I've been roaming around, always looking down at all I see, painted faces, fill the places I can't reach. You know that I could use somebody, someone like you, and all you know, and how you speak. ☆☆☆
Il n’était même pas si tard, et Tommy parvenait à se persuader que n’avoir fait perdre qu’une demi-soirée plutôt qu’une soirée complète à celle qu’il venait de quitter ne ferait, en toute logique, de lui qu’un demi-goujat plutôt qu’un goujat total. Il avait pourtant vraiment essayé de faire un effort ; Il avait frotté sous ses ongles comme rarement afin d’en éliminer toutes les saletés que des journées à foutre ses mains partout lui faisaient accumuler, et il avait jeté un œil à son reflet dans la vitrine du bar où il avait rendez-vous en se trouvant relativement présentable. Mais tout cela n’avait eu que peu d’effet comparé à son excès de nervosité, et les deux bières commandées pendant qu’en face on préférait un cocktail n’avaient pas été suffisantes pour empêcher le naufrage annoncé : ce rencard avait été une succession de maladresses et de moments de blancs affreusement gênants, et Tommy en était reparti la tête basse et la queue entre les jambes, avec la certitude d’être l’unique responsable de ce fiasco. La leçon qu’il en retiendrait serait donc limpide : inutile de se forcer à accepter les invitations qu’on lui proposait au simple prétexte que ses sœurs le poussaient à le faire, et que cela semblait être le choix de la normalité. Il n’avait pourtant rien de spécial à reprocher à la jeune femme concernée, son rire avait quelque chose d’un peu agaçant mais elle était mignonne, semblait gentille, et possédait suffisamment de conversation pour eux deux … Mais cela ne suffisait pas. Cela ne suffisait jamais, comme cela n’avait pas suffi avec Liviana malgré une vague sensation dans l’estomac pour lui indiquer que peut-être elle ne le laissait pas entièrement indifférent. Mais ça bien sûr c’était avant qu’elle ne retombe dans les bras de son ex-futur-ex-mari et ne disparaisse du paysage, évitant cependant ainsi au brun de s’illustrer une fois supplémentaire dans son talent évident pour l’auto-sabotage. Une chance pour lui : ils étaient vendredi soir et il disposait donc de deux jours complets pour réfléchir à la meilleure manière de croiser le regard de Daisy-du-service-compta le lundi sans se sentir instantanément comme le dernier des imbéciles. Une chance aussi qu’il ne traverse les bureaux qu’en début et en fin de service. L’autre regard auquel il n’avait pas spécialement envie de se confronter dans l’immédiat, c’était celui de sa fille – et celui de la baby-sitter, qui ne manquerait de faire remarquer qu’il rentrait un peu tôt quand bien même ce n’était pas ses oignons – et bien qu’il n’ait pas eu grand espoir d’obtenir une réponse positive il avait néanmoins dégainé son téléphone et envoyé une bouteille à la mer à Lene, espérant trouver chez elle l’asile temporaire qui permettrait à sa soirée de ne pas être entièrement perdue. Et le seul rencard qu’il interrompait cette fois-ci était celui que la jeune femme avait actuellement avec la télécommande sa télévision, autrement dit la porte était ouverte – une bonne surprise pour Tommy, et une bonne affaire pour la Adams puisque moins d’une heure plus tard le barbu sonnait à sa porte avec en guise de passe-droit un bucket de KFC. Il avait en effet largement eu le temps de déceler l’obsession pour le poulet frit que le locataire sous son nombril avait fait se développer chez Lene ces dernières semaines. « Mais que d’enthousiasme ! » À peine la jeune femme avait-elle ouvert la porte que ses deux chiens – Tommy peinait encore à se rappeler l’existence du second – s’étaient mis à sautiller autour d’eux avec allégresse, poussant le brun à ajouter d’un ton faussement blasé « Je vais essayer de prétendre que c’est simplement l’idée de me voir et que ça n’a absolument rien à voir avec l’odeur de poulet qui m’accompagne, hm. » Piquant un baiser sur la joue de Lene avec affection, il avait ajouté « Et ça vaut aussi pour toi. » sans grand sérieux, mais en tendant néanmoins le sac de nourriture vers la propriétaire des lieux comme on tendait la monnaie pour passer un péage. Il ne prenait pas trop de risques au fond, non seulement il n’arrivait pas les mains vides, mais aussi catastrophique avait été le rencard dont il sortait, il pensait néanmoins faire le poids face à la télécommande de Lene – autant se mesurer aux adversaires qu’on savait à sa portée.
