissa la tête pour de nouveau s'intéresser à ses doigts engourdis par son anxiété. Elle aurait aimé lui rappeler que faire de son mieux n'était pas une option pour elle, qu'elle visait tellement haut qu'elle se demandait parfois si elle n'avait pas fait preuve d'un peu trop de confiance en elle, elle qui avait tant de mal à envisager d'être vraiment douée pour quelque chose ; toute cette histoire n'était-elle pas le résultat d'un excès de zèle de sa part finalement ? Elle opina du chef pourtant, acquiesçant à sa question sur la façon dont elle avait mené son examen sans réussir à formuler les doutes qui se bousculaient au seuil de sa bouche contrite, et dont elle emprisonna la partie inférieure entre ses dents… avant de le laisser remonter son visage du bout de l'index. Ce fût immédiat, elle lui demanda, son regard empreint d'une terreur refoulée – mais manifeste par la légère altération de la nuance de vert qui, si clair d'ordinaire, assombrissait son expression à cet instant, et le faisait briller sous l'agitation de ses nombreuses pensées –, et crocheta celui du jeune homme dont la teinte chaude de ses iris, à lui, réussie à rendre la situation moins étrange "Comment tu fais pour avoir autant confiance en moi. Tu doutes jamais de ma réussite, je comprends pas." Et loin d'elle l'idée de partir à la chasse aux compliments. Seulement, Hassan avait toujours fait partie de ces gens qui lui avaient toujours donné l'impression de voir en elle des choses dont elle, la principale concernée, ignorait tout. C'était troublant, lui laissant la désagréable sensation d'être le dindon de la farce ; car à défaut d'être dotée d'une bonne estime d'elle-même, elle avait toutefois le sentiment de se connaître par cœur… sauf que ça lui échappait vraiment, qu'il soit autant capable de placer tant de choses en elle sans jamais douter. Soudain, elle se mut jusqu'à lui pour le prendre dans ses bras. Elle posa une main sur ses côtés du côté gauche, et cala son menton sur son épaule droite, laissant poindre une moue boudeuse accentuée par la pression de sa mâchoire contre l'os de sa clavicule dans laquelle elle finit par fourrer son nez. Pas longtemps, juste le temps d'inspirer légèrement, et de lui répondre tout doucement "Je suis prête. J'ai juste peur de pas savoir gérer si jamais j'ai raté. Je devrais l'annoncer aux parents, à Sohan, à Sloan… je veux pas qu'ils soient déçus." Elle inclina le visage, se décollant légèrement du jeune homme pour, la tête de nouveau penchée, continuer, et sur un ton qui démontrait une lassitude face à la décision douteuse qu'elle avait prise, alors que ses yeux continuaient à refléter la panique qu'elle tentait de contenir "J'aurais jamais dû leur en parler. J'aurais dû… attendre que tout soit passé, être vraiment sûre que tout se soit bien déroulé au lieu de leur faire nourrir des espoirs inutilement, je…" Elle laissa un rire nerveux et dépourvu de joie percer quand elle rompit pour de bon son étreinte avec Hassan. Yasmine s'anima alors, et les bouts des doigts enfoncés dans ses cheveux qu'elle plaça sur tout un côté de son épaule, elle fit le tour du comptoir du petit-déjeuner, un faux sourire accroché aux lèvres. Empoignant la tasse à peine refroidie du jeune homme, elle en but une gorgée très rapide, et finit par la lui tendre quand elle se décida en même temps "Tiens." fit-elle d'une pierre deux coups. Elle attendit qu'il saisisse la tasse pour aller décrocher l'enveloppe qui lui brûla les doigts – tellement que, dans la panique de l'instant, elle s'en départi aussitôt, et la lança en face de Hassan à qui elle dit, la voix tremblotante de nervosité "Ouvre-là toi – Hassan attends, attends, attends-ttends !" se ravisa-t-elle immédiatement, la voix partant tellement dans les aigues qu'elle ne se reconnut pas et qu'à l'autre bout de la pièce, Sasha émit un miaulement anxieux. Se sentant trembler sous le tissu relativement fin de sa chemise, elle se cacha le visage dans les mains… et puis elle le frotta résolument en inspirant si fort qu'elle sentit ses poumons exploser et sa cage thoracique se décrocher. Néanmoins, ça ne l'empêcha pas d'ajouter à l'adresse du jeune homme qu'elle se força à le regarder à travers ses doigts qu'elle écarta graduellement "Je vais faire quoi si c'est pas bon ?"
