C'est le grand jour. Je répète le texte que l'on nous a fait parvenir par mail depuis quelques temps. J'ai des problèmes pour me concentrer. Quelque chose m'empêche de dormir, mais je n'arrive pas à identifier quoi. Ce n'est pas le stress, ce ne peut pas être le stress. Je me sens plutôt bien. A mon aise. Voilà un petit moment que je n'ai pas passé d'auditions. C'est Clément qui m'a poussé à passer celle-ci. Les cheveux au vent, je me rends au théâtre. C'est là que nous avons rendez-vous. Clément sera présent, bien sûr. Je n'ai aucune idée du nombre de participantes qui figurent sur la liste des essais. Clément et moi avons fait quelques répétitions de mon texte, une fois dans la semaine. En plus, je sais que l'on nous donnera un morceau de la pièce qui n'est pas celui que l'on nous a donné à répéter. Je veux mettre toutes les chances de mon côté : j'ai pris connaissance de toutes les informations qu'a pu me donner Clément à propos de la pièce en question.

Malgré les quelques petites difficultés à mettre en relation les différents postes que j'occupe un peu partout dans la ville, et malgré le côté plutôt prenant de mes cours, je suis certaine de pouvoir assurer le rôle que l'on est susceptible de m'attribuer. C'est avec très exactement deux minutes de retard que je passe les portes du théâtre. Je me met aussitôt à chercher Clément des yeux dans le hall du bâtiment. D'autres jeunes gens de mon âge vaquent à leurs occupations. Un grand jeune homme brun répète son texte seul en marchant. Deux jeunes filles se donnent la réplique. Pas de Clément en vue. Je me présente à l'accueil, donne mon nom. On m'indique une petite salle au bout d'un couloir. La personne responsable de l'accueil précise que les auditions n'ont pas encore commencé.

Mes yeux, fixés sur la porte rouge - qui paraît étrangement menaçante - ne remarquent pas tout de suite l'arrivée de mon ami. Je tourne doucement la tête vers mon aîné, avant de me lever pour le prendre dans mes bras. « T'as vu, je suis à l'heure. » Presque. Peut-être ne l'a-t-il jamais remarqué, mais j'ai beaucoup de mal à respecter tous les délais que l'on me donne. Mon père a pris pour habitude de fixer nos activités avec systématiquement une demi-heure d'avance, pour être certain que je n'arrive pas trop en retard au véritable rendez-vous. « Tu vas m'accompagner, là-dedans ? » que je lance en désignant la porte des enfers.

Deux semaines. Deux foutues semaines depuis que j'ai passé mon audition et ils me demandent de repasser à nouveau aujourd'hui ? Ça n'annonce rien de bon, on est d'accord hein ? C'est dans un soupire incertain et la mine renfrognée et concentrée que je passe les portes du théâtre. Je salue la femme a l'accueil qui m'indique la salle des auditions, ne serait-ce que par principe étant donné qu'elle me connaît parfaitement bien. N'ayant, donc, pas besoin de donner mon nom, je lui adresse un petit sourire puis m'avance vers la salle.

En voyant les quelques autres garçon qui ont fait la première parti des auditions avec moi, j'avoue ressentir un certain soulagement. Je ne suis pas le seul à qui on à demander de revenir. Mais je vois bien qu'il y a eu une sacré sélection. Alors que nous étions une cinquantaines il y a deux semaines, je ne compte plus que 10 têtes connues. Ainsi donc ils n'ont pas pu se mettre totalement d'accord et ont donc demandé à nous de revenir. Avec un peu de chance je pourrais avoir une réponse ce soir ?

