Tu sais jamais comment tu fais mais tu te retrouves toujours au milieu de soirée où la drogue coule à flot. Faut dire que t’es plutôt dans le cercle de personnes qui arrivent à se procurer toute sortes de choses très facilement, voir gratuitement, donc c’est pas rare. T’as déjà touché à tout ça y’a de longues années, mais quand tu t’es fait très peur une fois, tu t’es dit que c’était fini ces conneries. Parce que tu te dois de vivre ta plus longue vie. Pour elle qui n’a pas eu cette chance. Tes potes ne sont pas du même avis que toi, ils s’en donnent à coeur joie. T’es pas là pour faire le rabat joie mais tu gardes un oeil sur eux. T’es bien content quand y’en a un dans le lot qui décide de se concentrer à séduire une meuf qui est là ce soir plutôt que de snifer tout ce qu’il peut. Mais y’a Murphy pas loin qui n’a pas l’air d’avoir pris cette même décision pour sa soirée. D’ailleurs maintenant que tu reposes tes yeux sur elle, elle est complètement passed out. Tu te lèves pour aller vérifier qu’elle respire toujours. Yes. She’s breathing. Parce que t’as moyen envie d’appeler une ambulance ce soir. Pour une fois que tu t’es pas blessé quelque part, faudrait continuer sur cette bonne lancée. Tu l’avais capté au début de la soirée mais vu l’heure avancé et le monde qu’il y a eu toute la soirée ici, t’as pas fait gaffe s’il y avait quelqu’un qui est venu avec elle. Tu regardes un peu autour, mais personne n’a l’air de lui prêter de l’attention. Le peu de personnes encore aux alentours sont pour la plupart high af et ils seraient de toute façon bon à rien dans cette situation.

« Let’s get you home Murph’. »

*****

Sauf qu’en fait c’est chez toi que vous finissez parce que t’as pas trouvé d’adresse dans le peu de papier qu’elle avait sur elle. Y’a Marcus qui ta déposé chez toi avec elle. Il sait que t’es pas en train de kidnapper une gosse. Il sait parce qu’il était là aussi sur le tournage du clip de vos potes. Ce clip à petit budget où Murphy a été sympa d’offrir ses services contre un petit chèque. Le groupe n’a pas pu faire plus mais tu lui avais promis qu’ils allaient devenir très connu dans les années à venir et qu’elle a tout à gagner à jouer là dedans.

Tu l’installes dans la deuxième chambre qui a une porte qui communique avec la tienne. C’est d’ailleurs comme ça que tu laisses la porte en question ouverte au cas où elle se réveille et qu’elle commence à flipper de pas savoir où elle se trouve. Tu l’entendras. Elle te verra. Ca devrait aller. Tu l’as mis en PLS aussi. Parce que ouais, t’en connais des trucs quand même avec toutes les galères dans lesquelles tu t’es retrouvé dans ta vie. Et tu vas te coucher. La douche ce sera pour demain.

Elle brille, la lumière. Elle brille tellement putain de fort que je suis sûre que mes pupilles crament comme des soleils. J'arrive pas à fermer les yeux. Et même lorsque j'y parviens enfin, j'ai juste l'impression qu'on essaye de m'arracher les prunelles. Y'a un truc qui cloche. Au bout d'un temps, je me rends compte que ce que je prenais pour de la lumière n'est en fait que l'obscurité la plus complète. J'ouvre un œil, puis l'autre. Bon, ok, pas la plus complète. Je suis allongée sur le flanc, dans un lit que je n'connais pas, avec une migraine pire que toutes les migraines que j'ai déjà pu expérimenter. Y'a une porte grande ouverte, dans mon champ de vision. Allez, récupère, Murph'. Souviens toi. Je porte une main à mes yeux, que je masse - que j'écrase - en soupirant. De petites étoiles dansent devant mes yeux. Je ne panique pas, pas encore. Ça viendra plus tard, pour sûr. Je le sais.

