And we will never be alone again 'cause it doesn't happen every day, kinda counted on you being a friend can I give it up or give it away? Now I thought about what I wanna say but I never really know where to go so I chained myself to a friend @Ariel James
Les gouttes de sueurs qui glissent de mon front pour s'éclater contre le sol, l'adrénaline à son paroxysme jusqu'à croire que je suis sous effets illicites et la voix qui perdait peu à peu de son intensité. Les souvenirs du lycée défilent toujours dans ma tête comme si je n'avais jamais vieilli, comme si je me trouvais toujours à Aberdeen avec mon groupe et nos chansons. Mais rien n'y fait, seuls mes derniers souvenirs peuvent me faire rêvasser d'un futur jamais atteint. Je revois encore la tête de mes parents quand, du haut de ma taille de nain, je leur ai dévoilé ma vocation de musicien célèbre et aujourd'hui me voilà à m'en mordre les doigts. Je ne compte plus les moments où l'envie me prenait de renouer contact avec les anciens membres du groupe, mais pour quoi faire ? Au final, ils me détestent tous d'être parti sans prévenir et ils sont sûrement mieux sans moi. Les vieux cons peuvent très bien se moquer de moi, me pointer du doigt s'ils me voient dans cette situation, un tablier autour de la taille près à servir les clients pour qu'ils repartent les mains remplis de livres. Le métier de libraire me passionne toujours autant, mais il faut se l'avouer, si j'avais encore l'opportunité de choisir ce tablier contre une guitare et un micro le choix se fait vite fait. Alors, je m'invente une toute autre vie. Celle dans laquelle Arthur Glenn, dit Erin, est devenu une célébrité dans le monde de la musique rock avec son groupe depuis le lycée. Celle où je suis acclamé partout où je me trouve, celle où mon nom est dans la bouche de tout le monde et où ma musique deviendrait une référence culturelle. C'est un beau fantasme que j'ai là, mais pas sûr que cet Arthur est tout aussi heureux que celui-là. Je me documente beaucoup sur les rockstars connus et beaucoup finissent dépressifs, suicidaires jusqu'à même passer l'arme à gauche. Vu ma personnalité, je n'aurais jamais franchi plus haut que les vingt-sept ans comme Kurt Cobain et les autres. Mais sincèrement, même dans cette vie pourrie il y a bien des moments où j'aurais eu envie entourer mon cou d'une corde et trouer ma tempe d'une arme à feu. À quoi bon ? Je suis voué à mourir seul et déprimé. Plus les années passent, plus les rides apparaissent sur mon visage et plus la réalité me rattrape pour me mettre une bonne claque. Sérieusement, Arthur regarde-toi. La porte des cinquante ans n'est plus très loin et tu n'es toujours pas fichu de te caser ? Tu fais pitié. Tu aurais peut-être dû rester en Écosse auprès de ta petite-sœur et te faire cette satané de rousse qui te tournait autour, elle en serait même devenue ta femme tellement elle bavait pour toi et ton look de l'époque.
Mon horloge affiche huit heures du soir passé et l'ennui est déjà présente à mes côtés suivi de la déprime et mélancolie. Avachi sur mon canapé, je regarde d'un coin de l’œil ma bonne vieille guitare électrique. Au total, j'en avais trois et je ne m'en sers plus autant qu'auparavant. Cependant, je n'ai jamais perdu mes acquis sur une guitare qu'au chant. C'est en songeant à la petite gloire d'antan que je décide d'en jouer quelques notes comme au bon temps. La guitare n'est plus accordée tellement cela fait des lustres que je ne l'ai plus chouchouté, alors, je fais en sorte d'y remédier à ça et s'en suit un jeu de mon doigté sur les cordes pour y faire retentir une ancienne mélodie. Mes doigts connaissent encore les notes par cœur, pouvant ainsi laisser mes yeux se fermer sans craindre une seule fausse note. C'est une ancienne musique que j'ai écrite pour notre premier album, une chanson plutôt nostalgique et larmoyante, en bref, une vieille ballade puisqu'il en faut bien une dans un album de rock. Si au départ, je marmonne de semblants paroles, c'est petit à petit que les mots me reviennent en esprit comme un flash dans ma mémoire. Un souvenir dans mon vieux garage des anciens resurgi. Où la douce impression de nous revoir répéter encore et encore cette chanson me donne un léger sourire. Je me revois encore avec mes cheveux mi-longs, le jean moulant et la vieille chemise à carreaux que je ne peux plus porter aujourd'hui, c'est sûr. Nous étions tous si jeunes et tous si insouciants du futur, on s'en fichait même de savoir ce qui nous attendait une fois plus grand tant que le moment nous faisait vivre à en suer. Plus la musique s'accélère et plus un vieux film circule dans mon cerveau et je vois un sourire d'ange apparaître et puis le son s'arrête net. C'en est presque hilarant, mais si j'ai abandonné du jour au lendemain mon rêve d'enfant, c'est en grande partie à cause de cette rencontre. Il m'a fait découvrir une nouvelle passion en moi, aussi grande pour que j'arrive à oublier l'ancienne. C'est incroyable comme l'amour peut véritablement rendre aveugle. Mais il n'y pas la place de penser au théâtre ni au cœur brisé, l'adrénaline et le manque de jouer m'enlace de nouveau. La fougue de jeunesse me retrouve.
