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 Le beau père en carton (Grace)

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Message(#)Le beau père en carton (Grace) EmptyVen 27 Déc - 1:06

Putain les cons. Ils avaient embarqué Jeremy avec tous ceux qui avaient décidé de maintenir leur position face aux flics qui comptaient les virer de là. Forcément, c’était le chemin habituel qu’il prenait pour rentrer, donc manif ou pas, Jeremy il allait évidemment passer par-là. J’avais autre chose à foutre que de m’occuper de ce gosse, fait chier. Ils l’avaient ramené avec cinq autres gars complètement révoltés. Les grands gaillards avaient gardé leurs pancartes tellement ils en étaient fiers, ils ne voulaient pas les laisser dans la foule parmi les autres manifestants qui les piétineraient certainement. Avec leur masque antipollution qu’ils avaient décrochés de leurs oreilles et qui tombaient le long du cou, ils continuaient leurs jérémiades auprès des hommes en uniforme qui les avaient amenés au poste. Je les comprends en même temps, la forêt crame et l’autre Morrisson se voile toujours et encore la face sur le réchauffement climatique. Je ne pouvais pas leur en vouloir, mais continuer leur manifestation ici ne servait à rien. Les flics étaient à cran, ils ne faisaient que leur job après tout. Jeremy lui, était complètement recroquevillé sur lui-même. Il marmonnait un truc en boucle, et n’importe qui aurait pu voir qu’il n’avait rien à faire là.

Je me dirige vers un de nos gars en uniforme qui s’était un peu éloigné du groupe et tapote son épaule de ma main droite.« Vous n’auriez pas dû l’amener ici celui-là. Vous n’avez pas l’impression d’avoir fait une erreur ? », lui dis-je en montrant discrètement Jeremy du menton. Mon collègue hausse un sourcil, et dévisage le jeune homme. « J’ai pas eu le choix chef. Il a commencé à s’agiter tout seul et à devenir violent sans raison. Il s’est recroquevillé au sol en plein milieu de la foule, ben on a dû le dégager il avait rien à faire là. C'est à ce moment qu’il m’a poussé violemment et qu’il a mis une beigne à Jerry en même temps. » Je comprends mieux la raison de sa présence. Ils n’étaient pas tous formés à reconnaître les autistes dans la rue m’enfin là il était quand même évident que Jeremy n’était pas dangereux pour les autres, surtout que c’est pas la première fois qu’il se faisait embarquer. J’ai pas la patience de faire la morale à mon collègue, il fallait pour le moment que j’aille me montrer à Jeremy, il fallait que je le calme.

Je me déplace d’un pas décidé vers lui et tente de capter son regard en m’inclinant un peu.« Salut Jeremy, c’est Greg, tu te souviens de moi ? », dis-je de ma voix la plus douce possible. Sans grand étonnement, je ne reçois ni attention ni réponse de sa part. J’approche tout doucement ma main gauche vers son poignet sans le toucher, et j’ouvre ma main, paume au ciel, pour lui signifier que je veux le délivrer. « On va enlever ces menottes, elles doivent te faire mal. Ca marche, tu me laisses faire ? » Jeremy acquiesce d’un hochement de tête. De ma main droite, je fais signe au policier à côté de me passer les clés, avant de les montrer à mon interlocuteur. Je ne veux pas le toucher pour qu’il se braque à nouveau, je préfère attendre qu’il retire ses mains entortillées qu’il avait collées à sa poitrine. Il finit par me tendre sa main droite, et je relâche finalement le souffle que j’avais retenu. Je lui délie une première main, puis il me tend la deuxième. Il se crispe à nouveau dès que ses mains sont libres, et vient les placer à l’endroit initial.« Je vais appeler ta mère maintenant ok ? Elle va venir te chercher t’inquiète pas ça va aller. » Il ne répond pas mais je me saisis de mon téléphone enfoui dans la poche de mon jean.

Je cherche le nom d’Alexis, je sais qu’elle est toujours dans mes contacts. Ca fait plusieurs mois qu’on s’est pas vus tiens, faudrait que je lui propose un café un de ces quatre. J’appuie sur son nom quand je la trouve, et mon cœur s’accélère un peu. Je l’aimais bien quand même... Ca sonne même pas, je tombe directement sur sa messagerie et je raccroche immédiatement par réflexe. Merde t’es con pourquoi t’as fait ça. J’hésite à la rappeler pour laisser un message, mais je me dis qu’elle ne l’entendra pas tout de suite, et Jerem a besoin de sortir le plus vite possible… Je cherche alors Grace. Je sens que je vais me faire incendier par la gamine mais bon, faut bien que quelqu’un vienne chercher son frère. Elle décroche tout de suite, putain réactive la gamine.« Euh salut Grace c’est Greg. J’suis désolé de te déranger mais va falloir que tu viennes chercher ton frère au poste. Je t’expliquerai tout quand tu seras là. » Je raccroche aussi vite qu’elle a décroché pour éviter de me faire engueuler au téléphone, et me concentre à nouveau sur Jeremy. « Tu as soif ? Tu veux manger quelque chose ? »

@Grace Coughlin


Dernière édition par Gregory Morton le Sam 15 Fév - 18:20, édité 1 fois
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Message(#)Le beau père en carton (Grace) EmptyMar 31 Déc - 18:55

