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 (alfiana) i'm hearing voices in my head i don't wanna hear

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Message(#)(alfiana) i'm hearing voices in my head i don't wanna hear EmptyDim 1 Déc 2019 - 23:01


JULIANA & ALFIE ⊹⊹⊹ Paralyzed by my own emotion, Out of my mind, looking for a way out of here, Out of here. Terrified and my feet are frozen, Something inside got me wondering is this real ? Is this real ?

« Je bois un dernier verre d’eau et j’arrive. » Qu’Alfie assure à Juliana avec un sourire alors qu’elle disparaît dans l’intimité de leur chambre à coucher et que son regard se porte sur la pièce à vivre dans laquelle il se trouve, désormais plongée dans le silence. Même Itchy, d’ordinaire si turbulent dans sa cage se contente de l’observer et de lever le museau en sa direction lorsqu’il passe à ses côtés pour leur fournir un dernier reste de viande du repas du soir, avant de se diriger vers la baie vitrée à l’autre bout de la pièce. Sa main se pose sur la poignée, force celle-ci à plusieurs reprises sans qu’elle ne cède. Il se décale de quelques pas pour s’emparer du rideau qu’il tire, non sans vérifier une nouvelle fois la poignée contre laquelle il s’acharne ; elle reste irrémédiablement fermée et il peut ainsi tirer la totalité du rideau en toute conscience. Il revient vers le réfrigérateur pour s’emparer d’une bouteille d’eau qu’il vide quasi instantanément, faisant une pause pour se diriger vers la porte d’entrée où le même manège recommence. Une fois, deux fois, trois fois (…) huit fois, et la poignée n’a pas cédé à sa vérification, pour autant il s’assure également que le verrou est bien mis, une fois, deux fois, trois fois (…) huit fois, avant de déposer devant la porte la bouteille en verre fragile qu’il vient de terminer. Une dernière fois, sa main se pose sur la poignée, et le résultat est le même que quelques instants auparavant. C’est la raison pour laquelle il daigne enfin quitter la pièce pour rejoindre Jules, se glissant entre les draps après avoir ôté son t-shirt, échangeant encore quelques mots avec Jules avant de lui souhaiter bonne nuit et d’emprisonner sa silhouette entre ses bras alors que sa tête vient s’échouer contre la nuque de la jeune femme. Dix, vingt, trente, quarante, les minutes passent et bien que s’étant calé sur le rythme saccadé de Jules pour s’inspirer de sa tranquillité, l’anthropologue a toujours les yeux grands ouverts qui fixent le store entrouvert devant lui. Ou plus précisément, la fenêtre. La fenêtre. Il n’a pas vérifié la fenêtre. Sa main se resserre autour du drap près de la hanche de Jules, s’accrochant à celui-ci comme s’il était en mesure de le forcer à rester au lit, mais il ne parvient pas à détacher ses yeux de l’objet de sa peur. Et peu importe qu’ils n’habitent pas au rez, peu importe que la résidence soit sécurisée et que pour l’atteindre il faille un code, peu importe si c’est absolument irréelle que quelqu’un puisse grimper les étapes sur cette façade complètement lisse et dénuée d’accroches, ce sont des éléments auxquels Alfie ne songe pas. Non, cette petite voix raisonnable est réduite au silence, portée disparue même, bien dissimulée derrière toutes les autres, qui imaginent divers scénarios, comme elles le font toujours. C’est pas cette semaine qu’ils doivent laver la façade ? Je crois que oui. Merde, je suis sûr que oui. Merde, merde, merde. Ça veut dire que la nacelle est sûrement installée, là en bas, et prête à être utilisée. Et même si l’immeuble est sécurisé, quelqu’un qui veut entrer dans la cour va forcément y arriver, c’est pas difficile, il suffit d’être là au bon moment, il suffit d’être un peu souple, d’avoir une motivation suffisante. Et puis, la nacelle doit pas être difficile d’utilisation, suffit d’enclencher un ou deux boutons, n’est-ce pas ? Mais ça fait du bruit. Ça fait forcément du bruit, quelqu’un va l’entendre, s’interroger et appeler la police avant qu’il ne parvienne à notre étage. Mais on est à Brisbane, il y a toujours du bruit, comment distinguer cette nuisance d’une autre ? Et si personne ne réagissait ? Et s’il arrivait devant ma fenêtre, s’il comprenait qu’elle est ouverte ? J’arriverais pas à temps, c’est impossible, même en étant rapide, le temps que je m’écarte de Jules, que je me lève, que je cours, il sera déjà dans la chambre. Parce que j’ai pas fermé cette putain de fenêtre. Je l’ai ouverte aujourd’hui ? Non, je crois pas. Non j’en suis sûr. Mais Jules ? Merde, j’aurais dû lui demander. Pourquoi je l’ai pas fait ? Ça prend deux secondes, j’ai eu toute la soirée pour lui demander. Elle a aéré. Je suis sûr qu’elle a aéré, forcément. Et si elle avait pas fermé correctement ? Comment elle peut en être sûre ? Comment je peux en être sûr ? Et puis si… C’est lorsque la jeune femme se repositionne qu’il sursaute et que son regard quitte la fenêtre pour se poser sur elle, et qu’il secoue légèrement la tête. Sois pas débile, y’a aucun risque ici. Il se décide à fermer les yeux et à se concentrer à nouveau sur la respiration de Jules qu’il serre un peu plus contre lui, ses mains autour de son ventre, accroché à elle comme un koala à son arbre. Mais il n’a pas fermé la fenêtre. Il en est certain cette fois-ci, et il entreprend de se dégager de Jules pour se lever, sans toutefois y parvenir sans la réveiller. Il hésite, parce que tout son corps lui supplie de se lever, non pas seulement pour vérifier cette ouverture, mais surtout pour bouger. À défaut, il se contente de faire danser son pied droit à un rythme régulier sous la couverture, alors que son regard ne cesse de fixer cette fenêtre. Je suis rapide, je cours vite, le temps que quelqu’un arrive, je l’aurai forcément repéré et j’arriverai à la fenêtre avant qu’il ne puisse entrer dans la chambre. Bon, c’est sûr que Jules n’appréciera pas mon manque de délicatesse, mais c’est pour la bonne cause, pas vrai ? Elle m’en voudra pas si je lui explique que c’était pour la protéger, parce que c’est pas grave si elle tombe par terre si ça veut dire que c’est pour empêcher quelqu’un de s’en prendre à elle, hein ? Parce qu’elle est là ce soir, alors forcément, si quelqu’un arrive, il va aussi s’en prendre à elle, et je peux pas imaginer que ça arrive. Ça me fera forcément arriver plus vite, n’est-ce pas ? La perspective qu’on puisse s’en prendre à elle, ça veut forcément dire que je vais arriver à la fenêtre plus vite, et qu’il ne pourra pas entrer, on est d’accord ? Mais j’en sais rien. Je peux pas bouger. Mais je peux la surveiller, cette fenêtre. Ouais, je vais faire ça, j’ai rien d’autre à faire de toute façon. Alors il la fixe, Alfie. Il ne la quitte pas des yeux, même quand un premier bâillement s’invite aux alentours de deux heures, mais il a l’impression de s’être couché il y a dix minutes. Il y en a un second, mais il ne se désespère pas. Il doit veiller sur Jules, il doit s’assurer qu’elle va bien, qu’elle est en sécurité, et c’est absolument essentiel à ses yeux. Surtout depuis qu’il a compris qu’ils ne l’étaient pas vraiment entre ces murs.

C’est une sensation furtive. Dix secondes tout au plus, caractérisées par cette sensation qui noue l’estomac et coupe le souffle un bref instant lorsqu’on se balance sur une chaise et que l’on va un peu trop en arrière, manquant de perdre son équilibre avant de le retrouver. Sauf que son équilibre, Alfie ne le retrouve pas. Et ça continue. Encore, et encore, sans jamais s’arrêter, sans jamais qu’il n’ait l’impression que cela puisse s’arrêter. Pire, cette sensation est accentuée par l’énorme explosion qu’il entend dans son crâne et qui laisse place à un sifflement continu alors qu’il n’entend plus rien d’autres, ni la respiration bruyante de Jules, ni les voitures qui passent dans la rue, ni le gigotement d’Ichy et Scratchy dans leur cage. Juste ce bourdonnement incessant, continu, comme si le programme télé venait d’être interrompu, et ça lui fait mal aux oreilles. Et un autre bruit explosif. Et un suivant. Et encore un autre. Partout autour de lui, des pantins inanimés dont il reconnaît les visages. Aman, le bénévole. Tye, son collègue, Isha, la soignante, et tous les autres.  Et comme ça aurait dû être le cas depuis le début, bientôt, c’est dans son crâne que vient se loger la balle tirée, ce qui paradoxalement le ramène à la vie alors qu’il ouvre les yeux et fixe le plafond. Il aimerait regarder l’heure, mais il est déstabilisé et incapable de tourner la tête. Pourtant, il est persuadé d’avoir essayé. Il sait que sa main est forcément toujours dans celle de Jules, comme c’est toujours le cas quand il se réveille au milieu de la nuit, mais il ne sent pas ses doigts entre les siens. Peut-être même qu’elle est réveillée, alors qu’il ne parvient pas à la voir mais qu’il entend quelqu’un s’agiter à côté de lui. Et il ne comprend pas, Jules est censée être à sa droite, mais il sent une silhouette à sa gauche. Non, à ses pieds. Non, plutôt à sa droite. Rectification ; au-dessus de lui. Elle se déplace, et il ne voit rien, incapable de détourner son regard du plafond. Il y a quelqu’un. Il y a quelqu’un, il y a quelqu’un, il y a quelqu’un, et moi je bouge pas. J’y arrive pas, putain, j’y arrive pas. Et le silence qui règne dans la pièce est bientôt brisé par des murmures. Presque imperceptibles, mais qu’il identifie, qui se déplacent, sans qu’il ne puisse suivre les choses par un simple mouvement de tête. Non, c’est toujours et encore le plafond qu’il a pour seule vision. Il y a quelqu’un, il y a quelqu’un, il y a quelqu’un, BOUGE. Et rien. Pourtant, il est sûr qu’il a essayé de lever sa main, de bouger son pied, se lever. Mais rien ; Alfie est soudé aux draps et son cœur commence à frapper dans sa cage thoracique, remontant à ses tempes, tandis que sa respiration commence à s’accélérer. Et il comprend.

Il y a quelque chose. Ça recommence.

Les mains qu’il sent sur son torse sont gluantes et la voix qui souffle à ses oreilles est rauque, et ne s’exprime que par un cri d’agonie qu’il aimerait imiter lorsque apparaît des yeux blancs qui flottent devant lui en lieu et place du plafond qu’il fixait encore il y a quelques minutes. Et à mesure que les hurlements se veulent plus insupportables, plus forts, résonnant dans son crâne, les yeux virent au rouge sang, et des gouttes s’en échappent qui viennent s’abattre sur son visage. Les mains remontent le long de son torse, lui donnant l’impression de semer des milliers de fourmis sur sa peau dénudée qui s’incrustent en lui par chacun de ses pores. Alfie écarquille les yeux, incapable de les fermer, alors qu’il ne désire que ça, pour une fois. Juste fermer les yeux, juste ne plus voir ce regard rouge et cette énorme pupille noire qui le fixe, n’avoir que les sensations et non les hallucinations. C’est dans ta tête, ça va passer, c’est dans ta tête. Et les mains de la créature remontent jusqu’à sa gorge, alors qu’il tente de secouer la tête, d’ouvrir la bouche pour hurler, pour implorer son salut. « a-…a… » Ses lèvres s’entrouvrent à peine, sa lèvre claque dans le vide, les cris se meurent avant d’atteindre sa bouche, se transforment en une brûlure vive alors qu’il sent que les doigts gluants se resserrent autour de sa gorge, de plus en plus forts. Et les hurlements d’agonie font place à un rire moqueur, et bientôt les deux yeux qui flottent sont entourés d’une véritable silhouette, à califourchon sur lui. Un sourire dessiné, si grand qu’il se confond avec les oreilles de son propriétaire, et les dents acérées, si acérées qu’il peut se voir dans celle-ci. Il parvient à un fermer un œil à court instant alors qu’un filet de bave lui tombe dessus et que le visage se rapproche. C’est dans ta tête, ça va passer, c’est pas réel. Mais il étouffe. Il étouffe réellement alors que les doigts se resserrent autour de sa gorge sans lui laisser la moindre chance et que ses bras demeurent statiques. Tout juste parvient-il à bouger quelques articulations de ses doigts, mais ça ne suffit pas pour ôter ses mains qui sont en train de le tuer. Et Alfie ne peut rien faire si ce n’est assister à sa propre mort en se répétant qu’elle n’est pas réelle. Pourtant, toutes ses réactions le sont ; il voudrait agripper ses mains qui serre sa gorge comme si c’était du simple papier pour l’empêcher de poursuivre son méfait, mais plus que tout, il voudrait bouger, réveiller Jules et l’implorer de partir. Il voudrait hurler, mais les minutes passent et il n’y parvient toujours pas. « a…l... » Des murmures étouffés parviennent enfin à s’échapper d’entre ses lèvres alors qu’Alfie bouge dans tous les sens (c’est l’impression qu’il a, du moins). Dans les faits, il n’y a que ses extrémités qui parviennent à retrouver des sensations alors que son souffle se coupe de plus en plus et que ses poumons le brûlent. La panique le gagne toujours plus, sa respiration ne parvient plus à se réguler et ce sont des larmes qui coulent le long de ses yeux lorsqu’il comprend qu’il n’arrive pas à sortir de sa torpeur. Ce n’est pas réel. Mais je suis quand même en train de mourir. Son index parvient enfin à bouger, et il tapote activement la main de Jules dans un rythme régulier, alors que son corps commence enfin à faire tomber les barrières mises en place par sa conscience. De son doigt, c’est sa main qui parvient à recouvrer des sensations, main qu’il pousse aussitôt contre celle de Jules qu’il persiste à tapoter dans un rythme qui traduit de son angoisse. Ses yeux ne parviennent pas à quitter le plafond, mais sa respiration, elle, parvient à quitter ses poumons. C’est pas réel. Mais il se sent sombrer, Alfie, incapable d’emplir ses poumons d’air, des murmures d’agonie qui parviennent à siffler entre ses lèvres qu’il n’arrive pas à bouger, ses deux mains et ce pied qui s’agitent dans tous les sens, sa tête qui commence à se mouvoir de gauche à droite, et ses yeux qui ne quittent pas cette silhouette face à lui, alors qu’elle semble lui aspirer toute son énergie, à tel point que le battement de sa main commence à diminuer. Et puis, finalement, ça s’arrête. Il s’arrête, alors que la créature prend le dessus et qu’il abandonne l’idée de lutter contre celle-ci. Ce n’est pas réel. Alors pourquoi ça l’est autant ?
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Message(#)(alfiana) i'm hearing voices in my head i don't wanna hear EmptyLun 2 Déc 2019 - 21:38



I'm hearing voices in my head I don't wanna hear

@Alfie Maslow & Juliana Rhodes



Je déplace légèrement la petite cuillère pour que l’espacement entre cette dernière et l’assiette que je viens de poser sur la table soit exactement de la taille voulue. Dans la cuisine, Alfie achève de préparer le repas et – à défaut de savoir cuisinier suffisamment bien pour nous nourrir en évitant tout risque d’intoxication alimentaire – je prends la tâche qui m’est confiée très à cœur pour que la mise en place de la table soit absolument parfaite. C’est encore l’un des rares moments où j’autorise mes névroses à se manifester sans chercher à les contrôler. J’éprouve toujours le même sentiment de satisfaction en regardant les couverts positionnés de manière symétrique, les serviettes pliées à l’identique et posées à côté des verres et la salière et le poivrier alignés le long du dessous de plat rectangulaire que j’ai pris soin de placer de manière parallèle aux bords de la table. Satisfaite de mon œuvre, je contemple une dernière fois le résultat avant de rejoindre Alfie en cuisine pour l’aider dans ses derniers préparatifs. J’aime me rendre compte que nous n’avons pas besoin de communiquer pour savoir ce que nous avons à faire et là où certains y verraient une ennuyante routine, j’y vois plutôt de sécurisantes habitudes dont je n’ai aucune envie de me séparer et qui m’avaient cruellement manquées avant l’hospitalisation d’Alfie. Je n’irais pas jusqu’à dire que je me suis réjouie de son enfermement, voyant bien à quel point la situation lui pesait, mais je dois admettre avoir apprécié de le retrouver un peu plus souvent et j’espère que ce retour en arrière perdurera dans le temps. Ce n’est qu’une fois à table que je romps le silence, profitant de ce tête-à-tête pour me lancer sur un sujet que je n’aborde que rarement. « J’ai déjeuné avec ma mère, ce midi. » J’annonce, consciente qu’Alfie va se douter que ce n’est pas une très bonne nouvelle puisque ma mère ne met généralement un pied en dehors de chez elle que pour se rendre à la messe ou à une activité avec ses copines de paroisse. « Elle est de nouveau sous anxiolytiques, elle a demandé à son médecin de changer la posologie soi-disant parce que ceux qu’elle prenait avant n’avaient aucun effet sur elle. » J’attrape rageusement un morceau de viande, qui ne m’a pourtant rien fait, dans mon assiette et prend le temps de le mâcher et de l’avaler avant de poursuivre. « Je lui ai fait remarquer qu’à force de les gober comme des bonbons, elle avait dû s’y habituer et ça ne lui a pas trop plu. » Je ne suis absolument pas du genre à m’énerver, surtout contre ma mère, je me suis toujours comportée avec elle de manière à ce qu’elle n’ait pas à culpabiliser de ne pas avoir pu jouer convenablement son rôle, je l’épaule du mieux que je peux, je la soutiens, je m’assure qu’elle va bien et lorsque je trouve son comportement inadéquat, je m’assure d’y mettre les formes, mais ce midi, son attitude m’a irritée et j’ai été incapable d’user des formulations politiquement correctes d’usage. « Du coup, elle a appelé Edward pour avoir un autre avis et cet imbécile lui a donné raison, juste pour pouvoir raccrocher plus vite parce qu’il était pressé. » Je soupire et attrape une autre bouchée dans mon assiette. J’adore ma famille, vraiment, et la dépression de ma mère n’est pas une nouveauté, il est certain qu’elle la suivra jusqu’à sa mort et que je ne pourrais rien y faire. Je me suis également toujours accommodée de l’attitude démissionnaire de certains de mes frères et sœurs face à la situation, mais j’ai un peu plus de mal avec le fait qu’ils ne m’apportent pas leur soutien alors que je porte très souvent nos problèmes familiaux seule sans demander la moindre aide à qui que ce soit. Encore une fois, il n’est vraiment pas dans mes habitudes de m’énerver, mais il a réussi à mettre ma patience à rude épreuve et le contenu de mon assiette – délicieux d’ailleurs – en fait les frais. « Mais bon, ce n’était pas pour ça qu’elle voulait me voir, elle voulait surtout savoir si on accepterait d’aller fêter Noël chez Mary cette année. » Je soupire, non pas parce que je trouve l’idée extrêmement mauvaise, mais parce que ça va demander une organisation que je vais sûrement avoir à prendre en charge, que je n’ai pas envie de mettre les Maslow de côté pour m’envoler avec leur fils unique loin de Brisbane en cette période où la famille est un élément centrale et parce que je me suis déjà engagée, comme tous les ans, à préparer les chants pour la messe de Noël. « Je n’ai pas donné des réponses, j’ai dit que je t’en parlerais. » Et depuis, j’ai déjà reçu trois messages me demandant si Alfie était au courant et ce qu’il avait dit. Mon portable est donc allé tout naturellement s’échouer sur la table basse et y restera jusqu’à demain matin parce que je n’ai vraiment pas le courage de l’affronter. En vérité, toutes ces nouvelles ne sont pas bien graves et si j’ai pu me montrer plus irritable que d’habitude, ce n’est que passage et ma bonne humeur revient assez vite alors que la discussion se poursuit sur des sujets plus légers qui me permettent d’oublier provisoirement ces deux nouvelles, bien moins enthousiasmantes.