Je me rappelle les paroles d'un de mes collègues de boulot en m'annonçant une certaine soirée open mic dans un bar pas si loin de mon appartement. Une si belle occasion de rejouer devant un public s'ouvrait à moi et à aucun moment, j'allais la laisser passer entre mes doigts. Alors, je me vêtis d'un même style qu'à l'époque, sauf que cette fois-ci, c'est des vêtements qui me vont et je rajoute ma petite touche personnelle : du vernis noir sur mes ongles. Oh, je les voyais bien ces nombreux regards sur mes mains lorsqu'ils voient mon beau vernis et je m'en branle de leur avis. Celui ou celle qui a stipulé que le vernis est un outil de beauté seulement féminin peut aller se faire foutre. C'est une fois dans le bar que j'inscris mon nom sur une liste d'autres prénoms pour attendre mon tour de gloire. Ma belle Fenders électrique encore dans son étui, je me fais une petite place sur l'un des nombreux tabourets tout en regardant la prestation des autres avant mon tour. Y en a qui ne savaient pas jouer d'un instrument, ils faisaient semblant sûrement pour draguer une belle blonde et la finir dans leur lit ce soir puis y en a qui devraient signer avec une maison de production. Et c'est enfin mon tour et un certain stress me tord le ventre. Je n'ai jamais été aussi stressé auparavant, c'est sûrement l'angoisse de se manquer après des années à ne plus être monté sur une scène aussi petite ou grande soit-elle. Je prends mon temps pour brancher la guitare sur l'ampli et d'accorder celle-ci une dernière fois avant de m’asseoir pour être bien plus à l'aise. Ils me regardent tous, attendent tous à ce que je ne leur nique pas leurs soirées et espèrent une belle prestation de ma part. Ils ne sont pas pareils que dans mes souvenirs, lycéens, ils sont plus vieux et cons, mais je garde mon calme et je me dis que je vais tout déchirer. « Good evening everyone. The name's Arthur and I'm going to play Aerosmith's Dream On. Enjoy ! » Un bon choix de musique pour me rappeler ma petite vie et les paroles me parlent. Je la connais par cœur donc je pouvais facilement me laisser aller sans ne plus avoir le trac. Peu à peu l'enthousiasme de l'époque est en moi et je retrouve le plaisir de jouer et chanter devant des personnes. À des moments, je m'emporte un peu, mais je m'en moque, je connaissais cette chanson si comme je l'avais chié, je pouvais me permettre quelques changements à ma sauce. Et à la fin, ils applaudissent tous, m'acclament presque et je peux désormais sourire de toutes mes dents avant de leur remercier. Le barman m'offre un verre à boire et je refuse moi qui n'aime pas l'alcool, optant plus pour un cocktail sans éthanol. Je sens que quelqu'un me regarde et mes yeux se portent sur une jolie femme blonde à mes côtés. D'humeur joueur et aguicheur, je lui demande son prénom. « Hi, what's your name darling ? » Mon fort accent écossais ressort facilement et j'en suis fier de le porter tant que ça ne l'a fait pas fuir. « Are you going to sing some songs too ? »
C'est une soirée comme toutes les autres. Un message reçu qui illumine l'écran de son téléphone, alors qu'Ariel est encore vissée à son canapé, les yeux collés à un autre écran - celui de la télévision qui repasse un vieux Tarantino. Son appartement est plongé dans le noir, et hormis les dialogues des personnages on n'entend que le silence ponctué peut-être des couinements de Dana Scully qui avec ses petits crocs s'attaque méthodiquement à faire des trous dans sa paire de Converses. Elle n'a de son expéditeur qu'une adresse ; il ne lui reste qu'à s'habiller et ramener sa tête blonde pour ouvrir les portes des nuits sans fin de Brisbane. Pour une fois il ne s'agit pas d'une fête d'étudiants, ni de squatter l'appartement d'un inconnu, ni de faire la tournée des bars en un temps record - pas encore, en tous cas. Non, c'est une soirée open mic dans un lieu que l'australienne ne connaît pas ; et tant qu'on lui demande seulement de boire et d'applaudir (ou de huer) les différents artistes, elle n'y voit pas d'inconvénient. Car elle ne chante pas, Ariel, elle ne joue pas non plus de musique ; les seules exceptions sont les concerts auxquels elle assiste et les soirées où l'ivresse la désinhibe encore plus que d'habitude, où elle scande en rythme les paroles des chansons et où elle peut se lancer dans une démonstration d'air guitar. La musique fait partie intégrante de sa vie mais elle ne la produit pas, ne fait que l'écouter, l'aimer, choisir les ambiances souvent très rock'n'roll pour la bande son de sa vie.
Elle hésite un instant à attendre la fin du film, mais l'appel de la foule et de l'alcool est trop fort ; elle se lève, éteint sa télé et décide de se préparer. C'est facile: ce sera son jean délavé, le t-shirt blanc qu'elle porte déjà mais surtout sa veste en cuir. Sa veste qui ne la quitte presque jamais malgré la chaleur de Brisbane, sa veste qu'elle porte comme une armure, comme une seconde peau. Sa veste qui a tout fait, les garde à vue et les manifs, les concerts et les dates qui s'enchaînent et surtout qui se souvient des conclusions des soirées qu'Ariel a oublié. Elle lace ses Doc Martens, prend ses clés, pose un délicat baiser sur la tête de ses chats avant de poser sur ses lèvres une couche de rouge. La nuit tombe mais ses lunettes de soleil trouvent quand même leur place fétiche sur son nez ; la pollution lumineuse de Brisbane lui permet quand même de voir. Et puis, le style, c'est important.
Ariel s'en va à pieds, comme souvent, car ce n'est pas si loin et elle aime marcher, elle aime poser son casque sur ses oreilles et avancer en rythme, faire monter la tension ; s'arrêter au night shop et prendre une bière qu'elle boit sur le chemin, puis recommencer quelques mètres plus loin. Ses pas la guident finalement jusqu'à sa destination: elle pousse la porte, rejoint la bande affalée sur un canapé dans un coin. Ça a déjà commencé et rapidement l'ambiance chauffe, et les cocktails s'enchaînent à leur table, et Ariel se détend, participe à la ferveur du public. Les prestations sont très inégales mais peu importe, elle n'est pas là pour l'art ; elle n'est là que pour le fun, la détente et l'insouciance. Les musiciens s'enchaînent et l'un d'entre eux se démarque. Il est plus vieux que les autres, mais sa démarche est aussi plus assurée - il a l'air de savoir ce qu'il fait, Ariel laisse traîner distraitement son regard sur lui en commandant un autre mélange de Jack Daniels et de coca. Et puis, le mec s'empare du micro, annonce le programme et récolte une vague de cris enthousiastes - les premiers accords résonnent et c'est différent du reste, parce-que le musicien (the name's Arthur) est différent, lui aussi. L'énergie, sa voix, sa manière de soumettre sa guitare au mouvement de ses doigts ; son regard fiévreux et les paroles qu'il enchaîne sans buter.
