Assis en tailleur sur le mini tapis de ma loge, je tente de contrôler ma respiration. Je suis dans un état de nerf sans nom. Dans une heure, le rideau va se lever pour ma grande première et la seule chose à laquelle je pense, c’est Clément. Tout est parti en vrille lundi soir et depuis, c’est le silence radio. Il m’évite comme la peste et je n’ose absolument pas l’approcher. Je pensais bien faire en ne versant pas dans le mélodrame, en étant complètement franc avec lui, en évitant de le mettre face à ses faiblesses et il m’a hurlé dessus. Comme jamais. Puis plus rien. Pourtant, on a passé la semaine au même endroit. Il a fallu faire les répétitions générales hier après-midi et quand ce fut le moment de notre scène Clément avait disparu. Je ne sais même pas s’il souhaite garder notre idée. Je sais plus grand-chose en réalité. Charles ne m’a pas encore viré et je prends déjà cela comme une petite victoire. Je devrais me concentrer sur le fait que ce soir, je me dois de tout donner. Mais non… Je me repasse en boucle la scène avec Clément. Je l’ai embrassé. Sans même savoir pourquoi dans le fond. Il s’est ouvert à moi et je l’ai embrassé. Comme si c’était la solution idéale. Je me suis mis le doigt dans l’œil et bien profond. Et depuis, je ne cesse de me poser des questions. Est-ce qu’il va me faire virer de la pièce ? Est-ce qu’il va renoncer à notre scène pour m’éviter complètement ? Je n’en sais rien… Personne ne l’a vu aujourd’hui. Je vais probablement monter sur scène sans le voir et je sais d’avance que s’il ne vient pas, je vais perdre le contrôle. J’ai besoin qu’il soit là malgré notre dispute.
J’étais à deux doigts de la crise d’angoisse lorsque Charles est venu me chercher. Il m’a aidé à me relever, il a posé ses mains sur mes épaules et m’a probablement fait un discours d’encouragement, mais je n’ai rien entendu. J’étais trop perdu dans mon stress. Je suis arrivé sur scène, je ne sais comment et lorsque le rideau s'est levé, j’ai eu quelques secondses blancs. Juste un instant. Le temps d’un clignement d’œil. Puis je me suis lancé dans mon rôle à corps perdu. En quelques minutes, j’ai oublié mon stress, les tensions avec Clément et tout le reste. Mon rêve devenait enfin réalité et j’ai tout donné pour que tout se passe bien. Puis est arriver à la scène avec Clément. Il était là, à l’autre bout de la scène, pleinement dans son personnage et pourtant cette méfiance au fond du regard. On est monté sur la plateforme et on a échangé un seul regard. On allait rien changer, je le sentais. Et lorsqu’il a fait semblant de chuter, je l’ai retenu si fort que j’aurais pu laisser un bleu sur sa peau. Le temps, c’est arrêter une seconde, le temps pour moi de le supplier de me pardonner en un regard. Puis la scène a continué, le spectacle aussi et avant que je m’en rende compte, on se retrouvait en ligne devant une salle debout sur ses pieds pour nous applaudir. Quand j’ai croisé le regard de mon père là au premier rang, j’ai bien cru que mon cœur allait exploser.
Dès la sortie de la scène, Charles est venu me féliciter, mais je n’avais qu’une seule idée en tête : trouver Clément. J’ai parcouru la moitié des loges avant de le trouver au travers de la porte de secours ouverte au fond du couloir. Il est assis sur les escaliers de secours et semble perdu dans ses pensées. Je me gratte la gorge assez bruyamment et lui souris lorsqu’il relève la tête. « Hey… » Je n’ose pas faire un pas de plus. J’ose à peine soutenir son regard. « On peut discuter ? »
Je ferme les yeux et compte jusqu'à neuf. Neuf secondes pendant lesquelles je laisse le stress me submerger. Mais, alors que j'imaginais que mes pensées seraient tournées vers le spectacle et le fait que c'est la première fois que je joue ce rôle en publique, c'est, au final, vers Loan que mes pensées et mon trac se tournent. La dernière fois que nous nous sommes vus c'était Lundi dernier et ça s'est très mal finie. J'ai, encore une fois, réagis trop violemment, trop impulsivement. Je n'ai pas réfléchis à la portée que pouvaient avoir mes paroles et si je ne suis pas venu aux répétitions avec lui c'est simplement parce que j'avais honte. Honte de m'en être prit à lui juste parce qu'il s'est montré un peu maladroit et que ses paroles ne m'ont pas plus.
