Toutes ses promesses avaient violemment volé en éclat lorsque Matt avait sollicité son aide par texto. Toutes ses belles paroles stipulant qu'elle n'œuvrerait qu'à se protéger, qu'elle se fermerait aux vicissitudes de l'histoire d'Autrui pour apprendre à combler ses propres failles. Elle n'avait pas hésité une seule seconde à bafouer ses règles pour se précipiter vers la sortie de son appartement, quitte à laisser Michael en plan avec leur dernier montage et son compte PornHub encore identifié, l'autorisant à répondre à tous ces commentaires de rageux quand elle était persuadée que ceci relevait d'une pure perte d'énergie - et parfois résultait de vues en moins. Tant, qu'il lui appartenait par la suite de commenter ses propres messages inscrits de la main de son époux pour les justifier et calmer les ardeurs acides de leur public. Mais tout ça ne valait plus rien, quand Matt avait besoin d'elle. Sa personne de confiance. Et à mesure qu'elle réduisait la distance entre son corps et l'entrée du café/bar, elle se rendait compte que le McGrath constituait en vérité son exception à ses règles. Bien sûr qu'elle ne se donnait pas aux autres comme à lui. Bien sûr qu'il était encore, toujours, à perpétuité, coulant de source. Celui qui l'attirait, l'animait, la faisait agir instinctivement plutôt qu'avec raison. Ou du moins, sur ces points-là.
Elle l'avait épaulé pour assurer les services déjà mal gérés de son précédent bras droit. Elle ne s'était pas privée de lui clamer le fond de sa pensée sur le personnage, tout comme sa langue n'avait pas été liée quand les parents McGrath apparurent à Brisbane ou que le fils de l'infernale sœur avait décidé de mettre les voiles. Son caractère mauvais était sans doute ressorti, mais il était indéniablement doublé de sa détermination à ne pas laisser Matt tomber.
Si bien qu'elle était encore là, derrière le bar. Les premiers clients arrivaient après leur journée de travail en vue d'évacuer la pression accumulée depuis plusieurs jours et se féliciter de n'avoir assassiné aucun collègue ni client avec quelques verres et shooters bien mérités. Deklan avait fini par arrêter de toiser ses moindres recettes et éventuellement accorder une potentielle confiance en ses aptitudes de barmaid. Pas que l'avis du grand lui importait, ce n'était pas les paroles de l'employé qui l'empêcherait de mettre du cœur à l'ouvrage - autant que cette affaire était le bébé de Matt - et de servir tous les individus majeurs sur son passage. Allie était dynamique et apprenait vite. Les sourires n'étaient pas offerts avec ses services, mais au moins, personne ne restait avec un verre vide.
Qu'elle bossait ici, même si c'était juste une fois par ci, une fois par là. Je réalisais pas qu'elle était ici, qu'elle était à quelques centimètres parfois, qu'elle était là, tout simplement là.
C'était comme si tout s'était replacé, comme si tout n'avait jamais bougé. Nope, try harder. Mais du moins, y'avaient des éléments qui laissaient notre passé en suspens - et ma volonté de garder certains points encore cachés, noués, voilés aussi longtemps que je le pourrai, qu'elle le pourra également. C'était pas facile de me la fermer. De pas lui demander où elle rentrait une fois son quart de travail terminé. Qui elle rejoignait, si elle rejoignait quelqu'un. C'était de la torture de pas la questionner sur les raisons pourquoi, parfois, elle était concentrée et muette, et pourquoi à d'autres moments elle était distante, sauvage. C'était un casse-tête contre moi-même de ne pas agencer toutes les pièces qu'elle égarait peut-être volontairement, peut-être pas, éviter de faire ce que j'ai fait toute ma vie d'assembler les morceaux, de voir que le résultat final, de me faire des milliers de scénarios jusqu'à m'en rendre malade.