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| | | | (#)Ven 31 Jan 2020 - 12:30 | |
| Plus que la peur de ne pas réussir, c’était la peur de décevoir qui se dressait souvent par-dessus l’épaule de Yasmine lorsqu’elle se lançait dans un projet ou décidait de faire preuve d’ambition. Et si Hassan le savait ce n’était non pas parce qu’il voyait passer des élèves devant son nez à longueur de journées – encore que cela aidait à mettre en reliefs certains profils « types » d’étudiants – mais parce qu’il connaissait littéralement la jeune femme depuis le berceau, et que d’aussi loin que remontaient ses souvenirs il lui semblait qu’elle avait toujours fonctionné de cette façon. Peut-être même le conflit opposant son frère et ses parents depuis plusieurs années maintenant avait-il creusé un peu plus encore cette tendance, les talents de psychanalyste du dimanche d’Hassan n’allaient pas jusque-là, mais ce dont il était à peu près certain c’était que plus encore que le contenu de cette enveloppe qu’elle refusait d’ouvrir, c’était la perspective de ce qu’elle devrait annoncer à son entourage qui tétanisait Yasmine. Et si le brun tachait de garder une certaine mesure, conscient que vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué comportait toujours sa part de risque raisonnable, il savait la jeune femme totalement capable et suffisamment intelligente pour se donner les moyens de ses ambitions. « Comment tu fais pour avoir autant confiance en moi. Tu doutes jamais de ma réussite, je comprends pas. » Souriant avec tendresse, il n’avait pas cédé à la réponse qui la première lui était venue en tête de façon naturelle et choisi l’option qui, si elle n’était pas moins vraie, n’entacherait pas le propos de la conversation. « Je doute beaucoup moins de toi que tu ne doutes de toi-même, c’est ça ma botte secrète. » Et qu’on se le dise, Yasmine doutait suffisamment d’elle-même que pour que personne d’autre n’ait besoin de prendre le relai à ce sujet. Pour seule réponse, la jeune femme était venue se blottir contre lui en silence ; Et si la première seconde avait pris Hassan au dépourvu, la seconde lui avait été suffisante pour refermer ses bras autour de ses épaules avec tendresse et caresser une mèche de ses cheveux du bout des doigts. Ça n’était peut-être que temporaire, cela ne voulait peut-être rien dire, mais l’espace de quelques secondes il avait renoué avec la proximité naturelle qui avait longtemps été la leur, et cela lui avait fait au moins autant de bien qu’à elle. « Je suis prête. J'ai juste peur de pas savoir gérer si jamais j'ai raté. Je devrais l'annoncer aux parents, à Sohan, à Sloan … je veux pas qu'ils soient déçus. » Relevant les yeux vers lui, les traits tirés par une certaine forme d’angoisse, elle avait ajouté « J'aurais jamais dû leur en parler. J'aurais dû … attendre que tout soit passé, être vraiment sûre que tout se soit bien déroulé au lieu de leur faire nourrir des espoirs inutilement, je … » et semblait s’être emmêlée dans la fin d’une phrase qui n’était jamais venue. « Peut-être qu’ils le seront … Mais y’a une différence entre être déçu par toi et être déçu pour toi. » Et une différence qui, de son point de vue, était bien plus fondamentale que ne l’était la sensation qu’il jouait simplement sur les mots. « Yas’ tu penses vraiment qu’aux yeux de ton frère ou de tes parents ta valeur se mesure à ce que contient cette enveloppe ? » Elle devait bien savoir que non, et s’il s’était permis de poser la question avec dans la voix une certaine forme de rhétorique c’était parce qu’il était persuadé qu’elle n’avait pas besoin de lui pour faire ce constat. « On a envie que tu réussisses parce qu’on sait que ça te tient à cœur, et si ça ne fonctionne pas on sera déçus parce que toi tu le seras … Mais on n’a pas besoin d’un bout de papier pour savoir ce que tu vaux. » Etait-ce les mots d’Hassan ou bien le courage suffisant que Yasmine était parvenue à rassembler en l’espace de ces quelques secondes supplémentaires ? Reste que la jeune femme avait fini par se détacher de lui, attrapant sa tasse de thé sur le comptoir pour en boire une lampée et se donner du courage, puis la lui rendant d’un « Tiens. » résolu après quoi elle s’était enfin saisie de l’enveloppe, jusque-là laissée en pénitence sur la porte du réfrigérateur. Ses bonnes résolutions envolées la seconde suivante, comme malmenées par un sortilège de conte, elle s’en était néanmoins défaite aussi sec et avait refilé le bébé à Hassan, obligeant ce dernier à reposer la tasse pour s’en saisir à deux mains comme si le poids métaphorique de ce qu’elle contenait pesait trop lourd pour seulement cinq de ses doigts. « Ouvre-là toi – L’idée lui semblait mauvaise, mais avant même qu’il n’ait eu le temps de le faire remarquer l’infirmière s’était ravisée d’un ton paniqué Hassan attends, attends, attends-ttends ! » en provoquant au passage un nouveau miaulement angoissé de Sasha, qui les observait depuis le canapé. « Je vais faire quoi si c'est pas bon ? » Le visage plongé dans ses mains, elle avait entrouvert ses doigts avec fébrilité et ne parvenait pas plus à cacher ses tremblements que le brun à les ignorer. L’enveloppe toujours dans les mains, il avait penché la tête sur le côté « Tu seras déçue. » et plutôt que de l’abreuver de certitudes qu’elle avait forcément réussi il préférait la préparer à une déception éventuelle, certain qu’au mieux la surprise n’en serait que meilleure et qu’au pire, la chute serait – un peu – moins rude. « Mais une fois que tu l’auras digéré tu ne pourras pas t’empêcher de vouloir savoir où ça n’a pas fonctionné et pourquoi ça n’a pas fonctionné, et tu auras peut-être envie de retenter ta chance. » Le droit de se tromper … Celui-là aussi elle avait tendance à l’oublier. « Chaque chose en son temps, hm ? » Et parce qu’il sentait venir l’énième tergiversation de sa part, il avait finalement appliqué son propre conseil et arraché le haut de l’enveloppe comme un arrachait un pansement malgré son propre cœur s’étant lui aussi mis à battre la chamade. Présentant à Yasmine l’enveloppe ouverte, il lui avait fait signe de se saisir du courrier qu’elle contenait, prêt à le faire lui-même mais intimement persuadé qu’elle aurait tout à gagner à le faire elle-même et à lire le résultat de ses yeux plutôt que de l’entendre de la bouche de quelqu’un d’autre.
