Il ne se souvenait plus. C'était déchirant et pourtant ô combien réel. Wren avait arrêté de compter le nombre de rails qu'il s'était fait. Quatre jours qu'il était sur la même cuite, quatre jours qu'il faisait semblant d'être un homme bien sous tous rapports alors qu'il sortait de sa thérapie avec une envie gigantesque de faire brûler la moitié de la ville... A la place, il allait vers la drogue, ayant retrouvé quelques contacts dans les bas fonds de son répertoire. Back to basics, comme on le disait si bien. Après moult négociations, ses vieux amis avaient accepté de le reprendre dans le business à condition qu'ils ne fassent pas de péripéties comme à l'époque. Autant dire qu'ils tentaient le diable mais c'était le risque quand on arrivait à pardonner à autrui. Avec Wren, ce n'était plus le cas. Il ne pardonnait à personne, surtout pas alors qu'il sortait de chez sa mère, complètement défoncé mais ayant réussi à obtenir une précieuse signature qui lui donnerait tous les droits sur l'avenir familial. Est-ce que sa matière grise culpabilisait? Plus depuis qu'il l'avait éteinte au profit d'un inconscient malsain et maintenant tout ce dont il avait envie, c'était de courir voir son petit frère pour le féliciter d'avoir tenu le cap. C'était le seul Doherty qui valait le coup au bout du compte, le seul qui n'avait jamais essayé d'être quelqu'un d'autre. Tobias n'avait jamais menti sur son identité et putain, Wren l'enviait. Alors, son papier dans la poche arrière de son pantalon, il accourut vers la bâtisse voisine pour aller sonner chez les Doherty Junior, non sans avoir posé une clope entre ses lèvres. Il lui restait encore quelques grammes de cocaïne et il n'avait pas tout à fait de les revendre alors autant se les enfiler avec un proche qui valait tout l'or du monde. Il toqua mais se rendit compte que, merde, les Doherty, les vrais n'étaient pas polis alors il entra, les yeux explosés pour tomber nez à nez avec son petit frère. "Hello Tobinet, t'avais un plan pour la soirée? J'ai un peu de coke et une excellente nouvelle... J'ai la tutelle de la daronne et il est temps qu'on la foute dans un auspice et qu'on refourgue son bordel pour se faire un peu de pognon, t'en penses quoi?" Le bon Wren était endormi et pour sûr que lorsqu'il s'éveillerait, la chute serait brutale mais pour l'heure, il avait le papier dans une main et dans l'autre, son sachet de poudre blanche, un sourire carnassier lancé à Tobias. Ils allaient déconner ensemble et le monde allait partir en flammes.... Bon sang qu'il était temps.

@Tobias Doherty

Un tissu autour de son biceps, il observe ses veines devenir chacune de plus en plus saillantes et bleutées. Il aime beaucoup les observer gonfler, encore plus sur son poignet, là où elles sont le plus visibles. Bien installé dans le fond de son canapé, il joue et titille la seringue en attendant que les veines soient assez grosses pour que même lui, le gars le moins doué de la terre, ne puisse pas les rater lorsqu’il enfoncera son aiguille à l’intérieur. L’entreprise est d’autant plus difficile quand il s’agit de s’injecter soi même ; tout ça parce que Freya a une vie maintenant et qu’elle ne passe plus ses journées à l’appartement, quelle putain de connerie. Il se contente de grogner lorsqu’on toque à la porte, décidé à faire tout sauf aller ouvrir parce que Tobias ne fait pas dans la charité. Pourtant, comme toujours, aucun des deux imbéciles de jumeau n’a pensé à fermer la porte clé et c’est avec une facilité déconcertante qu’il voit débouler son grand frère dans la pièce. ”Pt’ain.” Il est heureux de le voir, oui, il est aux anges même, ça se voit pas ? "Hello Tobinet, t'avais un plan pour la soirée? J'ai un peu de coke et une excellente nouvelle... J'ai la tutelle de la daronne et il est temps qu'on la foute dans un auspice et qu'on refourgue son bordel pour se faire un peu de pognon, t'en penses quoi?" Tobias défigure son aîné de la tête aux pieds, jauge de la fiabilité de ses dires, se tâte de savoir si c’est seulement une blague pour que Wren trouve une énième raison d’en vouloir à mort à son cadet. Il en vient finalement à la conclusion que peu importe la raison de sa venue, il accepte la coke, il accepte de dire du mal de leur génitrice et plus encore, il accepte la tune. Tout ensemble, cela ne peut être qu’un super plan made by Doherty.

”T’comptes toujours me mettre un briquet dans l’cul ?” Il n’a pas oublié leur dernière entrevue et avait besoin de délicatement le rappeler à son frère. Une seconde de répit avant qu’ils ne fassent les pires choses possibles et inimaginables. ”Arrive, mets moi la Keta et après on parle sérieux.” S’il est réellement le Wren prêt à prendre de la coke, s’il est réellement le bon frère et pas celui devenu de plus en plus chiant au fil des années, alors il fera ce que son petit frère lui demande si gentiment en battant des cils. Son bras gauche manque de sang, sa main droite présente de manière triomphale l’aiguille tout sauf saine au préalable remplie de kétamine. A peine quelques minutes d’effet, cela ne l’empêchera en rien de continuer la suite des festivités avec son aîné. Au contraire, ce sera une mise en bouche pour ce qui s’annonce comme une très belle et incroyablement terrible nuit.

