| Le hasard ou la chance, ça n'existe pas. Grace&Léonie |
| | (#)Ven 6 Déc 2019 - 22:27 | |
| Le hasard ou la chance, ça n'existe pas. Je suis fatiguée et je ne me sens vraiment pas d’humeur à être contrariée à cause de ma soirée d’hier. J’ai ruminé toute la nuit à cause de ma négligence. Comment ai-je pu avoir laissé l’énergumène me suivre plusieurs fois ? Bon… avec lui c’est résolu. Mais quand même ! Je suis vexée et renfrognée ce matin. Et ça, mes collègues le savent. Je suis une infirmière compétente, dynamique, attentive aux patients, réactive et tout plein d’autre qualité qu’une infirmière doit avoir. Je ne dis pas ça pour me vanter – quoi que – mais c’est simplement la vérité. C’est ce que tout le monde dit de moi, en face de moi. Que ce soit mes collègues, mes subordonnés ou mes cadres. Par contre, ils s’accordent tous pour dire que je peux être une peau de vache avec celles et ceux qui me font un coup en douce. Qu’il ne faut pas chercher la petite bête quand j’arrive le regard noir le matin, que je dis bonjour du bout des lèvres ou que je ne parle tout simplement pas si cela ne concerne pas le travail. Ce matin, je suis dans un jour noir. Les mots gentils, le ton agréable, le regard doux… c’est réservé aux patients – pas trop chiants, j’avoue – car ils n’ont pas à subir mes foudres. Ils sont ici, à l’hôpital, pour être soigné, pas brutalisé. Quoi que j’ai bien eu Patel, comme patient, qui aime être brutalisé. Mais lui c’est l’exception qui confirme la règle ! Pendant ma pause, je déambule dans les couloirs. Je traîne, je fouine, j’observe. Si je vois un truc qui ne me convient pas – comme ce sac de déchets médicaux mal conditionnés – je râle sur le fautif. Quoi ? Je devrais pauser en salle de pause ? Oui. Sauf que je n’ai pas envie. J’ai besoin de circuler, de bouger. Ma déambulation conduit mes pieds dans le service de rééducation. Je me poste derrière une fenêtre donnant sur une salle d’exercice et je regarde des personnes fraîchement déplâtrées faire quelques pas avec les kinés. Mouais... ça ne satisfait pas ma lassitude. Peut-être devrais-je aller trainer ailleurs. Je me retourne brutalement pour partir et je me retrouve à cogner dans une jeune femme. Je la vois vaciller et je la retiens par un bras. Quelle nulle je fais ! Je viens de percuter une patiente ! « Veillez m’excuser, j’ai été trop rapide et je ne vous ai pas vu. Vous allez bien ? » Voilà que mon aigreur se transforme en honte et en gêne profonde. J’ai comme un mouvement de recul et je fixe la jeune femme que je viens de bousculer. Je fronce les sourcils et la dévisage. Son visage me parle. « Vous êtes déjà venue ici ? Je me permets de vous demander ça parce que votre visage ne m’est pas étranger. » |
| | | | (#)Ven 20 Déc 2019 - 22:55 | |
| Elle commence par étirer deux doigts, l’index et le majeur, par mouvements précis et méticuleux, une légère grimace empreinte sur son visage. Puis les deux autres, l’auriculaire réticent qui refuse toujours de se mouvoir. L’opération se répète une seconde fois, comme un rituel bien ancré, bien appliqué, rôdé par le temps et la pratique. Ses yeux, eux, sont rivés sur l’horloge murale, tic-tic audible comme facteur d’une impatience grandissante. Grace connaît, pourtant. Elle savait qu’arriver une heure en avance à un rendez-vous où elle en aurait une de retard n’était ni judicieux, ni utile pour son sang-froid déjà remarquablement faible. Alors elle se redresse sur ses pieds, reprend sa marche dans le couloir parce que les étirements ne suffiront plus à l’occuper. Un cinquième café ne sera sûrement pas suffisant, non plus. Elle aurait amené un bouquin, si son temps d’attention dépassait les cinq minutes et que les bébés braillards n’arpentaient pas le couloir toutes les cinq minutes.