Les tribulations d’Irina, jeune femme au passé sombre et amnésique en quête d’amour élevé dans un orphelinat d’Estonie après que ses parents l’eut abandonné à la naissance alors qu’elle avait la pneumonie mais qui rencontre le bonheur après avoir rencontré Vladimir, un prince de Sibérie qui connaitra la faillite mais retrouvera le sourire grâce à l’amour de sa dulcinée, et tout cela sur fond de Russie soviétique, est le téléfilm en cinq parties qui avait occupé la journée de Lene. Nombreux rebondissement ont été prévus au programme mais ça ne serait pas correct de spoiler en listant le tout. Ce qu’il y’a à retenir, c’est que cette histoire avait tenu Lene en haleine et que maintenant qu’elle se terminait sur le merveilleux happy ending qu’elle attendait, il y’a comme un vide qui prend place en elle l’amenant à se demander ce qu’elle va bien pouvoir faire de sa vie maintenant que son téléfilm est fini, qu’on est le soir et que de toute façon, il n’existe pour ainsi dire aucun divertissement dans la liste de ceux autorisé et bien vu pour les femmes enceintes qui soit réellement divertissant ce soir. En quête de ce quelque chose qui pourrait l’empêcher de filer au lit à une heure qui ferait réagir même sa grand-mère, Lene se perd dans de multiples programmes et publicités mais rien de suffisant à lui faire retrouver la jubilations que provoquait chez elle l’adversité à laquelle une femme forte et intelligente comme Irina devait se confronter pour vivre la vie à laquelle elle aspirait. Le destin agit en la personne de Tommy qui lui signale une possibilité de venir tromper l’ennui en sa compagnie, proposition aussi vite acceptée bien qu’elle laisse certaines questions se former dans la tête d’une Lene qui avait entendu parlé de rencard via une Moïra plutôt morose d’avoir vu ses sessions de surf se réduire drastiquement jusqu’à être momentanément annulées. Il ne faut pas plus d’une heure que Lene perd devant les femmes au foyer du New Jersey pour que Tommy arrive, animant de ce fait les deux compagnons à quatre pattes de Lene alors que ceux-ci avaient réussi à ronfler toute la soirée. « Mais que d’enthousiasme ! » dit-il alors que la porte s’ouvre sur une Lene au visage blafard et fatigué malgré le fait qu’elle n’ait rien foutu de sa journée mais dont le visage laisse paraitre une jolie sourire à l’odeur qui accompagne le docker. Les chiens quant à eux, sont en extase. « Je vais essayer de prétendre que c’est simplement l’idée de me voir et que ça n’a absolument rien à voir avec l’odeur de poulet qui m’accompagne, hm. » Elle se retient de demander s’il parle d’elle ou des chiens alors qu’elle le laisse lui embrasser la joue avant d’entrer et qu’elle saisit l’occasion pour laisser sortir les deux animaux. « Et ça vaut aussi pour toi. » finit-il par dire, comme si elle avait pensé bien trop fort. « Moi ? Tu sais bien que ta présence me transporte de joie, là j’ai juste du mal à décoller à cause de mon gros cul. » dit-elle en saisissant le seau de poulet comme s’il était le père noël venu expressément pour lui apporter son cadeau. « Mais installe toi ! Je te sers un truc ? J’ai investi – roulement de tambour – dans de la bière sans alcool ! » Et elle est fière là où elle se serait payée sa propre gueule six mois plus tôt. Elle a avait eu une envie subite. N’écoutant que son instinct primaire, elle n’attends pas plus longtemps pour plonger sa main dans le poulet frit, comblant ainsi le vide provoqué plus tôt par la télévision. « Et du coup, ce rencard, tu veux en parler ? Ou alors, je te raconte ma journée, elle se place sous la bonne étoile de Daniel Steel, si je te vends pas du rêve avec ça ! »
Si qui que ce soit avait été là pour comparer, il ou elle aurait constaté sans le moindre doute le changement d’expression sur le visage de Tommy à la seconde où Lene avait répondu à son message par l’affirmative et sauvé ainsi sans le savoir le naufrage de sa soirée. Preuve en était que ce rencard n’avait été un fiasco de bout en bout que parce que le brun avait décidé – inconsciemment, disons – que c’en serait un, et que la simple éventualité de voir quelqu’un qui ne lui faisait pas d’avance traîner les pieds suffisait à lui rendre un brin de bonne humeur. Conscient néanmoins de s’inviter un peu à la dernière minute, il avait mis un point d’honneur à ne pas arriver les mains vides et à ramener de quoi atteindre Lene là où il saurait la toucher en plein cœur : son estomac, lequel réclamait en toute logique sa ration supplémentaire depuis qu’il servait aussi à alimenter l’habitant ayant fait son nid sous le nombril de la jeune femme. À en juger par l’accueil dithyrambique que lui avaient offert les occupants de la maison, particulièrement les canins, le poulet frit démontrait une fois encore sa nature de valeur sûre quand bien même Tommy s’était l’espace d’une demi-seconde laissé la possibilité de faire comme si cet enthousiasme n’était provoqué que par sa seule personne. « Moi ? Tu sais bien que ta présence me transporte de joie, là j’ai juste du mal à décoller à cause de mon gros cul. » Lui offrant un sourire narquois en guise de réponse, il lui avait néanmoins tendu le précieux avant de minauder non sans un brin d’exagération « Tu me rassures, un peu plus et je pensais que le poulet venait de me détrôner dans ton