”Pourquoi t’veux pas la mettre chez les fous, la vieille ? On aurait rien à payer.” Ca doit coûter la peau du cul, un auspice, pour de vrai. Elle devrait être heureuse que Tobias propose l’asile de fou et pas la crémation directement. ”On va tous f’nir là bas, ça f’ra un avant gout.” Il termine, un sourire en coin ; réaliste.

Être défoncé était le meilleur cadeau du monde et Wren l'était constamment depuis des jours. Il avait attendu un bon moment avant de rendre visite à Tobias, cela dit, sûrement parce qu'il savait qu'il n'y aurait plus de possibilité de revenir en arrière une fois que ce serait chose faite. Son cadet avait toujours une mauvaise influence sur toutes les personnes qu'il côtoyait et si Wren avait la force d'esprit de lui résister depuis des années, son désespoir récent laissait suggérer que ce ne serait pas le cas à ce moment-là. Non, il allait vraiment sombrer aux côtés de ce petit frère qui n'avait jamais existé que la lumière fasse partie de sa vie et bon sang, ce que le grand suédois l'avait jalousé de ne jamais connaître ni les remords ni les regrets. Désormais, il vivait selon les mêmes règles que Tobias: drogue, alcool, flammes, plus rien ne pouvait l'arrêter, raison pour laquelle il était entré chez son cadet sans sonner, il ne fallait pas abuser non plus. Le nordique souriait comme jamais parce qu'il avait ramené une bonne dose, que la décadence allait leur sourire comme jamais, à tous les deux. Wren ne portait plus aucun intérêt à sa propre survie et il se sentait si bien à l'idée de ne plus rien ressentir alors que c'était horrible ce qu'il faisait. Il venait d'obtenir une signature de la plus haute importance venant de sa folle de mère et cela lui donnait tous les droits sur le patrimoine familiale. Connaissant la bête, personne n'allait en sortir indemne mais c'était très bien ainsi, c'était ce que Wren désirait. Tout brûler, se venger de tout et tout le monde alors que personne ne lui avait rien fait, à part Lizzie sûrement. "Non, j'en ai bien trop besoin pour cramer les forêts, vieux." L'idée de brûler le cul de son frère lui avait certes traversé l'esprit pas mal de fois par le passé mais l'aîné des Doherty savait qu'il avait besoin de lui désormais et qu'il ne pourrait plus jamais parler de lui en ces termes. Son frère, sa responsabilité. "Ouh, j'aime quand tu parles aussi franchement." Doherty s'installa sur le canapé à côté du frère, préparant les doses qu'ils allaient ingérer consciencieusement, Wren n'attendant pas plus de dix secondes une fois qu'il avait préparé son petit paradis. Cela lui faisait du bien avant même qu'il en ressente les effets parce qu'il était addict et qu'il ne pourrait plus gérer aussi sainement sa vie désormais. "T'es malin, toi. Ouais, je vais faire ça. T'façon, elle a plus rien à nous apporter la harpie, ras le bol de me prendre des assiettes dans la gueule. Du coup, on la fout chez les dingues, on vend la taule et on s'achète de la bonne dope avec tout ça... Puis, là, après on pourra cramer toute cette baraque de merde, ça c'est de l'idée, tiens." Il en souriait déjà, le diable au fond de son coeur, Wren s'était perdu en chemin et ce ne serait pas Tobias qui le ramènerait à la lumière, il signait sa fin en somme.

Cramer les forêts, ça ne doit pas être si ennuyant qu’il n’y paraît. Certes il n’y a rien qui fond, rien qui s’effondre, personne qui hurle à la mort ; mais le feu s’étend rapidement et la chaleur augmente de manière exponentielle aussi. Les populations s’enfuient, les pompiers (c’est à dire eux dans une autre vie) luttent jour et nuit simplement pour tenter de réparer leur connerie. Il reconnait que oui, si on y réfléchit bien, ça peut avoir quelque chose de grisant, au fond. Jamais plus que la manière dont Tobias occupe ses journées, mais c’est un bon début, à n’en pas douter.

Il s’injecte sa dose seul, regarde d’un oeil distrait la manière dont Wren prépare l’autre drogue, ne peut s’empêcher de juger. Et dire qu’on le prend pour le méchant garçon de l’histoire. Ce n’est pas parce qu’il fait parti des démons qu’il en est un, parfois le con se retrouve du côté des gentils et quand ça arrive il devient le plus ennuyant de tous les grands frères ennuyants de l’histoire. Du sang s’écoule encore de la veine dans le creux de son bras quand Tobias se penche sur la table pour en sniffer son premier rail, grossièrement étalé par son aîné. Un vrai travail de famille ça, ils ne sont pas des Doherty pour rien.

