Les dédales de l’hopital sont désormais connus de Charlie autant que le sont les trajets entre le DBD et chez Léo ou chez Kane. Ce sont tous des parcours qu’elle a désormais pris l’habitude d’emprunter régulièrement, avec un sourire en coin et une énième playlist de Queen visée dans les oreilles. Les allers et venus à l’hopital ne sont synonyme que de check up et puisqu’elle n’a jamais eu à recevoir de mauvaises nouvelles de la part des médecins, elle continue de prendre ce devoir avec le sourire et un ventre toujours un peu plus rond à chaque jour qui passe. Matt essaye déjà de la faire travailler un minimum mais, toujours aussi têtue, elle lui fait à son tour comprendre qu’elle vivante elle ne lâchera pas son poste au bar-café. Après tout, elle vient à peine de terminer son second trimestre de grossesse ; elle peut encore travailler et surtout, surtout, elle en ressent le besoin.

Cette fois-ci pourtant, elle ne rentrera pas aussitôt à l’appartement après sa visite médicale puisqu’elle aperçoit déjà une figure connue dans l'entrebâillement de la porte d’une énième salle d’attente qu’elle ne soupçonnait même pas. Ses cheveux blonds volaient derrière elle et elle avançait d’un pas bien trop décidé pour clairement identifier la figure d’Edge à ce moment là, pourtant son cerveau a rapidement su analyser les traits du visage du boxer et elle de faire marche arrière rapidement pour avoir un avis sur la question. Le sourire au bout de ses lèvres annonce qu’elle avait raison de revenir sur ses pas et que son intuition était la bonne. Pour lui, elle accepte de rester dans les locaux quelques temps encore à supporter cette horrible odeur de produits en tout genre.

Jetant un coup d’oeil pour vérifier que la salle est vide, elle se fait connaître en toussant doucement pour ne pas le surprendre. Des deux, à vrai dire, elle est celle qui est le plus étonnée en même temps qu’elle découvre le plâtre entourant son bras et l’immobilisant totalement - elle l’imagine déjà fou de rage à l’idée de ne plus rien pouvoir faire de ce dernier. ”C’est ce que tu fais quand tu pars en vacances alors ?” La blonde n’a rien oublié de leur dernière entrevue, surtout pas qu’il lui avait annoncé des vacances dans un lieu tenu secret - une bonne raison pour mettre en stand by les entraînements de son côté aussi. Elle n’avait pas plus questionné et la soirée avait continué son chemin comme elle l’avait commencé, entre deux verres et deux sourires. Ça les représente parfaitement. ”Rappelle moi de ne surtout t’accompagner nulle part.” Elle raille avec une voix bien trop douce pour que ce ne soit crédible, pour que cela n’ait aucune sorte d’impacte sur le moral du photographe. C’est seulement son moyen à elle de lui montrer qu’elle porte intérêt à sa santé sans réellement trop s'immiscer dans sa vie ou le forcer à dire ou faire quoi que ce soit. Ils procèdent de cette manière depuis la première heure et parfois certaines habitudes sont plutôt saines.

Elle et son sourire viennent prendre possession d’une chaise face à Edge, pas trop proche, pas trop loin, de la bonne couleur pour ne pas lui briser son mood - même choisir une simple chaise sur laquelle s’asseoir est devenue une épreuve du combattant. Ses yeux scrutent son visage, s’attardent sur les plaies en cours de cicatrisation et celles qui l’ont été récemment. Elle ne dit rien, ne sous-entend rien non plus. Le bras cassé reste la seule chose qui accapare son attention pour le moment, la seule chose aussi dont elle se donne le droit de parler. ”Tu vas bien ?” Maman poule avant l’heure, les mots franchissent le seuil de ses lèvres sans qu’elle ne leur en ait donné l’autorisation. Il peut toujours répondre ce qu’il veut, comme toujours. Un simple oui pourrait faire l’affaire s’il est prononcé avec assez de conviction.

@Edge Price

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Qu'on se le dise, tu n'apprécies par particulièrement d'être coincé à l'hôpital de la ville et ce depuis pratiquemment un mois. Okay, techniquement tu n'y es pas coincé, tu es en rémission, ou en convalescence, ou juste en repos forcé. Mais ce n'est pas une sensation particulièrement agréable, déjà, avoir le bras droit dans un plâtre rend certaines tâches du quotidien plus que compliqué et dans un sens, c'est un peu humiliant d'avoir besoin d'aide pour quelque chose d'aussi simple que d'ouvrir une porte ou toute autre acte simple du quotidien. Ça n'arrange rien à ton humeur, et ce malgré les vistes régulières des membres de ta famille, principalement ta mère et Paul, ni même celles de Yasmine. Tu ne sais toujours pas quoi faire des regards que te lancent parfois l'infirmière et tu ne sais pas de quoi sera faite votre nouvelle entente cordiale quand tu ne seras plus obligé d'évoluer dans l'établissement hospitalier. Aucun moyen de le savoir pour le moment, et tu préfères ne pas te concentrer sur un problème que tu peux repousser dans un futur loin et incertain.
Pour l'heure, tu dois enfin faire face à cette séance de thérapie qu'on t'a conseillé, offerte et payée à ton admission et voir de quoi il en retourne. Tu n'avais pas l'intention de t'y rendre, non vraiment, te concentrer sur la source du problème ? Ce n'est pas toi, surtout pas quand tu ne sais pas vraiment ce qui ne va pas chez toi, ou pourquoi tu ressens toujours ce besoin de tout détruire sur ton passage dès que les choses deviennent un brin compliquées. Mais c'était sans compter Tamara Price et ses paroles insistantes et le fait qu'elle veuille que tu lui promettes de ne plus te remettre dans un état pareil. Et franchement ...? Tu adorerais dire que tu as appris ta leçon, que la boxe et les combats illégaux... C'est fini pour toi, mais tu es bien incapable de mentir à ta mère, alors te voilà dans cette sale d'attente, affreusement vide. Le siège que tu occupes est inconfortable à souhait, tu dois avoir une mine plus que résignée sur le visage tandis que tu attends et au moment où tu considères fuir, purement et simplement, ton regard finit par se poser sur Charlie. Tu réagis avec un temps de retard, car il s'agit bien de la jeune fille, qui est enceinte et qui a plus de raisons que toi de se trouver ici.
Pourtant, tu as bien du mal à trouver ton sourire et tu te dis surtout que tu aurais préféré la croiser dans de meilleures circonstances, est-ce pour cela que tu n'as contacté ni Ariel, ni Ezra ? Parce que tu as honte que les gens qui comptent un minimum pour toi te voient dans un état pareil ...? Quelque chose comme ça. "Hey ouais... Désolé que tu doives l'apprendre de cette façon mais, je vis dangeureusement." Que tu finis par répondre, après quelques secondes de silence. Tu as un maigre sourire, qui disparais aussi qu'il est arrivé. Tu n'as pas envie de jouer les clowns, Charlie mérite mieux que ça dans un premier temps, et ensuite, le coeur n'y est pas. Tu pousses un soupir et suis son regard vers le fameux plâtre. As-tu envie de te lancer dans un récit poignant de ta fameuse nuit de folie ? Très sincèrement, tu ne le souhaites pas, tout est encore flou pour toi et tu refuses de mêler qui que ce soit à tout ça. Surtout pas Charlie. Surtout pas quand il y a quelques semaines de cela, c'était toi qui essayais de lui remonter le moral et de la tirer vers le haut.
"Je survivrais, j'en ai pour une ou deux semaines de plus avec ce truc autour du bras, ensuite c'est rééductation et bien entendu, je dois rester le plus loin possible de la salle de sport, ordre du médecin de ma mère, tout ça tout ça..." Le résumé que tu lui fais est faussé, et sorti avec le plus de nonchalance et de légèreté possible, mais encore une fois, le coeur n'y est pas. À croire que tu es fatigué de ta propre bêtise, et tu ne sais pas si tu as envie que Charlie pose davantage de questions ou au contraire ne s'inquiète pas pour toi. Probablement la dernière option, la dernière chose que tu veux c'est qu'elle se fasse du soucis à ton sujet, personne ne mérite d'avoir sa journée ruinée à cause d'Edgerton Price. "Mais assez parlé de moi, comment ça va toi ?" C'est elle qui doit faire la conversation, elle a plus de bonnes nouvelles que toi, et pour le coup, tu as grand besoin de bonnes nouvelles. Tu commences à en avoir assez qu'on te regarde comme si tu étais une bombe à retardement comme le fait parfois ta mère, qui ne sait probablement si son seul fils sera capable de fonctionner comme une personne normale un jour. Et tu adoreras lui répondre oui, mais les choses ne sont pas aussi simples.
Tu choisis volontairement d'ignorer cela et te concentres sur Charlie, et la vie qui grandit chaque jour dans son ventre. Si ça ce n'est pas positif, tu ne sais pas ce qui l'est. "Désolé de te l'annoncer mais tu prends encore plus de place que la dernière fois.... Et je dis ça de la manière la plus affectueuse du monde... Donc ça veut dire que c'est pour bientôt ...?" Toi, subtile ? Absolument pas, mais au moins le son de ta propre bêtise te fait sourire, et c'est un sourire qui reste en place cette fois-ci. "Et en parlant de mes vacances, je t'ai ramené quelque chose de la Thaïlande, trois fois rien, mais faudra que tu passes chez moi le récupérer ou que je te le donne... Quand je serais remis."