Y a mille et une choses qui se bousculent dans sa tête. Des pensées les plus obscures aux possibilités les moins vraisemblables, son esprit passe partout ; l'emmène directement au pire, le plus souvent, dans ce mécanisme bien apprécié des cerveaux pour éviter à leur propriétaire de trop se sentir démis si le pire arrivait vraiment. Un vieux truc de survivant, présage-t-elle, souvent erroné, quasiment toujours surjoué, et elle essaie de se rassurer tandis que sous la pression, ses affaires passent au travers de sa main handicapée et se répandent sur la même table où elle les a trouvées. Son autre main enfile ses chaussures comme elle peut – dans l'angoisse, la hâte, les tâches deviennent d'autant plus dures à jongler que son cerveau encore un peu cassé s'éparpille, s’oublie à lui-même, ne parvenant plus à coordonner pensée et gestes. Tant pis. Pas le temps de se calmer, de méditer, de prendre ses écouteurs pour passer des musiques qui la détendent – Jeremy l'attend. Dans quelles conditions, elle l'ignore, mais aucune qu'elle imagine ne lui convient. Ce qui est sûr, c'est qu'un appel de Greg n'augure rien de bon. Gregory, en général, n'augure rien de bon.

Grace presse le pas dans la rue, slalome avec l'aisance d'un chalutier en marée basse au milieu de la foule qui se presse – malgré les incendies, la haute saison se rend toujours attractive et les touristes se pressent dans la ville côtière avec une indifférence qui la dépasse. Le commissariat du quartier lui paraît beaucoup trop loin, et plus que jamais sa démarche claudiquante lui fait défaut. Elle s'en veut, d’avoir laissé Jeremy là-bas, s'en veut de sa lenteur qui l'exaspère elle-même, s'en veut d’avoir ne serait-ce que pensé qu'il pouvait s'en sortir en vivant seul, sans surveillance, sans la supervision de Jenna ou la sienne. En témoigne un week-end allongé qu’il est venu passer à Brisbane et au cours duquel, à peine le deuxième jour amorcé, il s’est déjà fait arrêté et est devenu victime de violences policières.

Nouveau commissariat pour une nouvelle bavure. La brune plaque son passeport contre la table du guichet et manifeste son impatience : “Je suis là pour voir Greg Morton, c’est lui qui s'occupe de mon frère.” Aucune manifestation d’amitié ou de courtoisie, elle s’annonce sans plus de cérémonie et espère que ça suffira. Ca a intérêt à suffire. La flic devant elle lui répond avec la morosité des habitués à ce job de vendus : “Je le préviens, il va venir vous chercher sous peu.” Un petit scan de passeport fait à deux à l’heure et cinq minutes durant lesquelles Grace a manqué d’acheter trois cafés pour lui jeter à la gueule plus tard, on vient la chercher. Pas Greg, un autre type, un peu plus petit et trappu que le grand ex-beau-père qu’elle connaît bien. Le type f ait mine de le suivre, et l’amène dans un dédale de couloirs jusqu’à un bureau frappé de l’insigne L. Morton.

Dans le bureau vide se trouve Gregory, l’air désemparé et complètement penaud, face à un Jeremy recroquevillé sur lui-même, déconnecté, absent. Et toujours, les putain de flashbacks de Jeremy terrifié, frappant sa tête dans ses paumes, contre la table, à peine apaisé par l'arrivée de sa sœur aussi paniquée que lui. Toujours la colère qui grimpe en elle, contre ce système qui fait pas son boulot, contre ces flics indifférents qui se foutent de sa gueule ou contemplent l'aîné Coughlin d'un air effrayé ; contre elle-même qui est partie au taf alors que Jeremy allait mal, s'agitait de cette façon un peu trop familière pour être anodine, ou sans lui dire de l'attendre et de pas sortir tout seul. Les émotions l’envahissent au moment où elle peut le moins les extérioriser. La jeune femme s’approche doucement de son frère, sans aucun regard pour le lieutenant de police qui le gardait. “Hé, Jer, c’est moi. C’est Grace. Regarde, j’ai ramené ton casque et un fidget spinner.” Dans sa précipitation, ses bagages avaient été peu et les fidget spinners étaient parmi les seuls trucs calmants pour les adultes sur le spectre qu’on trouvait dans la rue à bas prix. Elle tend les deux objets à son frère, le laisse mettre son casque et se saisir du jouet avant d’enfin se tourner vers Gregory - pas de gestes brusques, ni de voix haussée ; surtout ne pas le submerger de leur présence.

Salut, beau-daron.

Elle le nargue un peu, comme elle en a pris l’habitude durant les déjeuners et weekends “familiaux”, parce qu’elle sait qu’il déteste ça. Ca passe ses nerfs tout en faisant clairement comprendre à Gregory son état de mécontentement. “Il s’est passé quoi ?” Elle lutte tant bien que mal pour garder une voix égale, posée et rassurante. Le sang-froid, c'est pas toujours son point fort ; encore moins quand il s'agit de son frère aîné, qui touche si facilement ses cordes les plus sensibles. “T’as fait quoi depuis qu’il est là ?

