Une semaine. Cela faisait une semaine que Joanne était sortie de l'hôpital. J'en avais bien conscience, et pourtant je ne l'avais pas encore vue. Je me faisais très discret dans sa vie ces derniers temps, bien contre mon gré. Cela avait commencé avec son hospitalisation, elle m'avait averti par texto. J'avais senti mon sang se glacer en lisant le message. C'était inattendu, insensé, je n'avais pas tout de suite compris. J'avais répondu, bien sûr, mais n'avais pas dit que je passerais. Comment aurais-je pu, alors que je savais pertinemment que je n'irais pas la voir. C'était impossible, plus fort que moi. C'était Kaleb, mon meilleur ami, qui s'était retrouvé dans un lit d'hôpital il y a plusieurs mois. Je me cachais derrière l'excuse de la distance et du travail pour expliquer le fait que je n'étais pas aller le voir, et c'était vrai, mais au fond je savais que je n'y serais pas allé de toute façon. Tout cela s'explique par l'immense peur que j'ai de perdre mes proches, les gens auxquels je tiens réellement. C'était une autre conséquence de la mort d'Emma, je savais ce qu'on ressentait en perdant une personne importante dans notre vie, et l'hôpital représentait exactement ça pour moi. Un mauvais présage, la mort, la tristesse, la solitude. Et s'il y avait une personne à laquelle je tenais en ce moment, c'était bien Joanne. La belle blonde était apparue il y a trois mois dans ma vie, à mon arrivée ici, et semblait y rester pour de bon. C'était une rencontre inattendue, fortuite, dans un restaurant. J'étais arrivé après elle et m'étais assis non loin d'elle, remarquant immédiatement cette jolie blonde qui était seule mais semblait attendre quelqu'un. Je ne m'étais pas trompé, mais un coup de fil l'informa qu'elle resterait seule. Je n'avais pas pu me retenir d'aller la voir, pour lui tenir compagnie et la séduire, comme toujours. Cependant, Joanne n'était pas destinée à être une conquête, oh non. Elle n'avait pas remarqué mon jeu, naïve qu'elle était. Toutefois, elle avait semblé apprécier ma compagnie, comme moi la sienne. Après cette rencontre, nous nous étions revus. Nos nombreux points communs et passions communes, ainsi que sa gentillesse et sa douceur, eurent raison de mon rôle de séducteur. Avec elle, j'apprenais à redevenir James Evans, tout simplement. C'était une personne qui m'était particulièrement chère, et l'idée de la perdre en était tout autant effrayante. Finalement, et heureusement, mes sombres pensées ne s'étaient pas réalisées. Joanne avait bien été prise en charge, et était sortie de l'hôpital. Il lui fallait surtout du repos. Et si au fond de moi, je ne désirais que la revoir, j'étais bien trop honteux pour lui faire face. Nous nous contentions de discuter par messages. Je l'avais d'ailleurs avertie que j'avais accepté un travail pour cette semaine, un shooting et une interview pour un magazine de mode local. J'avais certes déjà travaillé pour des marques internationales, mais cela ne m'empêchait pas de travailler pour des magazines plus modestes de temps en temps. Même si je commençais à préparer des projets de plus grande envergure, avec Vogue Australia notamment.