petit cœur. » L’attention des chiens à son égard perdue aussitôt le KFC passé de mains en mains, le barbu avait suffisamment fait comme chez lui pour accrocher sa veste à l’un des porte-manteaux de l’entrée, y abandonner également ses chaussures, et rejoindre Lene à la cuisine tandis qu’elle proposait déjà « Mais installe toi ! Je te sers un truc ? J’ai investi – roulement de tambours – dans de la bière sans alcool ! » Bien qu’il en ait déjà deux au compteur de sa soirée, et belles et bien alcoolisées celles-ci, il n’avait pas eu le cœur à casser son groove et s’était fendu d’un « Va pour une bière. » amusé … Mais non sans résister, malgré tout, à la tentation de lui demander « Y’a des chances que tu y prenne définitivement goût à cette farce, ou bien c’est ton équivalent à toi de l’envie de fraises débarquée de nulle part ? » avec une pointe d’amusement. La procession composée de Lene, de Tommy et des deux chiens s’étant poursuivie jusqu’au salon, le brun s’était installé sur le bout de canapé laissé vacant par la future mère, laquelle avait enfin eu tout le loisir de plonger la main dans le seau de poulet pendant que ses deux colocataires à poils s’asseyaient devant elle dans l’espoir d’obtenir quelques restes. « Et du coup, ce rencard, tu veux en parler ? Ou alors, je te raconte ma journée, elle se place sous la bonne étoile de Danielle Steele, si je te vends pas du rêve avec ça ! » Plissant les yeux, tant pour la mention d’un rencard dont il ne se souvenait pourtant pas lui avoir parlé que parce que la seconde option sentait le traquenard, il avait commencé par demander « Est-ce que j’ai vraiment envie de savoir qui est Danielle Steele ? » Non sans un fond de crainte à l’idée que sa question ne fasse une nouvelle fois la preuve de son inculture. Se laissant le temps d’une gorgée de bière avant d’enchaîner, il avait haussé les épaules comme pour souligner le caractère random de la situation. « Et y’a pas grand-chose à en dire, c’était le pire rencard possible, je sais même pas pourquoi j’ai accepté. » Pour de mauvaises raisons, voilà pourquoi. « Moïra était beauuucoup plus enthousiaste que moi, ironiquement. Elle doit vivre sa meilleure vie et manger de la Ben&Jerry's à même le pot en guise de dîner à l’heure qu’il est, c’est le niveau de cuisine de ma sœur quand elle est à court de Cheerios. » Dire que la plupart du temps elle exigeait des légumes – quelque part il en aurait presque pleuré d’émotion à l’idée que Moïra se goinfre de cochonneries quand Scarlett la baby-sittait. Et quand bien même la fillette n’avait raisonnablement plus besoin d’une baby-sitter. « C’est elle qui m’a balancé ? Je comprends mieux ces messes-basses à chaque fois qu’elle t'a au téléphone. » Et dire qu’elle avait commencé à lui réclamer un téléphone portable, pour l’instant il tenait bon, mais à long terme ? Il était cuit. « Bon et toi, ça va ? » Il aurait pu se montrer plus précis dans sa question, mais il préférait lui laisser le loisir de prendre les choses dans le sens qui lui plaisait. Questionner frontalement sur sa probable fatigue, sa frustration à l'idée d'être cantonnée à un job de bureau ou autre sujet du genre, c'était un coup à enfoncer le clou, et Tommy ne souhaitait pas jouer les bourreaux.
Si elle n’avait pas été intéressée, elle lui aurait sûrement demandé la pensée qui se cache derrière ce sourire narquois mais l’appel de l’estomac est plus fort que tout et lui fait passer la possibilité de moquerie provenant de Tommy à l’évocation de son séant qui affaisse tout ce qu’il peut toucher. L’offrande de poulet frit rattrape tout et Lene est gouvernée par les hormones et cette passion nouvelle pour tout ce qui a passé deux minutes dans une friteuse. « Tu me rassures, un peu plus et je pensais que le poulet venait de me détrôner dans ton petit cœur. » « Jamais de la vie, voyons. » dit-elle tout en plongeant une main pour fourrer un premier morceau de poulet dans sa gorge. Elle s’écarte du passage, l’invitant à la suivre à travers ce salon qu’il connait déjà comme sa poche. Bonne hôtesse, elle lui propose sans attendre un rafraichissement qui devrait permettre à chacun de dormir sur ses deux oreilles quand Tommy reprendra le volant. « Va pour une bière. » Sitôt dit, sitôt fait. « Y’a des chances que tu y prenne définitivement goût à cette farce, ou bien c’est ton équivalent à toi de l’envie de fraises débarquée de nulle part ? » Quelle farce ? Sortant une bière fraiche du frigo qu’elle décapsule tout en le rejoignant, elle s’empresse de demander. « Tu parles du poulet ou de la bière ? » Tommy servi. Les deux chiens aux aguets sont renvoyés aux paniers d’un geste vif avant qu’elle ne se laisse tomber dans un siège pour finalement aborder le sujet qui avait vivement occupé Moïra : le rencard de son père. « Est-ce que j’ai vraiment envie de savoir qui est Danielle Steele ? » Elle hoche la tête pour toute réponse avant d’appuyer le regard pour qu’il n’utilise pas sa boutade comme diversion et qu’il réponde à la question initiale. « Et y’a pas grand-chose à en dire, c’était le pire rencard possible, je sais même pas pourquoi j’ai accepté. » Elle supposerait bien que le fait d’être en chien soit à l’origine de cette acceptation mais elle n’oserait pas remettre en cause à voix haute le sens du romantisme chez Tommy