Il a la mine plus fermée qu’il ne l’a jamais eu et cela pousse Charlie à davantage se soucier de lui, son boxeur qu’elle n’avait en aucun cas eu l’occasion de voir dans cet état là. Le problème n’est pas de savoir ce qu’il s’est passé ou continue peut être de se passer dans sa vie, elle cherche seulement à lui redonner son sourire. Il mérite de sourire, Edge, il mérite d’hausser la voix sur ceux qui jouent aux cons dans la salle, il mérite de se moquer de Charlie et de ses choix d’eau fruitée absolument immondes. Il ne mérite pas d’être collé dans une salle d’attente, et elle n’a pas besoin de le connaître depuis bien longtemps pour savoir qu’il déteste ça.

Elle se voit en lui et ça lui brise le coeur, ce besoin qu’il a de paraître aller bien, de paraître fort. C’est un effet de miroir déstabilisant et si lui laisse rapidement son sourire s’envoler, la blonde tient à garder le sien assez fort pour eux deux. Alors elle le laisse prendre son temps, elle ne franchit aucune limite, elle ne force à rien. Il dit ce qu’il veut, il aborde les sujets qu’il veut. Ils ont créé cette règle là sans avoir à poser de mots dessus, cela s’est fait très naturellement entre eux. La gorge serrée, la blonde se contente d’hocher la tête après avoir entendu la liste des ordres reçus par Edge, ceux qu’il semble avoir hâte d’outrepasser. ”Tout ça tout ça …” Elle reprend pour essayer de le rassurer, de lui prouver que les raisons n’ont que peu d’importances, que sa mère peut dire tout ce qu’elle veut que ça n’aura aucune sorte d’importance. La seule priorité reste sa santé et son bonheur à lui, lesquels semblent avoir été compromis dans un laps de temps affreusement bien trop court.

"Mais assez parlé de moi, comment ça va toi ?"

Bien sûr qu’il allait lui renvoyer la question, tenter de parler de lui au minimum parce qu’il ne pense pas être un sujet assez intéressant ni même assez joyeux. Elle est tiraillée entre laisser le sujet dévier vers elle ou davantage chercher à l’aider comme il l’a fait avec elle dans le passé. C’est un tout ou rien, ça l’effraye. Les deux issues semblent être les mauvaises parce que dans une comme dans l’autre il ne retrouvera pas sa joie de vivre avec un simple claquement de doigts.

Finalement il prend la décision pour elle, enclenche la conversation sans qu’elle ne trouve quoi répondre. Il la fait sourire, il la fait rire. Il parle comme Matt et c’est un beau compliment, à ses yeux, d’être aussi investi que maladroit, aussi intéressé alors que ça ne le regarde théoriquement en rien. Il ne connait Charlie que depuis quelques mois et les femmes qui tombent enceintes sont nombreuses, même dans les clubs de boxe. ”Tu m’as vraiment ramené un cadeau ? Et c’est la dernière chose que tu annonces ?” Le fait qu’elle soit vexée, elle le joue à la perfection, cette bouche qui forme un “o” de surprise, ses sourcils qui se froncent. C’est artificiel au possible mais ça la fait rire, comme sûrement beaucoup trop de choses dans ce monde. La surprise, cependant, est bien réelle. Elle ne se pensait pas assez importante pour qu’il pense à elle alors qu’il est à l’autre bout du monde, alors qu’il a sûrement tout un tas de trucs à faire et à penser qui n’ont rien à voir avec elle. L’étonnement est aussi vrai que l’émotion dans sa voix, même pour un simple objet ramené dans sa valise, peu importe ce que c’est. Il a tout simplement pensé à elle et ça lui réchauffe le coeur. ”Je pourrai passer chez toi quand tu veux. Je te laisse le temps de ranger quelques cadavres et autres preuves disséminées de ci de là.” Impossible de relever le “quand je serais remis”, ça lui fait un trop gros pincement au coeur. Il ne mérite pas qu’elle s’attarde sur ses problèmes passagers, il a bien plus à offrir. Elle le sait et lui aussi.