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| | | | (#)Mer 5 Fév 2020 - 11:46 | |
| EXORDIUM. Elle aurait aimé lui donner tort, affirmer qua sa réussite faisait partie de l'image sans écornures qu'avaient son frère, mais surtout ses parents, d'elle. Sauf qu'Hassan avait raison, et qu'au-delà des conventions sociales et culturelles qu'Amjad et Fatima continuaient à tant vouloir qu'elle suive – même si désormais, le temps passant et l'âge creusant de subtiles marques sur le si joli visage de leur fille, l'espoir s'était tarit pour leur faire admettre que quoi qu'elle déciderait, ils seraient bien obligés de l'accepter – le plus important à leurs yeux restait qu'elle soit heureuse et épanouie. Seulement, ils avaient nourri ce genre d'expectatives bienveillantes à l'encontre de leur fils : à la seconde où il avait été évident qu'il avait dépassé une de leur limite, ils avaient subitement décidé que certain bonheur valait mieux que d'autre et qu'en l'occurrence, le sien, dans les termes de son orientation sexuelle, n'avait pas sa place dans le foyer où il avait grandi. Quelque part, ça terrifiait Yasmine, de se retrouver dans la position de Sohan – d'être démise du rôle qu'elle occupait au sein de la famille Khadji tandis qu'on la contraindrait à rester en dehors du cercle protecteur qu'elle avait toujours connu et chéri, en plus de devoir vivre avec le sentiment d'avoir déçu et trahi. Depuis toutes ces années, elle voyait l'effet que ça avait sur son frère ; elle voyait comme ça avait anéanti tous ses espoirs de vie saine et sereine dans un monde où être musulman et homosexuel était vu comme une double-tare injuste et ignoble ; elle voyait comme il avait cessé d'y croire et comme il s'était fait à l'idée que jamais ils ne trouveraient un terrain d'entente, acceptant sagement l'opprobre par peur de décevoir encore plus s'il se défendait de ne rien faire de mal ; elle voyait comme il souffrait en silence, et comme il intériorisait sa peine sous le prétexte que c'était comme ça qu'on l'avait élevé.... et elle avait mal pour lui, partageant son point de vue sur la question avec la véhémence qu'elle s'autorisait parfois, et qui lui avait récemment valu la première gifle de sa vie. Elle ne l'avait pas supporté, parce qu'elle était assez honnête avec elle-même pour avoir compris que, malgré les libertés qu'elle avait prise au cours de sa vie pour se départir du poids des traditions de ses parents, elle n'était pas aussi forte que Sohan pour supporter davantage de reproches si elle venait à échouer à propos de ce qu'elle leur avait vendu comme le rêve de sa vie. Elle avait été assez habile pour leur faire entendre que c'était ce qu'elle voulait faire, qu'elle avait besoin de cette évolution professionnelle pour continuer sur sa lancée et peut-être, leur donner ce qu'ils attendaient depuis si longtemps d'elle – un gendre, des petits-enfants… et l'enthousiasme de sa mère à connaître ses résultats était une preuve que finalement, elle attendait la conclusion de ce chapitre comme on attend un bel été ; avec une impatience mesurée, mais certaine, charmé par la promesse de jours meilleurs et ensoleillés. Ce n'était pas pour rien qu'ils l'avaient toujours désigné comme l'astre de leur vie, petite fille surprotégée jusqu'à l'éclosion de son caractère qui lui avait permis de s'affirmer, même si ça n'avait été qu'un peu. En vérité, sans le vouloir, ils avaient fait peser une légère pression sur ses épaules en reniant Sohan. Tout était lié, au point de semer le doute dans son esprit et de l'empêcher de considérer son échec comme un droit à part entière. Yasmine ne voulait imposer aucune déception à personne, trop de choses en dépendait.
Elle tut tout ça cependant, bien incapable de verbaliser son cheminement de pensées sans redouter d'exploser. Et puis l'heure était à un autre genre de révélation… qu'elle ne redoutait pas moins, mais qui était trop nécessaire pour qu'elle ne s'échigne à la repousser encore une fois, malgré ses tremblements, malgré les battements accélérés de son cœur, et malgré cette fragilité insupportable qui faisait vibrer le son de sa voix. Retirée derrière le comptoir du petit-déjeuner, elle refila la patate-chaude à Hassan – il avait toujours eu une aura de porte-bonheur à ses yeux et parce qu'elle était désespérée, elle se mit à imaginer que la chance avait sa place dans ce processus. En fait, ce n'était qu'un juste retour à la normalité que de l'avoir à ses côtés dans ce moment en particulier. D'une certaine façon, ça rendait la tache moins ardue que de sentir qu'il était là, prêt à la réceptionner si la chute se révélait plus vertigineuse encore que ce qu'elle s'imaginait déjà. Ça avait toujours été le cas, et la réciproque s'appliquait. Elle ne pouvait définitivement pas oublier les longues journées qu'elle avait passé avec lui dans sa chambre d'hôpital, à anticiper les hauts et les bas de son état de santé tout en tachant de laisser son inquiétude à la porte, sans véritablement y parvenir toutefois, trop consciente de ce qu'elle perdrait s'il venait à s'enfoncer. Elle avait été moins tendre avec lui lorsque sa dépression avait pris le dessus et peut-être qu'au fond, elle lui en avait voulu de ne pas considérer l'importance qu'il avait pour elle comme un fait qui méritait de continuer à vivre. Mais elle ne lui en avait pas tenu rigueur, se flagellant à la place de faire preuve d'autant d'égoïsme ; et bien que les derniers mois n'avaient pas été de tout repos entre eux, l'idée qu'il retrouve cette sa position d'homme providentiel, ça lui rappelait ces nombreuses fois où il avait été le premier vers qui elle s'était tournée lorsqu'elle avait eu des choses à partager, bonnes ou mauvaises. Hassan avait souvent les bons mots, le bon ton et la bonne attitude quand il s'agissait d'attendrir la rugosité des reproches dont elle se gratifiait. Et cette fois-là encore, ça lui vint naturellement, de répondre aux doutes qu'elle avait du mal à contenir, son angoisse craquelant lentement le masque de crèmes, de crayons et de poudres qu'elle s'était échinée à vouloir porter pour mieux