@Gregory Morton
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Message(#)Le beau père en carton (Grace) EmptyMer 15 Jan - 16:03

Jeremy ne répond évidemment pas à mes questions. Je n’ai jamais su m’y prendre avec lui, il y avait toujours Grace ou sa mère qui prenait le relais, de façon à ce que je ne me retrouve jamais seul avec lui. A vrai dire, j’avais peur de mal faire, peur de lui déclencher des crises, et je n’avais aucune envie de m’impliquer dans cette partie-là de leur famille. Je balaye du regard la pièce dans laquelle nous nous trouvons à la recherche d’un objet qu’il pourrait manipuler pour le calmer, j’ai le souvenir que c’était ce qu’elles faisaient quand il avait une crise. A part du matériel courant dans un bureau, on ne pouvait pas y trouver grand-chose d’autre. Je me saisis d’une feuille et d’un stylo pour le lui tendre. « Tiens. Vas-y dessine ça t’apaisera peut-être. » Je m’adresse à lui avec une voix incertaine, comme si je parlais à un gamin de cinq ans qui ne veut pas me regarder parce qu’il ne veut pas avaler le brocolis qu’il a en bouche, et qu’il risque de me le recracher à la face. Jeremy ne me calcule pas le moins du monde, et je prie pour que Grace arrive rapidement. J’essaie de ne pas montrer mon angoisse, qui risquerait d’empirer les choses, mais ce n’est vraiment pas évident, d’autant plus que j’ai vachement mieux à foutre, putain. Archibald rentre dans mon bureau, certainement pour m’annoncer qu’il a terminé d’analyser ce que je lui avais demandé. Je l’envoie chier, effrayé par le fait qu’une nouvelle personne qui entre dans la pièce vienne perturber Jeremy. « Pas maintenant Archibald. » J’ai parlé fort, sèchement, avec une pointe d’irritation dans ma voix. Le frère Coughlin a dû le sentir puisque son état ne s’améliore pas, vraiment pas. Je griffonne un Ne pas déranger sur un post-it que je colle à ma porte, et prends la décision de la fermer afin qu’aucune intrusion ne vienne déstabiliser encore plus notre autiste. Je m’assois sur mon fauteuil derrière mon bureau, et tente de ne pas trop bouger. Je respire à peine, comme si le simple fait d’expirer risque de déclencher une nouvelle crise.

Les vingt minutes d’attente passèrent si lentement que j’eus le temps de faire sortir les 75% d’eau qui composent mon corps par la transpiration. Grace pointe enfin le bout de son nez, et je m’autorise à respirer normalement à nouveau. Elle se dirige directement vers son frère, et je ne lui en veux absolument pas, j’ai juste hâte qu’elle le sorte de là, que je puisse changer ma chemise et me remettre de mes émotions pour faire avancer l’enquête sur laquelle je bosse. « Salut, beau-daron. » Je déteste ce surnom, mais je me contente de lui offrir un énorme sourire bourré de sincérité, et de soulagement. « Salut Grace », je lui parle tout doucement, toujours dans la crainte, mais le cœur bien plus léger cette fois. Elle va tout prendre en charge, j’ai fait ma part du boulot. « Il s’est passé quoi ? T’as fait quoi depuis qu’il est là ? » Je ne réponds pas à sa première question, volontairement. Je sais qu’elle n’est pas vraiment heureuse d’être là, et je sais aussi qu’elle m’en veut. Malgré sa voix douce et posée, je sais reconnaître son regard noir accusateur. Je me lève lentement pour être à sa hauteur, et me frotte l'arrière du crâne pendant que je m'explique. « Euh, je l’ai isolé des autres et je l’ai amené dans mon bureau. Je lui ai proposé à boire et à manger mais il n’a rien voulu, et puis j’ai essayé de lui passer des trucs pour qu’il s’occupe pour se calmer mais ça a pas trop marché. » Je sais qu’elle veut la réponse à sa première question, je sens que la colère qu’elle essayait de contenir atteint sa limite, et je l’invite à sortir dans le couloir. Je referme tout de suite la porte sur nous, laissant le jeune homme tout seul dans la pièce et isolé de notre conversation.

« Il s’est retrouvé en plein milieu de la manif. Tu t’en doutes, il a pas super bien réagi. » J’ajoute le plus délicatement possible « Un flic a voulu le dégager parce qu’il s’était foutu par terre, du coup Jerem s’est un peu emporté et a montré des signes d’agressivité. Donc les flics l’ont embarqué. » Je comprends son ressenti, ils ont été cons les gars de ne pas avoir vu que son frère n’était pas comme les autres, mais il ne pouvaient pas faire du cas par cas. « Ecoute je comprends que tu sois énervée, mais faut que t’essaies de comprendre les flics aussi. Ils sont à cran et ils voient pas toujours quand ils font le bien ou le mal, c’est pas toujours de leur faute. » Je ne sais pas pourquoi je ressens le besoin de défendre corps et âme mes collègues alors que je sais qu’ils avaient tort sur ce point, peut-être par réflexe. Je sais que je suis allé trop loin avec cette phrase, et je me prépare à me faire incendier par la jeune femme sortie de ses gonds. Putain, t’es vraiment con Greg.


@Grace Coughlin :l:
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Message(#)Le beau père en carton (Grace) EmptyMer 29 Jan - 19:46

La porte du bureau se referme sur eux et Grace ronge son frein, patiente autant que faire se peut avant d’exploser à la gueule de Greg. L’espace de quelques secondes, elle surveille son frère à l’intérieur du bureau, vérifie que la crise n’empire pas : le fidget spinner semble l’avoir jugulée. Un autre bibelot à écrire sur le carnet que leur mère garde en toute circonstance concernant les stimuli et les calmants de l’aîné Coughlin. Cette vue la rassérène, au moins quelques secondes, avant qu’elle ne sente la colère remonter lorsque le lieutenant reprend la parole.