Pendant que son aîné lui expose son plan, le plus jeune se relève - titubant - pour aller attraper le premier paquet de cigarette venu sur le plan de travail de la cuisine, celui là même qui leur sert de débarras et de fourre tout à n’importe quelle occasion. Il l’allume en s’adossant au mur, observe son frère enchaîner les doses tout en restant de lui à une distance raisonnable. Même s’il l’accepte volontiers quand il s’agit de partager un peu de poudre blanche, il n’en oublie pas toutes les leçons de morale qu’il a reçu de sa part, surtout celles de ces dernières années. ”T’es r’cherché par les flics ? T’as un cancer ? T’es en fin d’vie ? T’vas déménager en Sibérie ? C’quoi le truc foireux, Wren ? Pourquoi t’as arrêté d’être chiant ?” Les yeux plissés, il s’invente une myriade de scénarios pouvant expliquer le revirement soudain dans l’attitude de son frère. Le dernier rail qu’ils ont partagé remonte à de bien trop longues années et même s’il a hâte de retrouver cette partie de lui qu’il aime tant, il ne peut pas s’empêcher de rester méfiant. Pour en avoir le coeur net, il finit par rapidement s’approcher du canapé et ouvre les yeux de Wren sans délicatesse pour se faire un avis sur la taille de ses pupilles. ”Enfoiré t’m’as pas attendu pour t’en enfiler.” Comme lui même n’a jamais attendu son frère ou demandé son autorisation pour plonger dans ce monde là dès l’âge de treize ans. Mais ça, c’est une autre histoire. Il est toujours plus facile de reprocher leurs erreurs aux autres plutôt que de se remettre en question.

”On garde la partie où la maison crame. Des fois t’as des idées d’merdes qui sont cools.” Il savait qu’il obtiendrait l’accord de Tobias s’il pouvait placer le mot “brûler” ou un quelconque équivalent dans la phrase. Il connaît son cadet mieux que personne, il connaît ses idées noires et ses rêves sombres. ”J’suis dans un nouveau plan. Came à volonté, si tu bosses. On cherche des dealers. Tu payes personne et c’toi qu’on paye, bon plan, hein ? T’es in ou t’es out, Doherty ?” Freya va le tuer quand elle apprendra qu’il a proposé à Wren de les rejoindre, mais il n’est pas à une menace de mort près. "On pourrait la brûler maintenant, cette baraque de merde."

Wren avait changé du tout au tout à une vitesse hallucinante: c'était le prix à payer pour un coeur brisé. Lui qui s'était toujours targué d'être en dehors de tous ces délires, lui qui méprisait les gens mielleux à se rouler des pelles dans la rue et à sourire niaisement devant l'être aimé, finalement, il était devenu pire qu'eux. Doherty s'était laissé happer dans la spirale du rejet, se confortant dans l'idée que si la femme qu'il aimait ne voulait pas de lui, il n'y avait aucune raison pour qu'il reste sobre plus de trois quarts d'heure par jour. Jusqu'ici, l'idée était une franche réussite. Wren ne voyait pour ainsi dire pas le jour, toujours entre deux cuites, entre deux phases ascendantes dans sa prise d'héroïne ou de cocaïne et pour sûr que la présence de son petit frère à ses côtés n'allait pas changer la donne. Tobias était pire que lui en tellement de points parce qu'il n'avait jamais eu réellement d'empathie pour les gens, c'était clairement lui qui ressemblait le plus à leur paternel et c'était un fait qui avait toujours effrayé Wren. Pourtant, c'était vers son cadet qu'il se tournait, parce qu'il savait qu'il pouvait toujours compter sur lui lorsqu'il était question de décadence, voire même de déchéance. Tobias avait toujours les meilleures idées pour se mettre la tête à l'envers et finir avec trois ou quatre cent dollars de plus dans les poches en fin de soirée. Son petit frère avait toujours eu de la ressource, on ne pouvait pas lui retirer cela, même si c’était un danger public de haute envergure mine de rien. Deux secondes après qu'il était entré dans l'appartement, le voilà déjà à se mettre un rail dans le pif, heureux comme jamais de sentir les effets attraper son faible palpitant. Forcément, Tobias le regardait d'un air curieux parce qu'il n'avait aucune idée de ce que son aîné foutait là. On ne pouvait pas dire qu'ils avaient été proches ces dernières années, toujours à se bousiller mutuellement parce qu'ils avaient des modes de vie totalement antagonistes. "Je crois que ça te ferait trop plaisir si je t'annonçais que j'allais crever d'une maladie quelconque. Déjà, j'ai jamais été chiant, p'tit con et puis, tu peux juste me féliciter d'avoir retrouvé le chemin de la maison, hein." Redevenir un véritable Doherty, une personne assoiffée de sang et de chaos, incapable de se porter bien plus de vingt quatre heures avant de créer des dégâts incommensurables autour d'eux, c'était ce qu'ils avaient toujours été. Wren avait été celui qui avait lutté le plus longtemps contre sa nature mais cette période de gloire intense était bel et bien terminée, il était de retour dans ses bottes. "J'ai du retard à rattraper, vieux." Et pour cela, il avait bien besoin d'une dose ou deux pour se sentir en symbiose avec les éléments: de toute manière, Wren se doutait que Tobias ne mettrait pas quinze ans à le rejoindre dans la connerie. La preuve, en moins de dix secondes, il était déjà à lui proposer des deals dingues, une vieille habitude qui plaisait énormément à l'aîné à ce moment là, ce qui n'était jamais bon signe bien évidemment. "Je suis grave in, tu le sais bien. J'ai déjà recommencé à doper ça et là, mais l'idée de se faire du pez' facile, je suis forcément dans le délire. Je t'attends au tournant, bro." Et comme une idée de merde ne venait jamais seule, ce cher Doherty attendit que son frère continue le discours, des yeux pétillants l'accueillant bien vite. L'idée était si ravissante, sûrement parce qu'il était complètement défoncé ou dans un désespoir latent mais Wren était happé. Transi par le concept balancé par le frangin. "T'as jamais eu des paroles aussi cohérentes, dis moi. T'as le matos pour, j'imagine." Il ne serait pas Tobias Doherty autrement et là, c'était exactement ce dont Wren avait besoin en s'offrant une clope de réconfort après le rail. Il était bien là, il était pressé de se sentir encore mieux au milieu des flammes.