Arrivé à neuf, je m'accorde une seconde de plus avant de prendre une profonde inspiration et rouvrir les yeux. Concentré au maximum, vidant mon esprit, je fais neuf pas en avant, plonge mon regard dans celui de Charles et réagis rapidement lorsque celui-ci m'indique de sortir sur scène. Rapidement et sans problème, je monte sur l'échaffaudage et, lançant un coup d'oeil à Loan, lui faisant comprendre que nous devrons mettre nos différents de côté et que nous n'allons rien changé concernant nos idées de lundi, je remet ma casquette en place puis m'installe sur la planche au niveau de l'échelle.
Lorsque les projecteurs s'allument à nouveau, plongeant le public dans le noir, j'ai la sensation que tout se passera bien. Loan et moi sommes, dès les premiers mots en parfaite harmonie et synchronisation. C'est sans doute pour ça, parce que je sens que tout va bien, que je n'hésite pas à faire ce que nous avons décidé de faire : j'amorce une chute. Et Loan est là, il réagit rapidement, agrippant le poignet un peu trop fermement. Nos regards se croisent et c'est un léger sourire qui s'affiche sur mon visage avant que je ne retourne dans mon personnage.
Le reste de la pièce se déroule parfaitement bien. Je suis assez époustouflé par la performance de Loan mais, alors que nous sommes là, alignés devant le public et que celui-ci est en pleine standing ovation, c'est une boule qui se forme à l'intérieure de moi. Je devrais être soulagé et heureux que tout se soit bien passé, que la pièce ait, semble-t-il, été un réel succès et que ma cheville ait tenue le coup, mais quelque chose est différent. Je souris, je salue, je pars et je reviens comme tout le monde jusqu'à ce que le rideau ne tombe. Là, j'en profite que tout le monde se jette sur Loan pour le féliciter pour m’éclipser afin de faire le point sur mes sentiments avant que ceux-ci ne risquent de me submerger avec trop de violence.
C'est sur les escaliers, loin du tumulte de la scène et de la salle que je trouve refuge. Assis sur la neuvième marche, genoux repliés contre moi, mon visage est enfouie dans mes cuisses et j'essaie de calmer ma respiration et les battements de mon cœur. Toutefois, l'arrivée de Loan ne m'aide pas à retrouver la sérénité dont j'avais besoin. Je ferme un instant les yeux, pince les lèvres puis lève le regard sur le jeune homme qui, s'approchant, me demande si nous pouvons parler.
«C'est dur Loan » dis-je, sans réfléchir, sans savoir pourquoi je dis ça « Je pensais que ça irais mais je ...te voir là, sur la scène, dans le rôle qui me revenais ce ...» je baisse le regard «C'est horrible. Ça aurait été dur dans tous les cas, mais je ...je sais pas pourquoi je te dis ça. T'étais tellement bon, tellement talentueux, parfait, droit, juste, tellement... » je dévie le regard «Tellement beau. T'étais magnifique là dehors, sur la scène, c'est ton élément et rien ni personne ne devrait te l'enlever mais je ...putain. C'est tellement dur de voir quelqu'un d'autre. Pourtant j'ai pas envie de t'en vouloir et je ne t'en veux pas et ... » je prend une profonde inspiration «qu'est-ce que tu voulais me dire ? » demandais-je finalement comme pour changer de sujet.
Debout au milieu de cette scène, je prends finalement conscience de ce qui viens de se passer ce soir. Le public nous applaudit comme jamais, je sens les bras de mes compagnons de scène passer autour de mes épaules et des éclats de rire de partout. Je me prends une dose d’amour en pleine tête. J’ai survécu à ma première représentation et tout, c’est bien passer. Je croise le regard de mon père et ce qui j’arrive à y déceler me fait comprendre que toutes ces années de travail acharner ont fini par payer. J’ai réussi. Je me sens submerger par les émotions alors qu’on m’entraîne dans un énième salut. La mâchoire au bord de l’explosion tellement je ne cesse de sourire. Et pourtant… Il reste ce sentiment de mal-être au plus profond que je n’arrive pas à expliquer. Le rideau se baisse et je m’empresse de chercher Clément du regard. Il a déjà disparu. Et je n’ai pas le temps de lui courir après. On m’arrête tous les deux pas et Charles en premier. Je lui souris probablement comme un idiot, lui saute presque au cou lorsqu’il me félicite, mais en réalité, j’aimerais qu’il me laisse partir. Je ne peux pas être aussi ingrat, c’est aussi grâce à lui que j’ai pu vivre un truc aussi intense ce soir. Je le remercie une centaine de fois, je lui promets que la prochaine représentation sera encore meilleure. Puis c’est les autres comédiens qui viennent me voir et j’ai presque envie de pleurer lorsqu’on me dit que tout était super. J’avais besoin de ça. Qu’ils me parlent, qu’ils échangent avec moi. Je prends le temps de glisser un mot à tout le monde. On s’encourage mutuellement. On voit que la joie est revenue dans les loges. La pièce semble être sauvée. Un soulagement.
