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 (lily) you are the port of my call

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Message(#)(lily) you are the port of my call EmptyDim 22 Déc 2019 - 4:54


@LILY KEEGAN & ALFIE (1998) ⊹⊹⊹ When I fall to my feet Wearing my heart on my sleeve And all I see just don't make sense. You are the port of my call, You shot and leaving me raw, Now i know your amazing.

Ça a commencé par une irrépressible envie de frapper son pied contre le sol en un rythme régulier. Ça s’est transformé en des fourmillements qui se propagent dans l’ensemble de son corps et qui le démangent au point de commencer à s’agiter sur sa chaise. Mais il sait qu’il doit rester stoïque, raison pour laquelle ses doigts viennent se planter dans sa cuisse pour tenter d’ancrer un peu plus sa jambe sur le sol. Mais ses doigts commencent à pianoter sur le tissu de son pantalon, sa nuque bouge de gauche à droite pour craquer, son second pied rejoint bientôt le premier pour tapoter en rythme. Il essaie de tenir, Alfie, il s’en mord l’intérieur de la bouche pour se concentrer sur autre chose, mais au bout d’une trentaine de minutes assis sur cette chaise, il craque et tout ceci se termine par ce besoin vital de bouger et de se remettre sur ses deux jambes pour déambuler dans la pièce. Mais cela reste illusoire alors que son père pose sa main avec fermeté sur son épaule pour le forcer à reprendre sa position initiale. « Nous n’avons pas fini. » Alfie reprend sa place, docile, tentant de prétendre être présent alors qu’il n’écoute plus depuis de longues minutes le discours à sens unique de ses parents. Il les voit, mais il ne les écoute pas. Il détaille sa mère dont les nombreuses larmes pourraient presque parvenir à faire oublier les cernes qui se sont intensifiées sous ses yeux ces dernières semaines, alors qu’elles avaient disparues pendant quelques mois. Il la voit, trembler de tout son corps alors qu’elle fuit son regard même si le contenu de ses paroles lui est adressé – à qui d’autre, sinon ? Elle semble plus fragile que jamais, et dans un sens, il est heureux d’avoir fui la situation et s’être barricadé dans son esprit ; il ne voudrait pas entendre la confirmation qu’il en est le responsable. Son cœur se serre alors qu’il sent sa mère à bout de forces, comme quelques années auparavant lorsqu’il avait concédé à faire des efforts et mieux gérer son comportement avec l’aide des professionnels qu’elle avait trié sur le volet. Il préfère déplacer ses prunelles sur son père, qui fait les cent pas dans la pièce et ça le fait sourire ; parce qu’on lui l'a interdit, à lui. Mais son sourire passe pour de la provocation, l’habitude probablement, et Jacob fait quelques pas en sa direction avant de reculer abruptement. Lui aussi, il est à bout, mais pas de la même manière. Ses poings sont serrés et à chaque fois qu’il s’approche Alfie ferme les yeux un court instant, attendant une punition qu’il aurait probablement bien méritée. Pourtant, ils n’ont jamais été violents envers lui et ils ne le sont pas plus aujourd’hui. Et il comprend, que s’il en a peur, c’est qu’il a conscience d’avoir franchi de nouvelles limites. Mais il n’y peut rien ; rien ne va autour de lui. Et il reporte son attention sur sa mère qui s’abaisse devant lui, et qui, il en est persuadé, lui promet qu’il peut tout leur dire. Il le sait, mais il craint leurs réactions, comment souvent. Et comment parler de tout ce qui le tracasse alors qu’il sait qu’ils ne peuvent pas comprendre ? Son meilleur ami est parti. Son meilleur ami, toujours vu comme un paria par ses proches, considéré comme une mauvaise influence alors qu’il est bien celui qui poussait Joseph à le suivre dans ses péripéties. Comment leur expliquer qu’il lui manque, qu’il s’inquiète tous les jours pour lui et que rester dans l’ignorance, privé de nouvelles, est insupportable ? Comment leur expliquer qu’il a perdu son unique confident, celui vers lequel il aurait pu se tourner pour partager ses doutes et mieux comprendre ces changements qu’il perçoit en lui depuis quelques semaines, et ses joues qui rougissent, son cœur qui s’emballe dès qu’Adriel le frôle lorsqu’ils se chahutent ? Comment leur expliquer que son métabolisme s’est trop habitué aux pilules qu’il doit prendre pour dormir et qu’il passe des nuits entières éveillé sans leur en parler pour ne pas qu’ils désespèrent de trouver une solution qui parviendra à apaiser leur fils, eux qui ont déjà tout essayé pour l’aider ? Il ne peut pas, alors Alfie reste muet et se contente d’observer, comme il le fait toujours lorsqu’il doit tenter de se canaliser. Se canaliser. C’est bien le problème ; il n’y arrive plus. Le départ de Joseph a été le point de rupture, et en l’espace d’un mois les convocations se sont accumulées pour ses parents, alors qu’il était parvenu à éviter le bureau du Principal pendant presqu’un an et demi. Un record, qui n’est pourtant pas une satisfaction ; c’est parce qu’il a appris à retourner sa colère et sa frustration contre lui-même plutôt qu’envers les autres et qu’il parvient ainsi plus facilement à dissimuler ses troubles qui ont causés tant de problèmes à ses parents. Il ne veut pas les décevoir à nouveau, pourtant c’est très exactement ce qu’il fait. Et il n’essaie même pas de les rassurer, alors que sa seule réponse quant à savoir pourquoi il a mis le feu au scooter de son prof de maths avec un chalumeau volé en salle de sciences est parce qu’il « n’a pas trouvé d’allumettes » ou que s’il a coupé les cheveux de Phoebe assise à côté de lui en cours c’est pour la simple raison que « ça fait deux semaines qu’elle me fait chier si oui ou non elle veut le faire, alors j’ai décidé pour elle ». Dans un sens, il ne cherche pas à les rassurer, parce qu’il ne veut pas l’être lui-même. Tout débloque autour de lui et cette instabilité lui permet de composer l’absence de Joseph, d’oublier quelques instants celle-ci alors qu’elle est de plus en plus déchirante. « Alfred, dis-nous comment on peut t’aider. » Que sa mère lui demande, mais il n’en sait rien, lui. S’il avait trouvé une solution miracle, il ne serait pas là, assis à la place de l’accusé. Tout ce qu’il veut dans l’immédiat, c’est qu’on le laisse partir, mais il sait que c’est une demande qu’il ne peut formuler. Tout comme celle qui consiste à demander pardon pour tenter de réparer cette relation qui se fracture avec ses géniteurs, mais il sait que ce ne serait pas suffisant. Il n’est pas suffisant, mais il peut quémander de l’aide à celui qui le sera toujours aux yeux de ses parents. « Je-j’aimerais aller me confesser. » Il propose rapidement, sans finalement savoir qui en a le plus besoin.

Il a refusé de remettre les pieds dans cette église quatre semaines, tombant dans des excès de colère dès que ses parents remettaient le sujet sur le tapis et ils avaient fini par le laisser tranquille, se doutant que forcer ne servirait à rien avec Alfie et qu’il serait d’autant plus insupportable en optant pour cette méthode. Alors ils n’ont pas hésité à un seul instant à l’amener jusqu’ici dès lorsqu’il avait formulé le désir de se retrouver avec le Seigneur ; à la condition qu’ils restent dehors et qu’ils lui laissent le temps de se réapproprier les lieux. Alfie a un rapport à la religion qui n’a probablement de sens que pour lui. Il n’aime pas vraiment Dieu, mais il le respecte sincèrement. Il n’est pas particulièrement croyant et impliqué dans la vie de l’Eglise, pourtant dans des situations délicates ses pensées se tournent aussitôt vers lui. Il ne supporte pas tous les interdits qu’il impose, mais il reconnaît qu’il lui a été bénéfique à certains moments. Il déteste l’image de Dieu tel qu’on veut lui l’enseigner, il préfère s’en créer une qui lui convient. Il a un rapport amour-haine avec le Créateur qui ne se stabilise pas avec les années ; la seule chose de stable est la manière dont il revient toujours à lui lorsqu’il est perdu. Quand bien même il persiste à trouver que son éducation est trop extrême et ne pas se considérer comme croyant ; il faut croire qu’on revient toujours à ses principes. Franchissant la porte, Alfie s’arrête pour détailler l’endroit et il baisse la tête lorsqu’il comprend que la silhouette aperçue au loin est féminine. C’est stupide. En ouvrant les portes, il s’attendait presque à tomber sur Joseph qui serait revenu sans le prévenir, et d’un retour à côté duquel il serait passé parce qu’il se complaît dans son mal-être. Mais Joseph n’est pas là, Joseph ne sera plus jamais là, parce qu’il a préféré aller découvrir le monde, parce qu’Alfie n’avait pas assez de poids dans sa vie pour justifier qu'il reste. Et Lily non plus, maintenant qu’il comprend que c’est bien la petite sœur de Joseph qui est quelques mètres devant lui. Il hésite un bref instant avant d’entreprendre de la rejoindre. Leurs relations ne sont pas au mieux, lui l’ayant souvent considérée comme la petite sœur parfaitement insupportable dans son attitude « je sais tout » et elle l’ayant probablement vu comme le copain insupportable d'un frère qui l'est tout autant. Pourtant, c’est avec une certaine douceur qu’il s’adresse à elle une fois arrivé à sa hauteur. « Salut. » Il murmure, alors qu’il ne s’attarde pas sur son visage dans l’hypothèse où elle aurait des larmes à sécher ou une fierté à regagner. « Je... » Ne sais pas quoi te dire. Ils leur apprennent pas ça, ici. « Lily, tu vas bien ? » Qu’il formule enfin, maladroit. Et il se plonge dans le mutisme en réalisant la stupidité de sa question, en réalisant aussi qu’il ne sait pas comment aborder Lily. Finalement, les choses paraissent évidentes : par le seul point commun entre eux. « Tu… tu as des nouvelles ? » Il s’ose à demander, le regard qui s’ancre dans le sol pour ne pas affronter celui terriblement intimidant d’une gamine de onze ans. Il est ridicule. Tout ceci est ridicule.  
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Message(#)(lily) you are the port of my call EmptyMar 31 Déc 2019 - 3:12

Depuis quatre semaines déjà, Lily repousse le moment fatidique où elle devra retourner à l’église sans pouvoir littéralement marcher dans les traces de son aîné sur les graviers devant l’édifice. Elle redoute de ne plus avoir personne à regarder d’un oeil noir et de devoir se concentrer sur les sermons qui n’en finissent pas, elle redoute de devoir écouter les adultes lui dire à quel point elle est mignonnes avec ses couettes sans personne pour la ramener sur terre ensuite et lui dire qu’elle a du dentifrice sur le coin des lèvres. La vie sans lui n’est plus pareil, à l’église encore plus qu’ailleurs, paradoxalement. Elle a longtemps prié pour que la nuit de son départ se transforme en un mauvais rêve mais ça non plus, Dieu n’a pas su le lui accorder. Chaque matin elle retourne ouvrir délicatement la porte de la chambre de Joseph avec le maigre espoir qu’il soit revenu, mais chaque matin est caractérisé par une nouvelle déception. Il est parti. Il le lui a dit, cette nuit, il y a de ça un mois. Il lui a dit et il l’a fait, parce que son frère est peut être le premier des imbéciles mais il est aussi le plus courageux de tous. Il l’était, en tout cas, puisque maintenant elle n’a plus aucune nouvelle de lui.