donc elle préfère ne rien dire, cachant sa pensée derrière un sourire narquois. « Moïra était beauuucoup plus enthousiaste que moi, ironiquement. Elle doit vivre sa meilleure vie et manger de la Ben&Jerry's à même le pot en guise de dîner à l’heure qu’il est, c’est le niveau de cuisine de ma sœur quand elle est à court de Cheerios. » Une grimace se forme sur le visage de Lene bien que sa cuisine soit tout juste le cran au dessus de celle de Scarlett. L’une propose des cheerios et de la glace. La seconde du Mac & Cheese et des Donuts. Mais on va prétendre dans cette conversation que tout ce que renferme le frigo de la Adams est parfaitement healthy. « C’est elle qui m’a balancé ? Je comprends mieux ces messes-basses à chaque fois qu’elle t'a au téléphone. » Elle acquiesce avant d’admettre. « Je plaide coupable ! Elle m’a même demandé comment on repassait pour être sûre que tu aies une chemise propre. J’espère que tu l’as remarqué. » dit-elle en désignant le vêtement avant de réagir au côté cocasse du fait qu’on lui ait demandé à elle un point de ménage. « Me regarde pas comme ça, je l’ai orienté vers un tuto youtube. » Faute d’option. « Bon et toi, ça va ? » Elle hausse les épaules avant de poser ses mains sur son ventre arrondis. « Ça pousse. » Pour résumer, parce qu’hormis lister les désagréments d’une grossesse, elle ignore vraiment ce qu’elle peut avoir de réjouissant à fournir comme élément. « Le médecin dit qu’on est en bonne santé. Mon capitaine m’a malgré tout demandé d’arrêter les interventions et je prend les paris pour le sexe du bébé. » affirme t-elle avec un grand sourire avant de finalement aborder un sujet qui lui trotte un peu plus dans la tête. « J’ai vu Eva aussi, elle sait. »
De la nervosité ayant illustré le début de sa soirée au brin de morosité ayant par la suite pris le relais, tout ce qui pesait désagréablement sur les épaules de Tommy ce soir-là semblait s’être allégé un peu à la seconde où Lene lui avait ouvert la porte. Parce qu’elle avait cet effet-là sur lui, parfois même sans rien faire de spécial elle parvenait à le délester de cette impression latente qu’il avait de ne jamais être à sa place ; Peut-être aussi parce qu’elle était l’une des rares à ne pas lui donner la sensation d’être stupide. Pour autant, le fait qu’elle soit désormais suffisamment enceinte pour que lacer ses chaussures s’apparente à une discipline olympique obligeait malgré tout Tommy à procéder avec un minimum de précautions, certain que les hormones n’aidaient en rien un caractère déjà bien trempé à l’origine. Autrement dit, là où il aurait probablement raillé sans retenue quant au fait qu’elle ait cédé à l’hérésie de la bière sans alcool – mais peut-être était-ce ses vieux réflexes de barman qui parlaient – il s’était contenté d’une boutade légère à ce sujet, non sans accepter d’en boire une, parce qu’après tout pourquoi pas. « Tu parles du poulet ou de la bière ? » avait-elle néanmoins cru bon de questionner, et faisant mine de réfléchir une seconde à peine le brun avait répondu « Pas besoin de porter la vie pour considérer le poulet frit comme un produit de première nécessité. » Un jour ses artères rouleraient des yeux devant un tel raisonnement, et sa mère lui dirait qu’elle l’avait prévenu. Mais pas aujourd’hui. « Franchement, quand tu penses que la mère de Moïra trempait ses quartiers de clémentines dans le pot de moutarde pendant sa grossesse, la bière et la friture c’est presque de la nourriture saine en comparaison. » Mais est-ce que cela avait empêché Tommy de racheter des clémentines pour éviter à Alice de fondre en larmes parce qu’elle n’avait pas de quoi satisfaire sa fringale de trois heures du matin ? Bien sûr que non. Tout l’équipage – entendez les humains, les chiens, et le poulet – avait ensuite migré au salon pour s’installer confortablement, où Lene avait semble-t-il passé une bonne partie de sa journée si Tommy comprenait correctement le sous-texte. Mais bien décidé à ne pas le laisser utiliser la première excuse pour échapper à la question de son rencard avorté, la jeune femme lui avait adressé un regard appuyé qui lui avait fait mettre carte sur table. Il n’y avait de toute façon pas grand-chose à en dire, il avait regretté pratiquement à la seconde où il était entré dans le bar, peut-être même avant, et cela n’aurait finalement eu d’utilité que pour Moïra, jamais contre une excuse pour passer du temps avec sa tante – car tante Scarlett était cool, pour reprendre ses mots. « Je plaide coupable ! » avait en tout cas admis Lene, fière d’elle, lorsqu’il avait tiré des conclusions sur les dernières conversations téléphoniques que Moïra avait entretenu avec elle. « Elle m’a même demandé comment on repassait pour être sûre que tu aies une chemise propre. J’espère que tu l’as remarqué. » Cette fois-ci il n’avait pas pu s’en empêcher, et lui avait lancé un regard l’air de dire, tu n’exagères pas un peu par hasard ? et lorsqu’elle s’était défendue d’un « Me regarde pas comme ça, je l’ai orienté vers un tuto youtube. » il avait éclaté de rire, obligé de confesser d’un ton presque désolé de gâcher tant d’ingéniosité. « Je vois, je comprends mieux sa déception quand elle a réalisé qu’on n’avait pas de fer à repasser à la maison. » Mais en même temps pourquoi s’encombrer d’un tel achat quand