L'odeur de l'endroit ne me dit rien non plus. Après deux minutes d'intense réflexion et de passage en revue des piaules des types que j'ai pu fréquenter depuis mon retour - pas très compliquer à comptabiliser, ça - je finis par vérifier que je suis toujours habillée, bien dans mes fringues. Je crève de froid, dans mes habits. C'est la redescente. Et je ne sais pas chez qui je me trouve. L'endroit est trop silencieux. Je faisais la fête à un endroit et maintenant, je suis autre part. Pense, Murph'. Tire toi de là. Avec lenteur, je me redresse. Le sol tangue pire que le pont d'un bateau et ma tête me donne l'impression d'avoir été trop cognée contre des murs en béton. Je tente une sortie du lit vaille que vaille, me vautre misérablement au bas du pieu, les pieds enroulés dans les draps. « Putain d'merde. » Je ne fais même plus en sorte d'être discrète. Ma cheville est coincée dans les draps, sur le lit, et je n'arrive pas à l'atteindre. Je frappe l'arrière de ma tête contre le sol, en signe de mécontentement. C'est la douleur, sourde, qui me rappelle à l'ordre. « Fait chier. » Et j'ai beau secouer cette foutue jambe, rien n'y fait. On croirait qu'un serpent veut me dévorer, qu'il grimpe le long de ma peau. Et je suis à deux doigts de hurler à l'aide, qu'on me sorte de là. Au lieu de ça, je me débat avec moi même, le dos sur le sol et la jambe encore posée sur le lit, les mains accrochées aux draps, les larmes agrippées aux yeux.

Tu entends le bruit. Elle est tombée. Elle s’est étalée. Elle s’est peut être fait mal. « Putain d'merde. » Tu te sors de ton lit avec difficulté, seulement vêtu d’un short. Ton téléphone toujours dans ta main, parce que ça peut être utile s’il faut appeler les urgences tout d’un coup. Ca faisait presque une heure que t’étais dans ton lit à regarder tout tes réseaux sociaux et tes messages. She gonna think I kidnapped her. Non elle se souviendra de toi Jordan. Maybe she still high and she won’t. Chill out. « Fait chier. » Tu passes la tête dans la porte pour voir de quoi il en est. Elle est par terre. T’es bizarrement pas surpris. C’est tristement un tableau que t’as déjà vu plusieurs fois. Tu as été à sa place aussi. Often.

« How’s the floor ? »

Tu tentes de l’humour, tu poses ton téléphone sur le lit et tu te baisses pour l’aider à se redresser. Quand tu captes qu’elle a pas l’air d’avoir le contrôle de ses jambes tu la mets sur le lit avec une simplicité déconcertante. Elle est si menue. She is so small. Don’t. Do. This. Jordan. Didn’t do anything. We all know what it means when you say these words. Et tu la tiens toujours une fois qu’elle est enfin assise sur le lit.

« Okay ? »

Non, elle n’est pas ok. Tu le vois dans ses yeux. Tu le sens. Tu sais pas ce qui a résulté de son état. Y’avait de tout à cette soirée. Ca pourrait être juste de l’alcool. It’s not. Tu sais pas. I really doubt it was just alcohol. T’as de l’expérience dans ce milieu là. Just a little. Elle pourrait être une junkie de tout ce que tu sais d’elle. Vous êtes pas assez intimes pour vous balancer vos plans pour vous mettre high.

« How do you like if I’m your bitch for a moment and I bring you water and fruits? »

Tu la tiens toujours malgré qu’elle soit sur le lit. T’as comme un peu peur qu’elle s’éffondre de nouveau. She so small. You stop that right now Jordan.

« How’s the floor ? » Je contorsionne ma nuque juste assez pour avoir la porte en vue. Tout est retourné, sans dessus dessous, ma position me donne la nausée. Pour calmer le sentiment de brûlure qui incendie mes yeux, je pose une main en visière contre mon front. On croirait que je tente de dévisager le soleil. C'est le moment où je tente de fuir ? Mon cœur tente de s'arracher à moi, et voilà que c'est la débâcle. Je tente de retirer mon pied de ce putain de drap qui me coupe la circulation à mesure que j'essaie de l'arracher à ma peau. Le voilà qui approche, cet inconnu, que je me débat encore plus. Il me tire sur le lit avec une facilité déconcertante, qui me fait me rendre compte que je ne devais pas me débattre tant que ça. Mon pied est enfin dégagé et je tire les couvertures à moi, ne parvient à les remonter que jusqu'à ma taille. Mes bras se serrent autour de mon torse, sur mon tee-shirt. Ma vision est encore trop brouillée, et la lumière trop forte. Je tente de faire le focus, les deux yeux plissés.