Sing with me, sing for the year Sing for the laughter, sing for the tear Sing with me, just for today Maybe tomorrow, the good Lord will take you away...
Et Ariel chante, Ariel se lève, elle bouge en rythme et ses cheveux blonds viennent se coller à son front où perlent quelques gouttes de sueur, et ses yeux verts pétillent et lorsque les dernières notes retentissent elle se joint à la foule en délire et applaudit, scande son nom. C'est plus fort qu'elle ; à peine le musicien descendu de la scène, elle le voit se diriger vers le bar et se glisse à travers la foule pour le rejoindre, se cale au bar à ses côtés. Elle l'observe commander une boisson et attend qu'il la remarque - elle a l'habitude, Ariel. Elle sait ce qu'elle veut et sait qu'elle exerce aussi un certain pouvoir de fascination sur les autres ; surtout dans ces circonstances où l'alcool libère son esprit, fait briller ses yeux, et où la musique qui continue de jouer fait danser son esprit et ses émotions. Et lorsqu'il tourne la tête, lorsqu'elle croise son regard chaleureux et qu'il lui parle, son sourire s'élargit. Son accent aux sonorités étrangère lui plaît, elle aime la manière dont il roule les -r, l'accent qu'il met sur certaines syllabes. Alors elle se rapproche un peu, lui offre son prénom en retour - elle se rappelle très bien du sien. "I'm Ariel." D'un geste de la main elle fait signe au barman de lui apporter un nouveau verre, histoire d'accompagner la rock-star de la soirée. Elle prend son temps pour étudier les traits de son visage, dessiner son sourire, descendre le long de son corps - he's very much her style même s'il doit bien avoir une ou deux décennies de plus qu'elle. Pas que ça la dérange, Ariel. "Ooh, Scottish, right? That's nice, and pretty uncommon 'round here." Un verre rempli d'un liquide ambré vient trouver sa main et elle glisse au serveur un billet, et la question que pose Arthur lui tire un petit rire. Oh but she could sing some songs, simplement, pas celles que l'on entend ici. Elle préfère se montrer très vocale dans d'autres circonstances... "I'm afraid not on that stage, I'm a terrible singer. Only here to have a good time, listen to some good music... and meet the artist of the day." Elle lève son verre à sa hauteur, le fait doucement tinter contre le sien. "Cheers, Arthur." Une gorgée plus tard, elle lui jette un coup d'oeil en coin. "You were fucking good tonight, clearly one of the best. 've you been a rock star in an other life?" Elle aime son regard malicieux, l'air de vivre hors du temps, loin de la foule. Et n'a pas de mal à s'imaginer groupie du guitariste, au moins pour la nuit.
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Elle me dévisage et je la dévisage à mon tour. Elle ne ressemble pas à toutes celles qui sont venues vers moi, elle doit être même un peu plus jeune, mais je ne saurais pas dire son âge. La douce blonde a une prestance si charismatique, celle qu'on n'oublie jamais, une aura mature qui me fait directement tourné la tête. J'aime beaucoup son style de l'inconnue, très simple, mais qui se rapproche quelque peu à mon style. Décontracté, facile à porter, mais qui ressort ce côté rock et rebelle en nous. Elle a les cheveux blonds, mais d'après ses racines qui ressortent grandement, je peux facilement penser que ce n'est guère sa couleur naturelle. Ils sont courts, sa tignasse, pas plus courte pour qu'elle laisse une mèche sur les côtés, pas plus longs pour qu'ils arrivent à ses épaules. Je m'entraîne à mon meilleur jeu d'acteur, faisant croire que je ne l'avais pas remarqué et c'est impossible puisqu'on la remarque très facilement and I bet she knows that. Dans cette foule qui chantait avec moi, qui se déhanchait au rythme de mes doigts sur les cordes de ma guitare, je l'ai bien vu. La blonde balançait son corps aux accords de la musique, criait le refrain en même temps que j'essayais de rendre parfaitement hommage à ce groupe et laissais son corps aller là où il voulait. Je ne l'ai aperçu que quelques fois, durant des courts instants, mais à chaque fois que mes yeux ébène se posaient sur sa silhouette, c'est un spectacle grandiose qui se présentait devant moi. La belle se fichait pas mal de ses alentours, pouvait même bousculer plusieurs personnes à cause de l'adrénaline et c'est bien cela qui m'a attiré à en savoir plus sur elle. Cependant, à chaque fois que mon regard s'abattait sur la blonde, ses yeux n'en faisaient guère de même, préférant se laisser transporter totalement à l'ambiance, ne pouvant ainsi remarquer mes petits sourires en coin.