Je profite d’un moment d’effervescence générale pour m’échapper. Je me glisse vers sa loge, mais cette dernière est vide. Retour dans le couloir, j’attrape deux bouteilles d’eau et finis par apercevoir la silhouette de Clément au loin, dehors, assis sur l’escalier de secours. Il semble si petit, si fragile comme ça de loin. J’hésite un instant. Il a peut-être besoin d’être seul. Je soupire et finis par secouer la tête. Non… Je dois aller le voir. Je prends mon courage à deux mains et m’aventure à l’extérieur. Clément ne semble pas forcément ravi de me voir et j’allais faire demi-tour lorsqu’il se met à parler. D’un coup, il semble déverser tout ce qu’il a sur le cœur. Je ne le quitte pas du regard et bouge uniquement pour refermer un peu la porte derrière moi et venir m’asseoir à ses côtés. Je bosse mes bouteilles entre nous et l’écoute avec attention. C’est dur. Je savais que ça allait être dur pour lui. Et pourtant, il me complimente comme jamais. Une situation si paradoxale. Je lui souris tendrement et viens lentement poser une main sur son bras. Et lorsqu’il me demande ce que je voulais lui dire, je souris encore plus. « Que je ne t’en veux pas… » Tout simplement. « Je comprends Clément, tu n’as pas à te justifier. » Non absolument pas. Je n’ai jamais été à sa place, mais j’aime mon métier tout comme lui et je comprends. Je lui ai pris sa place. Ce n’était pas intentionnel, j’aurais préféré ne jamais le faire, mais à la fin de la journée, je lui ai pris sa place. On en reviendra toujours à la même conclusion.
Un silence s’installe entre nous. Je prends le temps de réaliser, de redescendre de mon nuage. Je bois une longue gorgée de mon eau et fixe un point loin devant moi. Je me dois d’être honnête avec lui. « C’est cette partie de ta personnalité qui m’a touché la dernière fois et qui me touche encore ce soir. » Je trouve très rapidement la tête vers lui afin de croiser son regard. « Par pitié, ne le prends pas mal… » Je n’ai pas le courage de soutenir son regard plus longtemps, je retourne fixer ce point loin loin devant moi. « Ce dilemme qui te fragilise, mais qui te rend si unique et si vrai. » Je soupire un peu. « C’est pour ça que je t’ai embrassé, parce que j’ai beau être plus vieux que toi, je sais pas vraiment gérer quand les gens se confient à moi et que j’ai juste subitement eu envie de te protéger et comme un idiot, je me suis dit que je pourrais te le faire comprendre en t’embrassant. » Je ris nerveusement avant de passer une main sur mon visage. Je pose mes avant-bras sur mes genoux et mon menton sur mon biceps afin de voir le visage de Clément. « Tu apprendras en me fréquentant que je suis une catastrophe ambulante, celui trop gentil, trop bon et qui en voulant bien faire mets trop souvent les pieds dans le plat. »
Voilà c'est dit, c'est sorti et je n'ai, en vrai, rien fait pour retenir mes paroles car je savais, dans le fond, que j'étais obligé de dire ce que j'ai dis. Je savais, en voyant Loan se poser devant moi, que je ne pourrais pas retenir mes pensées plus longtemps et je me suis juré lors de ma discussion avec Primrose de ne plus faire de supposition ou de garder les négations enfouis en moi.
Je vois bien, pendant que je parle, que Loan ne semble pas prendre le tout personnellement. Et ça c'est une très bonne chose. Il vient d'ailleurs même s'installer à côté de moi et fini par poser une main sur mon bras pour me dire qu'il ne m'en veut pas. Autant pour lundi que pour ce que je viens de lui dire car il me comprend et que je n'ai pas à me justifier. Je lui offre un petit sourire reconnaissant avant de dévier le regard lorsqu'il reprend la parole.
Il me met au pied du mur en me parlant de ce que j'ai toujours pensé être une faiblesse de ma part. Un dilemme fragilisant qui me rend unique et authentique. Je pince les lèvres et me mordille l'intérieur de la joue alors que Loan dit que c'est pour ça qu'il m'a embrassé, parce qu'il sait pas gérer les choses quand les gens se confient à lui et qu'il avait eu envie de me protéger. Je ferme un instants les yeux avant de laisser échapper un petit rire quand il m'avoue être une catastrophe ambulante, le genre de gars trop gentil et trop bon qui met trop souvent les pieds dans le plat alors qu'il pense bien faire.