Sa mère a accepté de la garder à la maison jusqu’à aujourd’hui, elle et ses 47 degrés de fièvre (peut être que mettre le thermomètre sur sa fenêtre australienne exposée en plein soleil n’était pas la meilleure idée du monde) mais elle ne l’accepte pas à nouveau lors du quatrième Jour du Seigneur consécutif. Elle habille Lily de sa plus belle jupe et la pare de nouveaux élastiques pour attacher ses cheveux bruns, comme si cela allait pouvoir tout arranger. Ses cheveux sont tellement tirés en arrière qu’elle expérimente les effets d’un lifting facial avant l’heure. Pourtant, elle n’a pas la force de se plaindre de quoi que ce soit aujourd’hui et l’enfant qu’elle est se contente d’obéir sans broncher et de contenir ses larmes jusqu’à être seule dans l’église trop grande pour elle. La brune s’avance jusqu’à sa place habituelle, celle pas trop loin pour pouvoir entendre, celle pas trop près pour toujours garder un oeil sur Alfie et Jo et leur pincer les oreilles si (quand) le volume sonore dépassait la norme autorisée - laquelle était bien trop basse, ils s’accordent au moins tous sur ça. Maintenant il n’y a plus qu’un seul fanfaron à surveiller et tout devient rapidement bien plus fade.

Le plan consistait à rester sagement assise assez de temps que nécessaire pour rassurer ses parents quant à sa foi en Dieu et les persuader qu’elle est toujours aussi forte et bien réelle qu’au premier jour. Tout se déroulait à merveille, à vrai dire, elle avait même l’église pour elle seule et toute la liberté de se perdre dans ses pensées et souvenirs, sans avoir honte de quelques reniflements liés à des larmes refoulées de ci de là. Tout se déroulait à merveille, jusqu’à ce qu’elle ne soit plus seule et qu’elle ne reconnaisse que trop bien, trop vite, la voix à l’origine du « Salut. » Rapidement, sa première réaction est de remonter les manches de son haut jusqu’à ses poignets et de s’en servir avec le dos de sa main pour essuyer les larmes qui avaient coulées inopinément sur son visage. Ses yeux rougis ne trompent personne et ça, aucun bout de tissu ne saurait l’absorber et cacher les dégâts. « Je... » La réponse dans la tête de la gamine de onze ans est évidente : ”TU QUOI, ALFIE ?”, pourtant elle fait si peu sens que cette pensée ci ne se transforme pas en véritables paroles. Elle garde la tête baissée, honteuse d’avoir exposée une partie de ses sentiments à ce garçon en particulier. « Lily, tu vas bien ? » Il ne veut pas l’entendre, la vraie réponse. Il souhaiterait quelque chose qui commence par “très bien” et se termine par un “et toi ?” de politesse mais ça, elle ne peut pas lui offrir. Elle n’est pas encore l’incroyable menteuse qu’elle deviendra plus tard et n’a développé aucune qualité dans ce domaine. Pour le moment. Alors la brunette se contente de laisser crisser ses ongles sur le bois poli, par désespoir, avant de les cacher à leur tour sous ses cuisses. Si elle rentre assez sa tête dans les épaules, si elle cache assezses pieds sous le banc et ses mains sous ses cuisses alors peut être qu’Alfie en viendra à la conclusion qu’elle n’est pas là, qu’il ne s’agit que d’une illusion de mauvaise qualité.

Mais cette technique ne fonctionne toujours pas.

Merde. (pardon pour le gros mot, Dieu) « Tu… tu as des nouvelles ? » Ses paupières se ferment, sa mâchoire se crispe et ses lèvres s’enroulent pour mieux en être pincées entre ses dents. Son corps met en place toute cette cérémonie avec une aisance déconcertante dans le seul but de l’empêcher de craquer et de pleurer en public. Et même s’il n’y a qu’Alfie, et même s’il est le meilleur ami débile de son frère débile, c’est quand même une personne humaine à qui elle n’a pas le droit de montrer ses sentiments. ”T’en as pas non plus, ça veut dire ?” Elle pourra user de toutes les techniques de la Terre, elle ne reste qu’une enfant que rien n’avait préparé à l’absence d’un frère à qui elle avait encore un millier de choses à dire, un millier d’anecdotes totalement inventées à conter, un millier de plats et de recettes en tout genre à faire goûter. Elle avait un millier de milliers de choses à faire avec lui, encore, parce qu’ils étaient supposés avoir une vie devant eux et être liés pour toujours, quoi qu’il arrive, parce qu’ils avaient fait la promesse du petit doigt. Il n’avait jamais été question de se réveiller un matin et de découvrir son lit vide, de n’avoir personne sur qui sauter, de ne pas avoir à se moquer de la manière si particulière dont il a de manger ses céréales et de se mettre du lait partout sur le visage. Alors elle craque déjà, Lily, et ses mains viennent s’agripper aux manches du haut d’Alfie pour mieux venir serre son bras contre elle, comme s’il représentait une partie de Joseph encore. ”Tu le savais, toi, qu’il allait partir ?” Ses ongles s’enfoncent dans la chair du garçon en plus de ses simples tissus ; elle ne s’en rend pas compte tout comme elle ne le commande pas, l’esprit occupé ailleurs. Elle ressent le besoin de se raccrocher à Alfie au milieu de cette tempête ; tout comme elle voudrait tant lui crier dessus parce qu’il en est largement responsable, à ses yeux. Elle n’a pas encore absorbé la notion de compassion et elle se dit qu’il est impossible qu’il souffre autant qu’elle, parce que Joseph n’était que son ami et que ces choses là vont et viennent. Il est son frère, le seul, et ça, ça ne changera jamais. En théorie. ”Maman m’a dit que tu ne venais plus, je pensais que tu l’avais emmené dans un de tes plans de m… dans un plan nul.” Elle aurait été rassurée que de les savoir ensemble. Loin, certes, mais ensemble. Elle aurait été rassurée que de savoir que son frère n’était pas livré à lui même dans le monde sauvage des adultes. ”T’as quelque chose à voir avec tout ça ? Il … Il m’a juste réveillé un soir et il m’a dit qu’il partait. Et je pensais que c’était un rêve, juste un rêve. Mais c’est la dernière fois que je l’ai vu.” Ses doigts serrent encore un peu plus le pauvre bras du garçon, il a son biceps collé sur le torse de la jeune fille bien décidée à ne pas le laisser partir. Pas lui aussi. "Il me manque.”
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Message(#)(lily) you are the port of my call EmptyLun 10 Fév 2020 - 13:05

Il a toujours détesté cet endroit. Il ne l’a pas toujours formulé comme il le fait depuis son entrée dans l’adolescence, depuis laquelle il cherche sans cesse à provoquer les limites de ses parents pour mieux découvrir où se situent les siennes. Ce qu’il ignore, c’est que vingt ans après, il n’aura pas encore trouvé la réponse à cette question. Pour l’heure, Alfie est déphasé par tout ce qu’il garde en lui depuis des semaines, voire des mois, par toute cette ambivalence qui l’a toujours caractérisé, et qui s’est amplifiée depuis la puberté. Parce qu’il commence à comprendre les choses désormais ; et lorsqu’il n’était qu’un gamin de huit ans, ces sensations étaient désagréables, mais n’étaient pas la source d’autres sentiments insupportables. Et il a l’impression d’être ridicule, à se dire que « grandir, ça craint », parce qu’il est censé être un grand garçon, maintenant, et non plus un gamin, et qu’il ne peut pas regretter ce qu’il avait hâte de quitter. Aussi immature qu’il puisse être, il a pourtant toujours été mature ; et a compris bien des choses avant qu’on ne prenne le temps de les lui expliquer. Quand ton père plisse les yeux de la sorte, évite le. Quand ta mère reste plus de 14 minutes dans la salle de bain le matin, c’est qu’elle a pleuré. Quand Joseph te regarde sans te voir, c’est qu’il a besoin de se changer les idées. Quand tu sais pas quoi dire, contente-toi de hocher la tête. Ne remets jamais en question l’existence de Dieu. Si tu doutes de quoi que ce soit, attends d’être seul dans ta chambre. Il déteste cet endroit. Tout ce qu’il représente, tous les faux-semblants qu’il traduit derrière un masque de bienveillance. Ils ne sont pas bienveillants, pas autant qu’ils le prétendent. Sinon, il ne se sentirait pas aussi mal dès qu’il s’apprête à contrarier les principes d’éducation de ses parents ou à savoir que le sujet qu’il évoque n’est pas leur préféré. Il n’aurait pas aussi honte à chaque fois qu’il franchit le seuil de cette église, et ne tenterait pas de se donner la sensation d’exister en prenant toute la place dont il peut profiter. Il ne mettrait pas autant d’énergie de dissimuler qui il est alors qu’il n’attend que de l’affirmer.