”Si par tout ça t’essayes de me dire que j’ai grossi et pour te rattraper aux branches tu tentes de conclure que le bébé arrive bientôt … T’es pas si maladroit que t’en as l’air.” Respire Edge, je ne vais pas te juger. Tout ira bien, c’est juste une mauvaise passe. Regarde moi dans les yeux, Edge, t’as rien à perdre et tout à gagner. ”T’as encore trois mois, après ça retiens toi de dire que j’ai grossi.” Elle dit n’importe quoi, elle s’en fout de parle d’elle. Tout ce qu’elle veut c’est l’occuper, lui montrer qu’il n’a pas à parler de tous ces sujets qu’il ne semble pas vouloir aborder. Et c’est okay, et c’est normal. T’es humain, Edge.

”Tu t’ennuies pas trop ici ? Je reviens souvent, on va me donner la carte abonnement. Je peux revenir avec le Monopoly édition Simpson et même si là ça vend pas du rêve je te promets que c’est plus drôle que ça en a l’air. Sinon y’a l’indéfectible Uno mais faut me laisser gagner sinon je fais la gueule pour la journée.” Elle l’a vraiment, rangé quelque part et poussiéreux, ce foutu jeu. Elle pourrait passer ses journées ici si ça le faisait se sentir mieux, si ça lui faisait oublier qu’il n’était pas contraint de rester coincé comme un rat. C’est son cadeau à elle, bien moins exotique mais peut être un minimum utile.

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Dans un univers parfait, Charlie n’aurait pas dû te voir ainsi, à dire vrai ; personne n’était censé te voir comme ça. Sur la touche, avec un bras dans le plâtre et plus brisé que jamais. Il faut dire que tu es devenu un expert quand il s’agit de cacher tes cicatrices et tes propres problèmes et faire comme si… Comme si tout était très simple et que tu n’avais pas un énorme poids sur les épaules et dans le fond, dans le cœur. Il faut bien l’avouer, tu fonctionnes de cette manière depuis tellement longtemps, c’est la seule manière de vivre que tu connais. Tant pis si cela est un peu cliché, cela reste la vérité telle que tu la vois et tu la conçois. Et non, le but n’a jamais été de feindre tes sourires devant la jeune fille ou de faire semblant, ce n’est pas vraiment la relation que vous avez construite, il faut le dire, pas quand tu as essayé d’être là pour elle et de lui apporter un semblant de soutient et de repère. Pourquoi ? Car tu sais ce que cela fait d’être perdu mieux que quiconque. Cependant, les mots de la future mère sont un brin rassurant et une partie de toi est contente qu’elle n’insiste pas outre mesure, tu réalises que si les rôles avaient été inversés, tu aurais fait la même chose, tu lui aurais offert une issue de secours, des distractions … D’autres moyens de noyer sa peine et de ne penser à absolument rien. Tu lui lances un clin d’œil, parce que tu es toi et que tu ne peux pas vraiment t’en empêcher face à sa réaction initiale, les mots quittant déjà tes lèvres. "Hey ouais je t’ai ramenée un cadeau … Quoi, tu pensais vraiment que j’allais m’envoler à l’autre bout du monde et ne pas penser à toi ? …"
Tu aurais dû la prévenir que tu es un ami généreux et encore plus à l’approche des fêtes de fin d’année, non tu n’es pas de ceux qui dépensent des fortunes et se ruinent pour leurs proches ; les gestes les plus simples sont les meilleurs selon toi et te ressemblent un peu plus. Tu as ramené quelque chose pour Charlie, mais également Ariel, Yasmine et quelques collègues avec qui tu t’entends bien à la station de police… ce qui fait une liste assez longue maintenant que tu y penses. "Très drôle, mais tu apprendras très vite que lorsqu’il s’agit de mon propre espace, je suis du genre légèrement maniaque donc. Je vis avec mon cousin en ce moment mais Paul s’entend très bien avec tout le monde donc aucun souci à se faire." Que tu réponds quand la jeune fille t’indique qu’elle pourrait passer chez toi, vous n’avez jamais fait cela, vous vous êtes contentés de la salle de sport, de faire quelques magasins et son lieu de travail à elle, mais jamais chez toi. Un bon cap à franchir selon toi. Et non, tu ne te serais jamais permis de dire que Charlie est grosse, elle est enceinte, une différence importante et elle finit même par t’arracher le début d’un rire tandis que tu hausses les épaules.
"J’essayais en effet … mais ouais trois mois." Elle dit cela avec une sérénité certaine et tu croises son regard, un peu fier de la voir aussi calme, pas de doute que si on t’annonçait que tu serais père dans trois mois, tu serais légèrement paniqué. Et à regretter chacun de tes choix. Disons qu’en théorie tu veux des enfants, une petite famille avec la maison propre et rangée qui va avec… En pratique, tu te demandes de plus en plus si tu es vraiment fait pour tout cela au final. Mais pas besoin de penser à tout cela maintenant… "T’es celle qui porte un enfant, je devrais poser des questions et te demander comment tu vas, si tu as besoin d’aide pour préparer quoi que ce soit, ou même te dire de ne pas hésiter à demander de l’aide pour les prochains mois. L’offre est toujours là hein…" Bras en moins ou pas, tes propres problèmes ou non, tu ne veux pas que Charlie te voie pour moins que ce que tu as toujours été, celui qui peut l’aider à se relever en cas de besoin. C’est toujours toi, c’est ce que tu fais de mieux qu’on se le dise, aider les autres est tellement ancré dans ta personnalité que si tu ne le faisais pas, tu perdrais encore plus le contrôle. Tu pousses un dernier sourire, essayant malgré tout de rester positif.
"Mais si je dois être franc, j’ai merdé, je n’ai pas forcément envie d’en parler. Donc du moment que tu ne me demandes pas si je vais bien eh bien … je ne te mentirais pas…" C’est bien le seul compromis que tu peux offrir dans l’immédiat.

Ils ont pris pour habitude que de se tenir au courant des faiblesses de l’autre sans pour autant ne jamais en parler d’aucune manière que ce soit. Edge connaît les conséquences de sa relation avec John mais il n’en connaît pas la cause. Elle connaît les conséquence de ses actes à lui mais pas la cause. Pour le moment, l’heure n’est pas encore venue aux révélations et elle l’accepte sans jamais le juger. Aujourd’hui elle serait capable de lui parler de la relation destructrice qu’elle a connu il y a quelques mois de ça mais les blessures qu’il lui montre contre son gré sont loin d’être cicatrisées, elle comprend qu’il ne soit pas capable d’en parler. Ce ne sera pas elle qui le forcera à quoi que ce soit, surtout pas après qu’il ait été aussi patient et doux avec elle pendant de si longs mois. ”Pour une fois que tu avais l’occasion de ne pas entendre ma voix bourdonner en écho au fond de ton crâne …” Joueuse et surtout peu certaine d’elle, Charlie n’arrive toujours pas à accepter qu’il ait pu prendre la peine de penser à elle alors qu’il était en vacances et encore moins qu’il ait pris le temps de lui trouver un souvenir. Un sourire se dessine pourtant sur ses lèvres pour marquer l’amusement de ses mots. Elle le remerciera avec de véritables mots bien plus parlants lorsqu’il lui donnera le cadeau en question, lequel elle se vantera à qui veut bien l’entendre à propos de sa provenance. ”Avoue, t’as pensé à moi quand t’as eu mal aux oreilles pendant les cent mille heures de vol ?” Un clin d’oeil pour un clin d’oeil, deux éternels enfants perdus dans le monde de l’âge adulte.