« C'est pas grave» dis-je doucement « ça arrive et je vais pas t'en vouloir pour ça» je lui lance un coup d'oeil avant de soupirer à nouveau en me triturant les mains «Ce ...c'est juste que …ce que je t'ai dit la dernière fois je ne l'ai dit à personne. Personne n'est au courant, sauf mes deux meilleurs amis qui étaient présent lorsque c'est arrivé et évidemment mes parents aussi. Mais voilà...t'es le premier à savoir ça et je ...je sais pas, peut-être que j'espérais un peu de soutient ? De la compassion peut-être même ? J'en sais rien » j'hausse les épaules « Donc, voilà, je savais pas lundi que t'étais plus du genre maladroit, mais maintenant que je le sais c'est bon»
Je souris doucement et me redresse en attrapant la bouteille, grimaçant légèrement lorsque ma main se referme sur le plastique «si t'avais serrer encore plus fort tu m'aurais sûrement briser les os du bras » dis-je en me massant le poignet, ironique au possible car même si sa poigne était bien forte, il avait encore énormément de marge jusqu'à arrivé à ce moment fatidique. «Mais c'était cool, vraiment, de partager la scène avec toi » et là je suis sincère. Je pense que je m'y habituerais facilement d'être aux côtés de Loan.
On s’est éloigné de la folie de fin de représentation. On peut encore entendre l’agitation derrière nous, mais aucun d’entre nous s’en préoccupe réellement. Clément avait des choses à dire et je m’assois à ses côtés afin de lui donner toute mon attention. Je vois que c’est quelque chose qui pèse lourd sur ses épaules. Un sentiment paradoxal qui l’emprisonne en sommes. Il est heureux pour moi et en même temps, il déteste toute cette situation. Perdu entre les deux. Qui peut réellement lui en vouloir pour ça ? Je ne sais pas comment je réagirai à sa place. C’est une situation complexe. J’ai la sensation de ne pas réellement pouvoir célébrer cette grande première sans piétiner cruellement sur les rêves et les espoirs de Clément. Je suis heureux d’en être arrivé là, pourtant, je ne suis pas quelqu’un de cruel. Jamais je ne remuerai le couteau dans la plaie pour le jeune danseur. Habituellement, j’aurai été le premier à aller rire et danser dans tous les sens avec le reste de la troupe. Ce soir, je me retrouve assis sur un escalier minuscule à essayer d’arranger les choses avec Clément. À croire que Sohan avait raison, les dernières années m’ont permis de prendre quelques grades en maturité. On s’explique calmement et c’est tout ce dont on avait besoin.
Clément m’explique qu’il s’est réellement confié à moi et qu’il attendait une réaction véritablement différente. Je comprends que j’ai vraiment fait n’importe quoi et un sentiment de culpabilité commence à m’envahir. J’ai vraiment fait le con, mais sur l’instant, je pensais bien faire. Mon regard se perd sur le visage de Clément et je tente de lui sourire un peu. « Je suis désolé, Clément… » Je hausse un peu les épaules. Non pas pour me moquer, mais parce que je ne suis jamais véritablement à l’aise dans ce genre de conversation. Pourtant, je ne veux pas laisser les choses comme cela. « J’avais peur que tu le prennes mal si je… Si je venais te dire à quel point, j’étais désolé, ou… Si je te disais que tu devrais peut-être, peut-être hein, te faire aider pour te sentir mieux. » Je passe une main nerveuse sur ma nuque un peu tendue. « Je voulais pas te braquer et au final, c’est ce que j’ai réussi à faire. » J’ai beau être à l’aise en société, je ne le suis plus du tout dès que la conversation devient sérieuse, surtout dans notre situation. Je suis celui qui lui vole sa place. C’est véritablement délicat. « J’ai conscience que tu n’as pas parlé de ça à beaucoup de monde et je… Je suis touché vraiment. Mais j’ai le sentiment d’avoir le mauvais rôle un peu et pourtant, je voudrais vraiment pourvoir t’aider. »
Lorsqu’il se redresse Clément me montre son poignet et j’ai un petit rire nerveux. « J’avais trop peur de te laisser glisser. » J’ai conscience d’avoir serré comme un taré, mais s’il était tombé, je crois que je ne m’en serais jamais remis. Au moins, il est là. « Ça te fera peut-être un petit souvenir. » Je hausse les épaules et ris à nouveau. « J’ai de l’arnica dans ma loge si tu veux… Si c’est trop douloureux. » Lorsqu’il me dit que c’était cool de partager la scène avec moi, j’ai la sensation que mon cœur va exploser. « C’était vraiment très cool. » Une expérience que je ne pourrais jamais oublier. Je joue avec ma bouteille d’eau, la faisant tourner entre mes mains. « J’ai l’impression d’avoir rêvé en fait. »
Je ne le comprend que trop bien, Loan. En vrai, je pense qu'à sa place j'aurais sans doute réagit pareil. Bien que, poussé par la curiosité, j'aurais sans doute essayé d'en apprendre un peu plus. « Si déjà je me suis confié à toi, je serais con de t'en vouloir ou de penser que tu veuille me rabaisser en rebondissant sur ce que je t'ai dis» reprenais-je, haussant doucement les épaules « Je l'aurais pas mal prit si tu t'étais montré plus curieux ou peut-être même désolé. Enfin, je sais pas … c'est une situation particulière, je le conçois totalement, je peux donc facilement comprendre que t'ai eu du mal à trouver les mots et ...bref n'en parlons plus» je fais un geste avec la main, comme pour clore ce débat «Sache juste que la prochaine que je me confie à toi, peu importe le sujet » [i]le tsunami par exemple[i] « Tu peux voir cela comme une invitation à vouloir en apprendre plus sur moi »
Je pince les lèvres en un sourire puis me penche pour attraper une des deux bouteilles d'eau. Je vois douleur qui en raidit légèrement mon poignet lorsque je referme ma main sur la bouteille comme une bonne excuse pour changer de sujet. Avec un humour je lui dit que s'il avait agripper un peu plus mon bras il me l'aurait cassé. Bougeant légèrement ma main, faisant rouler mon poignet dans son articulation, j'écoute Loan qui me propose de me filer un peu d'arnica si jamais la douleur est trop grande « Ecoute ...ouais. Ouais je veux bien» dis-je en hochant la tête «ça pourra pas faire de mal en vrai » autant le faire en prévention, non ?