C'est en tout cas ce que j'espère lorsque je remarque Murphy qui est installé un peu plus loin. Souriant doucement, je m'avance vers elle avant que celle-ci ne me remarque, se lève et vient m'enlacer. Je laisse échapper un petit rire lorsqu'elle m'indique qu'elle est presque à l'heure et lui tapote l'épaule  « ça va, en général ils ont au moins une demi de retard ici, donc t'es pas trop en retard en vrai» osais-je le trait d'humour, espérant ainsi détendre un peu l'atmosphère. Ou me détendre moi-même ? Je lance un coup d’œil vers la porte quand Birdie me demande si je l'accompagne à l'intérieur et hausse les épaules  « Aucune idée» dis-je en m'installant  « J'ai absolument aucune idée de comment ça va se passer. Parce qu'en vrai ...» je regarde autour de moi  « on m'a demandé de revenir moi aussi pour une deuxième audition» avouais-je, enfonçant mes mains dans mes poches  «Donc je sais pas du tout comment ça va se goupiller »

Mais j'ai très rapidement réponse à ma question. Quelques instants après avoir dit cela, la porte s'ouvre sur Jennifer, la directrice de casting que je ne connais que trop bien.  « Murphy Rowe et …. Clément Winchester» déclare-t-elle  « veuillez me suivre ?» je lance un coup d’œil vers mon amie puis vers la femme  « tous les deux ?» la directrice me fixe d'un air sévère puis hoche la tête  «Ben oui tous les deux » répond-t-elle durement en se détournant. J'arque un sourcil, puis m'avance, Murphy m’emboîtant le pas.

Arrivés dans la salle, nous nous plaçons au centre de la salle face aux quatres personne dont Charles qui m'offre un sourire discret.  « Alors voilà» indique Jennifer  «Mrs Rowe et Mr Winchester, je vais vous demander de jouer la scène 3 de l'acte 2 » je lance à nouveau un coup d'oeil vers Murphy, ne sachant pas trop quoi faire  « Si vous avez oublier votre texte vous me dites tout de suite hein ! Qu'on perde pas notre temps ici avec des incapables» tranche la directrice et j'ai juste envie de lui faire bouffer sa lisse papier.

Mais au lieu de ça, je me retourne vers elle et lui offre un sourire faux mais professionnel  «Je le connais parfaitement le texte, ne vous inquiétez pas pour ça » dis-je sur un ton mielleux avant de reporter mon attention sur Murphy et l'attraper par le bras pour la tirer un peu en arrière  « Comme au bon vieux temps» soufflais-je à son oreille avant de me reculer de deux pas, fixer mon regard dans celui de ma partenaire et hocher discrètement la tête pour lui faire comprendre que c'est bon, je suis près.

@Murphy Rowe

J'aurais dû prendre de la neige.

Pas avec moi.
Avant de venir.

J'aurais fait revenir le sentiment qui avait fait décoller mes sens, l'autre soir, avec Joseph. Alors, ils auraient vu. Ils auraient su. Cette petite audition aurait été pliée plus vite que tout. En un claquement de doigts. Au lieu de ça, je retrouve un Clément qui, je le sens, est tendu comme une crampe. « Ça va, en général ils ont au moins une demi de retard ici, donc t'es pas trop en retard en vrai » Je me mords l'intérieur des joues, opine du chef. Chez moi, le véritable retard commence lorsque l'horaire est dépassée de plusieurs heures. Pas avant. Clément observe les environs comme s'il voyait tout pour la première fois de sa vie. Moi, je m'occupe d'arracher toutes les petites peaux qui se trouvent sur mes doigts. D'habitude, je ne me laisse jamais envahir par le stress. Je suis dans mon élément. L'ambiance a pourtant quelque chose d'électrique. Je tente de me raisonner, de ne pas me laisser sombrer dans l'envahissant sentiment d'anxiété qui s'empare doucement de moi. Je n'ai pas passé d'auditions depuis très longtemps. Le dernier truc que j'ai fait, c'était pour Jordan et ses clips. Une expérience loin du théâtre, mais sous de modestes projecteurs.