« Okay ? » Je ne sais pas. J'opine vaguement du chef, pas sûre de moi. Si les draps ne me tiennent plus, ses mains le font, en revanche, toujours. « How do you like if I’m your bitch for a moment and I bring you water and fruits? » « J'ai pas faim. » C'est sec, tranché. Si j'avale quoi que ce soit, je vais dégueuler. Maintenant que mes yeux se sont habitués au peu de luminosité qui règne dans la pièce, j'arrive à peu près à comprendre que son visage me dit quelque chose. Je le détaille du regard, me frotte les yeux. Le silence s'installe pour une poignée de seconde. D'une main, je m'appuis sur le matelas, me frotte le front. « Où on est ? » Chez lui, probablement. La question c'est surtout "d'où puis-je m'enfuir ?", "où sortir sans être vue" ? « J'ai... trop bu. Je veux bien de l'eau. » Trop bu. Je ne bois pas. Je me trahis en me frottant le nez, du dos de l'index. C'est alors que je réalise. « Où sont mes affaires ? Où t'as mis mes affaires ? » Je ne bois pas. Mon ton est clair, peut-être un peu embrumé à cause de ma difficulté à reprendre pied. Mes affaires. Dans la doublure de ma veste, il y a un sachet que j'avais ramené pour la soirée. S'il est y resté, je suis morte. J'ai presque envie de secouer mon interlocuteur, mais mes muscles refusent. Au lieu de ça, c'est la panique qui grimpe jusque dans mes veines, qui m'arrache à ma torpeur. L'air se fait plus rare, je trouve déjà des difficultés à respirer. Ma main droite s'agrippe à l'avant bras du blond. « B'soin d'air. » De sortir la tête de l'eau.

Lendemain de soirée très difficile pour Murphy. Ca fait bien longtemps que tu t’es pas mis une race assez forte pour en arriver là. Ca te manque pas pour être honnête. Tu fais tellement plus de choses depuis que t’es tout le temps frais pour commencer tes journées. Tu te fais plaisir en soirée mais jamais dans l’excès. Plus maintenant. Mais tu comprends qu’elle ait besoin d’évasion. La vie, c’est pas le truc le plus facile. J’ai pas faim. » Elle est pas commode. Elle a les nerfs. Tu risques de te prendre une claque ou une droite. Yeah I’m ready. Ce serait pas la première fois non plus. Elle se tient sur le matelas et seulement maintenant tu te détaches complètement d’elle, récupérant ton téléphone que t’avais posé juste à côté sur les draps. « Où on est ? »

« My place. Fortitude Valley. »

T’es pas complètement sûr de quelle info elle avait besoin réellement. Tu t’es souvent réveillé sans batterie sur ton téléphone et aucune possibilité de comprendre où tu te situes géographiquement. Brisbane c’est grand et t’es nul pour l’orientation. Généralement tu entrais dans le premier Starbucks ou Hungry Jacks du coin pour demander où tu te trouves. Les regards qui veulent dire « c’est qui ce fou? » Tu connais bien. « J'ai... trop bu. Je veux bien de l'eau. » Tu vas pas commencer à la remettre en question, t’en as rien à faire en vérité, chacun ses bails. Tu hoches juste la tête, prêt à tourner les talons pour aller lui prendre un grand verre d’eau mais elle reprend la parole, sûrement ses esprits aussi vu sa question. Où sont mes affaires ? Où t'as mis mes affaires ? » Tu regardes autour parce que tu te souviens pas non plus où t’as foutu ses affaires.

« Probably in the living room. »

Elle s’accroche à ton bras alors que tu allais être la bitch de service avec son eau et ses affaires à lui rapporter. « B'soin d'air. » Need a lot more than just air gurl. Mais tu sens bien la crise de panique en train de pointer le bout de son nez.

« Let’s go on the patio. »

Parce que c’est un de tes endroits préférés chez toi. En plus ça communique avec la cuisine et le living room, l’endroit parfait pour toute ses requêtes là. Seule question est, va-t-elle pouvoir marcher jusque là bas ? Tu la regardes, elle qui te tient toujours le bras assez fortement. She can’t.

« Wanna jump on my back? And by jumping I mean. Not really. Anyway, I can bring you there if you let me. »

Parce que tu sens toujours qu’un coup de sa part peu arriver très vite. Faudrait peut être que t’arrête avec tes tentatives d’humour, elle est clairement pas d’humeur. Let me be.

