Help, I lost myself again but I remember you. Don't come back, it won't end well but I wish you'd tell me too. They're playing our sound laying us down tonight and all of these clouds, crying us back to life @Laoise McLoughlin
Que le temps passe lentement quand on s'emmerde. Il n'y avait rien que je pouvais y faire, mis à part attendre et prendre sur moi. Je n'aime pas rester de marbre, d'ordonner à mon corps de ne pas être aussi hyperactif alors que mes jambes commençaient à avoir la bougeotte. J'ai entendu un agacement sortir de la bouche de la vieille maternelle, et sincèrement, je m'en branle. Elle va faire quoi ? Me couper les jambes ? Je hais ces foutus trains, ces grosses locomotives qui devaient révolutionner le monde, tu parles, quelle arnaque surtout. La seule chose pour ne pas éterniser mon ennui était de regarder le paysage qui se dessinait à toute allure devant mes yeux et d'imaginer un film. De la verdure, et encore de la verdure de ce que j'entrevoyais à travers la vitre. Au moins, ce voyage aura un arrière-goût de l'Écosse. Les vieux ont organisé des vacances en Irlande, loin de la maison, afin de prendre un peu d'air et de se ressourcer, comme ils le disent bien sous leurs airs hautains et faux snob. Il y a bien des jours où je me dis que j'aurais aimé avoir une meilleure relation avec eux, surtout lorsque je vois mes amis enlaçaient leur paternel ou embrassaient leur maternel, puis, au final, un frisson parcours mon corps rien qu'à songer à une telle possibilité. Moi qui pensais naïvement à partir aux Etats-Unis quand ils m'ont annoncé la grande nouvelle d'un voyage pour au final se retrouver dans un nouveau trou paumé pas loin de la maison. Une fois arrivée à la gare, je peux me rendre compte du temps pluvieux et dépressif dehors. Les gros nuages gris couvraient le soleil et à tout moment je pouvais me tirer une balle tellement l'atmosphère s'y prêtait.
Et c'était encore pire une fois à l'intérieur de la maison qu'ils ont loué. Une vieille bâtisse, des vieux tableaux qui me foutent la chair de poule et de vieux portraits de personne que je ne connais ni d'Adam ni d’Ève. Je comptais déjà les heures et les jours qui me restaient à faire semblant de m'y plaire pour la satisfaction de mes parents. Allongé sur mon lit, je contemplais le plafond en me plongeant dans mes dernières pensées. Ces temps-ci mes parents essaient d'avoir un deuxième enfant et je ne sais pas vraiment comment prendre cette nouvelle. Bien évidemment, je ne serais plus seul dans cette satanée baraque à devoir me coltiner les deux vieux toute la journée, il y aura une autre personne qui prendra ma place et c'est plutôt cool d'imaginer passer ma torture de tous les jours à un petit être. Ils aimeraient une fille pour lui passer toutes les tâches ménagères et les autres charges sur son épaule, car d'après mon père ce n'est pas le boulot d'un homme. Mais surtout, ils aimeraient qu'elle ait les yeux de mamie, le visage de ma mère, l'humour (quel humour ?) de mon père et certainement rien de moi sinon ça gâcherait tout. De ce fait, je me suis promis de toute faire pour qu'elle ait quand même son caractère à elle, de ne pas avoir peur de montrer ses émotions et ses angoisses, de ne pas hésiter à venir se cacher entre mes bras lorsqu'elle se fera gronder et je lui montrerai toutes les pires conneries pour rendre nos parents fous. Me voilà à déjà dessiner ses traits dans mon visage et entendre son rire à travers mes oreilles alors qu'elle n'est pas encore là, elle n'est encore qu'une idée. Le doux arôme de la cuisine me réveille soudainement de mes songes et je décide de rejoindre mes géniteurs dans la salle à manger. Ma mère fait les meilleurs repas au monde, je lui devais au moins ça comme compliment, dommage qu'elle ne soit qu'une connasse hautaine au fond. D'un coup d’œil, je la regarde vérifier une dernière que tous les ingrédients soient bien cuit pour qu'elle puisse bien nous gonfler le ventre de son talent culinaire. Je la regarde faire avec un certain air admiratif, celui qui me prit d'avoir ces mêmes compétences pour me faire de bons repars quand je ne serais pas plus dans la demeure familiale. Ma mère me lance un regard attendri suivit d'un doux sourire et c'est vraiment dans ces moments-là où je me dis que la vie serait plus belle s'ils m'aimaient réellement. « Arthur, j'espère ne pas te voir jouer sur ta guitare durant ces vacances, rappelle-toi qu'elles sont pour nous à la base, laisse-nous du repos. » Je pris pour que mes pensées noires et insultes s'échappent de ma bouche, mais à quoi bon, si c'est pour me recevoir une gifle sur la gueule quand bien même je ne l'aurais jamais mérité à quoi ça sert ? Mon père hait mon envie, que dis-je, ma grande vocation de devenir un jour une rockstar connue mondialement. Pourtant, c'est lui qui m'a offert cette même guitare acoustique à mes dix ans songeant que son fils unique lui chanterait ses musiques préférées en boucle, encore et encore. Quelle tête il fit lorsqu'il a dû apprendre que son fils aime le rock et les paroles insensées. L'ai-je écouté ? Laissez-moi bien rire. Me voilà sur un vieux banc usé du jardin à gratter sur mon bel instrument tout en fredonnant les chansons que j'affectionne particulièrement. Heureusement, je pouvais y contempler les étoiles, me laissant ainsi du repos pour me projeter vers un avenir incertain. Je n'ai que quatorze ans, je ne suis pas encore majeur, la vie s'ouvre doucement à moi, mais l'envie de la croquer à pleine dent me démange fortement. Les vieux cons diront toujours de profiter de notre jeunesse, mais nous ont jamais inculqué le savoir de ne pas la gâcher avant qu'il ne soit trop tard. À les entendre, ils regrettent toute leur vie, leur mariage, leurs enfants, nous rendant un service de ne pas faire les mêmes conneries qu'eux. Je prends une énorme bouffée d'air avant d'entamer une descente dangereuse. Pour la première fois, je joue une de mes chansons écrites, pas trop joyeuse certes puisqu'elle parle de ma relation merdique avec mes parents, mais quelle mouche m'a