J’acquiesce d’un hochement de tête qu’Alfie ne doit probablement même pas voir alors que je franchis le seuil de la chambre, quelques heures plus tard, prête à rejoindre Morphée dans les plus brefs délais. J’ai l’habitude qu’il traine un peu avant de me se coucher à son tour – je me demande même s’il ne reste pas au salon une bonne partie de la nuit, parfois – et je ne m’en suis jamais offusquée, puisque je n’ai pas de raison de l’être. Une fois sous la couette, j’attrape le roman posé sur la table de nuit et je mets un instant avant de me souvenir de quoi il s’agit puisque j’ai tendance à en commencer beaucoup trop en même temps, en ce moment. Je me retrouve tout de même rapidement prise par l’intrigue et je suis presque surprise de voir Alfie entrer dans la pièce alors que j’ai l’impression d’avoir commencé à lire même pas deux minutes auparavant. « Je suis sûre que la gamine, elle est pas nette, les rubans dans les cheveux, ça cache forcément quelques chose. » Je réfléchis à voix haute, alors qu’Alfie me rejoint sans avoir l’air étonné par ma réflexion et pour cause, j’ai l’habitude de lui faire partager mes lectures de cette manière depuis que nous nous sommes rencontrés ou presque et s’il est agacé par cette habitude, il ne l’a jamais laissé entendre. Je crois qu’il serait presque apte à me remplacer au boulot si jamais je devais être dans l’incapacité de m’y rendre, il en sait presque autant que moi sur le sujet, désormais. Mais ce n’est certainement pas aujourd’hui que je vais lui poser la question puisqu’un bâillement m’indique que je ne vais pas mettre longtemps à m’endormir. Je trouve tout de même la force de discuter brièvement avec Alfie avant de lui lancer un « bonne nuit » ensommeillé. Il me faut à peine trois minutes pour que ma respiration devienne régulière et que je sombre doucement dans le sommeil entre les bras d’Alfie. Je suis désormais allongée sur le ventre au milieu d’une prairie, je profite des rayons du soleil en lisant pour la millième fois le dernier livre offert par mon père. Je le connais presque par cœur mais ça ne m’empêche pas de le parcourir minimum une fois par an. C’est une journée magnifique et je me félicite d’avoir opté pour cette sortie, ou en tout cas, je me félicitais jusqu’à ce que cette abeille vienne interrompre ma lecture pour s’en prendre à ma main. La piqûre n’est pas très douloureuse mais je me relève d’un bond, laissant le roman sur l’herbe alors que l’insecte revient à la charge. Je tourne sur moi-même pour repérer mon agresseur, j’agite les bras, je l’implore de me laisser en paix mais elle n’en a pas du tout l’intention. Une deuxième piqûre vient rejoindre la première puis une troisième, je cherche désespérément une solution, tente de réfléchir rapidement et me retrouve soudainement dans notre chambre encore plongée dans le noir, un peu perdue, alors que la main d’Alfie pianote sur la mienne. Je me redresse, tentant de rassembler mes esprits alors qu’il m’est encore difficile de passer du rêve à la réalité. Ma main libre se frotte les yeux pour les aider à s’accoutumer à l’obscurité et je pose enfin les yeux sur celui qui devrait normalement être paisiblement endormi à mes côtés. Un simple coup d’œil m’indique pourtant que ce n’est pas le cas, et cette seule vision me tire instantanément de l’état semi-comateux dans lequel je me trouve pour me pousser à réagir. Je tente tant bien que mal de le redresser tout en essayant de ne pas paniquer en voyant son corps retomber mollement, comme une poupée de chiffon. J’ai déjà vu ça, pas souvent, certes – même si c’est déjà beaucoup trop à mon goût – et je sais que l’angoisse ne résoudra rien. En réalité, je sais qu’il n’y a rien que je puisse réellement faire à part attendre qu’il sorte de cet état terrifiant, mais j’essaie tout de même de le secouer pour le faire revenir à la réalité comme ses doigts matérialisés en abeille perturbatrice l’ont fait pour moi quelques secondes auparavant. « Alfie, réveille-toi. » Le timbre de ma voix oscille entre ordre et supplication et l’inefficacité manifeste de mes actes ne m’arrêtent pas. « Il faut que tu te réveilles, maintenant. » S’il-te-plait, réveille-toi.


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Message(#)(alfiana) i'm hearing voices in my head i don't wanna hear EmptyMer 4 Déc 2019 - 23:06

Ce n’est pas réel. C’est dans ta tête. Ça ne va durer que quelques minutes. Même si Alfie répète ses affirmations dans son esprit, ce n’est pas pour autant qu’il parvient à se détendre. Il le faudrait pourtant ; cela permettrait d’envoyer le signal à ses muscles qu’ils doivent se relaxer pour lui permettre de sortir de sa torpeur. Mais il est coutumier de ces paralysies, et ce n’est pas parce qu’il s’agit de la dixième plutôt que la première qu’il arrive à s’y faire ; au contraire. Car ces quelques minutes lui donnent l’impression de durer des heures à chaque fois, des heures durant lesquelles il se fait le plus souvent torturer sans qu’il ne puisse réagir. Aujourd’hui ne fait pas exception à la règle alors qu’il se sent prisonnier entre les griffes de cette créature imaginée de toute pièce, et il ne trouve pas l’origine de celle-ci. Il n’a pas vu de films d’horreur, il ne s’est pas endormi en ayant fabriqué ce monstre de toute pièce, ce n’est pas une compagne nocturne récurrente. C’est un problème ; s’il avait toujours la même vision, peut-être qu’il parviendrait à reprendre le contrôle de lui-même avec plus de facilité, en se persuadant que cette apparition est devenue une amie à force de la côtoyer. Mais il n’a pas ce luxe, et chaque paralysie s’accompagne de nouvelles hallucinations qui l’obligent à subir ces instants comme si c’était la première fois. Il aimerait s’habituer, suffisamment pour avoir le réflexe de se pincer, pour bouger les yeux jusqu’à ce que son cerveau comprenne qu’il doit sortir de cet état de semi-conscience, pour rester calme les quelques minutes qui lui sont nécessaires pour reléguer ces moments au passé. Mais il n’y parvient pas, Alfie, car tout est trop réel. De ces coups de feu qu’il a entendu et qui l’ont renvoyé deux ans en arrière, de cette étendue du cadavre face à lui qui lui ont rappelé qu’il ne méritait pas de survivre plus que d’autres, de ces yeux rouges penchés sur lui et laissant couler du sang sur son visage à ses griffes acérées qui commencent à lui arracher la poitrine. Il a l’impression, du moins. Car il sait très bien que ce n’est pas vrai, que cette vision n’existe pas, qu’il n’est pas blessé, que d’ici quelques minutes, tout ceci appartiendra au passé. Mais c’est effrayant. C’est horriblement effrayant, même pour l’adulte qu’il est. Parce que ce n’est pas tant tout ce qui s’active autour de lui qui le fait paniquer, c’est cette sensation d’être piégé dans son propre corps, d’avoir été trahi par celui-ci. Encore. Et c’est insupportable. D’être conscient, de voir, sentir et comprendre tout ce qu’il se passe autour de lui sans pouvoir réagir, sans pouvoir lever ne serait-ce que le petit doigt pour s’opposer à tout ceci. D’être bloqué, de n’être que le spectateur de l’horreur qui se joue dans son crâne et se met en images devant lui. D’être bloqué alors qu’il y a quelqu’un. Non. Tu délires, Alfie, c’est dans ta tête, rappelle-toi. Il essaie, vraiment. Mais il y croirait encore plus s’il arrivait à bouger, s’il n’avait pas l’impression de s’épuiser pour rien. Il est persuadé qu’il met plus d’efforts qu’il n’en a jamais mis pour mouvoir ce doigt qui finit par tapoter la main de Jules dans un geste désespéré de gagner quelques secondes, de faire disparaître son cauchemar alors que celui-ci est aussi ancré dans sa tête qu’il n’est ancré sur ce lit. Les minutes défilent et d’un doigt, ce sont bientôt ses pieds et sa tête qui parviennent à se mouvoir, signe que son corps accepte de revenir à lui au même titre que son esprit. Mais ce n’est pas suffisant. Ce n’est pas assez rapide. Et finalement, la silhouette de Jules bouge à ses côtés et le visage de sa petite amie apparaît dans son champ de vision, devant les yeux qui ne cessent pas de le détailler, et qu’il essaie de ne plus voir. Réveillé malgré ce qu’elle croit, silencieux, une marionnette désarticulée entre ses bras, Alfie ne la quitte pas du regard, ses pupilles suivant le visage de Jules alors qu’elle s’active à le déplacer. Il n’arrive pas à maintenir la position, mais du moins, le contact des mains de Jules sur sa peau dénudée lui permettent de s’ancrer toujours plus dans la réalité et de finir par se convaincre que tout va bien. « Je... » Le brun tente une nouvelle fois de pousser les mots hors de sa trachée, ne parvenant pas à former des phrases, mais cessant les râles étouffés. Ça revient. Doucement, son corps commence à se réactiver, à sortir de sa torpeur, à le libérer de cette emprise non-voulue. Sa tête légèrement penchée vers Jules et ses yeux qui ne la quittent toujours pas, les instants qui suivent lui paraissent une éternité durant lesquels c’est bientôt sa cheville qui parvient à bouger, puis son tibia, son fémur et bientôt son corps entier qui se décale de quelques centimètres alors qu’il s’active à réanimer chacun de ses muscles. Lorsqu’il parvient enfin à s’appuyer sur ses mains pour se redresser maladroitement, c’est pour se tourner aussitôt vers Jules et emprisonner sa silhouette entre ses bras. Il n’est pas encore très solide, raison pour laquelle il bascule presque sur elle, mais ça ne suffit pas à le convaincre de la libérer. « Merci. » Il murmure à plusieurs reprises alors que sa tête est enfouie dans le cou de la jeune femme, et qu’il embrasse à plusieurs reprises sa peau sans relâcher son étreinte. Tout pour s’ancrer encore un peu dans la réalité, parce qu’il n’est pas encore totalement persuadé d’être réveillé. « Désolé. » Il finit par murmure alors qu’il lui redonne sa liberté, se séparant d’elle non sans s’arrêter un bref instant pour regarder face à lui et relever la tête vers le plafond. Il n’a plus rien, et il a l’impression de pouvoir respirer à nouveau, à défaut de vouloir se rendormir – s’est-il seulement endormi ? S’asseyant sur le rebord du lit, Alfie passe ses mains sur son visage et se baisse pour attraper le t-shirt au pied de son lit qu’il utilise comme serviette sur sa peau transpirante, et de demeurer immobile quelques instants le temps de reprendre ses esprits. Il sent la présence de Jules derrière lui et ça ne tarde pas à le gêner. « Je ne voulais pas te réveiller, je suis désolé. » Il s’excuse avant de lui voler un baiser sur le bord des lèvres. « Tu peux te rendormir, ça va. » Il souligne, alors qu’il finit par se lever pour faire quelques pas car il en a bien besoin après ce qu’il vient de vivre. Il s'empresse de se diriger vers la fenêtre dont il force l'ouverture quelques instants, réalisant qu'elle était bien fermée. Lorsqu'il se retourne, le regard de Jules posé sur lui, Alfie réfléchit vite, rapidement, et entre deux yeux qui persistent à le suivre même dans les méandres de sa conscience, il balance la première chose cohérente à exprimer sur le moment ; « Il faut que je sonne, appelle, mes parents pour leur dire qu’on sera pas là pour Halloween. » Noël. Alfie s’active à fouiller autour de lui, sa table de chevet dont il renverse le contenu par terre à la hâte, finissant à genoux pour fouiller sous le lit, se relevant avec agacement alors qu’il secoue les draps. « Mon téléphone. Je l’ai laissé là. » Il désigne la table de chevet d’un geste, passant une nouvelle fois les mains sur son visage épuisé. Foutu crâne. Foutue mémoire. Foutu cauchemar. Foutue Colombie. Foutu cambriolage. Foutue peur qui ne le quitte plus.
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Message(#)(alfiana) i'm hearing voices in my head i don't wanna hear EmptyJeu 5 Déc 2019 - 21:20



I'm hearing voices in my head I don't wanna hear

@Alfie Maslow & Juliana Rhodes



Encore dans un sommeil profond, il y a à peine quelques secondes, je suis désormais bien éveillée et c’est en tentant de ne pas céder à la panique que je maltraite Alfie pour tenter de le faire revenir à lui. La peur que je peux lire dans ses yeux ne contribue pas à diminuer l’angoisse qui menace à tout instant de prendre le pas sur ma raison et je n’ai qu’une idée en tête, le ramener à la réalité pour qu’il échappe aux démons dont je n’aurais sans doute jamais connaissance. Je sais d’avance que le moment que je suis en train de vivre va se graver dans ma mémoire, alimentant par la suite mes propres cauchemars parce que c’est toujours comme ça que ça se passe. Si les peurs d’Alfie semblent se nourrir d’un passé compliqué à gérer, parfois, et d’événements qu’il n’aurait jamais dû avoir à vivre, les miennes s’alimentent grâce à ces rares instants où la réalité me revient en plein visage parce qu’il ne peut plus donner le change. Il est si fort pour dissimuler ses angoisses derrière un masque de bonne humeur, un flot de paroles incessantes ou un humour décalé que peu de gens sont capables de comprendre, que j’en oublie parfois qu’il peut être si vulnérable. Cette piqûre de rappel n’était absolument pas nécessaire, il en a largement assez bavé comme ça, l’accident, l’agression, les nombreuses heures de rééducation, l’hôpital – encore, encore et encore –, sa perte de mémoire, c’est trop pour un seul homme, même aussi positif qu’Alfie. J’aimerais trouver les bons mots ou les bons gestes pour l’aider, pour qu’il n’ait pas à vivre ça tout seul et qu’il se sente soutenu. Certes, je suis à ses côtés, aujourd’hui comme à chaque fois qu’il doit surmonter un événement de trop, mais j’ai parfaitement conscience que ça ne suffit pas et ma piètre tentative de le faire revenir à lui reflète parfaitement l’impuissance à chaque fois que je suis confrontée à ces démons intérieurs qu’il ne me montre quasiment jamais.

Doucement, après de longues secondes qui me semblent durer des heures, Alfie revient à lui et alors qu’il reprend le contrôle de ses propres mouvements, j’interromps les miens pour le laisser reprendre ses esprits et c’est contre moi qu’il essaie de trouver le peu de réconfort qu’il peut obtenir face à un souvenir certainement plus qu’effrayant. J’enroule mes bras autour de ses épaules et le serre fort, trop fort, certainement, dans un geste qui se veut protecteur et rassurant alors que je suis très loin d’être rassurée moi-même. Les nuits d’Alfie sont agitées ces derniers temps, ce qui n’est pas étonnant compte tenu de sa récente agression, mais même avant cette dernière, il était devenu fréquent que je me couche seule et me réveille sans le voir à mes côtés. Je n’ai jamais vraiment osé lui parler de ce problème, évoquant simplement son absence lors d’une de nos dernières discussions sans préciser que j’estimais que ses troubles du sommeil nécessitaient une réelle prise en charge. J’imagine que c’est quelque chose qui doit venir de lui et je n’ai pas envie d’être l’initiatrice d’actions qu’il n’a pas envie de mener pour le moment. Il me remercie et je n’arrive pas réellement à comprendre pourquoi. Merci de ne pas être partie en courant ? Merci d’avoir assisté impuissante à cet horrible moment ? Merci de le tenir dans mes bras alors que c’est certainement la seule chose que je sois capable de faire à cet instant ? La vérité, je le sais, c’est que je suis complètement nulle. Je ne sais pas gérer tout ce qui lui arrive, je n’ai ni les bons mots, ni la bonne attitude et parce que j’ai envie malgré tout de lui prouver que je suis là pour lui, je reste là, à le serrer dans mes bras jusqu’à l’empêcher de respirer comme si ce simple geste pouvait à lui seul tout résoudre. Mon étreinte est obligée de se relâcher alors qu’il se redresse, murmurant des excuses qui n’ont pas lieu d’être et c’est à contrecœur que je le laisse s’éloigner de moi. « Arrête, tu n’es pas responsable. » Ce sont les premiers mots que j’arrive à prononcer depuis ma piètre tentative pour le ramener à lui et ma voix est un peu enrouée d’avoir crié, cédant à une panique que j’essayais pourtant de garder à bonne distance. Rien de ceci n’est de sa faute, il n’a pas à s’en vouloir pour quoi que ce soit et il devrait le savoir.

Il me tourne le dos désormais et je suis incapable de faire le moindre geste ou de détourner le regard, comme si je contemplais une bombe sur le point d’exploser sans trouver le fil que je devrais couper pour la désamorcer. Je ne prête plus attention qu’à lui et à chacun de ses gestes, analysant le moindre de ses mouvements pour tenter de définir l’état d’esprit dans lequel il se trouve. Je ne prête pas la moindre attention à la sueur qu’il a laissé sur mon T-shirt en enfouissant sa tête dans mon cou ou aux chiffres lumineux du réveil qui m’indiquent que je devrais dormir un tout petit peu plus si je ne veux pas subir la journée demain, rien n’a vraiment d’importance. J’ignore – encore une fois – comment je suis censée me comporter, si je dois le laisser seul ou au contraire être à ses côtés. Je n’ai pas bougé d’un millimètre lorsqu’il se retourne vers moi pour s’excuser, une fois de plus et je suis coupée dans mon élan pour rétorquer une fois de plus qu’il n’a pas être désolé par le baiser furtif certainement destiné à clore cette parenthèse dont il ne souhaite pas parler. « Tu as bien fait de me réveiller. » Je précise malgré tout alors qu’il semble avoir définitivement décidé de m’écarter de lui, allant jusqu’à proposer que je me recouche ce qui me semble impossible. Même si je le voulais, il est évident que je ne parviendrais pas à retrouver le sommeil désormais, d’une part parce que le réveil auquel j’ai eu droit a été particulièrement efficace mais surtout parce que je ne vois pas comment je pourrais laisser Alfie livré à lui-même après ce qu’il vient d’expérimenter. Il est absolument hors de question que je referme ne serait-ce que la moitié d’un œil, tant que je ne serais pas certaine que la situation est parfaitement sous contrôle et je suis d’ailleurs déjà persuadée du contraire. Je n’ai d’ailleurs pas à attendre bien longtemps avant qu’il commence doucement à devenir le garçon survolté qu’il peut être lorsque la situation lui échappe et qu’il a besoin de se rassurer. Si je ne fais rien, dans moins de dix minutes, notre appartement aura été ravagé par la tornade Alfie, il prétend devoir parler à ses parents d’Halloween – hein ? – et il me faut quelques secondes pour percuter et activer la fonction Alfie-traduction de mon cerveau encore au ralenti à une heure où il ne devrait même pas avoir à fonctionner. Je le regarde un instant s’affairer pour tenter de trouver son téléphone – totalement indispensable au milieu de la nuit, c’est sûr – qu’il est certain d’avoir posé sur la table de nuit. A sa place, je parierais plutôt sur le plan de travail de la cuisine, mais là n’est pas la question et il est inutile que je lui fournisse la possibilité de donner une crise cardiaque à maman Maslow. Il est donc grand temps que j’intervienne et je me retrouve rapidement debout à ses côtés, arrêtant ses fouilles archéologiques en posant mes mains sur ses épaules avant de le pousser doucement mais fermement sur le lit pour qu’il s’y assoit. « Assis. » J’ordonne, avec toute l’autorité dont je dispose et que j’ai l’occasion de développer durant mes nombreuses séances de lectures à des enfants un peu trop turbulents. « Il n’est pas indispensable que tu téléphones à tes parents maintenant. » Il est même indispensable qu’il s’abstienne. Mes mains toujours sur ses épaules donnent l’illusion que je le maintiens en place alors qu’un simple geste de sa part suffirait à m’envoyer balader çà l’autre bout de la pièce, ou presque. « On a le temps avant Noël, ne t’inquiètes pas. » Mais ce n’est pas Noël le vrai fond du problème, c’est qu’il a besoin de s’occuper l’esprit pour oublier ce cauchemar dont il vient de sortir ou dont il n’est peut-être pas encore totalement sorti, finalement. Je relâche ses épaules pour m’asseoir sur le bord du lit à ses côtés et prendre sa main dans la mienne. Je tente de rassembler mes esprits pour réfléchir à une solution alors que mon pouce dessine, par habitude, de petits cercles réguliers sur sa paume. « Si tu ne te sens plus bien ici, peut-être qu’on devrait partir. » Ce n’est probablement pas la meilleure chose à dire à quelqu’un qui est encore à moitié entre le cauchemar à la réalité et qui essaie d’échapper à ce qu’il vient de voir, mais c’est la seule idée qui me vient en tête après une énième nuit gâchée par ce cambriolage qui aura finalement eu des conséquences bien pires que si on nous avait juste volé une télévision ou les bijoux de ma grand-mère. Malgré tout, je suis sérieuse et j’y pense depuis un moment, cet appartement est plein de souvenirs qui le hantent et même si j’y suis évidemment attachée parce que c’est le premier logement que nous avons partagé tous les deux, il est devenu bien trop angoissant pour Alfie désormais. « On fera tout ce qu’il faut pour que tu te sentes mieux. » Je lui assure alors que je penche ma tête pour la poser contre son épaule. Je ne suis toujours pas très douée pour trouver les mots, mais je veux sincèrement l’aider et je reste certaine qu’ensemble, nous serons toujours plus forts.