Un seul SMS de son docteur lui avait été envoyé depuis ce matin. Petit retard, excusez-moi. Rien de plus, rien de moins du docteur Leslie, cet homme un peu gourd et indolent qu’elle avait eu beaucoup de mal à cadrer avec sa profession de rééducateur. En six mois de rééducation, la jeune femme avait été forcée d’apprendre à le connaître, le spécialiste s’épanchant fréquemment sur sa vie privée. Ainsi, Grace savait de lui qu’il avait perdu tout contact avec son ex-femme, une manipulatrice un peu connasse, quand même d’après elle, ainsi qu’avec sa fille, qui n’avait jamais pardonné sa maladresse en tant que père. Dr. Leslie, lui, ne savait de sa patiente que le fait qu’elle arrivait toujours à l’heure, voire très en avance. Et que son retard mangeait fréquemment sur le début de ses séances d’orthophonie.
10h54. La demi-heure de retard est depuis bien longtemps dépassée et Grace commence à s’agacer, rendue d’autant plus agitée qu’elle en est à son quatrième café de la matinée. De retour à faire les cent pas dans le couloir qui relie les salles d’exercices et les bureaux, elle tempère sa propre humeur en se rassurant à voix basse : elle n’a rien de prévu aujourd’hui, l’orthophoniste pourra la prendre plus tard, tout ce qu’elle a à perdre c’est son temps personnel. Elle le rattrapera sur la nuit. Inconsciemment, son pas claudiquant s’est hâté, sûrement sous le coup de l’impatience manifeste qu’elle essaie de repousser - toujours est-il que son accélération provoque une collision avec une inconnue, bras handicapé et insensible comme amortisseur dans l’accident. Elle grimace quand même, plus par réflexe que par douleur.
« Veillez m’excuser, j’ai été trop rapide et je ne vous ai pas vu. Vous allez bien ? »
La victime de son manque d’attention semble plus contrite qu’énervée. Le temps de se remettre, la jeune femme la jauge : une infirmière, sûrement, d’après son uniforme, pas beaucoup plus vieille qu’elle. “C’est rien, j’avais un truc pour amortir”, plaisante-t-elle en désignant son bras replié, encore contracté par le choc. Un avantage constant, pour sûr. « Vous êtes déjà venue ici ? Je me permets de vous demander ça parce que votre visage ne m’est pas étranger. » L’infirmière renchérit sur une question et cette fois, Grace prend davantage le temps de s’attarder sur les traits de son visage. Elle réalise que des employés de l’hôpital, elle ne connaît que les deux standardistes qu’elle croise à chaque passage et l’éternel retardataire, le docteur Leslie. Elle finit par répondre :
“Vous me dites quelque chose, aussi, mais je sais pas vraiment d’où. Désolée, je suis pas très physionomiste.”
Elle esquisse un sourire en coin comme pour s’excuser, essayant en vain de replacer le nom, le visage de la jeune femme sur un quelconque souvenir… Léonie, indique le badge qui orne la blouse d’infirmière. Là non plus, rien ne lui revient.
“On s’est sûrement croisées. Ca fait six mois que je viens ici deux fois par semaine.” Coup d’oeil circulaire : elle n’est sûrement pas la seule. “Je suis une patiente du docteur Leslie. Paraît qu’il est plutôt célèbre dans l’hôpital.” La pointe de malice dans sa voix trahit son ironie. Au moins, elle est moins agacée que tout à l'heure.
@Léonie Tremblay |
| | | | (#)Sam 4 Jan 2020 - 23:46 | |
| Le hasard ou la chance, ça n'existe pas. Je regarde le « truc » qui sert la patiente à s’amortir. C’est le bras replié de la jeune femme. Je regarde la posture et je vois surtout sa main. Ce genre de rétractation, je le connais pour l’avoir vu de nombreuses fois lorsque j’étais aux urgences. Instinctivement, j’ai un sourcil qui se lève et les yeux qui s’écarquillent. Je sens mon visage se torde sous la grimace d’étonnement que je fais. Ça doit se voir comme mon nez au milieu de la figure. Mais je ne peux pas rester stoïque face à la réaction de l’inconnue. Soit elle se rit avec légèreté de son état, soit elle est à fond dans le sarcasme et maudit son bras. Maintenant, je me demande si je ne l’aurais pas croisé lorsque j’étais aux urgences. J’en ai vu tellement passer, des jeunes dont la vie en prend un coup. Chaque fois que je vois une femme de mon âge, ou approximativement, je ne peux pas m’empêcher de penser que ça pourrait être moi ou Roxanne. Personne n’est à l’abri d’un bouleversement dans sa santé. Sauf les cons de la pire espèce ! Combien il y en a qui échappe à tout et vit pépère sa vie d’enfoiré. La vie est