Le shooting a lieu aujourd'hui, dans l'après-midi. L'immeuble où il a lieu se trouve dans le quartier où je réside, Pine Rivers. Je décide donc d'y aller à pieds, je n'ai que quelques minutes de marche. Une fois sur place, je suis tout de suite pris en charge et on me fait prendre à l'ascenseur, direction le huitième étage où la séance a lieu. Je salue les responsables et toute l'équipe, puis me dirige vers la coiffeuse. Elle s'amuse à me lisser les cheveux et à les coiffer sur le côté tout en leur donnant du volume. Etant donné le volume que j'ai sur la tête, ce n'est pas une mince affaire et il faut attendre une bonne vingtaine de minutes pour que je sois coiffer. En attendant, le photographe vient à mes côtés et nous discutons, il me dit ce qu'il attend de moi et je l'écoute attentivement. Une fois coiffé, je suis la styliste chargée de m'habiller. Comme souvent, plusieurs tenues sont prévues. Cela alterne entre des pull en laines, des t-shirt simples, des hauts un peu plus extravagants. J'enfile la première tenue et file sous les projecteurs et devant l'objectif du photographe. Les minutes passent, les clichés s'enchaînent, je change plusieurs fois de tenues. J'enfile un pantalon marron, un t-shirt noir et un trench de la même couleur. Je reprends position et prends différentes poses. Je dois surtout jouer le séducteur ou le mélancolique. Regard au loin, tête penchée, main dans les cheveux, je sors tout l'arsenal. Le photographe annonce qu'on fait une pause et je souffle de soulagement, c'est plus fatiguant qu'il n'y parait. Il fait surtout chaud sous les projecteurs. Je fais quelques pas et le photographe vient vers moi pour me parler de ce qu'il reste à faire. J'essaye de négocier avec lui, je pense qu'on a assez de photos avec des tenues différentes pour le magazine. Loin de là l'idée de faire mon chieur, mais j'ai l'impression qu'ils veulent me faire essayer toutes les fringues qu'ils ont. Mon interlocuteur insiste et je soupire un peu, détournant le regard. C'est là que je la vois. Joanne, elle est là et s'approche timidement de moi. Lorsque je crois ses iris bleus, je lui rends immédiatement son large sourire. Je bafouille quelques mots au photographe pour prendre congé de lui et m'approche le pas rapide de la blonde. Joanne ?! Mais qu'est-ce que tu fais là ? Il ne me faut pas longtemps pour arriver juste devant elle. Instinctivement, j'enroule mes bras autour de ses épaules pour l'enlacer délicatement. Quelle surprise ! Tu m'as manqué... Après quelques secondes pendant lesquelles je profite de l'avoir contre moi, je la relâche et recule un peu. Je ne pensais pas qu'elle m'avait manqué autant, et la revoir me faisait incroyablement plaisir. Comment tu vas ? Lorsque je pose cette question, cela me fait repenser à son état de santé et à mon absence ces derniers temps. Je suis vraiment désolé Jo'... dis-je en baissant les yeux, honteux.

Lorsque j'enlace Joanne, j'en profite pour pleinement savourer sa présence en fermant les yeux quelques secondes. La voir ici me fait énormément plaisir, je ne m'y attendais absolument pas ! C'était le genre de surprise qui me mettait immédiatement de bonne humeur, maintenant j'allais garder le sourire sur les lèvres toute la journée. Enfin, si aucune mauvaise nouvelle ne se pointe. Je ne me permets pas de la garder contre moi, et la relâche donc doucement. J'en profite pour immédiatement prendre de ses nouvelles, cela fait tellement longtemps que nous ne sommes pas vus. "Je vais bien. J'avais besoin de prendre un peu d'air, et je me suis dit que ce serait l'occasion pour venir te voir." Je lui souris grandement. Savoir qu'elle avait pensé à moi pour se changer les idées me fait très plaisir. Tu as bien fait. Elle me retourne ensuite la question, ce qui me fais détourner le regard sans répondre. Non, ça ne va pas. Je me sens bien trop honteux devant elle. J'ai le sentiment d'avoir failli comme ami, de l'avoir abandonnée. Il ne me faut qu'une poignée de secondes pour lui avouer mon état d'esprit en m'excusant. Joanne me répond que je n'ai pas besoin de m'excuser. Je relève timidement les yeux, écoutant ce qu'elle a à dire. Elle me comprend, ça n'a été facile pour personne et elle va mieux, au point de vouloir déjà reprendre le travail. Je ne peux m'empêcher de sourire en la regardant. Tu es beaucoup trop gentille, comme d'habitude. J'avais oublié à quel point elle était gentille et compréhensive. Cette jeune femme est vraiment la bonté incarnée. Mais il faut qu'elle apprenne à se fâcher, à dire quand quelque chose ne lui a pas plu ou l'a déçue. J'ai merdé, je le sais. Et tu devrais m'engueuler, me gifler, me faire la gueule. Plutôt que de me pardonner trop facilement et de me faire la surprise de venir ici. Je me passe la main sur la nuque, geste que je fais souvent lorsque je suis gêné. Si je pouvais revenir en arrière, je serais le premier à venir te voir. Je capte son regard pour lui faire comprendre que je suis le plus sincère au monde. Il est hors de question de l'abandonner une autre fois. Et arrête de penser au travail espèce d'accro, tu dois te reposer ! dis-je en la grondant faussement, avant de sourire d'amusement.