piqué pour que j'ose la jouer dans un endroit où ils pourraient m'entendre ? Mes doigts n'eurent guère besoin de mes yeux pour les guider tellement, ils connaissaient par cœur l'endroit de chaque note. Je ferme les yeux, me laissant guider par l'ambiance presque nostalgique qui en découle, à croire que j'allais presque me mettre à chialer pour si peu. Puis je sens une présence qui me regarde, un spectateur peut-être qui a été envoûte par ma voix d'ange ? Alors, je fais comme si de rien étant, jouant l'ignorant avant de finir le morceau. « Tu as aimé ? » Dis-je les yeux encore clos pour les ouvrir à la seconde qui suivit. Une fille de mon âge, il me semble se dressait devant moi. Du moins, se trouvait dans le jardin voisin. Les quelques faibles lumières qui nous entouraient m'aider à mieux parcourir ses traits du visage. Elle est jolie, mignonne même avec ses longs cheveux noirs et ses grands yeux clairs, venait-elle aussi pour un voyage ? La voir me réconforte à l'idée de ne plus être seul, enfin, pour cette nuit. Moi qui pensais ne pas faire de rencontres de mon âge ! « Tu en penses quoi ? Un peu trop larmoyant, triste ? Tu as eu envie de pleurer en ne l'écoutant pas vrai ? » Je m'avançais petit à petit vers elle avant de m'arrêter vers la seule limite qui nous séparait : une simple barrière. Bien avantageux cette personnalité sociable et avenant que j'ai, mais où certains diront que je suis trop collant et bavards. « Tu es d'ici ? Enfin, je veux dire : est-ce que toi aussi tes parents t'ont forcés à venir avec eux dans cette vieille maison qui a très certainement eut un tueur en séries comme locataires pour leurs vacances dites « reposantes » ? » J'en fais peut-être un peu trop mieux ? Oh, et puis merde, je m'en moque. « The name's Arthur by the way. »
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Dernière édition par Arthur Glenn le Ven 27 Déc 2019 - 11:24, édité 2 fois
And oh we live like we want to, where nobody tells you. I want to believe, come on just set me free. Oh we live in the dark days, like some kind of black haze. I want to come down, but I'm never, never coming down. • Live Like We Want To, Palaye Royale
Je ne sais pas quelle mouche a piqué mes parents pour qu’ils décident comme ça, sur un coup de tête, de retourner à Cork pour les vacances d’été. Ce n’est pas leur genre de prendre des décisions impulsives, ni de voyager d’ailleurs. Quoique... est-ce vraiment un voyage? Disons qu’on a déjà vu plus exotique comme destination. Si je dressais la liste du top cinquante des endroits où j’aurais voulu passer mes vacances, Cork n’en aurait même pas fait partie. Mais bon, pour une raison ou une autre, Mammy avait terriblement envie de retrouver les petites rues étroites de la ville où elle a vécu pendant presque trois décennies. La nostalgie, peut-être. Alors nous nous sommes empilés avec les valises dans notre petite voiture et nous avons pris le chemin de Cork. Le voyage s’est passé assez aisément. D’abord parce que ce n’est pas si loin, plus ou moins trois heures de route. Et ensuite parce que ces trois heures, je les ai passées le nez plongé dans un bouquin comme à mon habitude. Trop prise par les cruelles péripéties d’Heathcliff et de son amour tragique, je ne vois pas les kilomètres défiler et je suis la première étonnée quand la voiture s’arrête en douceur dans le parking d’une maison. Marquant soigneusement ma page d’un signet, je sors de la voiture et attends sagement que mon père vienne ouvrir le coffre pour récupérer ma valise. J’observe les environs. Nous nous trouvons dans un quartier plus ou moins réservé aux touristes, une espèce de secteur de villégiature pas trop loin de la plage et à l’opposé complètement du quartier où nous habitions avant le déménagement. Les maisons, toutes semblables, ont clairement été construites à la même époque et par le même architecte. Je me demande si elles ont toutes le même propriétaire.
J’ai droit à la chambre à l’étage. C’est la plus petite et sûrement la plus chaude quand le soleil de juillet aura plombé toute la journée sur le toit foncé, mais elle me convient parfaitement. Elle est construite sous les combles et le plafond penché ainsi que le sol en vieille planche de bois grisonnée par le temps me donnent un peu l’impression de dormir dans un grenier comme Sarah Crewe dans The Little Princess. Amusée, je jette un coup d’oïl par la lucarne. En revanche, je ne crois pas qu’il y ait de gentleman hindou chez les voisins. En fait, la maison a même l’air vide. Un peu déçue, je me rassois sur mon lit. Ce n’est pas que je craigne nécessairement de m’ennuyer – j’ai apporté de quoi lire et, de toute façon, j’ai déjà repéré une petite bibliothèque dans le salon. Avec un peu de chance, il y aura un ou deux romans d’amour scabreux que je pourrai lire en douce pendant la nuit. Cependant, j’aurais quand même aimé faire de nouvelles rencontres. Je songe à m’étendre sur mon lit pour rêvasser un peu quand la voix de Mammy m’interpelle du bas des escaliers pour que je vienne l’aider à faire la vaisselle. Un peu perplexe (pourquoi faire la vaisselle, on n’a même pas encore mangé?), j’obéis et j’ai du mal à me retenir de lever les yeux au ciel quand je me rends compte que les assiettes et les couverts sont effectivement propres, juste pas assez au goût de ma mère. Une fois qu’on a fini de tout laver et essuyer (pendant que Da se repose, assis dans le petit salon en fumant cigarette sur cigarette, évidemment), j’espère pouvoir aller explorer un peu mais Mammy me rappelle à l’ordre avant même que j’aie pu m’approcher de la porte du jardin. « Tu iras jouer après le repas. » C’est vrai que j’ai faim, alors je fais contre mauvais fortune bon cœur et je m’installe à la table pour peler les légumes pendant qu’elle prépare le reste. Le dîner est tranquille. Mes parents discutent doucement et je ne les écoute qu’à moitié, perdue dans mes pensées. J’ai l’impression que le repas s’éternise et, quand Da me donne enfin la permission de sortir, je jurerais que j’étais sur le point d’être momifiée d’ennui.