Son ami lui apprend des faits nouveaux à propos de sa vie et elle l’écoute d’une oreille attentive, notant mentalement chacun de ses mots, notant et catégorisant chacune des informations. Chaque mot et chaque intonation est importante, elle met un point d’honneur à comprendre au mieux les personnes qui l’entourent, encore plus ceux qu’elle apprécie. Edge a su se faire une place dans ces deux cercles pourtant paradoxalement plus restreints depuis quelques mois. ”J’avais toujours eu tendance à te croire âme solitaire, mais si vous ne vous entre-tuez pas je pense que vous formez donc un bon duo.” Les raisons de l’emménagement ne la regardent pas, peu importe qu’elles viennent de lui ou de son cousin. Encore une fois, il s’agit de sa privée et elle est assez reconnaissante qu’il ait déjà partagé l’information à propos de sa colocation. Chacun dit ce qu’il a envie de dire, telle est la règle qu’ils ont instauré sans n’avoir à utiliser aucun mot. ”Je serai sage. Je ne te ferai pas honte.” Elle termine dans un sourire, s’exprime comme si elle allait rencontrer la Reine d’Angleterre en personne et à ses yeux c’est tout comme. La blonde sait bien qu’il sous entendait plutôt le contraire, que son cousin était quelqu’un de tout à fait normal ; mais il est bien plus aisé pour la jeune femme de rire d’elle même pour calmer les inquiétudes grandissantes.

Lorsqu’il rigole, lorsqu’elle réussit à lui arracher un sourire au milieu de toutes ces odeurs synthétiques, alors elle pense avoir tout gagné. Elle a tout gagné, parce qu’au moment où elle a croisé dans cette salle d’attente elle s’était seulement mise en tête d’égayer son passage ici. ”Je sais, je sais. Merci.” Sa tête hoche doucement et ces cils battent pour accentuer ses paroles alors qu’il lui propose ses services pour l’aider avec l’enfant à venir. Elle a la chance d’être entourée et d’avoir des personnes sur lesquelles elle sait qu’elle peut compter, et encore une fois, Edge en fait parti. Elle fera de son mieux pour être complètement autonome mais en cas de besoin elle sait qu’il sera toujours là.

”Tu as mal ?”

Elle ne lui demandera pas comment il va, elle ne le fera pas mentir, elle ne fera rien qui irait contre sa volonté. C’est promis. Ca et tout ce qui l’arrange, elle saura être une oreille attentive sans lui demander de parler de quoi que ce soit, comme lui l’a si bien fait en son temps. Mais elle a au moins besoin de savoir ça pour jauger la gravité de la situation, pour tenter de rassurer la maman qui se trouve déjà au fond d’elle. Elle a abandonné son sourire pour opter pour l’expression la plus inquiète et attendrie de la Terre. ”Pardon.” La blonde se reprend la seconde qui suit, jugeant sa question trop intrusive. ”On n’en parle pas.” Ne pas en parler pour ne pas avoir à mentir. ”L’oeil au beurre noir. Quand on s’est connus. C’était mon petit ami de l’époque. Je ne te dis pas ça pour que tu réagisses d’une quelconque manière ou que tu me dises quoi que ce soit en retour. Tu mérites simplement de savoir, maintenant.” La jeune femme esquisse un sourire en coin pour dédramatiser ses paroles et lui assurer que tout va pour le mieux aujourd’hui, les mains protectrices placées autour de son ventre. ”Tu me laisseras une place pour que j’écrive un mot sur ton plâtre ? Rien de gênant, promis, seulement mes talents de dessinatrices à revoir.”