il suffisait d’avoir des vêtements qui se défroissaient tous seuls une fois portés ? Les chemises faisaient exception, soit. « Elle a demandé à notre vieille voisine de lui prêter le sien. » avait-il néanmoins ajouté lorsque Lene avait désigné du regard la chemise pourtant à priori repassée. « Et c’est moi qui m’en suis chargé, elle avait déjà dépensé suffisamment d’énergie dans l’affaire … Mais j’applaudis sa débrouillardise et sa capacité à rentrer par la fenêtre si la porte est fermée. » Mais qui ne se targuerait pas de voir sa progéniture faire preuve d’intelligence, après tout ? Certainement pas Tommy. Le point art ménager allant bien deux minutes, le brun avait néanmoins changé de sujet pour prendre des nouvelles de la future mère, la poussant à hausser les épaules avec ennui avant de poser ses mains sur son ventre. « Ça pousse. Le médecin dit qu’on est en bonne santé. Mon capitaine m’a malgré tout demandé d’arrêter les interventions et je prends les paris pour le sexe du bébé. » Il n’avait pas commenté le chômage forcé, car au demeurant le Capitaine avait sans doute raison et Lene n’avait sans doute pas besoin qu’on le lui répète pour trouver cela frustrant. « Et alors, la cote du pari en est où pour l’instant ? Moïra et moi on n’est pas d’accord à ce sujet. On a mis une semaine de vaisselle en jeu pour le vainqueur, tout repose sur tes épaules. » But no pressure, tho. Puis, laissant passer quelques secondes durant lesquelles elle avait semblé hésitante, Lene avait avoué « J’ai vu Eva aussi, elle sait. » Un peu pris au dépourvu par cette confession, ayant encore bien en tête la détresse de la jeune femme la dernière fois que sa sœur et elle avaient échangé, un « Oh. » avait échappé à Tommy avait qu’il n’ose gratter plus en détails à ce sujet. « Comment ça s’est passé ? C’est vous qui avez décidé de vous voir ? » Il peinait à imaginer Lene décidant subitement de tendre une main dans la direction d’Eva, mais qui sait ? « Le reste de ta famille est au courant aussi, ou c’est juste Eva ? »
En vérité, en plus d’être une chouette alternative pour femme enceinte, la bière sans alcool lui permettait de retrouver ce petit plaisir perdu au jour où Lene a décidé qu’elle ne boirait plus jamais d’alcool de sa vie et elle aurait très bien pu argumenter sur le sujet avec Tommy afin de lui faire retirer ce regard jugeant du visage mais n’ayant pas envie de ressasser un moment de sa vie dont elle est peu fière, elle se ravise. Elle n’aborderait pas un moment qui ne soit pas connu du trentenaire vu que c’était dernier remplissait le verre mais tout de même de la pudeur est requise. Celle-ci n’a qu’à se mettre en attente dans la liste des erreurs de jeunesse de Lene. « Franchement, quand tu penses que la mère de Moïra trempait ses quartiers de clémentines dans le pot de moutarde pendant sa grossesse, la bière et la friture c’est presque de la nourriture saine en comparaison. » L’espace d’un instant, elle tente d’imaginer le goût de cette étrange mixture avant d’hausser les épaules. Cela ne lui fait pas envie, elle n’essaiera pas. « Je peux t’enregistrer en train de le dire ? J’ai besoin d’argument pour qu’Anwar réalise que mes lubies ne sont pas si néfastes. » Parce que le papa avait ses craintes et toute personne extérieure et normalement constituée en aurait en observant Lene s’empiffrer de poulet sans vergogne. Elle non, et à première vue, Tommy non plus. Rien d’étonnant lorsque l’on constate que le régime de sa progéniture est assez proche de la Adams. « Je vois, je comprends mieux sa déception quand elle a réalisé qu’on n’avait pas de fer à repasser à la maison. » C’est vrai que, le contraire aurait été étonnant. Autant elle est parfaitement capable d’imaginer la femme de Tommy se servir de ces ustensiles, elle imagine surtout que fer, s’il y’avait eu, a du finir à la benne lors du déménagement Canada-Australie. « Elle a demandé à notre vieille voisine de lui prêter le sien. » dit-il avant que Lene ne finisse par demander par quel miracle sa chemise a donc fini sans pli. Belle anticipation Tommy. « Et c’est moi qui m’en suis chargé, elle avait déjà dépensé suffisamment d’énergie dans l’affaire … Mais j’applaudis sa débrouillardise et sa capacité à rentrer par la fenêtre si la porte est fermée. » « Oui, pareil. J’espère que tu es prêt à ce qu’elle fasse preuve d’inventivité quand tu ne la laisseras pas sortir tard le soir. » demande t-elle juste pour le plaisir vilain de voir combien de cheveux blancs Tommy est capable de produire à la seconde. « Et alors, la cote du pari en est où pour l’instant ? Moïra et moi on n’est pas d’accord à ce sujet. On a mis une semaine de vaisselle en jeu pour le vainqueur, tout repose sur tes épaules. » Hum, est-ce le moment de la jouer au chantage et de promettre de faire gagner le plus offrant ? Elle a une seconde d’hésitation avant de reprendre. « Qui a parié sur quoi ? Tu sais, j’ai pas foule d’entourage que ça intéresse. Pour l’instant, les prono sont à ce que je donne naissance à un poulet, ou le diable en personne. » Oui, ce n’est pas une blague. Cela dit quand on avait fait autant de mal que Lene, difficile de ne pas avoir quelqu’un qui va menacer sa progéniture. Les hormones avaient arrêté de la piquer dans ce domaine. Maintenant, au lieu de fondre en larme, à chaque