« My place. Fortitude Valley. » Loin de chez moi, pas loin de chez moi ? Je ne sais plus. Pourtant j'ai vécu mon enfance ici. Je suis supposée connaître la ville. Là, tout ce que je sais c'est que j'ai soif. Et que la nausée m'étouffe. Bientôt, ça sera le stress. Je me raccroche à mon hôte - ou à mon kidnappeur, au choix - en fermant mes mains sur son avant bras. J'ai retenu qu'il a parlé de mes affaires. Je ne sais pas s'il a toutes mes affaires. Je verrai ça plus tard. Living room. Living room. Living room. « Let’s go on the patio. » Je tente d'endiguer la mer qui monte, qui rempli mes yeux d'eau salée et mes poumons d'écume. Je retiens l'air dans mes poumons, ne parvient qu'à me brûler la gorge. Dans quelques minutes, je me mettrai à trembler.

« Wanna jump on my back? And by jumping I mean. Not really. Anyway, I can bring you there if you let me. » Je hoche rapidement la tête, m'effondre un peu contre lui. J'irai où il ira, il est, pour l'instant, mes jambes et mes yeux. « Je dois voir mes affaires, après. » que je parviens à marmonner, les dents serrées comme des étaux. Elles pourraient se briser, si je serrais plus fort, j'en suis certaine. Les serrer ainsi me donne une migraine encore plus virulente que celle dont je souffre déjà. J'essuie mes yeux et frotte à nouveau mon nez, comme un réflexe. « Fais gaffe. J'veux pas te vomir dessus. » Ma main, agrippée à son avant bras, a déjà grimpé sur son épaule.

J'ai réussi à calmer un peu ma respiration. Une accalmie probablement passagère. « Tu d'vrais me laisser. Dehors. J'rentrerais chez moi. » Mes affaires. Mes clefs. Mon lit. Et demain, tout ira mieux. Je sème ça dans sa tête. Peut-être qu'il me laissera partir. Ou peut-être que j'ai atterri chez un psychopathe. Il le sent peut-être, à la manière dont je le dévisage, que je tente de faire la lumière. Que je tente de me souvenir. Que je sais que je le connais, mais que j'ai oublié d'où je le connais. C'est probablement cette galère, le fait de patauger dans la semoule comme je le fais intérieurement qui fait céder les digues. Qui font entrer la mer dans mes poumons, si bien que j'ai l'impression de me noyer.
Mes poumons cherchent de l'air
sans en trouver.

Elle est pas difficile et accepte ta proposition de la porter jusqu’au patio en une seconde. She is also about to break down. Elle a vraiment besoin d’air et par tous les moyens mis à sa disposition. Et c’est ton corps en premier car elle se laisse aller contre toi. You’ve got this Murph. Elle n’a rien du tout mais t’essaie d’envoyer des bonnes ondes alors que tu la prends mieux contre toi afin de la transporter jusqu’à l’extérieur. « Je dois voir mes affaires, après. » Tu vas les lui apporter dès qu’elle sera posé dehors. Tu comprends bien qu’elle est anxieuse par-dessus le marché et c’est un truc que tu vas pouvoir apaiser. Only if she has what she is looking for. « Fais gaffe. J'veux pas te vomir dessus. »

“Still time to change the itinerary to the bathroom rather than the patio.”

Parce que t’es en train de passer dans le couloir. « Tu d'vrais me laisser. Dehors. J'rentrerais chez moi. » Tu hoches la tête alors que tu ouvres la baie vitrée pour enfin arriver au fameux patio.

“Water first.”

Et tu files, la laissant toute seule mais t’en as pas pour longtemps. L’eau en premier. T’arrives avec un grand verre rempli qui a la capacité d’une pint. T’as aussi pris ta panière à fruit qui est anormalement remplie. Maria did some groceries shopping for me two days ago. T’as aussi ses affaires sous le bras que tu poses sur la chaise libre à côté d’elle. Tu retournes dans la cuisine pour te faire un café, un expresso. Tu reviens, glissant ta main dans tes cheveux qui ne sont pas du tout coiffé. Tu t’installes en face d’elle, tu sors ton téléphone.

“Is there someone that can pick you up?”

Tu lèves brièvement les yeux vers elle avant d’ouvrir un email sur ton app gmail. L'été bat son plein en Australie et pour des raisons évidentes il fait encore plus chaud que d'habitude.

