”Et toi tu l’es déjà.” Ennuyante, Freya, ennuyante jumelle qui parle trop en temps normal, encore plus quand elle est saoule. Ennuyante jumelle pas foutue de garder ses clés sur elle, ennuyante femme qui les force à aller un étage au dessus demander de l’aide à leur aîné qui l’est tout autant. Foutue famille pas fichue de le suivre dans ses idées, seulement présente pour lui faire la morale alors que pour une fois dans sa vie il cherchait seulement à rejoindre son lit pour dormir. Pour une fois qu’il voulait faire quelque chose de pas trop con, le Doherty, voilà qu’on l’en empêche. Et après ils oseront se plaindre, ils oseront dire qu’il est le pire de tous, ils oseront dire qu’il est la source de tous leurs problèmes.

Wren fait son rabat joie en troquant l’héroïne pour l’aspirine, Freya se croit en pleine représentation dramatique en prenant toute l’attention pour elle - comme si ça changeait quoi que ce soit à d’habitude. Elle tient le rôle de la jeune femme alcoolisée à merveille : pas foutue de parler, pas foutue de marcher, une tentative d’assassinat sur le chat qu’elle défendait une seconde plus tôt, énième déclaration d’amour à son aîné et de guerre à son jumeau. Du grand Art, du grand Freya comme ils ne la connaissent que trop bien à force de suivre ses délires depuis presque trente ans déjà. Le personnage principal de la pièce Shakespearienne file dans la salle de bain, les deux spectateurs du salon entendent le doux son de ses genoux heurtant le sol, de son front cognant le rebord et de tout ce qui peut sortir de sa bouche - merveilleux, vraiment merveilleux. ”C’ton problème, pas l’mien.” Il prévient d’avance, sans hâte aucune de devoir s’occuper d’elle demain quand elle sera fatiguée et echymosée avec sa gueule de bois. Sans doute que Tobias prévoit déjà des vacances express en Sibérie pour ne pas avoir à la supporter, parce qu’elle sera encore plus insupportable que lui ne peut l’être au quotidien déjà.

Un troisième spectateur les rejoints, apparemment peu ravi du spectacle (et de son odeur, surtout de son odeur) - qui ça étonne ? Freya enfonce le couteau dans la plaie, Tobias se charge de le chauffer à blanc. ”Hey m’sieur c’est le 000 pour la dénoncer aux flics, c’est elle qui fait un bruit d’enfer là.” Parce que la loyauté incomparable du cadet s’étend même aux membres de sa famille - qui ça étonne ?

Il était fatigué de toute cette histoire et là, clairement, Wren ne demandait qu'à retourner dans son lit jusqu'au matin suivant. Au moins. Bien sûr, les jumeaux n'allaient pas lui apporter la satisfaction d'une nuit de sommeil reposante parce qu'ils allaient continuer à hurler à la mort durant des heures ou... Vomir dans sa baignoire. Doherty souffla alors que Tobias lui indiquait que c'était son problème, forcément. "Elle nettoiera ses conneries toute seule, elle est majeure." Ces derniers temps, il n'était pas apte à gérer tout cela, à couver les personnes qu'il aimait parce que, justement, ils comptaient tous constamment sur lui et Wren n'était pas parfait. Loin de là même. Il n'assumait plus grand chose depuis qu'il avait perdu son boulot et qu'il essayait de trouver un nouveau sens à sa vie, vainement. Rien n'allait dans son sens et là, il aurait juste aimé, pour une fois, pouvoir être tranquille sans avoir à maîtriser les conneries des uns et des autres. S'il avait été sensible, il aurait pleuré mais même cela, il n'y arrivait pas vraiment. Alors, il resta là un temps, sortant une clope alors que le voisin venait gueuler conte Freya, que Tobias en rajoutait une couche. Tout cela, ce n'était plus son problème et il espérait bien le faire voir. Il n'était plus l'homme de toutes les situations, il était tout l'inverse et peut être qu'il se laisserait tenter par le reste de coke dans le tiroir de sa commode, allez savoir. En tout cas, clope au bec, il les laissa tous se démerder comme il fallait, se dirigeant doucement vers sa chambre malgré les cris et il claqua fermement la porte derrière lui. Là, il pouvait se jeter dans son lit, se faire son rail et l'ingérer en un rien de temps avant de regarder le plafond. Qu'on lui foute la paix. Qu'on le laisse vivre. Ou bien mourir, de toute façon, c'était pareil maintenant.

Ils parlent comme si elle n’est pas là, comme si elle n’est qu’une gamine et qu’elle n’est pas assez grande ni pour les entendre, ni pour les comprendre et encore moins pour prendre soin d’elle. Freya n’est un problème pour personne d’autre qu’elle parce que c’est elle qui vit en colocation avec elle-même - logique implacable. Qu’ils se renvoient la balle la concernant elle la pique sérieusement, autant dans sa mauvaise humeur qui ne va pas tarder à éclater que son pif qui tourne court face à l’alcool ingurgité. Elle veut bien se faire étrangler par son jumeau mais se faire traité de gamine, qu’ils aillent se faire foutre. Eux deux, autant qu’ils sont.