« Il s’est retrouvé en plein milieu de la manif. Tu t’en doutes, il a pas super bien réagi. »

Elle sent Gregory prendre des pincettes, marcher sur des oeufs. Elle sait qu’il est en position délicate et, d’ailleurs, avec Jeremy, il l’avait toujours été. C’était autrefois un des principaux contentieux entre lui et la mère du trio : le manque de délicatesse, de savoir-faire, de compréhension. Comme si cette connaissance parfaite des troubles Asperger devait être intrinsèque aux yeux du clan Coughlin. D’ailleurs, aucun d’entre eux n’avait jamais été très tolérant, très patient avec ceux qui tentaient d’infiltrer leur famille sans connaissance préalable de l’autisme : Jenna y était passée, le père de Darren et Thomas y était passé ; Greg y était passé. Et - fallait-il vraiment le préciser - Greg n’en était pas ressorti vainqueur ni grandi. “Je m’en doute. J’imagine que tes homme ont pas super bien réagi non plus.” Ses positions nécessairement modérées sur les forces armées australiennes avaient radicalement viré au négatif suite aux nombreux abus qu’avait subi son frère, et face à l’impuissance du civil contre l’homme en uniforme. « Un flic a voulu le dégager parce qu’il s’était foutu par terre, du coup Jerem s’est un peu emporté et a montré des signes d’agressivité. Donc les flics l’ont embarqué. » La voix de l’homme est passée discrète, étouffée et en réponse, Grace sent ses dents se serrer davantage. Les fameux signes d’agressivité d’un garçon trop maigre pour sa taille, qui se frappait lui-même avant qu’on ne le touche. Elle s’interrompt juste avant de rétorquer un peu trop violemment.

« Ecoute je comprends que tu sois énervée, mais faut que t’essaies de comprendre les flics aussi. Ils sont à cran et ils voient pas toujours quand ils font le bien ou le mal, c’est pas toujours de leur faute. »

Le dernier gond saute. “Ah, excuse, je croyais que c'était votre vocation première, de différencier le bien et le mal et de rendre cette différence claire aux yeux de la plèbe que nous sommes.” Son ton s’est haussé sans qu’elle ne le contrôle, ni même qu’elle s’en rende compte, et il lui faut revenir à la réalité de son frère dans la salle à côté pour qu’elle retrouve un débit normal : “Mais je suppose que pour les abos, les putes et les handicapés, la ligne entre les deux est pas toujours claire, hm ?” Des débats qu’ils avaient eu mille fois, sous le regard désapprobateur de la matriarche face à une Grace toujours engagée et un Gregory toujours sur le défensive. Sa voix tremble sous la colère et elle déglutit en s'efforçant de se reprendre. Elle fréquentait pas trop les manifestations, Grace, du moins plus maintenant. Elle avait été témoin de la brutalité de certains employés des forces de l'ordre, plus récemment leurs victimes lors d’altercations extérieures – ce qui lui avait fait décréter que les manifestations, les grands rassemblements de foule, plus jamais. Juste par précaution. Et Greg, aussi désemparé qu'elle devant une situation qu'elle imaginait quotidienne, ne faisait rien pour la rassurer. Ce qui ne faisait que l'énerver davantage en retour.  “Putain, Greg, t’avais un job et…” A force de les contacter, ses maxillaires commencent à lui faire mal. Une fois n'est pas coutume, elle doit s’exhorter au calme. Sa main gauche passe énergiquement sur son visage, puis frotte ses paupières. Grande inspiration. Regard à travers la porte à la vitre brouillée : Jeremy a l'air concentré sur son fidget spinner. Sa sœur cadette sent enfin sa colère retomber un peu.

Bon. Il risque quoi ? Il a vraiment fait du mal à un mec ou...?” Elle guide malgré lui le quadra jusqu’aux machines à café et lui désigne qu’elle veut un americano et un kitkat. Dédommagement émotionnel. “Et tes potes finis à la pisse, vous comptez les former un jour ? On a droit à une excuse ou on se tire en étant contents de pas prendre 48h de garde à vue ?

@Gregory Morton Le beau père en carton (Grace) 2523491165
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Message(#)Le beau père en carton (Grace) EmptyVen 7 Fév - 21:08

On n’a jamais été d’accord sur ça, et Grace me l’a toujours fait comprendre. Les gros débats à table - sur le rôle des flics dans les manifs en grande partie - qui allumaient la mèche pour cracher sur les flics en général n’étaient pas peu fréquents. Sa mère intervenait quand l’ambiance devenait alors trop lourde et accusatrice, sans quoi j’aurai étouffé sa fille en lui fourrant le plat de chou-fleur dans la gueule pour qu’elle se taise. Je suis d’ailleurs certain qu’elle ne se serait pas privée pour me catapulter ses petits pois de sa cuillère pour m’énerver encore plus, la gamine. Aujourd’hui c’était différent, je ne faisais plus partie de la famille, j’étais à mon boulot, et c’était moi le chef. Je cherchais à la rassurer, à faire en sorte que le ton ne monte pas pour que Jeremy ne se soucie que de son fidget spinner, mais j’avoue que j’ai une peu provoqué la rebelle de la famille en essayant de défendre mes collègues.