Je suis soulevée dans ses bras plus facilement que s'il avait essayé de porter une poupée. Mes bras s'accrochent comme du lierre grimpant, on croirait probablement voir un koala. Mes yeux papillonnent, ma tête se pose toute seule contre sa peau et me voilà voyageuse des airs. « Still time to change the itinerary to the bathroom rather than the patio. » Je secoue doucement la tête. Tout ira bien. L'air qu'on brasse en se déplaçant fait office de ventilation - l'oxygène dont j'avais besoin. Je suis un peu plus rassurée qu'il y a quelques minutes. Je me mords l'intérieur des joues lorsqu'il refuse gentiment de me laisser rentrer. Le couloir est trop grand et j'ai été incapable de trouver quelle porte ouvrir pour trouver moi-même la sortie. De toute manière, mon corps refusera probablement de m'obéir avant une vraie bonne nuit de sommeil.

La nuit est étouffante, chaude. L'air me fait pourtant déjà du bien. J'en remplit mes poumons. Alors qu'il file de nouveau à l'intérieur, j'observe les alentours. Il y a moins de lumière, ici. Et même si mon corps enregistre que la nuit n'est pas froide, je ne peux retenir un frisson. Les mains appliquées, je tente de remettre un peu d'ordre dans mes cheveux, seulement pour me distraire. Mon hôte revient bien vite avec un verre d'eau, que j'attrape doucement - et en veillant à ne pas le faire tomber, comme j'ai tant l'habitude de le faire. « Merci. », je murmure, les yeux fixés sur la surface qui ondule dans le verre. Le voilà qui pose également des fruits, et puis mes affaires. Je jette un œil rassuré à la veste qui se trouve maintenant sur la chaise, à mes côtés. Je suis tentée de lâcher le verre sans sommation pour me jeter sur ma propriété. Et alors que le blond retourne à l'intérieur, je pose déjà le verre pour parcourir maladroitement la veste de mes mains. Mes mouvements précipités tâtonnent à la recherche du renflement d'une des coutures, dans laquelle je cache habilement le sachet de poudre que je promène avec moi, parfois pour aller en soirée mais surtout pour ne pas que mes colocataires tombent dessus par hasard.

Mes doigts ne sont pas tombés sur ce qu'ils cherchaient et mon cœur a repris sa course folle. Je n'arrête mes recherches que lorsqu'une silhouette se glisse à nouveau sur le patio. « Is there someone that can pick you up? » Clément. Dis lui, Clément. « Non. » Personne ne doit savoir. Je me suis déjà assez donnée en spectacle ce soir. Heureusement, personne - je crois ? - ne me connaissait, à ma cette soirée. C'était juste un truc genre... une soirée à laquelle j'étais invitée par connaissance éloignée. « Mais tu peux me laisser. Je vais me débrouiller. Je peux rentrer seule. » Ah bah oui, marrant ça, comme blague. Je bois un peu au verre qu'il m'a apporté. « Jordan. C'est ton prénom, non ? » Oui, je sais, maintenant. Je me souviens de ce truc que j'avais fait, un petit boulot dans un clip. C'était cool. « Putain, désolée. » Je me masse le front, frotte la peau de mon bras de ma main libre. J'ai soudain froid. « Y'avait... y'avait rien d'autre avec ma veste ?... » Je pose le verre sur le sol, m'appuie contre le dossier du siège sur lequel je suis installée et regroupe mes jambes contre ma poitrine. « C'est gentil de m'avoir ramené ici. Merci. »

« Merci. » Elle va mieux. Elle prend même la peine de te remercier. Pas de violences physique à venir. We never know. Non, elle est calmée. Elle est dehors. Elle est en train de respirer. Tu vois toujours le pire partout. Better safe than sorry. Et elle a personne pour venir la chercher. Not good. Mais t’es pas son frère, elle fait sa vie. Elle fouille ses affaires. Toi t’as ton nez dans ton tel, avec ton café que tu dégustes. « Mais tu peux me laisser. Je vais me débrouiller. Je peux rentrer seule. » T’y comptes bien en vrai. Elle est maintenant safe et elle a l’air d’avoir toute sa tête. « Jordan. C'est ton prénom, non ? » Confirmation qu’elle a bien toute sa tête, elle t’a même remis. Tu hoches la tête, relevant les yeux vers elle un instant.  « Putain, désolée. » Tu lèves un sourcil sans comprendre pourquoi elle s’excuse.  Tu vois qu’elle a froid vu sa posture, et toi t’es juste en sous vêtements. I’m wearing shorts. Pareil.   « Y'avait... y'avait rien d'autre avec ma veste ?... » Tu comprends bien qu’elle a pas trouvé ce qui l’intéressait.