Par la suite, j'avoue à mon partenaire que j'ai adoré partagé la scène avec lui et c'est aussi son cas. « Je pense que le spectacle est sauvé en vrai» reprenais-je en prenant une gorgé d'eau «J'ai bien hâte de savoir ce que les gens ont pensé de ta performance qui était quand même bien au dessus de celle de ton prédécesseur » arrêterais-je un jour de tarir Loan d'éloge ? Je ne pense pas.
Me redressant, je m'étire un peu, grimace légèrement lorsque je sens mes vertèbre craquer de façon sonore, fait rouler ma nuque puis prend une profonde inspiration « On va chercher l'arnica ? Après on ira faire la fête avec les autres. Tu viens avec hein, pas vrai ?» ce n'est pas une question mais presque un ordre. Je ne lui laisse pas vraiment le choix.
Il semblerait que ce soir, on soit de meilleur esprit pour échanger calmement, pour réellement se comprendre. La dernière fois, tout est parti de travers à cause d’une communication un brin fébrile. On ne connaît pas encore très bien, j’avais trop peur de mettre les pieds dans le plat. Ce que j’ai fini par faire malgré tout. À croire que je ne suis pas très doué pour les interactions sociales parfois. Clément me rassure et je lui souris tendrement. « On va dire que c’était une étape à franchir. » Désormais, je sais que je peux me confier à lui et surtout que s’il s’ouvre à moi, je suis dans le droit de lui répondre. Quoiqu’il arrive. Quoique je pense. Il avait besoin que j’intervienne et je ne l’ai pas compris. Je sais que je vais en être désolé pendant un moment, mais pas ce soir. Cette soirée se doit de rester positive. « Et puis tu sais… J’ai pas trouvé mes mots, mais j’oublie pas ce que tu m’as dit. » Jamais. J’y ai même longuement pensé une fois qu’il est parti en hurlant. J’ai fini par comprendre ce qu’il avait tenté de m’expliquer. Et ce soir, lorsque nos regards se croisent, je comprends que l’animosité c’est enfin envoler. « Et j'ai compris. » dis-je doucement en lui souriant un peu. On va enfin pouvoir profiter de cette soirée, il me semble.
Et je comprends rapidement qu’avec ma peur de le décevoir ou pire de le laisser tomber, j’ai manqué de lui briser le poignet. Faut que tu te calmes Loan. Je lève les yeux au ciel, mais finis bien vite par lui proposer de l’aide. Je suis le dernier à qui demander un avis médical, mais je me dis qu’un peu de crème pour lui empêcher un énorme bleu demain ne pourra jamais lui faire de mal. « Un peu de prévention ça fait jamais de mal. » répliquais-je, déjà prêt à me lever pour aller lui chercher cela.
Je ne m’attendais pas à un énième compliment de la part du jeune danseur. Je m’étais réellement mis la pression pour ce soir et j’évite encore de me refaire le cours du spectacle dans ma tête sinon je sais parfaitement que je vais relever un défaut à la minute ou presque. Pourtant que Clément me dise cela, me fait chaud au cœur. Selon lui, le spectacle est sauvé et c’est tout ce que je voulais entendre. Je sens une vague de soulagement m’envahir et sans même réfléchir, je viens prendre Clément dans mes bras. Juste le temps d’un instant avant de probablement l’aveugler avec un sourire. « Merci. » Je crois que je n’ai pas vraiment besoin d’en dire plus. Il me parle de mon prédécesseur, mais je ne préfère même pas évoquer ce dernier. Il était d’une arrogance sans fin et ne méritait pas d’avoir sa place sur cette scène.