Il déteste cet endroit, pourtant il a besoin de celui-ci plus que jamais. Alfie n’a pas la même relation à Dieu que ses parents ; un rapport presque sectaire, mais qu’il essaie toutefois de respecter au mieux, quand bien même il peine à voir les choses de la même façon le concernant. Pourtant, il est croyant. Il n’arrive seulement pas à se faire l’idée qu’il n’y a qu’un Dieu et qu’une image de celui-ci. Lui, il aime façonner le sien au gré de ses intérêts et de ses envies. Mais il est croyant ; assurément, et même s’il n’adhère pas à tout et n’aime pas le pouvoir que Dieu peut avoir ou l’image qu’il renvoie, Alfie a besoin de se raccrocher à sa foi. C’est la seule chose constante dans sa vie, la seule chose sur laquelle il pourra toujours compter. Pas comme Joseph. Qui, même s’il l’a prévenu de son départ, est sorti de sa vie pour ne plus jamais y revenir. C’est ce qu’Alfie comprend peu à peu en étant ainsi sans nouvelles de son meilleur ami, alors qu’il croyait naïvement que celui-ci s’empresserait de l’appeler régulièrement pour lui faire le détail de sa nouvelle vie. Mais ce n’est que la confirmation qu’il est toujours un enfant dans le fond ; et que ses désillusions seront encore nombreuses. Mais si la sienne s’est déjà avérée douloureuse, il n’ose imaginer ce qu’il en est pour Lily non loin de lui maintenant qu’il s’avance dans cette église. Et lorsqu’il fait face à la jeune fille, il se mord la lèvre en réalisant qu’il n’aurait pas dû l’interpeller : il est complètement démuni face à ses yeux rougis. Et il fuit son regard, ses yeux mouillés, alors qu’il se braque comme il le fait lorsqu’il aperçoit sa mère dans le même état. À part lui prendre la main et rester silencieux, il n’a jamais su quoi faire. Il a bien tenté de raconter tout ce qu’il lui passait par la tête dans l’espoir de lui changer les idées, mais il a compris que cela s’avérait plus étouffant qu’autre chose. Et il n’est pas assez familier avec Lily pour tenter de reproduire ce schéma même si cela arrangerait un Alfie qui agit parfois par mimétisme comportemental quand il ne sait pas ce qu’on attend de lui. Et pour autant, malgré leurs différences, Alfie ne parvient pas à laisser tomber Lily. Pourtant, ce serait facile pour lui. Il n’a jamais eu de filtres, et déjà à cette époque il était égoïste ; il n’aurait aucun mal à considérer que ce n’est pas son problème. D’ailleurs, sa première pensée se dirige vers les parents Keegan, et il se dit qu’ils géreront mieux cela que lui ; c’est leur fille après tout, leur problème. Et le silence de la jeune fille semble confirmer son hypothèse, jusqu’à ce qu’il tente une dernière question. Parce qu’il est égoïste, justement, et que finalement Joseph le préoccupe plus que Lily ne peut le faire. Mais elle n’a pas plus de nouvelles que lui, ce qu’elle confirme et il accueille sa question en secouant sa tête de gauche à droite.

Et finalement, ça devient son problème, alors que Lily s’accroche à son bras et que malgré son envie de secouer celui-ci pour la forcer à lâcher prise il reste stoïque. Son regard vient balayer les lieux ; il ne manquerait plus qu’on l’accuse de tenter de corrompre la fille Keegan après le fils. Il est pris de court par la question de Lily, incapable de formuler une réponse ; incapable de se décider entre vérité et mensonge. Ce sont les ongles de la jeune fille qui s’enfoncent dans son bras à travers le tissu qui le ramène sur terre, et s’il se contente de grimacer légèrement, il ne l’arrête pas. Parce que s’il gère les choses en se faisant du mal à lui-même, Lily semble opter pour l’inverse. Peut-être est-ce la motivation derrière son choix quant à quelle réponse lui donner. « Oui. » Qu’il finit par avouer, la tête baissée et les pieds qui s’enfoncent au sol alors qu’il attend de subir le courroux d’une gamine de onze ans. Parce qu’elle peut lui pardonner de ne pas avoir de nouvelles ; mais elle ne pourra pas d’avoir été au courant et d’avoir conservé le secret de Joseph. Il lève les yeux au ciel alors qu’elle retranscrit les propos de la mère Keegan. « Mais bien-sûr. » Qu’il soupire, agacé que la faute soit toujours pointée en sa direction. Pourtant, c’est lui qui a soutenu Joseph quand ses propres parents ne le faisaient pas. C’est lui qui lui a changé les idées quand il ne se sentait pas bien dans son propre foyer. « J’avais juste plus envie de venir. » Il rectifie en haussant les épaules, non sans s’empêcher d’ajouter, d’un ton plus sec : « Tu pourras le dire à ta mère. » Ta connasse de mère a manqué de lui échapper, mais ce n’est ni le lieu ni l’endroit et aussi insolent qu’il puisse être, la détresse de Lily l’empêche d’être sans filtre. Quant à savoir s’il a quelque chose à voir avec tout ceci, Alfie soupire dans un premier temps en grimaçant sous l’agacement, avant de se reprendre en réalisant que Lily ne pense pas à mal. Mais qu’en sait-il, alors qu’il a l’impression que c’est le cas dès qu’on pense à lui ? « Mais non, j’ai rien à voir avec tout ça ! » Et le contact de Lily l’oblige à se taire un bref instant pour regagner son calme.  « J’étais au courant et je l’ai pas retenu, mais je l’ai pas poussé ou aidé. » Qu’il précise toutefois, sans prendre en compte qu’ils sont encore des gamins malgré ce qu’ils peuvent croire ; et qu’ils sont stupides. Joseph d’être parti, et lui d’avoir pensé que c’était une bonne idée. Ils sont naïfs et inconscients, et personne ne les a préparés au vrai monde. Mais ils n’en seraient pas là, Joseph, Lily et Alfie, dans chacune de leurs positions, si on ne les berçait pas d’illusions et de mensonges pour qu’ils restent des enfants chéris un peu plus longtemps. « À moi aussi. » Qu’il avoue à Lily, hésitant un bref instant quant à poser sa main sur la sienne parce que c’est ce que les gens font dans ce genre de situation, décidant finalement de rester immobile tant qu’elle aura besoin de s’agripper à son bras. « Je l’ai pas retenu parce qu’il fait ce qu’il veut. Et qu’il l’aurait fait quand même, tu sais, il est chiant parfois. » Un vrai emmerdeur. Mais leur emmerdeur à eux, et non pas à la ville dans laquelle il s’est réfugié. Il se veut silencieux un bref instant, avant de reprendre en tournant la tête vers Lily. « C’est pas toi qu’il fuyait. C’est vos parents, je crois. » Il en est sûr, en réalité. « Alors eux, je pense que c’est la dernière fois qu’il le voyait, oui, mais toi, non. » Il aimerait lui dire qu’il croit savoir où il est, qu’il a peut-être même une idée pour s’en assurer, mais il ne le fait pas. Parce que ce n’est pas son problème, et que ça ne doit pas le devenir, que lui répète cette petite voix dans sa tête. Quant à savoir si elle parle de Joseph ou de Lily, il ne saurait dire.
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Message(#)(lily) you are the port of my call EmptyVen 21 Fév 2020 - 14:33

« Oui. » La sentence est prononcée et devient aussitôt un coup de poignard dans le dos de la jeune fille. Ses doigts fins s’enfoncent encore un peu plus dans le tissu entourant le bras de son aîné, bien plus par rage que quoi que ce soit d’autre désormais. Son mécanisme de défense fonctionne de telle manière à ce qu’elle souhaiterait le mettre à mal à son tour désormais mais Alfie est bien plus rapide qu’elle et Lily doit se contenter d’encaisser les reproches à peine voilés et son ton assassin en plus de tout le reste. Ses doigts finissent par libérer le bras de l’adolescent qu’elle se veut d’avoir considéré un temps comme son ami, elle a un geste de recul brusque mais bref pour s’assurer qu’il reste sur son côté de banc désormais. « J’étais au courant et je l’ai pas retenu, mais je l’ai pas poussé ou aidé. » Il aurait dû, pourtant, c’est tout ce que Lily retient. Il aurait dû le retenir, il aurait dû en parler à quelqu’un. Il aurait pu lui en parler à elle, même, au milieu de deux regards noirs et coups de pieds dessous les barreaux des bancs. Elle l’aurait aidé sans le dire et sans trop le montrer mais elle aurait été capable de tout pour son frère. Quand il était encore là, près d’elle. C’est trop tard maintenant, elle ne peut que se contenter de “et si” et d’espoirs qui en resteront à ce stade là. Les quelques inspirations qu’elle arrive à prendre sont longues et dramatiques alors que ses mains ont retrouvé leur place sous ses cuisses et ses pieds autour des barreaux du banc.

Parfaite gamine incertaine de tout et girouette par excellence, son attitude envers Alfie change de nouveau radicalement à la seconde où il fait part de son propre ressenti. « À moi aussi. » Elle serait quand même tentée de répondre un ’à plus à moi qu’à toi’ par pure insolence mais la brune se ravise dès lors qu’elle se remémore où elle est et à qui elle parle. Elle a trop besoin d’Alfie en ce moment pour le renvoyer de son propre chef, même si jamais elle n’avouerait oralement une telle chose. S’ils se contentent de rester là et qu’elle arrive à le voir tout en gardant ses yeux vissés sur le dossier du banc devant elle et les inscriptions faites au couteau dessus (sûrement la faute d’Alfie et Joseph, d’ailleurs) alors ça lui suffit. Elle ne lui demandera jamais plus et de toute façon ce n’est pas comme si elle avait réellement tant besoin que ça de quelqu’un à ses côtés, encore moins un garçon, encore moins lui. « Je l’ai pas retenu parce qu’il fait ce qu’il veut. Et qu’il l’aurait fait quand même, tu sais, il est chiant parfois. » Parfois étant un doux euphémisme pour spécifier qu’il est toujours chiant, son frère. Que ce soit la journée ou la nuit il trouve toujours un moyen d’embêter sa soeur, que ce soit en la réveillant pour rien ou en lui envoyant sur la figure tout un tas de batraciens gluants et plein de pustules. ”Il fait toujours des trucs stupides.” C’est pour ça que les amis sont là, normalement, c’est pour éviter qu’il aille au bout de ses idées stupides et qu’il commette des actes qui le seront plus encore. Elle arrive à garder ses reproches pour elle mais au fond elle en veut à Alfie et cela ne risque pas de changer de sitôt. Elle lui en veut tant parce qu’il n’a rien fait pour arrêter son frère que parce que c’est lui qu’il a choisi pour se confier et même pas la chair de sa chair ; alors que c’est sûr qu’elle aurait gardé le secret et qu’elle aurait mieux su gérer que quiconque. Elle est grande maintenant, Lily, elle aurait pu tout gérer comme les adultes s’il avait assez eu confiance en elle. ”Mais pas stupide à ce point là généralement.”