dissimuler tout ce qui la contrariait. Elle se lâcha le visage pour regarder le jeune homme qui tenait l'enveloppe dans ses mains et lui répondit doucement, les yeux papillonnant pour se recentrer sur le rectangle de papier qui lui semblait beaucoup trop blanc à cet instant "Ou je vais mal gérer. Considérer que je vaux pas mieux que ce à quoi je suis habituée, et continuer à faire ce que je fais depuis que je suis rentrée." C'est-à-dire repousser ceux qui tentaient de l'approcher de trop près et prétendre qu'elle avait toujours été aussi inaccessible et secrète, alors que ceux qui la connaissaient par-cœur savaient que ce n'était pas la vérité et qu'au contraire, elle avait été toujours si transparente qu'il arrivait que les autres puisse deviner ses secrets avant elle. Un demi-aveux de son état d'esprit sur lequel elle ne laissa pas Hassan s'appesantir, même si pendant une fraction de secondes, elle caressa l'envie soudaine de lui demander textuellement s'il serait là à ce moment-là. Elle préféra déglutir doucement, opinant du chef avec la même intention lorsqu'il conclut que chaque chose en son temps, et qu'il commença à décacheter l'enveloppe. Elle sentit quelque chose s'actionner en elle – la dernière réserve de souffle qui lui restait, et qu'elle bloqua discrètement pendant qu'elle coinçait ses longs cheveux humides à deux mains derrière ses oreilles. Quand il lui tendit l'enveloppe, elle sentit ses yeux s'écarquiller, et sa bouche s'entrouvrir. Un "Je…" fila entre ses lèvres, incertain et inutile, et ses doigts se tendirent jusqu'à la lettre qu'elle voyait dépasser de la déchirure de l'enveloppe. Une fois, deux fois, trois fois, elle hésita à la saisir. A la quatrième, elle sentit le bord du papier lui mordre la pulpe de ses doigts qui vacillait dans l'espace qui la séparait du jeune homme. Elle leva la tête vers Hassan pour lui demander "On la lit en même temps, d'accord ?" Et elle ne se laissa plus le temps de réfléchir, se reposant sur la réponse du jeune homme qu'elle finit par rejoindre de l'autre côté du comptoir du petit-déjeuner, la lettre dans une main, l'autre tremblant si fort qu'elle la crispa un instant au bord dur du comptoir dans l'espoir de se calmer. Et pendant quelques secondes, elle resta là, à côté d'Hassan, ne faisant rien d'autre que de puiser dans ses réserves d'oxygène, la bouche arrondie et les yeux fermés… qu'elle rouvrit enfin, parée à ouvrir la lettre qui contenait les résultats tant redoutés, et qu'elle plaça entre eux en demandant au jeune homme "Prêt ?" Il l'était sans doute plus qu'elle, et c'est en même temps qu'ils prirent connaissance des tournures de phrases pompeuses du courrier qui tressautait entre les doigts de la jeune femme dont l'avenir dépendait quasi-entièrement des quelques lignes qui se terminaient par la réponse à la question qu'elle se posait depuis trop longtemps : avait-elle réussi son examen, ou non ?
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| | | ÂGE : des milliers d'années, mais je suis bien conservé. STATUT : marié au hasard. MÉTIER : occupé à pimenter vos vies, et à vous rendre fous (a). LOGEMENT : je vis constamment avec vous, dans vos têtes, dans vos esprits, et j'interviens de partout, dans vos relations, dans vos joies, vos peines. POSTS : 31459 POINTS : 350 TW IN RP : nc PETIT PLUS : personne ne sera épargné, c'est promis les chéris. AVATAR : je suis tout le monde. CRÉDITS : harley (avatar), in-love-with-movies (gif) DC : nc PSEUDO : le destin. INSCRIT LE : 15/12/2014 | (#)Mer 5 Fév 2020 - 11:46 | |
| Le membre ' Yasmine Khadji' a effectué l'action suivante : Lancer de dés
'dé action' : |
| | | | (#)Ven 6 Mar 2020 - 6:15 | |
| Il le savait bien Hassan, qu’il se frottait à un sujet dont il ne pouvait qu’imaginer les enjeux sans toutefois les comprendre dans leur totalité. Il pesait sur les épaules de Yasmine et de Sohan comme sur celles de la plupart des enfants le désir de faire la fierté de leurs parents, celles de Yasmine alourdies sans doute par le fait qu’aux yeux d’Amjad et de Fatima leur aîné avait échoué dans cette tâche. Et si Hassan, au même titre que Qasim, portait aux parents Khadji une affection quasi-filiale, le sang qu’ils ne partageaient pas était un poids en moins à faire peser dans la balance de ses choix de vies, de ses réussites et de ses échecs – un luxe que la brune, elle, ne possédait pas. Lui pourtant voulait croire que les parents de la jeune femme ne répéteraient pas la même erreur une seconde fois, et que d’avoir creusé eux-mêmes le fossé qui les séparaient désormais de leur aîné les rendraient plus prompts à mâcher leurs mots face aux choix faits par Yasmine, à ses réussites mais aussi ses échecs. L’optimisme d’Hassan le poussait aussi à continuer de croire qu’une réconciliation était possible entre Sohan et ses parents, et si jusqu’à présent les faits n’avaient pas su lui donner raison, il n’en avait toujours pas démordu … Rien d’étonnant donc, à ce qu’il continue de cultiver cet optimisme en tentant de calmer les angoisses de la cadette. Résolue durant un court instant, Yasmine avait à nouveau freiné des quatre fers la seconde suivante, semblant prise d’une nouvelle bouffée d’angoisse dont avaient découlé d’autres incertitudes, et que le brun avait tenté de rationnaliser du mieux qu’il pouvait. Si elle tombait et s’écorchait un genou elle aurait mal, puis se relèverait, soignerait son bobo avant d’y mettre un pansement, et d’ici quelques temps il n’y paraitrait plus ou presque ; Ce n’était pas différent pour le contenu de cette enveloppe, s’il ne devait pas être celui qu’elle espérait. Et que les autres espéraient pour elle. « Ou je vais mal gérer. Considérer que je vaux pas mieux que ce à quoi je suis habituée, et continuer à faire ce que je fais depuis que je suis rentrée. » L’espace d’une seconde il avait eu envie de demander ce qu’elle entendait par là, ce qu’elle englobait au juste dans « ce qu’elle faisait depuis qu’elle était rentrée » et de tenter de lever le voile sur ce à quoi il avait assisté impuissant depuis son retour d’Afrique. Mais craignant de lui tendre une