« Nope. »

T’as quand même l’impression qu’elle est apaisé ou peut être que c’est juste toi qui en a fortement envie. Tu te rends pas compte que tu la regardes un peu trop longtemps. Tu pars un peu dans tes pensées. She’s so small. No Jordan. « C'est gentil de m'avoir ramené ici. Merci. Tu sors de tes pensées de l’entendre reprendre la parole.

« Don't mention it. »

Tu t’inquiètes pour elle parce que tu la connais un peu et y’avait quand même pas mal de drogues qui circulait là bas. Des chances que d’autres mal intentionné - ou pas lucide du tout - s’en prennent à elle d’une façon ou d’une autre. Tu te lèves allant choper un hoodie qui traine sur ton canapé. Tu enfouis ton nez dedans pour vérifier s’il pue pas trop. It’s alright. Tu ressors et tu le lances sur elle.

« Tell me when you want to leave, I’ll get you an Uber. »

Tu reprends la parole sans lui laisser le temps de répondre parce que y’a aucun rush et t’as pas envie qu’elle pense que c’est le cas. Le jour est en train de se lever il est pas loin de 5h du mat’.

« Sun is about to rise. »

T’as pas une vue de folie de chez toi mais comme y’a pas de grand building dans ton coin, c’est agréable à contempler. Ca t'inspire. Ca manque peut être juste un peu de musique. Nope. Silence is good. Silence speaks. Et tu tournes un peu ta chaise, assez pour être bien installé à regarder la lumière du ciel changer au fil des minutes qui défilent.

« Nope. » Je repose mes yeux sur la veste étalée sur la chaise à mes côtés. On aurait pas fouillé ma veste, si ? J'avais ce sachet non loin de moi. Je me mords l'intérieur des joues, rongée par l'envie presque viscérale de retourner ma veste et toutes ses coutures. Je n'occupe mes mains qu'en les agrippant fermement autour de mes genoux. Bientôt, un goût métallique s'étale sur ma langue. Je porte le verre à mes lèvres, pour le faire passer, alors que Jordan balaie mes remerciements en sortant de ses pensées. Je l'ai vu, phaser deux secondes. Tu parles, je l'ai probablement réveillé alors qu'il terminait sa nuit.

Le blond ne se lève que pour aller m'attraper un de ses hoodies, que j'enfile en marmonnant un remerciement du bout des lèvres. La capuche sur la tête, je ne laisse pas mes jambes tranquille pour autant. Il est moins habillé que moi. J'ai au moins eu l'intelligence de ne pas aller à cette soirée en robe – c'est pas pratique, les robes. Il fait trop chaud pour les jeans. J'ai opté pour un short. On est à égalité de ce côté là – plus ou moins, ok. « Tell me when you want to leave, I’ll get you an Uber. » Je ne prends jamais de Uber. Juste les transports en commun, aka la rue, parce que je ne paye pas le bus. C'est bien, de marcher, non ? « Je pars quand t'es soûlé que je squatte ton hoodie. Marcher c'est bien. Pas besoin d'un Uber. Pense à la planète. »  

« Sun is about to rise. » Je lève les yeux sur le ciel, qui s'éclaircit doucement. Je tire ma chaise à côté de la sienne, histoire que nos points de vue soient juste égaux. Le silence s'étire à mesure que les étoiles – déjà peu visibles – disparaissent dans le jour. C'est Twice, le titre de Little Dragon, qui me vient en tête. A mesure que le silence s'étire, je me met à fredonner. Le soleil grimpe tout doucement dans le ciel, éclaire de sa lumière dorée les environs. Je n'ai plus froid. Je pourrais presque m'endormir, là, sur ma chaise. Mes paupières se ferment toutes seules. « Tu fais toujours des trucs dans la musique ? » C'est moi qui brise le silence. Evidemment que oui, il fait toujours des trucs dans la musique. J'ai vu ça sur Instagram. « J'ai vu la vidéo. De toi. Sur YouTube. », que je lance, presque fièrement. « Elle est cool. Vraiment. » Nouveau silence. « J'fais pas ça normalement. Les soirées. » Ni les blackout. Je ne sais même pas pourquoi je tente de me justifier. C'est peut-être parce qu'on a bossé ensemble, un jour. S'il y avait un mince espoir qu'on réitère l'expérience, j'ai flingué ma chance, pour sûr.