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Message(#)(alfiana) i'm hearing voices in my head i don't wanna hear EmptyVen 6 Déc 2019 - 1:14

D’aussi loin qu’il s'en souvienne, le sommeil d’Alfie a toujours été perturbé. Plus jeune, il n’arrivait jamais à rester immobile suffisamment longtemps pour que Morphée vienne s’occuper de son cas, et bien souvent il abdiquait après une demi-heure d’impassibilité dans son lit, pour continuer à jouer dans sa chambre, poursuivre ses annotations (déjà à l’époque, il était toujours accompagné d’un petit carnet) ou, lorsqu’il s’ennuyait vraiment, faire de son mieux pour réveiller ses géniteurs ou son quartier tout entier lorsqu’il finissait par s’échapper par la fenêtre. Mais trouver le sommeil n’était déjà pas une mince affaire à cette époque, et très vite le jeune garçon a été mis sous médication pour l’aider à se reposer – il faut dire que ses professeurs appréciaient moyennement qu’il finisse par piquer du nez en classe, et les Maslow n’appréciaient pas beaucoup plus leur réputation de mauvais parents se souciant guère de l’heure à laquelle leur fils pouvait bien aller au lit. Ça l’avait aidé un temps, suite à quoi son métabolisme s’était habitué à la dose de tranquillisants perpétuellement dans son corps, et que les affres de l’adolescence lui avaient permis de régler le souci d’une manière bien différente et tellement plus efficace. Il avait fait sa première paralysie à cette époque et celle-ci, au même titre que les suivantes, avait été justifiée sous l’abus de psychotropes qui altérait son psychisme. Mais à l’époque, ce qu’il voyait devant ses yeux n’avait rien de terrifiant ; bien au contraire. C’était des hallucinations qu’il avait lui-même recherchée, c’était le visage d’Amelia, celui d’Harvey, c’était un animal imaginaire, c’était des sensations agréables et des sens décuplés. Elles étaient volontairement provoquées, dans un sens, et c’est la raison pour laquelle il s’était accommodé de celles-ci. Mais celle de cette nuit, comme toutes celles qui lui rappellent l'existence de ce problème depuis son retour de Colombie n’ont pas été invitées à s’immiscer dans ses nuits, pire, elles terrifient celles-ci sans qu’il ne puisse rien faire. Si. Il pourrait faire quelque chose, il pourrait les transformer, mais Alfie doit se l’interdire. Le pire dans tout ceci ? C’est qu’il ne le fait même pas pour lui, mais bien pour les autres, alors que c’est sous la pression de leur influence qu’il en a découvert une autre. Ce serait mentir que de dire que ses premières pensées ne vont pas vers la drogue qui parvenait à lui offrir un repos qu’il ne pensait plus trouver lorsqu’il se retrouve dans pareille situation, parce qu’il sait à quel point ce serait efficace. Pas seulement pour retrouver ce sommeil qui le fuit et qui provoque cet épuisement qui commence à se dessiner, mais parce qu’il sait aussi qu’ainsi, il pourrait effacer ces images de sa mémoire ou, du moins, les accepter. Car à cet instant, Alfie ne les accepte pas, terrorisé et en sueur comme un enfant de cinq  ans, alors qu’il en a trente de plus, revenu à lui mais toujours ancré dans son cauchemar alors que son regard papillonne partout pour s’assurer que les yeux ne le poursuivent pas.

C’est dans les bras de Jules qu’il finit par s’échouer, par automatisme, dans un geste qui est devenu au fil du temps un réflexe. Il a toujours été rassuré par le contact, mais celui de Jules lui procure d’autant plus d’apaisement. Il ne saurait expliquer pourquoi ; elle est simplement son ancre dans les moments comme celui-ci et il a besoin de se souvenir qu’elle est bel et bien à ses côtés, de la sentir près de lui et de se nourrir de la chaleur qu’elle lui transmet pour réchauffer son cœur glacé. Si les images n’ont pas encore totalement disparues, son rythme cardiaque parvient à diminuer sans pour autant se stabiliser, mais tout ce qui est susceptible de l’aider à se calmer est accepté sans considération quant à leur réelle efficacité. Pourtant, efficaces, les bras de Jules le sont alors qu’il s’accroche à elle, la serre si fort qu’il pourrait lui faire mal, qu’il y trouve du réconfort autant qu’il parvient à reprendre pied dans une réalité qu’il a délaissée pendant quelques minutes qui lui paraissent pourtant toute une vie. Les yeux fermés pour mieux ressentir les gestes de Jules, sa peau contre la sienne, son souffle dans sa nuque et les battements réguliers de son cœur qu’il perçoit à être ainsi collé à elle, il finit par rouvrir ses paupières lorsqu’après quelques minutes, il lui rend sa liberté à contrecœur. Il aurait pu rester ainsi le reste de la nuit, l’empêcher de bouger ou de partir travailler au matin, mais son regard s’est fixé sur cette foutue fenêtre, et son corps tout entier est attiré vers elle comme un aimant. La voix brisée de Jules résonne jusqu’à sa boîte crânienne, lui faisant baisser la tête alors qu’il aimerait répéter ses excuses. Il n’est pas responsable de ce qu’il a vu, mais il l’est de l’avoir réveillée, de l’avoir sortie de son sommeil seulement pour satisfaire son égoïsme et son besoin de la serrer contre lui parce qu’elle reste le meilleur remède qu’il connaisse. « Mais je…, il cherche ses mots un instant, ou peut-être une éternité, il ne saurait dire, je devrais pas, enfin… Ce n’est pas si compliqué de parler, Alfie. Tu y arrivais très bien, il n’y a pas si longtemps. Je devrais pouvoir gérer tout seul, j’ai le… lat… l’habitude ! » Il s’exclame, presque victorieux, délaissant Jules parce qu’il a réellement besoin de savoir si cette fenêtre est fermée et qu’il ne peut plus se concentrer sur autre chose. Il est pourtant obligé de laisser son esprit divaguer alors qu’il sent le regard de Jules sur lui et qu’elle demeure silencieuse, et il ne peut lui laisser le temps de reprendre la parole ; la situation est sous contrôle, il doit le prouver, il doit reprendre le contrôle de celle-ci et ne pas seulement le prétendre. Il n’a pas besoin de réfléchir bien longtemps ; il a tellement de choses à faire. Il doit appeler ses parents pour organiser Halloween, il doit agender une rencontre avec Stephen avant qu’il ne parte pour lui poser toutes les questions qu’il a en tête, il doit passer au musée d’anthropologie pour vérifier qu’ils sauront ouvrir l’exposition prévue pour début 2020 à temps, il doit avertir les Street Cats qu’il compte reprendre les répétitions à la fin du mois ; mais avant toute chose il doit retrouver son téléphone. Il est persuadé de l’avoir laissé sur sa table de chevet, pourtant, mais le contenu de celle-ci finit par terre et son téléphone n’est toujours pas visible. Il en devient dingue, s’agite dans tous les sens, aussi parce que cela lui permet de reprendre possession de son propre corps devenu étranger, et il sursaute presque lorsque les mains de Jules se posent sur ses épaules et qu’il finit par relever la tête pour croiser son regard autoritaire qui accompagne son ton du même acabit. Il se laisse faire avec docilité lorsqu’il est poussé en arrière, reprenant place sur ce lit qu’il aimerait fuir. Mais la voix et le contact de Jules lui permettent de s’apaiser et d’accepter sa position, bien qu’il ne soit pas entièrement d’accord avec elle. « Non, non, il faut que, qu’on… » Il proteste, encore déboussolé, coupé par une Jules qui lui assure qu’ils ont le temps avant Noël. Son regard vide s’ancre pourtant dans celui de Jules alors que ses mains quittent ses épaules et qu’il esquisse un bref geste de la main pour la retenir alors que son rythme cardiaque reprend l’ascenseur ; de courte durée puisqu’elle ne compte pas l’abandonner maintenant qu’elle s’assied à ses côtés et qu’elle glisse sa main dans la sienne, qu’il sert probablement trop fort pour l’empêcher de partir. Il sait qu’elle ne le fera pas, mais il a besoin de la savoir près de lui, il a besoin de s’assurer qu’elle est bien réelle. Il desserre la pression sur ses doigts alors que ceux de la jeune femme dessinent des cercle dans sa paume, comme elle le fait toujours lorsqu’il ne parvient pas à revenir sur terre. D’ordinaire, c’est parce qu’il s’est perdu dans ses pensées et qu’elle doit le ramener dans la conversation, cette fois-ci il est question de le ramener à une réalité qu’il n’appréhende pas encore totalement malgré tout, alors que ses yeux continuent d’osciller entre ceux de la jeune femme et l’ensemble de la pièce qu’il passe en revue. « Je… je sais pas. » Il hésite, à la proposition de Jules. « Il y a pas nécessité. » Besoin. Communication, Alfie. Ne te souviens-tu pas des efforts que tu as promis ? Son regard glisse sur le manège qu’exécute Jules sur sa paume et petit-à-petit, il se calme en se concentrant sur les doigts de Jules qui dansent sur sa peau en un rythme régulier. Il sursaute légèrement alors que la tête de la jeune femme vient s’échouer contre son épaule et qu’Alfie ferme les yeux un bref instant. « Je... » Comment dire les choses, quand on ne sait pas le faire ? Mais il peut tout lui dire, elle lui l’a répété à plusieurs reprises, il serait peut-être temps qu’il y croie. « Oui, peut-être. » Il débute en se passant sa main libre sur les paupières. « Je sais pas, je suis pas sûr que ce soit ce pa… cet am… cet endroit qui soit la solu-le problème. » Une dizaine de mots, c’est pas difficile pourtant. « Et si c’est pas le cas ? » Il l’interroge en tournant légèrement la tête vers elle, alors que son pouce vient jouer avec les doigts de Jules, interrompant les cercles qu’elle dessinait. « Et si ça ré-se ré… ça revient jamais. » Alfie s’impatiente de trouver ses mots, provoquant plus d’erreurs, et accentuant cette frustration qu’il essaie de partager. Un soupir d’agacement traverse ses lèvres alors que sa patience arrive à échéance. « Comment je peux me…, allons, Alfie, elle vient de le dire. Comment je peux faire, C’est pas compliqué pourtant, un gamin de six ans s’exprime mieux que toi, avec, C’est ça, énerves-toi contre toi-même, c’est ce que tu sais faire de mieux, ça ça quoi, Alfie ? Tu n’arrives pas à trouver tes mots alors que tu y arrivais très bien il y a dix minutes. Continues ainsi, tu t’enfonces, cette, Tu perds patience, pas vrai ? Sa main se libère de celle de Jules rapidement, alors que sa mâchoire se crispe et ses doigts se resserrent autour du drap. tête. » Qu’il hurle presque après avoir enfin réussi à sortir le mot d’entre ses lèvres, alors qu’il prétextera qu’il s’agit d’un moyen d’illustrer ses propos quand ses mains remontent jusqu’à ses tempes pour frapper celles-ci dans un rythme régulier, de plus en plus fort, de moins en moins espacé, autant pour forcer ces informations à s’imprimer, qu’à exprimer cette rage qu’il contient depuis trop longtemps et qu’il ne sait exprimer que lorsqu’elle est tournée vers lui-même.
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Message(#)(alfiana) i'm hearing voices in my head i don't wanna hear EmptyVen 6 Déc 2019 - 22:41



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@Alfie Maslow & Juliana Rhodes



La peau d’Alfie est moite sous mes doigts qui s’agrippent à lui un peu trop fort, refusant de lâcher prise, comme si le simple fait de le tenir dans mes bras pouvait suffire à effacer les souvenirs qui le tiennent trop souvent éveillés. Je sens le rythme affolé de son cœur et perçoit sa respiration saccadée, vestiges d’une énième nuit cauchemardesque dont il a eu trop de mal à s’extirper. Je ferme les yeux et revois les siens, grands ouverts, affolés, cherchant un réconfort qu’il ne pouvait pas obtenir parce qu’il ne pouvait ni crier, ni bouger. Incapable de contempler cette image plus longtemps, je laisse mes yeux parcourir la pièce qui nous entoure, arrêtant mon regard sur le linge froissé entassé sur une chaise et sur la pile de livres que j’ai laissé sur la commode, incapable de me décider pour ma prochaine lecture. Pendant un instant, je combats mon envie de me lever pour tout ranger, parce que c’est ce que je fais lorsque quelque chose m’échappe et que je me sens perdue, je mets de l’ordre autour de moi comme pour en mettre dans ma tête qui fourmille d’idées à vitesse impressionnante. Mais il y a Alfie, et il est nettement plus important pour moi de le tenir dans mes bras pour l’apaiser que de résoudre mes propres angoisses en laissant mes névroses s’exprimer. Tout comme il est important de lui dire que rien de tout ceci n’est de sa faute et qu’il n’y a rien dont il doive être désolé. Il subit cette situation, il subit ce manque de sommeil, il subit ces souvenirs qui ne le laissent pas en paix et même si je devais être réveillée en sursaut quinze fois par nuit ou l’accompagner dans ses insomnies pour qu’il se sente un peu moins seul et un peu plus en sécurité, ça en vaudrait la peine. « Bien sûr que tu peux gérer tout seul, j’en suis sûre, et c’est ce que tu ferais si je n’étais pas là. » A dire vrai, je ne pense pas lui être d’une quelconque utilité car si retrouver mes bras semble lui apporter un peu de réconfort, c’est loin d’être suffisant pour apaiser ses craintes qui s’expriment de nouveau la nuit d’après, et la nuit encore d’après, revenant inlassablement avec une intensité parfois décuplée. J’aime qu’il ait le réflexe de se tourner vers moi lorsqu’il traverse ces moments compliqués. Au fond, je ne suis pas dupe et je ne peux pas que demander combien de nuits il a passé sans me réveiller alors qu’il luttait contre ses peurs, combien de fois il a souri en me voyant émerger, accueillant mon réveil avec bonne humeur sans parler de sa migraine provoquée par une absence quasi-totale de sommeil. Rares sont les fois où, comme cette nuit, la peur prend le dessus et l’oblige à extérioriser ses émotions mais j’ai bien conscience que, la plupart du temps, j’ignore ce qu’il traverse parce qu’il préfère me tenir à l’écart. « Mais je suis là. » Je me hâte donc de préciser parce qu’il est évident, en effet, qu’il peut très bien s’en sortir sans moi mais que j’ai envie – ou plutôt besoin – d’être là pour lui et je ne trouve pas anormal qu’il se repose sur moi. Il ne le fait certainement pas assez souvent, d’ailleurs, et j’ai toujours l’impression d’avoir besoin de lui plus qu’il a besoin de moi. « Je serais toujours là. » J’ajoute, parce que malgré les difficultés que nous avons traversées dernièrement et ces projets d’avenir que nous ne partageons pas, il ne m’est jamais venu à l’esprit que nous prenions un jour des chemins séparés. L’agression dont a été victime Alfie nous a de nouveau rapprochés et même si j’aurais préféré que la distance qu’il a mise entre nous s’estompe pour une autre raison, je savoure chaque seconde de sa présence à mes côtés. Mes lèvres effleurent son épaule dénudée un court instant avant qu’il ne m’échappe, s’activant dans la pièce avec des gestes brouillons qui traduisent son agacement.

Les secondes passent et Alfie perd pieds de nouveau, laissant ses pensées passer du coq à l’âne sans chercher à les canaliser et c’est finalement ce que j’essaie de faire à sa place en le forçant à s’arrêter et à laisser tomber son projet d’appeler ses parents en plein milieu de la nuit. Il proteste mais je ne cède pas, essayant doucement de lui faire entendre raison et de le ramener à la réalité. Je déteste le sentir aussi déboussolé, comme si une partie de lui-même était restée piégée dans une terreur qu’il n’est pas parvenu à surmonter. Assise à ses côtés, je cherche une solution à ses problèmes en sachant pourtant qu’il n’y en a pas vraiment, si c’était le cas, il l’aurait trouvé depuis tout ce temps, les médecins l’auraient aidé et il irait bien mieux à présent. Malgré tout, je veux lui proposer quelque chose, n’importe quoi qui puisse l’aider à se raccrocher à l’infime espoir que tout finira par s’arranger. Je le sens hésitant alors qu’il commence par me dire que ce n’est pas nécessaire et je reste muette, attendant que l’idée fasse son chemin et qu’il parvienne à exprimer ce qu’il ressent. J’ai pris l’habitude qu’il cherche ses mots, les inverses et prenne du temps pour formuler une phrase complète. Je ne m’en formalise pas, parce qu’il revient de loin et qu’il a déjà fait énormément de progrès depuis son admission à l’hôpital. J’ai appris ces dernières semaines à faire preuve de patience et à me réjouir pour de petites améliorations qui m’auraient sans doute parues insignifiantes quelques mois auparavant. J’essaie de ne pas comparer la situation actuelle à celle que nous avons vécu plus d’un an auparavant alors que l’hôpital m’appelait exactement de la même manière pour que j’accours à son chevet. Je déteste me rappeler de cette période et je déteste avoir la sensation de la revivre une fois de plus. Je l’ai empêché de repartir pour ne plus jamais avoir à affronter ça et je suis obligée de me rendre compte que mon seul argument pour l’empêcher de poursuivre ses projets professionnels n’est pas valable. Les risques qu’il prenait sur le terrain ne semblent pas avoir disparu maintenant qu’il reste de manière permanente à Brisbane et je dois désormais prendre sur moi pour ne pas appréhender chaque nouvelle journée en craignant qu’il lui arrive encore quelque chose. Et si ce n’est pas le cas ? La question est pertinente parce qu’un déménagement ce n’est pas quelque chose à prendre à la légère et si ses problèmes ne se solutionnent pas grâce à cette décision, alors on l’aura pris pour rien. « Ce n’est peut-être pas le problème, mais il en fait partie. » C’est ma seule certitude, au fond, parce qu’il me parait impossible que l’agression qui a eu lieu ici-même ne l’empêche pas de voir cet appartement comme un lieu où il se trouve en sécurité. Toutefois, je sais bien qu’il a raison, que ce n’est pas le problème et je ne suis même pas sûre qu’il y en ait qu’un seul, en réalité. J’interromps les cercles sur sa main alors qu’Alfie retire la sienne, laissant ses doigts jouer avec les miens sans que je n’y prête vraiment attention. Et pour cause, je suis beaucoup trop concentré sur les paroles qu’il vient de prononcer. J’aurais tellement aimé m’exclamer qu’il était impossible que les choses ne s’arrangent jamais mais je réalise que je n’en suis pas réellement certaine. Qu’est-ce que nous pourrons faire s’il ne retrouve jamais sa sérénité ? Il ne peut pas vivre comme ça toute sa vie, c’est impossible. « Tout finira par s’arranger. » J’essaie tant bien que mal de dissimuler mon incertitude mais je n’arrive pas pour autant à nier son existence comme j’aurais aimé le faire. « Je sais que c’est difficile pour toi d’attendre d’aller mieux et que tu n’as pas envie d’être patient, mais il n’y a pas de raison pour que ça ne s’arrange pas. » Non, en réalité, je ne sais pas à quel point c’est difficile et si je peux imaginer ce qu’il traverse, je dois certainement être à des millénaires de la réalité tant ce qu’il vit me parait abstrait. J’aimerais prendre sa souffrance, même un tout petit peu, pour qu’il puisse enfin se reposer mais ce n’est évidemment pas possible. Il cherche ses mots, s’énerve et me renvoie encore une fois à l’impuissance que je ressens à chaque fois qu’il exprime un mal-être dont je ne parviens pas à décharger. Ce ne sont pas nos étreintes ou mes belles paroles qui suffiront à le soulager, je le sais bien, et j’ai de plus en plus de mal à accepter de ne pas avoir d’autre solution à lui proposer. J’attrape ses poignets qu’il ne devrait pas utiliser pour se faire du mal et l’attire contre moi de nouveau, tentant vainement d’apaiser une colère qu’il retourne contre lui. « Tu as le droit d’être en colère. » Je murmure à son oreille, alors que les battements rapides – trop rapides – de son cœur résonnent dans ma tête. « Mais ne t’inflige pas ça, tu n’es pas responsable. » Je répète, comme lorsqu’il m’a présenté des excuses qui n’avaient pas lieu d’être. N’importe qui serait en colère de se retrouver dans cette position, perdre le contrôle de son esprit est quelque chose de terrible et Alfie subit les assauts perpétuels d’un subconscient qui ne lui laisse plus aucun répit. Certains doivent se battre contre leur entourage pour défendre leurs opinions, mais lui, c’est contre lui-même qu’il doit faire front et c’est quelque chose de nettement plus difficile. Je lâche un de ses poignets pour passer ma main dans ses cheveux, lissant les mèches rebelles précédemment éparpillées sur l’oreiller. Les secondes passent alors que j’hésite à exprimer le fond de ma pensée sans être certaine de viser juste. « Peut-être que… » C’est bien tout le problème, il n’y a que des peut-être autour d’Alfie et jamais ceux qui parviennent à l’aider réellement. « Peut-être que s’il y avait moins de choses… de pensées, dans ta tête, ça serait plus facile. » Extérioriser pour se donner un nouveau départ, ce n’est peut-être pas la bonne solution, mais encore une fois, j’ignore ce qu’il traverse, et je pense que je ne pourrais jamais réellement le comprendre. Tout ce que je sais, c’est qu’il y a trop de poids sur les épaules d’un seul homme et qu’il est en train de le réaliser. Il a vécu trop d’expériences douloureuses en un court laps de temps sans jamais craquer ni se plaindre, il serait plus que légitime que l’effet boomerang arrive maintenant et même si je ne suis certainement pas la personne la plus apte à l’aider, je serais là pour lui, parce que je ne me vois être nulle part ailleurs. Il est toujours fort pour moi, alors c’est à mon tour de l’être pour lui.