énième perche pour repousser l’inévitable il avait tenu sa langue, et proposé qu’elle prenne les choses dans l’ordre et commence par s’enquérir du résultat de ses examens avant de s’inquiéter de ce qu’elle ferait en cas d’échec. Silencieuse, elle s’était contenté d’acquiescer et n’avait pas protesté lorsqu’il avait – enfin – ouvert l’enveloppe, avant de la lui tendre d’un geste encourageant pour qu’elle s’en saisisse. « Je … » Les doigts tremblants, elle s’était exécutée non sans déglutir ostensiblement et avait considéré quelques instants le contenu de la dite enveloppe avant de s’en saisir avec fébrilité. « On la lit en même temps, d'accord ? » Glissant pour le rejoindre de l’autre côté du comptoir, elle s’était contenté de son approbation silencieuse pour le rejoindre et lui avait instinctivement passé un bras autour de ses épaules lorsqu’elle était venue se planter à ses côtés. Sans la brusquer, il lui avait laissé prendre le temps et le courage dont elle avait besoin et s’était contenté de répondre à son « Prêt ? » incertain par un « Dès que tu le seras. » plus assuré. Son cœur à lui aussi s’était pourtant mis à battre plus vite et plus fort, tandis qu’enfin elle dépliait le courrier et le posait à plat sur le plan de travail faute que le tremblement de sa main ne leur permette d’en lire le contenu correctement. Avait-elle parcouru le texte linéairement ou bien son regard avait-il comme celui d’Hassan été directement attiré par la seconde moitié sans se soucier des formules de politesses et autres fioritures de circonstance ? Reste que le silence s’était étiré dans la cuisine pendant de trop longues secondes pour que le brun ne puisse pas croire qu’elle avait tout lu elle aussi, et plutôt que de commenter avec des mots vides de sens ce qui s’avérait finalement être un échec il avait resserré son bras autour de ses épaules comme pour lui prouver qu’il ne la lâchait pas, et déposé sur sa tempe un baiser qu’il savait être bien peu de choses en comparaison de la déception qui s’était probablement emparée d’elle. Il n’avait pas menti : il était déçu lui aussi, mais pas tant déçu par le résultat que déçu pour Yasmine et pour les espoirs qu’elle avait fondé dans ces examens, ainsi que pour le temps et l’énergie qu’elle y avait consacré sans que cela suffise. Il en voulait au monde entier de piétiner ainsi quelque chose que la brune avait autant à cœur, et il se sentait bête de l’avoir abreuvée de son optimisme et de lui avoir peut-être rendu la chute plus rude. Il aurait eu mille choses à dire mais avait pris le temps de choisir, et s’était finalement fendu d’un « Ça va aller. » qui lui semblait préférable à un « c’est pas grave » qu’elle aurait été en droit de contester. Car ça l’était sans doute pour elle, grave, et que maintenant n’était pas le meilleur moment pour lui donner une énième occasion de ravaler ses sentiments sans rien oser en dire. Sa main glissant de haut en bas contre l’épaule de la brune de façon rassurante, il avait utilisé l’autre pour repousser le courrier plus loin sur le plan de travail et éviter à Yasmine d’en relire encore et encore le contenu comme si elle s’attendait à ce qu’il change subitement, puis l’avait enlacée plus franchement. « Ça va aller. » Ou du moins l’espérait-il, la remarque de la jeune femme quant au fait de « continuer à faire ce qu’elle faisait » résonnant désormais d’une toute autre manière et pinçant son plexus avec une appréhension que son silence ne faisait qu’amplifier.
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| | | | (#)Mar 17 Mar 2020 - 17:51 | |
| EXORDIUM. Yasmine était indiscutablement modeste, reste qu'elle était aussi extrêmement lucide. C'était d'ailleurs ça qui lui permettait d'affirmer qu'en vérité, elle n'avait jamais connu l'échec… pas même une seule fois. Si on l'observait d'en haut, si on suivait son parcours d'un point de vue tout extérieur, perché sur le grand arbre cosmique qui surplombait son si joli parcours, elle était l'archétype-même de la jeune femme qui en voulait et qui s'en donnait les moyens. Pas en écrasant les autres ou en usant de stratégies machiavéliques pour obtenir ce qu'elle pensait mériter, même rien qu'un peu, mais en travaillant d'arrache-pied, et en ne laissant personne remettre en doute ses capacités à obtenir ce qu'elle voulait. Ça, elle s'en chargeait elle-même, tellement bornée sur le sujet qu'à l'entendre parler, on se rendait très vite compte qu'elle ne croyait pas faire partie de ces privilégies qui étaient nés avec une tête bien faite. A ses yeux, son savoir résultait d'heures de révisions harassantes et fastidieuses, et pas d'un quelconque talent inné pour la science et ses à-côtés. Elle était intelligente, certes… dans une certaine mesure toutefois, et ça ne prêtait à aucun débat. Tout le monde n'était pas fait pour les grandes études, tout le monde n'avait pas la capacité d'assimiler des centaines de milliers de pages, de notions et de schémas… et visiblement, c'était son cas. Bonne à rien. C'était un terme aussi dur qu'erroné si on considérait la carrière qu'elle s'était bâti ces dernières années, mais aussi l'excellente réputation qui la précédait tant elle était consciencieuse, droite et douée pour ce qu'elle faisait. Et pourtant, en lisant les quelques lignes qu'elle avait sous les yeux, et dont elle tronqua la moitié, impatiente comme elle l'était, c'est ce qu'elle pensa immédiatement. Sournoisement, la honte s'insinua en elle comme une bouffée de chaleur si intense qu'elle en ressenti tous les effets indésirables qu'elle classa par ordre croissant ; la tête qui tourne, les joues qui rosissent et le pouls qui s'accélèrent au point d'en devenir tellement, tellement douloureux qu'elle se demanda si elle allait réussir à tenir debout. Il le fallait, elle en avait conscience. Et pas seulement parce que tout à coup, la présence d'Hassan à ses côtés lui parut encore plus certaine, le moindre de ses gestes devenant palpable tandis qu'elle se concentrait pour ne pas tomber ni laisser l'angoisse qui l'avait tant travaillée ces dernières heures la submerger. C'était terminé.