propos du genre, elle se contente de planifier comment elle peut rendre la personne misérable si elle le veut. Mais bon, parlant de diable en personne, elle finit par aborder le fait qu’elle ait croisé Eva. « Oh. » Un son qui résume assez bien le malaise vécu. « Comment ça s’est passé ? C’est vous qui avez décidé de vous voir ? » Elle hoche la tête. Pour ça, il faudrait qu’elles parlent. « Non, coïncidence. J’ai jamais changé de médecin et elle non plus. » Et maintenant, c’est trop tard pour elle. Mais depuis les quelques jours où cela c’était produit, Lene avait arrêté de s’inquiéter que la nouvelle se sache. Tony n’avait pas fait mine de s’intéresser à elle, son secret est sauf. « Le reste de ta famille est au courant aussi, ou c’est juste Eva ? » Nouvel hochement de tête. « Juste elle. Je sais que ça ne sera pas un secret longtemps mais je m’en fou. » Pour résumer. Parce que si de ne pas avoir de famille pouvait lui faire mal, si le fait d’avoir perdu sa mère sans avoir l’opportunité de dialoguer avec elle la hante toujours, cette famille là, elle n’en attend rien. « Je pense que tu connais assez bien le piège où l’on va me reprocher ce que je fais comme ce que je ne fais pas et qu’au lieu d’essayer de le plus irréprochable possible mieux vaut s’en foutre royalement et laisser les autres gérer leurs frustrations. » Elle n’avait pas besoin de faire un dessin plus poussé à Tommy qui vivait la même situation. « Je pense qu’au pire, ça laissera la famille jaser et se laisser croire qu’ils sont proches alors que tout ce qui les lie, c’est de pouvoir descendre les autres. »
Les relations entre Lene et le futur père de sa progéniture en étaient-elles toujours au même stade ? S’étaient-elles améliorées, ou même détériorées ? Une partie de Tommy avait envie de le savoir mais l’autre n’osait pas poser la question, et comme souvent dans ces cas-là il s’en était donc tenu à tourner sa langue sept fois dans sa bouche lorsqu’elle avait raillé « Je peux t’enregistrer en train de le dire ? J’ai besoin d’argument pour qu’Anwar réalise que mes lubies ne sont pas si néfastes. » et avait gardé ses questionnements pour lui, certain que la jeune femme n’attendrait pas sa permission pour s’en plaindre après de lui si le dénommé Anwar dépassait les limites de sa patience. Après une journée passée devant ce que la télévision avait à offrir de plus dégoulinant en matière de téléfilms à l’eau de rose – ou du moins c’est ce qu’en avait compris Tommy des dires de la Adams – elle semblait de toute façon bien plus motivée à l’idée de continuer sur sa lancée en s’intéressant aux déboires de son ami dans ses maigres tentatives pour se remettre dans le monde du dating, quitté il y avait bien (trop) longtemps désormais. Le brun n’avait plus ni les codes ni les usages en la matière, et en vérité son entourage semblait bien plus enthousiaste que lui à l’idée qu’il se soit jeté à l’eau, comme en témoignait dans ce cas précis les messes-basses de mini-Warren et de Lene pour obtenir de lui qu’il fasse l’effort de porter une chemise, repassée qui plus est. N’acceptant visiblement pas le « non » comme une réponse valable, Moïra avait redoublé d’inventivité et de persuasion pour parvenir à ses fins, et dans l’attente d’apprendre avec dépit que tout cela n’avait mené qu’au fiasco que l’on connaissait avec son rencard du soir sa tête blonde pourrait au moins se vanter d’être une redoutable négociatrice. « Oui, pareil. J’espère que tu es prêt à ce qu’elle fasse preuve d’inventivité quand tu ne la laisseras pas sortir tard le soir. » Oh, seigneur. Il ne préférait pas y penser, et s’octroyer le luxe du déni pour encore quelques mois … Et cela commençait par le fait de changer de sujet, avec autant de grâce et de discrétion qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Passer d’un enfant à l’autre, et relancer les pronostics quant à ce que serait le ou la futur(e) Adams. « Qui a parié sur quoi ? Tu sais, j’ai pas foule d’entourage que ça intéresse. Pour l’instant, les prono sont à ce que je donne naissance à un poulet, ou le diable en personne. » Grimaçant légèrement, Tommy avait préféré ne pas nourrir la médisance à ce sujet et s’il avait commencé par plaisanter en rétorquant « Eh bien si c’est le Diable, il pourra toujours devenir avocat. J’ai toujours entendu dire que c’était utile d’avoir un avocat dans sa famille. » d’un ton légèrement goguenard, il avait néanmoins rajouté ensuite avec plus de sérieux « Moïra croit dur comme fer à un garçon, et personnellement je penche pour une fille … mais bon, c’est peut-être mon expérience personnelle qui s’exprime. » Il ne l’admettrait sans doute jamais, mais lorsqu’Alice et lui avaient appris qu’ils attendaient une fille Tommy avait ressenti une infime pointe de déception, majoritairement liée au fait que dans son esprit de futur père angoissé élever une fille paraissait un cran au-dessus du fait d’élever un garçon sur l’échelle de la difficulté – il craignait déjà de ne pas faire un bon père, alors comment était-il supposé s’en sortir s’il ne pouvait en plus pas s’appuyer sur son propre vécu ? Et des années plus tard, finalement, Tommy n’imaginait plus les choses autrement et sa fille valait – objectivement, évidemment – mieux que tous les garçons, et même tous les autres enfants du monde.