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Le rire qui t'échappe, un peu grâce à la blonde est plus que sincère, et c'est un peu comme si tu arrivais enfin à respirer après des jours avec la tête passée sous l'eau. Des jours à naviguer en plein brouillard et à espérer trouver une bonne raison de ne plus avancer dans la brume, une bonne raison d'aller mieux et de sortir. Les mots de beaucoup sont ancrés dans ta mémoire, ceux qui ne veulent pas te voir flancher, qui ont promis de t'aider à te révéler et d'être là, et dans un sens, il est rassurant de ne pas se savoir complètement seul et démuni. La légère anxiété que tu peux lire sur le visage de Charlie vient s'ajouter à cette liste et tu le ranges dans un coin de ton esprit, te disant qu'également et en très peu de temps, elle a réussi, à sa manière, à laisser une trace dans ta vie et tu t'en voudrais véritablement de la décevoir ou de ne pas être là au bon moment.
Ce genre de sentiment n'a absolument rien de rationnel, ce n'est pas logique, tu ne le contrôles pas vraiment mais c'est suffisant pour profiter de la compagnie de la jeune fille, le coeur léger, à repousser tes problèmes un peu plus loin, et te dire que tu seras un peu plus adulte et mature... Plus tard. Pas maintenant, qu'on t'accorde une pause, que l'univers tout entier t'accorde une pause et te laisse respirer en fait. Tu l'as bien mérité, tu t'es assez agité pour le moment, tu as essayé de jouer les héros, d'avoir les épaules plus larges que tu ne les as jamais eues, ce plâtre, c'est bien la preuve que ce rêve était complètement futile et que tu es humain avant tout. Tu as besoin de t'appuyer sur les autres autant qu'ils ont besoin de se reposer sur toi, et l'admettre ou le réaliser n'est pas un signe de faiblesse, bien au contraire. Et peut-être que oui, les mots de Yasmine commencent à vraiment prendre tout leur sens.
Tu choisis de ne pas y penser maintenant, tu réserveras ta petite épiphanie pour plus tard et en présence de l'infirmière, tu réponds plutôt à Charlie. "Toi ? Me faire honte ? Non ne t'inquiète pas, je fais ça très bien tout seul. Et te prends pas la tête hein, si je t'invite chez moi ce n'est pas pour te faire passer une sorte de test hein... On a déjà établi que je t'aimais bien." Tu ponctues ta phrase par un léger clin d'œil, le ton un brin joueur, mais l'émotion derrière chacun de tes mots est bien là. Il est facile de rentrer dans ta vie, il suffit d'une blague, de te croiser à la salle de sport ou même de te complimenter sur ta voiture, cependant, il est encore plus difficile d'y rester. Tu as toujours été loyal et quelque peu envahissant, lorsque tu t'attaches à quelqu'un, c'est pour de bon, il suffit de voir ta relation avec Ariel. Ou le simple fait que même après ta rupture avec Yasmine, même après cet épisode plus que désastreux dans vos vies respectives, tu as toujours été incapable de tourner la page et que tu as tout fait pour garder le contact, et maintenant vous êtes vraiment amis. Pour de bon. Il en va de même pour Charlie, c'est une autre pièce rapportée pour compléter le puzzle et désormais, il n'est plus question de la laisser sur la touche, ce n'est pas une option.
Tellement pas une option que les prochaines confessions de la blonde, il te faut un moment pour les entendre et encore plus pour en saisir tout le sens. Votre rencontre remonte à une éternité, tu as un peu l'impression qu'elle te parle d'une autre vie, d'autres gens, des reflets dans un miroir qui est désormais est plus que brisé. Oui, la première fois que tu as posé le regard sur Charlie, sur ses cicatrices à elle, tu as pu lire l'histoire racontée par les marques et tirer tes propres conclusions. Tu ne pensais pas qu'elle ferait un tel aveu un jour. "Viens par là." C'est plus fort que toi, tu attends qu'elle se rapproche, glissant sur les chaises en plastique et peu confortables de l'hôpital, et tu passes ton bras valide autour de ses épaules pour la serrer contre toi dans une étreinte improvisée. Pendant quelques secondes, cela semble être la meilleure chose à faire, la seule chose à faire d'ailleurs, car tu ne peux pas vraiment retourner le temps et essayer de faire en sorte que rien ne lui arrive, tu es là maintenant et même dans ton état physique présent, tu peux tenter, essayer, faire de ton mieux pour le protéger.
"Je m'en doutais pour tout te dire, mais la confirmation n'est pas plus agréable à entendre." C'est à ton tour de faire des aveux, il te semble, le menton légèrement reposé sur les mèches blondes de la future mère. Tes doutes sont confirmés, et certains auraient pu manquer les signes, mais pas toi, tu as trop vu ce genre d'histoires au commissariat, tu t'es même chargé d'en documenter certaines et pas en ayant l'esprit tranquille, c'est certain. Aucune femme ne mérite cela et encore moins celle de ton entourage proche, tu en es convaincu.
Tu prends une profonde inspiration, pour repousser le plus loin possible un élan de colère et de pure destruction, te disant qu'il vaut mieux que tu ne croises pas cette personne. C'est bien pour cela que tu romps légèrement le contact, te redressant un peu et ton regard croisant de nouveau celui de Charlie. "J'espère qu'il ne fait plus parti de ta vie, Charlie, vraiment. Parce que crois-moi, bras dans le plâtre ou non, je peux toujours remettre n'importe qui à sa place, et ce, sans que tu aies besoin d'en faire la demande explicite." Et c'est tout ce que tu ajouteras sur le sujet, mais l'offre est là, la menace flotte dans l'air, juste là, amenant également son lot de tension. Car que Charlie ne se leurre pas, on ne fait pas ta taille ou ta carrure si on n'est pas prêt à régler ses comptes d'une certaine façon et à rendre les coups. Au centuple d'ailleurs, et Charlie t'a déjà vu à l'oeuvre, sait de quoi ces poings sont capables, et certes, pour le moment, ils sont au repos, mais il suffit d'un seul mot de sa part pour qu'ils reprennent du service. Mais tu changes tout aussi rapidement de sujet, pour que l'ambiance redevienne un peu plus légère. "Et bien sûr que tu pourras dessiner sur mon plâtre, laisse de la place pour mon neveu et ma nièce, ils viennent demain avec les feutres et tout ce qu'il faut." Elle pourra les rencontrer s'il elle le souhaite, les jumeaux de Paul ont déjà fait une forte impression auprès du personnel hospitalier de ton étage. Ton attention dérive sur le plâtre justement, avant qu'un autre rire ne t'échappe. "On n'est vraiment pas doués en fait maintenant que j'y pense." C'est un doux euphémisme de ta part. "Je ne vais vraiment pas te mentir, ce n'est pas ma meilleure semaine, je ne suis pas forcément content d'être là, mais... Je vais essayer d'aller de l'avant. Il le faut, je ne peux pas rester coincé, ce n'est pas ce que je suis. Et puis je ne veux pas que tu t'inquiètes pour rien ..."  

Il est rapidement devenu un grand frère à ses yeux et il joue ce rôle à la perfection, comme s’il avait été créé pour lui comme il en a été de même pour Matt. L’année qui vient de s’écouler lui a fait rencontrer ces deux hommes que tout oppose, lesquels elle ne souhaite désormais plus jamais voir repartir de sa vie. Ils ont été là quand elle en avait besoin et depuis elle fait de son mieux pour lui rendre la pareille, pour être un minimum utile dans leur vie parce qu’ils méritent de recevoir à leur tour. Edge lui fait signe de s’approcher et elle ne se fait pas attendre, venant calmement s’asseoir sur le siège près de lui, déposant sa tête sur son épaule en même temps que lui entour son bras autour d’elle. Charlie retient le maximum de son poids pour ne pas prendre le risque de lui faire mal mais ferme quand même les yeux, à l’aise et rassurée quand elle est à ses côtés, même si le sujet abordé est encore douloureux.
Elle se dégage dès qu’il relâche son étreinte, ne cherche pas à quémander plus d’attention que nécessaire. Ses yeux se posent sur son plâtre alors qu’il souligne son existence mais elle hoche vivement de la tête à la négative lorsqu’il parle à son tour de se venger et de faire justice, comme beaucoup l’ont déjà fait avant lui. La liste de ceux qui ont voulu l’aider est longue, si longue qu’elle lui fait mal, qu’elle lui brûle l’intérieur du corps tout entier en même temps qu’elle se remémore ô combien ils ont tous souffert alors que cette histoire ne les regardait pas. Ils ont tous fait ça pour elle et se sont retrouvés dans de sales état, le cercle infernal ne doit pas commencer avec Edge parce qu’elle ne se le pardonnerait pas. ”Non. Personne ne remet personne à sa place.” Ses mots ne le disent pas, mais ses yeux le supplient. Il ne la connaît pas depuis longtemps, il ne sait rien de l’histoire, elle pourrait être en train de tout inventer pour gagner le concours de la pitié. ”Il n’est plus dans ma vie depuis ce jour là.” Elle enjolive un peu, ne parle pas de tout ce qu’elle a dû vivre pour enfin comprendre qu’il lui était nocif, mais le résultat est le même. Il n’est plus dans sa vie depuis longtemps déjà et jamais il n’y reviendra, surtout pas maintenant qu’en plus de se protéger elle même elle doit en faire de même avec son fils. Edge pourrait le mettre ko bien plus rapidement que personne d’autre mais en faisant ça il risquerait gros tout en n’ayant rien à y gagner dans cette histoire. Il n’a pas à être mêlé, il ne mérite pas de l’être.