Mais je lui faisais confiance. Je lui faisais confiance sur ma vie, j'avais accepté de pas savoir, j'avais même proposé que tout ça reste en suspens, j'allais assumer autant que possible. Parce que c'était elle, c'était moi, c'était nous.
« J'ai reçu des caisses à vider dans l'annexe. » que je finis par avancer, quand j'ai fait le tour de la terrasse pour m'assurer que tout était bon pour les clients déjà attroupés, que l'apéro y allait bon train. Deklan à proximité qui remplit son plateau de commandes pour la salle quand je m'adresse à Allie, Deklan qui hausse le sourcil sans dire un mot, le con, le gamin, lui qui attend que je précise ma pensée non sans croiser ses bras sur sa poitrine et s'appuyer sur le bar le temps que je passe sous le comptoir pour me retrouver avec elle, côté bouteilles. « Tu peux venir quand t'as fini? » il laisse échapper un rire, son regard passe d'Allie à moi avant d'attraper des serviettes de papier au vol, énièmes pailles avec. « Chaperonne ailleurs, toi. » je lui souffle, ma voix d'ange additionnée d'un regard noir qui va pas du tout avec mon manque d'autorité revenu à la normale - au plus bas - depuis que le ménage du printemps s'est fait dans l'équipe.
Quand Allie me suit de l'autre côté et que j'ouvre les lumières de l'annexe fermée pour ce soir, y'a pourtant bel et bien des caisses fraîchement livrées. Bouteilles à garder ici, bouteilles à renvoyer de l'autre côté, bouteilles à ajouter à l'inventaire, c'est un vrai travail de moine à faire, j'ai rien inventé. « Et après ils oseront dire que j'ai menti. » je râle, gamin pris dans mes vestiges de barbe de quelques jours dûe aux derniers événements - aheum mes parents & la fuge de Noah - qui n'ont pas été de tout repos.
Je m'applique à la réalisation de deux Havana Beach quand la voix de Matt résonne à quelques mètres. « J'ai reçu des caisses à vider dans l'annexe. » Je perçois Deklan se stopper dans son élan, plateau bien fourni en mains, pailles en attente. Je leur laisse soigneusement le soin de jouer eux enfants entre eux tandis que je sectionne sans cérémonie des limes, aussi frustrée que comblée que seul le son de sa voix me fait toujours le même effet. « Tu peux venir quand t'as fini? » Matt se rapproche malgré le fait que je sois armée, en dépit de ma concentration ultime à faire de ce rafraîchissement une véritable oeuvre d'art à en rendre jaloux et honteux mon officieux collègue qui lâche un rire avant d'attraper le dernier matos pour compléter son plateau. « Chaperonne ailleurs, toi. » Je passe devant le McGrath sans mot dire, muni du cocktail à destination de la cliente que j'encaisse efficacement. Je passe mes doigts sous l'eau avant de me rapprocher du gérant, malicieusement à sa disposition.
L'annexe se découvre une nouvelle fois sous les projecteurs d'une ampoule survoltée. Je cille, remarque les nombreux cartons en attente de déballage. « Et après ils oseront dire que j'ai menti. » Un sourire provocateur apparaît sur mon minois alors que mes doigts glissent affectueusement sur la mâchoire carrée, mal rasée, du garçon. « Penses-tu vraiment que c'est le genre de choses qu'ils disent dans ton dos ? As-tu vraiment besoin d'un chaperon ? » J'effectue quelques mètres vers les cartons, nourris avec arrogance le mystère, étudie le local avant de tourner les talons pour lui faire face. « Est-ce que ce sont les derniers cartons à déballer avant que t'investisses enfin l'annexe ? » Je questionne, lueur de défi actionnée, intentions aussi ambitieuses et bienveillantes.
On troque le brouhaha du café pour le calme de l'annexe ; et ce serait mentir de dire que des fois je viens pas ici juste pour relaxer, juste pour calmer ma tête qui tourne dans tous les sens. C'est tranquille dans le coin, ça le sera pas longtemps vu l'horaire que j'ai planifié pour le local ajouté au principal, mais encore aujourd'hui, ça fait du bien de s'y poser. Avec elle.