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Message(#)(alfiana) i'm hearing voices in my head i don't wanna hear EmptyLun 10 Fév 2020 - 13:14

Le problème n’est pas tant le manque de sommeil que tout ce que cela engendre pour lui. Alfie a toujours eu l’habitude de ne dormir qu’une poignée d’heures par nuit, son corps n’a jamais réclamé des nuits de huit heures – du moins, jusqu’à récemment où elles interviennent lorsqu’il a passé plusieurs jours à repousser Morphée et qu’il s’effondre littéralement à peine assis sur son lit – et s’est même toujours avéré bien plus reposé lorsqu’il ne dormait que quatre heures sans que cela n’entache son humeur. Ses problèmes de sommeil n’ont donc pas été immédiatement considérés comme tels par le jeune garçon et sa famille, parce qu’il s’en accommodait et ne ressentait pas le besoin de changer les choses. Il trouvait toujours de quoi s’occuper au milieu de la nuit, et ce n’est que lorsque cela a commencé à impacter sa scolarité que des mesures ont été prises. Et si les médicaments qu’on lui a prescris plus jeune faisaient leurs effets, il était plus obligé de les prendre pour ses parents que pour lui-même. Ils avaient besoin de savoir qu’il ne bougerait pas de sa chambre durant une nuit complète, qu’il serait en mesure de se reposer et d’être en bonne santé alors que de son côté, le manque de sommeil n’a jamais été perçu comme un drame. Au contraire, ces nombreuses heures passées éveillé lui ont souvent permis de mener à bien des projets ou d’en développer d’autres, alors qu’une journée n’avait jamais assez d’heures pour lui qui fourmille de dizaines d’idées à la seconde. Mais avec l’âge, il a acquis des connaissances et un nouveau rapport au monde, ce qui a fortement changé ses préoccupations et les pensées qui pouvaient l’occuper, au point où elles en sont devenues parasitaires. Et enfin, Alfie a réalisé qu’il avait besoin de se reposer. Non pas pour satisfaire les besoins de son corps, mais pour préserver une santé mentale toujours mise à mal par trop de réflexions, trop de regrets, trop d’idées qu’il ne pouvait pas réaliser, trop de frustration accumulée. Alfie avait trouvé une échappatoire par le biais de la drogue ; et c’est bien là que se trouve le problème. Car encore maintenant, encore ce soir, alors qu’il ne saurait dire s’il s’est endormi ou s’il est resté constamment éveillé depuis qu’ils ont regagné cette chambre, les pensées d’Alfie se tournent vers ces artifices lorsqu’il en vient à supplier silencieusement d’avoir une nuit, une seule nuit de répit. Mais il n’y arrive pas et quand bien même il pourrait y parvenir, il ne le ferait pas car il sait les sacrifices que cela demande. Il refuse d’aller chez le médecin parce qu’il sait la solution qui lui sera proposée, et qu’elle serait trop dangereuse pour cet équilibre qu’il est parvenu à construire au fil des années. Alors Alfie a fait ce qu’il fait depuis toujours ; il a remplacé une drogue par une autre. Mais celle qui est la sienne à l’heure actuelle n’est pas nocive – oh non, bien au contraire – et il se perd dans les bras de Jules comme il avait l’habitude de se perdre dans les paradis artificiels. Aveuglément, sans songer au reste, en se persuadant que c’est la solution miracle à tous ses problèmes. Mais ça ne l’est pas, parce qu’il ne peut pas toujours compter sur elle ; quand bien même elle essaie de le persuader du contraire. La vérité, c’est qu’il lui en demande beaucoup. Beaucoup trop. Jules a sa vie à mener et ne peut pas toujours être ralentie par les difficultés de son petit ami, et pourtant, c’est très exactement ce qu’il fait. Il l’a ralenti en quémandant sans cesse son attention parce qu’il ne sait pas régler les choses autrement qu’à travers elle, comme il le faisait avec la drogue à l’époque. Car la vérité, c’est qu’il n’a jamais rien réussi à gérer seul, contrairement au discours qu’il tient et qui vise plus à le persuader lui que sa petite amie. Mais la nuance réside dans l’emploi du conditionnel, il devrait. Il n’a jamais certifié qu’il y arrivait, et cela se confirme. « Je… je crois pas, non. » Il murmure à l’oreille de la jeune femme, toujours perdu dans ses bras, agrippé à elle comme si sa survie en dépendait – et peut-être que c’est le cas, en réalité. Il ne saurait pas comment il ferait sans elle ; la certitude est qu’il souffrirait. Plus qu’il ne souffre déjà. « Merci. » Qu’il murmure une nouvelle fois, parce que c’est le seul mot qu’il a à la bouche concernant Jules, parce que s’il y en a bien un qu’il n’oublie pas, c’est celui-ci.

Ce qu’il n’oublie pas, par contre, c’est la discussion qu’ils ont eue plus tôt dans la soirée, laquelle il ressasse et devient sa priorité ; parce que tout doit l’être sauf ce sommeil cauchemardesque et toutes ses images dont il n’arrive pas encore à se défaire. Il doit les remplacer, par n’importe quoi ; et si le contact avec Jules l’a aidé à s’apaiser, ce n’est pas suffisant. Il sait comment il fonctionne dans ce genre de situation ; il doit se surcharger, quand bien même ce n’est pas une solution de remplacement qui soit adéquate. Mais il doit se perdre dans d’autres pensées, il doit se noyer dans celles-ci pour oublier celles qui lui pose problème. Alors il s’y essaie, reprenant les choses dans l’ordre. Noël. Sa mère. Celle de Jules. Celle-ci l’empêche de mettre son plan à exécution alors qu’elle cherche à nouveau le contact et l’oblige à s’arrêter de s’activer ; mais c’est la seule chose qu’il sache faire. À nouveau sur le lit, il essaie de se focaliser sur ce nouveau contact, sur la douceur de la peau de Jules, sur son regard aimant, mais inquiet, sur les fines cernes sous ses yeux dont il est probablement à l’origine au vue des dernières semaines, sur tous ces détails qui l’empêchent de songer à ceux qui le concernent lui. Pourtant, il est obligé de s’y confronter lorsqu’elle soumet l’hypothèse de quitter cet appartement et que le mutisme dans lequel il se prostre quelques instants démontre du sérieux qu’il accorde à cette proposition. Ce serait mentir que de dire qu’il n’y a pas songé, mais il n’est pas certain que ce soit une véritable solution. Pourtant, c’est bien sur le chemin qui le ramène au bâtiment qu’il se retourne sans cesse, c’est bien dans le couloir qui mène au hall que son cœur s’emballe, c’est bien dans les escaliers qu’il monte quatre à quatre qu’il angoisse le plus. Pas sur le chemin jusqu’à ses parents, pas lorsqu’il s’incruste chez Tad, encore moins lorsqu’il débarque à l’improviste chez Hassan. C’est ici, dans cette rue, dans cet immeuble, dans leur appartement. « Je… C’est vrai. » Qu’il finit par admettre en se pinçant les lèvres. Ça suffit comme réponse, il n’ajoutera pas tous les exemples qui lui confirment qu’ils doivent partir. Pas ces tocs de vérification qui sont soudainement les siens, pas toutes ses dépenses pour sécuriser l’appartement, pas toutes ses nuits où il se réveille pour faire le tour de l’appartement et s’assurer qu’ils sont bien seuls. « Peut-être qu’on devrait partir, oui, mais... » On peut pas imposer un déménagement à Anabel. Il y a ça, aussi, qu’il n’a pas réussi à placer durant la conversation de ce soir et qui lui revient en pleine figure maintenant qu’il parvient peu à peu à se calmer. Mais l’évocation de la discussion qu’il a eue avec Stephen ne fait qu’accentuer son rythme cardiaque, à l’instant où Jules se montre encore une fois d’un grand soutien et qu’il piétine tout cet optimisme, lui qui n’en est pourtant pas dénué en temps normal. Il essaie de hocher la tête pour se laisser convaincre par les propos de la brune. Mais cette fois-ci, il n’y arrive pas. Cela fait plusieurs semaines qu’il est rentré de l’hôpital, et il ne semble plus y avoir la moindre amélioration. Il est toujours dans le flou concernant cette agression, et même certains segments de sa vie qui ne lui apparaissent plus clairement, lui donnant l’impression d’être un imposteur qui vit la vie de quelqu’un d’autre parce qu’il ne reconnaît pas celle-ci. L’appartement ressemble à un bureau géant, des post-it collés dans chaque pièce pour ne pas qu’il oublie les choses, son téléphone constamment en train de vibrer car il a des dizaines d’alarmes programmées. Il passe tous les matins un quart d’heure à se répéter les éléments essentiels de sa journée pour ne pas avoir un blanc au milieu de celle-ci et se retrouver complètement perdu. Mais surtout, il ne parvient toujours pas à formuler des phrases complètes sans se tromper ou hésiter quant à ses mots, lui qui les enchaînaient à une vitesse folle comme une tentative de vider toute sa tête de ses pensées envahissantes. Tout reste en mémoire sans qu’il ne puisse faire le tri en les exprimant, parce qu’il n’y arrive plus. Et c’est terriblement frustrant. Il n’a pas la patience, il n’a plus la patience, d’attendre que son corps et sa tête veulent bien le soulager. Et cette impression de régresser en vient jusqu’à sa manière d’être ; lui qui se fait à nouveau du mal, comme il ne l’avait pas volontairement (croit-il) depuis qu’il était plus jeune. Les mains de Jules qui se fraient un chemin jusqu’à ses poignets qui s’acharnent contre lui le ramènent peu-à-peu à la réalité alors que ses yeux embués se posent sur la jeune femme avant qu’il ne retrouve la chaleur de son corps. Il faut que tu te calmes, Alfie. Le problème est qu’il a atteint cet état extrême où rien de naturel ne parvient à l’aider. Mais Jules fait de son mieux, et plus que jamais, il lui est reconnaissant. « Merci. » Il répète une nouvelle fois alors qu’il s’écarte légèrement pour lui faire face, ne mettant pas totalement un terme à leur étreinte, mais se contenant de perdre sa main dans celle de la jeune femme alors qu’il relève les yeux vers elle et qu’il se mord la lèvre un bref instant. « Peut-être… et je… ça tombe bien, je… je dois te parler de quelque chose. » Il finit par glisser avant de baisser la tête. Arracher le pansement, il ne voit que cette façon de procéder. « Stephen va partir quelques mois en mission humanitaire au Cambodge. » Son cœur se veut plus rapide, alors qu’il ferme les yeux un bref instant avant de reprendre. « Il aimerait me confier Anabel pendant ce temps. Enfin, nous la confier. C’est ça ou les Forbes. » Autant dire qu’à ses yeux, le choix est vite fait. Mais ce n’est pas un choix qui dépend que de lui. « Il m’en a parlé en début de semaine et je… enfin, je savais pas co-comment t’en parler, ni ce que j’en pan-pensais. » Calme-toi, Alfie. Portant son regard sur sa main toujours dans celle de Jules, il serre un peu plus celle-ci pour avoir un pied dans la réalité. « Je sais que c’est pas une très bonne idée pour plein de raisons, et pas si-sa-seulement mon état, mais je peux pas la lâcher. » Qu’il finit par murmurer en relevant la tête, attendant la sentence de Jules le cœur serré et le souffle coupé.


Dernière édition par Alfie Maslow le Dim 16 Fév 2020 - 11:51, édité 1 fois
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Message(#)(alfiana) i'm hearing voices in my head i don't wanna hear EmptyLun 10 Fév 2020 - 15:44



I'm hearing voices in my head I don't wanna hear

@Alfie Maslow & Juliana Rhodes



J’aimerais vraiment qu’il y ait une solution miracle pour Alfie, un tout petit truc à faire auquel personne n’a pensé jusque-là et qui suffirait à faire sortir de sa tête toutes les pensées qui l’encombre et qui l’empêche de retrouver sa sérénité. Je sais que ce n’est pas le cas, bien sûr, mais il faut bien que je me raccroche à quelque chose, que j’envisage qu’il puisse y avoir des solutions simples, quelque chose qu’on aurait oublié et qui arrangerait tout. Qu’est-ce qu’il lui reste s’il ne peut plus espérer que les choses s’arrangent ? Je préfère ne pas y penser, et essayer de voir les choses positivement. Je crois en lui et en sa capacité à se sortir de tout ça, mais malheureusement, il n’a pas l’air d’être convaincu d’y parvenir et pour la première fois depuis cette dispute au beau milieu de la nuit, il se montre vulnérable. Je suis évidemment touchée par son désarroi et désolée de ne rien pouvoir faire pour l’aider à part le tenir dans mes bras, bien résolue à ne le lâcher sous aucun prétexte. Bien sûr, ça ne suffit pas, ça ne suffira jamais et lorsque notre étreinte ne parviendra plus à lui apporter un certain apaisement, j’ignore ce qu’il pourra trouver comme solution pour s’octroyer quelques minutes de calme. Plus le temps passe et plus j’ai de mal à me convaincre que cette situation est provisoire et je ne suis pas sûre que les médecins ont réalisé quelle était l’ampleur du problème, ils se sont concentrés sur l’agression et sur la manière dont ils pouvaient soigner ses blessures et le remettre sur pieds, mais ils n’ont pas cherché à savoir si ces plaies n’en cachaient pas d’autres, plus enfouies et moins faciles à effacer. J’ai moi-même l’étrange sensation de ne pas vraiment comprendre Alfie, par moment, ou plutôt de ne pas vraiment saisir la gravité de sa situation et tout ce que ça implique. Je croyais qu’il allait bien avant qu’il ne m’avoue que la mort de Rachel était un fardeau qu’il peinait à porter, que l’arrivée de Leah dans la vie de Stephen était trop difficile à encaisser pour lui et que Joseph et Harvey lui avaient fait plus de mal qu’il ne voulait bien l’admettre. Il m’a prouvé par le passé qu’il pouvait me surprendre et que j’étais loin d’imaginer ce qu’il était en train de traverser malgré le fait qu’on partage notre quotidien depuis plus d’un an, à présent. C’est une situation nouvelle et inédite pour moi qui ai l’habitude de ne pas mettre de filtre, de me confier à lui sans vraiment réfléchir, parce que c’est une évidence et que j’estime que c’est normal. Lui, au contraire, préfère intérioriser, ne pas trop parler ou alors quand il a atteint un point de non-retour et qu’il n’est plus en capacité de garder le silence. Ces derniers temps, au lieu de le pousser à parler davantage, à se confier et à exprimer ce qu’il avait sur le cœur, j’ai fait l’inverse, je me suis mis à taire ce que je pensais réellement, à adopter son mode de fonctionnement pour qu’on soit de nouveau sur la même longueur d’onde et ça ne nous a vraiment rien apporté de bon. Je me rends compte que nous avons eu besoin de cette agression pour nous retrouver enfin et ça ne présage rien de bon pour l’avenir. J’aimerais qu’il soit avec moi parce qu’il en a envie et non pas parce qu’il a besoin d’une présence sécurisante dans un moment où il ne sent pas du tout en sécurité. Il est évidemment rassurant de me rendre compte que c’est à moi qu’il se raccroche pour trouver son chemin dans la tempête, mais j’ai du mal à oublier qu’avant de la traverser, il ressentait surtout le besoin de me fuir. « Alors je resterais là et on traversera ça ensemble. » Je murmure à mon tour, chassant provisoirement ces pensées qui risque de mettre un coup fatal au positivisme dont j’essaie de faire preuve. Je serais là pour lui, non pas par nécessité mais par envie et malgré tout ce que nous avons traversé ces derniers temps, il ne me viendrait jamais à l’idée de le laisser tomber dans un moment pareil. C’est pour cette raison que je réfléchis aux solutions que je pourrais trouver pour qu’il aille mieux, parce que je veux sincèrement l’aider à trouver cette clé qui lui manque pour dénouer les cadenas qui se trouvent dans sa tête. Il n’a pas l’air très convaincu par mon idée de déménagement, mais je le vois y réfléchir sérieusement et je le laisse à ses réflexions malgré mon envie de le voir les partager pour que je comprenne davantage ce qu’il est en train de traverser. Soudainement, il ne semble plus très sûr que ce départ soit une si mauvaise idée que ça et je me sens enthousiaste à l’idée qu’on puisse faire un pas en avant vers sa guérison, ou en tout cas vers la disparition de quelques-uns des fantômes qui le hantent. Pour le moment, je ne pense pas à ce que je vais quitter, aux souvenirs que je vais devoir laisser derrière moi et à ce qu’un déménagement implique. Tout ce qui compte, c’est qu’Alfie aille mieux, c’est qu’il retrouve le sommeil et le sourire et que chacune de ses journées ne soit pas un combat permanent contre lui-même, peu importe ce que nous devons sacrifier pour qu’il y parvienne enfin. Malgré tout, je le vois hésiter et se poser des questions qu’il n’exprime pas à haute voix, restant même incapable de finir sa phrase. « Mais quoi ? » J’insiste, sourcils froncés, incapable de trouver les mots à sa place alors que c’est quelque chose dont j’ai réellement pris l’habitude ces derniers temps. C’est devenu un automatisme pour moi, de remplacer un mot par un autre, de finir les phrases qui reste en suspens parce qu’il ne parvient pas à mettre le doigt dessus, de réfléchir rapidement pour lui éviter de ressentir trop longtemps cette frustration de ne pas avoir le discours fluide dont il avait l’habitude avant cette agression. Alfie a toujours été un moulin à paroles, je l’ai toujours connu comme ça, et cette capacité à libérer tout un flot de paroles de manière continue se retrouve entravée par une mémoire réfractaire et un cerveau au fonctionnement ralenti par les coups subi. C’est difficile pour lui, je m’en rends bien compte et même si je trouve qu’il fait preuve de beaucoup de patience, parfois il n’y arrive plus et j’ai décidé que faire en sorte que ces instants de frustration soient moins compliqués était mon rôle et je le prends très à cœur. « Qu’est-ce qui nous retient ici ? » Je connais déjà la réponse, et même si je suis sûre que l’idée me paraitra beaucoup moins bonne lorsque je réaliserais ce que ça implique, pour le moment ça me permet de croire que tout peut encore s’arranger et c’est bien suffisant.