L’autorisation de dessiner sur son plâtre aussitôt accordée, ses yeux ne lâchent plus la tâche blanche du regard et elle s’invente mille scénarios dans lesquels elle dessins sur l’endroit le plus stratégique et le plus petit possible, pour laisser un maximum de place à ses neveux. ”Ils ont quel âge ?” Question de future maman qui va aussitôt commencer à s’imaginer leur visage dans sa tête, faisant un savant mélange à partir de la seule information génétique qu’elle a : Edge. ”Tu pourrais négocier qu’ils me laissent quelques feutres ? Pour quand je reviendrai, un peu plus tard.” Loin d’elle l’idée de vouloir s’immiscer au milieu d’une réunion familiale même s’il est vrai que son visage s’est illuminé dès qu’il a parlé de mini-humains pouvant fouler le sol de l’hôpital en quête de leur oncle favori (parce qu’Edge est obligatoirement le favori, peu importe de qui est composée la famille).

Oscillant entre sujets difficiles et plus légers, il décide de se confier à son tour et elle vient poser une de ses jambes sous la chaise en même temps que sa tête sur le mur, ses yeux toujours posés sur le visage d’Edge sans pour autant ne chercher à croiser son regard. Charlie ne cherche pas à le brusquer en aucun cas, ni même à lui soutirer des informations. ”Tu as le droit d’avoir besoin de temps, toi aussi, parfois.” Les choses dont il parle restent flou, le sujet n’est pas réellement acté mais elle fait de son mieux pour trouver les bons mots avec le peu d’informations qu’elle détient. ”Et puis, si je viens te faire la discussion à propos de la pluie et du beau temps, est ce qu’on peut réellement considérer ça comme du repos ?” Les leçons de morale, ce n’est pas pour elle. Elle les a toujours entendu d’une oreille mais jamais écouté, encore moins mises en application. La seule arme qu’elle a, c’est sa capacité à faire changer le sujet de la discussion vers quelque chose de plus léger sans pour autant en oublier le but principal. ”Et je ne m’inquiète pas. Promis. Jamais.” Elle lève la main droite, solennelle, donne un peu d’envergure à cet affreux mensonge en même temps qu’elle sourit doucement à Edge, lui qui connait bien la vérité. ”T’as déjà checké où sont les meilleurs distributeurs de snacks, ici ? Parce que tu vas en avoir besoin, si deux terreurs viennent te rendre visite.” C’est une proposition pour bouger, marcher, se vider l’esprit, faire tout sauf ressasser ce qu’il n’a apparemment pas envie de ressasser.

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Quand il s’agit de protéger ta famille, que ce soit biologique ou les liens que tu as pu tisser au fil des années, il n’y a pas vraiment de limite à ce que tu es capable de faire. Et malheureusement, ton imagination est bien grande et avec un métier comme le tient, tu as pu documenter des horreurs pendant des années. Non pas que tu sois capable un jour de reproduire un tiers des atrocités dont tu as été témoin non… Tu ranges tout ça dans un coin de ta tête depuis des années et tu fermes bien la porte et n’y reviens jamais. Il n’y pas vraiment de raison de le faire, pas même pour satisfaire la curiosité malsaine de certains, non, c’est beaucoup trop important et tu fais toujours de ton mieux pour rester le plus loin possible, sur le plan émotionnel du moins, des images que tu prends.
En général, ta colère, ce qui te pousse à te lever le matin ou encore à frapper sur un punching-ball ou même sur quelqu’un, elle vient d’autre part, tu n’as jamais su d’où et tu n’as jamais cherché à comprendre pourquoi. Tu as fait en sorte de tourner les choses en ta faveur la plupart du temps, la plupart seulement, et c’est bien pour ça que tu te retrouves ici aujourd’hui, avec un bras le plâtre. Et pourtant c’est du vent tu le sais si ta route finit par croiser celui qui a gratifié Charlie d’un œil au beurre noir et probablement d’autres cicatrices que tu n’as jamais vues, les choses ne se finiront pas bien. La jeune fille insiste cependant et tu fais de tout possible pour repousser cet élan bien loin et te concentrer sur ses mots à elle, Charlie insiste, affirme qu’elle va bien et tu ne la quittes toujours pas du regard tandis que tu finis par hocher la tête et lâcher un : "Tant mieux." sur un ton qui se veut plus que convaincant. Tu la croies sur parole et tu n’es pas sur le point d’agir dans son dos, ni même d’agir de ton propre chef, non, tout ce que tu peux faire maintenant, c’est être là pour elle et s’assurer que ce genre d’incidents ne se reproduisent plus. Pareil pour l’incident qui t’a conduit jusqu’ici, dans cette chambre d’hôpital et maintenant dans cette salle d’attente.
C’est assez loin dans ton esprit et tu n’aimes pas spécialement être vague et ne pas en dire plus, ce n’est pas que tu ne fais pas confiance à Charlie, c’est juste que tu n’as pas les réponses ni les explications suffisantes et que lui mentir serait encore pire. Surtout pas quand c’est elle qui te rappelle que tu as également besoin de repos, tu as envie de lui demander si elle est de mèche avec Tamara Price -vu comment ta mère a envahi toute ta vie privée depuis son arrivée à Brisbane, ce n’est pas impossible- mais tu ne commentes pas, répondant plutôt à ses questions sur le reste de ta famille. "Ils seront ravis d’avoir de la compagnie et puis ça fera une pause à mon cousin Paul. Ils ont 11 ans maintenant, ce sont des jumeaux, la deuxième paire de jumeau de la famille Price." Tu réalises dans le même temps que tu n’as pas présenté Charlie à Paul et qu’il faudrait un de ces jours, histoire que toutes les personnes proches de toi et celles qui reviennent souvent dans tes histoires et tes anecdotes puissent s’identifier les uns les autres. Et tu ne crois pas Charlie en revanche quand elle te dit qu’elle ne va pas s’inquiéter, tu pourrais ajouter qu’il est idiot de le faire à ton sujet, après tout, tu t’es déjà remis de bien pire sauf que tu sais que ton trait d’humour vaseux serait mal interprété… Alors autant ne pas en rajouter pas vrai ?
"Et je ne sais pas si ça te rassure ou pas mais … Je vais bien…. Et puis ma mère m’a donné l’ordre explicite de me remettre alors je n’ai pas le choix." Un léger rire quitte tes lèvres à ces mots-là, tu n’en rajoutes même pas pour faire exprès ou juste parce que d’après une certaine infirmière tu es dramatique à souhait non… Tamara Price ne fait peut-être qu’un 1m60, il est clair que lorsqu’elle te donne un ordre, ou décide d’employer ton nom complet, avec le deuxième prénom, tu sais que tu es allé beaucoup trop loin et qu’il te faut remonter la pente. Et rapidement. "Une astuce que tu pourras utiliser dans quelques mois." Que tu ajoutes la seconde d’après, ne doutant absolument pas du fait que Charlie sera une excellente mère. Ton regard dérive vers la porte du psychothérapeute qui ne s’est toujours pas ouverte depuis que tu es là, juste une vingtaine de minutes tout au plus, et il est vrai que tu n’avais pas vraiment de rendez-vous … "J’attendais juste…" Est-ce qu’aujourd’hui est le jour où tu te confies enfin et parles vraiment de ce que tu as sur le cœur ? Tu n’hésites même pas avant de te tourner de nouveau vers Charlie, connaissant déjà la réponse à cette question silencieuse. "Tu sais quoi ? Ce n’est pas important, je reviendrais à un autre moment." Car cette petite initiative ne sert à rien si tu n’es pas prêt à parler, tu en es convaincu. "T’es plutôt du genre sucré ou salé ? Ou alors un peu de tout vu que tu manges pour deux."