Les lèvres du jeune homme sur sa tempe, puis sa main remontant de bas en haut sur son épaule, la ramena à une réalité à laquelle elle n'aurait pas refusé d'échapper, sonnée par la lourdeur qui venait de lui tomber dessus comme un poids qu'elle avait longtemps anticipé, sans parvenir à réellement s'imaginer à quel point il serait pénible à porter. Ca va aller, l'entendit-elle lui murmurer et doucement, presque graduellement, elle ferma les yeux, laissant sa tête trouver l'angle de son épaule dans laquelle elle creusa pour venir y nicher le bout de son nez qui lui picota sans qu'elle ne le veuille tout à fait. La chaleur du corps d'Hassan la rassura à peine. Néanmoins, elle se laissa envelopper par la sensation de retrouver quelque chose qu'elle avait eu le sentiment d'avoir perdu il y avait des semaines de cela, se raccrochant à cet acquis comme à une bouée saisie à l'arrache, jetée trop tard pour totalement parvenir à en faire quelque chose. Yasmine s'entendit retenir un léger sanglot. Elle se souvenait de toutes ses chutes à vélos, de tous ses coups de folie lorsqu'elle déboulait avec l'assurance bancale d'un garçon manqué, droit dans les ronces, juste pour prouver à ses parents, mais aussi au voisinage qu'elle était aussi capable de courir comme une championne que son frère et ses amis ; de la manière dont elle se relevait avec l'impatience d'un bambin apprenant tout juste à marcher, les larmes aux yeux, les mains écorchés et pleines de cailloux, les genoux ensanglantés…mais avec un sourire si radieux sur le visage qu'on en venait à oublier qu'elle s'était blessé. Yasmine, ça avait toujours été celle qui rassurait, qui berçait, qui promettait que ce n'était rien et qui repartait en claudicant, s'assurant de donner des nouvelles à celui qui l'avait ramassé pour qu'il ne se fasse pas trop de souci, pour qu'il dorme mieux la nuit ; parce qu'elle ne voulait pas faire de la peine aux autres, parce qu'elle ne voulait inquiéter personne même si ça signifiait qu'elle devait édulcorer sa propre souffrance et ronger son frein pour ne pas hurler. Elle n'en pouvait plus de retenir tout ça, d'être celle vers qui on se tournait dans l'espoir de grapiller quelques rayons pour espérer éclairer un ciel trop sombre. D'un côté, elle se trouvait égoïste de vouloir s'en décharger, elle qui, il n'y avait pas si longtemps encore, trouvait son identité dans l'idée d'apporter son soutien à autrui sans rien demander en retour. Mais de l'autre, elle se demandait : qui lui apportait vraiment du soutien, à elle ? Cette mauvaise nouvelle était l'occasion de faire tomber une barrière, d'être plus fragile qu'elle l'avait toujours prétendu pour permettre aux autres d'aller mieux. Elle aussi elle avait besoin d'aller mieux, de sentir que pendant quelques temps, elle pouvait ne pas justifier son comportement et trouver la paix dans le simple fait d'être soutenu par la bonne personne ; celle qui comprendrait ses silences sans chercher à les rendre moins denses, juste en leur laissant de la place autant que toutes ces paroles insensées qu'elle avait prononcées depuis son retour d'Afrique pour exprimer maladroitement son état d'esprit. Elle était fatiguée. Elle ne voulait plus prétendre qu'elle n'était pas atteinte dans cet amas indistinct qui formait son amour propre à cet instant-là. Ça faisait des mois que ça durait, des mois que ça lui faisait du mal de craindre que le premier échec de sa vie puisse provenir de sa volonté farouche de se prouver à elle-même qu'elle était véritablement capable de quelque chose. C'était le projet le plus important dans laquelle elle s'était lancée depuis la fin de ses études d'infirmière… et c'était celui sur lequel elle se cassait méchamment les dents, sans aucune autre option que d'accepter qu'elle avait été trop sotte pour viser aussi haut, aussi fort. Elle avait le droit d'être malheureuse, elle avait le droit d'être déçue et de ne pas retenir les larmes qui se mirent à mouiller la chemise d'Hassan… et elle se l'accorda, ce droit ; avant de se décoller doucement de lui et d'opiner du chef lorsqu'elle se retrouva face à lui, le visage nimbé d'un masque humide qu'elle assécha avec les paumes de ses deux mains.