Je pensais que c’était suffisant jusqu’à ce qu’Alfie me prouve que ça ne l’est pas, qu’il a atteint ses limites et qu’il ne sait plus quoi faire pour que les pensées s’arrêtent et pour que sa tête le laisse en paix. Je fais de mon mieux pour qu’il arrête de se faire du mal, attrapant ses poignets de mes mains pour le forcer à arrêter avec toute la force dont je dispose. Je ne crois pas l’avoir déjà vu aussi mal, ou en tout cas pas depuis l’hospitalisation dont il a été victime il y a un peu plus d’un an et qui m’a bien plus marquée que je ne veux bien l’admettre. Encore une fois, je me sens affreusement impuissante face à sa détresse et je ne sais plus quoi inventer pour lui venir en aide. Tout ce dont je suis capable – et c’est affreusement frustrant de ne pouvoir faire que ça – c’est de le serrer dans mes bras une nouvelle fois, espérant lui transmettre un apaisement que je suis pourtant loin de ressentir en l’état actuel des choses. Je me rends parfaitement compte que ce n’est pas suffisant, que son rythme cardiaque ne diminue pas vraiment et qu’il a atteint un niveau d’anxiété qu’il ne parviendra pas à réduire facilement. Il me remercie alors que je n’ai absolument rien fait et que je suis incapable de faire quelque chose d’utile et je me contente de secouer la tête, trop nouée pour prononcer le moindre mot rassurant. Je déteste cette situation, je déteste le voir comme ça et je déteste devoir y assister en spectatrice impuissante. Je dois me rendre à l’évidence, je ne peux pas le soulager et tout ce que je peux faire c’est attendre avec lui que la nuit se termine et que la lumière du jour nous indique que cette nuit cauchemardesque est enfin derrière nous. Le souci, c’est que le jour n’élimine pas toutes les angoisses dont il est victime et que personne ne peut prévoir si la nuit suivante et celle encore après seront meilleures ou pire que celle que nous sommes en train de passer. J’envisage donc très sérieusement qu’il parvienne à se tourner vers quelqu’un à qui il puisse réellement se confier, au moins pour alléger le poids des pensées qui sont trop nombreuses dans sa tête et tant pis si ce n’est pas à moi qu’il peut dire toutes les choses qui semblent si difficiles à exprimer. Il m’en coute, évidemment, parce qu’Alfie est celui vers qui je me tourne lorsque j’ai besoin d’un conseil, de soutien ou d’une oreille attentive, mais il faut que je me fasse à l’idée que s’il suffit à mon bonheur, je ne suffis pas au sien. Je suis donc étonnée lorsqu’il avoue devoir me parler de quelque chose, et je le dévisage, brusquement soucieuse, comme si je pouvais lire dans ses yeux l’aveu qu’il s’apprête à me faire. La pression de ma main sur la sienne se resserre, presque imperceptiblement et j’attends qu’il parvienne à trouver les mots qu’il cherche pour s’exprimer. Mon expression inquiète se métamorphose en étonnement lorsqu’Alfie évoque le départ de Stephen en mission et redevient parfaitement neutre lorsqu’il évoque son souhait de lui confier Anabel alors que je fulmine intérieurement contre celui que je considère pourtant habituellement comme un membre de ma famille. Alfie a l’air inquiet, probablement soucieux de ma réaction et parce qu’il est dans un état d’angoisse que je ne tiens pas à aggraver, je fais de mon mieux pour dissimuler la colère provoquée par ce qu’il vient de me dire, que ce soit par les mots qu’il a choisi d’employer ou la situation dans laquelle il me met. La pression de ma main sur celle d’Alfie se relâche et je résiste à la tentation de la retirer complètement pour mettre fin à ce contact qui ne me parait plus aussi rassurant ni agréable, désormais. Il se moque de moi, je ne vois pas d’autre explication possible, ou plutôt devrais-je dire qu’ils se moquent de moi. Alfie sait très bien que je ne peux rien dire, que c’est quelque chose que je n’ai pas le droit de refuser parce qu’on ne parle pas de refaire la décoration du salon mais d’une petite fille qui du haut de ses six ans a déjà traversé plus d’épreuves que bon nombre d’adultes et bien plus brillamment qu’eux, d’ailleurs. Toutefois, je ne peux pas me mentir à moi-même, cette idée ne me plait pas du tout, pas maintenant, pas alors que notre couple est plus fragile que jamais et pas maintenant qu’Alfie est plus fragile que jamais. A quoi pensait Stephen en suggérant une chose pareille ? S’est-il au moins rendu compte qu’il demandait une faveur à quelqu’un qui n’était déjà plus capable de s’occuper de lui-même ? Réalise-t-il qu’en confiant Anabel à Alfie, il me la confie nécessairement à moi aussi ? Apparemment non, ou alors il n’a pas jugé utile de me demander mon avis, comme si je ne faisais pas vraiment partie de ce foyer, finalement ou simplement au même titre que la jolie plante en pot postée dans l’entrée. Peut-être qu’il n’a pas tort, en réalité, peut-être que mon opinion ne compte tout simplement pas et c’est ce que pense certainement Alfie, en fin de compte. Après tout, il en a discuté en début de semaine avec Stephen et pourtant il ne m’en parle que maintenant, certainement parce que sa décision est déjà prise que je ne suis que le dernier maillon de la chaine avant son emménagement chez nous. J’aurais dû faire partie de cette conversation, j’aurais dû y avoir ma place et Stephen aurait dû envisager de nous confier Anabel et non pas de la confier à Alfie, parce qu’il est évident que je vais porter le poids de cette responsabilité moi aussi, et certainement même plus que mon petit-ami au sommeil inexistant et aux problématiques difficiles à résoudre. J’aimerais exploser, extérioriser toutes ces pensées qui m’assaillent mais je regarde Alfie, je ressens sa nervosité, revois la nuit terrifiante qu’il vient juste d’affronter et je sais que je ne peux pas faire ça. Je serre les dents, je me concentre sur ma respiration que je tente de conserver régulière alors que mes pensées s’organisent difficilement. Je sais que quoi je puisse dire, je subirais de toute façon le débarquement de cette petite fille que je ne me sens pas prête à accueillir et rester ici pour avoir cette conversation qui ne tournera pas en ma faveur me demande un réel effort. « Combien de mois ? » Je demande finalement, sur un ton que je veux le plus neutre possible. « Quand est-ce qu’elle arrive ? » J’espère de tout mon cœur qu’il ne va pas me donner la date du lendemain ou du surlendemain, je ne suis pas sûre de parvenir à conserver mon calme. Il va de toute façon falloir que cette conversation s’arrête très vite pour que je sois capable de rester zen tout au long de celle-ci. « Comment as-tu prévu de t’organiser pour l’accueillir ? » Evidemment, il aurait peut-être été judicieux d’employer le « on » mais puisque je ne suis pas concernée par cette décision, je me garde de m’impliquer dans la future organisation. Pourtant, les questions m’assaillent, est-ce que son école est proche de chez nous ? Quels sont ses horaires ? Est-ce qu’elle a une nounou ou est-ce qu’on va devoir s’organiser entre nous ? Quelles sont ses habitudes de vie ? Où va-t-elle dormir ? Où va-t-on ranger ses affaires ? Est-ce qu’elle doit se rendre à des activités extra-scolaires ? Est-ce qu’on aura le droit de prendre en charge d’éventuels soins médicaux et de prendre des décisions en ce sens ? Est-ce qu’elle a des allergies ? C’est une lourde responsabilité qui est confiée à Alfie et qui va reposer également sur moi par son intermédiaire et malgré tous mes efforts, je n’arrive pas à accepter d’avoir été mise de côté, comme souvent, alors qu’il me parait évident que même sans le titre de marraine ou de parrain, mon opinion aurait dû compter autant que la sienne. Ma main est toujours dans celle d’Alfie mais la distance émotionnelle que j’ai mise entre nous est pourtant évidente tout comme la tension qui a brusquement alourdi l’air de la pièce. Mon regard quitte le sien pour se poser sur nos doigts emmêlés alors que je tente de rassembler le peu de force qu’il me reste pour éviter une dispute qui ne serait pas judicieuse dans son état. Comment peut-il m’imposer ça ?


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Message(#)(alfiana) i'm hearing voices in my head i don't wanna hear EmptyDim 16 Fév 2020 - 12:10

C’en est paradoxal, la manière dont il dépend de Juliana pour calmer les battements de son cœur qui menace d’exploser, alors qu’il refuse pourtant d’être dépendant de quoi que ce soit ou qui que ce soit depuis sa reprise en main qui dure depuis bientôt dix ans. Mais s’il a toujours su que celle-ci ne serait jamais acquise, que rester sobre serait un combat jusqu’à son dernier souffle, Alfie espérait naïvement qu’interviendrait un moment où il aurait le droit de baisser sa garde. Où il pourrait faire glisser un jeton entre ses doigts signifiant les efforts parcourus, et actant ainsi le fait que son futur a bien plus à lui offrir que son passé. Mais force est de constater qu’Alfie reste accroché au passé malgré tous ses efforts ; et qu’il le restera toujours. Car il n’a jamais réalisé que cette sobriété pourrait être ainsi fragilisée – au point où il en vient à se demander chaque jour un peu plus quel est l’intérêt de celle-ci si elle lui semble aussi inaccessible et insupportable à vivre. Il a envie de craquer, et quand ses nuits ne sont pas entrecoupées de cauchemars, il rêve qu’il cède à l’appel de ce calme auquel il a renoncé il y a une décennie et qui lui manque plus que jamais. Il n’a pas le droit de verbaliser tout ceci, surtout pas auprès d’une Jules tenue dans l’ignorance de cette facette de sa personnalité pour la protéger – alors qu’en réalité, il cherche surtout à se protéger lui – et encore moins auprès de ses parents qui n’ont jamais accepté ses failles – c’est l’interprétation qu’il a faite de leur maladresse et sévérité au fil des années. Mais il en a envie. Non, il en a besoin. Juste pour se reposer une nuit, juste une nuit, telle qu’il n’en a pas connu depuis des mois, des années. Cette fatigue accumulée au cours du temps, devenue insupportable. Parce qu’il n’est pas seulement fatigué, il est épuisé. Et il n’en peut plus. Il ne supporte plus la crainte que la perspective d’aller se coucher réveille en lui, cette angoisse qui lui alourdit le cœur et noue son estomac, l’obligeant à repousser sans cesse ce moment. Dix minutes, encore une heure, peut-être deux, non, j’irai demain, et puis après-demain. Et puis il s’écroule. Et le ballet nocturne de ses angoisses débute, et alors qu’il a l’impression d’avoir sombré dans l’inconscience des heures durant, il réalise qu’il ne lui a pas fallu plus d’une heure pour se laisser submerger. Et ces instants sont insupportables. Parce qu’il ne parvient jamais à reprendre ses esprits tout de suite, il est coincé dans un entre-deux mondes où il a conscience de la réalité autour de lui, mais il est incapable de retrouver sa place dans celle-ci. Tout s’active dans sa tête, mais ses muscles refusent de lui obéir, et Alfie se retrouve prisonnier de son propre corps, même lorsqu’il parvient enfin à ouvrir les yeux, et à retrouver sa mobilité. Ses yeux se perdent dans l’ensemble de la pièce, sa respiration est haletante, il tremble, il panique ; et il lui faut d’interminables minutes pour comprendre où il est. Mais ce n’est pas pour autant qu’il parvient à se calmer ; bien au contraire, c’est lorsqu’il est pleinement conscient que cette impression constante d’étouffer s’amplifie. Lorsque la totalité de ses sens sont aux aguets, et qu’il prend en compte des éléments qu’il n’aurait jamais remarqués auparavant. Le bruit de la carapace d’Odie qui effleure le mur de la cuisine. L’écho des canalisations du voisin. Le bourdonnement du bus nocturne qui passe à un pâté de maisons de là. Toutes ces choses qui n’attirent jamais son attention d’ordinaire, mais qui deviennent essentielles une fois la nuit tombée. Et il tremble, Alfie, lorsqu’il tente de retrouver le sommeil, rouvrant sans cesse les paupières et regardant autour de lui pour s’assurer que les illusions ont disparues. Et lorsqu’il en a la certitude, il ferme les paupières. Mais il y a cette présence qu’il ressent, et le manège recommence, ses pupilles cherchant autour de lui alors même qu’il est terrorisé à l’idée que son regard ne croise quelque chose. Et il donnerait pour ne plus ressentir toutes ces choses, mais il sait aussi qu’il n’en a pas le droit. Que s’il fuit autant les médecins, ce n’est pas sous couvert d’un malaise lié à ses diverses hospitalisations comme il le prétend, mais uniquement dû à cette appréhension de réaliser qu’il n’est rien sans tous ces anesthésiants auxquels son corps s’est habitué, obligeant la dose à être sans cesse augmentée s’il veut en ressentir les effets. Parce qu’il la connaît la réponse ; et il sait qu’il n’est effectivement rien sans eux. Et s’il a réussi à se convaincre du contraire au fil des années, un rendez-vous médical chamboulerait toutes ces certitudes ; parce qu’il y aurait le droit. Ce ne serait plus interdit, ce serait même conseillé, et cette approbation reçue briserait la dernière frontière érigée par sa volonté et qui contrôle ses envies.

Alors il s’accroche à Juliana, car la vérité est qu’il dépend effectivement d’elle, et du contact qu’elle lui offre. Certains se contentent de le considérer comme tactile alors qu’Alfie cherche toujours la chaleur des autres lorsque la nervosité l’envahit ; ce n’est pourtant pas une exagération de considérer que cela en est vital pour lui. Car c’est le cas ; et que sans cette pression des autres exercée contre lui, il n’arrive pas à considérer la réalité. Il est créatif, Alfie, il a de nombreuses images en tête, constamment. Il en voit parfois au cours de son quotidien – de plus en plus depuis des mois. Et la frontière entre ce qui est vrai et ce qui est une création de son esprit devient de plus en plus fine, au point où parfois il la traverse sans le réaliser. Jules l’aide à garder les pieds du bon côté de la ligne – et elle ne se rend probablement pas compte d’à quel point son rôle est essentiel. Mais lorsqu’elle l’effleure, lorsqu’elle le serre dans ses bras ou qu’elle dessine ces cercles dans la paume de sa main comme elle a pris l’habitude de le faire, Alfie sait. Que malgré toute l’imagination dont il dispose, il est incapable d’inventer ces sensations, et qu’elles lui permettent de reprendre contact avec ce qui l’entoure quand il s’est échappé. Comme cette nuit, comme tant d’autres avant, et comme tant d’autres qui suivront. Il n’est peut-être pas prêt à les traverser, mais il est prêt à les supporter grâce à la présence de Jules. Sa main exerce une douce pression sur celle de Jules alors qu’un maigre sourire s’affiche sur ses lèvres, et que la parole se joigne à ses gestes alors qu’il murmure à son oreille un « je t’aime » qui s’évapore de par sa voix brisée, mais qui en reste néanmoins sincère.

Tout comme la manière dont il considère la proposition de Jules, qui ne le surprend pas étant donné que cette réflexion a aussi été la sienne. Quitter cet appartement lui a effleuré l’esprit à de nombreuses reprises, et bien avant son agression. Il y a songé quelques mois seulement après leur emménagement ; non pas parce que cet appartement ne lui plaît pas, simplement parce qu’il vit pour le changement, Alfie, et que rester plus de quelques mois au même endroit relève d’un exploit qu’il ne ressent pas le besoin de réitérer régulièrement. Alors cette perspective a très tôt été envisagée, d’autant plus qu’il n’a aucune attache matérielle et qu’il n’a aucune difficulté à tout abandonner pour passer à autre chose. Il pourrait y laisser ses fringues, ses meubles, ses décorations, qu’il ne le regretterait pas. Et probablement que c’est ce qu’il fera s’ils viennent à quitter cet endroit ; parce qu’il ne supporterait pas d’avoir des rappels constants du lieu où tout a basculé pour lui. C’est un mécanisme de défense comme un autre ; comme le fait qu’il évite les forêts trop vastes depuis qu’il est revenu de Colombie. Cette fois-ci, son obsession a longtemps porté sur cet évier qu’il prenait soin de contourner – faisant des détours par la salle de bain autant de fois que nécessaire. Les meubles et tout l’appartement sont un rappel régulier du fait qu’il a été agressé chez lui ; dans l’endroit où il avait établi qu’il serait enfin en sécurité. Il s’est rendu compte que ce n’est pas plus le cas ici qu’à l’autre bout du monde ; et ce constat lui est encore difficile à appréhender. Et s’il continue à porter des œillères, il accepte enfin d’ôter celles-ci de temps à autre, lui permettant de réaliser qu’il n’ira pas mieux en restant dans cet appartement. Il ne sait pas si les choses évolueront à sa faveur dans un autre contexte ; toujours est-il que cela peut difficilement être pire, raison pour laquelle Alfie envisage effectivement cette possibilité. À un détail près ; il refuse d’imposer un tel changement à Anabel. Sauf qu’il ne s’agit en réalité pas d’un détail et qu’il serait temps qu’il partage celui-ci avec Jules, puisqu’elle est tout autant – si ce n’est plus – concernée que lui. Mais ce n’est pas de cette façon qu’il souhaitait amener le sujet, ainsi il essaie encore de repousser celui-ci. « Mon état. » Qu’il rétorque, avant de préciser. « C’est pas le mon-moment. » Et il ne s’agit pas d’un mensonge ; en fin de compte sans mentionner Anabel, Alfie ne sent pas prêt à quitter ces murs dans l’immédiat. C’est trop de stress, c’est trop d’organisation, c’est trop d’attention qu’il n’a pas. « Mais bientôt. » Il conclut avec une légère moue ; il semblerait que la décision soit actée, alors, et il ne sait pas vraiment qu’en penser.

Il faut dire qu’il n’y a plus grand-chose qui fonctionne, là-haut. Au-delà de cette amnésie insupportable liée à l’agression, il y a aussi toutes ces choses dont il est privé ; notamment son autonomie et surtout son éloquence qui l’affaiblit plus que de raison. Il a toujours fonctionné ainsi, Alfie, déblatérant sans s’arrêter, sortant les mots à une vitesse folle pour tenter de suivre le cours de pensées qu’il avait besoin d’évacuer à la minute pour faire place à de nouvelles. Mais celles-ci s’accumulent désormais sans qu’il n’ait la possibilité de les accueillir ; il y a trop de monde là-haut, trop de choses, trop d’idées, trop de regrets, il y a trop.  Ça ne s’arrête jamais, il cogite sans cesse, il panique pour un rien, il analyse et retourne chaque situation, chaque mot, chaque geste, et chaque pensée refuse de coopérer avec les autres ; l’empêchant d’atteindre un certain équilibre qui lui permettrait de trouver des semblants de solutions à tout ce qui l’interpelle au quotidien. Pourquoi est-ce que Jules a légèrement haussé le sourcil en lui disant au revoir ce matin ? Qu’est-ce qu’elle lui reproche ? Est-ce qu’elle essaie de lui faire passer un message ? Son baiser de bonne journée a été raccourci de quelques dixièmes de seconde, était-elle pressée, ou avait-elle quelque chose à lui faire comprendre ? Elle a claqué la porte alors que d’ordinaire elle se contente de fermer celle-ci, quel signe doit-il y voir ? Et puis, en y réfléchissant bien, elle a jeté un coup d’œil à son téléphone pendant qu’elle buvait son café, alors que d’ordinaire elle ne le fait pas avant d’avoir véritablement débuté la journée. Et sans oublier le fait qu’elle ait trouvé de quoi se vêtir en un seul regard dans ses tiroirs, alors qu’en général elle soulève minimum deux vêtements pour les jauger avant que son choix ne soit fait, mais ça lui a permis de quitter la chambre plus rapidement, pas vrai ? Et ça peut continuer encore, et encore. Mais les mots ne sont plus fluides, perdus, et il ne peut les laisser échapper pour remettre de l’ordre ou essayer de faire taire toute la machine qui s’active là-haut. Alors il lui reste la dernière option ; celle qu’il a longtemps privilégiée, celle qui, lorsqu’elle ne dépend que de lui, s’avère terriblement salvatrice, mais qu’il est bien le seul à considérer comme tel. C’est encore une fois démontré lorsque les mains de Jules viennent entourer ses poignets pour qu’il cesse de frapper son crâne déjà suffisamment malmené ; mais il ne sait faire que ça, Alfie, lorsqu’il est en position de détresse. Faire du mal, aux autres, à lui. Surtout à lui. Et bon sang qu’il aime ça. Alors il aurait voulu continuer jusqu’à ce qu’il parvienne à se réduire au silence, mais la jeune femme l’en empêche et très vite c’est la honte qui l’envahit, tel le gamin impulsif qu’il est, pris sur le fait d’une grosse bêtise. Parce que c’en est une, dans un sens ; il devrait être assez grand pour ne pas se laisser emporter de cette façon et gérer les choses différemment. Il aurait dû le faire depuis le début, d’ailleurs, et pas uniquement concernant cet esprit qui lui échappe ; mais concernant surtout le reste, de tout ce qu’il garde pour lui, de tout ce qu’il ne partage même quand c’est essentiel. Évoquer Anabel est une nécessité, accentuée par les propos de sa petite amie. Il a le droit de ne pas vouloir partager les choses, mais il ne peut pas agir ainsi lorsqu’elle est directement concernée. Alors l’anthropologue arrache enfin le pansement, non sans difficulté. Il le regrette aussitôt que la pression exercée par les doigts de Jules autour de sa main s’estompe, et qu’il comprend par ce simple geste qu’elle ne prend pas la nouvelle comme il l’aurait voulu – mais en réalité, il ne sait lui-même pas comment il aurait voulu qu’elle réagisse. Le silence dans lequel elle se plonge réactive la machine et Alfie ferme les yeux un bref instant alors qu’il s’épuise mentalement. Dis quelque chose, Jules. N’importe quoi, s’il te plaît. Qu’est-ce que tu en penses ? Tu m’en veux ? Tu ne restes jamais aussi silencieuse, sauf quand tu es triste ou contrariée. Dans quel état je t’ai mis, Jules ? Aide-moi à comprendre, parce que je n’y arrive pas et ça me rend dingue. Forcé d’accepter le silence dans lequel la pièce est désormais plongée, Alfie se mord la lèvre alors qu’il songe au cas de figure face auquel il ne voudrait pas se retrouver : qu’elle refuse et qu’elle soit catégorique. Qu’est-il supposé faire à ce moment-là ? Choisir son camp entre les deux personnes qu’il aime le plus au monde ? Comment est-ce seulement possible ? Car la question n’est pas tant de savoir qui il choisira, et laquelle il décevra en conséquence. Il s’agit surtout de savoir laquelle il accepte de perdre. Pourtant, la réponse est déjà devant lui et il en prend conscience ; il est déjà en train de perdre Juliana alors qu’elle a cessé de caresser sa main, que son regard n’a plus rien de compatissant et qu’elle est aussi froide qu’expéditive lorsqu’elle reprend la parole. « Je… je sais pas. » Qu’il admet en baissant légèrement la tête, se flagellant d’avoir supposé que le moment était opportun pour pareille conversation. Mais aucun moment n’aurait été idéal, et dans sa logique, il estimait qu’il ne pourrait pas se sentir beaucoup plus mal qu’il ne l’était déjà. Il s’est trompé. « Quelques semaines. » Et non des mois. Et finalement, Jules l’achève avec cette question à laquelle il a essayé de réfléchir, mais qu’il a constamment repoussée en réalisant que la réponse ne lui plaisait pas : il n’en sait rien, il est incapable d’y songer. « C’est pas… pas la question. » Il débute dans un premier temps pour masquer son ignorance, avant de rapidement préciser. « Enfin, si, mais... » Mais quoi, alors ?  Ce serait tellement plus simple s’il parvenait à formuler les choses. « J’y ra-réfléchirai, si tu es d’accord. » Pas qu’il réfléchisse à la question, mais à toute la situation. « Il n’y aura re…rien, sans ton accord. » Il lui assure, même s’il n’est lui-même pas convaincu par la véracité de ses propos. « Je veux savoir ce que tu en penses. » Même s’il n’est pas certain que ça puisse lui plaire. « Honne-honnêtement. » Il souligne, car si Alfie ne compte pas baisser les bras si elle vient à protester ; il a besoin de savoir sur quels arguments baser son opposition aux siens. Il doute de ses capacités, il doute de sa réelle volonté de s’occuper d’Anabel, il s’en veut d’imposer ça à Jules, il ne saurait comment réagir si elle y fermement opposée, mais il y a une chose dont il est certain : au-delà d’Anabel, c’est bien Rachel qu’il ne veut pas lâcher.  
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Message(#)(alfiana) i'm hearing voices in my head i don't wanna hear EmptyLun 17 Fév 2020 - 5:47