Elle enfile le hoodie en moins de temps qu’il en faut pour dire ouf. Sa veste en jeans sert vraiment à rien. Ton hoodie lui sauve la vie là, en toute objectivité. Avec la capuche sur sa tête, sa posture, le peu de lumière et sa corpulence, t’as l’impression de la voir elle. Tu sais que ce n’est pas le cas, mais t’aimes quand même beaucoup cette illusion. « Je pars quand t'es soûlé que je squatte ton hoodie. Marcher c'est bien. Pas besoin d'un Uber. Pense à la planète. » Un sourire se forme sur tes lèvres de absolument tout ce qu’elle vient de dire. She’s not wrong. Elle sait pas non plus que tu ne seras certainement pas saoulé. She’s not annoying. T’as connu bien pire comme lendemain de soirée. T’es légèrement absorbé par la vue de ta terrasse. Tu la vois du coin de l’oeil s’installer à tes côté. Elle fredonne une chanson que tu ne connais pas mais t’apprécie la mélodie. Elle colle bien avec le moment. « Tu fais toujours des trucs dans la musique ? » Tu hoches la tête.

« Yeah. »

Elle se souvient bien du contexte de votre rencontre. Tu rajoutes un peu plus d’argument sur la liste « Murphy is feeling better ».  « J'ai vu la vidéo. De toi. Sur YouTube. » Tu tournes la tête vers elle, surpris qu’elle t’ait remis par rapport à cette vidéo. Y’a ton nom dans le titre, oui, mais on voit jamais ta tête. T’es pas dans la vidéo. T’as bien évidemment partagé ça sur tes réseaux mais tu ignores si elle te suit. « Elle est cool. Vraiment. »

« Thanks. I’m very proud of it. »

Parce que c’est ton premier titre et ça marche du tonnerre. Tu sais que la prochaine étape c’est de la mettre sur Spotify. C’est prévu. C’est pas encore fait. T’as pas pris le temps. Tu penses surtout que toute la sensation est autour de la vidéo plutôt que de la chanson. Jamais tu n'avais imaginé percer comme ça sur l'internet du web. Ca te rappelle qu'il faut que tu répondes à l'email pour aller chez Ellen. Tu prends pas le temps. T'oublies.  « J'fais pas ça normalement. Les soirées. » Tes yeux posés sur elle, t’es surpris qu’elle sorte ça comme ça d’un coup.

« You don’t have to explain anything. »

Nouveau silence. She so small. Tu te perds dans tes pensées et quand tu t’en rends compte, tu retournes les yeux vers la vue.

« If you hadn’t do it, we wouldn’t be here enjoying that pretty sunrise. »

Parce que ça commence à avoir de la gueule et tu te connais, tu vas prendre une photo. At least ten pics and a video for sure.

Bien sûr qu'il est toujours dans la musique. Je l'aurais deviné sans peine. Même s'il n'avait voulu rien en dire. Et puis, y'a cette vidéo qu'il a posté sur YouTube. Je me souvenais de son nom, et puis de sa voix, évidemment. Je ne sais même plus quand j'ai regardé cette vidéo, mais je sais que j'ai même pensé à lui envoyer un message pour l'en féliciter. Et puis, raison numéro une qui a fait que je ne l'avais pas fait : peut-être bien que Jordan n'avait plus mon numéro. Deuxièmement, on n'était pas assez intimes pour que je lui envoie ce genre de trucs. Troisièmement, j'étais même pas certaine que ça ne faisait pas ''personne intéressée'' dans le mauvais sens du terme. Alors je n'ai rien dit. « Thanks. I’m very proud of it.  » Peut-être que j'aurais dû. Maintenant, c'est dit. Je réponds aux mots du blond par un petit sourire, en jetant doucement ma veste sur mes genoux. « Tu peux. Tu m'appelleras, si tu fais un clip ? » Elle ne couvre rien, de toute manière, cette veste. C'est l'été. Normal. On ne se balade pas en doudoune, l'été.