« J'ai absolument aucune idée de comment ça va se passer. Parce qu'en vrai... » Très rassurant. « On m'a demandé de revenir moi aussi pour une deuxième audition » « Une deuxième audition...? » Qu'est-ce que je fais ici, s'ils ont aussi convoqué ceux qui repassent les auditions ? Je m'apprête à continuer de lui présenter toutes mes interrogations, lorsque la porte s'ouvre sur une femme; probablement la directrice de casting. J'accroche mon plus beau sourire, m'avance à sa suite malgré la surprise de mon ami. Nous entrons à deux dans cette pièce que je connais déjà. Je reconnais celui dont Clément m'a déjà compté monts et merveilles, dans le jury. Dans un coin de la salle, je dépose mes affaires et reviens sur mes pas pour saluer nos tortionnaires - qui sont aussi nos bienfaiteurs. Le stress fait palpiter mon cœur, au fond de ma poitrine. Et quelque chose me dit que cette sensation n'est pas prête de s'arrêter. « Mrs Rowe et Mr Winchester, je vais vous demander de jouer la scène 3 de l'acte 2 » J'opine du chef, me tourne vers Clément qui me renvoie de discrets signes d'incompréhension. La directrice est vraiment désagréable. Nous n'avons même pas eu le temps de nous échauffer, devant la salle. Et nous ne pouvons nous en prendre qu'à nous-même.

Lorsque enfin nous nous retrouvons à jouer cette scène, tout stress disparaît. Clément me donne la réplique et tout est soudain fluide, clair comme de l'eau. Je me sens moi. Je me sens exactement à l'endroit où je devrais me tenir, à l'instant où je devrais le faire. Tout est simple, aisé. Naturel. J'en oublie le jury, les yeux de la harpie qui, j'en suis sûre, doit se pencher de façon répétée sur sa feuille de note sans mordre son stylo mais en haussant un seul de ses sourcils. Nous sommes les premiers de la journée. Je ne sais pas si nous serons sélectionnés, mais qu'il est bon de retourner sur scène auprès de Clément ! J'ai l'impression de danser un ballet réglé au millimètre. Une danse dépoussiérée, presque antique et pourtant si vives dans nos mémoires. Mes yeux n'ont pas oublié tout ce qu'ils ont vu, tout ce qu'ils ont appris auprès de Clément, il y a de ça des années. Mes mains n'ont pas oubliées qu'elles ne doivent pas se tenir serrées, mes bras savent qu'ils doivent imprimer le mouvement de mon corps, que mes genoux doivent se plier à la discipline requise à l'exercice du théâtre. Mon menton sait qu'il doit se faire sûr, mon visage concentré, mon corps arc tendu vers l'excellence. Et mon ton, clair, monte jusque dans la lumière. Clément et moi dansons un ballet que nous connaissons par cœur.
Et j'ai la soudaine impression de retourner dix années en arrière.

Je n'ai absolument aucune idée à quoi je dois m'attendre en arrivant sur place pour ma deuxième audition, mais je n'ai pas le temps de me triturer l'esprit ou d'émettre des hypothèses avec Murphy que la responsable des castings nous ordonne d'entrer. Plein d'incompréhension, je la suis sur scène et l'observe reprendre sa place entre Charles et la chorégraphe avant de nous annoncer l’exercice : jouer un dialogue de la pièce que nous avons du réviser ! J'ai beau être prit de court, mon cerveau se met très rapidement en route et en croisant le regard de Murphy je sais sans problème que celle-ci est prête. Alors, après un dernier hochement de tête et après avoir prit nos places sur la scène, nous nous lançons.

C'est aussi doux que les grains de sables sous nos pieds, aussi chaleureux que le soleil du printemps et aussi intense qu'un feux ardent. Cela fait bien des années depuis que Murphy et moi avons partagé la scène et pourtant j'ai l'impression que nous ne l'avons plus quitté. Les reflex reviennent et avec eux cette joie intense que j'éprouvais lorsque nous étions face à face et que nous déclamions un texte. Nous pensions jouer notre vie à l'époque et nous la jouons réellement ce soir. Alors, malgré une très grande attention et concentration, je ne peux empêcher mon esprit de divaguer le temps d'une petite seconde pour que je me rende réellement compte quel long chemin nous avons parcouru.