« Ah, excuse, je croyais que c'était votre vocation première, de différencier le bien et le mal et de rendre cette différence claire aux yeux de la plèbe que nous sommes. » Elle rétorque, comme à ses habitudes, mais je ne peux pas me permettre de m’emporter ici. Je prends sur moi et je serre ma mâchoire pour empêcher les mots qui démangent mes lèvres de s’en échapper. Ta gueule Grace, les flics sont pas tous des connards. On fait régner la paix comme on peut, avec les moyens qu’on a. C’est ce que j’ai envie de lui dire, mais je sais que ça n’engendrerait rien de bon. A la place, je ferme ma gueule. Je fourre mes mains dans mes poches dans l’espoir d’y trouver un moyen de me calmer, comme le jouet de l’ainé Coughlin qui l’avait calmé, lui, mais mes doigts se heurtent à mon paquet de clopes. Il m’appelle, me supplie de le sortir de là pour en brûler une cigarette et remplir mes poumons de cette fumée nocive. Putain c’que j’ai envie de fumer, là maintenant tout de suite. Grace attaque une nouvelle fois, utilisant cette fois-ci des mots plus durs. « Mais je suppose que pour les abos, les putes et les handicapés, la ligne entre les deux est pas toujours claire, hm ? » Elle cherche à me faire réagir, mais je ne répondrai pas à cette provocation. « Ecoute Grace, je suis désolé pour ce que j’ai dit. Jeremy n’y est pour rien, les flics se sont mal comportés. C’est bon, on peut oublier tout ça ? Je… » Elle m’interrompt, désespéré par mes fausses excuses « Putain, Greg, t’avais un job et… » La gamine se contient, je sais qu’elle le fait pour son frère, qu’elle garde sa frustration au fond d’elle-même pour éviter que cette discussion n’affecte encore plus son état d’esprit actuel : elle doit s’occuper de lui, elle doit le ramener, et elle ne veut pas que son irritation se fasse ressentir. Elle a besoin de blâmer quelqu’un, et cette personne c’est moi. J’avais un job ? J’étais pas sur les lieux à ce que je sache. Elle se passe une main sur le visage avant de focaliser son attention sur son frère à nouveau. Elle semble retrouver un semblant de calme, et je me permets alors de souffler discrètement. La tornade est passée, je crois. J’espère. Je ne sais pas s’il faut que je parle, ou s’il faut que je me taise, mais j’opte pour la deuxième option, trop préoccupé par le fait qu’elle pourra exploser une nouvelle fois si je l’ouvre.

« Bon. Il risque quoi ? Il a vraiment fait du mal à un mec ou...? » Elle se dirige vers les distributeurs, choisit son café et son encas avant d’attendre que je sorte les pièces pour payer à sa place. T’en perds pas une hein, gamine va. Ma réflexion se transmet dans le regard que je lui lance, mais elle n’y prête pas attention, et, d’un haussement de sourcil, me fait comprendre que je lui vaux bien ça. Je soupire, mais fouille finalement mes poches pour en sortir de la monnaie. « Il risque rien ton frère, c’est bon je me suis occupé de ça t’as pas à t’inquiéter. » Le bip de la machine nous indique que le café de madame est prêt, et je décide de m’en faire un également, j’en ai bien besoin. « Et tes potes finis à la pisse, vous comptez les former un jour ? On a droit à une excuse ou on se tire en étant contents de pas prendre 48h de garde à vue ? » Je soupire bruyamment avant de lui lancer un regard désapprobateur. Je ne rebondis pas sur l’insulte envers mes collègues, ça l’enchanterait beaucoup trop. « Va falloir que t’arrête de défier l’autorité toi. C’est bon, j’irai parler aux gars qui l’ont arrêté. » J’hésite à le rajouter, mais je me suis contenu trop longtemps pour me défendre, c’est plus fort que moi et je ne peux pas juste m’excuser en lui promettant de belles choses. « T’sais on n’est pas riches, on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a. Et on n’a pas les moyens de former tout le monde pour chaque pathologie, chaque cas particulier. Ce serait bien, idéalement, mais c’est pas possible. C’est pas juste, mais faut que les personnes comme Jerem ne se promènent pas dans des endroits à risque. Tu savais que y’avait une manif, non ? S’il n’était pas passé par là, y’aurait pas eu de risque. » Je n’attends pas sa réponse, je récupère rapidement mon café et évite de croiser son regard. « J’vais me fumer une clope, j’en peux plus là. Tu veux venir ? Je pense que Jeremy peut se garder tout seul maintenant qu’il s’est calmé. » Je me dirige vers les escaliers pour descendre, et je la vois me suivre. Arrivés en bas, je pose mon gobelet sur le rebord d'une fenêtre et sors mon paquet. Rien que de savoir que je vais enfin m'allumer une clope m'apaise. Je sors une cigarette, que je coince entre mes lippes, et en propose une à Grace avant d'allumer la mienne. Je tire une longue bouffée et apprécie la fumée du tabac carbonisé qui pénètre dans mes poumons avant de lancer un sujet plus léger. « Comment tu vas toi, Grace ? Depuis le temps... Ca t'a réussi tes études en droit ? Qu'est ce que tu deviens ? » Ca faisait effectivement très longtemps que nos chemins ne s'étaient pas croisé.