”Il ne reviendra pas tant qu’ils seront là.” Et on parle de ses parents et peu importe tout ce qu’elle pourrait bien leur reprocher, elle n’arrive pas à les souhaiter loin d’elle. Elle sait qu’eux au moins resteront à ses côtés quoi qu’il arrive alors qu’elle n’a aucune certitude que son frère revienne un jour, que ce soit pour elle ou pour qui que ce soit d’autre. S’il l’aimait un minimum il lui aurait parlé et il ne l’a pas fait, ça signifie donc qu’elle ne compte pas assez à ses yeux. Elle l’a compris d’une manière abrupte mais au moins elle sait, maintenant. ”Je pensais que si un jour il partirait tu serais avec lui.” La brune aurait accepté de perdre son seul pilier et informateur si c’était pour le savoir auprès de son frère, même si ça implique qu’ils auraient fait les mêmes bêtises mais à deux. C’est toujours mieux, à deux, peu importe ce dont on parle. Elle était l’ombre de Joseph dans toutes les aventures dans lequel il voulait bien l’accepter et jamais elle n’aurait osé en faire la moitié si elle avait été seule. On est plus forts, à deux, elle le sait mieux que personne puisque désormais elle se sent misérable. ”Je voulais pas te mettre en colère. Pardon.” La tête toujours enfoncée entre ses épaules, elle n’ose toujours pas le regarder. Parler à quelqu’un sans le regarder dans les yeux a toujours été bien plus facile pour elle, elle s’est toujours sentie pousser des ailes. Quand elle devait faire face au regard de son interlocuteur, pourtant, la petite Keegan devenait soudainement bien moins loquace. ”Tu sais depuis combien de temps ? Pourquoi tu m’as rien dit, toi ? Pourquoi t’es pas parti avec lui non plus ? Pourquoi tu dis ça pour les parents ?” Le flot de questions et de reproche arrive en une seule fois, le temps pour Lily de prendre son courage à deux mains avant de égoïstement venir planter ses yeux bleus dans les siens la seconde qui suit. Elle n’avait pas le courage de le regarder en face jusque là mais lui devra désormais faire avec.
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Message(#)(lily) you are the port of my call EmptyDim 8 Mar 2020 - 20:20

Lily resserre sa prise autour de son bras et Alfie grimace légèrement alors qu’il jure dans sa barbe inexistante, et qu’il peut sentir les ongles de Lily se planter dans sa chair à travers le tissu. Mais il n’émet aucun mouvement de recul ou ne la rappelle pas à l’ordre, parce que ça ne le dérange pas tant que ça, au fond. Parce qu’il est grand et qu’il supporte la douleur principalement, mais aussi parce qu’il lui doit bien ça après avoir reconnu que les plans de Joseph ne le surprennent pas totalement. Sans avoir été mis au courant de manière explicite, son ami a parfois plaisanté sur son envie de se barrer de cette campagne pour découvrir la ville, la vraie. Alfie n’a jamais su ce qu’il devait faire de ces informations, s’il devait les considérer comme des rêves d’enfant ou comme une vérité dissimulée. Maintenant, il sait, et il l’a découvert de la pire des manières. L’absence de Joseph le fait souffrir, il le savait au moment même où celui-ci s’est infiltré dans sa chambre la veille de son départ pour lui faire ses adieux. Pour autant, il n’a pas cherché à le retenir. Parce que ce n’est pas son rôle, parce que si les rôles avaient été inversés il n’aurait pas supporté qu’on s’interpose de telle façon ; et qu’il aurait probablement effacé toute trace d’amitié qu’il peut ressentir pour Joseph. Et dans le fond, Joseph n’est pas seulement son seul véritable ami. Il est tout simplement son seul ami, quand on y pense. Il a des dizaines de connaissances qui gravitent autour de lui, Alfie, mais aucune n’a suffisamment d’importance pour être considérée comme un ami. Joseph, lui, était l’exception qui confirme la règle et parler de lui au passé fragilise un Alfie qui s’interdit de craquer. Parce que les garçons ne pleurent pas, parce que les garçons ne peuvent pas être blessés, parce que les garçons relèvent la tête et avancent, c’est ce qu’on lui a toujours appris. Les garçons doivent aussi toujours se montrer fiers et courageux ; pourtant il tente bien de se dédouaner dans toute cette histoire, maladroit qu’il est, prétextant que, comme il n’a pas poussé ou aidé Joseph à quitter cette campagne, finalement on ne peut rien lui reprocher, pas vrai ? Lui qui subit régulièrement le courroux des adultes, qui aime provoquer leur colère et tester leurs limites, qui n’a jamais peur d’eux alors qu’il le devrait, se retrouve presque terrorisé devant la réaction de Lily. Presque. Encore une fois, c’est un adolescent, maintenant, il ne peut plus se montrer faible. Il pouvait se cacher derrière cette excuse il y a quelques années encore, mais désormais il est bientôt un adulte, c’est à lui d’imposer sa supériorité sur les autres et non l’inverse.  

Libéré par la jeune fille, son premier réflexe est de tourner la tête à droite, à gauche, à s’assurer que personne n’a été témoin de cette scène ; il ne manquerait plus qu’on dise qu’il aime bien la petite Keegan, alors qu’il n’a aucune envie d’être associé à cette dernière et son côté « je sais tout » carrément exaspérant. De la même manière, il veut s’assurer que personne n’a surpris sa confession ; car à ce moment-là on pourrait aussi lui dire qu’il aime bien Joseph, un peu trop pour son propre bien et c’est le genre de rumeurs qui auraient des conséquences dans l’environnement dans lequel il évolue. C’est ce qu’il a remarqué avec le temps, c’est ce qui lui impose de nier l’emballement de son cœur dans certaines situations et les doutes quant à celui qu’il est depuis des mois. Doutes qu’il aurait pu partager avec Joseph, qui n’aurait pas forcément compris, qui aurait peut-être jugé, mais qui n’aurait pas été les répéter plus loin, permettant à Alfie d’être lui-même en compagnie de son ami, comme il a toujours pu l’être et comme il a l’impression qu’il ne le sera jamais plus maintenant qu’il n’a plus personne à qui se confier. Lily ne compte pas. Non, Lily ne compte évidemment pas, elle n’est que la petite sœur insupportable de Joseph et dès demain il s’affairera à chamailler à nouveau l’enfant pour montrer que cet instant entre eux ne veut rien dire. Il sera peut-être même pire que d’ordinaire, pour bien confirmer qu’elle n’est pas une amie, qu’elle n’est rien pour lui et que l’événement ne les rapproche pas, jamais. « Je pense pas que c’est stupide. » Qu’il finit par avouer en haussant les épaules, presque admiratif et envieux ; lui aussi aurait voulu partir, lui aussi aurait voulu avoir le courage de le faire. Ce n’est pas stupide, bien-sûr que non, tout le monde le sait parce que tout le monde imagine que Joseph est parti pour la ville et que tout va lui réussir. Qu’il va trouver un joli endroit où vivre avec d’autres adolescents ou peut-être des adultes – mais des sympas cette fois. Qu’en ville, il y a de bonnes écoles, alors Joseph va vraiment s’améliorer et comme ça, il deviendra riche plus tard. C’est la pensée qu’il voudrait avoir, mais Alfie n’est plus un enfant et a été forcé de gagner en maturité ; réalisant ainsi que rien ne se passera ainsi. Joseph est tout seul, dans une ville qu’il ne connaît pas, sans argent et sans ressources. Rien ne va bien se passer. Et pourtant, il continue d’être envieux. Il a pris son destin en mains plutôt que d’attendre comme eux d’avoir l’âge pour changer les choses. Leurs parents ont déjà décidé de leur destinée depuis longtemps ; preuve en est les punitions qu’ils leur infligent quand les choses ne vont pas dans leur sens. Joseph s’est évité bien des désagréments, qu’Alfie va devoir continuer à supporter au quotidien. Joseph va surtout enfin pouvoir être lui-même, tandis que Lily et Alfie vont devoir continuer à rentrer dans les cases dont on a esquissé les contours pour eux. Si la jeune fille ne semble pas dérangée par cette perspective, Alfie ne parvient plus à le supporter.