Et lorsque la pièce s'arrête, je laisse un petit temps de flottement rester dans l'air avant que je ne réprime la sincère envie de sauter dans les bras de mon amie. Au lieu de ça, je reste professionnel et, en parfaite synchronisation avec Murphy, nous nous tournons vers les juges. La femme qui est venue nous chercher hoche froidement la tête  «Vous pouvez y aller mai rester dans la salle, on a pas fini » dit-elle sur un ton qui semble avoir changé par rapport à avant.  «Très bien,merci » dis-je en inclinant légèrement la tête avant de me détourner.

Ce n'est que lorsque la porte se referme derrière les deux personnes suivantes que je prend Murphy dans mes bras pour la serrer contre moi  «C'était si génial putain ! » m'exclamais-je en lui offrant le plus large de mes sourcils  « OMG ça valait tellement le coup de revenir ici ! Je veux dire rien que pour ça ! Pour jouer avec toi. Ça m'avait tellement manqué, t'imagine même pas ...» je secoue doucement la tête  « Bon et sinon j'ai l'impression que je sais ce qu'ils veulent faire ...» reprenais-je sans transition en regardant autour de moi  « Je crois qu'ils forment des couples au hasard et ils doivent se donner la réplique donc ...donc y a moyen qu'on doive encore jouer avec d'autre gens et ...bref c'était trop cool ! » je reporte mon attention sur Murphy, sautillant presque tant je suis heureux  «Tu veux un café ? Un thé ?  » demandais-je en désignant la table sur laquelle sont exposés les boissons et quelques sucrerie.

@Murphy rowe

Tout est très fluide, si fluide que je m'attends à peine à la fin de l'extrait. J'ai l'impression que nous aurions pu continuer ainsi de longues minutes encore. J'aurais pu improviser, même sans connaître le texte, parce que c'est ce que Clément et mois faisions ensemble au théâtre, plus jeunes. C'est comme ça que nous nous amusions, à reprendre des extraits de pièces pour les remanier à notre sauce, jusqu'à en mourir de rire. Le ton de la harpie a un peu changé, lorsqu'elle s'adresse à nouveau à nous. Peut-être se sent-elle stupide de nous avoir accueilli avec tant de froideur, maintenant. Elle aura bien raison. Le menton redressé, le dos droit, je la toise avec un brin d'insolence dans le regard. Que va-t-elle faire, maintenant qu'elle sait combien nous sommes le tandem dont ils ont besoin ?

Nous repassons la porte, congédiés par la harpie. Aussitôt, Clément se jette contre moi. Je l'enserre dans mes bras, grand sourire aux lèvres. « C'était si génial putain ! » Je n'aurais pas dit mieux. Le voilà qui bondit presque sur place, comme un chiot joyeux. Il déborde d'énergie, galvanisé par la performance et oh, combien je le comprends. C'était électrique. J'ai adoré retrouver mes sensations auprès de lui. « Ça m'avait manqué aussi, Clément. » Terriblement. J'ébouriffe ses cheveux, repose un instant mon regard sur la porte. De l'autre côté du couloir, d'autres duos attendent leur tour. « Bon et sinon j'ai l'impression que je sais ce qu'ils veulent faire... » J'opine du chef. Moi aussi. « Je crois qu'ils forment des couples au hasard et ils doivent se donner la réplique donc ...donc y a moyen qu'on doive encore jouer avec d'autre gens et ...bref c'était trop cool ! » « J'arriverai pas à le jouer sans toi. », que je lâche de but en blanc. Je n'y arriverai pas, pas après avoir à nouveau vécu la sensation d'être sa partenaire à nouveau. Ça ne sera pas pareil. « Ça sera médiocre. J'espère qu'ils s'en rendront compte si on ne joue pas ensemble. Mais je ne veux pas non plus qu'ils se mettent à penser que je ne sais pas m'adapter. » Parce que l'intelligence, au théâtre, c'est savoir s'adapter à toutes les situations. On me l'a assez répété.