Profitant de ma liberté nouvelle, je sors de la maison et déboule dans le petit jardin. Curieuse, je me promène lentement en observant les fleurs et les insectes qui bourdonnent. C’est bien entretenu et joli, mais il n’y a pas grand-chose à voir à part la petite fontaine au centre du jardin. Elle représente un petit cupidon particulièrement moche qui tient sur ses épaules le bassin dans lequel clapote l’eau. Comme s’il n’avait pas déjà l’air assez louche, je crois qu’il lui manque le nez et je suis sur le point de me pencher pour mieux voir quand des accords de guitare sortis de nulle part me parviennent, portés par la brise tiède de cette soirée d’été. Curieuse, je tends l’oreille. Quand une voix se joint à la musique, je me laisse tenter et m’approche en direction du son. Je m’arrête à la clôture qui sépare notre jardin de celui de la maison d’à côté, celle que je croyais vide. Assis sur un banc, un garçon aux cheveux bruns en bataille chante, les yeux fermés. À vue de nez, je lui donne à peu près le même âge que moi. Je ne reconnais pas la mélodie, alors j’écoute les paroles avec attention. Ce n’est pas mauvais, un peu mélodramatique peut-être. Je devine que c’est son histoire qu’il raconte et donc qu’il a probablement écrit la chanson lui-même. Les derniers accords n’ont pas fini de résonner qu’il me demande, les yeux toujours fermés, si j’ai aimé. J’attends qu’il ait ouvert les paupières pour hausser une épaule nonchalante. Il a une jolie voix et il maîtrise son instrument, mais je ne sais pas si c’était vraiment du grand art. Se méprenant sur les raisons de mon silence, il s’avance vers moi. « Tu en penses quoi? Un peu trop larmoyant, triste? Tu as eu envie de pleurer en ne l’écoutant pas vrai? » Mon dieu qu’il est dramatique! Il m’en faut plus que ça pour pleurer. C’est pas mon genre. Quand on me fait de la peine, je suis plutôt du genre à me replier sur moi-même comme un escargot dans sa coquille qu’à chialer. Je n’ai pas besoin de lui expliquer tout ça, toutefois, parce qu’il passe déjà à autre chose, me demandant d’un même souffle si je suis ici en vacances avant de se présenter. Arthur? Je scrute ses grands yeux bruns. Ça lui va comme prénom, ça colle bien à sa tête. Je m’appuie sur la clôture, les bras croisés devant moi. « Moi c’est Laoise. Je suis en vacances avec ma famille mais j’habitais ici avant. » Je jette un coup d’œil en direction de la maison. C’est vrai qu’avec les rayons trop orangés du soleil couchant qui allongent les ombres, elle a un air un peu glauque. Mais moi, ça me plaît. « Enfin pas ici dans cette maison, mais ici, à Cork, » que je précise en ramenant mon attention sur Arthur. « C’était pas mal ta chanson, mais il y avait des vers qui ne rimaient pas ensemble. Et c’était un peu larmoyant, oui. » Je ne sais pas s’il est du genre à se vexer facilement, mais je me dis que c’est lui qui m’a demandé mon avis. Je ne fais que le donner et je ne vais certainement pas m’amuser à le flatter quand je ne le connais même pas. De toute façon, même les grands auteurs ont dû commencer quelque part. Savoir écrire, c’est à 10 % une question de talent et à 90 % une question d’effort. « T’écris souvent des chansons? »
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Qu'elle est belle l'inconnue devant moi. Je lui donne mon âge, peut-être un peu plus, peut-être un peu moins, mais aucun trait sur son visage ne me pousse à songer qu'elle serait plus vieille. Le peu d'éclats de lumières qui nous entourent m'aide à dissimiler les nuances de vert qui se mélangent dans ses yeux ainsi que la couleur de sa peau de velours. C'est bizarre, c'est certainement étrange de penser ainsi, mais plus je la regarde et plus mes pensées me montrent cette vieille photo de la maternelle celle où elle souriait encore à la jeunesse. Je la vois encore très bien avec ces habits d'après-guerre et la dégaine d'une vraie rebelle prête à se battre pour ses droits. C'est hilarant d'y méditer, mais que suis-je en train d'essayer de me convaincre ? Bien évidemment, ce serait embarrassant voir même moqueur de lui dire qu'elle ressemble à ma mère dans sa tendre jeunesse, ce n'est pas comme ça qu'on drague quelqu'un après tout. Draguer ? J'ai vraiment dit ça ? À croire que j'en perds tous mes sens et toute ma conscience. Non, bien évidemment que non, je ne compte pas faire ça, je ne connais même pas son prénom, un peu de classe enfin. Une brise glaciale me rappelle à l'ordre, me réveillant de mon long sommeil avec moi-même. D'un coin d’œil, j’aperçois la maison voisine qui gît devant moi et moi qui croyais dur comme fer ne pas me faire de nouvelles rencontres durant ces vacances de rêve dans ce trou paumé. J'essaie de me souvenir si nous n'avons pas auparavant rencontré ses parents pendant la journée qui a suivit notre journée, mais non, aucun souvenir n'apparaît.
Maintenant que j'y réfléchis, elle est ma première spectatrice. Du moins, si j'oublie tous ces ridicules concours à chaque fin d'un trimestre, ou même seulement pour les fêtes qu'organise mon conservatoire afin de voir nos progrès au fil du temps. Et à chaque fois, c'est les mêmes têtes, un peu plus vieux chaque année qui viennent voir fièrement leur fils et fille jouer ou tenter de ne pas se rendre ridicule en ratant une ou deux notes. Et généralement les partitions, ils connaissent non pas parce qu'ils doivent endurer les heures de répétitions de leurs mômes dans sa chambre, mais seulement car c'est connu. Là, c'est toute une autre situation. Une situation qui m'excite à aller de l'avant, à continuer mon rêve de devenir un musicien reconnu, mais aussi de la peur et la crainte, l'anxiété de ne pas avoir pu transmettre mes sentiments à mon interlocutrice. La belle inconnue devient alors ma première critique. S'y connaît-elle en musique ? A-t-elle compris le message de ma chanson ? J'en sais rien et tant de questions se posent encore dans ma tête et qui me brûlent les lèvres. Alors, c'est ça cette fameuse adrénaline. On pourrait penser que c'est triste de ressentir ces picotements au ventre avec seulement une seule personne comme public, mais je m'en branle, c'est dingue comme sentiment ! Et puis je réfléchis au fait qu'elle aurait ne pas aimer, voir détester la chanson. C'est vrai, peu de personnes peuvent être sensibles au vrai charme des musiques nostalgiques et mélodramatiques. Elle pourrait très bien ne pas avoir l'âme et la passion de la musique ! J'avais certainement l'air d'un idiot avec ma guitare acoustique dont j'ai même eu la flemme de bien l'accorder comme il faut à jouer sur un banc au beau milieu de j'en sais rien et j'en ai rien à foutre à jouer de ma mélodie trop personnelle. Mais ! C'est nouveau ça aussi ! Ma première critique devient aussi la première personne à écouter une de mes chansons confidentielles ! Trop de nouvelles choses à déglutir d'un seul coup, j'ai la gerbe. Non, je n'ai pas vraiment la gerbe, ce serait triste de gâcher un si beau visage avec du vomi. Mes parents ont peut-être raison sur un point, je surréagis sur tout. La sangle de ma belle Fender, et oui mon vieux con de paternel à bon goût,, m'entoure encore alors je décide de poser délicatement mon instrument à mes pieds, n'appuyant que mes mains sur la tête. Pendant un instant, je pouvais encore croire que ma belle interlocutrice était en réalité muette ou sourde, ou les yeux, mais la voilà me chanter de sa plus belle voix son prénom tout en s'accotant contre la clôture qui nous sépare. Laoise, un prénom assez rare, mais qui lui allait parfaitement bizarrement. Peu des personnes avec lesquelles j'accoste