La belle me dévoile finalement son prénom. Ariel, que mon cerveau répète sans cesse en boucle comme pour ne pas l'oublier. C'est un joli et très original prénom, je souris, ça lui va bien. Je ne pensais pas que des parents aimaient donner des prénoms de sirènes rousses bien trop naïves à leur gosse, mais à croire que le monde est toujours fait de surprise. De nature à toujours émettre une remarque sur n'importe quoi dont je trouve fabuleux ou étrange, cette fois-ci je me dis qu'elle n'en a déjà entendu des vertes et des pas mûres sur son prénom, c'est vrai, c'est une cible facile pour les moqueries et autres jeux de mots à la con. Et puis, je ne veux pas la faire fuir cette douce sirène devant moi. « Nice to meet ya Ariel, beautiful name, it suits you» Elle a l'oreille Ariel, un excellent atout pour la musique, quand elle reconnaît mon bel accent écossais. Je suis surpris, à vrai dire, pas beaucoup de personnes arrivent parfaitement à savoir d'où je viens en entendant mon fort accent. Oui, ils savent que je suis bel et bien british, mais se trompent généralement entre irlandais et écossais, à croire que cela se ressemble. « Aye, Scottish and proud ! How d'you know ? You went to Scotland ? » Pour moi, idiot que je suis, me dis que c'est sûrement la seule raison qu'elle a pu mettre le parfait mot sur mon accent. Je ne me dis pas qu'Ariel a pu juste l'entendre sur des vidéos YouTube, non, j'suis trop vieux pour me permettre de penser directement à ça, mais c'est trop tard, je laisse ma question comme telle. « I presume you are an aussie aren't you ? » C'est en arrivent ici que l'angoisse de perdre mon bien le plus précieux, la seule chose qui me ramenait à mon pays natale rien qu'au son de ma voix, m'a rattrapé en plein vol. Et pourtant, même après vingt ans passé dans le continent Océanique, mon héritage écossais me poursuit encore et me poursuivra jusqu'à ma tombe. J'avais tort, la douce Ariel ne chantera pas sur scène ce soir, du moins, je me fis surtout à ce qu'elle vient de me dire, celle-ci préférant chanter seulement pour elle-même et je peux la comprendre, la scène ce n'est pas pour tout le monde et puis le meilleur spectateur reste nous-même.
Ariel fait trinquer nos verres ensemble après son petit jeu de flirt et entendre mon prénom de sa voix me ravit encore plus. « Cheers Ariel» D'une grande gorgée, je viens adoucir ma voix après avoir tout donné sur la scène un peu plus tôt. Ariel me flatte en disant que j'ai été le meilleur ce soir, et je vois bien dans son regard qu'elle le pense d'une certaine marnière. On me voit toujours comme quelqu'un de hautain, prenant souvent les gens de haut, c'est vrai, je pourrais le faire avec mes bonnes compétences à la guitare et au chaud. Pourtant, je reste toujours humble quoiqu'il arrive, surtout pour éviter qu'un certain karma me tombe dessus. Sans déconner, mon père n'a jamais été d'un très grand soutien lorsque j'apprenais à comment perfectionner ma voix, alors ayant toujours eu l'habitude de ses remarques déplaisantes et qui font mal, j'ai encore un peu de mal avec les compliments, du moins les vrais. « Another life you mean highschool ? Hell yeah, one of the best ! » Un certain goût de nostalgie me pique la gorge tandis que mes souvenirs du lycée me reviennent aussitôt. « Actually, we were the only rock band back there so yeah, one of the best. We had fun, we had concerts and we played songs I wrote, time flies. » Je la vois encore plus intriguée qu'elle ne l'était déjà à son arrivée, à saliver d'en savoir plus sur ma jeunesse et mes souvenirs de rockstar, mais non Ariel, pas pour ce soir. « So tell me dove, what are you doing instead of being my biggest fan ?»
C'est le genre de rencontres qu'elle préfère, celles qui ne tiennent à rien, qui naissent sous l'alignement favorable des planètes et qui promettent l'infini. Elle aurait pu aller ailleurs, il aurait pu ne pas chanter ; elle aurait pu arriver en retard et ne jamais le croiser. L'éventail des possibles se déploie devant eux et lorsque leurs yeux se rencontrent et que leurs lèvres se sourient, complices, une vague de chaleur enveloppe Ariel, se niche dans sa poitrine jusque dans son ventre, et plus bas, déjà. L'ambiance est électrique et confortable, elle n'a plus à se soucier des visages familiers qui l'accompagnent ici. Depuis qu'elle s'est levée pour aller rejoindre le musicien, quelque chose lui souffle qu'avec un peu de chance et beaucoup de charme, elle ne reviendra pas.
Elle rit volontiers lorsqu'il lui offre un compliment sur son prénom, déjà agréablement surprise qu'il ne soit pas du genre à faire le rapprochement avec l'héroïne sirène ; pas sûr qu'elle puisse supporter un autre jeu de mots douteux sur le sujet. Ce n'est pas des mots qu'on lui murmure souvent: alors elle contente de hausser les épaules par fausse modestie, se plaît à examiner les traits d'Arthur éclairés par les lumières douces et son sourire en coin. La conversation démarre naturellement et elle ne se fait pas prier pour répondre avec la légèreté qui la caractérise. "Nah. Never left this country, never even really left this goddamn city." Le Jack brûle sa gorge lorsqu'elle boit, sa langue vient cueillir une goutte d'alcool qui s'est échouée sur ses lèvres. L'Australie et ses limites sont tout ce qu'elle connaît, et si elle a mis les pieds une fois dans sa vie à Sydney, Adelaïde ou Melbourne c'est déjà le bout du monde. Au mieux ce sont les spots de surf près de la côte sous le signe d'escapades entre copains le week-end, les plages blanches et le ciel azur, l'océan aux reflets verts, et tous les tons de gemmes qui s'y mélangent: lapis lazuli, turquoise, émeraude et jade. Son paradis, et ça lui suffit, de se dire qu'elle a tout. Elle n'a pas besoin de voir la pluie, de voir le monde - ou elle cherche à s'en convaincre. L'envie d'aventure n'est pourtant pas absente, se love plus profondément dans ses tripes à chaque nouveau film étranger mais il faut croire que les priorités de sa vie la font se terrer dans les rues de Brisbane plutôt que d'arpenter le monde ; et la même justification est un écho de ses autres problèmes: c'est compliqué, compliqué, personne ne peut comprendre. Elle préfère ne pas penser aux opportunités manquées, aux paris perdus, à tous ces "presque" et ces "et si" qui ponctuent sa vie de trentenaire; préfère imaginer que si elle n'est jamais partie c'est qu'elle avait mieux à faire ici. Se complaire dans le mensonge, s'y laisser glisser, y adhérer comme à une deuxième peau.