« Tu veux un café ? Un thé ? » « Thé. » Nous nous avançons vers la table des collations. Autour de nous, des petits groupes répètent des extraits d'autres pièces, s'échauffent la voix. Pourquoi suis-je plus stressée maintenant qu'avant de rentrer dans cette fichue pièce ? Une fois que j'ai le thé entre les mains, je me tourne à nouveau vers Clément. « Tu crois qu'on les a impressionné ? La harpie, je pense pas, moi. Elle avait l'air vraiment chiante. Les autres, peut-être, mais elle... » Et son avis avait l'air de peser lourd dans la balance. « Si t'as le rôle sans moi, je viendrai te voir jouer et jeter des fleurs à la fin de la représentation, promis. Tu crois qu'ils nous donneront les résultats bientôt ? » Parce que moi, je ne suis pas sûre de savoir tenir l'attente très longtemps.

C’est un sourire presque attendrit qui s’affiche sur mon visage lorsque Murphy annonce qu’elle ne pourra pas jouer la pièce avec qui que ce soit d’autre que moi. J’avoue que ce duo m’avait extrêmement manqué et qu’après notre performance je ne suis, moi-même, pas certain de pouvoir réussir à jouer avec quelqu’un d’autre qu’elle, mais en même temps je pense être assez professionnel pour réussir à m’adapter. «Tu vas y arriver » l’encourageais-je en m’avançant vers elle   «Ce ne sera pas pareil, je veux bien le croire, mais je sais que tu es capable de t’adapter à un autre partenaire.  » je pose ma main sur son épaule et lui adresse un sourire   « Au pire ils comprendront qu’on est au top de capacités seulement ensemble, tous les deux» ajoutais-je avant d’hausser les épaules et me reculer à nouveau.

Je me dirige ensuite le petit buffet où je sers, à sa demande, un thé à ma partenaire. Alors que je sirote, pour ma part, mon café, je me tourne vers mon amie et m’adosse à la table, l’écoutant me demander si je pense que nous avons réussi à impressionné les gens dans la salle. Je lance un coup d’œil vers la porte souriant, amusé, alors que Murphy précise être persuadé que nous n’avons pas réussi à convaincre la Harpie dont l’avis semble pesé assez lourd dans l’équation. « J’en sais rien …» avouais-je, pinçant les lèvres   « on a déjà l’avantage qu’ils nous ont laissé finir notre scène et nous ont écouter jusqu’au bout. C’est en général un bon signe, même si ça ne veut pas toujours dire quoique ce soit» j’hausse les épaules et grimace légèrement.

Prenant une gorgé de mon café, mon attention se reporte sur Murphy et j’arque un sourcil, surpris par sa déclaration. Est-elle sincèrement déjà en train de dire qu’elle n’aura pas le rôle ? Qu’il y ait des chances –ou des risques plutôt- que je l’ai moi et non elle ? Je soupire doucement et secoue la tête   « Arrête Birdie» soufflais-je   «Ce rôle on l’aura tous les deux ou pas du tout » je repose mon gobelet sur la table et croise les bras   «J’ai réellement envie de l’avoir ce rôle mais je veux l’avoir avec toi. Je pense qu’ils ne jugent pas seulement sur le talent ou la façon de jouer mais aussi sur l’alchimie des deux personnages. Ce sont deux rôles d’une extrême importance, il faut qu’il y ait une synchronisation dans les pensées et une complémentarité dans les caractères des deux personnages principaux. Il faut qu’ils fassent des étincelles ensemble et on ne peut pas faire de feu d’artifice sans le feu qui nous anime, nous » je soutiens quelques instants le regard de mon amie avant de pouffer de rire face à la métaphore un peu trop poussée que je viens de sortir. «Mais sinon, si tu as le rôle sans moi, je viendrais à chacune de tes représentations et je t’emmènerais des chocolats en forme de cœur  » je viens lui ébouriffer les cheveux avant de reprendre mon gobelet   «Le casting dur encore deux bonnes heures, je pense qu’on aura les résultats au courant de l’après midi » ajoutais-je, même si je ne suis absolument pas certain de ce que j’avance.