I'm hearing voices in my head I don't wanna hear

@Alfie Maslow & Juliana Rhodes



Pourquoi est-ce toujours aussi compliqué ? Est-ce toujours pareil au sein de tous les couples ? Est-ce que la plupart des gens que je vois heureux, enlacés dans les rues de Brisbane, ou main dans la main avec un sourire jusqu’aux oreilles vivent exactement la même chose que nous ? Ou est-ce que le mauvais sort s’acharne pour qu’on continue à prouver encore et toujours qu’on peut surmonter tous les obstacles ? Cette dernière option ne serait pas si désagréable s’il s’agissait d’une réelle certitude mais depuis plusieurs mois, déjà, ça ne l’est plus réellement. Nos différends, les non-dits et maintenant l’accidente et son lot de désagréments nous ont éloignés plus qu’ils nous rapprochent et si la présence d’Alfie en continue à la maison nous a permis de faire une trêve dans cet évitement que je subissais plus que je ne comprenais, je doute que ce soit une solution. Alors non, désormais, je n’ai plus aucune certitude et le fait que le destin s’amuse à continuer à nous tester ne nous rend pas service, loin de là. Evidemment, même si je vois tout en noir à cet instant où je tiens un Alfie tremblant dans mes bras, où mes mains se serrent autour de lui, faisant abstraction de la sueur sur son corps, je sais pertinemment que quoi qu’il puisse se passer, je continuerais à l’aimer, parce que les sentiments ne sont pas quelque chose que l’on choisit et que j’ai toujours et encore la certitude que nous sommes faits l’un pour l’autre. Mais si cette certitude est la seule que je possède encore, à l’heure actuelle, elle est aussi la plus inquiétante parce qu’elle me rend vulnérable. Il pourrait me briser si facilement et bien que j’en ai conscience, je n’ai aucun recours possible, aucune marche-arrière à opérer. Je lui ai accordé ma confiance et en agissant de cette manière, j’ai accepté les risques et si je l’ai fait, c’était pour pouvoir vivre ces années de bonheur que nous avons traversées, comme sur un nuage. J’aurais dû me douter que le bonheur finissait toujours par avoir un prix et je le paye aujourd’hui. Est-ce que j’ai des regrets ? J’imagine que je devrais en avoir parce que si nous en sommes là aujourd’hui, c’est probablement parce qu’à un moment ou à un autre, je n’ai pas vu un signe qu’il fallait voir et je n’ai pas agi en conséquence. Je pensais sincèrement que l’amour était quelque chose de facile, qu’il s’agissait de s’écouter, de communiquer et de trouver un juste milieu pour que chacun trouve son compte dans une relation. Sur le papier, en effet, ça parait très simple mais je réalise encore une fois que, dans les faits, c’est très différent et que malgré tous les sentiments que nous éprouvons l’un pour l’autre, il y a quelque chose qui empêche ces derniers de suffire à assurer la pérennité de notre relation. Si je n’ai pas de doute sur mes sentiments pour lui, je n’en ai pas non plus sur les siens envers moi et même si je trouve toujours rassurant de l’entendre me les rappeler, je lui ai toujours fait suffisamment confiance pour ne pas envisager qu’il puisse me mentir sur ce qu’il éprouve. Je veux croire que chacun de ses « je t’aime », comme celui qu’il vient de prononcer, sont sincères et que ces mots qui sont pour moi lourds de sens, ne sortiraient pas de sa bouche sans qu’il ait pleinement conscience de leur véracité. Je resserre ma main dans la sienne, réponse muette à des mots que j’aurais sûrement pris davantage plaisir à entendre dans d’autres circonstances mais qui ne son pas de trop, malgré tout.

Je réalise parfaitement que ce ne sont pas mes bras autour de lui qui changeront quoi que ce soit à ce qu’il est en train de traverser, malgré tout, et la solution s’impose d’elle-même : Déménager. Il me parait évident qu’il faut quitter cet endroit où il a tous ces mauvais souvenirs, prendre un nouveau départ dans un lieu où il se sentira plus en sécurité et où il ne craindra pas la présence d’une tierce personne à chaque pas qu’il fera. Il ne me parle pas de ses angoisses, mais son attitude parle d’elle-même et si, en général, il peut m’être difficile de décoder ses véritables émotions masquées sous un trop grand enthousiasme et son habituelle hyperactivité, cette fois, il ne trompe personne. Il peut sourire autant qu’il veut, prétendre que tout va bien, je partage sa vie au quotidien, je suis témoin de ses changements de comportement et j’assiste impuissante au combat qu’il mène contre ses propres peurs. Me rendre au travail m’est devenu difficile parce que j’appréhende de le laisser seul, je déteste l’idée qu’il ait à subir ses journées sans que je puisse l’épauler et encore plus de ne pas pouvoir accourir si jamais il y a un problème. Pourtant, j’adore mon boulot, mais en ce moment, mon esprit est ailleurs, toujours auprès de lui, même quand je ne le suis pas physiquement et je ne peux que ressentir une énorme gratitude envers mes collègues qui ne me tiennent pas rigueur de mon manque de concentration et des erreurs d’inattention qui vont avec. Je sais que ça ne pourra pas durer, qu’il va falloir que je me ressaisisse et que je retrouve mon professionnalisme pour ne pas abuser de la patience de ceux qui travaillent à mes côtés, mais pour le moment, c’est au-dessus de mes forces et j’imagine que ces nuits chaotiques qui s’enchainent n’aident pas. Forcément, dans de pareilles circonstances, je n’ai aucun mal à imaginer que le déménagement puisse nous faire du bien, à lui, d’abord, évidemment, mais aussi à moi par extension parce que je ne suis pas sûre d’avoir les épaules pour l’aider à affronter quelque chose qui me parait tellement abstrait et inconcevable. Je n’ai pas vécu cette agression, il ne s’est jamais étalé sur les détails de cette dernière ni sur les traumatismes qui pouvaient en découler. Je ne peux qu’imaginer ce qu’il ressent et je suis certaine que mon imagination ne suffit pas à envisager sa nouvelle réalité. Pourtant, si le déménagement me semble être une idée excellente, Alfie a l’air d’y être plus réfractaire et même si je ne comprends pas exactement pourquoi son état justifierait qu’on repousse ce déménagement, puisque je pourrais très bien me charger de tout, comme je l’ai fait par le passé, j’accepte sa volonté parce que c’est de toute façon de lui dont il s’agit, en priorité. « Quand tu seras prêt, alors. » J’acquiesce, sans lui en demander davantage, parce que, quoi qu’il arrive, quand il sera prêt, je le serais aussi.

Je crois qu’à cet instant, j’aurais été prête à tout accepter pour lui, parce qu’il me parait tellement primordial qu’il retrouve son bonheur et sa joie de vivre. Pourtant, rien ne me préparait à l’annonce qu’il vient de me faire et elle a immédiatement l’effet d’une douche froide – très, très froide – qui vient mettre une distance instantanée entre nous. Je lutte contre cette dernière, parce qu’aussi déçue que je puisse l’être, je ne veux pas abandonner Alfie dans cet instant compliqué. Je me dois d’être à ses côtés pour l’aider à affronter ses peurs, quelles que soient les paroles qu’il peut prononcer et j’aurais sans doute été capable d’y arriver si j’avais pu anticiper son discours car j’aurais pu gérer mes émotions. Malheureusement, je suis loin d’y parvenir aussi bien que je le voudrais et je suis assaillie par un mélange de colère, de déception et de frustration qui me crie de m’éloigner d’Alfie. Je n’aime pas du tout la manière dont il me présente les choses, je déteste cette sensation de me retrouver au pied du mur et je ne supporte pas d’avoir été mise de côté pour une décision aussi importante que celle de s’occuper d’une enfant aussi précieuse soit-elle pour moi. Evidemment, il n’est pas stupide, il fait bien attention de me présenter cette possibilité comme quelque chose que je suis libre de refuser, mais on sait tous les deux que ce n’est pas vraiment le cas. Comment pourrais-je interdire à cette petite fille qui a traversé plus de problèmes qu’un adulte de s’épanouir dans notre foyer ? Comment pourrais-je la repousser alors qu’elle a besoin de nous ? Seul un monstre serait capable de faire une chose pareille et j’ai la prétention de ne pas en être un. Malgré tout, dire que tout cela me réjouit serait mentir, bien au contraire et Alfie semble s’en rendre compte de lui-même puisque son attitude change devant ma réaction, beaucoup trop évidente malgré mes efforts pour garder mon calme. « Tu sais très bien que je n’ai pas vraiment le choix. » Je rétorque, alors qu’il semble vouloir me prouver, sans doute pour se rassurer, que mon avis compte vraiment. Je suis persuadée du contraire, mon avis n’a jamais été important et Stephen et lui se sont déjà chargés de tout organiser pour la petite fille, je suis juste là pour assumer davantage de responsabilités et agir comme si ça ne me dérangeait pas. « Je ne pourrais plus jamais me regarder en face si je refusais d’accueillir Anabel, mais ça, j’imagine que tu le savais déjà. » J’insiste sur cette certitude qu’il doit déjà avoir, parce que je ne veux pas qu’il se décharge du poids de cette décision sous prétexte qu’il a finalement eu le courage de me demander mon avis pour que cette enfant soit chez nous autant parce qu’il l’a voulu que parce que je l’ai souhaité. Ce n’est pas le cas. Il a pris cette décision. Il m’impose la présence de sa filleule. « Et jamais je ne pourrais te demander de l’abandonner. » Je sais à quel point Anabel est importante pour lui mais aussi à quel point Rachel l’était. La conversation que nous avons eu sur son deuil douloureux est encore très fraiche dans ma mémoire alors je ne peux pas ignorer à quel point il a encore besoin d’être proche d’elle et de ses souvenirs à ses côtés. « Ou de choisir entre nous deux. » Je précise, d’autant plus que, très sincèrement, je ne suis pas du tout certaine qu’il me choisisse si la sécurité affective et le bonheur d’Anabel sont en jeu. « Donc bien sûr qu’elle viendra chez nous, c’est évident, et je m’impliquerais dans son quotidien. » Je le précise alors que je sais que je n’aurais pas le choix, de toute façon, parce que ce n’est pas une responsabilité qu’Alfie peut assumer seul en temps normal et encore moins en l’état actuel des choses. J’aime Anabel, et si nos liens ne sont pas aussi importants que ceux qu’elle peut entretenir avec son parrain, elle reste très importante à mes yeux. M’assurer qu’elle se sente bien chez nous et qu’elle ne me manque de rien ne m’apparait pas comme une contrainte, et bien que je n’ignore pas à quel point elle va révolutionner notre quotidien, c’est quelque chose que je suis prête à affronter. « Mais puisque tu veux de l’honnêteté, allons-y. » Et ça ne risque pas de bien se passer. « Je crois que si vous aviez sincèrement voulu savoir ce que j’en pensais, j’aurais été conviée lors de cette conversation. » Parce qu’apparemment m’annoncer les choses avec une semaine de délai ne semble lui poser aucun problème. « Ce n’était pas une discussion que vous deviez avoir à deux et Stephen et toi, vous auriez dû en vous en rendre compte. » Surtout lui, en fait, parce que c’est lui qui partage ma vie, mais apparemment, pendant un court laps de temps, il a eu l’air de complètement l’oublier. « Cette décision ne concerne pas que toi, elle nous concerne tous les deux. » Et il le réalise, apparemment, mais beaucoup trop tard à mon goût. « Je déteste avoir l’impression que mon avis ne compte pas, surtout pour quelque chose d’aussi important. » Il commence peut-être à regretter légèrement de m’avoir demandé mon opinion, mais je suis lancée et je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin. « Et est-ce qu’il faut que je te rappelle que tu me disais ne pas être prêt pour une vie de famille, il y a à peine six mois ? » Non, surtout pas, mais je vais le faire quand même. « Ou peut-être que tu as changé d’avis entre temps et que tu as oublié de m’en informer. » Ce qui ne serait pas une surprise parce qu’il a oublié pendant une semaine de me dire qu’il comptait héberger sa filleule pendant quelques semaines « Parce que même s’il s’agit de quelques semaines, on va devoir vivre comme une famille. On parle d’une enfant de six ans, Alfie, elle a besoin d’avoir un cadre rassurant, un rythme de vie normal, des règles… Je sais à quel point tu apprécies les weekend passés avec elle, mais ce sera complètement différent, on ne pourra pas passer toutes nos soirées à manger des pizzas pour finir par s’endormir devant un dessin-animé, ce n’est pas comme ça que ça marche. Anabel n’est pas un bébé, mais si elle est placée sous notre responsabilité, même pendant peu de temps, on va devoir s’adapter à elle. » Ce qui, en soit, ne me pose pas de problème à moi, parce que je suis prête à avoir cette vie de famille qu’il me refuse. Je suis prête à voir mon quotidien bouleversé par un autre être humain qui comptera plus à mes yeux que ma propre vie. J’ai simplement beaucoup de mal avec l’idée qu’il n’accepte pas de fonder cette famille avec moi mais qu’il trouve normal de recueillir l’enfant de sa cousine, ça me dépasse. « On y arrivera. » Je précise, malgré tout, après un instant de silence. « On y arrivera parce qu’elle a besoin de nous. » Et je serais là pour elle, quoi qu’il m’en coûte parce que j’aime cette petite fille et que j’aime Alfie plus que tout. « Mais tu ne peux pas m’en vouloir de ne pas être immédiatement séduite par l’idée. » J’aurais encore des milliers de choses à dire, des tonnes mêmes, sur les capacités physiques et morales actuelles d’Alfie, sur l’attitude de parfait connard de Stephen et sur toutes les angoisses que je peux avoir à l’idée d’assumer une nouvelle charge en plus de tout ce que je porte en ce moment, mais je crois que j’en ai bien assez dit pour l’instant. Je ne veux pas qu’on se dispute, surtout pas maintenant, mais il m’est impossible d’accepter sans lui faire part de mon opinion et j’espère qu’il sera capable de l’entendre.


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Message(#)(alfiana) i'm hearing voices in my head i don't wanna hear EmptyDim 8 Mar 2020 - 15:50

Et il est exténué, Alfie. Ce n’est pas tant le repos dont son corps le prive (ou plutôt, donc il prive son corps) qui est le problème que les barrières qu’il s’érige constamment et qu’il tente péniblement de maintenir en place, épuisant un psychisme rendu fragile au cours des dernières années. Sa fatigue pourrait être rafistolée à l’aide de médicaments, par une hygiène de vie qu’il prône mais ne respecte pas, par quelques astuces superficielles pour se montrer sous son meilleur jour, par des besoins bien élaborés pour dériver le sujet. Il est passé maître dans l’art de dissimuler son épuisement depuis son enfance – parce qu’il a toujours connu ces nuits compliquées, et qu’il n’avait jamais eu la prétention de croire que celles-ci s’amélioreraient en grandissant. Il a très vite fait le deuil d’un sommeil réparateur, s’est convaincu que quatre à cinq heures de sommeil étaient une moyenne acceptable pour lui et qu’enchaîner des nuits blanches étaient parfaitement normal en prenant connaissance de son cas. Et dans les faits, ça l’est. Il gère ses insomnies et ses cauchemars, ne s’effondre jamais de fatigue au travail, ne s’endort jamais durant ses activités, ne baille pas devant ses interlocuteurs parce qu’il préférerait être ailleurs. Il n’a pas tant besoin de dormir, au final, et il ne s’agit pas tant d’un mensonge que d’un simple constat lorsqu’il assure à ses proches que tout va bien malgré les cernes et son teint gris. Car tout va bien, physiquement. Ses nuits peuvent se montrer cruelles avec lui, ses cauchemars peuvent le persécuter y compris dans la réalité, son corps peut le lâcher et s’affaiblir, mais il parvient toujours à reprendre le dessus. Ce n’est peut-être jamais immédiat, mais c’est néanmoins la finalité à laquelle il se raccroche pour se persuader que ce n’est pas un problème ; pour lui du moins, et que seul son entourage considère sa situation comme tel, lui donnant encore et toujours l’impression qu’ils savent mieux que lui, qu’ils sauront toujours mieux que lui, et qu’il est de nouveau cet enfant à qui on pose des interdits sans prendre en considération son ressenti. Et il sait très bien la façon dont les choses se terminent habituellement dans ces cas-là, l’obligeant à anticiper et craindre les événements avant même qu’ils ne se déroulent.

