| joamie + hate is always waiting at the gate |
| | (#)Ven 20 Déc 2019 - 14:42 | |
| Délégué d’histoire du soir, je referme délicatement la porte de la chambre de Daniel derrière moi, ma mission accomplie et le petit envoyé dans les bras de Morphée où son esprit juvénile pourra donner vie à d’autres aventures de Pierre Lapin. J’ai moi-même été bercé par les mésaventures et les maladresses du rongeur à veston à son âge, et lui lire les mêmes récits que ceux qui ont fait mon enfance il y a plus de trente ans de cela m’offre une certaine satisfaction, la sensation de créer un lien, nourrir un souvenir qui deviendra un petit bout sentimental d’héritage. C’est toute la magie de la transmission. Dans la pièce à vivre, les restes du dîner ont disparu de la table, les miettes englouties par notre tribu à quatre pattes. Les dernières lampes allumées forment une aura dorée, une atmosphère tamisée, petit à petit plongée dans l’obscurité et la nuit alors que les lumières sont éteintes une à une. Il ne reste plus que celle de la chambre, que l’on devine sous la porte. Sans un bruit, je me glisse de l’autre côté et me faufile à pas de loup jusqu’à ma femme, songeuse au milieu de la pièce. Le sursaut qui hérisse sa peau témoigne de la profondeur de ses pensées. “Les terreurs dorment à poings fermés…” je souffle, le visage penché au creux de son cou, les bras cerclant délicatement sa taille. Ma bouche dépose un baiser sur son épaule, sa joue, sa tempe, dans l’espoir qu’elle tourne instinctivement la tête pour m’offrir ses lèvres. Que nous puissions enfin avoir ce moment d’intimité tel qu’il nous manque depuis des semaines. La jeune femme n’en fait rien, s’échappe de mon étreinte et ne m’offre pas plus qu’un regard fuyant. Encore. Une frustration qui s’ajoute à l’accumulation de toutes les autres nuits où Joanne m’a débouté de la même manière. Au début, il s’agissait de son mal-être face aux séquelles laissées par la mise au monde de Louise. Puis le rythme de la vie, la fatigue, le quotidien prenant le dessus. Néanmoins, cela fait quelques temps que toutes les excuses sont épuisées, et la naïveté dont j’ai bien voulu faire preuve afin de paraître compréhensif expire un peu plus à chaque fois que mon épouse me laisse sans attention, et sans explications. “Les migraines, encore ?” je demande, désormais habitué à la rengaine. J’y avais cru, les premières fois. Puis les soit disant maux de têtes se révélèrent n’être rien de plus que la caricature d’excuse qu’ils étaient. Et je n’ai rien dit, rien fait, à part acquiescer, des jours durant où je me sentais mis à l’écart ou puni pour une raison que j’ignore. Une partie de moi ne souhaite toujours pas la confronter. Je veux croire que Joanne a ses raisons et qu’elle me les partagera le moment voulu. Je veux lui laisser le temps, continuer d’être le mari qui ne force pas, ne presse pas, n’exige pas. Mais plus que la frustration physique, c’est la torture émotionnelle que cette distance qu’elle m’impose est en train de me faire subir peu à peu. Pour que cela dure depuis si longtemps, c’est qu’il y a une raison derrière ce comportement, une chose qu’elle ne me dit pas. “Joanne, je peux jouer à l’aveugle un certain temps, mais il y a des limites à ce que je peux continuer d’ignorer.” dis-je finalement d’une voix basse, désoeuvré par ses multiples manoeuvres pour m’éviter. Et je ne sais pas par quel bout prendre le problème, comment l’aborder avec elle de manière à ce qu’elle s’ouvre à moi plutôt que de se renfermer encore plus qu’elle ne l’est déjà. Le manège a assez duré, mais comment lui faire comprendre l’inquiétude, l’angoisse qu’elle nourrit en moi en agissant de cette manière ? “Tu te comportes bizarrement, en ce moment, je reprends. Je ne sais pas si c’est à cause de Louise, de la maison, du mariage…” Est-elle encore fâchée avec son corps malgré mes tentatives de la rassurer ? Est-elle trop fatiguée par les enfants, considère-t-elle que je n’en fais pas assez ? Est-elle contrariée par la longue attente avant la cérémonie qu’elle réclame depuis des mois ? Ma tête est pleine de questions mais aucune piste qui expliquerait cette soudaine aversion envers ma présence. “Est-ce que c’est Marius qui t’en demande trop ?” je demande également, n’écartant pas la piste du travail, d’un éventuel surmenage à force de jongler entre les activités en plus des besoins de la famille. J’approche à nouveau de la jeune femme sans me risquer au contact. Honnêtement, mon coeur se briserait face un mouvement de rejet supplémentaire de sa part. J’ose à peine chercher son regard, juste pour qu’elle puisse voir l’incompréhension et la tendresse dans le mien ; je ne sais si j’aurais le courage de tenir face à ce que ses iris auraient à dire que sa bouche persiste à taire. “Pourquoi tu ne me parles pas ?” Je ne souhaite que comprendre, et espère découvrir ce qui se cache derrière ce mur qu’elle s’est discrètement mise à bâtir entre elle et moi, dans les silences, dans le secret, et que je n’ai vu sortir de terre qu’une fois qu’il était trop haut et solide pour me laisser une chance de deviner ce qu’il se tramait. |
| | | | (#)Dim 29 Déc 2019 - 17:30 | |
| HATE IS ALWAYS WAITING AT THE GATE i just thought our dream would last a little bit longer | |