« Penses-tu vraiment que c'est le genre de choses qu'ils disent dans ton dos ? As-tu vraiment besoin d'un chaperon ? » « T'as entendu quoi jusqu'à maintenant? » que je pouffe, quand j'ai encore le fantôme de ses doigts contre ma joue, quand elle est fidèle à elle-même et s'envole de son côté. Mes prunelles qui s'accrochent aux siennes par la bande. Le temps qu'elle tienne mon regard avec défi, le temps que j'essaie de cerner au creux de ses iris si elle a accumulé des potins croustillants et autres critiques me concernant. « Qu'est-ce que tu veux en échange pour être mes oreilles? » mon sourire n'en finit plus de s'agrandir, ça ressemble à de la négociation pure et dure là, on a presque l'air de jouer à être sérieux tous les deux.
Son attention dérive autour des différents amas de bouteilles à ranger à nos pieds. « Est-ce que ce sont les derniers cartons à déballer avant que t'investisses enfin l'annexe ? » je laisse couler un soupir fatigué d'avance, mes paumes se plaquent sur mes hanches et ma tête fait le trajet entre toutes les boîtes jonchées, certaines ouvertes déjà entamées, d'autres qui prennent la poussière parce que j'ai manqué de motivation - et de temps - depuis leur livraison. « I wish. » c'est toujours plus facile de tout embarquer sur le site web des fournisseurs, c'est toujours plus fun d'en faire un jeu où je remplis mon panier à outrance les yeux brillants le coeur léger, jusqu'à ce que les responsabilités arrivent en cargo et bloquent le 3/4 du plancher Matt. « Mais au moins quand eux seront faits le reste va aller vite. »
Éternel optimiste que je suis quand je m'y mets, quand je semble presque être en contrôle, et que je commence à lui filer bouteille par-dessus bouteille en lui pointant de ma main libre où elles vont. « Je nous donne une heure. » éternel optimiste là aussi, à croire qu'un chrono changera tout.
C'est un réel plaisir coupable, un jeu ardent comme doucereux, de provoquer sans cérémonie aucune Matthew. Par des répliques bien lancées, tantôt acides, tantôt taquines, parfois mauvaises, toujours émotionnelles, je me rattache à lui. Souvent, je m'estime malsaine de conserver, intacte dans son exponentiel potentiel, cette emprise affectueuse que je voue toute entière au garçon. J'aurais dû savoir couper les ponts, me désintoxiquer de lui, subir une ablation de cet amour qui semblait perdu, révolu, détruit à jamais lorsqu'il s'est envolé en Angleterre. J'aurais dû l'effacer de ma mémoire quand tout ce qui me le rappelait physiquement avait disparu, s'était envolé pour l'éternité. J'aurais dû guérir de cet idylle quand Michael, fou d'affection et d'attention, était venu à ma rescousse jusqu'à m'épouser. J'aurais dû mais j'ai jamais pu. Et encore aujourd'hui, des vies plus loin, des infinies après, je collectionne et bâtis tous les ponts qui me mène à son être, à son quotidien, à son histoire.
« T'as entendu quoi jusqu'à maintenant? » Un sourire espiègle creuse ma joue. Je me hisse sur l'une des étagères, certes précaire, mais qui ne bronche pas contre mon poids plume. Je croise les jambes sous le bois, plaque mes mains de parts et d'autres de mes cuisses, prête à bondir, ne quitte pas son regard, par défi, par envie. « Qu'est-ce que tu veux en échange pour être mes oreilles? » Et qu'est-ce que j'aime quand son sourire s'élargit de cette manière, qu'il semble que sa joie n'a aucune limite ; quand je sais que j'ai la voie libre pour jouer avec lui, rire de lui. « Qu'as-tu d'intéressant à offrir ? » Des sandwiches, toujours des sandwichs. Je me nourrirais que de ses sandwiches si je le pouvais - et il le sait. Mais ce serait bien trop facile de le proclamer et je préfère maintenir cet air provocateur de fille difficile à combler, de femme avec qui il est quasiment impossible de négocier. Une porte de prison, une énigme à résoudre, pour des ragots et des potins croustillants.