Comment ça va à la maison ? La question sort d'un coup, lorsque je prends conscience de son besoin de " changer d'air ". Sachant qu'elle était à la maison depuis sa sortie, c'est que ça ne devait pas aller fort. Je ne tire pas de conclusion hâtive, être enfermé 24 heures sur 24 ça doit être épuisant et ennuyeux. "J'avais besoin de prendre l'air parce que l'ambiance à la maison est... particulière. Oppressante... Je... Je ne trouve pas vraiment les mots pour décrire, mais beaucoup de choses ont changé depuis que je suis rentrée, et ce n'est pas en bien." M'avoue-t-elle avec beaucoup de peine. C'est Jamie ? demandais-je un peu plus durement que voulu. J'ai pas vraiment quelque chose contre ce Jamie, que je n'ai encore jamais vu, mais je ne le porte pas dans mon cœur non plus. J'ai bien conscience que Joanne est heureuse avec lui, cela se voit souvent sur son visage. Mais je le trouve trop imprévisible, comme une bombe à retardement. Je n'ai pas envie qu'à la fin, mon amie se retrouve en miettes. Cependant, je ne suis pas là pour lui prendre la tête avec ça, surtout si elle vient me voir pour penser à autre chose. Je lui attrape gentiment la main pour la caresser du bout des doigts. Si tu veux en parler sérieusement, tu sais que je suis là. Je marque une pause après mon offre, je sais que ce n'est pas le moment adéquat. Je veux juste lui donner un petit conseil avant de passer à autre chose. C'est peut-être juste le fait d'être cloîtrée à la maison qui fait ça, tu n'as pas d'échappatoire. C'est toujours bon de pouvoir s'évader, même de la personne aimée. On finit par clore ce sujet, et la belle blonde m'informe qu'elle voulait juste me revoir, profitant de connaître mon emploi du temps pour pointer le bout de son nez. Je souris lorsqu'elle prononce quelques mots en français. C'est quelque chose qu'elle fait très souvent, et qu'il la rend absolument craquante. L'accent est très prononcé, mais je salue l'effort. Et tu as très bien fait ! J'adore les surprises, et je suis très heureux de te revoir. dis-je en continuant de lui sourire. Joanne avait le don de me coller un sourire sur les lèvres, tant je trouvais sa présence agréable. Avoue que tu t'entraînes en cachette à parler français pour moi, n'aie pas honte. la taquinais-je avec un clin d’œil. Je tourne la tête quand le photographe vient me voir, la pause est finie et il faut reprendre. J'avais complètement oublié que je devais finir cette séance, surtout qu'il voulait toujours que j'essaye un tas de vêtements. Je reporte mon attention sur Joanne, désolé. Je vais devoir y retourner, mais ça va aller vite. Si tu veux bien m'attendre ? lui demandais-je avec des yeux de biche.

Joanne ne détourne pas les yeux lorsque je prends la parole pour lui dire que je regrette mon comportement, ma passivité, mon absence. Je lui dis qu'elle devrait me gifler, m'engueuler, ne plus me parler. J'aimerais que ce soit le cas, je me sentirais un peu moins mal. Mais non, elle ne m'offre que son pardon, sa bonté. Je me sens encore plus merdique face à elle, je ne mérite pas d'être son ami. Je sais que je suis trop dur envers moi, mais c'est parce qu'elle ne l'est pas assez. Toutefois, je ne peux pas garder cet état d'esprit trop longtemps. Car elle a besoin de moi maintenant, mais aussi car elle trouve les mots pour me réconforter. C'est moi qui l'abandonne et c'est elle qui me réconforte, ironique non ? Je l'écoute sans broncher, ce qu'elle dit m'apaise. C'est vraiment une fille géniale, j'ai énormément de chance de la connaître. Je ris avec elle quand elle m'avoue ne pas pouvoir s'énerver contre moi. Je ressens la même chose, jamais je ne pourrais élever la voix contre elle. Elle m'enlace à son tour et je la serre contre moi. Tu es une personne formidable Joanne. Vraiment. J'ai de la chance d'être ton ami. Puis nous reprenons nos positions initiales. Je souris quand elle parle de son travail et ses vieilleries qui lui manquent. On dirait bien. Joanne et son travail, c'est une grande histoire d'amour. Et j'aime profiter de son savoir pour en apprendre un peu plus sur l'Australie et Brisbane. On ne peut qu'être admiratif lorsqu'elle prend la parole : elle est tellement passionnée par ce qu'elle fait.