Parler de la famille d’Edge est quelque chose de bien plus naturel qu’elle n’aurait jamais pu le penser et elle s’apaise au fur et à mesure qu’ils parlent de ses neveux et ce de manière assez paradoxale, comme si parler des parents enfants d’inconnus allaient aider le sien à devenir fort et en pleine santé à son tour - si seulement. Les informations sont précieusement enregistrées dans une partie de son cerveau pour pouvoir les réutiliser à bon escient au moment venu, pour demander si les deuxième jumeaux Price n’ont pas douze années de vie désormais et si les premiers jumeaux (lui et son frère, peut être) ont bien pensé à leur donner un chapeau chacun en les emmenant à la plage pour l’après midi tout entière. Elle pourrait très rapidement ressembler à maman Price selon le portrait que tire son fils de cette dernière alors que la blonde garde un sourire au coin des lèvres. Elle entend la pointe d’amertume dans sa voix mais elle entend aussi tout l’amour qu’il lui porte et c’est le principal, elle aurait été capable d’utiliser la même intonation de voix en parlant de sa propre mère.

"J’attendais juste…" L’attention de Charlie revient aussitôt, ses yeux s’ouvrent légèrement plus, son regard se pose dans le sien et sa respiration s’arrête un temps. Elle est prête à entendre tout ce qu’il a à dire, elle est prête à lui répondre tout ce qu’il y a à répondre et tout ce qu’il aimerait sortir de sa bouche. Elle s’est préparée à toutes les éventualités en un temps record mais cette conversation, comme beaucoup d’autres, ne connaît pas de suite. Alors elle se fait conciliante, la blonde, elle hoche doucement de la tête et attrape la perche qu’il lui tend lorsqu’il demande à changer de sujet et à s’évader d’ici. Elle n’est personne pour le forcer à aller dans un sens, encore moins si le moment n’est pas encore venu. ”Edge Price, la grossesse n’est toujours pas une excuse suffisante pour dire à quelqu’un qu’il mange pour deux.” L’humour reste la meilleure défense et ce quelque soit les circonstances, même s’il a raison de dire qu’elle mange pour deux, même si personne ne se doute encore qu’elle mange en réalité pour trois - quel enfer. Un sourire se dessine sur ses lèvres et elle se lève aussitôt, ne laissant pas le doute s’installer dans l’esprit de son ami.Aucune main ne se tend pour l’aider à se lever à son tour, déjà parce qu’avec son plâtre elle doute qu’il aurait pu l’attraper, ensuite parce qu’elle veut lui prouver qu’il n’a besoin de personne pour se débrouiller et qu’il gère parfaitement. Les plaies sur son corps ne sont que temporaires, il est fort, il s’en remettra, et de toutes les personnes qui pourraient l’aider Charlie ne ferait sûrement que le tirer vers le bas.

”Je te propose un délice de Kit Kat avec son assortiment d’Oreo, ou bieeen un suprême de chips et sa sauce … sandwich thon mayonnaise ?” Elle fait le spectacle, Charlie, devant le distributeur, à appuyer de ses doigts gras sur la vitre largement contaminée par mille microbes, à chercher dans tous les compartiments si personne n’aurait oublié quelques dollars, à faire la moue devant la rupture de stock flagrante de M&Ms. ”Même si, entre nous, l’option mayonnaise me semble risquée.” C’est la maman qui croit déjà tout savoir de la vie qui parle avec cette mine soudainement bien trop sérieuse pour que ce soit un minimum crédible. "Tu t'entends bien avec tes neveux ? Tu les vois souvent ? Et ton frère ? C'est ton jumeau, aussi ?" Paradoxalement aborder le sujet de la famille semble être le chemin le plus sage à prendre, encore plus maintenant qu'elle a ses doigts qui se posent sur chaque touche du digicode dans l'espoir qu'un quelconque aliment vienne à tomber sans qu'elle n'insère une pièce.