@Grace Coughlin :l:
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Message(#)Le beau père en carton (Grace) EmptySam 8 Fév - 22:47

La culpabilité la ronge aussi intensément que la colère la consume. Il y avait certainement mille et un moyens de se prévenir de ce genre d’incidents - rester avec Jeremy jusqu’au soir, tant pis pour le boulot ; l’emmener avec elle, le confier à quelqu’un plus tôt… Elle aurait dû savoir. C’était son rôle, et si personne n’était là pour le lui reprocher, à l’exception de sa conscience, elle y avait manqué avec une ignorance aussi fatale qu’inconcevable. C’avait toujours été elle, la gardienne de son frère aîné, on avait toujours compté instinctivement sur ses connaissances évidentes du fonctionnement intrinsèque de Jeremy pour résoudre n’importe quel problème. Sauf aujourd’hui. Il aurait pu se passer n’importe quel malentendu bénin - une tentative de vol au supermarché, une crise à cause du chat… Mais Grace avait négligé la manifestation. Il ne lui était même pas venu à l’esprit qu’il puisse la rencontrer. Elle n’avait même pas jugé utile de l’en prévenir. « Ecoute Grace, je suis désolé pour ce que j’ai dit. Jeremy n’y est pour rien, les flics se sont mal comportés. C’est bon, on peut oublier tout ça ? Je… » Mais Grace n’a pas fini. Grace a besoin de se sentir punie et de punir à son tour, et Gregory lui offre l’occasion parfaite de le faire en lui rappelant que l’ennemi, ce n’est pas son oubli, c’est la violence policière.

Elle regrette presque aussitôt son reproche suivant et le tue dans l’oeuf en l’interrompant d’un soupir profond, désabusé, fatigué. Gregory n’y est pour rien - ça l’embête, ça la dérange, et surtout, ça lui fait extrêmement mal de l’admettre, mais il n’a aucune culpabilité à porter et elle n’en a jamais été aussi consciente. C’est à ses collègues de subir son courroux, pas à une cible facile qui a pour seul malheur de la connaître. Et d’être flic. Un bon gros défaut, selon elle. « Va falloir que t’arrête de défier l’autorité toi. C’est bon, j’irai parler aux gars qui l’ont arrêté. » Comme si c’était possible. “Sinon quoi, je vais me prendre une matraque aussi ?” Son ton est désormais désinvolte mais la colère est toujours présente, en sourdine, face à cette police qui prétend protéger mais qui blesse trop souvent, qui s’en prend aux cibles faciles et qui ne réfléchit pas à deux fois avant d’en venir à la violence. Les manifestations pour Kumanjayi Walker n’avaient qu’un mois d’ancienneté et déjà, le pays semblait avoir oublié, la police estimait que le coupable était puni et se contentait d’une tête tombée pour ne pas avoir à remettre un système entier en question. Gregory paie son café et continue sa litanie sur le manque de moyens, sur l’ignorance incontournable face à des pathologies particulières, et elle n’entend que des excuses.

Non, Greg, j’étais pas au courant. Tu sais, j’ai un boulot aussi, et il n’inclut pas de connaître les dates de toutes les manifestations.” Elle ment, et elle se ment à elle-même. Elle aurait du vérifier, elle vérifiait toujours, avant. Elle l’accompagnait en porte-à-porte. Elle avait cru leur mère quand elle lui avait assurée que Jeremy était désormais autonome, mais Brisbane n’était pas Gold Coast. “Il était pas censé sortir aujourd'hui. J’étais au travail, je lui avais dit de m'appeler s'il avait besoin de quoi que ce soit, mais tu le connais. Il a une amie proche ici, il voulait aller la voir, il a pas eu la patience d'attendre et il a pas jugé utile de me prévenir.” Les mots sortent sans accusation ni ressentiment aucun. L'impulsion de son frère et sa fâcheuse tendance à déroger aux règles qu'ils s'imposent mutuellement ont souvent étiolé sa patience, avant qu'elle ne finisse par accepter l'idée : ça faisait partie de ces choses qui ne changeraient jamais chez son aîné, parce qu'il n'y pouvait rien. Pas plus qu'il ne pouvait retenir ses réactions violentes en cas de choc. Elle reprend, cette fois plus doucement, en guise de merci pour le Kit Kat : “Toutes les personnes ‘à risque’, comme tu les appelles, sont pas forcément à même de s'en prévenir. Si ce n'était qu'une question d’imprudence ou de provocation il y aurait moins de victimes, ne prétends pas l'ignorer.

Le débat est stérile, et a été suffisamment passé en revue pour que chacun en soit conscient. Greg propose une trêve, et Grace hoche la tête de façon lasse. Coup d’oeil à son portable : il va falloir qu’elle retourne bosser. Et, par la même occasion, qu’elle trouve une solution pour Jeremy. Le perron du commissariat lui semble d’un coup plus respirable et elle accepte la clope que lui tend le flic, la pince entre ses lèvres et vole son briquet pour l’allumer. « Comment tu vas toi, Grace ? Depuis le temps... Ca t'a réussi tes études en droit ? Qu'est ce que tu deviens ? » Elle s’attendait un peu à la prise de nouvelles réglementaire : entre ex-beau-père et ex-belle-fille, la discussion semble de mise et, surtout, Grace découvre qu’elle a envie de savoir, elle aussi. “Bien”, qu’elle répond. “Tellement bien que j’ai jamais repris, en fait. Mon année sabbatique s’est un peu transformée en un job à temps plein.” Ils ne s’étaient que rarement croisés, au final ; trop prise entre deux voyages censés être temporaires, Grace n’avait croisé Greg que dans de rares, mais intenses séjours dans sa famille. Le feeling n’était pas forcément passé ; pas plus qu’avec Lena ou Jeremy, d’ailleurs.