Mais mes doigts ne trouvent toujours pas, sous les coutures, ce que je voudrais y trouver. Je tente distraitement de me justifier de mon attitude des quelques heures précédentes, mais continue de faire courir mes doigts le long des poches, à la recherche de tout renflement potentiel. Un : si je l'ai perdu, je suis dans la merde. Deux : des gens que je connais, même de loin, pourraient m'associer à ce sachet perdu. Trois : ça coûte cher. Et je ne veux pas envoyer de message à Joseph tout de suite. Pas si vite. J'ai l'impression d'avoir acheté ma dernière dose il y a moins de quarante-huit heures. « You don’t have to explain anything. » Je braque mes yeux bruns contre ceux – clairs – de mon hôte, comme perdue dans le fil de la conversation. Deux battements de cils plus tard, je hausse les épaules, impuissante face à cette phrase qui tombe comme un couperet.

Le silence se fait de nouveau de plomb et je me perds dans la contemplation du soleil qui se lève tout doucement. « If you hadn’t do it, we wouldn’t be here enjoying that pretty sunrise. » Je laisse échapper un rire. « Vrai. » La capuche du hoodie couvre à moitié ma tête, assez pour que quelques mèches rebelles se glissent hors du tissu. Mes doigts s'enroulent nerveusement dans ces retombées emmêlées, eux que je semble vouloir distraire de la fouille nerveuse que j'avais imposé à ma veste en jean. « Mais on pourrait contempler le ciel à d'autres moments qu'après mes déboires. Ça m'arrangerait mieux. » Bientôt, les nuages semblent former comme des petits tas de laves, rosis de plaisir par les caresses du soleil encore endormi. On croirait voir de grandes langues de feu s'étirer paresseusement entre ces cotons gonflés de pourpre, ou des morceaux de tissus déchirés, abandonnés par un couturier enragé. « C'est pour ça que j'aime le matin. », que je murmure pour moi même. Le menton écrasé sur les genoux, le sourire aux lèvres, je sens mon corps se réveiller tout doucement, pourtant encore groggy de tout ce qu'il ne pourra pas éliminer. « Juste le temps que le soleil se lève complètement. » Ma chaise est assez proche de la sienne. Assez pour poser ma tête contre son épaule sans pour autant trop le coller. Juste assez pour être installée confortablement. « Après je pars. » A pieds. C'est mieux comme ça. Ça évite de penser que j'ai probablement perdu ma dose à cette soirée. Ça m'évite de penser que j'ai déjà envie de renvoyer un message à Joseph. « Je m'endors pas. Promis. » Je ne tiendrai pas la promesse longtemps.

« Tu peux. Tu m'appelleras, si tu fais un clip ? » Elle veut du boulot. Tu lui en donneras. Tu le dis pas carrément parce que tu veux pas faire de promesses que tu ne tiendras peut être pas. Si c’est pas tes propres chansons t’as pas vraiment de mot à dire sur les vidéos clips même si t’aimes filer un coup de main. Might as well just release another song. Faudra ouais. Mais pas tout de suite, pour l’instant vous profitez du levé de soleil. « Vrai. » Ca te plaît qu’on te dise que t’as raison. Ca te plaît qu’elle a l’air d’apprécier ce moment autant que toi. The sky is sick. C’est normal qu’elle kiffe aussi. « Mais on pourrait contempler le ciel à d'autres moments qu'après mes déboires. Ça m'arrangerait mieux. » Un léger rire se laisse échapper de tes lèvres. If it wasn’t you would have been someone else. Tes potes sont pas aussi sage que toi. Mais tu restes silencieux. « C'est pour ça que j'aime le matin. » Hmmmm ? Tu ne détournes pas les yeux du paysage pour autant. Tu te dis qu’elle va s’expliquer un peu plus. C’est un peu nonchalamment que tu prends deux photos.  « Juste le temps que le soleil se lève complètement. » She’s a morning person. T’en connais une autre. Knew. Tu sens la tête de Murphy se caler sur ton épaule. Oh gurl. « Après je pars. » Tes yeux se tournent sur elle. Toute emmitouflé dans ton hoodie. Bien installé. T’y crois pas un mot. Tu vas même passer ton bras autour d’elle pour qu’elle soit encore mieux mise.  « Je m'endors pas. Promis. » Yeah. Right. Tu ne fais pas de commentaires même si tu ne la crois pas une seule seconde. Un sourire amusé aux lèvres, tu restes à regarder le paysage, en silence, en essayant d’ignorer combien elle est toute petite contre toi.