Je m'enquiers sur le devenir de l'annexe, il me répond par une fatigue teintée de démotivation. Je fronce les sourcils, rejetant avec véhémence ce comportement. « I wish. » « Don't wish. Do it. » Je gronde, sautant de l'étagère pour revenir proche du McGrath. « Mais au moins quand eux seront faits le reste va aller vite. » « Et c'est quoi, le reste qui ira vite ensuite ? » La passion de la boule de cristal, toujours vouloir connaître le futur, séquelle d'une suite de mauvaises surprises beaucoup trop douloureuse. Il commence à me tendre des bouteilles à ranger, je les stocke entre mes bras fins alors qu'il jauge : « Je nous donne une heure. » « Non. » Éclat arrogant, démarche insolente, je déplace une caisse pour former deux groupes distincts puis déclare après avoir disposé les bouteilles qu'il m'avait déjà confiées. « Je déclare la compétition du rangement ouverte. Le premier qui a finit son tas, remporte ce qu'il veut de la part de l'autre. » Je m'approche, dangereuse, du trentenaire, puis répète, avide de méfaits : « Ce qu'il veut. Et tous les coups sont permis. » Sans demander l'approbation finale de Matt, je m'élance à vider, classer, arrimer l'ensemble de la marchandise, non sans effectuer quelques coups foireux aux caisses du gérant - caisses refermées par des coups de rouleaux de tape ou encore poussées sous les étagères -. Quand je perçois que nous sommes plus ou moins à égalité et qu'il ne nous reste quasiment qu'un carton à vider, je me perche éhontément sur le sien, lui bloquant l'accès à la victoire. « You shall not pass. » Je menace, impériale, interdite, main plaquée avec force contre son torse.
« Don't wish. Do it. » « Ça va, Oprah? » et je pouffe, j'y peux rien, parce qu'elle est cute avec ses discours de motivation et ses phrases qui feraient bien sur un poster de plage. Elle a raison par contre Allie, que c'est pas en râlant que je vais y arriver. J'ai accumulé pas mal de fatigue faut dire depuis le début des rénovations, et les quelques nuits de sommeil que j'arrive à me gratter entre celles que je passe à jongler avec les clients au café et les plans pour l'annexe, ça le fait pas tant que ça. J'pourrais jurer que les cernes que j'ai sous les yeux ont des tas de sortes de bleu différents, faudrait quasiment que je demande à Gin de les identifier elle et ses codes couleurs ancrés dans sa tête de peintre depuis gamine.
J'étudie les lieux, elle est déjà à en prendre possession. C'est ça le truc avec Allie : elle fonce, toujours. Ça montre son courage, c'est sûr, ça montre qu'elle a peur de rien, ou du moins, que ce qui lui fait peur ne fait que la motiver encore plus à foncer justement. Moi, je calcule. Je suis le cartésien nul à chier en ce moment, bien loin du frat boy qu'elle a rencontré y'a une vie de ça, qui calculait juste le nombre de bières pouvant descendre dans mon beer bong sur trame sonore des Smashing Pumpkins. « Et c'est quoi, le reste qui ira vite ensuite ? » j'ai encore la tête pleine des derniers chiffres du jour, une autre section complète de mon cerveau dédiée à calculer les angles et l'endroit où les différentes bouteilles et autres livraisons iront s'empiler. C'est un peu malgré moi que je mets une bonne poignée de secondes avant de répondre, foutument perdu dans mes pensées de patron de pas un seul commerce mais maintenant deux. J'y suis pas habitué encore. « Brûle pas les étapes, Oakheart. » par contre, il tente de racheter tout, le sourire en coin que j'exhibe pour la peine. En espérant que mon charme (lol, aheum) sauve mon mutisme trop sérieux pour rendre le tout aussi fun que ça devrait l'être.