« Bien sûr que je viens ! » J’arrête de rester dans mon coin. Je sais que cela ne fera rien de bien. Je me dois de m’impliquer avec tout le monde et vu l’ambiance que l’on entend d’ici, je veux vraiment aller faire la fête avec eux. Je me redresse en même temps que le brun et attrape mon téléphone pour envoyer un rapide message à mon père. Je veux pas qu’il m’attende pour rien. Je tape mon texto rapidement et suis Clément jusqu’à ma loge. « C’est un peu le bordel désolé. » Je pousse du pied mes fringues et tout ce que j’ai laissé traîner par terre. Je me dirige vers le tiroir de la coiffeuse et en sort la pommade. « Tiens assied toi. » Il prend place sur la seule chaise et je pose une fesse sur la table pour être un peu assis face à lui. J’étale de la pommade sur mes doigts et attrape doucement son poignet pour venir le masser lentement. « Je crois que c’était la meilleure soirée de ma vie. » dis-je doucement tout en continuant les cercles sur sa peau. Et un instant, mon regard se perd dans le sien.
Au final, je comprend totalement l'état d'esprit dans lequel se trouvait Loan il y a quelques jours. Ce que je lui ai confier ce n'est pas rien, c'est même assez gros comme truc. Ce n'est pas quelque chose qu'on annonce comme ça, facilement. Je peux donc comprendre que mon partenaire de scène n'ait pas su comment réagir. Du moins, le comprenais-je maintenant, après coup, après avoir longuement réfléchis à mes actes.
Aujourd'hui, détendu après un spectacle parfaitement gérer de tout le monde, j'ose toutefois avouer à Loan que j'ai beau adorer le voir sur scène, ce n'était quand même pas quelque chose de très facile pour moi. Ainsi donc, au lieu de le taire, je décide de le lui dire, précisant tout de même qu'il est excellent et que ça m'emmerde de penser comme ça. J’accueille ses paroles par un dernier sourire, reconnaissant du fait de savoir qu'il a assez réfléchis à ce que je lui ai dit et qu'il a comprit. « Tant mieux» souriais-je « On peut pas se permettre de perdre un tel atout » ajoutais-je en le désignant d'un coup de tête.
Ensuite, afin de détendre un peu l'atmosphère, je fais un trait d'humour en parlant de sa forte poigne lorsqu'il m'a retenue. Lorsqu'il me propose de l'arnica a appliquer sur le poignet, je n'hésite pas très longtemps, me disant que ça ne peut, dans tous les cas, pas me faire de mal. Ainsi donc, après un dernier compliment, je me lève et le suis dans sa loge. En y entrant je ne fais pas du tout attention au bordel «C'est pire dans la mienne » précisais-je avec un sourire alors que je m'installe sur la chaise qu'il me désigne. Tandis qu'il sort la crème d'un tiroir, j'observe les quelques photos qu'il a accroché au miroir et sourit tendrement avant de reporter mon attention sur Loan et le laisser prendre ma main dans la sienne.
Attentif, j'observe ses doigts qui massent mon articulation avec douceur, avant que je ne relève mon regard, le plongeant dans celui du jeune homme. Longtemps, je ne parviens pas à détourner les yeux et, sans réellement savoir comment ni pourquoi, je me retrouve debout, devant lui. Gardant ma main droite dans celles du comédien, ma main gauche vient se poser sur sa joue et mes lèvres sur les siennes. Fermant les yeux, je fais durer le baiser un peu plus longtemps, juste assez pour profiter pleinement des sensations que cet échange me procure et pour que je me rende compte que si je cesse maintenant, si je fais marche arrière, je me retrouverais frustré.
Alors, retirant lentement ma main droite des doigts de Loan, je la pose dans sa nuque et m'approche d'avantage de lui, intensifiant légèrement le baiser et remercie le ciel en sentant Loan répondre avec autant d'envie.
On a pu mettre les choses à plat. Fini les mal entendu, les non-dits et le manque de communication. Il était temps que l’on se parle franchement tous les deux. On va passer pas mal de temps ensemble sur la même scène, avec les mêmes personnes. On ne pouvait pas laisser une tension entre nous. Je suis heureux que ce soir tout se déroule à merveille. D’abord le spectacle et désormais cette conversation. Nos regards se croisent et je comprends que tout ira bien. Il est temps que l’on profite de l’instant présent. Même si c’est dur pour lui, même s’il restera ce sentiment de jalousie dans sa voix, Clément me félicite pour la performance de ce soir et c’est tout ce qui compte à mes yeux. Les autres compliments me paraissent bien fade soudainement. Je dois avoir la tête d’un gamin le matin de Noël, mais je m’en fiche complètement. J’ai toujours été comme cela, sans filtre, que cela plaise ou non.