Retrouver enfin un peu de calme après une longue journée était ce qu'il y avait de plus agréable pour la belle blonde. Elle aimait son rythme de travail, ce qu'elle faisait, le projet professionnel sur lequel elle ne planchait que succinctement pour l'instant. Cela lui permettait d'éviter de penser à des sujets épineux, sur lesquels elle avait tendance à bien trop penser. Sa main massait sa nuque tendue pendant quelques secondes pendant qu'elle faisait une énième rétrospective sur les dernières rencontres qu'elle avait faite. Lonnie qui l'avait forcé à faire surgir de douloureux souvenirs, Mina qui avait pris plaisir de se vanter d'avoir eu des échanges charnels avec Jamie. Comme si le passé les avait enfin rattrapé. Joanne avait fixé une telle volonté à aller de l'avant, à se montrer très enthousiaste à ce que leur futur leur réservait, que la claque n'en était que plus violente. Elle se mettait même à penser qu'à ce stade, elle ne serait pas surprise de voir Hannah sonner à la porte et annoncer son grand retour en ville. Cette simple idée l'angoissait. Elle se donnait tant de mal pour sa famille, que de se rendre compte qu'elle ne s'était bercée que dans une belle illusion la blessait au possible. Il y avait d'autres facteurs qui la mettaient dans une position inconfortable et elle culpabilisait énormément quand elle se mettait à penser que sa fille faisait partie de ces personnes qui lui faisaient perdre toute confiance en elle. Et il ne s'agissait pas seulement de la cicatrice laissée sur son ventre pour la mettre au monde. Joanne en avait fait une telle obsession qu'elle avait fait tout son possible pour qu'elle soit le moins visible possible, achetant une huile que le pharmacien lui avait recommandé, observant quotidiennement cette marque sur laquelle elle complexait, de peur qu'elle ne soit plus visible à cause d'une infection ou d'un autre problème. Et Dieu sait que Joanne avait la ferme intention de parler de Mina à Jamie. Elle ne voulait pas se précipiter afin de ne pas se focaliser uniquement sur son côté possessif et extrêmement jaloux, de pouvoir relativiser et pointer du doigt tout ce qui n'allait pas. Et les semaines défilaient et ce n'était jamais le bon moment. Elle le faisait payer autrement à Jamie et pas des plus belles façons qui soient, mettant à mal leur vie conjugale qui avait d'habitude une place importante dans leur couple. Plongée dans ses pensées, elle sursautait lorsqu'elle sentit les doigts de Jamie glisser autour de sa taille. Au fond, sa tendresse lui manquait énormément. Mais elle ne pouvait tout simplement pas, c'était au-dessus de ses forces, au-dessus de l'amour qu'elle lui portait. C'était pour cela qu'elle ne se montrait pas des plus réceptives aux baisers de son mari, même s'ils étaient doux, agréables, chaque contact lançant un subtile message de la façon dont il imaginait la suite des événements. Un frisson la parcourait et elle se détachait de lui, sans pour autant se montrer brusque. Jamie avait du essuyer beaucoup de refus ces derniers semaines et elle était surprise qu'il respectait ses choix sans chercher à comprendre ce qu'il se passait. Elle ne se montrait pas des plus loquaces. Elle n'était pas facile avec lui. Son coeur se serrait dans sa poitrine lorsqu'il prit la parole. Bien plus démuni qu'agacé, Jamie ne cherchait qu'à comprendre ce qui clochait. La petite blonde fermait les yeux et réalisait que la conversation n'allait plus pouvoir attendre. A ce stade, l'ignorer encore une fois serait ce qu'il y a de plus cruel. Elle secouait lentement la tête. "C'est... un peu de tout." reconnut-elle dans un souffle, avec un volume à peine audible. Son regard était bas, attristé et craintive de la tournure qu'allait prendre cette conversation. Mais il le fallait. "Non, non... Tout va bien avec Marius." Il était exigeant envers elle, mais ça ne partait que d'un bon sentiment. A croire qu'il avait flairé ses ambitions, sinon il ne lui demanderait certainement pas de continuer d'aiguiller les thésards comme elle le faisait. Joanne avait compris que son mari était dans l'incompréhension dans la plus totale et qu'il n'avait absolument aucune idée de ce qu'il tramait, sinon il ne s'évertuerait pas à énumérer tout ce qui pouvait potentiellement être la cause de son éloignement. Elle glissa sa main dans sa chevelure avant de prendre une grande inspiration. Enfin daignait-elle lancer un regard dans un premier temps désolé, imposant un long silence avant qu'elle ne veuille bien la parole. "Parce que j'ai peur où cette conversation pourrait nous mener." Elle savait que ça allait mal se passer. Joanne soupirait et faisait quelques pas dans leur chambre. Les secondes semblaient interminables et elle pouvait aussi ressentir le poids de l'atmosphère alors que son mari n'attendait que de savoir ce qui n'allait pas. "Nous avons fourni tellement d'efforts pour être là où nous en sommes actuellement." dit-elle d'un ton bien plus ferme qu'elle n'avait l'habitude d'utiliser. "Et pendant longtemps, j'y avais cru, dur comme fer." Elle finissait même par se demander si le retard de la construction de la maison et la difficulté croissante qu'elle avait de se sentir à l'aise et à sa place depuis la naissance de sa fille n'étaient pas par hasard non plus. Peut-être un signe qu'il était temps de freiner et de faire une rétrospective sur des événements qu'ils avaient préféré enterrer que résoudre une bonne fois pour toutes. "Mais il semblerait que certaines personnes s'évertuent à nous rappeler que c'est loin d'être réglé." La mâchoire serrée, Joanne n'avait étrangement aucune crainte de fixer Jamie du regard. Ce qu'elle disait ne lui apportait pas franchement plus d'indices sur ce qui la laissait éloignée de lui. Autant aller droit au but tout de suite. Il fallait crever l'abcès de toute façon. "Qui est Mina Farrell, Jamie ?" lui demanda-t-elle finalement, le regard dur. Avant de lui parler de sa rencontre avec la jeune femme, elle voulait entendre sa version des faits, si ça concordait ou non avec ce qu'on lui racontait, s'il allait faire preuve d'honnêteté ou non. Il ne parlait que très rarement de ses conquêtes sachant que son épouse pourrait saboter sa propre confiance en elle, pour le peu qu'elle avait réussi à bâtir depuis plusieurs mois. Aucune de ses femmes n'avait eu l'audace de se vanter de la nuit partagée avec lui, encore moins dans le but de semer le doute dans son esprit par pure méchanceté. Joanne voulait savoir, bien qu'elle se doutait bien que sa réponse allait la mettre hors d'elle.