portent un tel nom. Mais me voilà heureux de pouvoir enfin coller un prénom sur un visage qui ne m'est plus pas à pas inconnu. Laoise m'indique aussi qu'elle vient d'ici, plutôt qu'elle est Irlandaise et qu'elle a déjà demeuré à Cork. C'est vrai ça, Laoise est un prénom irlandais, pourquoi je n'ai pas direct fait la liaison ? Il faut dire qu'y a peu d'Irlandais en Écosse. « C’était pas mal ta chanson, mais il y avait des vers qui ne rimaient pas ensemble. Et c’était un peu larmoyant, oui. » Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? Dans ma tête, se joue une scène dramatique où, d'un geste de la main contre mon front, j'exprime mon amertume et caricature mon petit cœur qui vient de se briser. Je tente de garder mon calme, car, après tout, Laoise est ma première critique et je dois prendre en compte ses remarques comme une belle leçon. Elle me demande si j'écris souvent des chansons et là un sourire se dessine sur mon visage. Non pas que sa question me fait plaisir, puisque je m'y attendais, mais parce qu'elle est curieuse de me connaître en peu plus. Il faut dire que je peux faire vite fuir les nouvelles rencontres par mon côté un peu, comment dire théâtrale ou je surjoue tout ? Je ne sais pas comment l'expliquer, mais en tous cas, voilà un Arthur heureux. « Oui, j'en écris beaucoup à vrai dire, surtout chez moi en Écosse. Tu joues d'un instrument de musique toi ? » Je lui indique à mon tour le lieu de ma naissance, mon cher et tendre pays à 756 kilomètres d'ici. « C'est peut-être un peu personnel, mais je rêve de devenir un musicien reconnu ! Écrire d'autres chansons, faire des albums, monter un groupe et faire des concerts ! Mais bon, il faut croire que je dois revoir les paroles si j'aimerais faire pleurer mon beau public. » Laoise a raison, les paroles peuvent paraître bateau et facile à écrire pour un gamin de quatorze ans. Je n'ai jamais réfléchi au vers ni même si les mots rimaient avec les autres, j'ai toujours écrit ce qui me venait droit au cœur, étaler mes sentiments sur un pauvre bout de papier de mon cahier était mon talent préféré. « Tu aimes les poèmes ? J'dis ça, car tu sembles avoir l'oreille pour ce genre de choses. » Je regarde encore une nouvelle fois la maison où Laoise demeure pour quelque temps. « Tu restes ici combien de temps ? Moi, j'ai entendu dire que j'y restais malheureusement pour deux bonnes semaines. Tu es venue avec tes parents ? Parce que je pourrais très bien me tromper et tu aurais pu très bien venir accompagner de tes grands-parents, oncle et tante ou ! Ou alors, tu serais venue seule, mais avec un majordome, car ceci est la dixième maison que ta famille possède, car tu fais partie de la noblesse ? J'ai faux hein ? »
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Je crois que mon analyse a vexé Arthur. L’espace d’un instant, son visage se froisse avant qu’il ne lisse la déception sur ses traits pour reprendre un air neutre qui ne me convainc pas tout à fait. Tant pis. Je n’ai rien dit de méchant. J’ai peut-être juste été un peu trop honnête. Au moins il n’a pas l’air rancunier si je me fie à la vitesse à laquelle il se remet de sa déception. Un grand sourire vient fendre en deux son visage d’adolescent quand je lui demande s’il a l’habitude d’écrire des chansons. À croire que personne n’a l’habitude de s’intéresser à lui. Dans le texte qu’il vient de déclamer, ses parents auraient bien pu figurer dans un roman de Dickens. J’ai quand même quelques doutes, ils ne sont probablement pas si horribles que ça s’ils l’emmènent en vacances et lui achètent une guitare Fender, mais ce ressentiment ne lui vient sûrement pas de nulle part. De toute façon, le matériel ne remplace pas l’affection. D’une traite, il m’apprend qu’il a l’habitude d’écrire souvent des chansons quand il est chez lui, en Écosse. Je me disais bien que son accent n’était pas tout à fait d’ici. Du coup je le comprends mieux de ne pas avoir envie d’être ici. Quitter un pays froid, humide, vert et plat pour un autre, c’est à peine plus passionnant de quitter la ville où on habite pour retourner dans son ancienne ville. Il m’explique qu’il rêve de devenir musicien. Sans trop savoir pourquoi, je l’imagine en rockstar, habillé de cuir moulant, les cheveux longs et désordonnés, et du maquillage sombre autour des yeux. Ça me fait sourire, mais je ne doute pas qu’il ait une personnalité suffisamment forte pour capter l’attention d’un public pendant tout un concert. « Mais bon, il faut croire que je dois revoir les paroles si j’aimerais faire pleurer mon beau public. » Mon beau public? Je lève un sourcil. Est-ce qu’il parle de moi là ou d’un futur public potentiel? Je ne relève pas et me contente de hausser une épaule. À mon avis, il devrait simplement écrire des textes qui lui tiennent à cœur et qui racontent des choses qui l’intéressent. L’émotion viendra après et ce sera à son auditoire de se reconnaître dans ses textes. Mes poèmes préférés sont presque tous des textes très personnels à leurs auteurs auxquels j’ai tout de même réussi à m’identifier. Mais comme je ne suis pas une experte et qu’au fond, je n’ai que mon opinion, qui vaut ce qu’elle vaut – c’est à dire pas grand-chose, probablement – je ne dis rien. De toute façon, ce n’est pas comme si j’ai vraiment l’occasion de parler : Arthur est un vrai moulin à paroles! Il ne se tait jamais, reprenant à peine son souffle une demi-seconde après m’avoir demandé si j’aime les poèmes pour continuer sur sa lancée. Éberluée, je l’observe, les yeux ronds, tandis qu’il me bombarde questions sans attendre de réponses. Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi ouvert et extroverti. Chez moi, c’est la bienséance qui prime. Il faut toujours être sage et posé. Je ne connais personne qui s’exprime comme lui et ça me fascine de l’observer. Enfin, il se tait et son regard brun traverse le mien. Comme il a l’air d’attendre quelque chose, je comprends que c’est à mon tour de parler. J’esquisse un sourire amusé. « Tu poses toujours autant de questions? » Sans lui laisser le temps de répondre, je poursuis et me mets à répondre à ses questions l’une après l’autre en essayant de n’en oublier aucune. Heureusement pour moi, j’ai toujours eu une excellente mémoire. « Je suis des cours de piano mais mes parents veulent juste que je joue la musique de grands compositeurs et ça m’ennuie. » Je préfèrerais nettement jouer des chansons de Madonna, mais ça ne passe évidemment pas le test de la bienséance. À leurs yeux, Beethoven, Mozart et Lizst, c’est nettement plus approprié pour une jeune fille. « Oui, j’aime les poèmes. En fait, j’aime lire tout court. Si j’ai un roman ou un recueil de poésie avec moi, je ne suis jamais seule. » Heureusement d’ailleurs. Je suis enfant unique et, même si j’ai quelques amis, je les vois rarement à l’extérieur de l’école. Je passe donc de longues heures seule avec mes parents. « On va passer une semaine ici mes parents et moi. On a laissé le majordome à la maison, il ne voulait pas de vacances et puis de toute façon, il fallait bien que quelqu’un s’occupe du palais. Et c’est plus facile de passer incognito quand on n’est que tous les trois. » Je ne m’imagine pas vraiment qu’il va me croire, mais j’aime bien l’idée de jouer les princesses pour quelques heures. C’est le genre de petit jeu que mon imagination trop fertile adore et qui fait soupirer de désapprobation mes parents. « Comment t’as deviné notre secret? Tu nous as espionné? Tu travailles pour le royaume ennemi? » Je lui lance un regard plein d’espoir, curieux de voir s’il embarquera dans mon petit jeu.