Fausse alerte, Wren n’est pas mourant, rangez les confettis. Ni mourant ni prêt à tuer Tobias sur le champ ou lui faire la morale, ce qui est la chose qui le trouble le plus. Généralement il souhaite l’un ou l’autre pour son petit frère, alors ce dernier s’est rapidement habitué à ce mode de vie sans que cela ne le dérange réellement. Il a su se contenter d’aller voir son frère entre deux menaces de mort pour lui demander un service que l’aîné lui rendait toujours mais dont l’inverse n’était pas pour autant vrai. Le brun finit par statuer avoir du retard à rattraper et c’est la seule chose que Tobias retient ; la seule qui l’arrange réellement aussi. Il attend une simple seconde de plus avant de lui proposer de rentrer dans son gang, n’ayant en réalité aucune idée s’il est autorisé ou non à faire ce genre d’offres. Lou va le tuer, Freya encore plus ; les autres il s’en moque. Qu’elles essayent. Au fond, ce serait sûrement amusant, ce genre de choses. ”C’est un nouveau club. The Hive, qu’ils ont appelé ça, parce qu’ils se croient intelligents à donner des noms de merde.” La Ruche, parce qu’ils sont tous liés, parce qu’ils reposent tous les uns sur les autres. Conneries, selon Tobias. La Ruche, parce que Lou voulait en être la reine, c’est tout. Ils ne sont que des putains d’ouvrières. Mais ça lui convient, pour le moment. Il est une ouvrière qui ramasse l’argent et se sert dans le miel, c’est parfait. ”Tu veux dealer avec nous ?” Il anticipe la moindre de ses réactions, s’attend à tout, au mauvais comme au pire.

Sentant les deux drogues lui monter au cerveau, Tobias laisse en paix les pupilles de son frère pour retourner s’affaler dans son coin du canapé, tête reposée sur le dossier, yeux levés vers le plafond moisi et leur appartement. Il expire la fumée de la cigarette dans un sourire et repose à nouveau les yeux sur son frère. ”T’es fou, si l’aut’ folle voit de l’essence ici c’est moi qu’elle fume sur place.” Ce n’est pas comme s’il avait réellement peur de sa soeur ; pas du tout, à vrai dire ; mais ils ont déjà assez de points de friction pour qu’il n’en rajoute de lui même. Surtout avec de l’essence, parce que ça coûte cher ce bordel et qu’il n’a jamais roulé sur l’or, le Doherty. ”Y’a un gars qu’en vend en bas d’l’immeuble, par contre.” Il a toujours des solutions de secours, toujours. ”Mais j’ai l’feu, bien sûr. J’suis pas un p’tain de Doherty pour rien.”

Se redressant, il se rapproche de la table basse pour aligner à nouveau la drogue dans une ligne fine et bien droite ; parfaitement réalisée pour en sniffer le plus possible. C’est sûrement ce qu’il arrive à mieux faire dans sa vie. ”Si t’veux t’en faire une dernière pour paraître moins con c’est l’moment. On fait l’feu de joie ensuite, bro.”

Wren, avoir une conversation sans insulte et nom d'oiseau en compagnie de Tobias? Oui, on pouvait juger que c'était un phénomène totalement surréaliste et que si la terre devait s'arrêter de tourner dès le lendemain, ce serait certainement de leur faute. De toute manière, cela le serait puisqu'il serait prêt à aller la cramer sur le champ. Après tout, il y avait de quoi faire en Australie sous cette chaleur: il suffisait d'une clope laissé là et paf, un incendie d'envergure qui détruirait des hectares de forêt et putain, ce que l'idée les faisait tous les deux kiffer. Wren savait que son frère ne valait pas mieux que lui lorsqu'il était question de feu, c'était même le pire des deux mais il fallait dire que l'aîné avait tout fait pour retarder l'échéance, pour faire croire qu'il était un homme sérieux et bien sous tous rapports, pas du tout attiré par l'enfer rougeâtre d'un brasier incontrôlable. Depuis qu'il avait testé le jeu, le grand dadais ne jurait plus que par cela et il en rêvait, malgré la thérapie qu'il avait faite durant de nombreuses semaines. Apparemment, on ne guérissait pas d'une telle maladie mais ce ne serait pas Tobias qui s'en plaindrait à ce moment précis puisqu'il avait tout un tas de plans pour leur duo hors du commun. "Ah ouais, la Ruche carrément? C'est qui la personne qui se sent plus pisser à inventer ça? Mais, ouais, je deale quand tu veux si tu m'offres ma carte de membre. On peut auto-consommer aussi, j'imagine? Parce que ça, c'est un plus." Il en avait un poil ras le bol de raquer pour son héroïne alors qu'il dealait pour des raclures de bas étage. Dans le gang de Tobias, il allait certainement gagner un certain nombre d'avantages et Wren ne jurait que par cela, par le moins d'emmerdements possibles qu'il pourrait y gagner. "Ah ouais, merde, t'habites avec Freya, t'as donc pas le droit de respirer, j'oubliais. On a qu'à aller se fournir, ouais, de toute façon, on a nos briquets et on trouvera bien une combine de dernière minute, en bons Doherty qu'on est." Lorsqu'il s'agissait de faire une connerie monumentale, tous les stratagèmes du monde étaient ancrés dans leur crâne, comme c'était étonnant. D'ailleurs, il fallait se faire un dernier rail avant de se lancer dans la décadence, ce que Wren fit sans demander son reste, complètement hagard de tout ce qu'il venait de prendre en compagnie de son petit frère. "Allez, on y va, il va faire nuit, c'est pile l'heure dite." Il entraîna le cadet à sa suite, s'arrêta pour les bidons d'essence, négociant l'affaire en noyant le poisson parce qu'il était hors de question qu'il y ait un témoin et quelques minutes plus tard, les deux Doherty étaient en bas de l'immeuble de leur chère mère, le regard enflammé d'avance. "A toi l'honneur, p'tit frère." Il s'en donnerait à coeur joie ensuite parce que là, tout de suite, ils étaient une équipe et Wren adorait l'idée.