On en arrive rapidement à parler de sa vie privée, et la jolie blonde m'avoue que l'ambiance n'est pas terrible chez elle. La première chose qui me vient à l'esprit, c'est de lui demander s'il s'agit de son compagnon. Elle me répond positivement d'un signe de tête et je soupire faiblement. Elle tente cependant de le dédouaner en confessant qu'elle a sa part de responsabilité, que c'est différent depuis son hospitalisation. J'ai tellement de choses à lui rétorquer, mais je préfère m'abstenir. Elle n'est pas venue pour ça, elle me l'a clairement dit. Mais elle ne doit pas oublier que c'est elle qui a été hospitalisée, et même si elle est fautive, c'est à Jamie de prendre sur lui pendant son rétablissement. Ils auront tout le temps de discuter plus tard, quand Joanne ira mieux. Pas besoin de rendre l'atmosphère irrespirable à tel point qu'elle préfère quitter la maison. Je me contente de lui attraper la main et de lui dire que je suis là si elle a besoin de parler. "Plus tard, peut-être. Je ne veux pas commencer à ruiner ces retrouvailles." Je comprends parfaitement ce qu'elle ressent, c'est pourquoi je lui offre un grand sourire. D'accord. Mais dans tous les cas, saches que tu ne ruines rien. Puis je la taquine lorsqu'elle parle français. C'est quelque chose qui me met toujours de bonne humeur quand elle glisse un ou deux mots dans la langue de molière. Elle m'avoue surtout parler la langue dans un restaurant français et grâce à un bon vin, ce qui me fait rire.

Malheureusement, je n'ai pas le temps de lui répondre que le photographe vient m'avertir qu'il faut reprendre le travail. Déjà que je n'étais pas très enthousiaste à poursuivre, maintenant que Joanne est là j'en ai encore moins envie. Mais je n'ai pas le choix. Je lui demande donc si elle veut bien m'attendre. Elle répond positivement à ma demande en me poussant pour que je retourne bosser. Je prends un air faussement offusqué. Arrête de vouloir te débarrasser de moi comme ça. dis-je en riant avant de m'éloigner. Je change de tenue et on vient me remaquiller un peu, puis je retourne devant l'objectif. Je fais de mon mieux, espérant que le photographe sera satisfait rapidement et me libérera plus vite. Entre les changements de décors ou de tenue, j'en profite pour gratifier Joanne de mes plus beaux sourires, mais aussi de mes plus belles grimaces. C'est la première fois qu'elle assiste à une de mes séances, et je crois même à une séance tout court. Je suis content qu'elle soit là et qu'elle découvre un peu ce milieu. On me fait encore changer 3 fois de tenues avant de m'informer que c'est fini.

Je regarde Joanne et une idée me vient à l'esprit. Je me dirige vers le photographe, lui chochotte quelques mots à l'oreille auxquels il me répond favorablement, puis je m'approche de la conservatrice. J'ai quelque chose à te proposer. Tu me fais confiance ? Je lui attrape la main pour qu'elle me suive. Je prends la direction du plateau sur lequel je me tenais, et on s'y arrête. Je me tourne vers elle et plante mon regard dans le sien.Ça te dit de jouer les stars pour une fois ? De sortir de l'ombre, d'être sur le devant de la scène ? dis-je en ne quittant pas ses iris bleus. J'imagine que l'idée ne l'emballe pas tant que ça, je dois donc abuser de mon charme et de mon pouvoir de persuasion pour la convaincre. Juste quelques photos, pour me faire plaisir ? j'ajoute dans un sourire.