Dernière édition par Laoise McLoughlin le Ven 6 Mar 2020 - 16:24, édité 1 fois
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Moi ? Un moulin à paroles ? Oh, peut-être bien qu'elle a raison, peut-être bien qu'elle n'est pas habituée. Je ne devrais pas être aussi hyperactif lorsque je rencontre des nouvelles personnes, à croire que mon côté trop extravertie ne plaît pas à tout le monde, ou alors elle n'a pas l'habitude. Pour une fois que mes vieux ont raison de moi et mon côté trop surexcité, à toujours me rappeler de calmer mes émotions, à croire qu'ils n'aiment pas ce côté-ci de moi non plus. Je lui chuchote un pardon avant qu'elle ne reprenne sur sa lancée. Je ne sais pas si Laoise attendait une excuse de ma part, ou bien voulait-elle seulement me taquiner sans pour autant me faire savoir que ça lui déplaît ? J'en sais rien. Alors, je préfère m'excuser pour ma personnalité au lieu d'aller plus loin. Penché en avant, les coudes qui supportent ma grosse tête, je l'écoute me raconter ce qu'elle veut bien me révéler. L'Irlandaise m'avoue qu'elle sait jouer du piano, mais surtout du Mozart ou encore Beethoven tel est le désir de ses parents sans prendre en compte des envies de leur enfant et sur ce point-ci je ne peux que la comprendre très bien. Nous sommes tous les deux musiciens, sur deux instruments pas si différents puisqu'ils sont tous les deux à cordes et je la plains à devoir apprendre des partitions entiers surtout si la motivation ne l'accompagne pas. « Tu aimerais jouer quoi alors ? » Une question prise au dépourvue, mais ma curiosité me démangeait trop pour ne pas savoir. « Oui, j’aime les poèmes. En fait, j’aime lire tout court. Si j’ai un roman ou un recueil de poésie avec moi, je ne suis jamais seule. » J'avais bien raison sur son âme de poète tant j'esquisse un léger sourire sur mon visage. Cependant, je ne peux ressentir qu'une certaine pitié lorsqu'elle me confesse n'être jamais seule et pourtant, je ne peux m'empêcher de croire le contraire. Laoise est toujours entourée de ses bouquins, de ses recueils sans pour autant se sentir isolée ? Je ne veux pas la mettre mal à l'aise avec mes questions qui ne regardent qu'elle alors, je ne vais pas plus loin que mon imagination et la laisse continuer. Je ne pensais pas que Lise voudrait bien rentrer dans mon petit jeu or la voici à me parler de son majordome sûrement inexistant. Un grand sourire se dessine sur mes lèvres avant de laisser place à la curiosité et à la malice enfantine. Je feins la surprise sur mon visage, je joue le moment pour la rendre un peu plus unique. « Comment m'as-tu démasqué ? Moi qui pensais être le meilleur des espions écossais ! » Je force sur les expressions du visage comme pour y donner vie à notre petite histoire inventée. Je regarde derrière moi, l'air terrifié et apeuré. « Je dois vite me cacher avant que la Reine n'envoie ses troupes à ma recherche ! » Je regarde autour de nous pour une cachette plausible pour notre petit jeu et remarque derrière nos deux maisons de vacances une colline qui offrait certainement une magnifique vue sur la ville. Sans plus attendre, ma guitare d'une main, j'escalade la clôture qui séparait le jardin de la colline sans encombres. Laoise me rejoint avant d'arrêter sa hâte contre la barrière qui nous sépare et je lui tends ma main. « S'ils apprennent que leur princesse a sympathisé avec quelqu'un du royaume ennemi, ils ne seront pas contents. Enfuis-toi avec moi. » Elle hésite je le vois bien dans son regard, Laoise n'a sûrement pas l'habitude de faire ce genre de choses à cause de son éducation, de toute façon je ne compte pas la forcer à venir, mais la voilà qui enjambe la clôture à son tour et de mon côté je l'aide pour ne pas qu'elle trébuche avant que nos pas nous guident tout en haut de la colline. « Ne t'inquiète pas, on ne restera pas longtemps, juste le temps d'en profiter. » Je prends une grande bouffée d'air et viens m'asseoir en tailleur sur l'herbe fraîche.
And oh we live like we want to, where nobody tells you. I want to believe, come on just set me free. Oh we live in the dark days, like some kind of black haze. I want to come down, but I'm never, never coming down. • Live Like We Want To, Palaye Royale
Malgré le grand sourire qui étire ses lèvres fines, Arthur a l’air tellement surpris que, pendant quelques secondes, je pense que j’ai fait un faux-pas et qu’il ne veut pas me suivre dans mon délire. Heureusement, il finit par se lancer à son tour. « Comment m’as-tu démasqué? Moi qui pensais être le meilleur des espions écossais! » C’est à mon tour de sourire, mais je reprends rapidement mon sérieux et le dévisage d’un air victorieux et un brin moqueur. « J’avais seulement des doutes, mais tu viens de le me confirmer. Tu es vraiment certain d’être le meilleur espion écossais? » Un petit rire amusé s’échappe de mes lèvres quand Arthur, qui s’est lancé corps et âme dans le jeu avec l’enthousiasme et l’énergie qui semble être la sienne en tout temps, se met à lancer des coups d’œil alarmés à la ronde, comme s’il s’attendait à se faire attaquer à tout moment. « Je dois vite me cacher avant que la Reine n’envoie ses troupes à ma recherche! » Ses paroles me rappellent que ma mère me surveille probablement, quoique j’imagine qu’elle n’a encore rien remarqué sinon elle serait sûrement sortie pour venir enquêter sur ma nouvelle rencontre. Je me tourne tout de même vers la maison, rassurée de constater que personne ne semble m’épier par la fenêtre de la cuisine. « S’ils apprennent que leur princesse a sympathisé avec quelqu’un du royaume ennemi, ils ne seront pas contents. Enfuis-toi avec moi. » Je ramène mon attention sur Arthur. Pendant que je regardais ailleurs, il a sauté la clôture. Je m’approche à mon tour du fond du jardin et m’arrête devant la clôture qui le délimite. J’hésite. Même s’il l’ignorait sûrement en le disant, il avait raison d’affirmer le roi et la reine – mes parents, donc – n’apprécieraient pas de voir leur princesse partir avec le premier chevalier venu. Sauf que l’idée d’aller explorer par-delà les limites ennuyantes de la propriété me tente énormément. Et je ne vois pas ce que nous pourrions bien faire de mal ensemble si nous allons simplement nous asseoir en haut de la colline. Je songe à mes héroïnes de roman préférées. Elles n’hésitent jamais, elles, quand l’aventure frappe à leur porte… même si je dois bien reconnaître que d’aller se balader à une centaine de mètres de la maison n’est pas non plus l’aventure du siècle. Raison de plus d’y aller! Résolue, je saute donc à mon tour la clôture, m’appuyant sur le bois grisé par les aléas de la météo irlandaise pour me propulser, sans égard à la jolie robe que ma mère tenait absolument à ce que je porte pour le voyage. La jupe se coince entre deux lattes de bois. Déséquilibrée, j’aurais basculé brusquement vers l’avant si la main secourable d’Arthur n’était pas venue me stabiliser en se posant sur mon bras. Je lui offre un petit sourire reconnaissant. « Merci, messire. » J’ai l’impression que le monde s’ouvre devant nous tandis que nous gravissons lentement la petite colline verdoyante. L’herbe longue fouette mes jambes nues, le soleil plombe sur ma nuque et me réchauffe jusqu’aux os. Des grappes de fleurs colorées décorent çà et là l’herbe, butinées par des abeilles et d’autres insectes. En haut de la colline, Arthur, qui m’a sûrement vu lancer un regard vers la maison de vacances derrière nous, me lance : « Ne t’inquiète pas, on ne restera pas longtemps, juste le temps d’en profiter. » Je hoche la tête et l’imite en m’assoyant moi aussi en tailleur sur le sol. Je prends toutefois soin de recouvrir mes genoux de ma jupe et de coincer le tissus sous mes cuisses au cas où la brise aurait des envies indécentes. « Heureusement, j’ai pas envie d’être grondée le premier jour des vacances. » Malgré mon ton léger, une certaine mélancolie pointe dans ma voix. « Mes royaux parents n’apprécieront sûrement pas cette petite escapade, » que je précise en haussant les épaules comme si j’étais au-dessus de tout ça. Et je le suis, d’une certaine façon. Qu’est-ce qu’ils pourraient bien me faire? M’obliger à rester enfermée dans ma chambre? Je n’aurai qu’à lire pour m’évader, ce ne serait pas la première fois. Arthur est étrangement silencieux. Le nez levé vers le ciel bleu, il profite du soleil. Même si j’en suis la première étonnée, je constate que ses propos verbomoteurs me manquent un peu. Mon regard se pose sur la guitare, qu’il a couchée sur l’herbe à côté de lui. « Tu en joues depuis longtemps? » que je demande un peu au hasard, en la désignant d’un coup de menton sec. Avec une personne normale, ça ne servirait sûrement pas à relancer la discussion, mais j’imagine qu’avec Arthur, ça sera suffisant. J’arrache distraitement un brin d’herbe quand une idée me passe par la tête. Me redressant légèrement, les yeux brillants d’excitation, je m’empresse de la lui proposer : « Tu saurais me montrer à jouer quelque chose? » Au moins avec lui je ne risque pas de devoir me cantonner aux classiques. Il me semble plutôt du genre à préférer les Stones à Pachelbel, et ça me plaît.