L'incursion d'Eva dans la conversation le surprenant presque autant que le calme avec lequel Lene avait décidé de l’évoquer, il n’avait dès lors pas su jauger à la simple expression de la jeune femme si la rencontre s’était faite de manière civilisée ou si elle avait été le bain de sang que l’on pouvait tout aussi bien imaginer. « Non, coïncidence. J’ai jamais changé de médecin et elle non plus. » avait alors indiqué la jeune femme lorsque Tommy avait questionné sur le pourquoi du comment, et aussitôt le brun s’était senti désolé que son amie n’ait pas eu le loisir de décider du quand et du comment l’annoncer aux Adams – qui auraient bien fini par l’apprendre un jour, certes. « Juste elle. Je sais que ça ne sera pas un secret longtemps mais je m’en fous. Je pense que tu connais assez bien le piège où l’on va me reprocher ce que je fais comme ce que je ne fais pas, et qu’au lieu d’essayer de le plus irréprochable possible mieux vaut s’en foutre royalement et laisser les autres gérer leurs frustrations. » A cela le brun s’était contenté de hocher la tête en signe d’accord. Il n’était pas dupe, il savait que chez les Warren l’arrivée de Moïra avait fait jaser tout autant – mais de l’autre bout du monde il était plus facile de ne pas s’en soucier. « Je pense qu’au pire, ça laissera la famille jaser et se laisser croire qu’ils sont proches alors que tout ce qui les lie, c’est de pouvoir descendre les autres. » Peut-être. Mais auquel cas il était probablement préférable que Lene s’en tienne éloignée. « Si Eva vend la mèche et que l’un d’eux veut prendre de tes nouvelles, ils ont ton adresse, de toute façon. » avait-il alors fait remarquer, prudent plutôt que résolument optimiste, mais lui souhaitant tout de même qu’au moins le plus jeune de ses frères finisse par faire un pas dans sa direction … Lene en avait toujours parlé dans des termes moins durs que pour ses aînés, alors cela voulait probablement dire quelque chose. « Comment elle a réagi ? » Lene semblait en pleine possession de son intégrité physique – autant qu’elle le puisse avec un passager clandestin calé entre ses organes, du moins – et n’était pas non plus derrière les barreaux, autrement dit cela aurait toujours pu être pire … Mais l’on savait bien que les mots pouvaient parfois faire plus de ravages que les actes, et parce qu’il avait encore le souvenir de cette dernière conversation entre Eva et lui et de la manière dont elle avait moqué la simple idée qu’il puisse être père, il n’avait aucun mal à imagine que si l’aînée Adams avait souhaité appuyer là où cela faisait mal elle y serait parvenue.
Elle prend la chose avec humour. Du moins, quand ses hormones lui permettent parce que de s’entendre dire que son enfant sera un être humain au moins aussi mauvais qu’elle ne lui fait pas plaisir à entendre et si elle avait le courage d’aborder la question et de partager son ressenti, elle dirait même que ça la blesse parce qu’on s’attaque à son bébé à venir et que ça, c’est déjà très déconseillé. Preuve que l’enfant sera plus mature que la mère, Lene se tempère depuis le début de sa grossesse et apprend qu’il y’a des combats dans lesquels il vaut mieux ne pas s’impliquer et que la meilleure façon de donner tort aux autres, c’est le temps. « Eh bien si c’est le Diable, il pourra toujours devenir avocat. J’ai toujours entendu dire que c’était utile d’avoir un avocat dans sa famille. » contrebalance Tommy avec une bienveillance qui la touche et l’aide à ne pas trop réfléchir à la question de ce qu’elle est elle, de ce que cela implique pour l’enfant. “Je pourrais commettre plein de crimes!” ajoute t-elle d’un air rêveur, comme si elle caressait l’idée d’anéantir chaque personne médisante dès que le bébé aura sa taille adulte. L’idée reste à l’état de rêve. Tommy enchaine sur les pronostics pour la naissance. « Moïra croit dur comme fer à un garçon, et personnellement je penche pour une fille … mais bon, c’est peut-être mon expérience personnelle qui s’exprime. » Sans attendre, Lene réagit. “Ton expérience personnelle ou juste l’envie que je me retrouve dans la même galère que toi pour pouvoir me narguer après ?” Parce que clairement, élever une fille, c’est le level maximal de la difficulté. Il va déjà falloir apprendre à dompter son caractère car peu importe combien elle en hérite de sa mère, elle en aura toujours plus que n’importe quel garçon. Il faudra aussi lui apprendre qu’elle vaut autant que n’importe qui. L’aider à grandir sans complexe. A se faire une place dans un monde qui se veut plus dur pour les femmes. Clairement, élever une fille, c’est apprendre à quelqu’un comment survivre et ça, Lene ne saurait même pas expliquer comment elle même y arrive. “Tu imagines si elle hérite tout de moi ?” demande t-elle, ce qui ne semble pas effrayer Tommy. “PIRE ! Si elle hérite tout de sa tante!” Sa tante EVA. Un exemple qui devrait être plus parlant. Une frayeur supplémentaire parce que ça présage encore plus de difficultés pour l’élever. La mention de l’aînée Adams amène doucement la conversation vers le dernier entretien des deux sœurs. Quand ça touche à la famille, Lene sait qu’elle trouve toujours une oreille compréhensive auprès de Tommy qui parvient avec brio à se glisser dans ses chaussures. « Si Eva vend la mèche et que l’un d’eux veut prendre de tes nouvelles, ils ont ton adresse, de toute façon. » Oui, mais le mieux encore serait qu’aucun ne se pointe. Si elle a confiance dans le fait que Simon ne lui fera pas la leçon, contrairement à un Tony trop heureux de lui servir le discours qu’elle lui a tenu quelques années plus tôt, il est bien trop proche du paternel pour qu’elle veuille l’écouter. « Comment elle a réagi ? » Pas comme il s’y attendrait elle imagine. C’est vrai que Tommy ignore encore des choses sur Eva. “Plutôt bien quand on sait la douleur que la nouvelle a du lui infliger.” justifie t-elle en hésitant à cracher le morceau, ce qu’elle décide de faire parce qu’après tout, ce n’est pas une affaire d’état et briser le silence est ce qui aidera le mieux Eva à accepter même si elle l’aura mauvaise. Lene n’est plus à un reproche près. “Eva ne pourra pas avoir d’enfant. C’est une chose que Tony en ait un, une autre pour elle que ce soit moi.” La jalousie est tenace. C’est triste quelque part. “Nous n’avons pas parlé longtemps mais je ne pense pas la revoir de si tôt.” au final, ça n’avait duré que quelques minutes. Elle n’avait pas franchi le pas d’une rencontre avec sa soeur pour en parler. Cette dernière n’aurait pas chercher de vrai conversation de toute. “C’est bête. On a toujours été ennemie mais depuis la course, je m’étais habituée à ce qu’elle soit un peu là.” C’est bête et difficile. Elle a du mal à croire que c’est ce qu’elle s’apprête à dire mais construire un vrai lien de soeur, elle aurait aimé ça après cette course. “Je sais pas trop comment l’expliquer.” se contente t-elle d’ajouter.