Joanne et moi nous trouvons à présent tous deux au milieu de la pièce, à l'endroit où je prenais la pose seul il y a encore quelques minutes. Cette idée m'était apparue d'un coup, comme une évidence. J'imaginais bien qu'elle ne serait pas emballée par cette initiative, mais il fallait que j'arrive à la convaincre. Je fais ça pour qu'elle se change les idées, mais aussi qu'elle se lâche. Elle est toujours trop dans la retenue, discrète, à rester dans son coin, à arrondir les angles. Je veux qu'elle se révèle, je veux voir ce qui se cache au fond d'elle. Rien qu'un instant. Elle commence à paniquer, jetant des regards tout autour d'elle, et me demandant à quoi je joue. Je lui demande de me faire confiance. Je lui attrape les mains et la regarde fixement dans les yeux pour l'obliger à en faire de même. Enfin, je lui propose de prendre mon rôle devant l'objectif. Bien sûr, elle n'accepte pas tout de suite. Elle fait sa Joanne, tout simplement. Sois toi-même, c'est tout. lui répondis-je quand elle m'avoue ne pas savoir quoi faire. Mon but n'est pas qu'elle joue un rôle comme je le fais, moi c'est mon métier. Elle, je veux simplement qu'elle accepte de s'amuser et être elle-même pour prendre des photos. Ce qui est déjà un sacré challenge pour la jeune femme. Elle continue en disant qu'elle n'a rien d'un mannequin ce qui me fait froncer des sourcils. Ne te met pas la pression comme ça, il n'y a que nous. Et tu es très belle, arrête d'en douter. dis-je le plus sincèrement du monde. C'est vrai qu'elle n'est pas grande, mais on est là pour s'amuser et pas pour être de vrais mannequins. Je connais de nombreux mannequins bien moins jolies que Joanne. Mais je sais qu'elle refuse d'y croire, de prendre confiance, d'accepter qu'elle puisse plaire à de nombreux hommes. Et pourtant... Je lui fais les yeux doux et elle finit, difficilement, par accepter. Super, t'es la meilleure ! me réjouis-je en lui faisant un clin d’œil.

D'un signe de la main, j'informe le photographe qu'elle a accepté. Le plateau se vide rapidement, les gens partent, et en quelques minutes il ne reste que lui, Joanne et moi. Je prends le manteau et le sac de la jolie blonde pour les déposer plus loin, puis je reviens à ses côtés. Si au début je pensais la laisser seule, j'ai compris qu'elle n'arriverait jamais à se sentir à l'aise, et qu'il fallait donc que je sois avec elle. Détends toi, il n'y a que nous. Tu n'as pas à être timide ou gênée. Tu dois juste écouter le photographe qui nous dira quoi faire, d'accord ? J'espère arriver à la rassurer. Si c'est trop dur, on arrête tout. lui promets-je. Le photographe commence alors à nous donner des directives. " Restez naturels surtout. " ; " Regardez l'appareil photo et souriez comme s'il s'agit de votre meilleur ami. " ; " Regardez-vous en souriant. " ; " Penchez-vous en avant et relevez la tête brusquement pour faire voler vos cheveux en l'air. " A chacun de ses ordres, je m'exécute joyeusement. Je prends beaucoup de plaisir à faire ça en compagnie de Joanne et à lui faire découvrir ce métier. Je lui glisse régulièrement des petits mots à l'oreille, d'encouragement et de réconfort surtout, mais aussi des bêtises pour la faire rire. Tu te débrouilles très bien. lui dis-je sincèrement. Toutefois, je la sens encore un peu crispée, même si elle semble se détendre un peu plus à chaque seconde. " James, attrape Joanne dans tes bras et fais-la tournoyer. " Avec un sourire, je place un bras dans le dos de Joanne, l'autre sous ses jambes et je la soulève pour la plaquer contre mon torse. Je capte son regard pour qu'elle se concentre uniquement sur moi et oublie ce qu'il y a autour. Elle place ses bras autour de mon cou pour se tenir, je commence à tournoyer lentement et cela me fait rire de faire ça avec elle. Quand je ralentis la cadence, je me surprends à trouver la distance qui nous sépare incroyablement faible. Mon regard est toujours planté dans le sien, et je ne parviens pas à le détourner. Sans comprendre réellement ce qu'il se passe, je pose mes lèvres sur les siennes.