Help, I lost myself again but I remember you. Don't come back, it won't end well but I wish you'd tell me too. They're playing our sound laying us down tonight and all of these clouds, crying us back to life @Laoise McLoughlin
Ce n'est pas la première fois que je pars au loin de la maison, où que je franchis la barrière qui me sépare d'une petite liberté. En vérité, ce ne sera pas la dernière fois non plus, ma devise est de toujours enfreindre les règles sinon ce n'est pas marrant et on se fait vite chier. Je ne m'attendais pas vraiment à ce que Laoise me suive dans cette petite aventure, mais j'ai tout fait pour cacher l'air surpris sur mon visage en me disant que ça pourrait la vexer. Cependant, je ne peux cacher ma joie lorsqu'elle décide d'enjamber cette barricade ainsi que mon amusement quand elle me remercie des plus poliment. Je l'aime beaucoup, Laoise, elle m'accompagne dans mon imagination sans pour autant s'en moquer, il est bien rare que des personnes de notre âge soient encore comme elle au vu de la puberté qui nous guette. « Ils ne sont pas obligés de le savoir. » Que je réponds à son inquiétude. Je peux pas lui en vouloir, elle a sûrement des parents aussi stricts et nerveux que les miens, peut-être même pire, alors je la comprends. J'essaie de ne pas me dire qu'on se fera attraper par les uns ou les autres, mais je ne peux nier le fait qu'on se fera gravement gronder et même si j'en prendrai l'entière responsabilité, je n'ai pas envie de me sentir au plus bas quand je la verrai passer devant moi en ne pensant qu'à la culpabilité. Et puis, je n'ai pas envie qu'elle me déteste. J'essaie de chasser ces mauvaises pensées en relativisant et en profitant du temps que nous avons. Assise sur ses genoux à mes côtés, Laoise et moi ne disions rien pendant un moment. Moi, de mon côté, je regarde l'horizon où l'on peut apercevoir quelques lumières des maisons encore éclairées, seul le bruit du vent nous siffle dans les oreilles et je pouvais presque sentir une légère odeur de fumée de cheminée. Je profite de ces moments de silence pour gratter quelques notes sur ma guitare. Je ne sais pas vraiment ce que je joue, simplement ce qui me vient à l'esprit et où j'essaie d'accorder la mélodie avec cette ambiance paisible et calme. Me voyant jouer de la musique, Laoise s'empresse de me poser une question sur ma pratique de la guitare acoustique. Je lui souris et tandis que mes yeux se posèrent sur les siens mes doigts, eux, continuèrent leur danse. « Mine de rien, ça va faire sept ans maintenant. J'ai eu ma première guitare pour mon anniversaire depuis la musique ne m'a plus quitté. » Dans les moments joyeux, dans les moments triste ou vide, la musique a toujours été là pour moi. Alors, dans un sens, j'essaie de lui rendre la pareille en essayant de progresser le plus vite possible pour pouvoir être un grand guitariste. Je ne saurais dire de quel mouche l'a piqué pour avoir un tel élan d'excitation, mais la voilà me proposer que je lui apprenne quelques trucs. « Oui, bien sûr ! » Je n'ai pas réfléchi à ma réponse tellement elle me semblait évidente, mais au plus je lui laissais ma guitare entre les mains et au plus mon cerveau se tordait dans tous les sens pour planifier un plan. Une fois bien installée, je me mets sur mes genoux, m'approchant peu à peu d'elle sans pour autant la brusquer. « Je pense que je pourrais t'apprendre le début de Satisfaction des Rolling Stones. La doigté ne change pas, si ce n'est la position sur les frettes. » Je vois qu'elle ne comprend pas vraiment ce que je viens de dire, donc de mon doigt, je lui montre qu'en gros, c'est la manche de la guitare. « Je peux ? » Je fais en sorte que le contact de nos mains ne la dérange pas avant de venir positionner ses doigts correctement pour former la première note. « Appuie bien fort et maintenant met tout ce que tu as sur les cordes ! » Un grand sourire apparaît sur nos visages lorsque ses premières notes retentissent puis s'en est suivi des longues minutes à lui montrer l'enchaînement des positions pour tenter, tant bien que mal, de jouer le début de la chanson. « Tu te débrouilles bien sur une guitare pour une première fois ! Et je ne dis pas ça pour vous flatter princesse, ceci est véritablement mon humble avis. » Mon corps se penche vers l'arrière, mes mains prennent appui sur l'herbe pour ne pas perdre l'équilibre pendant que je la regarde tenter des notes sur ma guitare. « Tes parents ont toujours été aussi stricts avec toi ? J'veux dire, depuis ta naissance ? » Ce n'est pas une question anodine, après tout, j'en connais où les parents sont laxistes au début et puis à la fin ils sont méconnaissables.