dégueulasse, parfois. Je ne relève pas davantage la phrase sur le « truc ». Mon étonnement suffit certainement. Mon attention est vite accaparée par autre chose : le Docteur Leslie. Si mon sourcil avait pu titiller le haut de mon front, il ne fait aucun doute que mes deux sourcils se seraient trouvé au niveau de mes cheveux. Le tout sur un fond musical : mon rire. Le docteur Leslie… Finalement, je lâche un ricanement. « Le Leslie... » dis-je à demi-mot. Ce satané docteur Leslie ! Qui ne l’a jamais attendu ? Qui ne sait rien de lui ? Je suis sûre que nos stagiaires en savent plus sur la vie du Docteur Leslie que sur leur propre existence. Pourtant qu’est-ce qu’on en a rien à faire, de sa vie ! Elle est tellement banale. Il est divorcé d’une harpie qui était avec lui pour son confort de vie plutôt que sa personne. C'est quasiment l'archétype du médecin naïf, moche comme un cul et surement encore puceau quand il a rencontré sa femme. Ou plutôt quand sa femme lui a mis le grappin sur le porte-monnaie. Et quelle personne ! Un homme ramollo avec un poil tellement long dans la main que ça peut lui servir de canne. Quoi que, ce n’est pas un poil, qu’il a. Mais une forêt ! « Ça fait combien de temps que vous l’attendez, votre docteur ? » demandai-je en montrant deux sièges non loin de là. Quitte à baver sur le dos du brave docteur, autant le faire de façon confortable. Et puis, je viens de la bousculer, s'asseoir ne lui fera pas de mal. Si elle attend son docteur depuis un moment, se poser cinq minutes ne lui fera que du bien. Surtout quand on sait qui est en retard ! C'est carrément un lit qui lui faudrait, à la jeune demoiselle ! « Je ne veux pas vous faire peur, mais je ne suis même pas certaine de l’avoir déjà vu aujourd’hui. Et pourtant, son dada, s’est de venir trainer dans mon service pour nous piquer notre café et pleurer sa femme. »Oups ! Je n'aurais peut-être pas dû dire ça ! Cela le fait moyen, de dire ça à une de ses patientes. Mais être soigné par lui, c'est la chance à pas de chance. |
| | | | (#)Ven 7 Fév 2020 - 23:56 | |
| L’infirmière est la première personne de la journée qui parle à Grace ; encore mieux - qui la considère comme une humaine, et ça lui suffit pour directement se sentir en confiance avec la jeune femme. Finis, les “C’EST BIENTÔT VOTRE TOUR MADAME” qu’on balançait indifféremment aux octogénaires, aux enfants opérés pour la première fois et aux adultes avec un bras mal foutu. Bannies, les petites mimiques de pitié qu’elle surprend parfois tant à l’hôpital qu’à l’extérieur. Au contraire, l’inconnue en uniforme a l’air de la différencier de la masse, puisqu’elle semble même se souvenir de son visage. D’où, Grace serait bien incapable de le dire - ça ne fait pas si longtemps qu’elle vient, mais il faut croire que la photographe a tendance à marquer les esprits. Elle imagine que ça pourrait être à cause de la fois où elle avait balancé un coup de pied dans un distributeur pour essayer de choper un deuxième Kit-Kat. Ou peut-être celle où elle s’est violemment engueulée avec une aide-soignante qui lui parlait comme à une vieille patiente sénile - et qui parlait d’ailleurs à ses vieilles patientes séniles comme à des demeurées. Ou, peut-être, sûrement, que c’est parce que c’est la seule patiente qui attend toujours des heures le même docteur, la mort à l’âme. Elle en est au point de sa rééducation où elle a lu tous les magazines disponibles en salle d’attente et qu’elle rapporte ceux qui sont distribués près des transports en commun.
Son calvaire ne semble pas étranger à la dénommée Léonie, apprend-elle du badge qui orne sa tenue. « Le Leslie... » Le rire qui accompagne les mots a tout d’une consternation déjà bien ancienne et installée : le docteur Leslie n’en est apparemment pas à son coup d’essai, avec elle. Mais, visiblement, ses patients ne sont pas les seuls à pâtir de sa personnalité haute en couleur et de son caractère mou. Au fond, ça la peine un peu, Grace, parce que ce pauvre homme lui inspire une solitude saisissante qu’il semble masquer en se raccrochant à toute personne susceptible de lui prêter son oreille et sa pitié pendant deux minutes. Elle s’est souvent demandée si, à part ses patients, il y avait autre chose dans sa vie. Autre chose qui ne le déteste pas et ne lui donne pas envie de tout foutre en l’air, parce que c’est toujours l’impression que son visage affaissé et échevelé lui donne.