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| | | | (#)Mar 14 Jan 2020 - 20:22 | |
| A la seconde où je perçois une réaction à mes paroles de la part de Joanne, il est évident que je vois juste. Sa manière de baisser la tête, éviter mon regard et finalement clore ses paupières, cet air à la fois désolé et résigné qui se devine à la manière dont ses lèvres se pincent. Qu’est-ce qu’elle me cache ? Que ne m’a-t-elle pas dit ? La jeune femme est experte lorsqu’il s’agit de garder ses tracas pour soi. Elle sait souffrir en silence jusqu’au jour inattendu où les choses explosent. J’aurais sûrement encore attendu longtemps avant qu’elle ne daigne me partager les raisons de cette distance qu’elle creuse entre nous, ce fossé qui l’éloigne de moi chaque fois qu’elle me refuse son affection. Sûrement des semaines encore, des jours et des jours de silences et de non-dits alors que nous voulions miser sur la communication afin de ne pas reproduire les erreurs passées. "C'est... un peu de tout." avoue-t-elle final, et je suis autant soulagé qu’elle accepte de me partager le fond de sa pensée que craintif d’en connaître les tenants et les aboutissants. Dieu seul comprend les rouages de l’esprit de Joanne, encore trop sophistiqués pour moi. Elle disculpe rapidement Marius et l’écarte de mes soupçons. Une partie de moi aurait voulu entendre le contraire et tenir un coupable idéal. Un homme facile à blâmer, un problème facile à régler ; cette piste était justement trop simple pour justifier pareil comportement de la part de ma femme. Et alors que j’insiste, mes craintes se confirment ; je ne voulais pas m’imaginer sur la liste des problèmes subis par Joanne, mais sa réaction indique bel et bien que ce qui cloche me concerne, et nous concerne en tant que couple. "Parce que j'ai peur où cette conversation pourrait nous mener." elle confesse difficilement, le poids de semaines de secrets se devinant dans l’application qu’elle met dans le choix de chacun de ses mots. "Nous avons fourni tellement d'efforts pour être là où nous en sommes actuellement. Et pendant longtemps, j'y avais cru, dur comme fer." Le passé qui projette ses mots dans un temps révolu participe à faire grandir l'angoisse qui plombe mon estomac. Il y a de la fatalité dans ces termes, un sentiment de rupture ; comme si l'espoir s'est envolé pour de bon, que l'énergie n'y est plus, ni la volonté de s'accrocher. Même si je ne voulais pas l'interpréter de cette manière et voir en face toute cette résignation, je ne pourrais en détourner le regard. "Mais il semblerait que certaines personnes s'évertuent à nous rappeler que c'est loin d'être réglé." Les éléments perturbateurs, toujours. Eux qui sabotent notre histoire depuis le tout début et nous tirent vers le bas, le poids à notre cheville qui nous empêche de sortir la tête de l'eau. Ils s'appellent Edward, Kelya, Hannah, Saul. Et maintenant, qui ? “Qu’est-ce que tu veux dire par là ?” je trouve finalement le moyen d'articuler malgré le noeud dans ma gorge et la sécheresse sur ma langue. Le vague autour du discours de Joanne est une véritable torture ; je dois savoir ce qu'il s'est passé pour qu'elle soit aussi abattue, j'ai besoin d'un qui, d'un pourquoi, d'un comment. Faire front d'un côté, la rassurer de l'autre, il en a va de ma responsabilité vis-à-vis de cette famille à qui j'ai déjà infligé trop d'épreuves. "Qui est Mina Farrell, Jamie ?" C'est le coup de massue. Mon visage se fige. Un instant, mon esprit refuse de faire le lien, voir l'évidence et me mettre en face de mes actes. Les erreurs passées nous rattrapent toujours, l'exemple est parfait. Les mensonges éclatent toujours. Les manipulations vous pourrissent le karma. Tout, absolument tout ressurgit, tôt ou tard. Tout heurte, tout blesse ; l'univers vengeur arrache la réparation qu'il réclame à votre bonheur, à celui de vos proches. Et c'est bien fait. C'est ainsi que doivent être les choses. “C’est…” Fébrile, mes jambes me portent jusqu'au lit, mais pas plus loin ; je m'assois sur le bord, la tête tombant immédiatement dans mes mains, le coeur battant furieusement contre mes tempes. "Ce n'est personne." je souffle. Sans faire l'affront à Joanne de prétendre ne pas connaître la jeune femme, je cherche plutôt à minimiser le rôle de celle-ci et la place que son nom prend soudainement dans la chambre, tout l'air que sa prononciation a aspiré, tout l'effroi et le dégoût que sa sonorité m'inspire. Un dégoût pour moi-même bien plus qu'envers la brune. Un dégoût que je crains désormais plus que tout d'inspirer chez ma femme. "Comment tu connais ce nom, Joanne ?" je demande, bien que la réponse soit évidente. Mina m'en a averti. Balayer d'office la possibilité qu'elle mette ses menaces à exécution a été une terrible erreur. "Elle est venue ici, n'est-ce pas ?" Elle aurait pu effectuer un contact autrement, mais cela ne serait pas assez Farrell de sa part de simplement passer un appel, envoyer un mail, une lettre ou utiliser le moindre intermédiaire. Elle s'est forcément présentée en personne, la manœuvre est toute indiquée. Dès lors que j'essaye d'imaginer le tête à tête des deux jeunes femmes, mon estomac se tord. “Qu’est-ce qu’elle a dit ?” je demande. Mais je ne sais si je supporterais d’entendre la vérité, ce qu’il s’est réellement passé entre Mina et moi, sortir de la bouche de Joanne, le rendant plus réel et inéluctable que je n’ai accepté qu’il le soit. |
| | | | (#)Dim 19 Jan 2020 - 19:02 | |
| HATE IS ALWAYS WAITING AT THE GATE i just thought our dream would last a little bit longer | |