« Il a raison. » Qu’il se permet de souligner lorsque Lily précise que Joseph ne reviendra pas tant que ses parents seront là. « Mais ils sont vieux, avec un peu de chance ils vont crever bientôt et il aura des raisons de revenir. » Qu’il propose, s’en fichant bien de heurter les sentiments de Lily. « Je faisais pas partie de son plan. » Et ça l’attriste plus qu’il ne veut l’imaginer. Outre la surprise du départ précipité de son ami, c’est surtout le fait qu’il n’ait pas considéré l’emmener avec lui qui le blesse. Ils partageaient tout, du moins, il croyait. Ils partageaient tout, sauf la liberté que Joseph s’est accordée sans penser à celle dont son ami a terriblement besoin. « J’ai peur, je crois. » Qu’il admet par la suite. Il a fugué à de nombreuses reprises, pour le plaisir d’inquiéter ses parents, de se sentir vivant ou d’exister à leurs yeux. Il l’a fait parfois quelques heures, parfois quelques jours, mais jamais beaucoup plus longtemps – parce qu’il a très vite réalisé qu’il était incapable de se débrouiller seul, même s’il jure le contraire à tout le monde parce qu’il se croit plus grand qu’il ne l’est réellement. « Si tu dis ça à quelqu’un, je te tue. » Qu’il poursuit, parfaitement sérieux. Il ne toucherait pas à Lily, pourtant. Il y a ce code implicite passé avec Joseph qui dit qu’aussi agaçante qu’elle soit, s’ils ne sont pas les deux pour l’embêter, il n’a pas le droit de le faire tout seul. « C’est pas grave. » Il dit par la suite alors que son humeur s’est voulue ambivalente, et qu’il passe aisément de la colère à la mélancolie. Mais si, ça l’est, et peut-être qu’il aurait dû poursuivre sur cette voie pour que Lily n’ose pas soutenir son regard. Car, maintenant, elle le fait, et ses yeux glacials le mettent mal à l’aise alors qu’elle l’assaille de questions. « Arrête Lily, je t’ai dit que j’y étais pour rien ! » Il se dédouane à nouveau, les sourcils froncés et une moue boudeuse sur le visage, exaspéré par la gamine (parce qu’elle est une gamine et lui bientôt un adulte). « Je sais pas, longtemps je crois, parce qu’il m’en parlait en rigolant de temps à autre mais moi je le prenais pas au sérieux. Puis il est venu me dire au revoir la veille de son départ, et si à toi il t’en a pas parlé même pour rigoler, c’est toi le problème alors arrête de dire que c’est moi. » Il s’énerve, avant de rapidement reprendre. « Parce que j’ai rien à te dire Lily, je suis l’ami de Joseph, pas le tien. » Peut-être est-ce brutal, mais c’est la vérité. « Parce que je suis pas con moi, et que je sais que la réalité c’est pas ça. » Et cette fois-ci, sa colère est dirigée contre son ami. « Et parce que tes parents sont des cons. Il lève les yeux au ciel, laisse échapper un soupir. Pardon Seigneur, mais c’est la vérité. Les miens le sont aussi, ceux de James aussi, ceux de Cathy aussi, et tous les autres. » Mais les Keegan en tiennent une couche. Il ne sait pas pourquoi, il se base seulement sur la manière dont il perçoit Joseph et le sentiment qu’il n’est pas vraiment heureux chez lui. « Alors t’arrête de me faire chier et de m’accuser, et si vraiment t’es pas contente, t’as qu’à aller le chercher aussi au lieu de te plaindre ! » Il rétorque en se levant, le regard noir. Qui s’adoucit lorsqu’une idée lui vient en tête, et qu’un sourire provocateur s’affiche sur ses lèvres. « Ouais, tiens, viens. » Qu’il dit en lui faisant signe de la main alors qu’il fouille ses poches pour en sortir les 50 dollars qu’il a volés à ses parents. « Pas sûr que ça suffise. » Qu’il réfléchit à voix haute alors qu’il zieute tout autour de lui ; mais l’église est désespérément vide, les joies de vivre en campagne et d’être le milieu de la semaine. Il se dirige vers l’entrée et arrive au niveau de la corbeille de dons placée à la sortie. Il s’empare d’un des bougeoirs servant à honorer les morts sur la droite pour taper bruyamment sur la serrure, gardant un œil près de l’entrée et faisant de son mieux pour être rapide. Finalement, l’ouverture cède à moitié, assez pour permettre à Alfie d’y glisser sa main et de remplir ses poches – manquant toutefois de se retrouver coincé à tout moment, et les mains fines de Lily auraient été fortement utiles à cet instant. Jetant un coup d’œil à la gamine derrière lui, il finit par hurler : « Tu voulais faire la maligne, alors bouge-toi, parce qu’ils vont pas tarder à venir et ça me fera plaisir de t’accuser. » Même si tout le monde sait que la parfaite Lily ne peut pas être responsable d’un tel délit, comme cela ne lui ressemble pas de disparaître sans en avertir ses parents. Mais Alfie s’en fiche, prêt à être pointé du doigt une nouvelle fois. Mais cette fois-ci ce sera véridique et il le fait pour Joseph, alors il se dit qu’on peut lui pardonner. Dans le cas contraire, il insistera sur à quel point l’absence de son ami fait de lui un gamin perturbé, et qu’il a voulu tester les limites de Lily pour retrouver un peu du Keegan en elle. Un dernier regard à Lily et un soupir d’exaspération, et le voilà qui disparaît en courant de l’église. Qu’elle le suive ou non ne changera rien ; il a bien l’intention de se lancer sur les traces de son ami, même si l’aide de Lily serait la bienvenue parce qu’à deux, ils sont forcément plus forts pour tracer le seul élément qui les lie.
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Message(#)(lily) you are the port of my call EmptySam 28 Mar 2020 - 16:34

L’inconstance d’Alfie est déroutante pour la jeune Lily qui ne sait pas si elle peut compter sur lui ou si elle doit le mettre dans la même case que tous les autres, celle là même où il y a un panneau d’avertissement à l’entrée stipulant de faire attention au chien. Ce genre de conneries. Le monde est blanc ou noir à ses yeux, il y a les gentils et les méchants et l’entre deux ça n’existe pas, c’est un concept seulement inventé par les lâches. Alfie, lui, pourtant il ne cesse de voyager d’une zone à l’autre alors que ça devrait être clairement interdit. Il la rassure un temps, sans le vouloir sûrement, puis il enfonce de nouveau le couteau dans la plaie, en le voulant sûrement. Lily ne sait plus comment réagir au milieu, elle se laisse bercer (noyer) par les flots et tente vainement de se préparer à la prochaine attaque sans jamais être capable de prévoir d’où est ce qu’elle viendra exactement. « Il a raison. Mais ils sont vieux, avec un peu de chance ils vont crever bientôt et il aura des raisons de revenir. » Elle est la mieux placée pour savoir que ses parents appartiennent bien plus à la zone noire qu’à la blanche et qu’aucune de leurs actions ne peut être réparée par de pieuses prières à l’église tous les dimanches, pourtant ils restent ses parents et elle ne peut pas se résoudre à les détester et encore moins à vouloir leur mort. Les mots d’Alfie sont crus, il ne les a jamais mâchés et elle le lui a reproché à de bien nombreuses reprises, aujourd’hui ne faisant pas exception à la règle. Le pied de la gamine vient taper la cheville de son aîné, laquelle rebondit contre le pied de bois du banc et résonne dans l’église, bien trop grande et bien trop vite. « Dis pas ça. » Leurs parents restent leurs parents, peu importe à quel point ils ne sont pas doués dans ce rôle là.

« J’ai peur, je crois. » L’inconstance. Et une Lily trop jeune et trop naïve qui chasse aussitôt toute la colère qu’elle aurait pu emmagasiner contre lui pour laisser toute la place à l’empathie, démontrée par ses yeux bleus perçants qu’elle laisse remonter vers lui sans un mot de plus. La vérité c’est qu’elle a peur elle aussi, tant pour elle que pour Joseph, mais elle n’a pas le courage de l’avouer. « Si tu dis ça à quelqu’un, je te tue. » Un pas en avant, deux en arrière. Ses paupières se ferment à regret en même temps qu’elle souffle longuement, reportant son regard ailleurs tant que ce n’est pas dans ses yeux à lui. Elle ne sait pas pourquoi elle continue de lui donner toute sa confiance dès qu’il prononce quelques mots la laissant espérer une remise en question. C’est Alfie, après tout, il continuera toujours de la décevoir quoi qu’il arrive.

« Puis il est venu me dire au revoir la veille de son départ, et si à toi il t’en a pas parlé même pour rigoler, c’est toi le problème alors arrête de dire que c’est moi. » Elle ravale autant sa salive que sa fierté sans ne rien dire de plus. « Si t’étais un meilleur ami il serait pas parti. » Il attaque là où ça fait mal, et que ce soit volontaire ou non il le fait presque aussi bien que Joseph lui même. La seule réponse qu’elle a à donner à tout ça, c’est d’essayer d’attaquer à son tour pour ne pas avoir à montrer ses faiblesses. Elle voudrait ne pas être le problème de personne, elle voudrait être dans le camp de tout le monde et elle voudrait encore tellement d’autres choses, Lily, quand finalement elle se contente d’être la petite fille parfaite aux yeux des adultes et la pire aux yeux des enfants. Comme quoi pour elle aussi, il n’existe que la zone toute blanche ou celle toute noire ; là non plus elle ne sait pas trouver d’entre-deux pour tenter de concilier tout le monde et apaiser son esprit. « Parce que j’ai rien à te dire Lily, je suis l’ami de Joseph, pas le tien. » « Ca va c’est bon j’ai compris ! » Elle voudrait hurler mais le lieu l’en empêche, ce qui est sans doute un mal pour un bien. Il en profite pour dire du mal des parents Keegan une dernière fois mais elle ne lui répond même plus, se renfermant seulement dans sa bulle en se disant que c’était vraiment la pire idée du monde que de tenter de se confier à Alfie Maslow.

Il se relève subitement, fait une scène en lui demandant de rester le plus loin possible de lui avant de se reprendre la seconde suivante et demander tout l’inverse. Cela n’étonne même plus Lily mais dire qu’elle n’en a pas mal au coeur serait mentir. Il faut qu’il choisisse la zone blanche ou la zone noire, il faut vraiment qu’il en choisisse une des deux parce que jamais elle ne pourra le faire à sa place tout en étant un tant soit peu objective. Chacun de ses gestes est certainement voué à horrifier la jeune Keegan, lui qui fait de son mieux pour profaner ce lieu sacré (et faire un boucan d’enfer lequel, c’est certain, les fera repérer d’ici à une simple seconde) en volant les dons destinés à l’église. D’abord figée alors qu’elle venait à peine de se lever, Lily garde la bouche entrouverte et les yeux rivés sur cette scène qu’elle n’aurait jamais cru à observer de toute son existence. T’as pas le droit de faire ça ! Les mots sont là, elle peut les voir dans son esprit, ils sont parfaitement dessinés mais il n’arrivent pas à sortir à cause de sa gorge nouée qui lui bloque toute formulation. « Tu voulais faire la maligne, alors bouge-toi, parce qu’ils vont pas tarder à venir et ça me fera plaisir de t’accuser. » « J’ai jamais dit que - hey attend attend atteeeend. » Elle hurle ou elle chuchote, on ne sait plus réellement comment différencier les deux désormais alors qu’elle est prise entre deux eaux, entre son besoin de rester dans le droit chemin et celui de suivre Alfie, le seul qui pourrait peut être lui apporter quelques réponses. La vérité, la seule, c’est qu’elle a besoin plus que jamais de quelqu’un sur qui se reposer et par la force des choses cette personne est devenue Alfie sans même qu’il le sache - et il vaut sans doute mieux que ça reste ainsi, personne ne voudrait devenir le baby sitter attitré de la petite soeur de son meilleur ami.