Ce n’est sans doute pas l’idée du siècle que de tenter de ramener Wren dans le gang. Il va être une épine dans le pied. Il a décidé d’être fun à nouveau pour la journée mais dès que le soleil recommencera à se relever il redeviendra le même qu’il est depuis plusieurs années, le même abruti qui a forcé son aîné à tenter de devenir quelqu’un de normal en rejoignant les rangs des pompiers. Il redeviendra le même grand frère qui veille sur ses cadets, le genre que tout le monde rêve d’avoir mais certainement pas Tobias. S’il recommence, il sera non seulement une épine dans le pied de Tobias mais aussi une dans celui de la Ruche, et si cet espèce d’abruti fait tomber à l’eau tout son plan il ne lui pardonnera jamais parce que pour le moment c’est ce qui grise le plus son cadet. ”L’idée d’une nana. Toujours les nanas qu’inventent ces merdes.” Il n’y a qu’elles pour en vouloir plus, toujours plus, de la reconnaissance et tout ce genre de merde. ”T’auras ta carte de membre si tu prouves qu’tu la mérites. C’pas parce qu’on a grandi dans la même maison d’merde que t’as l’droit à des avantages.” Ce n’est pas parce qu’il est son aîné qu’il lui doit obéissance, ce n’est pas parce qu’ils partagent le même sang qu’il lui doit même quoi que ce soit. Ce ne sont que des conneries pour gagner la pitié des autres, Tobias n’a aucune croyance en aucunes d’elles. Ils partagent un nom de famille et un seul étage entre eux chaque nuit, c’est déjà bien assez pour qu’il ne le tue pas alors qu’il en crèverait parfois d’envie. ”Mais ouais,  on auto consomme.” Raison de plus pour Wren pour faire tout sauf se tenir à carreau, pour enfin être un véritable Doherty.

Le voir recommencer à prendre de la drogue sans que Tobias n’ait eu à le lui proposer l’encourage peu à peu dans l’idée que son frère a véritablement commencé à changer. Il l’observe d’un œil distrait, d’un œil à la pupille déjà bien trop dilatée pour prétendre pouvoir n’importe quelle genre de bonne décision. Ils ne prennent pas de bonnes décisions, les Doherty, ils foncent droit dans le mur en sachant pertinemment où ils vont.

Wren prend les devant pour la suite de leur aventure, il s’occupe des bidons et Tobias redevient son ombre pendant un temps, comme dans leur bonne vieille enfance quand ils ne faisaient jamais rien de pire que des feux de bois - jusqu’à ce que leur maison brûle, en tout cas. Arrivé à la maison, le cadet est trop grisé par tout ce qui va arriver pour ne pas mettre lui même les mains à la pâte et lorsqu’il entre dans la maison, bidon dans une main, c’est vers la cuisine qu’il se dirige en premier lieu, ouvrant toutes les vannes de gaz à leur maximum. Il écoule l’essence dans chacune des pièces, en fait tout un chemin. ”Wren bordel c’pas l’moment d’revenir sur ton idée, bouge ton cul.” Il doit être quelque part entre les toilettes et la salle de bain - n’importe où pour vomir toutes ses tripes, sûrement. ”J’fais brûler la baraque qu’tu sois dedans ou non, putain d'cinglé d'Doherty.”

Wren se relancer dans des histoires de gangs? Il ne pensait pas que cela se réitérerait un jour et pourtant, il avait hoché la tête, le grand suédois. Il allait essayer d'être digne de toute cette idée de merde, comme si devenir un dealer pour une fille qui avait l'air d'avoir un sacré melon mine de rien allait lui occupait suffisamment l'esprit pour calmer le désespoir latent au fond de son coeur. Aux grands maux les grands remèdes comme on disait, non? Doherty touchait le fond et con qu'il était, il essayait encore de creuser parce qu'il n'en avait pas eu assez, l'idiot. Il fallait qu'il se bousille jusqu'à ce fameux point de non retour, le célèbre instant où il n'aurait plus aucun espoir de retrouver le monde des vivants. Là, c'était déjà bien mal marré puisqu'il s'acoquinait avec Tobias et tout le monde savait que tout cela ne connaissait jamais une fin merveilleuse. Ils allaient faire toutes les conneries possibles et imaginables, balancer de l'essence sur les passants en riant comme des débiles parce qu'ils avaient pris un ou deux shoots de trop. Tout était dans les plans, rien n'allait les arrêter, pas même l'image de Freya qui s'imposait toujours d'une manière ou d'une autre dans le cerveau malade de l'aîné. "Je suppose que Freya est dans le coup." Juste un fait, il voulait la vérité, au moins cela. Encore une fois, il avait totalement vécu dans le noir, il n'avait rien vu de leur petit business et Wren aurait dû crier à l'injustice mais dans le fond, il comprenait les raisons de ce silence. De toute manière, il n'était pas question de s'épancher, là, maintenant, puisqu'ils étaient partis pour l'histoire de leur existence toute entière. A peine étaient-ils entrés dans la baraque que Tobias s'acharnait à mettre de l'essence partout, super pour brouiller les pistes. Wren, lui, était en train de faire son job de pompier, tâchant de calfeutrer les quelques traces qui pourraient subsister, si seulement Tobias n'avait pas hurlé à ce moment-là. "T'as pas choisi la délicatesse, vieux. Je pensais plus partir sur un accident électrique, tu vois, pour faire genre c'est pas nous, mais soit. Briquet." Il n'attendit aucune réponse en lui chipant le sien, l'ouvrant pour l'actionner, bruit indélicat qui fendit l'air au moment où il le rejeta sur les flammes. En profiter quelques secondes avant de se tirer ou sinon, c'était la mort assurée pour eux deux.