Pourtant, la distraction apparait dans l’état du voisin qui débarque, qui sonne comme un malade - deux coups de sonnette, c’est déjà deux coups en trop pour son cerveau en pls total. « Hey m’sieur c’est le 000 pour la dénoncer aux flics, c’est elle qui fait un bruit d’enfer là. » Alors Freya tente d’appeler la cavalerie à la rescousse mais évidemment, Tobias l’enfonce un peu plus en la dénonçant totalement - pas une surprise - et Wren répond en claquant la porte de sa chambre - totalement prévisible. Ils font chier et Freya commence à avoir les doigts qui s’agrippent à la porte parce que hey, elle commence à être sérieusement gonflée. Okay, c’est de sa faute s’ils en sont là et alors ? Parce qu’ils sont blancs comme neige, eux, peut-être ? La suédoise soupire avant de serrer les dents. Non, elle ne fera pas plaisir à Tobias en lui foutant son poing dans l’épaule ou son pied dans le tibia encore une fois. Elle vaut mieux que ça - c’est en tout cas ce qu’elle essaie de se dire car la tentation n’est quand même pas très loin. « C’est bon, ta gueule, Tobias. » Freya se tourne vers le voisin d’un geste las. « On fait rien d’mal, ok. Appeler les flics si ça vous chante mais c’est vous qu’s’rez ridiculisé, pas nous. » La blague. Avec ce qui doit trainer dans les environs de l’appartement, ils auraient gagné leur soirée, les flics.

Freya finit par claquer la porte au nez car elle a perdu patience en se tournant vers son jumeau pour le foudroyer du regard. « Vous faites chier, toi et l’autre con qui a rien trouvé d’mieux qu’d’aller se terrer dans sa chambre ! » Pour le coup, elle se met à crier pour que le con en question l’entende - et elle sait qu’il l’entend. « Compter sur la famille, quelle belle connerie, p’tin ! Bande d’enfoirés de branleurs qui foutent rien d’la journée que d’s’en foutre dans l’pif ! » Freya se dirige dans la cuisine serrant ses mains entre elles parce qu’elle est énervée et qu’elles tremblent, ces connasses. Il n’en faut pas beaucoup pour que le sang irlandais du père réagisse dans les veines - oui voilà, le sang irlandais. C’est ça qui provoque cette réaction. C’est bien, comme excuse ça. Et c’est aussi à cause de ça que la cadette balance un verre par terre de rage avant d’en prendre un autre. Pour de l’eau. Raisonnablement. Pour changer.

« Vous faites chier, toi et l’autre con qui a rien trouvé d’mieux qu’d’aller se terrer dans sa chambre ! » Elle hurle, elle gesticule, elle fait trop de bruit alors qu’elle pourrait simplement mourir en silence, Freya. Tobias vient de décider qu’il n’a plus envie de jouer à quoi que ce soit ce soir et l’attitude de sa jumelle le rend fou - encore plus que d’habitude, je veux dire. Chacun de ses nouveaux mots est une nouvelle emmerde à ajouter à la liste de toutes les autres et il a déjà assez donné pour la journée, le brun. Il ne cherchait qu’à rentrer chez lui pour profiter de quelques heures de sommeil avant de recommencer pire demain mais celle qui partage son sang n’est apparemment pas du même avis - qui ça étonne ?

Wren a choisit la solution de facilité et si Tobias l’avait pu il serait déjà en train de gratter sur la porte en bois pour demander l’asile (un peu de poudre) et surtout une barrière pour ne plus avoir à entendre sa soeur hurler à la mort ou briser tout ce qui lui tombe entre les mains. Il n’est même pas surpris qu’elle casse un verre à vrai dire et aucun réflexe ne le mène à sursauter, il se contente d’un loup soupir et un rolling-eye à en faire pâlir n’importe qui. Les insultes fusent sans que cette fois ci cela n’étonne ni le voisin du dessous, ni celui du dessus et encore moins les deux d’à côté ou même tout le palier à proprement parlé. Ce qui aurait été plus étonnant c’est que la fratrie arrive à se réunir sans menaces de mort et autres déclarations d’amour façon Doherty.

Le cadet ayant décidé qu’il avait largement fait son temps dans l’appartement, vient son tour que de quitter la scène. Wren peut tricher et se contenter de s’enfermer dans sa chambre mais pour Tobias l’affaire est plus délicate puisqu’en réalité il n’a plu à proprement parlé de chambre ni même d’appartement depuis que Freya en a perdu les clés. ”Tu m’fais chier j’vais dormir ailleurs.” Tout en sachant que n’importe quel autre endroit pour dormir serait bien meilleur que cet appartement miteux rempli de Doherty, il ne perd rien au change. En partant il n’en oublie pas de rester lui même et verse sur sa soeur le reste du verre à moitié rempli, simplement histoire de lui remettre les idées au clair, simplement histoire de lui éviter une gueule de bois à venir. Parce qu’il est un jumeau en or et que ce n’est un secret pour personne.
Un jumeau en or qui claque la porte de rage et sort déjà son téléphone pour trouver quelqu’un chez qui dormir.