Avant de rejoindre le reste de la troupe pour partir fêter notre succès de ce soir, on se dirige vers ma loge pour soulager son poignet. Je m’en voudrais qu’il se retrouve blesser par ma faute, parce que j’avais trop peur de le laisser s’échapper, dans tous les sens du terme d’ailleurs. On se retrouve dans ma loge, clairement en bordel et sa remarque me fait rire. « Tu serais bordélique ? » Je le taquine un peu, parce que désormais, je sais que je peux. Il y a moins de retenue et plus d’instantanéité. Je ne sais vraiment comment notre relation va évoluer, mais je reste persuadé que ce sera positif.
En massant son poignet, je me perds à l’observer. Ses boucles dans le désordre, son regard intense et ce petit sourire, qui au final, ne quitte jamais vraiment son visage. Je me perds dans mes pensées, laissant mes doigts masser sa peau en douceur. Je suis tellement dans mon monde qu’il me faudra quelques secondes pour réaliser que nos deux visages sont réellement proches. Et en un instant, sa main se pose sur ma joue, ses lèvres sur les miennes. Mon cœur s’emballe. Je rêve ? Il faut croire que non. Clément m’embrasse avec ferveur et je ne sais plus vraiment comment réagir. J’ai fait le premier pas la dernière fois et tout ne c'est pas passer comme je l’avais espéré. Il doit sentir mon hésitation, se lève et revient attaquer mes lèvres. Assis sur la coiffeuse, mes jambes s’écartent pour lui laisser la place de se frayer un chemin plus proche de moi. Mes lèvres rattrapent la danse, glissent contre les siennes fiévreusement. Mes mains se glissent sur ses hanches afin de coller son corps au mien. Je ne m’attendais pas à ça, mais je ne compte pas le laisser s’échapper. Ce baiser est loin d’être innocent.
Un instant, je me recule, quelques secondes, pour croiser son regard. Un million de questions qui se bousculent à la barrière de mes lèvres. Aucune que je n’ose réellement prononcer. Je ne veux pas gâcher l’instant. Perdu pour perdu. Je sens la pression de sa main sur ma nuque et je frissonne. Il fait soudainement bien chaud dans cette pièce. Mes lèvres attrapent les siennes dans un nouveau baiser tandis que mes mains partent à la découverte de son corps, mes doigts qui glissent sous son tee-shirt. Le contact avec sa peau brûlante qui me fait perdre la tête, encore un peu plus. Et l’envie de ne pas tout gâcher qui me reste coller à la peau. « Tu… Tu es sûr de toi ? » Je ne veux rien lui imposer, je ne veux pas le voir partir comme la dernière fois, je ne le supporterai pas. J’ai le bas ventre en feu, je n’avais pas ressenti tout cela depuis bien trop longtemps. Clément m’attire, j’aimerais découvrir son corps dans les moindres détails, me perdre sur ses lèvres, goûter sa peau qui semble si sucrée. À cet instant, je le trouve plus attirant que jamais. Et je viens le titiller un peu. Quelques baisers dans le creux de sa nuque, mon souffle contre sa peau.
Fini les incompréhensions et les malentendus, les non-dits et les paroles en l'air. Avec Loan nous avons mit les choses à plats, nous nous sommes parfaitement expliqué et nous voilà enfin sur une seule et même longueur d'onde. C'est ainsi que je n'ai aucun scrupule à accepter sa proposition de me filer un peu d'arnica afin d'éviter les problèmes avec mon poignet -qui me fait quand même encore un peu mal, avouons-le- et le suis donc dans sa loge. Et Lorsqu'il apprend que je suis bordélique, j'ai l'impression de lui faire la révélation du siècle. Je ne réagis pas à part un haussement d'épaules et m'installe sur la chaise qu'il me désigne tandis qu'il va, lui, chercher le tube de crème dans ses affaires.
Docile et sans rechigner, je lui donne ma main et le laisse masser mon articulation. Mais, alors que ses pousses passes avec douceur sur mon poignet, je suis soudainement prit d'une drôle de sensation. C'est une chaleur incroyable qui se propage en moi, me faisant perdre mon contrôle et baisser ma garde. Je relève mon regard sur Loan et lorsque je croise son regard, je suis déjà perdu. Alors, agissant par instinct, je me redresse, me lève, m'avance vers lui et pose mes lèvres sur les siennes.
Le baiser était sensé ne durer que quelques secondes, juste le temps de nourrir mes pulsions, mais je sens rapidement comment Loan y répond. Il se recule légèrement et me fait d'avantage de place entre ses jambes, intensifiant, de son côté, ce baiser, avant de tout cesser. Se reculant légèrement, il pose son regard dans le mien et me demande à demi voix si je suis sûr de moi.