Je suis photographe maintenant. De plateau. On prend des photos qui serviront de promotion ou de couverture à des films, des séries, ce genre de choses.

Elle n’a pas le coeur à s’étaler davantage sur sa passion, songeant surtout au boss qui l’attend et qui risque de la virer si elle n’est pas de retour pour seize heures. Nouveau regard pour l’écran : 14h50. Elle s’excuse un instant face à Greg pour écrire un message rapide et plein de suppliques à la seule personne qui peut s’occuper de Jeremy en son absence. Elle ne pensait pas voir Lola avant le lendemain, mais la perspective de la croiser une demi-seconde sur un parking la rend assez guillerette pour être agréable. “J’ai demandé à quelqu’un de garder Jeremy, on tardera pas”, informe-t-elle le flic, levant sa cigarette à hauteur d’oeil pour appuyer l’idée qu’elle ne l’embêterait pas plus longtemps. Retour au sujet : “Et toi ? T’as refait ta vie ? Rasta va toujours bien ?” Rasta, c’était le meilleur pote de Chicken Salad, à l’époque où ce dernier était encore jeune et fougueux ; leur séparation avait peut-être été la peine de coeur la plus brutale que Grace ait pu voir. “Maman a eu le poste de procureure générale, au fait, y a deux ans. Mais j’imagine que t’as entendu.” Elle se pince les lèvres : pas sûr qu’aborder Alexis fut l’idée du siècle. Elle décide de dévier, de poser une question dont elle avait oublié la réponse, depuis le temps. “T’es dans quelle division de la police, maintenant ?

@gregory morton acab, nonobstant.
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Message(#)Le beau père en carton (Grace) EmptySam 15 Fév - 19:32

Je me sens mal de la voir comme ça. Je sais que son frère prend une place énorme dans sa vie, elle n’a rien demandé mais c’est tout naturellement qu’elle l’a pris sous son aile. Je comprends parfaitement qu’elle soit remontée, mais je ne peux pas faire grand-chose d’autre que ce que je suis en train de faire actuellement : tenter de calmer son frère, puis d’apaiser la gamine enragée. J’ai suffisamment donné dans cette famille, ce n’est plus mon rôle, je ne suis plus son beau-père. « Sinon quoi, je vais me prendre une matraque aussi ? » Elle me lâche cette énième provocation remplie de colère, et cette fois-ci, c’est trop. « Arrête Grace, ça suffit maintenant. » que je lui sors sur un ton autoritaire, bien trop peu familier quand je m’adresse à elle. Je n’ai jamais pris ce rôle de beau-père au sérieux, et je savais que je n’avais aucun mot à dire sur l’éducation d’Alexis sur ses enfants. « Si t’as besoin de te défouler, fais-le sur un vrai punching-ball et arrête de me blâmer pour des erreurs que je n’ai pas commises. Je t’ai dit que j’allais parler aux gars, je vais le faire, je te le promets, mais je ne te garantie pas que ça changera toutes les mentalités. Je fais comme je peux Grace. » J’enchaîne sur une pseudo-morale qui ne l’intéresse nullement. Je sais que je perds mon temps à essayer de lui expliquer mon point de vue, elle doit prendre tout ce que je dis comme des excuses camouflant la mauvaise foi des flics, ce qui n’est pas toujours faux. C’est seulement quand je ramène Jeremy dans la conversation qu’elle semble à nouveau concernée. « Non, Greg, j’étais pas au courant. Tu sais, j’ai un boulot aussi, et il n’inclut pas de connaître les dates de toutes les manifestations. » Elle se défend en se cachant sous des fausses excuses, elle-aussi, et je ne peux pas la blâmer : ça doit être lourd de toujours veiller sur son aîné après tout ce temps. Elle m’explique la raison pour laquelle son frère est sorti malgré le fait qu’elle le lui avait "interdit", et continue sa tirade en dépit de ma lassitude. « Toutes les personnes ‘à risque’, comme tu les appelles, sont pas forcément à même de s'en prévenir. Si ce n'était qu'une question d’imprudence ou de provocation il y aurait moins de victimes, ne prétends pas l'ignorer. » Elle n’a pas tort, j’en suis pleinement conscient mais je ne veux pas m’avouer vaincu, ni continuer à débattre sur d’autres points sur lesquels nous ne serions pas d’accord. Je lui propose alors de descendre fumer, et elle finit par accepter.