S’il y en avait bien un pour savoir mieux que personne qu’absolument rien ne préparait à l’arrivée d’un bébé c’était Tommy : qu’on se sente d’avance un instinct de parent ou que l’on espère au contraire nerveusement le voir se développer une fois sa progéniture venue au monde, on se retrouvait presque toujours démuni de la même manière. Même d’avoir côtoyé d’autres bambins auparavant n’empêchait pas la réalité de revenir en pleine figure – ce n’était jamais pareil tant qu’il ne s’agissait pas de son propre bébé. Lorsque Lene avait rétorqué « Ton expérience personnelle ou juste l’envie que je me retrouve dans la même galère que toi pour pouvoir me narguer après ? » face à ses pronostics quant au sexe de sa future crevette, il avait dodeliné la tête et admis d’un ton légèrement narquois « Hm, sans doute un peu des deux. » puis laissé échapper un rire. « Mais au moins j’aurais peut-être deux trois conseils à te refiler. C’est si rare que mon expertise soit utile à quelqu’un. » Sans doute parce que ses domaines d’expertise étaient plus que limités, pour commencer. Restant songeuse un moment, la future mère avait fini par reprendre : « Tu imagines si elle hérite tout de moi ? » N’ayant aucune idée de quel genre de type était le père, Tommy avait en réalité un peu de mal à se figurer les choses autrement : inconsciemment il s’imaginait ce futur enfant comme une mini-Lene plutôt que comme une mini-Lene-plus-random-guy. Réalisant qu’elle n’avait pas fait mouche, la jeune femme avait alors enchéri « PIRE ! Si elle hérite tout de sa tante ! » et saisissant la perche le brun avait affiché une grimace horrifiée « Làààà, il sera toujours temps de la ramener au service après-vente. » Mais vraiment, il ne souhaitait ce sort à aucun enfant (hériter du caractère d’Eva, donc). « Et comme tu parles en elle, j’en conclus que c’est aussi ton intuition ? » Cela arrangeait bien ses affaires, il pouvait voir la corvée de vaisselle s’éloigner de lui pour se rapprocher de Moïra – bien qu’en réalité si sa fille perdait son pari il savait bien qu’il finirait par avoir pitié d’elle.
Le nom d’Eva ayant été mentionné la conversation avait en tout cas fini par dériver vers elle, d’autant plus que Lene avait admis s’être malgré elle retrouvée en position de devoir annoncer la nouvelle de sa grossesse à sa sœur aînée. Prudemment, Tommy s’était permis de demander comment s’était déroulée la conversation en sachant bien l’état dans lequel la précédente avait déjà mise son amie. « Plutôt bien quand on sait la douleur que la nouvelle a dû lui infliger. » avait pourtant répondu la concernée, obtenant en retour un regard surpris que le brun n’était pas parvenu à réprimer. « Eva ne pourra pas avoir d’enfant. C’est une chose que Tony en ait un, une autre pour elle que ce soit moi. » Contre toute attente, Tommy avait affiché une grimace et baissé les yeux de façon un peu penaude. « Je vois … Je comprends mieux. » Et il se sentait un peu bête d’avoir été médisant sans réfléchir plus loin que leur vieille querelle d’adolescents. « J’étais en retard pour récupérer Moïra à l’école la dernière fois qu’on s’est croisés elle et moi. Elle a assez mal réagi en apprenant que j’étais père. » Euphémisme, en réalité Eva s’était même montrée horrifiée à la simple idée qu’il ait pu se reproduire … Maintenant, il se disait que la colère qu’elle avait témoignée n’était peut-être pas tant dirigée contre lui en fin de compte. « Nous n’avons pas parlé longtemps mais je ne pense pas la revoir de sitôt. » avait en tout cas fini par reprendre Lene à propos de sa sœur. « C’est bête. On a toujours été ennemie mais depuis la course, je m’étais habituée à ce qu’elle soit un peu là. Je sais pas trop comment l’expliquer. » Et rien ne l’obligeait à l’expliquer, en réalité, ce qui n’avait pas empêché Tommy d’acquiescer d’un ton compréhensif. « C’est tout sauf bête. C’est humain de préférer le chemin le plus apaisé. » Encore plus lorsque ses hormones jouaient déjà au yoyo de devoir cohabiter avec un passager clandestin. « Qui sait ? Y’a quelques mois tu ne te serais pas imaginée devenir mère dans l’année à venir, alors … » Il avait haussé les épaules. « On ne sait jamais vraiment de quoi l’avenir est fait. » Sans doute était-ce mieux ainsi, d’ailleurs. Portant sa bière à sa bouche d’un air songeur, il avait penché la tête sur le côté et offert un sourire à Lene « T’es pas toute seule. » Et comme pour sceller le pacte qu’il se faisait à lui-même de toujours y veiller, il avait tendu sa bouteille vers le bucket de poulet que tenait la jeune femme et avait fait mine d’y trinquer. Une promesse faite à la bière sans alcool et au poulet frit, cela valait tous les « croix de bois, croix de fer » du monde.