Et il présume bien, Arthur. "Born and raised, as we say. So yeah, fuckin' Aussie, and that's about it. But I know people and I hear things, too. Music, movies... Yours sounded like the kind of accent you only get in those faraway places, where it's full of mysteries. Puis, avec malice, lui retourne son compliment. It suits you." Désormais elle n'a plus qu'à l'imaginer en adolescent rock star avant l'heure, penché sur sa guitare, sûrement, travaillant sa voix. Le genre de garçon sûrement populaire, ou déjà dans un autre univers que le reste de ses pairs. "Wasn't high school really another life anyway?" C'est une question rhétorique mais la réponse est oui en ce qui la concerne: une autre vie, certes, mais les marques et les habitudes prises à cette époque lui collent encore à la peau... à moins qu'elle ne veuille pas s'en défaire. C'est plus facile, d'avoir dix-neuf ans. Et ce n'est pas surprenant, ce que le musicien lui confie - la seule bande, et la meilleure, et d'une mimique elle fait comprendre que les deux ne sont pas systématiquement compatibles. Un élément de réponse qui éveille sa curiosité, éveille un peu plus le mystère de ce mec qui vient d'enflammer la salle et qui sous couvert d'une certaine nonchalance exsude un charme particulier. Who the fuck are you, Arthur, et il change de sujet sans qu'elle ne puisse savoir si la question posée si fort dans sa tête s'est concrétisée sur ses lèvres.
"Y'know, being your biggest fan is an full-time job, I don't have much time left for anything else. Elle boit encore, évite le sujet - elle déteste parler de ce qu'elle fait. Ça la ramène à la conversation qu'elle a eu avec Remi, la première, et doucement une pointe d'espièglerie naît sur ses traits. I'm a wild spirit, a bad kid who drinks and party too much ; I'm always there in the same old rooms, in the same old places. I'm an attention-seeker only for the night, when morning comes I write other people's stories because I'm talented as fuck when it comes to words, and they aren't." Elle s'est rapprochée de lui, fait sauter les barrières de la décence pour deux inconnues mais ne le touche pas encore tout à fait - simplement assez pour troubler les limites; sa voix plus grave pour sa tirade reprend soudain ses intonations plus légères et elle dévie la conversation à son tour, ne répondra à ses questions que s'il joue avec elle.
"So what brings you here? The sun? The music? The girls? All of it?" Un regard appuyé pour sublimer l'avant dernière raison suggérée, Ariel réalise que ce n'est peut-être pas, finalement, une soirée comme les autres.
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C'est dangereux ce petit jeu que l'on s'est lancé et pourtant, je meurs d'envie de savoir où cela pourrait nous mener. Je ne lui pas encore posé de questions pour son âge et étrangement je m'en moque un peu de le savoir ou non. Ariel fait très mature, elle a des airs de femmes fatales que j'apprécie agréablement, elle sait ce que ça me fait avec ses petits sourires en coin et son regard persuasif et ça lui plaît autant que moi. C'est bête, mais avec ce genre de style de fringues qu'elle aborde, son allure qu'elle met si bien en valeur, j'ai presque cru qu'Ariel était du genre globe-trotteuse, comme quoi il ne faut jamais juger un bouquin à sa couverture. Je ne dirais pas que j'en suis déçu, non, ça me donne envie d'en savoir un peu plus sur elle et sur son oreille absolue pour reconnaître aussi bien les accents étrangers. La dangereuse Ariel me complimente sur mon fort accent écossais et c'est vrai que j'aurais pu jouer sur ça pour paraître beaucoup plus égocentrique, mais je crois bien que c'est la première qu'une personne le pense vraiment. La peur de perdre mon bel accent en foutant mon pied sur le sol australien a toujours été présent alors j'ai tout fait pour le garder avec moi jusqu'à ma mort et s'en est suivi des remarques certaines plus déplaisantes que d'autres. La belle Ariel qui me dit que mon accent me va à ravir ça me donne des légers frissons partout dans le corps dont je ne pourrais décrire leur signification, mais ce n'est guère fâcheux. Oh Ariel, tu me fais tourner la tête et j'aime ça. « I'm sure you'd love Scotland, you seem full of mysteries and secrets darling and I like it.» Peut-être que j'en ai trop dit, peut-être que ça va la faire reculer, mais je n'ai pas pu m'empêcher et malheureusement, je ne pourrais jamais mettre la faute sur l'alcool. Les années m'ont appris à devenir plus direct avec les personnes, surtout celles qui me plaisent énormément, à arracher cette fâcheuse tendance à être toujours aussi naïf et incompréhensible dans mes paroles. Alors, oui, bien souvent cette technique ne séduit pas grand nombre, mais à quoi bon, je suis voué à crever seul autant jouer toutes les cartes sur la table. « Oh yeah for sure but I kinda miss it know, that's why I often come here to sing as a way to recall my fellas. » Que je lui réponds sur sa remarque véridique sur le lycée. La belle Ariel n'attendait sûrement pas à une réponse de ma part, mais je suis encore un moulin à paroles. Il est vrai que j'ai surtout détesté qu'aimer le lycée, mais je n'arrive pas à nier tous ces souvenirs géniaux qui resteront gravés dans ma mémoire ainsi que ceux qui m'ont donné une énorme peine. Enfin, la blonde me parle d'elle ou du moins tout en évitant au possible les détails qui pourraient lui faire défaut. Et je la vois être un peu emmerdée par ma question et c'est ainsi que j'ai su qu'il ne fallait pas être aussi curieux sur son passé, ses activités et ses démons. J'arrive quand même à comprendre qu'elle aime écrire et qu'elle fait ça bien comme Ariel me le décrit pour autant, je ne peux pas encore mettre un vrai mot sur son métier. Toujours aussi mystérieuse et j'aime ça encore plus que d'habitude. Elle se rapproche de moi, faisant ainsi exploser notre bulle d'intimité à tous les deux sans pour autant franchir le pas d'un quelconque contact physique. Je le regarde faire avec mon sourire au coin qui voulait tout dire. Son dos est adossé contre les rebords du bar, où ses coudes se sont posés pour avoir une meilleure posture et moi encore assis sur ce même tabouret, mon verre sans alcool à la main, je ne la quitte plus du regard de la soirée. Ariel me fascine tellement, elle a ce petit quelque chose qui me fait perdre la notion du temps et où j'ai l'impression qu'aucun son n'arrivait plus à atteindre nos oreilles tant tout est au ralenti désormais.