Deklan s'est pas trompé sur toute la ligne : si mes intentions à moi étaient pures, celles d'Allie ont l'air teintées de défi et d'envie, j'peux pas le nier. « Non. Je déclare la compétition du rangement ouverte. Le premier qui a finit son tas, remporte ce qu'il veut de la part de l'autre. » mon sourcil se hausse, je la regarde qui brainstorm à voix haute, l'air qu'elle affiche qui est aussi séduisant qu'effrayant. Parce que même si elle a un minois adorable Al', elle est impitoyable côté compétition. Et si y'a un truc qu'il faut savoir sur les McGrath, c'est qu'on l'est aussi. « Ce qu'il veut. Et tous les coups sont permis. » les étincelles ont même pas commencé à apparaître que déjà la réserve sent la fumée. « Ouais, ouais, triche pour voir. »
Contre toute attente, on joue en adultes responsables. Elle gère de son côté, je gère du mien. Le temps que j'aurai mis à anticiper et à faire des agencements dans ma tête, elle, elle le met à bon escient. Assez qu'à un moment j'accélère évidemment la course, me fous des détails pour rentrer dans la partie qu'elle a finement imaginée. She's good, she's really good, parce qu'en deux fois moins de temps budgetté, on a presque tous les cartons de défaits. Presque tous, sauf un, qu'elle utilise comme monnaie d'échange, elle qui grimpe dessus comme la conquérante qu'elle a toujours été à mes yeux. « You shall not pass. » elle se plaque, elle se colle, mes bras restent le long de mon corps, j'embarque pas là-dedans, pas quand on bosse, jamais. « T'es fourbe, girl. » ok, p't'être un peu, quand ma paume remonte le long de son bras, du poignet à l'épaule, effleurant à un millimètre à peine d'elle, donnant l'impression que je risque peut-être, probablement, sûrement de la soulever de la boîte pour la ranger moi-même.
À la dernière seconde, ma main je la dégage d'elle, la lève en l'air avec sa jumelle, concède, bon joueur. « Vas-y cadeau. La galanterie est pas morte. » mes paupières desquelles je bats, et je la laisse gagner ce round-là maintenant que de mon côté je remplace les quelques items que j'ai posés sur les tablettes trop vite à mon goût à cause du jeu. « J'imagine que tu vas attendre d'avoir gagné pour me dire ce que tu vas demander? » dos à elle, je vois pas elle est rendue où dans son labeur, mais à en juger de l'efficacité dont elle fait preuve depuis qu'elle a mis le pied au DBD, c'est qu'une question de secondes avant que je sache.
Elle s'en fiche d'y croire tant qu'il s'en amuse et l'en provoque. Elle endosserait bien les nuances d'Oprah dans leur duo si cela signifie qu'il traquera ses rêves à les mettre à terre et les dominer entièrement, des années durant. C'est ça qu'elle veut pour Matt : qu'il s'épanouisse, qu'il prospère, qu'il s'envole vers l'apothéose de ses projets sans l'atteindre réellement car la chasse de son bonheur est également extatique alors que se reposer sur ses lauriers le rendrait obèse d'oisiveté. Elle a un sourire en coin à se l'imaginer perpétuellement flambant fier de ce qu'il bâtit à la sueur de son front, à ses mèches qui menacent de devenir grises, à ses cernes violacées et bleutées soulignant le regard qui l'a toujours fait craquée sans cérémonie aucune.
« Brûle pas les étapes, Oakheart. » « T'embourbes pas, McGrath, » elle rétorque, prévient, refuse. A trop réfléchir, il ne faudrait pas que la vie ni les opportunités lui passent sous le nez. Il y a des choses pour lesquelles il faut se précipiter, des plongeons à réaliser plutôt que des envols à échafauder de toutes pièces. La compétition du rangement est lancée car une partie d'elle soupçonne que ces bouteilles obstruent son désir d'annexe mais aussi le conforte à poser ses pions méticuleusement sur un échiquier trop compliqué quand vraiment, selon la Oakheart, il ne lui suffit que d'agir avec son cœur et de rester boulonneur.