« Ça fait combien de temps que vous l’attendez, votre docteur ? »
Léonie l’invite à s’asseoir et Grace ne se fait pas prier - autant se ménager pour la rééducation, si toutefois elle arrive un jour. “J’ai perdu le compte, pour tout vous dire. On est en quelle année ? Reste-t-il des hommes sur terre à part nous ?” Tout ça en prenant place sur sa chaise, faux air dramatique plaqué sur le visage : elle en fait trop, sûrement. Non, évidemment. Mais sa patience arrive à bout. Elle aurait le temps de mourir, au premier sens du terme, d’un second AVC avant que le docteur ne daigne se présenter. “Ca doit faire une heure. Mais c’est ma faute aussi, à m’obstiner à arriver à l’heure…” Un sourire narquois réussit cette fois à étirer la commissure de ses lèvres.
« Je ne veux pas vous faire peur, mais je ne suis même pas certaine de l’avoir déjà vu aujourd’hui. Et pourtant, son dada, s’est de venir trainer dans mon service pour nous piquer notre café et pleurer sa femme. »
Et, cette fois, Léonie la fait rire franchement. Immédiatement, la jeune femme passe à une moue déçue : “Je ne suis donc pas la seule à qui il parle sans cesse de sa femme ? Me voilà détruite.” Ca ne la surprend pas plus que ça, au fond : le docteur semble avoir la langue bien pendue, et une sacrée propension à raconter sa vie à toute forme d’existence dans son périmètre proche. Grace l’aime bien, au fond, son docteur un peu pataud et plaintif. Elle l’aimerait encore plus s’il daignait arriver à l’heure. “Vous bossez dans quel service ? Je l’ai jamais vu en dehors de nos séances de rééducation, et ça me paraît dingue qu’il fasse d’autres choses à côté.” Elle se demandait déjà si ses retards n’étaient pas dûs à des pauses café allongées, mais apparemment, même ses collègues sont habitués à son absentéisme. “Moi c’est Grace, au fait.” Qu’elle finit par dire, en réalisant qu’elle ne s’est toujours pas présentée, alors qu’elle connaît déjà pas mal de la demoiselle à côté : profession, prénom. “Je vous offre un café ou vous avez mieux à faire que d’attendre le docteur ?” Elle s’est déjà levée d’autorité, fouillant dans son sac pour y trouver des pièces. Elle se sélectionne un cappuccino : trop de nervosité caféinée avant une séance, c’est jamais bon. “Vous bossez souvent avec lui ? Vous êtes la première personne que je croise qui sache de qui je parle.” Enième preuve d’un absentéisme criant, certes, mais les ragots passent toujours les minutes quand le temps devient long. @Léonie Tremblay |
| | | | (#)Mer 6 Mai 2020 - 14:58 | |
| Le hasard ou la chance, ça n'existe pas. Je souris à la réponse de Grace quand je lui demande depuis combien de temps elle attend. Très amusante et très réaliste puisque cela concerne le docteur Leslie. Apparemment, elle attend depuis une heure. C’est assez court, je dois bien l’avouer, – et je ne rigole pas en disant cela ! – quand on connait le docteur Leslie. J’ai vu des temps d’attente bien plus long. Patient ou soignant, nous sommes tous dans le même bateau avec ce médecin ! Il est certes gentil. Mais son lot de défauts tape sur le système de beaucoup de monde à la longue. C’est dommage car cela fait baisser son capital sympathie. Et cela fait de l’ombre à ses compétences professionnelles. J’ai déjà vu des patients se tourner vers son confrère bien moins doué. Uniquement parce qu’ils avaient perdu patience. J’hausse les épaules et affiche un air dépité quand la patiente s’étonne en riant à ma révélation sur notre café et sa femme. Et non, Grace, vous n’êtes pas la seule sur qui il vient s’épancher. C’est monnaie courante avec lui. Parfois, je m’imagine le ligoter et le torturer mentalement, bien sûr. Quoi qu’une fessée ne lui ferait pas de mal. Je l’imagine sous mes ordres. J’aime secouer ce genre d’homme. Je crois chercher, en faisant cela, une solution pour les rendre plus virils. Mais en général mes clients cherchent l’inverse : se dégager du patriarcat encore trop ancré dans notre société. « Je travaille en service de chirurgie ambulatoire. C’est gentil pour le café mais j’évite la caféine comme la peste. Il me suffit d’une goutte pour ne pas fermer l’œil de la nuit ! Pour vous répondre, j’ai rencontré le docteur Leslie pour la première fois quand je travaillais aux urgences. C’est à cette période que