"Je m'en doutais. Je le savais. C'est pas plus mal." fit-elle seulement, ne se laissant pas le temps de renouer avec ses anciennes habitudes et de sourire pour faire joli. Elle s'en exempta totalement, penchant la tête sur le côté pour demander au jeune homme, le regard directement fiché dans le sien "J'annoncerai la nouvelle un peu plus tard, d'accord ? Je veux qu'on profite de la journée pour se retrouver avec les parents. Ils sont contents qu'on vienne déjeuner, je veux pas gâcher la fête en leur disant que j'ai…" Elle renifla un peu, et baissa la tête pour remarquer que Sasha avait refait son apparition dans la pièce, juste à ses pieds. Miaulant et ne demandant pas mieux qu'elle le soulève pour venir apaiser le tressautement de son corps transi par la déception, il tendit la patte pour venir frôler sa cheville. Yasmine se pencha pour le prendre, le pressant contre sa poitrine, à l'endroit où s'ouvrait légèrement sa chemise, et reprit en même temps, et à l'adresse d'Hassan "Ça n'engage pas grand-chose. Juste quelques heures, le temps que je rassemble un peu mes esprits, que je fasse sur le point sur ce que ça implique." L'annulation de sa bourse, les regards de ceux qui étaient au courant de ses projets, l'idée qu'elle allait devoir retourner travailler avec ce boulet accroché à ses chevilles… elle sentit à nouveau ses yeux se remplir de larmes quand elle prit une profonde et douloureuse inspiration, lui affirmant sans l'ombre d'un sourire, mais les sourcils froncés pour lui montrer qu'elle y croyait quand même, même si ce n'était pas beaucoup pour le moment "Ça va aller, Hassan."
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| | | | (#)Dim 29 Mar 2020 - 22:54 | |
| Qu’y avait-il de plus frustrant que d’assister ainsi à la détresse de l’être cher sans rien pouvoir faire pour l’aider, ou pour apaiser son chagrin de quelque manière que ce soit ? Hassan aurait voulu avoir les mots suffisants, la formule magique pour sécher les larmes de Yasmine et toute la solitude intérieure qui allait probablement avec, mais un tel tour de force n’existait pas il n’avait que son épaule à proposer et sa présence à assurer – cela lui semblait bien peu de chose, à cet instant. Reste que ne souhaitant pas la priver de l’occasion de gérer sa déception à son rythme, il n’avait pas fait de commentaire, pas amorcé de discussion, et n’avait fait que glisser une main compatissante contre son dos comme on consolait un enfant après un mauvais rêve un peu trop vivace. Une partie de lui en voulait à la terre entière sans aucun sens logique, de contrarier ainsi des espoirs et des plans qu’il savait tenir autant au cœur de la jeune femme, de l’empêcher d’accéder à quelque chose pour lequel elle avait suffisamment dépensé d’énergie pour être en droit de le mériter. Il aurait voulu la protéger de cela comme de tout ce qui aurait pu l’égratigner, quand bien même elle lui avait si souvent répété (comme à Sohan) qu’elle n’avait pas besoin que l’on joue les chiens de garde pour son compte, mais contre les mots sans égard étalés sur un bout de papier il était pourtant totalement impuissant. Après ce qui aurait aussi bien pu être une éternité qu’un claquement de doigts néanmoins, les sanglots de Yasmine s’étaient étouffés peu à peu et la concernée avait séché ses jours d’un revers mal assuré de la main. Reniflant et semblant chercher les bons mots pour reprendre la parole elle avait acquiescé comme on se donnait un peu de courage. « Je m'en doutais. Je le savais. C'est pas plus mal. » L’expression sur son visage témoignant des sentiments contradictoires que lui inspirait cet aveu – auquel il peinait clairement à croire – il n’avait pas su quoi en dire et avait donc laissé à la jeune femme le champ libre pour reprendre « J'annoncerai la nouvelle un peu plus tard, d'accord ? » sans besoin de nommer clairement ses parents. « Je veux qu'on profite de la journée pour se retrouver avec les parents. Ils sont contents qu'on vienne déjeuner, je veux pas gâcher la fête en leur disant que j'ai … » Baissant les yeux, semblant à deux doigts de verser de nouvelles larmes, elle avait profité de la réapparition de son chaton pour s’en saisir et se donner au passage une contenance. « Ça n'engage pas grand-chose. Juste quelques heures, le temps que je rassemble un peu mes esprits, que je fasse sur le point sur ce que ça implique. » Lui n’était pas convaincu du bien-fondé de cette manière de procéder, et sa dubitation devait suffisamment se remarquer pour que Yasmine se sente obligée d’assurer « Ça va aller, Hassan. » Sourcils froncés, à peine attendri par la façon dont Sasha s’agrippait à sa maitresse quand en temps normal l’image lui aurait arraché un sourire, il avait questionné « Tu es sûre ? Je peux toujours appeler tes parents et leur dire que tu es malade, ou … je sais pas. » Il n’avait pas la moindre idée de comment il dissuaderait Fatima de ne pas débarquer sur le pas de la porte séance tenante en apprenant que sa fille était trop malade pour honorer le repas dominical, en vérité, mais d’imaginer Yasmine ravaler tout ce qui devait se bousculer dans sa tête pour donner le changer tout un après-midi lui serrait le cœur. « T’es pas obligée de te forcer à garder tout ça là-dedans, tu sais. » Doucement, il avait pointé l’index en direction de sa poitrine, là où son cœur devait tenter sans succès de ne pas éclater en mille morceaux. « C’est humain d’être déçu … Personne te demande d’accepter sans broncher. » Mais n’était-ce pas ce qu’elle faisait depuis toujours, au fond ? Yasmine avait toujours ressemblé à un cours d’eau paisible, et de la voir ainsi, tentant tant bien que mal de retrouver son masque d’impassibilité malgré la tempête qui devait se jouer sous son crâne, il réalisait qu’il n’en avait peut-être jamais rien été et que bouillonnait un feu dont ni lui, ni ses parents, ni Sohan ni personne n’avait jamais pris la mesure. « Mais c’est toi qui décide. » avait-il pourtant repris, y joignant un sourire qu’il voulait rassurant. « Et si tu préfères ne rien dire, je ne dirai rien non plus. Je suis de ton côté, quoi que tu décides. » Fut un temps où il ne l’aurait peut-être pas dit, parce que persuadé qu’elle le savait déjà … Maintenant il ne prenait plus le risque. Mieux valait enfoncer une porte ouverte que de mettre la mauvaise clef dans la serrure.