« Tricky question. » Que je rétorque avant de reprendre une grande gorgée de mon verre. « Everything brings me here. You brought me here actually. Yeah, you see, I really think we were meant to meet and talk tonight. Ariel, you are so enigmatic that I must stay with you all night long to solve this mystery. » Ce n'est pas vrai, je n'y crois pas du tout au destin comme si tout est déjà écrit sans que l'on puisse rien faire pour changer les choses, mais je me dis que ça peut jouer sur mon côté charmeur. C'est à mon tour de me rapprocher un peu plus d'elle et je peux enfin mieux sentir son doux parfum qui a le même effet qu'un sortilège à mon cerveau. « Sure girls are fun, but not as fun as you my dove. And you, what brings you here ? Except you only enjoy playing with some old scottish men's heart. »
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Spoiler:
désolée pour l'attente chou, c'est plus court que d'habitude mais j'espère que ça te plaira quand même
Elle se laisse hypnotiser et le laisse s'hypnotiser et elle adore ça. C'est un sport dans lequel elle excelle et qui l'excite, et pour une fois qu'elle n'a pas affaire à un débile ordinaire, elle prend. Men are trash résume bien les idées d'Ariel en la matière - elle a toujours plus préféré les filles, au fond, mais ce sont les hommes comme ceux d'Arthur qui lui rappellent pourquoi ils l'attirent. Elle lui tourne autour sans honte, sans prétention: du genre directe, Ariel. Les jeux, elle garde ça pour plus tard. I like it, dit-il, et ses yeux verts se plissent lorsqu'elle se rapproche un peu, encore, juste pour glisser ses lèvres à côté de son oreille, pour souffler quelques mots juste au niveau de sa gorge là où la peau est la plus tendre, "Oh I'm sure you do," et elle se recule ensuite, trouve ses yeux à lui qui ne quittent pas son visage. It's on, and she's turned on. Et reprend, d'un ton parfaitement détaché comme pour augmenter le contraste avec sa phrase d'avant. "Well if I ever go to Scotland... I'll let you know." Elle sait d'avance qu'elle n'ira pas, Ariel, elle ne va jamais nulle part si ce n'est en Enfer. Ça la déçoit presque qu'Arthur ait aimé ses années lycées, mais après coup se souvient que tout n'était pas noir non plus dans les siennes. Et se dit qu'elle ferait bien de se prévoir une soirée Brisbane Bunch avec ses copains damnés, ça fait bien trop longtemps. "I get the feeling," répond-elle simplement, et elle croit pouvoir comprendre ce qui ramène Arthur à la scène pour refaire vivre ses années disparues, ce qui le ramène sur les rivages de ses souvenirs après avoir vogué en mer trop longtemps. Elle voudrait l'entendre raconter une histoire, lui demander une anecdote, qu'il la fasse rêver comme le font les rock-stars. Qu'il se peigne en légende, en âme torturée, en pionnier du rock'n'roll dans une Ecosse conservatrice. Qu'il lui raconte avoir lui aussi vendu son âme au diable à la croisée des chemins pour apprendre la guitare, qu'il lui fasse miroiter un univers fait de musique et de lumières tellement différent du sien. Mais elle sait qu'on n'est jamais que déçu par la concrétisation des fantasmes, Ariel, alors elle se contente de garder précieusement ces images pour elle.
Un frisson délicieux qui se glisse dans son dos, et la façon qu'il a de prononcer son prénom enflamme le bas de son ventre, provoque des électrochocs. She'll have him, et sait aussi sans en douter qu'il se laissera volontairement conquérir - and I must stay with you all night. "Yeah? Well, Arthur, I don't believe in fate. Un peu de provocation, un peu de vérité. But if you say so... then I might let you stay with me. Pause, regard. All night long. Sourire en coin. And maybe in the morning too, who knows." Elle ne peut s'empêcher de rire devant son expression, hausse les épaules, continue sur sa lancée d'allumeuse. "See if you can break the me enigma right the first time." Elle ne le met pas en garde, ils ont toujours quelque chose de délicieux lorsqu'ils brûlent leurs illusions sur son innocence ternie.
Don't get too close It's dark inside It's where my demons hide
"Sex.", répond-t-elle presqu'immédiatement avec nonchalance. "And booze. Fun. Party. People. The usual." La même chose que toujours, le même décor de sa vie. C'est drôle: Arthur a la voix, et elle a le mode de vie qui va avec la dégaine de rock star - à l'exception de la drogue qu'elle remplace aisément par une autre addiction. Sans plus attendre, Ariel franchit l'infime distance qui les sépare, glisse sa main sur la hanche d'Arthur. Possessive, dans l'instant, il ne faudrait pas qu'il lui échappe. Les choses vont vite et elle adore ça, se laisser griser par l'ivresse et la tension érotique qu'elle sent crépiter sous ses doigts. Impatiente. Impulsive. Elle a trouvé une proie qui lui plaît et a envie de jouer avec, envisage une autre atmosphère pour le film qui joue en avant-première dans son esprit. Elle ne veut pas des carreaux émaillés du bar en arrière-plan, elle ne veut pas des regards indiscrets qui pourtant n'ont pas pour coutume de la déranger. Peut-être est-ce l'aura particulière qu'Arthur dégage, peut-être est-ce l'urgence qu'elle sent de vouloir passer sa main dans ses cheveux bruns mais elle sortirait bien d'ici, pour aller partout et nulle part à la fois. Passer à la prochaine étape, prendre son temps et lui faire tenir sa promesse: stay with you all night long. Elle songe au bon moment qu'ils pourraient passer ici, dans un bar qu'elle apprécie à se soûler de musique et à rapprocher leurs corps, à flirter sans retenue jusqu'à ce que la tension éclate, et la tentation de cette seconde option n'est pas négligeable. "You know, I feel like I'd enjoy playing with not just your heart." Jamais une pour la subtilité, James. Se contente d'une expression innocente aux accents carnassiers qui s'affranchit de tout verbe: so what do we do know?