Lorsque nos lèvres entrent en contact, une décharge électrique me parcourt le corps. Je ne sais pas qui a fait le premier pas, peut-être moi, peut-être elle - sûrement nous deux. Le baiser ne dure que quelques secondes qui nous paraissent bien plus longues. Lorsqu'il s'arrête, Joanne descend de mes bras en fuyant mon regard et me tourne le dos. Je me mords la lèvre, conscient qu'elle doit être troublée. Joanne, je... Ma voix s'estompe sans qu'aucun autre mot ne sort. A vrai dire, je ne sais même pas quoi penser. Je tends ma main en direction de la blonde, mais n'ose pas la toucher. Une avalanche de pensées, d'émotions, de sentiments m'envahissent. Que voulait dire ce baiser ? Le voulais-je ? Et Joanne, qu'était-elle pour moi ? Je baisse la tête. C'est vrai que Joanne est une personne très particulière pour moi, et très importante. C'est la première amie que j'ai depuis des années, avec qui je peux être vrai, avec qui je peux parler de mes blessures passées, auprès de qui je peux me confier. Cela réveille en moi de nombreux sentiments, très semblables à ceux que j'éprouvais pour Emma. Et pourtant, est-ce de l'amour ? Ou ais-je simplement oublié ce que c'est d'avoir une amie ? Moi, les femmes, j'ai bien trop l'habitude de les avoir dans mon lit aujourd'hui. La belle blonde est la première a avoir réussi à connecter son âme à la mienne. Elle se retourne vers moi et nous nous regardons dans les yeux. Je peux voir à quel point elle se sent perdue et cela me fend le cœur. Ce n'est absolument pas une situation que je voulais lui infliger. Elle fait les cent pas, bégaye, cherche ses mots. Finalement, elle me dit qu'on doit oublier ça, puis me parle d'amitié gâchée. Mon cœur se met à battre la chamade et je prends conscience des conséquences que pouvaient impliquer ce baiser. Perdre Joanne ? Non, hors de question. C'était d'ailleurs sûrement parce que j'avais failli la perdre que ce baiser venait d'arriver. Je me sentais déboussolé et ma joie de la retrouver avait décuplé mes sentiments. Je me concentre pour rassembler mes idées, alors qu'elle m'avoue aimer son compagnon. Cela a pour effet de me réveiller et de reprendre mes esprits. Je pose une main réconfortante sur son épaule. Je sais que tu l'aimes. dis-je en lui souriant doucement. Je retire ma main, le baiser doit l'avoir assez chamboulée pour que j'évite d'autres contacts physiques pour l'instant. Je suis désolé. Tu n'as rien fait de mal, c'est moi. commençais-je en me passant la main dans les cheveux. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris. Nous étions là, je me sentais bien, tu m'avais manqué, je... Tu es mon amie la plus proche Joanne, je n'en attend pas plus. Et je ne veux surtout pas te perdre. C'est juste arrivé, mais ça ne veut rien dire. Strictement rien. Je plonge mon regard dans le sien, espérant qu'elle croit mes paroles et puisse oublier cet instant. J'ai réussi à te changer les idées ? tentais-je un trait d'humour en riant, gêné.

Peu à peu, nos sortons de notre torpeur, remettons de l'ordre dans nos pensées. Le temps reprend son court et nous nous détendons. Je fais face à Joanne, la pauvre est complètement perdue. Et je ne peux pas lui en vouloir, j'ai carrément merdé sur ce coup, une nouvelle fois. Je les enchaîne en ce moment avec elle, la pauvre. Je la regarde faire les cent pas tout en cherchant mes mots, maintenant que j'ai les idées claires, je dois parvenir à la calmer et lui faire comprendre qu'il n'y a rien de mal dans ce baiser. Est-ce que je le regrette ? Difficile à dire. S'il me fait perdre l'amitié de la conservatrice : oui. Sinon, non. Cela fait maintenant un certain temps que je me sens bien avec Joanne, que j'éprouve de plus en plus d'affection envers elle. Il fallait bien que je l'embrasse un jour, pour savoir ce que ça me ferait, nous ferait. Maintenant je le sais, je suis fixé. Au moins, elle est sûre que c'est Jamie qu'elle aime, il n'y a qu'à voir son attitude. Et moi, je sais que c'est son amitié qui me tient le plus à cœur, bien plus que ce que je peux ressentir d'autre envers la jeune femme. Elle est mon amie et le restera, rien de plus.