Non. Non Loan, je ne suis pas sûr de moi. Non je ne sais pas si c'est une bonne idée. Je crois même que c'est la pire des idées que j'ai pu avoir ces derniers temps. Et pourtant ...pourtant je te veux. Je ne sais pas pourquoi, mais mon corps est près pour toi et mon instinct me dit que je fais le bon choix en t'embrassant et en voulant aller plus loin.
Voilà ce que j'aurais répondu à Loan si j'avais voulu lui dire la vérité. Et pourtant, pour toute réponse, je retourne l'embrasser, maintenant le silence pendant encore quelques instants avant que ma main ne quitte le visage de Loan pour aller se poser sur son torse « oui» dis-je finalement «oui je suis sûr de moi » annonçais-je finalement alors que je recule la tête pour que le jeune homme puisse taquiner ma gorge avec plus de facilité. Pendant ce temps, mes doigts, eux, s'affaire à détacher les boutons de la chemise qu'il porte afin de libérer ses abdominaux parfaitement dessiner à ma vue et pour mon plus grand plaisir.
Je n’avais pas prévu qu’on en arrive là. Je voulais simplement m’excuser de lui avoir écrasé le poignet, je voulais juste faire un peu de prévention afin qu’il ne se retrouve pas avec un bleu énorme. Je ne l’avais pas entraîné dans ma loge avec une idée derrière la tête. J’ai fait l’erreur de l’embrasser sans réfléchir la dernière fois, j’avais appris la leçon. Je ne comptais pas referais la même chose. Je n’avais pas prévu que ce soit lui qui s’approche de moi, son regard se plongeant dans le mien, la tension grandissante entre nous. Et ses lèvres qui sont venues se poser sur les miennes en douceur, avec un peu d’hésitation et pourtant tant d’envie. Un instant, je reste interdis, incapable de savoir ce que je dois faire tel un adolescent qui serait en train de vivre son premier baiser. Très vite, je me laisse porter par mes envies. Je ne vais pas le cacher, j’avais eu envie d’embrasser Clément à nouveau depuis notre dernier échange, je pensais pas avoir la chance de le faire aussi tôt. Je me laisse porter par ses lèvres contre les miennes et pourtant le doute restant présent. J’ai peur de le voir s’enfuir en hurlant encore une fois. Alors, je coupe le baiser, je prends le temps de respirer et j’oser poser une question. La seule qui a de l’importance pour le moment. Je vois le douter passer sur son visage, je vois ses dents se planter dans sa lèvre inférieure. Il hésite… Je suis prêt à le repousser, à lui dire que ce n’es rien de grave, que je ne le forcerai jamais à quoique ce soit, mais Clément ne m’en laisse pas le temps. Déjà, ses lèvres ont retrouvé les miennes et entre deux inspirations, il m’assure que tout va bien.
Il n’en faudra pas plus pour que l’ambiance change complètement, pour que je prenne pleinement conscience de son corps si proche du mien, de sa respiration sur ma joue tandis que mes lèvres glissent lentement sur sa peau. Ses mains qui viennent défaire les boutons de ma chemise, les miens qui glissent le long de son torse. Je frissonne lorsque ses mains finissent par se glisser sur ma peau, me contorsionne pour me débarrasser de ma chemise et me relève pour venir l’embrasser avec envie. Mes doigts glissent dans les passants de son jean afin de coller son bassin au mien. Le souffle court, je ne lâche pas ses lèvres pour autant. Dans le couloir, on entend le reste de la troupe s’agiter, certains nous appellent. Mes mains passent sous les fesses de Clément, tirant ses cuisses contre moi, le forçant à enrouler ses jambes autour de mon bassin. Lorsque ses pieds ne touchent plus le sol, je me dirige vers la porte, toujours en l’embrassant comme si tout allait s’arrêter dans l’instant. Je plaque son dos contre le panneau de bois et en profite pour verrouiller la porte. Nos gestes se font de plus en plus désordonner, je ne sais plus qui embrasse qui en premier, qui tire sur les vêtements de l’autre. Je fais voler son tee-shirt et déjà mes doigts bataillent avec sa ceinture et le bouton de son jean. Comme un idiot, je galère pendant un instant avant de réussir et de lui lancer un sourire en coin. Mes lèvres qui retrouvent les siennes dans une danse endiablée, sa peau brûlante qui frôle la mienne, son érection que je sens se dessiner contre ma cuisse. Une main qui descend sous la barrière de son caleçon, contre le galbe de ses fesses. Mes lèvres qui jouent contre sa mâchoire, le long de sa nuque et peigne un chemin brûlant le long de son torse. La soirée promet d’être amusante.