La nuit avait toujours été leur grand complice. Aussi étrange cela pouvait-il être, c'était toujours durant cette période qu'il était plus facile de se confier, de s'aimer. Loin des regards indiscrets et loin des journées chargées qui faisaient défiler les semaines à toute vitesse. Le travail et les impératifs familiaux permettaient d'accélérer les minutes et les heures, mais n'aidaient en rien de soulager les épaules solides de la petite blonde, qui traînait des secrets avec depuis bien trop longtemps. Elle ressassait, elle tentait de comprendre mais les conclusions qu'elle en tirait étaient loin d'être rassurantes. Alors oui, elle imposait une distance dans son couple non pas par manque d'affection pour lui, mais elle s'en sentait juste incapable. L'homme qu'avait dépeint la brune ne resesmblait pas au Jamie que Joanne voyait tous les jours. Elle lui rappelait une autre personne, qu'elle préférait oublier et rayer de sa vie pour de bon. Il n'y avait pas eu un seul moment depuis leur mariage où Joanne avait eu l'occasion de revoir ses mauvais côtés. Certes, il avait confié il y a longtemps qu'il n'était pas heureux et qu'elle ne pouvait rien y faire. Il avait pendant longtemps prolonger ses journées au travail pour diminuer le temps passé à la maison. Depuis la venue de Louise dans leur vie, son quotidien avait beaucoup changé et c'était autour de Joanne de braver ses propres difficultés. Mais elle restait convaincue qu'ils formaient une famille heureuse, avec des projets d'avenir de toute part. Et l'ouragan Mina Farrell était venu frappé à leur porte dans le seul but de répandre son venin et laisser le poison agir aussi longtemps que nécessaire. Ce soir-là était donc le résultat de longues semaines de nécrose et d'idées noires et malgré une colère lancinante, Joanne était attristée car elle savait que cette conversation allait avoir un impact important sur son couple et sa famille. Elle avait beau ne pas vraiment la regarder, elle pouvait deviner qu'il avait l'impression d'étouffer, suffoquant dans l'atmosphère pesante qu'elle imposait. Elle n'avait relevé que lorsqu'elle avait posé la question qui allait permettre à Jamie de savoir ce qu'il se passait réellement. Il n'avait alors pas plus besoin d'un nom pour tout comprendre. Pris au dépourvu, ne s'attendant vraiment pas à cela, le beau brun finit par s'asseoir au bord du lit, à réfugier son visage entre ses mains. Il suffisait de ça à Joanne pour savoir par avance que ce que Mina avait dit était vrai. Sinon, il ne serait pas dans un tel état. La belle blonde restait quant à elle debout, les bras se croisant lorsqu'il osait prétendre que ce n'était personne. "Vraiment, Jamie ?" lui rétorqua-t-elle. Elle ne voulait même pas qu'il essaie de prétendre que ce n'était rien, ou de minimiser le tout parce que le jour où Mina était venue toquer à sa porte, tout avait changé. Il avait quand l'audace de poser les questions en premier. Elle n'y répondait pas. Il trouvait les réponses lui-même et les silences de son épouse ne faisaient que confirmer ses suppositions. Encore une fois, la jeune femme prit beaucoup de temps avant de reprendre la parole. "Elle voulait me convaincre que tu ne sois pas une bonne personne et que je ne devrais plus avoir confiance en toi." Mina avait même commencé par ça, avant d'en venir véritablement aux faits. "Si ce n'était que ça, j'aurais pu gérer, vraiment." lui assura-t-elle. Mais ça n'avait été que le début de leur conversation. "Mais ensuite, elle s'est évertuée à vanter votre nuit apparemment très intense, en ne lésinant pas sur les détails. Et elle a une très bonne mémoire. Elle s'est même souvenue de ton tatouage." Joanne n'avait jamais caché à son mari l'attachement qu'elle avait pour l'encre qu'il avait mis sous sa peau. La date de naissance de leur premier enfant. Qu'une autre femme ait pu l'admirer, le toucher, l'embrasser, et qu'elle s'en souvienne, la mettait hors d'elle. "Et encore ça... Ca n'a pas été évident de faire abstraction de toutes tes conquêtes, Jamie. Mais c'était en partie de ma faute, donc j'ai préféré mettre les oeillères et essayer de faire avec. Mais ne va pas croire que j'ai pu totalement rayer de mes pensées le nombre de femmes que tu as pu emmener ici, dans ce lit. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai hâte que nous partions d'ici." C'était un travail de longue haleine et elle s'était bien gardée d'en parler à qui que ce soit. Il semblerait que sa patience soit mise à rude épreuve avec les travaux qui continuaient d'être retardés et la survenue d'éléments perturbateurs dans son quotidien. "Et il semblerait qu'en échange de ses bons services, tu lui ai fais quelques promesses." dit-elle après avoir dégluti difficilement. Jamie avait toujours aimé se décrire comme un homme de paroles, accordant énormément de valeurs aux promesses. Il se rongeait les sangs quand il n'y parvenait pas, il essayait de se racheter. Du moins, c'était l'homme que Joanne connaissait. "Est-ce vrai ?" lui demanda-t-elle, d'un ton sec qui laissait transparaître qu'une partie insignifiante de sa colère. "As-tu vraiment abusé de ses espoirs – même si je pense qu'elle soit une personne loin d'être honnête– dans le seul but de coucher avec elle ? Ou est-ce que à un moment donné tu as pensé ce que tu as dit ?" Joanne ignorait ce qui était le pire dans tout ça et à ce stade, elle était inapte à prioriser le plus grave, le plus effarant et le plus décevant. "Et elle semble si jeune." Elle ne devait pas être majeure de bien longtemps quand elle avait rencontré Jamie pour la première fois. "J'ai une autre question pour toi, aussi." ajouta-t-elle après un bref soupir d'exaspération. "Pourquoi maintenant ? Qu'est-ce qu'il s'est passé pour qu'elle vienne toquer à notre porte maintenant, et pas avant ?" Il devait y avoir une vraie raison, et Joanne se doutait bien que ça ne pouvait qu'être de mauvaise augure.
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| | | | (#)Jeu 30 Jan 2020 - 10:06 | |
| Le sol s'est dérobé sous mes pieds. Un vertige qui ne prend pas fin, qui secoue et renverse la réalité, notre trop belle réalité, pour une version bien moins polie. Il y a des voiles que l'on ne voudrait jamais lever, des évènements et des personnes qui feraient mieux de rester dans l'ombre. Mina était un secret honteux si bien enterré, loin de mon regard, que je l'avais presque oubliée. Elle ne signifiait rien, elle n'était rien ; elle n'était qu'une jeune femme dont l'ambition et la vanité s'étaient retournés contre elle, bien d'autres subissent ce revers en ayant la dignité d'assumer leur échec en silence. Pas elle. Elle avait sonné à ma porte, parlé à ma femme. Elle a ainsi franchi la ligne jaune. Joanne est ébranlée mais je devine une colère dormante, maintenant que le sujet est sur la table. Une contrariété étouffée par le bénéfice du doute qu'elle m'accorde -et que je vais décevoir. Je ne peux me dérober derrière quelques demi-vérités en espérant réparer le voile sur ces faits et qu'elle détourne le regard. Il n'y a aucune issue de secours si je souhaite aspirer à un minimum d'absolution de la part de ma femme. Et encore, comment pourrait-elle pardonner ? "Elle voulait me convaincre que tu n'est pas une bonne personne et que je ne devrais plus avoir confiance en toi." À