Tous les coups étaient permis, pourtant, c'est sagement qu'ils ont éventré le stock sous pli pour disposer la marchandise sur les étagères prévues à cet effet. Elle s'installe sur le dernier contenant, conquérante, provocante. Il ne mord pas, toutefois, impeccablement sérieux quand elle invite au jeu, aux torts, aux manigances. « T'es fourbe, girl. » Un sourire en coin satisfait étire les lippes de la brune, la main du garçon coule le long de son bras, effleurant tout juste son épiderme, faussement menaçante. Et il se détache, la laisse pantoise. « Vas-y cadeau. La galanterie est pas morte. » Elle lève les yeux au Ciel, pouffe sans scrupule aucun. La galanterie, elle n'y a jamais cru. « Fais pas genre, peureux. » Elle se lève du carton et sectionne le scotch sans pitié. Les dernières bouteilles sont rangées, il lui adresse : « J'imagine que tu vas attendre d'avoir gagné pour me dire ce que tu vas demander? » Elle demeure en suspens quelques secondes, hésitant à confronter ses traits ou se priver de sa réaction quand elle lui annoncera la nature du gain qu'elle ambitionne. « R'tourne toi. » Elle requête finalement. Il y a des années de cela, elle s'était soumise de ne louper rien de lui s'il venait à croiser de nouveau sa route. Sa folle prière n'en ferait pas l'exception. « J'veux tatouer ici et que tu sois mon premier client. » Parce qu'elle ne fait pas dans la demi-mesure et qu'elle a un dessin tout trouvé pour lui, celui même qu'elle lui avait laissé la veille de son envol pour Londres ; et parce qu'elle veut contribuer à sa réussite pécuniaire avec son art, ce qu'elle a de plus rentable légalement.
Et ils jouent, ils savent faire que ça. Y'a Matt qui se gratte un moment avec elle, qui se le cache même plus. C'est un peu toujours comme ça que ça fonctionne de toute façon avec Allie, il prend ce qu'elle lui donne, il force rien. Sachant qu'elle n'était qu'à portée parce qu'elle l'avait décidé, qu'elle s'envolerait dès qu'elle en aurait assez. Il est aveugle Matt, il ne voit pas comment elle le regarde, il ne l'a jamais vu. S'il prenait simplement le temps de voir au-delà, s'il arrêtait de croire qu'elle ne veut plus de ça, la conversation et l'ambiance entre eux seraient bien différentes. Et pourtant il s'amuse et elle pareille, le sourire qu'elle exhibe qui lui ferait tout abandonner, tout vriller rien que pour qu'elle le prolonge sur ses lèvres une vie encore.
« Fais pas genre, peureux. » « Prudent. Je sais tu deviens comment quand tu perds. J'tiens à garder l'endroit relativement intact encore un peu. » il lève même l'index l'idiot, il se moque de sa rage lorsqu'elle se faisait battre au beerpong, fait fi de sa propre capacité à lui-même exploser quand il a pas le score gagnant. Ils étaient pareils et ils étaient compétitifs, ils étaient dangereux dans la même équipe et encore plus l'un contre l'autre. Mais il rigole, hilare, en sachant très bien qu'elle a tout en main pour l'attaquer du revers. Il attend presque ça au final Matt, qu'elle le pique, qu'elle lui en fasse baver. Qu'elle repense à leurs souvenirs communs, les bons, autant que lui.