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Si Arthur a commencé à jouer de la guitare à l’âge de sept ans et qu’il a à peu près le même âge que moi comme je le crois, ça veut dire qu’il apprend à connaître son instrument depuis la moitié de sa vie. Ça m’impressionne un peu, je dois l’avouer. Il doit être vraiment passionné pour s’y intéresser depuis aussi longtemps, surtout qu’il m’a l’air du genre un peu dissipé, à toujours vouloir passer du coq à l’âne plutôt qu’à se concentrer sur une chose pendant longtemps. À ma grande satisfaction, il accepte ma proposition. Sincèrement ravie qu’il veuille bien m’apprendre à jouer quelque chose, je lui souris de toutes mes dents. Il me tend sa guitare et je la prends avec révérence, fascinée de sentir le bois lisse et doux sous mes doigts. Je la positionne de la façon dont il la tenait lui-même. Le creux de la caisse appuyé sur ma cuisse, je passe mon bras gauche par-dessus pour rejoindre les cordes et je pose mon autre main sur le manche. Content de la façon dont je me suis installée, Arthur s’approche lentement de moi, comme s’il avait peur que je m’enfuie en le voyant s’avancer. Je ne sais pas si ça devrait m’amuser ou me vexer. Je dois avoir l’air sérieusement coincée pour qu’il prenne autant de précautions et ça m’agace un peu. J’aurais préféré qu’il me voie comme l’une des héroïnes intrépides de mes histoires d’aventure fétiches. Sa voix me tire de mes réflexions désagréables avant que ne m’y enfonce trop. « Je pense que je pourrais t'apprendre le début de Satisfaction des Rolling Stones. La doigté ne change pas, si ce n'est la position sur les frettes. » Je connais la chanson, heureusement, parce que le reste de ce qu’il vient de me raconter pourrait être du chinois. Devant mon air légèrement désemparé, il m’explique à nouveau ce qu’il essayait de dire, en pointant cette-fois les différentes parties de la guitare. « Je peux? » Il me faut une seconde ou deux pour comprendre, mais je finis par hocher la tête pour lui signifier qu’il peut poser ses mains sur les miennes. Elles sont chaudes et me paraissent douces, presque autant que la guitare. Il positionne mes doigts sur les frettes et j’essaie de ne pas me laisser déconcentrer par la proximité de son corps dans mon dos ou la façon dont il se penche vers moi pour m’aider à jouer. « Appuie bien fort et maintenant met tout ce que tu as sur les cordes! » Obéissant à sa consigne, je gratte les cordes, étonnée et heureuse tout à la fois d’entendre le son agréable qui s’échappe de l’instrument. Fière de mon succès, je redouble d’attention pour la suite de son cours, tentant de mon mieux de mémoriser l’enchaînement d’accords qu’il m’enseigne. Éventuellement, il me laisse à mon travail et se recule pour s’appuyer sur ses mains. Pour ne pas laisser paraître que je suis déçue qu’il se soit éloigné de moi, je redouble de concentration sur les cordes. « Tu te débrouilles bien sur une guitare pour une première fois! Et je ne dis pas ça pour vous flatter princesse, ceci est véritablement mon humble avis. » Le compliment me fait tout de même rougir de plaisir. « C’est parce que tu n’es pas mal comme prof. Pour un espion du moins… » La légèreté du moment disparaît brusquement quand Arthur me pose sa prochaine question. « Tes parents ont toujours été aussi stricts avec toi? J'veux dire, depuis ta naissance? » Il ne veut probablement pas mal faire, mais ça jette tout de même un certain ombrage sur cet après-midi jusqu’alors tranquille et simple. Je cesse de gratter les cordes. Les dernières notes s’envolent dans la brise chaude de l’été. Je croise le regard d’Arthur. « Oui. Ils sont plutôt… traditionnels. » Je détourne les yeux, me mords la lèvre inférieure en réfléchissant à mes prochaines paroles. Je ne veux pas dire du mal de mes parents, pas à ce garçon qui, s’il est gentil et sympathique, n’est toujours qu’un étranger. Je les aime après tout, et je suis certaine qu’ils veulent ce qu’il y a de mieux pour moi. Et pourtant, ça n’empêche pas la petite voix, celle qui m’attire souvent des ennuis quand je l’écoute, de me souffler que, si j’avais été un garçon, le monde m’aurait été offert sur un plateau d’argent. En tant que fille, toutefois, ce sont plutôt les interdits que les possibilités qui marquent mon existence. J’ai déjà trop souvent entendu les sermons de mes parents. Une fille, ça ne grimpe pas aux arbres, ça ne saute pas dans les flaques d’eau, ça ne joue pas dans la boue, ça ne va pas au cinéma seule avec un garçon, ça ne sort pas en boîte. Surtout, ça ne débat pas de grandes idées qu’elle ne peut de toute façon comprendre qu’à moitié. Non, une fille, ça reste chez soi. Ça apprend à lire et à jouer du piano, ça sait repriser, coudre et broder. Ça sait cuisiner aussi, pour traiter son homme aux petits oignons. Une fille, c’est une mère en devenir qui, pour réussir sa vie, doit seulement élever la ribambelle d’enfants que lui donnera son mari. « Disons qu’ils ont une idée plutôt dépassée de ce qu’une fille devrait faire ou non. Et je n’ai pas trop le choix de les écouter vu que ce sont mes parents. » Même si je déteste cet avenir tout tracé, même si j’étouffe dans le carcan réducteur dans lequel ils m’enferment. « Ça ne m’empêche pas de me rebeller quand je peux. » Comme en sautant la clôture pour venir traîner sur la colline avec ce garçon. Je sais très bien ce qu’ils penseraient s’ils me voyaient ici. J’entends déjà mon père me traiter de traînée. Cette pensée en amenant une autre, je songe aux mains d’Arthur sur les miennes, à la façon dont sa proximité me déconcentrait. Autant lui donner raison. L’idée m’a à peine traversé l’esprit que les mots jaillissent de ma bouche avant que j’aie vraiment eu le temps de réfléchir à ce que je disais. « Tu as envie de m’embrasser? » Arthur a l’air surpris. Les joues brûlantes, je refuse pourtant de me laisser démonter. Comme les héroïnes dans mes romans préférés, je poursuis sur ma lancée sans me poser de questions. Intrépide. Sans peur. Pleine d’assurance. « J’veux dire… Moi j’aimerais bien. Ça les ferait rager s’ils savaient, » que je précise pour éviter qu’il se fasse d’idée. Je ne suis pas tombée amoureuse. J’ai juste envie d’explorer un peu. Les amourettes de vacances, c’est fait pour ça, non?