j’ai été amenée à travailler avec lui. Mais depuis que j’ai changé de service, je ne fais que le croiser quand il vient chaparder nos gâteaux dans notre salle de pause. » répondis-je en souriant. Je guette du coin de l’œil l’heure sur la pendule non loin de nous. À cette heure de la journée, les entrées sont faites et les chirurgies en cours. Ma présence ne sera pas utile avant le premier retour de bloc. J’ai encore du temps pour cette patiente abandonnée. « C’est étonnant que personne avant moi ne vous parle du docteur Leslie. Il est assez ancien au sein de l’hôpital. Et ses déboires amoureux font la une des bruits de couloirs ! Vous sentez-vous d’attaque pour parcourir les couloirs avec moi, à la recherche de votre médecin ? Je connais assez bien ses coins préférés. Je ne serai pas surprise de le trouver une tasse à café dans une main et un beignet dans l’autre. Il a une préférence pour les beignets à la rhubarbe et il sait où en trouver ici. Car à part lui, je ne connais qu’une seule autre personne qui aime ce parfum farfelu. Ce n’est pas très loin, c’est pas très loin d’ici. Qu’en dites-vous ?»- HRP:
Désolée pour le retard ! J'espère que tu vas bien
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| | | | (#)Jeu 18 Juin 2020 - 0:28 | |
| La patience n’est pas nécessairement ce qui définit Grace, voire loin de là ; elle estime cependant qu’elle a fait amplement preuve de retenue avec le docteur Leslie, qui lui semble supposer que son temps n’est pas aussi précieux que le sien. Une heure d’attente à chaque fois, au minimum, rien que ça ; et jusqu’à présent rien de mieux à faire que se tourner les pouces en lisant des magazines. Aujourd’hui, cependant, il y a Léonie, qui semble bien familière des travers du docteur international. “C’est typiquement le genre de trucs qu’il a l’air de faire”, rit-elle lorsque la jeune infirmière déballe ses anecdotes sur lui : apparemment, le docteur a beau avoir toutes les recommandations du monde, son caractère pataud et pleurnicheur lui vaut tout autant de critiques et de moqueries. Ca la peine un peu, au fond, parce que le pauvre homme a l’air d’avoir le poids de la terre sur ses épaules frêles en plus d’une solitude pesante et indécrottable. “Pas de café, alors”, conclut-elle, se retenant elle-même : pas besoin de stimulation de plus sur son coeur.
“Ecoutez, si vous avez le temps, j’avoue qu’aller le chercher me semble pas être une mauvaise idée”, acquiesce-t-elle face à la proposition de Léonie.
Pas qu’elle ait tant à faire que ça, mais Jeremy, lui, aura fini son cours d’art-thérapie bien avant qu’elle n’ait commencé sa séance et elle ne tient pas à le laisser seul perdu dans un hôpital plus longtemps que nécessaire. Elle sait bien que sa prof s’occupera de lui jusque-là, mais elle n’a pas envie de lui être redevable non plus. La brune se relève de sa chaise et emboîte le pas à Léonie, découvrant les couloirs avec lui. “Je pensais même pas que ça existait, les beignets à la rhubarbe. J’en prendrai la prochaine fois, peut-être que l’odeur l’attirera.” A moins que la disparition pendant des heures sans explication plausible soit plus attirante que les beignets. Les deux jeunes femmes sont en plein chemin lorsque Grace reçoit un appel : docteur Leslie en personne, qui s’excuse de son retard, mais sa fille a été prise dans un accident et n’a personne d’autre à contacter. Ce qui en dit, par ailleurs, suffisamment long sur sa progéniture. “Je suis vraiment désolée, le docteur vient de m’appeler. Sa fille qui le déteste vient d’entrer en collision avec un autre véhicule et apparemment, personne ne l’aime suffisamment pour aller la sauver”, plaisante-t-elle, à moitié agacée par cette annulation si soudaine. “Merci, en tout cas, d’avoir proposé de m’aider. J’hésiterai pas à faire appel à vous, s’il me refait le coup la prochaine fois.” Elle offre un sourire franc, et un peu contrit, à la jeune femme qui a passé tant de temps à l’aider pour rien : “A la semaine prochaine, alors.” Elle se hâte de sortir du bâtiment pour aller récupérer son frère, légèrement moins énervée qu’à son arrivée, avec Léonie pour seule personne à remercier. |
| | | | | | | | Le hasard ou la chance, ça n'existe pas. Grace&Léonie |
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