raison, me dis-je, toujours abattu, toujours réfugié dans le creux sécuritaire de mes mains. Pourtant, je suis une bonne personne. Ce n'est pas un écart de conduite qui doit me définir. S'il n'était que le premier… Peut-être est-il la preuve définitive que je ne suis pas, et n'ai jamais été, celui que je pensais être, que je voulais être. "Si ce n'était que ça, j'aurais pu gérer, vraiment. Mais ensuite, elle s'est évertuée à vanter votre nuit apparemment très intense, en ne lésinant pas sur les détails. Et elle a une très bonne mémoire. Elle s'est même souvenue de ton tatouage." Une démarche sadique à n'en pas douter, visant à toucher Joanne au coeur, stimuler son imagination et, par la même occasion, son dégoût. Je me souviens de Primrose qui avait également relevé le tatouage de son maître chanteur ; visiblement, ces détails marquent les esprits mieux que la couleur des yeux. Depuis peu, la date de naissance de Louise s'est ajoutée sous celle de son frère sur l'omoplate encrée. Mais ces marques d'affection éternelles ont quelque peu perdu de leur sacralité désormais. "Et il semblerait qu'en échange de ses bons services, tu lui ais fait quelques promesses. Est-ce vrai ?" Mina n'allait pas taire la partie la plus honteuse de l'histoire. L'accablement pèse un peu plus sur mes épaules. Je ne sais que répondre à cela, et ma bouche sèche reste vide de mots. "As-tu vraiment abusé de ses espoirs – même si je pense qu'elle soit une personne loin d'être honnête– dans le seul but de coucher avec elle ? Ou est-ce que à un moment donné tu as pensé ce que tu as dit ?" L'ai-je pensé ? Que j'offrirai un article en double page à Mina sur un plateau d'argent pour une simple partie de jambes en l'air ? Absolument pas. La manoeuvre était claire depuis le début. Avais-je besoin de l'argument pour arriver à cette fin ? Je suppose qu'elle me l'a laissé entendre, comme un échange de bons procédés afin de justifier mon désir pour elle. Pourquoi le voulais-je tant ? Pourquoi mettre mon éthique au placard pour elle ? "Je ne sais plus. Je ne me souviens plus." je souffle tout bas. Mes mains frottent mon visage, les traits tirés par un soudain coup de fatigue propre aux confrontations surprises et aux sujets qui fâchent ; des épreuves émotionnelles en somme, celles qui vous vident, vous ésorrent et vous laissent gisant. Cette envie de couper court, avoir le silence, tourner le dos à l'éléphant dans la pièce et aller se coucher en espérant que demain soit un tout autre jour presse mon ventre tandis que Joanne poursuit l'exposé de la visite de Mina. "Et elle semble si jeune." L'âge de la jeune femme est sans nul doute un facteur aggravant de la situation ; il l'est d'autant plus lorsque, d'un simple calcul, celui qu'elle avait au moment de cette relation et la différence avec le mien créent un plus grand choc. "Elle l'est…" j'admets. Je ne sais pas si je ne l'ai pas réalisé à l'instant même où nous nous sommes rencontrés, quoi qu'il en soit, cela rend le geste un peu plus incompréhensible, et la rétrospective rebutante. "Pourquoi maintenant ? reprend Joanne, ne laissant aucun répits à ce sujet retenu trop longtemps, macéré dans un coin de sa tête pendant dieu sait combien de semaines. Qu'est-ce qu'il s'est passé pour qu'elle vienne toquer à notre porte maintenant, et pas avant ?" Mina a perdu patience, voilà ce qu'il s'est passé. Elle a réclamé son dû une fois et avait proféré les menaces allant de paire avec ma mauvaise foi. Mais si ce soir-là, ni le précédent, ne l'ai-je vraiment prise au sérieux. Ce n'était qu'une gamine. Une écervelée dont la quête de gloire méritait bien de se brûler une ou deux plumes. Ma tête se redresse, cependant mon regard évite soigneusement Joanne. Trop de honte sur mes épaules, trop de dégoût dans mes tripes ; je ne saurais pas même me voir dans un miroir. Les infimes réminiscences de la nuit avec Mina flottent pour torturer ma conscience. "Nous nous sommes parlés il y a quelques mois de ça, dis-je, la voix enrouée, la gorge serrée. Mina exigeait que je tienne ma promesse. J'ai refusé." Une question de fierté de même qu'un profond déni de cette parole que je lui avais donnée m'avaient poussé à débouter cet engagement. Je ne pouvais pas me laisser dicter ma conduite par une gamine. Je ne pouvais encore moins admettre qu'elle avait raison de le faire. "Je pensais qu'elle laisserait tomber." Ce n'était qu'un article après tout. Qui se battrait autant pour flatter son égo un bout de papier ? C'était d'un véritable accomplissement dont Mina avait besoin afin de mériter cette place, et non d'écarter les jambes. Cela lui aurait rendu service de le réaliser lorsque je lui ai tourné le dos. Mais non, elle s'était faite rouler dans la farine et ne comptait pas perdre sans m'écorcher également. Au fond, la démarche de la jeune femme est limpide : attendre que ma femme se fasse le messager de sa visite pour me pousser à nouveau à tenir parole. Céder une fois, plier sous la terreur, c'est baisser les bras pour toujours. Si je laisse Mina gagner une fois, qui sait ce qu'elle cherchera à me soutirer d'autre pour dommages et intérêts. Néanmoins, là n'est pas la question ce soir. La vraie terreur ne vient pas de la rentière, mais de Joanne et de ce qu'elle peut bien penser de moi à cet instant. L'arête de mon nez posée sur mes mains en prière, je clos mes yeux qui craignent plus que tout sa réaction ; pire, ses larmes. "Je te jure que je ne sais pas ce qu'il m'est passé par la tête ce soir-là. Tu sais que je ne suis pas comme ça." Les événements sont flous. Impossible de me rappeler ce que nous nous sommes dits, les mots et les gestes échangés pour mener à cette finalité. À dire vrai, en tentant de me remémorer la scène, je ne parviens pas à me voir comme l'un des protagonistes ; c'est un film muet qui se joue, Mina face à cette personne vaguement familière. Et de l'extérieur, tout n'est que plus abjecte.
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| | | | (#)Lun 3 Fév 2020 - 16:26 | |
| HATE IS ALWAYS WAITING AT THE GATE i just thought our dream would last a little bit longer | |