And we will never be alone again 'cause it doesn't happen every day, kinda counted on you being a friend can I give it up or give it away? Now I thought about what I wanna say but I never really know where to go so I chained myself to a friend
Qu'est-ce qu'elle est belle, irrésistible cette Ariel, mais elle semble si jeune. Je ne pourrais pas lui donner un âge, je suis nul à ce petit jeu, mais tout le monde dirait la même chose que moi "trop jeune, beaucoup trop jeune." A quoi est-ce que je joue ? Cela ne me ressemble pas du tout. Normalement, je suis du genre à refouler les jolies demoiselles ou jeunes hommes qui me paraissent trop crédules pour moi, mais c'est bien la première fois que je me laisse tenter aussi facilement dans un tel vice. Je la vois bien comment elle joue Ariel, elle n'est pas le genre de femme à reculer devant n'importe quel obstacle ni même à réfléchir à deux fois avant de se lancer dans l'une de ses idées. Elle est spontanée, joueuse et surtout aventureuse. Elle n'a pas peur de l'inconnue, non au contraire, ça l'excite encore plus. Et c'est fou, mais au plus j'y pense et au plus sa manière dont elle me dévisage, dont elle me parle, son petit accent australien qui rend la chose encore plus sexy, rien n'est laissé au hasard, tout est calculé et bon dieu elle m'intrigue énormément. Elle plaît et elle sait plaire. Ariel est loin d'être stupide, elle est tout mon contraire. Si ce n'est l'âge, Ariel a l'assurance que je n'ai jamais encore eue pour draguer. Je pourrais certainement prendre exemple sur elle, au vu de son emprise qu'elle a déjà enroulé autour de moi, son petit jeu marche parfaitement. Ariel ne croit pas au destin ? Cela nous fait un point en commun. Pour dire vrai, je n'y crois pas non plus, mais cela me rend plus mystérieux quand je dis à une femme ou un homme que nos chemins croisés ne sont pas hasardeux et encore plus lorsque devant se trouve encore l'une de ses femmes qui aiment se prendre pour des sorcières avec son jeu de cartes et ses cristaux sur les doigts. Je tente tant bien que mal de garder mon sérieux, mais c'est bien trop difficile quand elle me provoque sans cesse. J'essaie de reprendre les esprits, de reprendre la raison et pourtant, je me laisse couler sans protester dans son regard enflammé que j'aime tant désormais. « Too kind of you dove. » Je fais son même sourire au coin, je la provoque dans son activité préférée en essayant de lui faire perdre l'équilibre dans ce qu'il semblerait être une danse passionnée entre nous. « Don't want to be a burden for you, might leave in the morning. » Si une partie de moi sait pertinemment où cela va me mener, l'autre essaie tant bien que mal de me ramener à mes sens et mes principes, mais à croire que j'ai fermé la porte pour la soirée. Je fais le sourd de mes propres pensées, on verra bien ou ça nous mène. Je laisse échapper un petit rire quand elle répond si vite à sa dite énigme. C'est bien mignon de croire que je ne voyais pas à son petit jeu, à croire qu'on pense toujours de moi comme un vieux naïf qui ne connaît plus les plaisirs de la vie humaine. Il est vrai, je ne suis plus de la page, mais ne me jeter pas trop vite. « Yeah, I already solved it my dear, but thanks. » Enfin, je finis mon verre de cocktail sans alcool et ne pense pas à en demander une nouvelle tournée, ma concentration est basée uniquement sur la belle créature qui se trouve devant moi et qui porte le prénom d'Ariel. Douce Ariel, dangereuse Ariel, je me demande le goût que doivent procréer tes fines lèvres à peine rosées. Finalement, peut-être bien que ce soit le destin qui nous a réunis ce soir. Mon côté protestant, religieux, refait sursaut tandis que je sens une chaleur au niveau de ma hanche. Sans regarder, je comprends aisément qu'il s'agissait de la main de la tendre. Elle me prouve bien sa spontanéité, je la laisse faire, profitant de ces quelques instants pour me dire ce qu'elle doit me dire avant que je ne perde enfin le contrôle. « You know, I feel like I'd enjoy playing with not just your heart.» Elle a les mots pour enchanter Ariel, elle est forte, bien trop puissante dans ce qu'elle entreprend avec moi. Je me laisse aller dans ma défaite, de toute façon, j'ai perdu depuis le début. « That makes the two of us then. » Et puis comme ça, sans crier gare, j'écrase mes lèvres contre les siennes. Je peux désormais goûter à ce doux poison et me laisse empoisonner volontiers. Au diable mes principes, je me laisse emporter dans cette même impulsivité. La baiser n'est pas gracieux, il est même rempli de fougue, pendant un moment je n'entends plus les gens parlaient autour de nous tellement le temps me semble figeait. « Mine or yours ? » Je sais qu'elle comprend que je parle de nos maisons, je n'ai pas besoin de lui préciser. Je suis bien conscient de ce que je m’apprête à faire et bon dieu cela me terrifie autant que ça m'excite.
Elle ferme les yeux sous l'impact. Les lèvres d'Arthur sont chaudes sous les siennes, elle y décèle le goût de son cocktail un peu sucré. Il ne se retient pas et elle aime ça ; ce n'est pas un baiser doux ou timide, c'est une pulsion, et elle adore ça. Elle ne se sent jamais si puissante que dans ces moments où on la veut, et où l'énergie de deux corps convergent vers cet épicentre de l'onde de choc qu'est le point de jonction entre les lèvres des nouveaux amants. C'est un bûcher qui s'enflamme sur lequel elle se laisse volontiers consumer vivante. Il n'y a rien de plus délirant que l'exquis sentiment de la passion, il n'y a rien qui ne la fasse autant vibrer que le besoin presque primaire qu'elle sent chez l'autre, prêt à dévorer son corps. Cela dépasse les ivresses des alcools dans lesquelles elle se noie, c'est une addiction si puissante qu'elle en perdrait la tête, qu'elle y perd déjà le sens commun de la réalité.