Peut-être est-ce la raison derrière cette anxiété accentuée cette nuit, liée à ce qu’il cache à Jules alors qu’il ne devrait pas et qui, finalement, n’a pas grand-chose à voir avec cette agression et le sentiment d’insécurité qu’elle lui a laissé en séquelle permanente. Il n’a aucun souvenir quant à la raison qui l’a mené jusqu’à cet instant t, jusqu’à ces quelques secondes qui allaient chambouler les prochains mois. Il ignore le responsable, il ignore s’il peut réellement être considéré comme une victime, il ignore ce qu’il a pu dire ou faire qui aurait scellé son sort, et ce qu’il n’a pas dit ou fait qui aurait pu modifier celui-ci. Mais il y a une chose dont il se souvient, Alfie, c’est cette douleur, intense et vive, à son réveil qui a réactivé celle subie quelques jours plus tôt. Parce qu’il a aimé ça, et parce qu’il s’interdit de le verbaliser. Parce que pendant quelques instants, il s’est senti à nouveau vivant alors qu’il jouait avec la mort, et que cette sensation paraît inconcevable sur le papier. Et ce sont ces barrières, qu’il a construites lui-même, qui l’amène probablement à se sentir aussi mal cette nuit ; mais là-aussi le déni lui apparaît comme une solution de facilité dont il ne veut pas s’écarter. Pourtant, c’est la vérité : Alfie n’est pas lui-même dernièrement, et son entourage – Jules la première – ignore à quel point cette affirmation est ancrée en lui, jusqu’où il leur faudra creuser pour toucher les contours de qui il est réellement. De plus en plus, Alfie prend conscience que cette agression n’a pas été l’élément déclencheur de ses problématiques actuelles ; elle n’a fait que les rendre apparentes à ses yeux. Cette impression de ne plus être lui-même ne date pas de septembre, mais de plusieurs années auparavant ; lorsqu’il a fallu qu’il fasse le deuil de sa personne pour en devenir une nouvelle, une qui parviendrait à remplir les critères recherchées par la société pour lui permettre d’y trouver enfin sa place après tant d’années d’exploration infructueuses, pour qu’il acquiert cette stabilité qu’on lui oblige de trouver, pour que Jules trouve en lui ce qu’elle désirait et qu’il n’était, dans le fond, pas prêt à lui offrir. Il prend conscience, petit-à-petit, qu’il prône une liberté totale mais qu’il s’est enfermé lui-même dans une cage de laquelle il est désormais trop tard pour s’échapper. Il s’accroche à l’amour qu’il ressent pour Jules, celui qu’il a découvert en devenant le parrain d’Anabel, à l’agréabilité d’avoir quelques repères alors qu’il les pensait surfaits (en les ayant pourtant cherché tout au long de sa vie). Il s’accroche à toutes ces choses nouvelles dans son quotidien qui ne sont pas si déplaisantes ; évoluer dans le milieu universitaire, s’épanouir dans la musique de manière plus régulière, parvenir à toujours compter sur quelqu’un. Il essaie de se persuader que c’est une vie agréable, que c’est la vie dont il a toujours rêvé parce qu’on lui a assené l’idée qu’il ne pouvait trouver le bonheur qu’en cochant certaines cases. Mais cette agression lui a fait réaliser une chose : il n’est pas plus en sécurité à Brisbane qu’à l’autre bout du monde ; et il n’a donc plus de raison de continuer à prétendre apprécier sa ville natale. Ça n’a jamais vraiment été le cas, parce qu’il n’est absolument pas attaché à ses racines et aime s’en découvrir de nouvelles. Et cet événement a été le déclencheur d’un début de rejet de tout ce qui compose sa vie à l’heure actuelle, dont le fait de prendre en compte qu’il ne peut plus évoluer selon cet égoïsme qui l’a toujours caractérisé et qu’il était parvenu à mettre de côté depuis quelques années, maintenant qu’il devait prendre en compte Jules dans sa manière d’évoluer au quotidien. Ce n’était pas un problème puisqu’elle n’a jamais été de ses copines jalouses et possessives ; lui permettant de continuer à bénéficier d’une liberté qu’il n’aurait probablement pas eue avec tout le monde. Mais les choses ont changées, et Alfie quitte ce costume de celui qu’il devrait être pour celui qu’il veut redevenir, réactivant des schémas cognitifs qu’il était parvenu à modifier au fil des années. Il ne se conjugue plus à deux, mais de plus en plus tout seul, en démontrant la façon dont il est le responsable des nuages noirs qui planent sur leur couple depuis quelques mois. Il sait que son comportement n’est pas adéquat, mais comme souvent dans ce cas-là, il n’arrive simplement pas à s’en empêcher. C’est comme s’il était obligé d’agir contre la volonté des autres pour mieux se sentir exister ; comme il le fait à l’instant alors que Jules prend ses distances après qu’il ait effectivement agi sans prendre en considération sa petite amie dans toute cette situation qui s’est présentée à lui avec l’annonce du départ de Stephen pour l’étranger.

Et il devrait s’en vouloir, alors que leurs corps ne sont plus scellés, et que le langage non-verbal de Jules devient glacial par sa faute. Il devrait se confondre en excuses, tenter de s’expliquer, d’arranger la tournure que prend cette conversation. Il devrait sentir son cœur qui tambourine dans sa poitrine sous l’effet du stress, et la sueur qui commence à rendre ses mains moites alors qu’il joue avec pour se donner un peu de contenance. Il devrait, et s’il s’avère effectivement mal à l’aise d’infliger cela à Jules, ça ne dure qu’un instant. Jusqu’à ce qu’elle reprenne la parole, et que la froideur émane désormais aussi de lui. « Tu sais très bien que je n’ai pas vraiment le choix. » Le choix. Parlons-en, de qui laisse réellement le choix à l’autre dans leur couple. Parce qu’il est évident que, de son côté, elle est parfaitement irréprochable pour se permettre une telle réflexion. Et ce message sous-jacent à ses paroles ne manque pas de conforter Alfie sur plusieurs aspects. Il déteste cette ville, et alors qu’il pensait que Jules était la raison pour laquelle il aimait celle-ci, il réalise qu’elle n’est qu’un facteur dans son désintérêt pour une vie de sédentaire. Son esprit s’agite, mais il tente de rester calme, se voulant muet alors que Jules reprend la parole et ne fait qu’accentuer la colère d’Alfie qu’il parvient à contenir pour lui. Car il n’est pas stupide, il sait que s’il laisse celle-ci imploser, il ne parviendra pas à réparer les pots cassés à coup d’anniversaire surprise et discussion à cœur ouvert. C’est pourtant ce dont ils auraient besoin, ce dont il aurait besoin, mais il n’est pas assez à l’aise avec les mots pour ne pas se montrer blessants. Et malgré son ressenti, il n’a aucune intention de malmener Juliana de la sorte, il serait incapable de se le pardonner. Tout comme il serait effectivement incapable de lui pardonner qu’elle refuse sa demande – et ça, il le savait déjà. Il peut passer outre le fait qu’elle ait réduit à néant ses espoirs de carrière, qu’elle ait fait de son métier qui a tant de sens pour lui un dégât collatéral de son désir de stabilité, mais il ne pourrait prétendre que l’abandon de sa filleule serait aisé à effacer. Ce ne serait pas le cas, et il ne lui faudrait pas autant de temps pour s’en rendre compte. Et même la confirmation qu’Anabel pourra effectivement venir vivre chez eux ne lui permet pas d’apaiser ses tourments, et aucun sourire ne naît sur ses lèvres là où il aurait dû exploser de joie. Parce qu’il lui en veut. Il le réalise enfin, mais il lui en veut. Et il lui en veut encore plus de retourner cette situation à son avantage, pour devenir une victime du bourreau qu’il est, lui imposant la présence d’une petite fille qu’elle ne veut pas. Et lui a aussi imposé une stabilité dont il ne voulait pas ; la différence réside de la situation de vulnérabilité dans laquelle il est plongé. Elle en a profité la dernière fois, il reprend maintenant l’avantage en la retournant au sien.

Mais il a exigé de l’honnêteté, et désormais il en paie les frais. S’il l’avait su, il n’aurait pas formulé une telle demande, loin de se douter que, finalement, il en serait amené à cette réflexion, une colère accentuée par les propos de Jules qu’il a invité à la conversation. Pourtant, elle a raison sur toute la ligne. Si son avis apportait réellement, cette conversation ne se serait pas tenue à l’écart de la jeune femme ; de même que la décision n’aurait pas été prise dans son dos. Car il peut bien lui demander son avis, le fait est qu’il s’agit plus d’un moyen d’être en paix avec une décision qu’il ne se sent pas prêt à prendre en mettant le poids de celle-ci sur les épaules de quelqu’un d’autre. Il ne veut pas d’enfants, Alfie, et pourtant le voilà incapable de refuser la demande de Stephen, mais également incapable d’admettre que c’est une mauvaise idée pour une multitude de raisons. Que Jules refuse ou accepte lui aurait permis de s’ôter d’une responsabilité – que ce soit celle d’accueillir Anabel ou d’avoir envie de le faire. « Je le déteste aussi. » Qu’il se contente de marmonner lorsqu’elle précise qu’elle n’aime pas que son avis ne soit pas pris en compte, surtout pour quelque chose d’aussi important. Tiens, donc. Alfie laisse échapper un soupir avant d’accorder à nouveau son attention à la jeune femme, qui poursuit, qui ne fait qu’accentuer l’instabilité émotionnelle d’un Alfie dont le regard se pose sur cette porte qu’il voudrait prendre, comme trop souvent lors de conflits. La fuite a toujours été un moyen de régler les problèmes ; et c’est la raison pour laquelle il ne s’offusque absolument pas de la décision de Stephen et qu’il apparaît même comme un soutien. Jules finit par lui asséner le coup de grâce alors que la discussion qu’ils ont pu avoir quelques semaines plus tôt revient sur le tapis et qu’elle en sélectionne les éléments tout en se montrant accusatrice. Alfie se mord la lèvre et finit par lever les yeux au ciel alors qu’il se rassoit sur le lit dans le but d’accentuer la distance entre eux, et qu’il prend sur lui pour ne pas répondre aux diverses piques lancées par Jules, encore moins sur le sujet de la paternité. Parce que ce n’est pas quelque chose qu’il prend à la légère, et de la même manière qu’il s’est senti incompris la dernière fois, il a l’impression de l’être à nouveau. Il a partagé ses doutes pour la première fois avec quelqu’un, et elle réutilise cette information comme une arme contre lui. Et pour ça, aussi, il lui en veut. Et au-delà de ça, c’est son manque de capacités potentielles qu’elle verbalise, lui donnant l’impression d’être un enfant de cinq ans qui ne comprend pas les choses. Il a bien conscience qu’un week-end avec Anabel est bien différent d’un vrai quotidien avec elle – et c’est la raison pour laquelle il est aussi hésitant d’être aussi emballé par l’idée. Parce qu’il ne s’en sent pas capable, mais qu’il n’a pas réellement le choix. Parce qu’il a des obligations, envers sa filleule, mais aussi Rachel, ce que Jules ne comprend pas. Mais lui aussi peut sélectionner les informations qui découlent de leur conversation à cœur ouvert d’il y a quelques semaines. « Ça n’a pas changé, mais je le di-dois à elle et Rachel. » Qu’il se contente de préciser, alors qu’il voudrait hurler. Il voudrait lui hurler qu’il n’y a pas qu’elle, dans cette histoire. Qu’il lui impose peut-être quelque chose, mais qu’il a bien le droit, et qu’elle n’a effectivement pas son mot à dire comme il n’a pas eu le sien deux ans auparavant. Il voudrait laisser échapper tout ce qu’il a sur le cœur à cet instant ; se mettre en colère quant à son égoïsme qu’ils partagent dans un sens, lui partager la tristesse qu’elle soit comme eux. Comme ses parents, comme les parents de Rachel, comme ses anciens professeurs, comme tant d’autres avant elle qui ne le jugent pas assez capable, pas assez mature, pas assez intelligent. Elle a formulé les choses avec plus de tact, mais pourtant elle en est là ; à lui parler comme à un enfant pour s’assurer qu’ils comprennent les choses. Et la colère laisse place à de la déception alors que sa crise nocturne l’a fragilisé et qu’il sent un nœud dans sa gorge ainsi que des yeux qui s’humidifient. Il est prêt à craquer sous la fatigue, sous la pression, sous les doutes, mais il se contente de passer une main sur son visage et d’essayer de se persuader qu’elle ne pense pas à mal ; quand bien même outre l’estime de lui qu’elle vient de piétiner, c’est son cœur qui est blessé. « Je sais tout ça. » Crois-le ou non. « Mais merci, de me pe-préparer au discours que mes parents tiendront. » Qu’il se contente de souligner, incapable de pouvoir se confesser comme il le voudrait, retenu par un cerveau qui ne fonctionne pas assez pour qu’il se le permette. « Mais je comprends, et je suis désolé de te… mettre face à tout ça. » Il avoue finalement, maintenant plus calme qu’elle a su où appuyer pour faire mal, alors qu’il relève le regard. « Merci. » Qu’il finit par prononcer en tentant un sourire. « Merci d’être là, de m’am-m’aider, je le dis pas assez, j’en suis désolé. » Car dans le fond ; il prend conscience que sans elle, Anabel ne pourrait pas être accueillie dans des conditions convenables. Qu’elle devra compenser tout ce qui lui manque depuis son agression, et qu’il est effectivement discutable qu’il l’ait mis devant le fait accompli sans prendre en compte que ce serait beaucoup plus de travail pour elle que pour lui. Et il peut lui en vouloir autant qu’il le souhaite, il n’en demeure pas moins qu’elle est celle ayant toujours assuré ses arrières, ce qui lui permet de reléguer – une fois encore – ses pensées parasitaires au fond de sa mémoire. Pour l’instant, car il sait aussi que tôt ou tard elles reviendront à la charge, plus douloureuse encore. « Ça fait des semaines que tu m’aides, que tu me soutiens que tu t’oublies pour moi et je… je veux que tu saches à quel point je t’en suis ré…ra… reco… reconnaissant. » Qu’il formule lentement, de manière à ne pas s’emmêler à cet instant qui ne s’y prête pas. « Et je le montre pas assez, je suis ple-pla-plutôt du genre ingrat. » Il tente un léger sourire alors qu’il essaie de capter son regard. « Tu t’inquiètes tout le temps pour moi, et moi, je le fais jamais. » Il avoue, mal à l’aise, alors que sa main se rapproche de celle de Jules pour lui effleurer ses doigts des siens, sans savoir s’il peut se permettre cette proximité. « Je di-dét-décharge ma colère sur toi parce que je sais pas sur qui le faire. » Il admet enfin, même si cette petite voix dans sa tête lui murmure qu’il a des raisons de le faire. « Et j’en ai oublié l’essentiel. » Qu’il débute, alors qu’il soutient son regard. « Comment tu vas, Jules ? » Et par cette question, il ne s’attend pas à une réponse positive qui ne demanderait pas d’autres explications. Il veut de la sincérité ; et ça tombe bien, elle est lancée sur cette voie – son cœur peine encore à s’en remettre alors que ses propos se répètent dans sa tête. Même celle qui t’offre un soutien inconditionnel se met à douter de toi.  
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Message(#)(alfiana) i'm hearing voices in my head i don't wanna hear EmptyVen 18 Sep 2020 - 15:21



I'm hearing voices in my head I don't wanna hear

@Alfie Maslow & Juliana Rhodes



Ce n’est pas la meilleure nuit de ma vie. Loin de là. Et si celles d’avant n’étaient pas meilleurs que celle-ci, je pensais au moins maitriser la situation, avoir une parfaite connaissance de l’environnement qui m’entoure et être prête à affronter l’avenir parce que je savais de quoi il serait fait. J’ai parfaitement pris conscience des difficultés d’Alfie à se remettre du traumatisme du cambriolage, et même si je me retrouve bien souvent désarmées face aux démons qui l’habitent, ils ne me sont pas totalement inconnus et je me sens prête à les affronter jour après jour à ses côtés jusqu’à ce qu’il en vienne à bout. Cette nuit est différente pourtant, parce qu’en m’annonçant l’arrivée imminente d’Anabel au sein de notre foyer, Alfie me fait comprendre que je ne maitrise pas tout, que je ne contrôle pas grand-chose et que je ne peux pas anticiper l’avenir pour me rassurer parce qu’il y aura toujours des imprévus qui viendront bousculer tous mes plans. Je sais que je peux dire adieu à la sereine convalescence de mon petit-ami, à l’idée de prendre le temps de le voir se reconstruire en l’accompagnant pas-à-pas. C’est toute notre vie que nous allons devoir revoir, nos habitudes, notre quotidien, nous allons devoir fonctionner à trois et plus à deux comme nous l’avons toujours fait. J’aimerais me convaincre que ça va être simple, mais l’arrivée d’une tierce personne au sein d’un duo qui traverse une période plus que chaotique n’a rien d’anodin et je ne suis pas sûre qu’il en ait parfaitement conscience. Les pensées se bousculent dans ma tête alors que j’essaie d’assimiler toutes les informations qu’il me donne – et qui ne sont pas bien nombreuses, ce qui me laisse penser qu’il n’a pas vraiment réfléchi à ce qui allait réellement nous tomber dessus – et je peine à rester positive en entrevoyant ne serait-ce qu’une infime partie des difficultés qui s’annoncent. J’adore Anabel. J’aime Alfie plus que tout. Les voir ensemble est un réel bonheur parce que leur enthousiasme et leur joie de vivre sont extrêmement contagieux, mais ça va être compliqué, très compliqué. Construire une vie à trois est quelque chose de difficile, tous les couples traversent une période difficile au moment de l’arrivée d’un enfant parce qu’il s’agit d’un chamboulement qui demande de l’adaptation, du dialogue, un aménagement du quotidien et de s’écouter les uns les autres pour être sûr que chacun trouve sa place. Sauf qu’en temps normal, c’est avec un nourrisson qu’on tente de construire ce foyer et non pas avec une fillette de six ans déjà bien amochée par son vécu. L’adaptation va être totalement différente et j’ai très peu de l’impact que son arrivée pourrait avoir sur nos vies. Etre envahie par toutes ces peurs me terrifie et me rendre compte qu’Alfie n’a pas l’air effrayé de son côté est encore plus terrifiant. Je crois que j’aurais aimé qu’il me dise que cette situation l’angoisse autant que moi, qu’il ne sait pas comment on va gérer les choses et qu’il appréhende le quotidien, j’aurais au moins eu l’impression qu’il a toujours la tête sur les épaules et qu’il réalise que cette nouvelle vie ne va pas être une promenade de santé. Il n’en est rien, pourtant, il me présente le plus gros bouleversement de notre existence comme un petit projet quelconque dont il aurait oublié de me parler.

Je ne sais pas par quel miracle je parviens à ne pas exploser directement. J’ai simplement envie qu’il comprenne que c’est de la folie et que me mettre devant le fait accompli est impardonnable, mais je n’en fais rien. La simple vision de ses traits tirés par le manque de sommeil et de son regard encore perdu dans les cauchemars contre lesquels il se bat me suffit pour que je renonce à partir dans un conflit qui aurait certainement un impact négatif sur lui. Je déteste le voir aussi affaibli et je ne veux en aucun cas être responsable des faiblesses qu’il a dû mal à gérer. Au contraire, je suis censée lui donner de la force, être présente pour lui, l’aider à remonter la pente et si je m’efforce de le faire, ce n’est pas par pitié ou par obligation, mais bien parce que j’estime être à ma place auprès de lui et que le moindre petit détail que je prendre en charge pour le délester d’un poids même minime me donne l’impression d’être utile et importante. N’importe quel psychologue mettrait certainement le doigt sur mon besoin presque maladif de m’occuper des autres et de les aider constamment. Ma mère. Mes frères et sœurs. Alfie. Toutes les personnes dont je suis proche savent – en tout cas je l’espère – qu’ils peuvent compter sur moi dans les bons comme dans les mauvais moments. Je n’ai rien pu faire pour mon père parce que j’étais trop jeune, trop naïve, trop inexpérimentée, mais il est hors de question que je laisse une autre personne que j’aime disparaitre. Malgré tout, je n’arrive pas, cette fois, à envoyer balader mes angoisses au profit d’un enthousiasme qui nous aurait aidés à traverser cette conversation facilement et lorsqu’Alfie me demande de faire preuve d’honnêteté, je le prends peut-être un peu trop au mot en exprimant tout ce qui m’inquiète dans la décision qu’il a prise. Il semble prendre conscience que ne pas m’avoir invité à partager la conversation qu’il a eu avec Stephen est un vrai problème et j’en suis soulagée, même si ça ne change rien à la finalité, j’aime l’idée qu’il ne me mette pas de côté sous prétexte qu’il sait que je décrocherais la lune s’il me le demandait. « Je sais. » Je tente d’ignorer le pincement au cœur que j’ai ressenti en entendant que ça n’a pas changé et me concentre sur le sujet le plus important. Mon envie de fonder une famille est quelque chose dont nous avons déjà discuté et s’il avait changé d’avis j’imagine qu’il m’en aurait informé bien avant. Nous devons régler un seul problème à la fois et revenir sur un sujet qui nous divise en plus de l’arrivée d’Anabel dans nos vies me parait un peu trop. « Je n’ai jamais dit que je ne comprenais pas ta décision. » Juste que je ne trouvais pas normal de ne pas en avoir fait partie. Je sais pertinemment qu’à deux, nous serions arrivés exactement à la même conclusion mais nous aurions pu partager nos doutes, nous organiser, évoquer les problèmes que nous pourrions rencontrer et comment nous arriverions à les résoudre. J’ai toujours l’impression qu’à deux nous sommes plus forts pour affronter l’avenir et que ce n’est pas en imposant à l’autre quelque chose que nous pourrons construire quelque chose ensemble. Comme si je ne lui avais jamais rien imposé. Je chasse rapidement cette pensée qui m’obnubile depuis maintenant de longs mois. Là encore, le moment est mal choisi pour aborder le sujet et encore une fois je me raccroche à l’espoir que si ça avait été un problème pour lui, il l’aurait évoqué depuis un moment déjà. « Désolée. » Je souffle, alors qu’il me compare à ses parents – ce qui n’est pas une bonne chose – et que je prends conscience de me comporter comme une adulte qui fait la morale à un enfant. Alfie est parfaitement capable d’entrevoir les difficultés qui se dressent devant nous et s’il ne les a pas évoquées dans un premier temps, c’est sûrement pour me laisser le temps de donner mon avis sans être biaisée par le sien. « Je ne voulais pas… » L’infantiliser ? Le mettre devant ses contradictions ? L’enfoncer davantage. « Je pensais… » Qu’il ne savait pas dans quoi il s’embarquait ? Qu’il ignorait ce qu’élever un enfant veut dire ? Qu’il s’embarquait dans cette nouvelle aventure sans s’informer au préalable de l’engagement qu’il prenait ? « Désolée. » Je répète une nouvelle fois, incapable de finir l’une de mes deux phrases précédentes. « Elle sera heureuse avec nous. » J’ajoute, parce que c’est sûrement ma seule certitude. Je sais que nous ferons tout pour contribuer à son bonheur et à son épanouissement, le seul problème c’est que nous risquons d’y laisser les nôtres.