Il y avait ces quelques situations où Jamie manquait de mots. Les plus agréables étaient quand Joanne parvenait à l'éblouir en étant vêtue de belles tenues, ou même parfois par ses vêtements les plus classiques. Elle parvenait à le dérouter de bien des manières. Mais là, le poids de sa culpabilité le rendait muet et ne faisait que confirmer ses fautes. Il était silencieux, ses jambes ne le soutenaient plus si bien qu'il restait assis au bord du lit, son regard bien loin des iris bleutés de son épouse. Celle-ci l'assénait de questions dont elle attendait désormais les réponses avec impatience. Et tout ce dont elle avait droit était des incertitudes, aucune réponse claire. Cela était vraisemblablement du à un trou de mémoire soudain. Il occultait totalement sa nuitée avec Mina, alors que cette dernière en avait un souvenir parfait, jusque dans les moindres détails. "Ce n'est pas une réponse, Jamie." remarqua-t-elle, les sourcils froncés. Elle en attendait plus. La petite blonde tolérait à peine son regard fuyant, elle ne voulait pas non plus qu'il détourne leur conversation sous prétexte qu'il ne se souvenait pas. Ou peut-être qu'il n'en avait pas mémoire parce que c'était une période où il enchaînait ses coups d'un soir, ce qui n'était pas plus glorieux d'ailleurs. "Et j'en veux une, de vraie réponse." Joanne ne lui laissait pas le choix. Elle voulait l'entendre de sa voix, elle convoitait la vérité plus que n'importe qui d'autre. Une autre réalité qui lui avait sauté aux yeux était la jeunesse de Mina, suite à quoi elle craignait qu'elle aurait pu être en encore mineure quelques annéees plutôt. Rien que d'y penser, elle en avait un frisson. Jamie confirmait la jeunesse de la belle brune. "Quel âge avait-elle ?" lui demanda-t-elle. Elle avait déjà eu largement le temps de laisser les engrenages de son esprit créer des scénarios plus effrayants les uns que les autres. Elle avait tendance à préférer se faire des idées que de confronter la réalité des faits, cette fois-ci la tendance s'inversait. Elle ne voulait plus se laisser phagocyter par ses idées noires. Autre point sur lequel Joanne ressentait le besoin d'éclaircir, elle demandait à son époux pourquoi est-ce que les conséquences ne leur retombaient dessus que des années plus tard. Le brun n'avait tout simplement pas pris au sérieux les menaces de la jeune femme et il aurait du. Il en payait les premières conséquences en présence de son épouse, dans la chambre parentale. Inutile d'enfoncer le clou en pointant du doigt qu'il avait bien eu tort de ne pas porter crédit aux paroles d'une Mina qui semblait être prête à faire n'importe quoi pour obtenir tout ce qu'elle puisse désirer. Jamie s'était brûlé les ailes. "Moi non plus je ne sais pas ce qu'il s'est passé. Tu devrais le lui demander, elle en a des souvenirs très précis, ça je peux te le garantir." rétorqua-t-elle d'un ton amer, les lèvres pincées. Il ne voulait peut-être pas ce souvenir de l'homme qu'il était à ce moment-là. Celui qui passait ses nuits à chercher de la tendresse et surtout de la consolation afin de ne pas se réveiller dans des draps froids, sans compagnie avec qui traîner au lit. "Regarde-moi, Jamie." Son ton était sec. Elle ne lui laissait pas le choix. Elle voulait voir son regard à tout prix, même si elle savait qu'elle allait en souffrir encore plus qu'actuellement. "Regarde-moi !" s'écria-t-elle. Malgré toute la colère, la déception et la tristesse qu'il lui inspirait, Joanne n'avait pas peur de le défier du regard, d'être confrontée à sa culpabilité. Elle voulait voir ce qu'elle pourrait percevoir dans ses iris verts. Elle ne le lui demandait pas par gaieté de coeur, simplement désireuse que la confrontation ne se résume qu'à des réponses à demi-mots et des regards qui ne se croisaient jamais. Les larmes qui bordaient ses yeux résumaient à elles-seules toute la souffrance qu'il lui infligeait, avec ce mélange d'émotions négatives qu'il lui inspirait. "Non, je ne sais pas." dit-elle d'une voix étouffée. "Là, maintenant, tout de suite, je ne sais pas qui tu es, Jamie." Et ça la tuait de l'admettre. Ce n'était pas l'homme avec qui elle voulait partager sa vie. "Celui qui j'ai épousé n'avait qu'une parole et prenait à coeur chacune de ses promesses. Il n'arrivait pas toujours à s'y tenir, mais si ce n'était pas le cas, il faisait de son mieux pour s'améliorer. Il ne ferait pas de promesse à la légère dans l'unique but de pouvoir coucher avec une femme tout en lui faisant de faux espoirs." Dieu sait comment les choses pouvaient être interprétés par le grand public si ces informations étaient divulguées. "Je peux comprendre que c'était une période... peut-être compliquée. Mais te rabaisser à ça, Jamie, franchement..." Joanne en perdait ses mots. Il était tombé bien bas, et ces choses qu'il pensait pouvoir enterrer avec tout ce qu'il préférait oublier finissaient par lui revenir en pleine face. "Pas que je cautionne ce que tu faisais et ce n'était pas mes affaires de toute façon. Mais tu n'avais pas besoin d'être comme ça pour avoir les femmes que tu pouvais convoiter." Les coups d'un soir restaient encore quelque chose de totalement incompréhensible pour Joanne. Résumer le sexe au sexe était très abstrait et la dépassait totalement. "Que dois-je croire des promesses que tu m'aies faites jusque là ?" lui demanda-t-elle finalement. Car oui, elle doutait de sa parole. Elle avait l'impression que son alliance lui brûlait l'annulaire. Elle ne mettait pas en doute ses sentiments pour lui, sinon elle ne serait pas aussi blessée qu'elle ne l'était actuellement. Ses larmes devenant trop généreuses, elles venaient s'écouler sur ses joues, formant des sillons qui reflétaient le peu de luminosité qu'il y avait dans la pièce. "Tu me brises le coeur, Jamie." Sa poitrine était douloureuse, elle avait l'impression de sentir son coeur s'effriter, être déchiré par les mains de celui qu'elle aimait. L'une de ses mains passait sur ses joues pour effacer ses larmes. Elle était en colère et avait horreur de ressentir une telle émotion. Sur le moment, elle était incertaine de beaucoup de choses. De la qualité de sa vie de famille et de son couple après cette révélation. Elle ignorait même si elle était capable de pouvoir véritablement le lui pardonner. Joanne tenait beaucoup trop attachée aux principes du mariage pour envisager quoi que ce soit de ce côté-là. La seule certitude qu'elle avait, c'était qu'elle ne comptait pas dormir sous ce toit ce soir. Pas dans le même lit où il avait probablement eu ces fameux échanges fougueux avec Mina. Ce pourquoi Joanne commençait à regarder autour d'elle d'un léger coup de tête, tentant de remettre de l'ordre dans ses idées afin de se souvenir où ils avaient rangé leurs petits sacs de voyage.