Freya Freya Freya, toujours ce même prénom qu’il n’a sans cesse à la bouche quand ce n’est pas celui de leur mère. Bizarrement il parle beaucoup moins du géniteur, toujours il ne s’occupe que des femmes de la famille, Wren. Il en fait sa raison de se battre alors qu’elles n’ont jamais rien demandé et sûrement qu’elles le méritent encore moins. Il croit défendre la veuve et l’orphelin alors que si une personne devait en arriver à tirer sur lui, ça serait une des deux. Il est trop con, Wren, à vouloir jouer sur tous les tableaux et un jour ça le perdra. ”Ca chang’rait quoi ?” Loin de lui l’idée de défendre sa jumelle, oh que non, il cherche seulement à savoir si tout ça n’est pas une énième technique de merde pour tenter de la faire revenir dans le droit chemin alors qu’elle vient enfin d’accepter de se détendre en rejoignant La Ruche. Tobias ne craint pas Wren, malheureusement, et il le lui fait bien comprendre en faisant face à son retour et en affichant l’attitude la plus dédaigneuse qui soit, pouce appuyé sur le coin de la lèvre pour en dégager une trace de poudre blanche tombée par inadvertance.

Le cadet se la joue force brute parce que personne ne lui a appris à faire autrement et aussi sans doute parce qu’il ne s’intéresse à aucune autre méthode. Il n’a aucune raison de se cacher, aucune raison de craindre quoi que ce soit non plus. Personne ne suspecterait d’anciens pompiers d’être les auteurs du feu qui a ravagé la maison de leur pauvre mère malade, de toute façon. Tout le monde sait que les Dohertys ont un grain au cerveau, peu savent qu’il a en réalité la taille d’un ballon de basket. ”T’as peur que l’daron l’apprenne ou quoi ?” Et il joue, Tobias, il joue trop vite, trop fort, il sait où Wren a mal et à défaut d’être capable d’éviter les sujets il fonce dedans tête baissée.

Sa langue claque sur son palais quand son aîné lui vole son briquet sans qu’il n’ait le temps d’en placer une mais un sourire naît la seconde suivante en même temps que la flamme bleutée. ”T’es chiant, il était neuf.” Il a ce don incroyable de toujours trouver une raison de râler, même quand il s’agit de pleurer la perte d’un objet futile auquel il ne tient même pas alors que les flammes s’attaquent déjà aux tapisseries murales de la maison dans laquelle ils ont tous grandis. Leur seul souvenir commun qui n’était pas une mère folle ou un père encore plus fou. Il n’a cependant pas le temps de râler davantage, même lui sait quand il doit décamper sans plus tarder avant que ce ne soit son propre cul qui finisse brûlé.

Ce spectacle reste pourtant le leur et le brun ne s’en éloigne pas beaucoup, d’une rue à peine, seulement assez pour venir s’asseoir sur le trottoir et laisser les flammes se refléter dans ses yeux bleus. ”J’te protégerai de papa si c’est qu’ça qui te fait peur, princesse.” C’est une pourriture doublé d’un enfoiré qui n’est jamais las de faire tourner et retourner le même couteau souillé dans la plaie à vif. ”Par contre si les pompiers débarquent et qu’on traîne encore ici, là ils vont nous tuer c’sûr.” Leurs anciens collègues, ceux qui ont des doutes plus que fondés sur l'idée selon laquelle la plupart des incendies qu'ils ont éteint n'étaient pas de cause accidentelle.

Oups ?