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| | | | (#)Dim 5 Avr 2020 - 14:09 | |
| EXORDIUM. "Tu crois que maman va accepter mon désistement sans se pointer devant ma porte cinq minutes après ?" Elle pouvait déjà imaginer sa mère ordonner à son père de la conduire jusqu'à Redcliffe pour s'assurer que Yasmine ne frôlait pas la mort, toute prête à lui enfoncer dans la bouche, et de force, de quoi s'alimenter. J'ai dit à ton père que je te trouvais trop maigre ces temps-ci, benthi, l'entendait-elle pépier à l'autre bout de ses pensées désorganisées, alourdies par le chagrin qui la rendait lasse, presque éteinte "Je pensais que tu la connaissais mieux que ça." ajouta-t-elle en pressant Sasha tout contre son cœur douloureux, le plumeau tout doux de sa fourrure faisant naître des frissons sur le carré de peau qu'il frôla. Et même là, elle ne réussit pas à laisser percer le sourire qui aurait immanquablement creusé des fossettes dans ses joues en pensant à la manière si protectrice, si viscérale qu'avait sa mère de réagir lorsqu'il s'agissait de sa fille. Dans le fond, elle n'avait pas à craindre de lui apprendre la nouvelle de son échec cuisant. Une partie d'elle savait que Fatima serait capable de partir en croisade contre quiconque laisserait croire à sa fille qu'elle n'était qu'une moins que rien, mais il y avait tant de choses à prendre en compte, il y avait tant de choses pour lesquelles elle avait nourrit peur et angoisse que d'une certaine façon, c'était sa réaction à elle, et personne d'autre, que Yasmine redoutait le plus. Elle se mordit la lèvre inférieure, inclinant le menton sur la tête velue de son chat à qui elle planta un baiser entre les deux oreilles, mettant en route la machine à ronrons qui rompit le silence brusquement retombé dans la pièce. Pendant un instant, elle inspira l'odeur particulière qu'il dégageait et ferma les yeux dans l'espoir, vain, de se réconforter comme elle le pouvait ; comme avec son vieux tigre en peluche qui sommeillait dans le placard de sa chambre et qu'elle sortait en temps de nuits agitées – souvent, donc. La déception qui grouillait dans chaque parcelle de son être, elle avait le sentiment qu'elle ne s'atténuerait jamais. Ça avait profondément entaillé les minces reliefs de la confiance qu'elle avait en elle-même, et elle le sentait. Elle n'avait jamais été douée pour se trouver des qualités, c'était vrai… sauf que les choses ne s'arrangeraient pas suite à la nouvelle qu'elle venait d'apprendre.
Est-ce qu'elle surréagissait ? Elle ne se posa pas la question, s'arrêtant sur le doigt qu'Hassan pointa en direction de son cœur, et qu'elle se mit à fixer après avoir rouvert les yeux. "Je sais. Mais il y a trop de choses là-dedans, je sais pas par quoi commencer pour m'en débarrasser." se risqua-t-elle à lui révéler, sortant de la limite de ce qu'elle s'autorisait à partager d'ordinaire, portée par la tristesse infinie qui lui était tombée dessus à la seconde où elle avait compris que c'était fini, qu'elle pouvait remballer ses rêves et ses espoirs et se contenter de ce qu'elle avait déjà pu atteindre, et rien de plus. Elle n'osa pas lever les yeux vers lui cette fois, elle resta immobile. C'était peut-être la première fois depuis qu'elle était rentrée du Niger qu'elle était aussi sincère avec le jeune homme – non, il y avait eu cette fois-là sur le bas-côté de la route. Le regard qu'il avait posé sur elle quand il avait saisi toutes les nuances de ce qu'elle n'avait jamais été capable de lui dire jusqu'à ce qu'il l'accule, jusqu'à ce qu'il creuse assez profond pour qu'elle lui dise clairement qu'elle l'évitait pour se protéger, elle ne l'oublierait jamais. Ça l'avait blessée, mais en même temps ça lui avait fait prendre conscience qu'elle s'était fait tout un monde auquel il n'adhérait pas et qu'il fallait qu'elle s'y fasse ; pour le meilleur. Elle avait fait la paix avec cette partie-là de leur histoire commune et ici, les enjeux étaient différents : il ne s'agissait que d'elle maintenant. Elle prit une légère inspiration, mais elle fût tout aussi douloureuse que si elle avait été profonde. S'inclinant pour reposer Sasha à ses pieds, elle réunit ses cheveux encore humides sur son épaule, puis elle posa les mains sur ses hanches en examinant ses différentes options ; se terrer chez elle le temps d'être suffisamment capable d'affronter le reste du monde et ses questions, ou aller de l'avant avec difficulté et profiter de la promesse du bel après-midi qui l'attendait. Ce serait difficile, elle pressentait les fois où elle s'échapperait de la conversation pour se murer dans sa réflexion… mais Hassan avait raison, sa réaction était la plus humaine, la plus normale possible. Elle prit une seconde de réflexion supplémentaire ; Yasmine n'avait pas envie de rester seule. "Je vais juste les prévenir qu'on aura un peu de retard. Je vais rafraîchir un peu tout ça." Et elle désigna son visage marbré par ses grosses larmes, son maquillage n'ayant pas tenu sous leur torrent. Se ranimant pour se tourner vers le comptoir, elle roula en boule la lettre qu'elle avait laissé de côté. Ce geste fût à peine thérapeutique, et alors qu'elle contournait l'angle ouvert de la cuisine pour aller la mettre à la poubelle, elle dit au jeune homme qu'elle rejoignit tout de suite après "Merci. Merci d'être toujours là malgré… tout." conclut-elle en cherchant son regard, toujours baigné de tant de choses, mais de larmes surtout, et qui s'enfonça dans le sien. Il brillait aussi des faits tacites qui avaient assombrit leur relation – qu'elle essayait toujours de sauver, malgré tout, se pendant à son cou encore quelques secondes de plus.
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| | | | | | | | (yassan) i'll tell you the truth but never goodbye |
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