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Pour être franc, tu ne sais pas ce que tu attendais, tu ne sais pas ce que tu fiches ici, tu ne sais pas pourquoi ce jour-ci et pas un autre. Cela parait totalement stupide et franchement arbitraire et… non, tu n’es pas prêt à parler. Si tu es prompt à te laisser distraire par Charlie, c’est que ce n’est pas le bon moment. Tu ne sais pas quand le bon moment finira par arriver, le redoutes un peu dans un sens et... Qu'on te reproche de fuir dans un sens. Ces choses-là ne sont faciles pour personne et encore moins pour toi, tu n’es pas un livre ouvert, ne l’as jamais vraiment été et revenir en arrière ne fait pas partie de ta mécanique bien huilée. Tu fonces, tu avances droit devant la plupart du temps sans jamais te retourner, car ce sont le plus souvent les pauses qui sont le problème, les moments d’hésitations certaines, ce sont eux qui finissent par emporter le pas sur la raison.
Mais pas aujourd’hui, tu te concentres sur Charlie plutôt que sur cette porte, relèves son trait d’humour, comprends très bien qu’elle fait exprès, qu’elle cherche à être la distraction parfaite et tu pourrais la remercier pour cela, ou, si tu étais plus maître de tes mouvements, la prendre dans tes bras. La première fois que vos chemins se sont croisés, tu as tenté d’être une ancre pour elle, un point d’attache sur le monde réel pour qu’au contraire, elle ne se laisse pas distraire par ses sombres pensées. Il semble que les rôles soient inversés aujourd’hui. Tu reviens donc à la réalité, justement, parce que tu as besoin de le faire, la gratifiant d’un léger coup d’épaule avant de répondre. "Oui, mais. Je ne vais pas finir cette phrase sinon tu auras de vraies raisons de m’en vouloir ou de m’en mettre une." Que tu conclus avec un léger sourire. "Comme je t’ai appris en plus, et ça pourrait faire mal." Chose qui n’est pas vraiment recommandée dans ton état.
Tu es content qu’elle te suive jusqu’au distributeur sans plus de questions, tu n’as pas envie de lui mentir, non pas à Charlie, mais tu n’as pas envie de t’étendre sur le sujet plus que nécessaire… Tu fronces les sourcils face au choix de la future mère, te demandant si elle plaisante encore ou si elle est sérieuse. "Ugh… l’option thon mayonnaise doit être plus que risquée en effet et … laisse-moi choisir merci." Que tu déclares avant de sortir quelques billets de la poche arrière de ton jean, billets qui t’ont été donnés par ta mère pour cette occasion précisément. Tu choisis le paquet d’Oreos, ainsi que deux paquets de Skittles, récupérant le tout et partageant déjà ton butin avec Charlie. "Oui, je m’entends bien avec eux, en même temps, je suis adorable. Et je les vois encore plus souvent maintenant que leur père vit avec moi donc…. Tiens." Les Skittles c’est quasiment sacré dans ton univers, et Paul pourra confirmer que tu laisses trainer des paquets dans votre domicile commun, et ce, jusqu’à ta chambre à coucher.
"Et nan, je n’ai pas de frères, les premiers jumeaux, ce sont mes cousins, Camille et Louis. Et ensuite, la deuxième paire, c’est les enfants de Paul. Ma mère dit qu’un de nous quatre donnera naissance à la troisième paire de jumeaux Price, mais j’en doute." Tamara aime bien parler du futur de la famille après un ou deux verres de vin, ce qui est sa limite et c’est toujours après qu’elle sort son appareil photo. Toi, tu en as l’habitude alors tu ne t’offusques pas, te disant qu’elle parle sûrement des enfants de Camille ou de Louis. Clairement pas des tiens. "Mais on s’entend bien… Assez bien pour se supporter au repas de famille sans que cela ne termine en bain de sang." Les seules sources de disputes sont plus souvent les choix de musique ou de films, en dehors de cela, vous êtes soudés. "Et toi ? Ta famille…. Ils sont au courant de ta grossesse ?" Tu poses la question, légèrement curieux.

Chacun s'avère être un baume pour l'autre quand il en a le plus besoin sans que personne n'ait à demander quoi que ce soit et c'est peut être ça, leur super pouvoir d'équipe du tonnerre, finalement. Elle lui fait oublier le pire et lui se contente de rester égal à lui même et par conséquent parfait aux yeux de la blonde qui l’admire désormais tant. Il était un inconnu il y a peu de temps encore mais il a rapidement su se frayer une place de choix jusque dans son coeur et surtout y rester, ce qui est bien plus complexe que n’importe quoi. Edge Price comme beaucoup à ses yeux, il est le grand frère qu’elle n’a jamais eu et à en croire ses paroles elle peut aussi très bien jouer le rôle de la petite soeur qu’il n’a jamais connu non plus. Il la protège et elle fait de son mieux pour passer d’un problème à un autre avec une facilité déconcertante : cela semble plutôt bien leur correspondre, cette dynamique bien huilée.

Pour le moment pourtant ce sont des pactes silencieux qui se concluent devant le distributeur, entre des paquets de Skittles et d’autres tout aussi gras de chips. Aucun des deux ne s’en offusque ni ne s’y oppose, pourtant, surtout pas la blonde qui est la première à plonger ses doigts dans le paquet de dragées et en ressortir une poignée entière de laquelle elle trie les bonbons selon ses couleurs préférées (les couleurs, pas même les goûts). Elle s’occupe et garde la bouche pleine alors qu’il distille quelques nouveaux de détails de plus sur sa vie et qu’elle se fait fureur pour ne pas lui poser mille et une questions en rapport avec cette dernière. Il a l’air d’avoir repris des couleurs, il a l’air d’aller bien et parfois oui, elle peut se contenter d’un “avoir l’air de” quand il montre une nette et rassurant progression. Edge ira mieux, il a seulement besoin de temps. Tout le monde en cherche à un moment ou à un autre, il ne fait pas exception à la règle. Il a le discours typique du fils un peu trop choyé par sa mère, conclusion hâtive de la part de Charlie qui la laisse souriante face à cette surdose d’amour de la part de sa génitrice. Il est bien entouré, c’est la conclusion qu’elle gardera de toutes ces paroles. Il a ses cousins, il a ses neveux, il aura peut être une nouvelle paire de jumeaux d’un côté ou d’un autre du tableau et ça aussi ça le rendra heureux, elle n’en doute pas. Il est fort, Edge, il saura rebondir, il saura continuer à panser ses plaies seul quand le monde entier le pensera guéri. Il est fort et jamais elle n’a douté de ça, pas pendant une seule seconde de son existence brève mais ô combien mouvementée à ses côtés.

Ils finissent par trouver le coin le plus confortable de l’hôpital, celui où les chaises ont des petits coussins supposés en faire oublier le métal froid et sans vie de la salle d’attente. Ils devront s’en contenter et elle fait de son mieux pour vendre l’endroit comme un nouveau paradis, en faisant des tonnes, en gesticulant pour lui présenter chaque objet et en l’entourant de mille énumérations et hyperboles pour au moins tenter de le faire sourire. "Et toi ? Ta famille…. Ils sont au courant de ta grossesse ?" A son tour, un rire nerveux s’échappe de sa bouche sans qu’elle ne puisse le contrôler. Il est bref mais bien existant, preuve que ses propres plaies sont loin d’être pansées. ”Tout va bien pour moi ne t’en fais pas. Ils savent tous.” Et depuis l’annonce de sa grossesse à sa mère elle ne lui a pas reparlé mais ce n’est pas une histoire qu’elle souhaite raconter pour le moment. Elle ne s’en porte que bien mieux maintenant, de toute façon.

Regroupant ses jambes sous ses cuisses, volant des Skittles à même le paquet d’Edge une fois le sien terminé, elle finit par doucement laisser sa tête tomber sur l’épaule de son aîné au fur et à mesure que leur conversation sans queue ni tête continue. Ils n’ont pas besoin de parler de sujets existentiels pour s’entendre et il y a sûrement eu assez de confession pour une seule journée, ils peuvent très bien profiter du soleil se couchant doucement derrière la baie vitrée face à eux et commencer à prier pour que demain soit un meilleur jour.