Qu'est-ce qu'il allait faire au milieu d'un tel business? Wren avait toujours adoré le freelance, il avait sa propre liberté, il pouvait mettre en place ses propres prix et surtout, faire chier le monde à côté de lui. C'était ce qu'il aimait faire par dessus tout, et peut être que c'était un de ses seuls traits de personnalité qu'il partageait avec Tobias au bout du compte. Ils n'arrivaient jamais à se comporter comme des personnes saines et responsables mais qu'est-ce qu'ils pouvaient aimer appuyer là où cela faisait mal, même si le cadet était sûrement meilleur encore sur le sujet. Wren le regardait sans rire, parce qu'il allait mentir, c'était sûr. "Rien du tout." Evidemment, que cela changeait tout si Freya faisait partie du délire car c'était encore une défaite pour l'aîné de la fratrie. Est-ce qu'un jour elle allait l'écouter? Probablement pas, mais on avait encore le droit d'avoir de l'espoir dans le fond. C'était trop tard là, beaucoup trop tard avec l'essence qui empestait la baraque, Wren qui se bouchait le nez tant bien que mal avant de diriger un joli bras d'honneur en direction de son petit frère parce qu'il détestait que le paternel fasse partie de la conversation. Pourtant, l'ancien pompier savait que Tobias ne voyait que par lui et qu'il serait peut être le plus heureux des hommes de se retrouver en cellule pour recevoir les directives du gourou de la famille. Wren, lui, en était débecté par avance, même s'il ne dit rien de plus, se contentant d'observer les flammes manger les rideaux et les quelques autres objets qui avaient appartenu aux Doherty pendant de multiples générations. Cet incendie signifiait la fin d'une ère, mais pas sûr que ce fut le début d'une autre pour autant. Tout allait trop vite et Wren constatait qu'il ne contrôlait nullement l'affaire, se laissant entraîner par la manche par son frère parce qu'il était définitivement temps de se tirer de là avant que les autorités compétentes ne se ramènent à leur tour. Il était hors d'haleine au moment de s'étaler sur le trottoir, sachant que ce ne serait qu'une courte trêve avant de reprendre la course puisque, bientôt, les flics quadrilleraient le secteur pour chercher des pistes probantes. "La princesse, elle t'emmerde, si tu crois que j'ai peur de cette tête de noeud... Toi, ça te ferait plaisir de le voir par contre, je suis sûr." L'aîné qui voulait relancer le cadet, pas une très bonne idée à l'heure actuelle mais il se releva pour qu'ils déguerpissent vite fait, pas d'autres choix de toute manière. "On va boire un coup? On suivra l'affaire à la télé, au bar, ça doit se faire." Ils étaient dans la rue des pubs de toute manière alors ils pouvaient très bien aller picoler et faire comme s'ils n'étaient responsables de rien et ce, alors qu'ils venaient de foutre leur vie en l'air.

Ca l’amuse, Tobias, de voir que son frère n’a rien à répondre, d’observer sa seule ligne de défense se matérialiser sous la forme d’un simple doigt d’honneur. Son sourire en coin ne fait que s’agrandir et ses yeux se relever pour tenter d’attraper le vert de Wren. Mais le feu les éloigne de l’endroit, le cadet n’en a pas peur mais il sait que s’il veut connaître d’autres moments comme celui-ci ils doivent sortir avant que des poutres ne leur barrent le passage. Il agit avec sagesse seulement pour faire pire ensuite, c’est son seul motto.

” ‘Kay, princesse.” Le sujet de leur père revient tel un boomerang dans la discussion, largement aidé par Tobias qui a pour première passion de faire de la vie de sa fratrie un enfer. Il est seul avec Wren, aujourd’hui, et il est par conséquent tout à fait logique que ce soit lui qui doive supporter toutes ses blagues. Après tout, il est celui qui est venu à Tobias et pas l’inverse, il connaît son frère, il devait se douter qu’il n’aurait pas changé en un claquement de doigts simplement parce que son aîné l’a souhaité très très fort. Les choses ne fonctionnent pas ainsi, cela se saurait sinon. ”J’ai prévu d’lui rapporter un muffin avec du verre dedans, cool uh ?” N’importe quelle occasion est bonne pour relancer ce sujet si douloureux pour Wren et Freya, si grisant pour Tobias. Il lui tend une perche si énorme qu’il lui est impossible de ne pas répliquer, de ne pas dire la première connerie sortie tout droit du fond de sa pauvre tête. Même si on ne lui avait rien dit, il aurait trouvé le moyen de relancer le sujet tout seul et ce quitte à se parler à lui même - ce qui ne serait pas la première fois, ce qui ne sera pas la dernière non plus.

A l’idée d’aller boire un verre dans un bar, le brun grommelle faiblement. Il y a certes l’alcool mais il y a aussi et surtout le fait de devoir paraître à peu près normal pour ne pas que leur séjour là bas ne dure qu’une seconde ou deux. ”Tu payes.” Finalement la réflexion n’aura été que de courte durée et voilà déjà le dealer à nouveau debout sur ses jambes, prêt pour de nouvelles aventures alors qu’il s’enfonce dans des ruelles adjacentes à leur ancienne maison, là où les gérants des bars ne les reconnaîtront pas comme “tiens vlà les tarés de Doherty” - non pas que ça le dérange, mais ça ne peut pas aller avec le plan qu’il a en tête. Il finit par se retourner vers son frère alors qu’ils ne sont plus qu’à quelques pas du bar tant recherché. ”Frappe moi. Le nez. T’en profite pas pour m’passer à tabac j’te préviens. Juste le nez.” Le bleu de l’un toise le vert de l’autre, Tobias a encore bien trop d’énergie à revendre et il ne tient pas en place, sautille, s’impatiente comme le ferait un bambin. Il est trop lent, Wren, il met trop longtemps à réfléchir. Tant pis pour lui. Tobias souffle une dernière fois en même temps qu’il lève dramatiquement les yeux au ciel et son poing finit par s’abattre sur l’arcade de son frère (oups, trajectoire mal calculée) une première fois et son nez lors de la seconde tentative. Le sang se met à couler aussitôt, la mise en scène est parfaite.