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| | | | (#)Mer 19 Fév 2020 - 20:33 | |
| Trou noir ou déni, impossible de me souvenir. Pourquoi le voudrais-je ? Pour mieux me torturer, faire face aux facettes les plus sombres de cette personnalité que je nie avoir, essayer de comprendre. Mais je ne veux pas y penser, encore moins me replonger des années en arrière dans la tête de cette personne qui a soudoyé Mina ce soir-là. Comme s'il était un autre, un étranger. Le chemin parcouru depuis m'a placé à des années lumière de lui. Et la seule chose qui m'obsède, plus que les faits du passé, ce sont les conséquences sur ma vie d'aujourd'hui, mon couple avec Joanne, ma famille. La jeune femme, en revanche, ne compte pas me laisser détourner le regard de mes actions. "Ce n'est pas une réponse, Jamie. Et j'en veux une, de réponse." insiste-t-elle. Mais répondre à des exigences est au-dessus de les forces, bien au-delà de ce que je suis capable de faire à cet instant, mis dos au mur par surprise et assommé par le poids des révélations. Les souvenirs sont embrumés, les sons, les odeurs, glissent entre les doigts de ma mémoire comme de la soie. Elle refuse de me laisser revoir les événements à travers les yeux de mon moi passé. Je ne veux pas le voir. Je ne peux pas faire face à cette vérité et à ma femme en même temps, bien qu'elles soient inextricablement liées. "Je n'en ai pas." je murmure à nouveau. Je dois d'abord rassembler mes esprits, prendre du recul, tout assembler, réfléchir à comment en parler avec Joanne. Dieu sait que je pourrais regretter les paroles et les actes qui m'échapperaient sur le coup de l'émotion. Et même si c'est une chose difficile à comprendre pour la jeune femme, qu'elle n'aura aucune de ses réponses ce soir, elle n'obtiendra rien d'autre de ma part que silence et platonie. "Quel âge avait-elle ?" elle poursuit. Mes doigts glissent dans mes cheveux, les tirant en arrière. "Qu'est-ce que ça change ?" je rétorque afin d'éluder la question, pour son bien. Joanne n'a pas besoin d'entendre tout haut ce qu'elle sait déjà parfaitement en son fort intérieur pour alimenter sa colère ou son dégoût de moi. Je ne lui donnerais pas de quoi nous torturer encore plus ce soir. Les faits rapportés en personne par Mina suffisent amplement. Tous les détails qu'elle a porté à sa connaissance, sur la coucherie, les conditions, sur moi. Si je ferme les yeux, c'est ma peau qui se souvient ; la prise de ses mains sur mon dos, la chaleur de son souffle au creux de mon cou, et le frisson jouissif à la culminance de ces échanges. Mon estomac se retourne dans l'instant. "Regarde-moi, Jamie." Non, ne me demande pas ça. Je ne peux pas. "Regarde- moi !" Je m'exécute, à contrecoeur. Mes yeux sont lourds, mes iris sont ternes, l'éclat perdu. Je découvre les larmes de Joanne autant que les miennes, celles qui menaçaient de rouler de mes paupières tout ce temps sans que je ne le réalise. Débordantes de la honte dont le regard de la jeune femme m'accable, elles finissent par s'échapper, un court instant avant qu'elle ne m'inflige un coup final. "Tu me brises le coeur, Jamie." Je ne l'ai jamais vue ainsi. Tellement en colère. Bien plus que déçue. "Je sais." je soupire, le souffle coupé par ce poids qui m'écrase le torse. La conscience de l'ampleur de la blessure que ressent Joanne est une torture qui s'ajoute à tout le reste. Et ce n'est pas Mina l'origine ; c'est moi, c'est la vérité sur celui qu'elle a épousé, juste un aperçu de tout ce qu'elle aurait souhaité ne jamais savoir. La mauvaise graine plantée par Edward, enracinée quelque part en moi, et les fruits pourris d'une vie de privilèges, d'une mégalomanie qui creuse dans l'éternelle insatisfaction le besoin de remplir le moindre vide. Mon regard fuit à nouveau, incapable de soutenir celui de Joanne plus longtemps. Il me semble être moins que rien à ses yeux, et je ne peux me battre contre ça. Encore une fois, je passe mes mains sur mon visage ; toujours dans le noir, toujours perdu. Je n'avais jamais songé au jour où ma femme serait au courant de cette histoire, car l'hypothèse me paraissait tellement irréaliste. De toute manière, rien ne m'aurait préparé à sa réaction totalement inédite depuis le début de notre relation. Joanne n'a jamais jugé mes actes, qu'elle les comprenne et les approuve ou non. Cette fois, les choses sont différentes. Elle juge, elle désapprouve et réprimande de tout son être, formant un tel rejet de ma présence que je saurais à peine quitter le lit pour me lever si j'en avais le courage. Les avis de tous les autres bien pensants, je peux faire avec au quotidien, j'ai composé avec leur jugement depuis ces dernières années. La déception de Joanne, son dégoût, je ne peux le surmonter à cet instant. Elle commence à chercher un sac, réunir des affaires, laissant bien comprendre à quel point ma présence lui est insupportable. Et j'ose à peine l'empêcher, de crainte d'empirer les choses. Il n'y a rien à dire pour ma défense, rien qui puisse lui faire digérer tout ceci. À dire vrai, si je pouvais faire une valise pour m'exiler de ma propre personne, je crois que je le ferais également. Mais il n'y a pas pire que la perspective d'une Joanne me tournant le dos, claquant la porte. La punition derrière le geste me brise le coeur. "Joanne…" je murmure, me levant mollement sur des jambes de coton, le pas incertain dirigé vers elle sans pour autant avoir l'audace de l'arrêter. "Joanne, s'il-te-plaît." Alors qu'elle passe tout près de moi pour attraper une possession sur la table de chevet, nos mains se frôlent. Je retiens sans force le bout de ses doigts. Mes iris suppliants, eux, attrapent son regard encore si froid. "Ne fais pas ça. Ne me laisse pas." J'essaye d'avancer d'un pas. Le sol est incertain sous mes pieds engourdis qui s'enfoncent dans le parquet. Ses phalanges tombent inexorablement hors de la prise de ma paume. Au moins, elle s'est arrêtée un instant. Le moment ou jamais d'articuler quoi que ce soit de significatif, d'expliquer, essayer au moins. Mais rien. Rien d'autre qu'un "je suis désolé"... Le mal fait par Mina est suffisant pour que je ne veuille pas risquer plus de représailles. Je trouverais bien un moyen de l'adoucir et, avec le temps, effacer son nom de la mémoire de mon épouse. Qu'elle ne soit qu'un nid de poule sur notre route, pas même un détour. Une vague secousse. Je peux encore tenir parole, il n'est pas trop tard. Joanne était un avertissement, il n'y en aura sûrement pas d'autre. Je pourrais l'appeler dès le matin. Je mettrais cette fierté de côté pour tout réparer, tout effacer. "Je… je vais faire en sorte d'arranger ça, je te promets."