Elle rattrape la distance entre eux aussi rapidement que possible, s’efforçant de ne pas tomber sur le carrelage lisse de l’église, jetant un dernier regard à la boîte dérobée avant de se concentrer pour dévaler les marches deux par deux. La parfaite Lily lance même un sourire au seul croyant s’apprêtant à entrer dans l’église, désormais insouciante de ce qui pourrait lui arriver puisqu’elle croit naïvement qu’au bout de leur périple improvisé ils finiront par trouver Joseph et le ramener à leur maison. Les histoires qu’on leur raconte se terminent toujours bien, pourquoi en serait-il différent pour celle-ci ? « Alfie tu vas trop vite attend moi ! » Elle s’époumone, oscille entre marche et course, hurle sans qu'il n'en ait quoi que ce soit à faire mais rien de nouveau là dedans. « T'es bête t'aurais jamais dû faire ça ils vont savoir que c'est toi et tu te feras punir encore. » Ce n'est jamais drôle quand quelqu'un se fait punir ou quand il reçoit les remontrances de ses parents en place publique. Lily, en tout cas, détourne toujours les yeux et se bouche les oreilles à chaque fois que ça arrive - technique utilisée tant pour Alfie que pour Joseph. Elle se créée sa bulle et son monde le temps de quelques minutes, puisque dans son univers à elle au moins rien de mal ne se passe jamais. « Tu comptes aller où comme ça ? Il est PARTI et il s'est ENFUI et il ne va PAS REVENIR ! » Il l'a dit lui même. Il l'a dit et elle avait besoin de l'entendre pour le comprendre, ce qui est maintenant chose faite. Joseph est têtu, borné, stupide. S'il a décidé quelque chose il ne reviendra pas sur sa décision. Ils sont tous les deux faits du même bois, il devrait pourtant le savoir.

Elle gomme les derniers mètres qui existaient encore entre eux, raccroche de sa main le bras du garçon pour qu'il s'arrête enfin. « Alfie s'il te plaît fais pas de bêtises. » Qu'il le veuille ou non, il remplace désormais Joseph. Il est tout aussi bête (mais ça c'est parce que c'est un garçon donc après tout c'est normal), et borné, et bête aussi - oui encore -. Elle ne peut pas perdre autant Joseph que lui et si le premier est parti sans rien dire alors le second n'a plus le droit d'en faire de même. Elle a trop besoin d'une présence pour qu'il soit à son tour si égoïste. « Je dirai que c'est quelqu'un d'autre qui a volé l'argent. Ils me croiront. J'aurai qu'à me persuader que tu l'as remis à sa place dès dimanche et toi ... toi t'en fais ce que tu veux. Mais si Jo est parti c'est qu'il ne voulait pas qu'on le suive, sinon il aurait pas tout fait comme ça. » Sinon il l'aurait prévenue elle aussi, sinon il aurait dit où il allait, sinon il lui aurait laissé la chance de lui dire au revoir une dernière fois au moins.
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Message(#)(lily) you are the port of my call EmptyDim 10 Mai 2020 - 20:04

« PUTAIN, LILY ! » Que sa voix résonne dans l’église quand le pied de la jeune fille vient heurter sa cheville dans un geste de colère, elle-même venue heurter le banc en bois devant lui. Il se mord les lèvres comme pour empêcher les mots de franchir celles-ci alors qu’il rabaisse sa main qui, par réflexe, s’est élevée, prête à frapper le crâne de Lily comme il en a l’habitude lorsque Joseph le tape lui-aussi. On ne frappe pas, et encore moins les filles, qu’ils disent. Ça n’a jamais empêché Joseph et Alfie d’en venir aux mains – le plus souvent pour s’amuser, très rarement parce qu’ils se sont véritablement fâchés. Ça n’a jamais non plus empêché Alfie de frapper d’autres de ses camarades (filles comprises, pourtant), ni de pousser ceux-ci à le faire en les montant les uns contre les autres parce qu’il s’ennuie, et encore moins de retourner cette colère contre lui. Alors il aurait pu, mais Lily est intouchable, et ça l’énerve. Alors cette injure à son encontre n’est pas tant pour le coup de pied désagréable dont elle s’est rendue coupable (parce que si on lui demande, ça n’a pas fait mal, plutôt mourir que d’admettre qu’une fille a pu lui faire mal, pff, et puis quoi encore) que le statut dont elle bénéficie alors qu’il ne voudrait pas lui accorder autant d’importance. « J’y peux rien si c’est la vérité. » Il marmonne, agacé, entre ses lèvres, juste pour avoir le dernier mot, juste pour l’embêter encore un peu, juste parce qu’il l’a dit : c’est la vérité. Ils sont vieux, et il espère qu’ils mourront. Comme ça, Joseph pourra revenir. Car même si à cette époque Alfie n’avait pas tous les éléments en mains et qu’il ignorait le lourd secret de son ami, il était déjà convaincu que ses parents n’étaient pas innocents à la décision de leur fils. Parce que ce sont des parents, parce qu’ils sont forcément énervants, et qu’il faut forcément leur coller tous les malheurs du monde sur le dos.

Mais il peut en coller quelques-uns sur le dos de Lily, aussi. Ça l’arrangerait bien, d’ailleurs, plutôt que d’admettre que la petite sœur de son meilleur ami n’est pas aussi stupide, inutile et agaçante qu’il le prétend. Oh, bien-sûr qu’elle l’est, et qu’elle le sera toujours, mais il y a autre chose, et il en a conscience pour la première fois, à défaut de véritablement accepter cette idée. Car à travers la tragédie qu’ils partagent, Alfie a, pour la première fois, l’impression qu’elle peut le comprendre. Parce que, pour une fois dans sa vie, tout n’est pas fantastique autour de Lily Parfaite Keegan, et même s’il aurait apprécié que ce soit par d’autres circonstances, il a le cœur cruel et se réjouit qu’elle découvre que tout peut s’effondrer autour de soi et qu’elle goûte à ce sentiment d’impuissance qu’est le sien depuis bien trop longtemps. Alors j’espère que t’aimes ça, Lily, parce que c’est bien mérité. Non, au fond, ça ne l’est pas, mais Alfie n’est pas en mesure d’être rationnel. Elle a besoin de trouver un coupable, elle l’a accusé, alors il en fait de même. Peut-être que dans le fond, c’est par les reproches qu’ils s’adressent l’un l’autre qu’ils sont en mesure de s’aider. « Si vous étiez une meilleure famille, il y aurait même pas pensé. » Et toc. Elle fait sa maligne, mais ce n’est pas lui le problème, non ; lui il préfère se voir comme la solution, comme celui qui a aidé son ami à échapper à cette famille qu’il déteste presque autant que lui à présent. Il détestait les parents Keegan, et maintenant il déteste aussi Lily. Il accentue ses reproches à mesure qu’elle fait grimper la colère en lui, et affiche un sourire provocateur sur les lèvres lorsqu’elle craque. Non, Lily, tu n’as pas encore compris. Il va insister, encore et encore s’il le faut, bien trop ravi de retourner la situation à son avantage et de basculer dans les schémas qu’on lui reproche depuis toujours et qu’il était parvenu à dissiper au fil des années (par le biais d’une éducation stricte). Joseph n’est plus là pour l’équilibrer, pour lui faire comprendre que les mots et les actes ont des conséquences (même si Alfie ne savait pas à cet instant pourquoi il sous-entendait parfois cela). Il reprend les vieilles habitudes, il provoque, il veut blesser, juste pour être le gagnant, pour ne pas être blessé en premier. Il a échoué avec Joseph, il a voulu être son ami, il l’est devenu, et ce dernier l’a cabossé. Il n’échouera pas avec Lily, c’est hors de question, peu importe s’il donne l’impression d’être méchant : probablement qu’il l’est au fond, et que si on lui le dit aussi souvent, c’est qu’il serait probablement temps qu’il l’accepte.