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Le ciel est dégagé ce soir, pourtant, la lune n'éclaire pas assez, laissant la place aux lumières artificielles de la ville que nous pouvons apercevoir à l'horizon. Si nous pouvions rester ainsi encore longtemps qu'il le faudrait, je signerai sans hésiter mon accord. Parce-que, quoique l'on fasse, tous les deux cette nuit, à chanter, à jouer de la guitare, à prétendre ce que l'on n'est pas, le jeu devra s'arrêter pour revenir à une vie monotone rythmait par des adultes. Laoise est assez distante lorsqu'elle parle de ses parents, à chercher un mot dans le vocabulaire pour les décrire sans trop réellement me donner plus de détails que ça. Pendant ce temps, j'ai opté pour une position beaucoup plus convenable et agréable. Mes coudes ont quitté l'humidité de l'herbe pour que mon dos se remette droit, ainsi je pourrais mieux aspirer d'être d'une bonne oreille pour celle qui, devant moi, prend un peu trop de temps pour continuer dans sa lancée. Je la comprends, c'est vrai, j'ai été trop indiscret avec cette question. Ce n'est pas comme si je lui demandais toute l'histoire de sa naissance à maintenant, mais je reste cependant respectueux de son silence et de ses beaux yeux clairs qui me fuient désormais. Sur ce coup-ci, j'ai merdé. À mon tour, mes yeux regardent la verdure sous nos jambes, me questionnant si, dans ces moments-là, je devais faire quelque chose ? M'excuser d'avoir été con ? Changer de sujet ? Néanmoins, je reste beaucoup trop lent dans mes actions quand mon regard me guide vers Laoise. Elle qui était restée muette, la voilà qui résonne de sa belle voix. « Disons qu’ils ont une idée plutôt dépassée de ce qu’une fille devrait faire ou non. Et je n’ai pas trop le choix de les écouter vu que ce sont mes parents. Ça ne m’empêche pas de me rebeller quand je peux. » Sa dernière phrase me fait sourire à m'imaginer une Laoise aussi rebelle qu'elle aime le dire, à contester les ordres de ses vieux, à vivre sa vie au jour le jour. Ses parents sont simplement dépassés par le temps, comme les miens en fait, elle et moi avons plus de points de communs que l'on pensait. Secrètement, je pense à ma petite sœur à peine âgée de trois ans dont la certaine crainte qu'elle devra se soumettre aux pensées archaïques de nos parents m'anime soudainement. « Les miens sont juste des vieux cons. » Que je dis sans trop donner de détails à mon tour. Je pense que Laoise se passerait bien de savoir qu'ils m'ont eu trop jeune, que je ne suis qu'un accident qui n'a jamais reçu tout leur amour, et puis, je n'ai pas envie qu'elle ait pitié de moi. « Tu as envie de m’embrasser? » Cette question a eu le même effet qu'une surprise sortit de nul part. Laoise est peut-être véritablement celle décrite plus tôt, mais à quoi bon, mes joues sont déjà rouges et mon cœur saute de partout à n'en plus de s'arrêter. L'embrasser ? Il est vrai que l'idée est tentante quand je pose mon regard sur ses lèvres rosées avant de m'empresser de reprendre mes esprits. « Oui, je veux de t'embrasser. » En fait, je ne sais pas ce qu'il m'a pris de dire ça, préférant laisser la faute à mon cœur qui a pris les reines. Nous n'étions pas si loin, il me fallut que quelques centimètres à peine pour la rejoindre, pour sentir son doux parfum et pour que le bout de nos nez s'effleure. Et puis je l'ai embrassé, comme ça, sans attendre une seule seconde. Je me moque de savoir qu'elle m'a utilisé pour sa bonne conscience, moi, je voulais simplement sentir ses lèvres contre les miennes. C'était agréable et nouveau à la fois. Je suis un peu indécis sur mes mouvements puisqu'il s'agit de mon tout premier baiser, mais j'essaie de ne pas paraître pour un total idiot non plus. C'est quand nous finissons notre baiser que je sens finalement ma main qui s'était posée sur la sienne. Il me fallut un peu de temps pour la retirer, moi qui ne veux pas mettre encore plus Laoise dans un embarras. Je lui souris timidement, reprenant nos distances sans pour autant trop m'éloigner. « [b]Tu sais tu peux le dire si c'était nul, t'en fais pas, je ne t'en voudrai pas. Quoique... » Pour être honnête, je m'en fiche de savoir ce qu'elle en a pensé, je veux juste m'amuser encore un peu avec elle tant qu'il en est encore temps. « Que voulez-vous faire princesse ? Que je vous chante une dernière chanson ou de rentrer directement au bercail ? »
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J’ai beau essayer de me montrer pleine d’assurance, une nervosité embarrassante me pince quand même les entrailles. Je ne sais pas si j’ai envie qu’il accepte ou si je préfèrerais qu’il refuse. D’un côté, je pense que je me sentirais rejetée s’il refusait, mais de l’autre j’ai du mal à oublier que je n’ai jamais embrassé qui que ce soit. À tout prendre, je préfère qu’il rejette ma proposition que d’avoir l’air idiote. La peur de faire n’importe quoi me saisit brusquement et je fais presque marche arrière. Mais il est trop tard. Le regard d’Arthur parcourt mon visage tandis qu’il me répond d’un ton des plus sérieux : « Oui, je veux t’embrasser. » Comme je ne peux plus vraiment reculer maintenant, je prends une longue inspiration et je hoche la tête. Il n’est visiblement pas du genre à perdre une seconde. Il s’avance déjà vers moi. D’un coup, la nervosité qui me grugeait l’estomac se transforme une sorte de trépidation pas totalement désagréable. Après ce qui me semble être une seconde d’hésitation, ses lèvres se posent délicatement sur les miennes. Le contact me paraît doux et chaud, plutôt agréable quoiqu’un peu déstabilisant. Je n’ai même pas le temps de déterminer ce que je devrais faire avec mes mains qu’il s’écarte déjà. Un peu surprise par la déception que je ressens en le voyant s’éloigner, je mordille légèrement l’intérieur de ma joue. « Tu sais tu peux le dire si c’était nul, t’en fais pas, je ne t’en voudrai pas. Quoique... » Son sourire timide me fait penser qu’il n’est pas vraiment inquiet et qu’il s’amuse seulement de me voir incertaine. Je fais tout de même un léger effort pour le réconforter. « Non, c’était très bien. » D’un coup, je ne peux m’empêcher de me demander s’il avait déjà embrassé une fille ou si c’était son premier baiser à lui aussi. Mais avant que j’aie pu lui poser la question, il m’interroge. « Que voulez-vous faire princesse? Que je vous chante une dernière chanson ou de rentrer directement au bercail? » Avec la nuit qui tombe, je sais très bien ce que je devrais faire. C’est l’heure de rentrer. Si je ne veux pas être coincée dans ma chambre pendant le reste des vacances, j’ai intérêt à retourner chez moi avant que mes parents ne viennent me chercher. Mais j’ai envie d’autre chose, évidemment. J’esquisse un sourire en coin. « J’ai envie d’embrasser encore le meilleur espion d’Écosse… » Je n’attends pas de me dégonfler, je me penche à mon tour vers Arthur. Mes lèvres retrouvent les siennes. Cette fois, je pose une main sur sa joue et j’enroule mon bras autour de son cou pour le rapprocher de moi. Au début, il n’a pas l’air trop sûr de ce qu’il fait, mais sa main finit par se poser sur ma taille. Elle me paraît étonnamment chaude. Pendant quelques secondes, c’est l’euphorie totale, jusqu’à ce qu’une voix provenant d’en bas de la colline ne m’arrache brusquement au moment présent. Je la reconnaîtrais entre mille, c’est celle de ma mère. « Laoise, où es-tu? » Je n’ai que quelques secondes pour réagir avant qu’elle ne décide de se diriger par ici, aussi je m’arrache à l’étreinte d’Arthur. Je lui offre un sourire lumineux. « Tu peux rester ici jusqu’à ce que je sois rentrée? » Avec ce que je lui ai raconté sur mes parents, je pense qu’il comprendra la raison de ma demande. D’ailleurs, il semble d’accord. En me redressant, je m’arrête un instant. « Si ça te dit, on pourrait se retrouver ici demain soir? À la même heure? » Je connais déjà la réponse et je n’attends pas qu’il me dise oui pour me relever d’un bond et dévaler la petite colline. J’enjambe la petite clôture pour revenir dans le jardin sous le regard désapprobateur de Mammy. « Ah, te voilà! » Il lui faut à peine une seconde pour se lancer dans une tirade décriant l’état déplorable dans lequel je me trouve, les taches d’herbe sur ma robe et mes cheveux décoiffés, mais je l’ignore. Je me fous de ce qu’elle pense en cet instant. Je me suis fait un nouvel ami et, surtout, j’ai un secret, un secret qu’elle ne découvrira jamais et qu’elle ne pourra pas non plus m’enlever.