J'arrive à attirer son attention en posant une main amicale sur son épaule, qu'elle ne rejette pas. C'est bien, au moins elle n'a pas de ressentiment contre moi à cet instant. Je commence par reconnaître son amour pour Jamie, il est indéniable. Si c'est lui qu'elle veut, si c'est avec lui qu'elle est heureuse, je m'y soumets, c'est son bonheur que je veux. Je continue en m'excusant et en prenant l'entière responsabilité de ce moment d'égarement, la pauvre a déjà bien assez à faire avec ses problèmes de couple pour qu'en plus elle ait se problème de conscience. Je la sens se détendre au fur et à mesure que je parle, et continue donc sur ma lancée. Submergé par mes sentiments, je lui avoue que c'est mon amie la plus proche, la plus importante, ma meilleure amie. Je n'ai pas conscience que c'est la première fois qu'elle l'entend, pour moi c'est logique puisque c'est ce que je ressens. Cependant, elle ne se prive pas de prendre la parole pour marquer sa surprise. Je ne peux qu'être attendri devant sa mine, je pensais qu'elle le savait. Je pensais que tu l'avais compris. dis-je simplement, souriant en coin. Avec quelle autre fille pouvais-je passer autant de temps sans qu'il ne se passe rien ? Je vais la voir au musée, nous mangeons ensemble, prenons des cafés ensemble, elle me fait la surprise de venir ici, je l'invite à une séance photo... Je ne suis avec aucune autre femme comme ça, aucune. En y réfléchissant, je n'ai pas vraiment d'amies femmes ici. Que des conquêtes d'un soir, que je ne revois plus jamais. Joanne est une vrai exception dans ma vie, une bouffée d'ai frais, un cadeau inestimable.

Je reprends mon monologue, tentant de lui faire comprendre mon état d'esprit, de mettre des mots sur ce geste, banal pour moi, mais ô combien important pour elle. Elle se détend de plus en plus, semble se satisfaire de mes explications, se les répétant pour elle-même. Je finis par me taire et l'observe alors qu'elle tombe dans ses pensées. Finalement, elle soupire. "Désolée d'avoir été aussi excessive je... j'ai un peu paniqué." Son aveu me fait sourire, l'orage semble être passé. Je décide de ne pas répondre et de changer de sujet, c'est mieux pour nous deux. Souriant timidement, elle me dit qu'elle n'est pas sûre que les photos rendent quelque chose. Et moi je suis sûr du contraire. Dès que je les ai, je te les montre. promis-je dans un sourire. Il faudra toutefois que je n'oublie pas d'effacer celles où on s'embrasse, Joanne risquerait d'en tomber dans les pommes. Perdu dans mes pensées, je ne remarque pas le silence qui s'est installé. Toutefois, la blonde le rompt en me demander d'aller boire un café ou même juste de marcher, histoire de discuter un peu de sa fameuse histoire avec Jamie. Ses mots me touchent profondément, j'ai toujours essayé de faire de mon mieux pour la conseiller, pesant le pour le contre, voulant être le plus avisé. Et cela semblait marcher, puisqu'ele souhaitait encore me confier ses soucis. Bien sûr Jo', tu peux tout me dire. On peut marcher, et si on passe devant un café on s'y arrêtera. Pendant qu'elle récupère son sac et sa veste, j'attrape ma veste de costume. A la fin de la séance, et avant de proposer à Joanne quelques photos, j'avais remis mes propres habits. Ma veste en main, nous nous dirigeons vers l'ascenseur. Je laisse mon amie entrer la première et une fois dedans, j'appuie sur le bouton du rez-de-chaussée. Une fois en bas, nous nous dirigeons vers la sortie de l'immeuble. Alors, raconte-moi tout. Que c'est-il passé ? demandais-je alors que nous commençons à marcher en plein centre-ville de Brisbane, sans destination précise.