Et elle finit sa besogne sagement, beaucoup trop sagement pour qu'il ne se méfie pas Matt. Elle a un plan un seul en tête et il est incapable d'attendre qu'elle le verbalise, râlant comme un gamin quand elle étire les secondes. « R'tourne toi. » un nouveau soupir, il exagère il est con, mais le sourire en coin qu'il lui renvoie devrait tout sauver, du moins, tenter de. « Mhm? » il est curieux, elle le sait pertinemment, il tape du pied mais il obéit, bien sûr qu'il obéit. C'est Matt, mais surtout c'est Allie, et quand il s'agit d'elle, il obéit toujours.
« J'veux tatouer ici et que tu sois mon premier client. » « Okay, sure. »
Attends, arrêt sur image. Et il se détourne, il reprend son regard au vol, il capte mille ans après qu'elle ait parlé, mais au moins, il capte tout de même. Il est lent Matt, il dira que ça fait son charme, on lui donnera une claque derrière la tête sans jamais le lui confirmer. « Attends, là, tout de suite, maintenant? » le tatouage sur lui, qu'il pense. Elle a son stock?
« Prudent. Je sais tu deviens comment quand tu perds. J'tiens à garder l'endroit relativement intact encore un peu. » Il la laisse gagner, armé de raisons obscurs, prétextant son vœu de conserver l'espace de stockage propre et non ravagé par le courroux de la Oakeart, embrasée par une potentielle défaite. Ses yeux roulent éhontément vers le Ciel, elle menace de mordre cet index enfantin que Matt lève pour appuyer ses propos. « C'est que matériel, ça. Ça s'refait toujours. » Allie ne reculait pas devant le ménage, les pots cassés, les verres à verser. Elle avait conscience que ceux-ci allaient et venaient, qu'avec de la volonté et un cœur vaillant, il était toujours possible de redresser les choses, les réaménager, les faire réapparaître. Cependant, tout ce qui portait à l'humain était doté d'éphémère, teinté de fatalité ; si bien que c'était sur ces aspects-là qu'elle se consacrait intégralement. La vie lui avait durement enseigné que les êtres sont volatiles, que chacun dispose d'un chrono souverain agissant telle une épée de Damoclès au-dessus de chaque tête et pour lequel la justice n'a aucun poids. Elle s'est ainsi promise d'exploiter sans vergogne chaque seconde de ces comptes à rebours.
La dernière caisse éventrée, la marchandise disposée, le triomphe obtenu, le gain entre ses mains, elle arbore un large sourire empli de malice comme de victoire. Son succès est voué à un prix qu'elle a envisagé depuis bien des années, qu'elle a su regretter jadis pour mieux savourer dorénavant. « J'veux tatouer ici et que tu sois mon premier client. » Parce qu'il est celui qui lui a procuré des ailes pour qu'elle épouse sa passion, celui qui a constitué le moteur de ses rêves. Il est celui qu'elle a aimé d'un cœur neuf, entier, fidèle ; celui qui lui a offert les outils nécessaires à s'ériger, se façonner comme son instinct, comme l'essence même de sa personnalité, le désiraient. Il est le début de sa liberté, celui qui est gravé en elle et qu'elle veut graver d'elle. « Okay, sure. » Elle hausse un sourcil, défiant sa spontanéité, doutant qu'il émette des sons avant que ses synapses ne s'activent réellement. Puis la confusion s'installe sur les traits du britannique, invite irrémédiablement un rictus narquois sur les lippes de la Oakheart. « Attends, là, tout de suite, maintenant? » Son sourire s'élargit, elle s'approche du garçon, transforme les mètres en centimètres sans scrupule aucun. « J'veux faire les choses bien. » Elle refuse l'improviste, elle entend que le lieu soit judicieux, le matériel adéquat ; même si sa barre reste basse, elle ne compte pas attendre un nouveau jeu du destin. Ses perles amoureuses parcourent longuement sur ses traits, elle effleure, attentionnée, sa mâchoire carrée du bout de ses doigts avant de déposer un tendre baiser sur ses lèvres. « A tout' » Elle souffle contre sa bouche, mordillant avec jeu sa lèvre inférieure avant de tourner les talons.