Contre toute attente, Alfie me présente ses excuses à son tour et ce qui s’annonçait être une violente dispute se transforme soudainement en une conversation beaucoup moins désagréable et à laquelle je ne m’attendais pas du tout. Ses mots me touchent, bien sûr, même si je n’estime pas avoir besoin de remerciements pour ce que je fais pour lui. Il a bien assez à gérer de son côté, c’est normal que je veille sur lui quand il ne va pas bien. « Tu fais la même chose pour moi. » Je lui affirme, parce que c’est la vérité. Je n’ai peut-être pas eu la malchance de me retrouver au fond d’un lit d’hôpital, je n’ai jamais eu besoin qu’il se reconvertisse en infirmier à domicile ou qu’il veille sur mon sommeil agité mais ça ne signifie pas pour autant qu’il n’est pas là pour m’aider et prendre soin de moi. Au contraire, il est là dans toutes les épreuves que je traverse pour m’épauler, me conseiller et me soutenir. Il est là dans toutes mes réussites pour me féliciter. Il est là dans tous mes projets pour m’encourager à les poursuivre et me rappeler que j’en suis capable. Il est là. Tout simplement. Nous traversons peut-être une mauvaise période mais ce n’est pas pour autant que j’oublie tout le positif qu’il a apporté à ma vie. « Tu n’as pas besoin de me remercier, je le fais parce que j’en ai envie. » Déchiffrer les mots que sa tête ne veut plus lui fournir est devenue une seconde nature et faire preuve de patience lorsqu’il n’en a plus est presque facile maintenant alors que j’étais tellement désarmée à l’hôpital devant sa colère et son incapacité à gérer la situation. Bien sûr, il y a eu une nette amélioration de sa santé depuis sa sortie d’hôpital mais le combat n’est pas encore terminé, loin de là. Etonnamment, je n’ai pas vraiment l’impression de m’oublier pour lui, j’ai juste décidé de revoir mes priorités le temps que notre vie de couple reprenne son cours normal et si ce n’est pas évident tous les jours, ce n’est pas pour autant que je considère que c’est un sacrifice. « Merci. » J’ajoute malgré tout, parce que je suis véritablement touchée par une reconnaissance qu’il ne me doit pas. « Je ne veux pas que tu te sentes redevable. » Je précise parce qu’il semble soudainement honteux de sa façon de gérer la situation alors qu’il n’a pas de raison de l’être. « C’est toi qui t’es retrouvé à l’hôpital, pas moi, c’est normal que je m’inquiète pour toi. » Et de mon côté, je ne tiens pas à l’inquiéter avec mes petits problèmes sans importance alors qu’il en a déjà bien assez à gérer pour le moment. Je sais qu’il est là pour moi et que si je devais être face à une difficulté importante, il m’aiderait à la surmonter, mais pour l’instant, c’est lui qui a besoin de mon aide et je ne trouve pas notre relation déséquilibrée pour autant. On s’adapte aux événements, c’est tout. « N’importe qui serait en colère s’il avait vécu ce qui t’est arrivé. » Si j’ai eu du mal à gérer sa colère et à trouver ma place lorsqu’elle le submergeait, à aucun moment je ne l’ai trouvé injustifiée. Quelles étaient les probabilités pour qu’il se retrouve chez nous pendant ce cambriolage ? Quelles étaient les probabilités pour que les individus décident de s’attaquer directement à lui ? A mon avis, elles sont très minces et c’est normal qu’il trouve injuste de se retrouver dans cet état. Je n’ai absolument rien à lui reprocher. « Ne sois pas trop dur avec toi-même, tu as déjà tellement à gérer. » Alfie est fidèle à lui-même : impatient. Il voudrait pouvoir tout gérer en même temps alors qu’il est normal qu’il focalise son attention sur tous les soucis de santé qu’il doit gérer. « Tu as besoin de temps. » Et je compte bien lui en donner, même si ce n’est pas toujours simple parce que j’aimerais retrouver mon Alfie et pas cette pâle copie de celui qu’il est en temps normal. Je sais que ce sera encore plus compliqué avec l’arrivée d’Anabel dans nos vies, mais on surmontera tout ça j’en suis persuadée. Nous serons toujours soudés et c’est ce qui nous rend indestructibles. Me raccrocher à toutes ces certitudes – qui n’en sont pas vraiment, mais j’aime me persuader du contraire – me rend positive et me donne le courage d’affronter tous ces moments difficiles. Pourtant, la question que me pose Alfie me déstabilise parce que je réalise que je devrais y répondre sans même y réfléchir et que je n’en suis pas capable. C’est le genre de question banale qu’on pose au début d’une conversation, celle à laquelle on répond toujours que tout va très bien même si ce n’est pas forcément le cas et on passe à autre chose rapidement. Je baisse les yeux vers les doigts d’Alfie qui effleurent les miens, laissant le silence s’éterniser un peu trop longtemps alors que je cherche mes mots. « Je ne sais pas. » J’admets, sans relever les yeux, presque déçue de moi-même de ne pas arriver à mettre des mots sur mon ressenti. Je sais que je ne peux pas me contenter de cette réponse évasive, il fait l’effort de mettre de côté toutes les pensées qui l’encombrent pour me mettre au centre de l’attention, je ne peux pas me permettre de balayer cette interrogation comme si elle était banale. « J’ai arrêté de me poser la question. » A quoi ça servirait de me rendre compte que rien ne va alors que je ne peux pas faire grand-chose pour que ça change ? Je préfère dédier cent pour cent de mes forces à faire en sorte que le rétablissement d’Alfie se passe le mieux possible. « Je suis en bonne santé, j’ai un toit au-dessus de ma tête, un travail qui me plait, une famille, des amis, et toi, alors ça ne peut qu’aller bien. » Si seulement la pratique était aussi évidente que la théorie, ça serait génial, mais malheureusement il y a bien plus que ça. Il y a le mental, les peurs, les doutes, les incertitudes, tout ce que je n’exprime pas mais qui ne quitte jamais ma tête. J’imagine que c’est plutôt de ça dont veut parler Alfie plus que de ma capacité à encaisser les choses et à aller de l’avant. Ça, c’est plutôt facile, je le fais parce que je n’ai pas le choix. Je dois être optimiste pour deux, je ne dois pas flancher. Jamais. « Pour le reste… » Je hausse les épaules, retenant un ça ira mieux quand tu iras mieux qui risquerait de lui mettre la pression plus qu’autre chose. « Je ne suis pas très douée pour gérer les imprévus, tu sais, j’avais tout planifié pour les dix prochaines années au moins et il faut que je revois mon planning. » Je souris, dissimulant mes angoisses derrière un peu d’humour, idée que j’ai certainement empruntée à Alfie qui est le maitre en matière de dissimulation des émotions. « Ma priorité, c’est toi. » Je conclus, comme si mes réponses étaient suffisantes alors que j’aurais pourtant tellement de choses à lui dire. Je pourrais lui avouer à quel point je culpabilise de m’être trompée en souhaitant le garder auprès de moi pour garantir sa sécurité, que j’ai peur de ce que l’avenir nous réserve, que je redoute qu’il s’éloigne à nouveau de moi, que je n’arrive plus à me concentrer sur quoi que ce soit et que je n’y arriverais sans doute jamais sans l’assurance qu’il a récupéré à cent pour cent. Mais je ne veux pas faire ça, parce qu’il est hors de questions qu’il porte le poids de mes peurs dans un moment où il est si vulnérable et que je rajoute des incertitudes alors que celles contre lesquelles il se bat doivent être particulièrement lourdes à porter. J’ai tenu le coup ces derniers mois et je continuerais. Je lui dois bien ça.


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Message(#)(alfiana) i'm hearing voices in my head i don't wanna hear EmptyVen 2 Oct 2020 - 22:53

Pendant un instant, il réalise que les cauchemars ne sortent pas uniquement de son imaginaire. Que son inconscient peut se vanter de le tourmenter chaque nuit, que les souvenirs s’imprègnent toujours un peu plus dans son esprit lorsqu’il ferme les yeux, qu’ils implantent les images auxquelles il songe au quotidien, qu’il voit parfois au détour d’une rue. Il peut s’en vanter ; mais il ne peut rivaliser avec la réalité. Parce que les sentiments sont tellement plus forts que les images et qu’il les ressent tellement plus violemment, Alfie, alors que plus que jamais, il ne se sent plus à sa place dans cette vie qu’il mène à contrecœur depuis trop longtemps. Et peut-être que c’est ça, le vrai cauchemar, que de prétendre s’en satisfaire alors qu’il ne désire qu’une chose ; envoyer balader tout ce qu’il a construit au cours des dernières années et qui ne lui ressemble pas. Le problème, c’est que tout n’est pas à jeter et qu’Alfie ne parvient pas à trouver le juste milieu entre ses envies et ses volontés – parce qu’aussi semblables qu’elles puissent être, elles sont très différentes. Il a envie de continuer d’avancer avec Juliana, mais il n’a pas la volonté de se caser. Il a envie de poursuivre son métier, mais il n’a pas la volonté de le faire à Brisbane. Il a envie de se tenir loin de toutes ces addictions qui ont trop souvent dicté son quotidien, mais il a de moins en moins la volonté de le faire. Elles ne peuvent se concilier, alors à défaut l’anthropologue n’essaie même pas ; et ce sont ses envies qui prônent sur ses volontés – quand bien même elles s’accompagnent d’un sentiment de malaise qu’il n’arrive pas à effacer. Il ne peut l’anesthésier à l’aide de somnifères ou d’une thérapie, il sera toujours là, bien au fond de lui, avec tous ses autres ressentis qu’il n’arrive pas à gérer. Oh, bien sûr qu’il existe une méthode particulièrement efficace pour les contrôler ; mais il n’y a pas le droit et c’est le même pincement au cœur qu’il ressent, dix après.

Alors oui, peut-être que les cauchemars ne sont pas uniquement le fait d’un subconscient tourmenté et qu’ils traduisent de son état général, au point de le poursuivre dans la réalité. Cette même réalité qu’il n’apprécie pas ; car comment est-il supposé le faire alors qu’il a la terrible impression d’avoir été dépossédé de tout ce qui faisait de lui ce qu’il était ? Son emploi n’a plus de sens depuis qu’il n’est plus sur le terrain, sa relation avec Jules est malmené par son refus de s’engager et sa certitude quant à sa non-paternité est mise à mal de la pire des façons. Il est certain qu’il aurait dû en parler à Jules et il pourrait se cacher derrière une communication biaisée depuis quelques semaines pour justifier son silence. Pourtant, Alfie n’est pas du genre à se chercher des excuses ; il assume la plupart de ses erreurs malgré son arrogance évidente et il le sait pertinemment, qu’il ne s’agit pas d’une de celles-ci. La raison qui l’a dicté à agir de la sorte est bien pire ; elle ne repose que sur une envie de vengeance, sur le fait de mettre Jules face à ses propres contradictions, de l’obliger à termes à réaliser qu’imposer à son partenaire une décision qui impacte son quotidien à une telle échelle n’est pas justifiable, à aucun moment. Il peut se targuer d’être franc, toujours est-il qu’Alfie demeure surtout terriblement fourbe et manipulateur, y compris auprès de ses proches qui en font encore l’expérience aujourd’hui. Mais il ne le dira pas, il ne verbalisera pas ce qu’il cherchait derrière le fait de la mettre devant le fait accompli de la sorte. Parce qu’il n’est pas en mesure de l’exprimer clairement en vue des difficultés qui sont encore les siennes et parce que le moment est mal choisi. Pas parce qu’il a la volonté de préserver Jules de sa vérité, mais parce que justement elle ne frapperait pas assez mal pour être admise aujourd’hui.

Il y a cette volonté de lui faire mal qui se mêle à l’amour qu’il lui porte ; et les affects négatifs, aussi forts puissent-ils être, sont très vite balayés par la culpabilité de la mettre dans une telle position. Et, finalement, on en revient toujours au même problème, et l’incapacité d’Alfie à trouver un équilibre. Il n’a pas plus envie de fonder une famille aujourd’hui qu’il ne l’avait hier, seulement il ne s’agit pas réellement de « sa » famille, quand bien même Anabel et lui sont liés par le sang. Il s’agit surtout d’un devoir, un qu’il aurait préféré ne jamais être le sien, mais qu’il lui a été imposé. Bien sûr, il n’a aucun couteau sous la gorge qu’il ne justifie qu’il l’accepte, excepté sa fierté et son besoin de prendre le dessus sur les autres. Ici, en l’occurrence, sa propre famille et les projections qu’ils font quant à son incapacité. Il veut leur démontrer du contraire et ce n’est pas tant le bien de la petite fille que sa propre arrogance qui est en jeu. Il pince les lèvres lorsque Jules tente de se justifier quant au fait qu’elle aurait pu être amenée à ne pas comprendre sa décision, ne sachant pas quel poids accorder à ses paroles alors que tout son être traduit du contraire. Mais il campe sur ses positions et sa volonté de ne pas s’excuser pour le choix auquel il la confronte ; parce qu’elle ne s’est pas excusée du choix qu’elle lui a imposé il y a quelques années. C’est désormais à elle de faire des concessions et Alfie ne compte pas diminuer ses exigences par simple amour pour la jeune femme, encore moins alors que ses propos traduisent d’un discours qu’il s’est déjà préparé à entendre, mais pas de cette bouche-là. Elle s’excuse, bafouille, s’excuse à nouveau, avant d’affirmer ce qu’il a besoin d’entendre, ce dont il a déjà la certitude au fond de lui. Anabel ne peut être qu’heureuse avec eux, cessant ainsi d’être ballotée d’un foyer, d’un référent à un autre, pour avoir le droit à la stabilité qu’elle mérite depuis tout ce temps. Même si cette stabilité vient de celui qui la refuse au quotidien ; et ce constat est encore douloureux. « C’est certain. » Qu’il se contente de répondre, acquiesçant à ses excuses sans lui confirmer les accepter – c’est déjà le cas, mais il faut croire qu’il ne peut s’empêcher de jouer avec ceux qui lui sont proches.

Peut-être est-ce constat qui lui impose de modérer ses propos, de prendre du recul sur la situation, peut-être est-ce la confirmation de la part de Jules qu’ils accueilleront sa filleule qui l’aide à passer à autre chose, est-ce peut-être le simple constat qu’elle est restée à ses côtés durant ce moment d’angoisse autant qu’au cours de la confrontation qui a suivi, mais Alfie finit par reprendre la parole pour laisser échapper quelque chose dont il ne se serait pas cru capable ce soir : de la reconnaissance à l’égard de Jules pour rester à ses côtés malgré les épreuves. Et il ne parle pas uniquement de ce cambriolage qui a mal tourné, mais aussi et surtout de tout le reste, sur les nuages noirs qui planent sur eux depuis plusieurs mois, accentué par sa propre personnalité qui n’est pas évidente à gérer au quotidien. La multitude de ses défauts qui ne cesse de s’allonger au fil des semaines et si Alfie les assume parfaitement, il a aussi conscience qu’ils ne doivent pas être faciles à supporter au quotidien, encore moins lorsqu’ils sont animés par toutes les questions liées à sa situation. Jules s’en accommode, plus que quiconque ne l’a fait auparavant et pour cette seule raison, elle mérite des remerciements qui sont bien plus sincères que tous les propos qu’il a pu tenir au cours de la nuit. Il laisse échapper un léger soupir alors qu’elle prétend que la réciproque est vraie ; bien sûr qu’il la soutient, du mieux qu’il peut, mais il n’a pas l’impression d’être à sa hauteur. Pas parce qu’il ne le veut pas, seulement il n’a pas l’habitude de se comporter de la sorte et il reste particulièrement indépendant, il lui est encore difficile d’accepter la perspective d’être totalement dépendant d’autrui et de se jeter corps et âme dans une relation – malgré la force de ses sentiments à l’égard de Juliana. Il reste silencieux tandis qu’elle atteste une nouvelle fois qu’il n’a pas besoin de la remercier, reprenant seulement la parole pour préciser « je ne me s-sens pas ré-redevable. » Bien sûr, il aimerait pouvoir se montrer plus reconnaissant que ce n’est le cas, pour autant il n’a pas l’impression d’y être particulièrement obligé. Il ne ressent pas une pression à agir de la même façon qu’elle agit avec lui. « Oui, ce serait bien qu’on équit-équilibre les c-comptes, d’ailleurs. » Il s’amuse avec un léger sourire, espérant qu’elle ne verra pas de message caché derrière ce trait d’humour, il ne lui souhaite évidemment pas de finir à l’hôpital et s’il peut être le seul des deux qui accumule les séjours entre ces murs, cela l’arrange. « C’est pas un excuse. » Qu’il parvient à prononcer sans trembler, satisfaction très vite balayée par le discours à nouveau infantilisant de sa petite amie, même s’il essaie de se résonner ; ce n’est pas le cas, elle essaie seulement de le rassurer et il se veut seulement réfractaire à cette attitude, parce qu’il l’a longtemps été à l’exception de Jules. Et il est toujours biaisé par son propre ressenti, alors il se contente de hocher la tête à son affirmation quant au temps dont il a besoin.

Du temps, c’est également ce dont elle a besoin pour formuler une réponse appropriée à sa question, finissant par admettre qu’elle n’a pas vraiment de réponse à lui donner puisqu’elle ne le sait pas. Il fronce les sourcils, l’interroge du regard pour la pousser en se dévoiler, se voulant interdit lorsqu’elle admet ne plus se poser la question. Mais la moue qui s’affiche sur son visage est bien sceptique face à la réponse qu’elle tente de formuler et il se permet de souligner que « ça ne veut ri-rien dire », qu’elle a le droit de ne pas se sentir bien malgré tous les éléments qui lui prouvent du contraire, qu’elle peut être en proie aux doutes, à l’hésitation, au mal être : il est exactement dans cette situation et il ne peut que comprendre. Mais Alfie ne la pousse pas à la confession si elle ne le souhaite pas, se contentant de lui faire comprendre que son malaise n’a pas été considéré comme illégitime seulement parce qu’elle possède des ressources. Et sa moue s’imprègne sur son visage alors qu’elle finit par évoquer son besoin de planification dont il est au courant, mais ça ne le rend pas plus facile à accepter lorsque cela le concerne. Parce qu’il n’arrive déjà pas à planifier son quotidien sur les dix prochaines heures, alors qu’elle l’évoque en années le fait plus paniquer qu’autre chose même si son sourire finit par se mêler au sien pour dissimuler ses angoisses à lui-aussi. Angoisse qui ne fait que s’accentuer lorsqu’il perçoit une certaine pression par le fait qu’elle certifie que sa seule priorité, c’est lui. Parce que la réciproque n’est pas aussi vraie et même si Jules demeure une priorité, elle n’est pas la seule, elle n’est pas l’unique et elle se mélange à tant d’autres choses parce qu’il refuse d’être considéré conjointement avec quelqu’un au détriment de sa propre individualité. Mais Alfie ne l’exprime pas et à ce constat, le sourire qui a pris place sur ses lèvres disparaît, seulement il le cache en volant un baiser à sa petite amie.

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