Tenant son frère par les épaules, tant pour lui montrer la direction à suivre que pour ne pas se prendre de coups à son tour, il le fait entrer dans ledit bar dans lequel Tobias crie déjà au loup et fait passer Wren pour la pauvre victime d’un gang. Pour sûr que les seuls regards assassins de son aîné sont pour lui et pour lui seul, mais avec les années il a su apprendre comment les ignorer. ”Tu vois, t’auras même pas b’soin d’payer ta gnôle.” Il susurre à son oreille, lui avoue la seule raison de toute cette comédie. ”Y vont prendre soin d’toi princesse, t’en fais pas, t’vas pas d’venir moche.”

Les idées de merde de Tobias, Wren aurait dû s'en douter qu'il n'allait pas s'arrêter là. Il avait affaire à un vrai pitbull avec son cadet et bon sang, c'était peut être le truc qui lui donnait envie de le mettre dans un mur pour qu'il arrête de parler. Néanmoins, l'aîné ne dit rien de plus, pas la peine de parler de leur père plus avant parce qu'il allait finir très énervé et personne n'avait envie de le voir sortir de ses gonds en plein moment de crise. Le bar, boire un coup, ne plus penser au pire qui pourrait arriver si les pompiers les trouvaient là, en mauvaise posture, sur un trottoir dégueulasse. Tout aurait pu très bien se dérouler sur le papier si Tobias ne lui avait pas demandé de lui en coller une. Certes, ce n'était généralement pas l'envie qui lui manquait mais là, tout de suite, il y avait d'autres urgences et il lui montra en fronçant les sourcils, pas du tout préparé pour se lancer dans un plan aussi pourri que celui-là. Tant pis, puisque, au final, c'était Wren qui s'en prenait deux bien placés en pleine gueule. "Mais t'as un grain sévère, c'est toi que j'aurais dû faire interner. Ah bordel, tu m'as explosé le nez, connard." Il se tenait le pif comme il pouvait mais là, Wren était en train de pisser le sang sur le trottoir non loin du bar. Pas le temps de niaiser que Tobias l'entraînait à l'intérieur avec son air d'enfant tout sage, il avait déjà pensé à tout, le salaud. Bien sûr, c'était la meilleure diversion du siècle de faire croire qu'ils s'étaient retrouvés dans un guet-apens, loin du lieu de l'incendie, meilleur alibi au monde. Cela n'empêchait pas Wren de le regarder avec un air mauvais parce qu'il aurait pu viser ailleurs que sa gueule quand même. "Hey, m'ssieurs, les barmans, vous auriez des glaçons? Il s'avère que des sales types ont essayé de nous voler nos possessions... Bien sûr, j'ai défendu notre pactole mais matez moi le résultat, j'ai plus de pif ni d'arcade. Vous seriez bien sympa de nous servir une pinte aussi parce qu'on a plus un rond sur nous non plus, ni de papiers." Voilà comment venir mendier à des âmes innocentes, Wren faisant semblant de claudiquer pour en rajouter une petite couche avant de s'asseoir et de venir murmurer à son petit frère quelques mots. "La prochaine fois, j'te castre. De toute façon, on sait que t'as pas besoin de tes petits attributs." Cela dit, il trinqua avec un sourire avec le cadet, pas sûr que cette histoire ne demeure sans conséquence néanmoins vu les sirènes qu'on entendait passer devant le bâtiment. Bientôt, on en parlerait partout et Wren ne savait pas s'il était à l'aise avec l'idée, au final.

Les insultes et menaces sont les meilleures marques d’affection que pourraient trouver des Doherty entre eux, raison pour laquelle Tobias répond par un grand sourire quand son aîné le traite de connard. Il ne s’agit que de la routine, quand on a grandi dans leur maison avec une famille aussi dysfonctionnelle que la leur.

Ils finissent par entrer dans le bar sans discrétion aucun, Wren hurlant déjà à la mort comme s’il allait réellement mourir sur le champ d’une quelconque hémorragie cérébrale. Primo, Tobias n’a pas tapé si fort que ça. Secundo, il n’y a pas tellement de choses qui pourraient tourner plus mal que ça dans son cerveau tout aussi pourri que celui de son cadet. Il cache simplement un peu mieux le désastre qu’est sa vie, mais il ne faut pas croire qu’il arrive à duper le monde entier. ”Tête amochée, pas d’tune, pas d’papiers. Bien, bravo, t’veux mettre sur ta tête qu’tes recherché par la police aussi ou ça ira ?” Il est con, quand même, quand il s’y met son frère. Aucun doute : Tobias gère bien mieux que son aîné quand il s’agit de se fondre dans la masse du milieu criminel. Au moins, entre deux grotesques et pas franchement remarques numéros du brun, on leur amène de quoi boire et même quelques cotons pour venir épancher le sang s’écoulant de son nez. Tobias s’en empare et les enfonce dans le nez de son frère sans plus de cérémonie ni même prendre un minimum gare à ne pas lui faire mal - il a vécu pire, ça va, ça va pas le tuer. Il trouve encore le temps de murmurer quelques menaces à l’oreille de son cadet, lequel se penche pour mieux écouter et en avoir un sourire narquois, satisfait au possible. ”Ouaip tonton Wren, c’est v’rai qu’ça craint un max comme nom.” Il tapote légèrement la joue de son frère pour appuyer une dernière fois, comme si qui que ce soit en doutait, qu’il ne prend que peu au sérieux les menaces de son aîné. Son sourire, comme toujours, ne le lâche pas. Au contraire, il s’agrandit encore un peu plus lorsque les sirènes des camions de pompier se font entendre dans la rue et que les messes basses débutent dans le petit bar.