Comme il faudrait que Lily accepte qu’elle ne peut se contenter de se plaindre ; elle doit aussi agir et Alfie compte la pousser à le faire. S’il aurait dû retenir Joseph, elle aurait dû aller à sa recherche. Elle ne l’a pas fait, mais il n’est pas trop tard, et il veut bien mettre sa colère de côté pour quelques heures : parce qu’à deux, ils seront plus forts. Il abandonne Lily pour récupérer les dons à l’église qui deviennent les leurs, et s’en fiche bien du bruit qu’il fait ou d’être pris la main dans le sac : il court de toute façon plus vite que les adultes et quand il sera puni en rentrant à la maison, ça n’aura pas beaucoup d’importance puisqu’il aura déjà épuisé cet argent et mené à bien sa mission. Un dernier regard à Lily, une dernière invitation et il disparaît, pas étonné qu’elle reste sur son banc : ce serait trop lui en demander que d’agir, et surtout pour son frère. Elle continuera de se plaindre, et il continuera de la confronter à sa lâcheté, et peut-être même que s’il la fait pleurer il aura gagné. Il court loin du lien de son crime et de cet endroit qui représente tout ce qu’il déteste : pourquoi est-ce qu’il pensait y trouver des solutions ? Ça n’a toujours été que la source de ses problèmes, aujourd’hui en est encore la preuve. Il venait pour soulager son cœur, il se retrouve avec une Lily qui tourmente ses pensées. Il la déteste, elle est lâche, et pourtant c’est bien elle qu’il entend courir et hurler derrière elle, et c’est bien un certain soulagement qui allège son cœur. Mais il ne l’attend pas pour autant, non, c’est un test : si elle veut le suivre, il faut qu’elle lui prouve ce dont elle est capable et qu’elle s’accroche à lui. « T’as qu’à avoir de plus grandes jambes. » Qu’il hurle à son tour en se retournant une seconde, avant de poursuivre et de s’éloigner toujours plus de cette église. « Mais moi au moins j’essaie de faire quelque chose ! » Il rétorque, la colère et l’envie de répondre à la jeune fille l’obligeant à ralentir le pas, avant qu’il ne finisse par se retourner et s’arrêter un bref instant pour poser son regard sur la silhouette de Lily et la regarder lorsqu’il lui hurle « VA TE FAIRE FOUTRE LILY ! » de tout son être, seule réponse qu’il est en mesure de donner lorsqu’elle mentionne que Joseph ne reviendra pas. Mais elle se rapproche alors qu’il est déstabilisé, et même en essayant de reprendre le fil de sa course, elle parvient à le rattraper en s’emparant de son bras. Il lui fait face, bouge violemment son bras pour ne pas qu’elle maintienne sa prise. Lily est une lâche, et il ne veut surtout pas qu’elle puisse le contaminer. « Ils te croiront pas Lily, ils voudront pas le faire si ça veut dire que je peux être puni, encore et encore ! » Il s’énerve, mais la cible de sa colère n’est plus la même. Ce n’est plus Lily, ce sont ses parents, les autres de l’église, ses profs, les adultes, tout le monde, tous ceux qu’Alfie parvenait à supporter parce qu’au moins, il avait Joseph. Il a dit le contraire, mais il en pense l’inverse : Joseph n’avait pas le droit de partir, il n’avait pas le droit de les laisser. « Mais ça, tu comprends pas, toi, y’a que Jo qui peut ! » Qui pouvait. Et ça ne fait qu’accentuer ce méli-mélo d’émotions contradictoires qu’il subit depuis le départ de son meilleur ami. Il veut tellement la contredire qu’il refuse qu’il ait raison : pourtant c’est le cas, et il sait que si les rôles étaient inversés, il en aurait voulu à son meilleur ami. « Je sais. » Qu’il finit par murmurer, alors qu’il tente de se calmer. « Y’a que Jo qui a comprend les choses, y’a que lui qui a su quoi faire et partir. » Si seulement il lui avait demandé de l’accompagner. Si seulement il lui avait offert cette porte de sortie dont il a tant rêvé. Son regard s’abaisse sur l’argent froissé dans ses mains, et il relève les yeux vers Lily lorsqu’une idée lui vient en tête. « Ils vont pas douter de ton innocence, ni de ma culpabilité, c’est déjà sûr. » Aucunes explications ne le sauveront, et ce n’est pas ce qu’il recherche. Revenir sur leurs pas maintenant, c’est déjà assumer les conséquences, alors autant qu’elles en vaillent la peine, et ça peut être le cas alors qu’il aperçoit le bus qui arrive au loin. « Alors, tu crois qu’on peut partir aussi ? Juste quelques heures, on reviendra, nous, mais on peut faire comme lui, on peut... je sais pas. Comprendre ? » Et peut-être accepter, et même pardonner. Et surtout, saisir l’occasion dont il les a privés de lui dire au revoir en ayant l’impression de l’avoir accompagné jusqu’à cette frontière qu’ils ne pourront traverser, celle de la ville, celle des grandes choses, celle de ceux qui peuvent se débrouiller seuls.
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Message(#)(lily) you are the port of my call EmptySam 16 Mai 2020 - 23:42

Ses jambes trop petites pour suivre Alfie n’abandonnent pas la course pour autant, ses bras (sûrement bien trop petits, eux aussi) se tendent dès lors qu’il commence à l’insulter. Cela ne fait que lui donner une raison de plus pour presser le pas et lui prouver qu’il a tort, parce qu’il est garçon et que les garçons ont toujours tort. Encore plus les amis de Joseph, parce qu’il faut être sacrément bizarre pour l’aimer. « Ils vont pas douter de ton innocence, ni de ma culpabilité, c’est déjà sûr. »Je veux pas que tu sois puni.” Ce sont les mots d’une enfant qui ne cesse de croire en la justesse du monde. Elle continue de penser que justice sera toujours rendue un jour ou l’autre, d’une manière ou d’une autre. Sa propre famille est le parfait exemple du contraire mais cela doit sûrement être l’exception qui confirme la règle, la seule chose dans le monde entier qui ne tourne pas rond alors que tout le reste est absolument parfait. Si Alfie se faisait disputer jusque là c’est parce qu’il ne fait que des bêtises, c’est donc normal qu’il soit rappelé à l’ordre par les adultes. Il faut bien se comporter et eux ne veulent que le lui faire comprendre ; ils ne veulent que son bien et un jour lui aussi finira par le comprendre. Ce jour là Joseph sera de retour à la maison et il aura appris de ses erreurs, lui aussi. Et le jour suivant ce sera dimanche et la brunette pourra les disputer à l’église parce qu’ils parleront trop forts. Tout sera revenu à la normale sous peu.

Sous peu, mais certainement pas de suite. « Alors, tu crois qu’on peut partir aussi ? Juste quelques heures, on reviendra, nous, mais on peut faire comme lui, on peut... je sais pas. Comprendre ? » Les yeux de la brune s’écarquillent significativement : le plan est horriblement mauvais, affreux, du genre très mauvaise idée. Lui se presse déjà vers l’arrêt de bus alors qu’elle s’accroche aux pans de son tee-shirt comme si sa vie en dépendant. Les “Non.” s’accumulent de sa bouche, de toutes sortes, de toutes formes, de toutes intonations. Sa capacité de persuasion doit aussi être insignifiante que la taille de ses jambes, sûrement, puisque rien ne suffit à faire le brun changer d’avis. Il a une idée en tête et autant dire que l’avis de l’insignifiante petite Lily n’a aucune sorte d’importance à ses yeux. “Si tu pars tu vas jamais revenir toi non plus.” Ses pieds tentent de s’ancrer dans le sol mais l’échec est total, elle ne fait sûrement que énerver son aîné encore un peu plus à défaut de pouvoir le raisonner. Il la voit comme la petite soeur insupportable de son meilleur ami et la voilà qui maintenant devient la sienne par extension, celle qui ne changerait d’avis pour rien au monde et qui souhaite imposer au reste du monde sa vision des choses. Puisqu’il est bien connu qu’elle a une meilleure vision que le reste de l’univers, qu’ils sont tous stupides et qu’elle est l’illuminée. “Alfie s’il te plaît fais pas ça, il va faire nuit bientôt et les adultes ne sauront pas où on est.” Les adultes vont s’énerver, les adultes vont le punir, les adultes risqueraient même de croire qu’elle a quelque chose à voir dans toute cette histoire et pour être honnête c’est ce qu’il lui fait finalement le plus peur. “Et puis on sait jamais ce qu’il peut se passer, c’est pas raisonnable, faut pas qu’on fasse ça.” Ses doigts remontent sur le tissu en même temps qu’elle fait de son mieux pour ne pas lâcher sa prise, désireuse que tous les malheurs du monde arrêtent de tourner autour d’Alfie. C’était le cas lorsqu’il passait ses journées avec Joseph et toutes ses mauvaises ondes mais maintenant qu’il ne reste plus qu’elle à ses côtés, cela signifie qu’il ne subit plus aucune mauvaise influence et qu’il est désormais du devoir de Lily de le guider de nouveau dans le droit chemin. C’est en tout cas ce que pense la gamine d’une dizaine d’années à peine, encore bien trop utopique pour oser vivre dans le monde réel. “Si tu pars t’y vas tout seul.” Sa gorge se serre et ses yeux sont déjà humides. Elle sait bien qu’elle ne sera jamais une raison suffisante pour quoi que ce soit. Au moins tentera-t-elle de limiter les dégâts des conséquences de son escapade en ville. S’il veut partir il devra avant tout la faire lâcher prise, elle qui serre tellement ses doigts autour du tissu qu’elle en a les mains rouges.
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Message(#)(lily) you are the port of my call EmptyJeu 16 Juil 2020 - 15:16

Entre Joseph et Alfie, ça a toujours été un concours quant à savoir lequel des deux est le plus stupide, on peut même carrément dire con. Ils se sont renvoyé la balle de nombreuses années durant, se reprochant l’un l’autre leurs idées débiles, mais tentant toujours d’imiter l’autre pour avoir l’air meilleur que lui. Pas dans un but de concurrence, mais simplement de leur façon de concevoir cette amitié solide qui s’est construite au fil des années, en s’autorisant – pour une fois – à dire ce qu’ils pensent à quelqu’un, sans avoir les préceptes de l’église en tête et s’évitant de surjouer une fausse sympathie. Quand l’un faisait quelque chose de stupide, l’autre s’empressait de le pointer du doigt, avec une diplomatie toute relative – mais c’est normal, ils ne l’ont pas vraiment apprise, donc les adultes ne peuvent pas leur en vouloir, pas vrai ? Dans tous les cas, à ce petit jeu, Joseph est assurément le vainqueur. Et si Alfie l’a longtemps pensé, défendant bec et ongle son opinion qui s’opposait à celle de Joseph – visant à dire que, justement, c’est Alfie le plus idiot – aujourd’hui son ami lui a effectivement donné raison ; mais la victoire n’a pas la saveur qu’Alfie aurait voulu. Elle est amère et carrément détestable, d’autant plus que son ami n’est pas là pour la discuter. Mais comme souvent, Alfie ne se satisfait pas de ce qu’il a et à treize ans déjà, il était difficile de lui enlever une idée de la tête – surtout s’il s’agit d’une mauvaise, très mauvaise idée. Joseph lui a donné la victoire ? Il va la contester, en se montrant encore plus idiot que lui, non mais. Il n’a pas peur des représailles de son geste (c’est ce qu’il dira, même si dans le fond il a déjà le cœur serré à l’idée de décevoir une fois de plus sa génitrice) : principalement parce qu’il sait, malgré tous les reproches et les punitions, qu’il est toujours convié tous les dimanches et que s’ils voulaient vraiment se débarrasser de lui, ça commencerait par cette messe dont on voudrait qu’il se tienne éloigné. Mais cette fois, il outrepasse les limites, pas parce qu’il est question de vol (c’est déjà un expert dans le domaine), mais surtout parce qu’il implique Lily. La douce et innocente Lily, Lily la parfaite, l’enfant chérie que toutes les mères rêvent d’avoir et qui rend fiers tous les pères. Ça l’a toujours énervé. Déjà quand Joseph était là, encore plus depuis qu’il a disparu, même si, pour la première fois, il aperçoit que Lily est bien humaine et n’est pas un robot sans émotions comme il l’a déjà pensé. Il a aperçu ses fêlures et peut-être qu’elle n’aurait pas dû lui faire confiance pour se montrer sous ce jour, car déjà à l’époque, Alfie avait un intérêt particulier pour les défis et en voilà un qui se présente à lui : casser l’image de la douce Lily en l’embarquant dans l’aventure qu’il a en tête lui paraît être une très bonne idée. « Ouais bien-sûr comme si tu t’en souciais d’habitude, pff. » Qu’il râle toujours, agacé par une Lily qui, il est sûr, n’est qu’une balance dans le fond. Elle passe – passait ? Est-ce qu’il doit vraiment parler de Joseph au passé ? – son temps à les réprimander, au fond c’est logique qu’elle les balance aux adultes. Peut-être même qu’elle a déjà été à l’origine de certaines de ses punitions et si dans d’autres circonstances il lui aurait fait la misère sur la base de cette seule hypothèse, aujourd’hui il n’a pas le temps pour ça. Parce qu’il a trop de choses qui se bousculent dans un si petit corps, pour un si petit âge : il veut retrouver Joseph, il veut fuir cette ville, il veut briser encore un peu plus Lily pour qu’elle comprenne, enfin, ce que c’est d’être malheureux, elle qui sourit toujours, elle qui n’a jamais de problèmes, il veut aussi l’avoir à ses côtés parce qu’elle est la seule qui puisse comprendre. Mais elle n’est pas d’accord et il lève les yeux au ciel pour bien accentuer son agacement. Il ne sait pas trop ce qu’il a cru, au final Lily reste Lily, il est hors de question qu’elle fasse quelque chose de mal – même si la valeur du mal qu’à Alfie est toute relative – et il ne devrait pas s’étonner de son refus. Du grand Lily l’emmerdeuse.