@Murphy Rowe

« Ce ne sera pas pareil, je veux bien le croire, mais je sais que tu es capable de t’adapter à un autre partenaire. » Je secoue doucement la tête. Si, j'y arriverai. Mais ça sera médiocre. C'est Clément, mon partenaire. Personne d'autre. Je n'ai personne d'autre. Je joue un jeu dangereux. J'aurais dû m'habituer aux autres. Je mets mon incapacité à le faire sur le dos de mes absences, du fait que j'ai du mal à être pleinement là sans penser au reste. Et puis, ces gens là se connaissent, s'apprécient, passent du temps ensemble. Je ne sors jamais avec la troupe. Je me contente de venir aux répétitions, aux séances d'entraînement, aux ateliers. Je suis là sans l'être, élément rapporté seulement rattaché à Clément. S'il n'est pas là, je suis seule. « Au pire ils comprendront qu’on est au top de capacités seulement ensemble, tous les deux. » J'ai envie de le prendre dans mes bras, mais le voilà qui recule. Trop tard. Je hausse les épaules, à mon tour.

Et j'ai l'impression que vous avons convaincu. Je veux y croire. On nous a laissé finir, après tout. Je suis certaine d'avoir vu le regard de la harpie changer. Je suis certaine qu'elle avait l'air moins excédée d'être là, à nous observer. Je suis certaine que nous avons transmis quelque chose, même un truc infime. De quoi captiver, juste un peu. « On a déjà l’avantage qu’ils nous ont laissé finir notre scène et nous ont écouter jusqu’au bout. C’est en général un bon signe, même si ça ne veut pas toujours dire quoique ce soit. » J'opine à nouveau du chef. « C'est un bon début. Je veux y croire, moi. » Mon thé entre les mains, je remercie Clément du regard. Il est toujours si prévenant avec moi, même si cela faisait des années que nous ne nous étions pas croisés. « Arrête Birdie. » Ce surnom m'arrache un sourire. Birdie. L'oiseau sans ailes. Je le détestais, au début, de m'appeler comme ça. Maintenant, la voix de Clément sans ce surnom sonne comme un reproche, un mot méchant. J'entends presque de la colère dans son ton, lorsqu'il m'appelle Murphy, et pas Birdie. « Ce rôle on l’aura tous les deux ou pas du tout. » Ça sonne comme une promesse. Un engagement. La tirade suivante achève de me rassurer. Clément a une manière bien à lui de le faire. Une manière qui m'avait manqué. « Mais sinon, si tu as le rôle sans moi, je viendrais à chacune de tes représentations et je t’emmènerais des chocolats en forme de cœur. » « Oh, Clément. » « Le casting dur encore deux bonnes heures, je pense qu’on aura les résultats au courant de l’après midi. » « On aura des retours positifs, voilà ce qu'il va se passer. », que je marmonne avant de venir me lover contre lui, les bras enroulés autour de son torse. Je n'ai pas fait de câlin à qui que ce soit depuis un bon moment. Là, j'en avais besoin. Les paupières closes, j'inspire un grand coup et laisse le silence se faire. Autour de nous, le monde s'agite.