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| | | | (#)Ven 21 Fév 2020 - 21:45 | |
| HATE IS ALWAYS WAITING AT THE GATE i just thought our dream would last a little bit longer | |
La quêtes de réponses et de compréhension de Joanne était permanente, voire insatiable. Elle ne demandait que ça, de comprendre. Même ce qui la dépassait totalement, dont ces coups d'un soir que certaines personnes semblait s'en accommoder. Elle s'était toujours montrée d'une très grande tolérance et d'une très grande patience envers son époux, mais les récents révélations étaient la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. D'où son intransigeance face aux manques de réponses de sa moitié. Il restait muet face à son âge, n'y voyant là aucun intérêt d'en faire part si ce n'est de mettre de l'huile sur le feu. Et lui, la dernière chose qu'il voulait, était certainement de mettre sa femme encore plus en furie qu'elle ne l'était déjà. Par sa réponse il pouvait sentir son épouse le fusillait du regard. "Beaucoup de choses, qui sait." siffla-t-elle en croisant les bras. Néanmoins, Jamie se savait être en tort et il ne cherchait même plus à nier les faits. Ses épaules étaient basses, son visage aussi. Depuis le début de leur dispute, il ne lui avait pas adressé un seul regard. Un affront ou la crainte de se confronter au sien, la jeune femme l'ignorait. Toujours est-il qu'elle voulait voir ses yeux, y décrypter peut-être quelque chose qu'il ne lui disait pas, qu'il n'arrivait pas à retranscrire dans des mots. Car là était la plus grande difficulté de Jamie, d'exprimer ses émotions, ses pensées, par de simples phrases. Ils n'avaient pas le même pouvoir qu'un geste, un regard, un contact. Joanne sentait bien que ce qu'elle demandant; non, ce qu'elle lui ordonnait; était ce qu'il y a deplus difficile pour lui. Peut-être l'appréhension de se confronter à ses larmes ou tout simplement par honte. Il finit malgré tout par s'exécuter. Lui aussi était en pleurs. La situation lui filait entre les doigts, il avait profondément heurté leur mariage, leur vie de famille. Ils savaient tous les deux qu'il était très difficile d'envisager que tout pouvait être comme avant. Le poids de la culpabilité semblait lui être insoutenable. Ses yeux ne scintillaient plus comme avant, des larmes pourtant si rares chez lui coulaient le long de ses joues. Mais malgré la difficulté de cette épreuve, il respectait à soutenir son regard pendant quelques secondes, mais ne put être davantage témoin du désastre qu'il avait commis. Joanne disant qu'il avait brisé son coeur n'était qu'un euphémisme. Il n'avait pas idée de la douleur qu'il lui infligeait, de la façon dont il avait meurtri l'âme de sa bien-aimée. Cette dernière était affligée d'admettre qu'elle avait l'impression de voir certains gènes transmis par Edward Keynes refaire surface alors que Jamie s'était évertué à ne pas être comme lui. Elle ne le reconnaissait plus. Elle se doutait bien que ses émotions pouvaient biaiser ses pensées, mettre en doute des choses auxquelles elle croyait dur comme fer jusqu'ici. Mais avec ce secret révélé s'était effondré beaucoup de choses, dont l'illusion parfaite qu'elle s'était faite depuis plusieurs mois. Tout ceci ne lui semblait être qu'un mensonge, juste une couverture pour cacher tout le reste. Et c'était blessant, il lui était difficile d'accepter cela et de voir ses sentiments pour Jamie ainsi bafoués. Si bien qu'elle en suffoquait, elle avait besoin d'air, de se changer les idées et la meilleure chose qu'elle avait à faire était de ne pas dormir sous ce toit au moins cette nuit, de ne pas se mêler dans des draps qui auraient hypothétiquement couverts aussi le corps dénudé de Mina. Ce pourquoi elle se mit en quête d'un sac et d'affaires dont elle aurait besoin pour dormir à l'hôtel et aller au travail le lendemain en faisant comme si de rien n'était. La voyant s'agiter pour chercher ses affaires, Jamie avait fini par trouver la force pour se lever et la supplier de ne pas partir. "S'il te plaît quoi, Jamie, hein ?" demanda-t-elle, furax. Alors qu'elle désirait récupérer un de ses livres sur sa table de chevet, le brun parvint à saisir le bout de ses doigts, certainement trop craintif de saisir autre chose et de ne pas contrôler sa force et l'intensité des émotions qui le parcouraient en cet instant. Cependant, Joanne ne le rejetait pas. Elle le laissait s'approcher. Si ses doigts glissaient des siens, ce n'était que par la force de la pesanteur. "Te laisser ?" rebondit-elle d'une voix tremblante, les larmes aux yeux. "Tu m'as laissée le jour où tu as permis à cette femme de venir sonner à notre porte." Joanne savait que son romantisme lui faisait voir les choses comme elle voulait les voir. La vie parfaite qu'elle pensait avoir jusque là volait en éclat. "Moi aussi, je suis désolée, Jamie." souffla-t-elle en mettant d'autres affaires dans son sac. Jamie n'était pas dans l'opposition, ni dans la recherche de clémence de la part de son épouse. Il admettait son erreur et voulait garantir qu'il trouverait une solution pour laisser ce chapitre ô combien douloureux derrière eux. "Me le promettre ? Comme tu lui as promis à elle je ne sais quoi pour être sûr d'avoir ce que tu désires ?" s'écria-t-elle. "Est-ce une promesse juste pour avoir l'espoir de me voir te pardonner une nouvelle fois et redouble encore d'efforts pour tenter d'oublier au maximum ce qu'il se passe ?" Elle le fixait continuellement. "Ca, je ne le peux pas, Jamie. C'est juste... trop pour que ce soit digérer en une nuit et faire comme si de rien n'était en me levant demain matin." Trop pour elle à endurer, à accepter, à digérer. "Je serais bien curieuse de savoir comment tu comptes t'y prendre." Car Mina n'avait vraiment pas l'avoir d'avoir froid aux yeux et une partie de Joanne était convaincue qu'elle n'en avait pas fini avec les Keynes. Au fond, elle aimerait le voir y parvenir. Parce que c'était son mari, sa famille et que voir cette dernière être saignée à blanc l'anéantissait. "Il y a une partie de moi qui aimerait beaucoup te voir réussir Jamie, que tu parviennes à régler cette histoire. Et l'autre en doute." Et pourtant, elle l'aimait toujours. Sinon, elle ne serait pas atteinte comme elle l'était actuellement. "Et pour le moment, j'ai... besoin d'être seule. Je ne veux pas avoir à penser à ce qu'il s'est passé dans cette chambre." Autant cette dispute, que de ressasser le nombre de conquêtes qu'il avait pu accueillir dans cette pièce. "Je pense que toi aussi, tu as besoin de réfléchir à tout ça." Elle savait qu'il détestait être seul, ou plutôt, se sentir seul. Il n'aimait pas être confronté à lui-même, peut-être encore moins à ce moment précis, alors que la vérité venait d'éclater. A son tour, Joanne baissa ses yeux et se dirigeait vers la salle de bains pour récupérer des affaires de toilettes. Elle revenait dans la chambre et y retrouvait son mari là où elle l'avait laissé. "Je reviendrai demain soir, après le boulot. J'irai chercher Daniel à l'école et Louise à la crèche." dit-elle, sans trop laisser le choix quant à l'organisation de la journée suivante. Elle-même ignorait dans quel était d'esprit elle serait vingt-quatre heures après les faits. Elle soupira et tentait de retrouver un peu de calme et de contenance. Mais elle continuait de sangloter, blessée jusqu'à l'âme. "Pense à nous, Jamie. Pense à notre famille." Elle ignorait elle-même ce qu'il restait à sauver désormais. Joanne se sentait soudainement bien malheureuse et elle se demandait bien si sa moitié avait conscience du mal qu'il avait fait autour de lui en l'espace d'une soirée, bien qu'il n'avait pas encore eu connaissance de toutes les répercussions des révélations de Mina. Le pire restait à venir.
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| | | | | | | | joamie + hate is always waiting at the gate |
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