Son coeur anesthésié des sentiments reste facile à gérer tant que son avidité pour les amours charnels est assouvie. Elle ne veut pas de promesses, elle ne veut pas d'histoires, elle ne veut pas qu'on touche à ce muscle trop fragile qu'elle cache dans sa poitrine sous ses petits seins et une couche de cynisme. Elle ne fait de toute façon pas partie de celles qui rêvent au prince charmant, Ariel, il y a bien longtemps qu'elle n'attend plus rien ni personne, si ce n'est un moment d'extase de la part de tous ceux qui lui rendront ses affections. Elle ne veut pas qu'on l'analyse, qu'on cherche à deviner quelles tragédies elle oublie dans les corps qui se succèdent dans ses draps, qu'on cherche à réparer les fissures qui parsèment son esprit comme autant d'étoiles constellent le firmament. Elle prend, elle rend, ainsi pose des pansements sur ses blessures imaginaires; elle ne saurait l'expliquer même pour sauver sa vie, mais le désir qu'elle inspire, l'intensité qu'elle sent dans les baisers donnés lui fait oublier tout ce qu'elle regrette, tout ce qu'elle déteste. La plume de l'ombre pourrait bien rédiger l'encyclopédie des passions infertiles puisque rien ne naît de ces accès d'érotisme: ni amour ni enfant, ni raison ni sentiment. Il n'y a pas de raison que le schéma ne se répète pas avec Arthur, alors elle cède à ses avances sans rien attendre de plus.
Qu'il soit son aîné de quinze ans au moins ne lui pose aucun souci, aucun dilemme moral, aucune éthique mal placée qui ne serait de sa part qu'une hypocrisie travestie. Seules trois lois régissent son comportement dans ce domaine, le consentement, ses envies, et la légalité ; tout ce qui est du domaine moral ne l'effleure pas, ou alors, simplement pour qu'elle puisse mieux s'en débarrasser. Que ses rencontres d'un soir ou plus soient mariées ou la précèdent d'une génération ne la formalise pas. Ariel est un piège, dans ses yeux verts il n'y a aucune compassion, rien qui rappelle aux bonnes moeurs et fasse un effort de conscience. Elle estime (quand bon lui semble, et ces occasions sont toujours de parfaits exemples) qu'elle a assez de problèmes sans s'en créer de nouveaux, encore moins ceux des autres. La liste des exceptions à cette règle écrite dans le vent s'adapte à ses caprices et c'est tant mieux - Ariel fait ce qu'elle veut. Les autres ne sont pas son domaine de prédilection, son combat, sa mission.
Une main d'Arthur trouve sa place dans le creux de sa taille, le réflexe qu'on tous ceux qui embrassent, et c'est bref mais suffisant pour que son corps électrisé se laisse aller à ce contact. C'est assez rare qu'elle doute d'elle-même ; ce qu'elle redoute le plus souvent sont en fait les hésitations de ses partenaires, ceux qui se défilent au dernier moment, ceux qui s'arment d'un prétexte pour refuser le chant de la sirène, ceux qui entourent leur tête de principes et n'osent pas franchir la ligne de la liberté. Ariel sait très bien ignorer ses accès d'anxiété dans ces cas-là. Elle se dit qu'elle n'a qu'à rester elle-même, et tant pis si elle-même n'est que l'amalgame de ses peurs et des fausses excuses qu'elle fabrique pour animer de force la poupée de chiffons qu'elle a parfois l'impression d'être.
Le charme se rompt mais la distance entre leurs visages reste identique, proches encore pour que leurs nez se touchent presque. Elle ne dira pas au revoir à ses amis ce soir, elle s'en ira sans un mot au bras d'Arthur, la peau frémissante d'anticipation, l'excitation de la découverte à son comble. On lui a dit que pour certains la tension retombe après le premier baiser, mais chez elle c'est l'inverse ; la tension explose et la magnifie, l'enveloppe, la transporte, et elle s'abandonne tout à fait aux sensations que procurent le contact de sa peau et d'une autre.
Elle sourit bêtement lorsqu'il pose la question, elle reprend son souffle pour une courte réflexion. Mine, c'est une réponse courante de ce genre de rencontres, par facilité, proximité, flemme, contrainte. Ça ne choque plus ni ses voisins ni ses deux chats que de voir la jeune femme rentrer plusieurs fois par semaine avec un visage différent à son bras, et son appartement, petit et certainement mal ordonné, offre un décor idéal pour ce genre de situations - car elle n'est pas toujours du genre à vouloir qu'ils s'attardent. Mais Arthur n'est pas n'importe quel fêtard idiot mais beau rencontré au bar, Arthur n'est pas le genre d'homme qu'elle fréquente habituellement. Pas tout à fait une exception mais bien loin de la norme, et elle a beau nager dans sa nonchalance, il arrive qu'elle veuille faire les choses bien, s'offrir quelque chose de différent et d'un peu meilleur. Elle sait déjà qu'Arthur ne la traitera pas comme une gamine malgré leur différence d'âge, elle n'a pas envie de l'inviter dans son univers étriqué.
Alors elle sourit, encore, souffle un mot. "Yours." Curieuse, aussi, de découvrir l'envers du décor ; curieuse, aussi, de percer le mystère de l'écossais: au final, elle préfère agir que de lui avouer qu'il l'intrigue. Elle le laisse volontiers la guider, pour une fois, take the lead. De la poche de son jean elle sort un billet froissé qu'elle dépose sur le comptoir pour couvrir leurs consommations.
"Ready when you are," et ses doigts trouvent l'ourlet de sa veste pour s'y accrocher solidement.