Emmerdeuse au point où elle le fait douter, un instant, une seconde, alors qu’elle suppose qu’il ne reviendra pas non plus. Bien-sûr qu’il n’a pas envie de revenir, qui voudrait rester ici à part elle ? Personne, mais Alfie n’a pas le courage de Joseph et il ne le dira pas, parce qu’il est censé l’être, courageux, parce qu’il s’en est toujours vanté quand il s’agit de sauter d’un arbre ou de casser un cadenas pour aller explorer les sous-sols de l’église, mais pas quand il s’agit de la vie, la vraie. Il croise les grands yeux bleus de l’enfant toujours accrochée à lui et c’est ce qui lui permet de cesser de douter : parce que c’est Lily, parce que Lily ne peut pas avoir raison et puis quoi encore. Lily a toujours tort, c’est un principe universel que seuls Joseph et Alfie se sont mis d’accord de suivre, il ne peut pas briser la promesse maintenant, ce serait éloigner son ami encore un peu plus, mais il est déjà trop loin. Il voudrait donner tort à Lily autant qu’il voudrait la rassurer, mais il se contente de marmonner un « et alors ? » qui n’attend pas de réponse, parce qu’il n’en veut pas. Borné du haut de ses treize ans, il ne renonce pas à son plan : il persiste à penser que c’est la meilleure idée qu’il n’ait jamais eue, sauf qu’à chaque fois qu’il pense ça, les choses se finissent très mal. « Arrête de chercher des excuses Lily, c’est juste que comme d’hab t’es une trouillarde qui veut jamais rien faire de mal, parce que sinon oh mon dieu tu vas te faire engueuler et les adultes croiront plus que t’es si parfaite et incroyable. Je comprends pas ton but, mais si ça te fait plaisir, vas-y, je sais même pas pourquoi je t’ai demandé, de toute façon tu vas passer ton temps à chouiner comme tu le fais d’habitude, vu que t’es incapable de te la fermer, alors reste là et continue d’emmerder les autres, au moins je serai loin de toi. » Pour quelques heures, seulement, mais il ne le dit pas, parce que son cœur est cruel et qu’il ne veut pas offrir de répit à Lily. Et même sa voix brisée et ses yeux humides ne peuvent pas le dissuader ; parce qu’il est déçu, Alfie. Parce qu’il croyait qu’il pouvait lui faire confiance et qu’elle vient de détruire tout ça. Et qu’il n’y a rien de pire qu’un Alfie déçu, ce qu’elle doit probablement constater à cet instant. Il couvre sa main toujours accrochée à son tissu de la sienne, l’oblige à desserrer sa prise par sa force, s’en fichant bien de lui faire du mal – c’est probablement ce qu’il souhaite, d’ailleurs. Il relâche la main de la jeune fille lorsque celle-ci ne le retient plus, se contente de hausser les épaules face à son refus. « Ouais, très bien, c’est pas comme si on pouvait compter sur toi de toute façon, sinon Jo serait encore là. » Il achève, tandis qu’il s’enfile dans le bus avant que celui-ci ne referme ses portes, sans un dernier regard pour la petite Keegan, qu’il espère avoir réussi à blesser : après tout, ce ne serait qu’un juste retour des choses et ça lui apprendra à laisser autant de pouvoir à une gamine insignifiante et stupide. Peut-être que c’est elle qui gagne le concours, au final.
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Message(#)(lily) you are the port of my call EmptyMar 21 Juil 2020 - 2:23

Plus il parle et plus elle le déteste. Chacun de ses mots va à l’encontre de ses principes et ses gestes plus encore. Elle voudrait lui dire que c’est impoli de lever les yeux au ciel comme il le fait tout comme elle voudrait ajouter que tant qu’à y être il devrait apprendre à se tenir droit sur les bancs de l’église et à ne pas croiser les genoux. Pourtant à cet instant même Lily se rend compte que ce n’est pas le meilleur moment pour lui faire la leçon, même si elle en meurt d’envie depuis bien longtemps. C’est presque si la jeune Keegan ne tient pas une liste non exhaustive de tous les défauts que le garçon devrait corriger s’il veut réussir dans la vie (source : maman, papa, et la Bible). Incorrigible, Alfie se moque pourtant d’elle alors qu’elle pensait avoir fait un énorme pas en avant en s’ouvrant à lui et avouant qu’elle ne souhaitait pas qu’il soit puni. L’effet est immédiat et elle se replonge aussi dans sa coquille, reposant sur son visage son masque de vieille dame aigrie de 93 ans un peu trop à cheval sur les principes. Il lui a déjà bien assez fait de mal pour aujourd’hui et il le fait finalement au sens propre en l’obligeant à lâcher le pans de son tee-shirt. Le visage de la jeune fille se fend dans une crispation mimant la douleur et elle se tord dans tous les sens pour tenter d’y remédier sans pour autant vouloir le lâcher. “Aïe tu me fais mal !” elle avoue enfin, furieuse, avant de lâcher prise et de lui jeter le plus noir des regards qu’elle pouvait bien garder en réserve. Sa main repasse autour du poignet blessé à peine rougeâtre, les séquelles étant bien plus psychologiques plutôt qu’autre chose. Au fond, elle est simplement énervée de toujours être la plus jeune et la plus fragile d’entre eux et d’avoir à céder devant toutes leurs idées ; parce que si c’était elle qui menait l’équipe alors ils ne se retrouveraient jamais grondés par les adultes. Pour cela, il faudrait aussi qu’elle soit réellement dans l’équipe à défaut de simplement y aspirer.

Ce n’est qu’après son petit discours qu’elle perd définitivement tout espoir d’un jour pouvoir s’entendre avec Alfie, oubliant en parallèle toute tentative de le raisonner et de le garder près d’elle au moins le temps que le bus soit loin. Les sourcils de la gamine se froncent alors qu’elle tente au mieux de garder la face quand bien même ce devient un peu plus difficile à chaque seconde puisque son monde semble littéralement s’écrouler. D’abord Joseph puis Alfie. Elle les détestait, certes, mais ils étaient quand même importants. Très importants. Lily déplore le portrait que le brun dresse d’elle alors qu’elle aurait tant aimé qu’il comprenne sa vision du monde et à défaut de l’apprécier, qu’il puisse au moins la tolérer. Cela semble s’ajouter à la liste des choses qui n’arriveront finalement jamais et la benjamine exprime sa rage tant en expirant tout l’air de ses poumons qu’en tapant du pied et finissant par coller une gifle à celui qui la dépasse pourtant de nombreux centimètres non négligeables. Sa propre main la brûle bien plus que la joue d’Alfie ne doit lui faire mal et même si elle vient de transgresser à peu près toutes ses propres règles, ce serait mentir que de dire que cela ne lui a pas fait un bien fou. Ses mots restent gravés dans son esprit mais elle a au moins l’impression de s’être vengée de lui, comme ça. Avec un peu de chance, sa haine contre la brune l’aveuglera à son tour et il ne verra pas ses yeux bleus plus embués que jamais. Elle n’a qu’onze ans et absolument pas la capacité de gérer autant de chamboulements en si peu de temps. Son ego refuse de le lui faire avouer mais elle rêve seulement que Joseph revienne et qu’Alfie, lui, ne parte jamais. « Ouais, très bien, c’est pas comme si on pouvait compter sur toi de toute façon, sinon Jo serait encore là. » S’il est parti c’est à cause de papa. S’il est parti c’est à cause de maman. S’il est parti c’est à cause du prêtre. S’il est parti c’est à cause de tout le monde, absolument tout le monde (même Alfie !) mais certainement pas Lily, pas alors qu’elle est la seule à jouer avec lui à a maison à ses jeux qui ne sont même pas drôles. “Tais toi ! Tu sais pas de quoi tu parles !” Ca ne servirait à rien de lui en parler puisque de toute façon le mal a déjà été fait. Il ne pourrait rien faire non plus, si ce n’est détester encore un peu plus sa famille qu’à l’heure actuelle. En somme, personne n’a besoin de ça et c’est amère qu’elle le laisse faire un pas et un autre en direction du bus. Il a l’air plus fier de lui que jamais et ce n’en devient qu’une raison supplémentaire de le détester, quand bien même ce n’est pas ce qui manque. “J’espère que toi aussi tu reviendras jamais !” Lily s’énerve à son tour alors que les portes se referment, sûrement déjà trop tard pour qu’il ne puisse l’entendre.
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