« On aura les rôles. Sinon je la tue, la harpie. » Il sait que je suis incapable de faire de mal à une mouche. Enfin, presque incapable. « T'as un talent fou. Ils peuvent pas ne pas au moins te prendre toi. C'est scientifiquement impossible. » Tais-toi, Murph'.

Je veux ce rôle. Mais plus encore, je le veux avec Murphy. Car Murphy ce n'est pas n'importe qui. Murphy c'est la fille que j'ai connu alors que nous étions encore gamins, c'est elle que j'ai entraîné dans une de mes répétitions et même si l'amour de la scène sommeillait déjà en elle, j'aime à dire que c'est grâce à moi que celle-ci s'est réveillée. Nous n'avons peut-être pas eu l'occasion de passer beaucoup de temps ensemble, mais notre amour de la scène n'avait d'égal que l'amour fraternel que nous ressentions l'un pour l'autre. Je n'ai jamais rien ressentie d'autre qu'une forte attirance amicale envers Murphy. Et même si nous nous sommes déjà embrassé sur scène pour les besoins d'un rôle et que nous avons déjà joué un couple, il était inconcevable que ça finisse comme ça dans la vraie vie. Je n'ai jamais trop su si c'était aussi la façon de pensé de Murphy, mais fait est que depuis son départ, je n'ai plus jamais retrouver alchimie sur scène avec quelqu'un.

Alors je veux lui donner raison : nous auront une réponse positive elle et moi. Il n'y a pas d'autre choix.  «T'as totalement raison » hochais-je la tête. Et même si nous n'avons pas le rôle ensemble, il nous faut trouver un moyen de jouer à nouveau ensemble. Elle reprend ensuite que si ils ne reconnaissent pas notre talent, elle tuera la harpie avant de me couvrir à nouveau de compliments.  «Arrête » dis-je en baissant le regard, gêné. Même si ces éloges me fait extrêmement plaisir et que je lui en est plus que reconnaissant, j'avoue avoir un peu de mal à les accepter tels quels.  «Mais merci. » finissais-je par dire en la gratifiant d'un sourire  «Toi aussi tu iras loin. Très loin. Un jour on nous verra à l'affiche d'un grand spectacle à Broadway et on sera nominé pour les Tony Awards dans la catégorie 'best theater buddys'  » je laisse échapper un rire avant d'hausser les épaules  « Alors ok, ça n'existe pas encore comme catégorie mais ils vont être forcé de l'inventer pour nous et ...»

Je ne peux en dire d'avantage que la porte s'ouvre à nouveau sur la harpie qui nous fixe, Murphy et moi [color=darkbred «Rowe, Winchester, Jensen, Matthews, Mcdonald et Adams, venez avec moi. »[/color] Qu'elle nous dit simplement. J'échage un coup d'oeil avec Murphy puis avec les autres couple et fini par suivre la femme dans la pièce d'audition. Là, automatiquement, nous nous mettons en rang face à elle.  «Nous avons beaucoup réfléchis et nous avons pris une décision. » Mon cœur s'accélère, les entrailles se serrent et c'est presque automatiquement que je viens attraper la main de Murphy dans la mienne.  « Le rôle de la fille sera tenu par Miss Rowe » je me fais violence de ne pas réagir plus que le simple fait de serrer d'avantage la main de Murphy

 «pour le rôle de Jake c'était plus difficile. Jusqu'à présent vous étiez tous vraiment proche » avoue-t-elle, son regard scannant chacun de nous  « Mais aujourd'hui tout s'est éclaircit et nous avons décidé que ce sera ...» son regard se pose sur moi  «...Winchester qui obtienne ce rôle  » Ma joie se fait plus grande encore mais je parviens à me retenir pendant tout le temps où nous devons remplir les formalités et signer les contrats qui nous lieront à la Northlight et au spectacle. Mais une fois dehors dans la salle d'attente qui est maintenant vide, nous laissons tous les deux éclater notre joie à coup de cris et d'étreintes. We did it !


@Murphy rowe