Joanne et moi déambulons dans les rues, sans but précis. De toute façon, ce n'est pas la destination qui importe, mais notre conversation. Je sens bien que la jeune femme a besoin de se confier, de parler de ses problèmes. Et elle sait qu'elle peut compter sur moi pour être une oreille attentive. Je glisse mes mains dans les poches tout en l'écoutant avec attention. "Disons que... Je ne lui ai jamais parlé de ce qui m'a emmenée à l'hôpital. Mais je m'étais dit, il avait déjà du encaisser beaucoup, entre le divorce et la fausse-couche, et je ne me voyais pas ajouter un autre point noir sur le tableau. A vrai dire, je n'en ai jamais parlé à personne, parce que je ne pensais pas que ça me retomberait dessus comme ça, et je ne voulais inquiéter personne inutilement." Je la laisse s'exprimer tout en restant silencieux, ne l'interrompant à aucun moment. Je ne peux m'empêcher de ressentir de la tristesse, Joanne n'a pas eu la vie facile la pauvre. C'est rageant car c'est une fille géniale, elle ne mérite pas la moitié des épreuves qu'elle a du subir. Malheureusement, c'est sur elle que c'est tombé. Le divorce, la fausse-couche... Je shoote sur la première chose qui se trouve sur mon chemine : une petite pierre. Toutefois, quelque chose dans les paroles de la blonde me dérange. Quel est cet autre point noir dont elle parle ? La raison pour laquelle elle a été hospitalisée ? Interloqué, je la regarde en fronçant des sourcils. Elle doit comprendre ce que je pense puisqu'elle m'explique rapidement ce qu'elle a. "Je... J'ai une sorte d'anomalie génétique, qui touche notamment le système respiratoire. Ce serait ce même gêne qui aurait rendu le fœtus non viable, au moment de ma fausse-couche. Et ce serait aussi cela qui était à l'origine de ma détresse respiration, avec une sorte d'élément déclencheur. Le stress, la panique... Le risque que ce soit transmis à l'enfant est plus qu'important, ainsi que pour moi, au moment de la grossesse et de l'accouchement. C'est ce que le médecin suppose, en tout cas." Mon visage s'affaissa brusquement sous toutes ces révélations. Oh Jo', c'est pas vrai... murmurais-je tristement. Ne serait-elle donc jamais épargnée ? N'avait-elle pas le droit au bonheur, à la tranquillité ? C'est tellement injuste, la vie est parfois tellement injuste. Je la regarde avec toute la douceur dont je suis capable. Tout ce dont j'ai envie, c'est la serrer dans mes bras pour la réconforter autant que possible. Mais nous sommes en mouvement, et surtout après ce qu'il vient de se passer entre nous, je préfère éviter les trop grandes démonstrations sentimentales. Nous tournons au coin de la rue sans y prêter attention. Et tu vas faire quoi ? Prendre le risque ? demandais-je par rapport aux enfants. Joanne ne m'avait jamais caché son envie de fonder une famille, et j'ai toujours trouvé qu'elle ferait une mère parfaite. Peut-être un peu trop anxieuse, mais au moins ses enfants seraient recouverts d'amour. Mais avec son anomalie, cela remettant un peu en question tout ça. Personnellement, je pense qu'elle doit se battre pour ce qu'elle veut, elle a le droit d'avoir sa famille et d'être heureuse. Elle ne doit pas se laisser abattre par tout ça, jamais.

La jeune femme poursuit en m'expliquant la colère de son compagnon, puis l'ambiance chez eux. Apparemment, il ne semble pas prêt à fonder une famille lui. C'est une situation affreusement délicate, elle ne m'avait pas menti en arrivant un peu plus tôt. Ça ne peut pas continuer comme ça, tu le sais Jo'. Tu vas devoir le confronter. Nous passons devant un salon de thé et la conservatrice me propose de nous y arrêter. Je commande un cappuccino juste après son thé gourmand. Je sais que c'est difficile mais tu dois profiter de l'occasion pour le questionner, et te questionner. commençais-je en la regardant. Le serveur arrive rapidement avec nos commandes. Tu dois vérifier si vos attentes sont les mêmes, ainsi que vos envies... C'est peut-être l'homme de ta vie, ou peut-être pas. C'est le moment de le savoir. Je lui souris légèrement pour qu'elle comprenne que je dis ça pour elle, et non pas pour briser son couple. Tout ce que je veux, c'est son bonheur. Et cette étape dans sa vie, cette épreuve plutôt, doit lui servir à avancer à être sûre que Jamie est ce qu'il y a de meilleur pour son avenir. Ça doit être difficile pour lui en ce moment, mais peut-être qu'il te surprendra et fera certains efforts pour toi, pour vous. dis-je en attrapant mon café et en buvant une gorgée. Je grimace en le reposant, c'est encore trop chaud pour moi.