La clope me fait un bien fou, le café aussi. Je vais certainement pas tarder à utiliser les chiottes là-haut, c’est la règle des 3c qui l’impose. Ca me permettra au moins d’écourter la conversation si elle repart dans des sujets qui font débat, j’ai aucun envie de me prendre la tête dessus encore une fois. Je lance une banalité pour que Grace me parle d’elle, par politesse mais aussi parce que j’ai envie de savoir. « Je suis photographe maintenant. De plateau. On prend des photos qui serviront de promotion ou de couverture à des films, des séries, ce genre de choses. » Son changement de cursus m’étonne, j’aurai pensé qu’elle terminerait ses études en droit. Pour moi, son avenir était tout tracé, c’était une gamine brillante, et je dois avouer que ça m’a un peu déçu qu’elle m’avoue s’être orientée vers ce hobby. T’es trop intelligente pour ça Grace, qu’est-ce que t’es venue te foutre dans un job aussi instable ? Je me retiens de lui dire le fond de ma pensée, mais mon expression faciale doit certainement me trahir. Je tente tout de même de l’interroger, subtilement. « Ah ! Et… ça va, tu gagnes bien quand même ? » Chacun des mots que j’ai choisis sont maladroits et orientés, j’aurais très bien pu lui dire T’es vraiment conne d’avoir lâché un job qui aurait pu t’apporter une grande carrière et la réputation qui va avec, pour un loisir que tu peux pratiquer en dehors, ça n’aurait rien changé. J’essaie de rattraper le coup. « Enfin, j’veux dire, ça doit pas être très stable ? Sauf si t’enchaînes les projets ? C’est le cas pour toi ? » Tu t’enfonces Greg, ta gueule Je me réfugie derrière ma clope, puis derrière mon café, en espérant ne pas annoncer la couleur d’un nouveau débat qui s’annoncerait une nouvelle fois stérile.

Elle pianote rapidement un message et m’annonce que quelqu’un s’occupera de Jeremy, et je hoche la tête en soufflant la fumée de ma cigarette en guise d’approbation. « Et toi ? T’as refait ta vie ? Rasta va toujours bien ? » C’est quand même l’une des premières choses qu’elle demande, des nouvelles de Rasta. Il me faisait vraiment mourir de rire ce chien. Lui et Chicken Salad s’entendaient à merveille, ils étaient devenus très bons copains et Rasta avait été réellement triste quand il n’avait plus revu son meilleur ami. « Ben écoute, refais ma vie c’est un grand mot. J’ai pas changé, tu vois bien j’suis toujours le vieux con que t’as connu. » Et j’ai toujours pas d’enfants, ni de femme, ni de famille que j’ai envie d’ajouter. J’ai jamais réussi à retrouver l’amour après Alexis, et des fois je me dis que j’aurais peut-être mieux fait de rester avec elle. J’étais un peu moins con au moins, à l’époque. « Rasta est mort depuis trois ans maintenant. Il s’est fait percuter par un connard qui avait rien à foutre dans le parc en bagnole, surtout à cette heure-ci. Le véto a rien pu faire. » J’ai encore beaucoup de rancoeur, et j’aurais eu du mal à retenir les coups si j’avais chopé le gars. Trop préoccupé par Rasta, j’avais même pas relevé la plaque d’immatriculation du salopard, mais je l’ai vite regretté. « Maman a eu le poste de procureure générale, au fait, y a deux ans. Mais j’imagine que t’as entendu. » Décidemment, elle enchaîne les sujets fâcheux. « Non, je savais pas. Tant mieux pour elle, c’est super ! Tu la féliciteras de ma part si tu la vois, deux ans en retard, mais mieux vaut tard que jamais hein ! » je dis sur un ton plus léger. Je suis réellement content pour elle, elle a bossé dur pour en arriver là. J’ai beaucoup d’admiration pour elle, trois enfants, une belle carrière, un esprit sain et toujours un corps de jeune femme. Elle est belle Alexis, belle dans tout ce qu’elle entreprend, dans tout ce qu’elle fait. Repenser à elle me fend le visage en un sourire béat que je tente de retenir, il faut vraiment que je la recontacte pour aller boire un verre avec elle. Grace me coupe dans mes pensées, et me ré-ancre dans un sujet bien plus actuel. « Parce que tu t’intéresses à moi maintenant, c’est nouveau ça ? » que je lui lance en riant. « Je suis dans la brigade criminelle, puis tu sais toute la psychologie et l’étude comportementale ça va carrément bien dedans. Il était temps que j’y entre ! »

@Grace Coughlin :l:
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Message(#)Le beau père en carton (Grace) EmptyMar 18 Fév - 0:07

Pas de doutes possibles : se recroiser après près de dix ans sans nouvelles, ça remet les idées en place. L’absence aidant, Grace avait fini par considérer Gregory comme un mec pas si mal, en fin de compte ; un homme maladroit dans ses gestes, dans ses mots et, en fait, dans presque tout ce qu’il entreprenait, mais qui avait aidé leur mère à se relever d’une période difficile et, l’un dans l’autre, ça importait davantage à la jeune femme que les différends qu’elle avait pu avoir avec lui par le passé. Aujourd’hui, bien droite comme un I (du moins, autant que faire se peut pour elle) devant le jeune flic aguerri qui lui rejette ses torts en pleine gueule, Grace se rappelle exactement de ce qu’elle n’aimait pas chez lui. De tout ce qu’elle pouvait, plus ou moins justement, lui reprocher avec les fortes convictions de jeune adulte qui l’habitaient alors, parce qu’elle se rend compte qu’avec l’âge, la plupart n’ont pas tout à fait disparu. Certaines se sont même renforcées ; notamment autour des violences policières. Elle aimerait bien faire mieux la part des choses, Grace, et ne pas déchaîner sa colère sur la mauvaise personne, parce que ce n’est pas Greg qui a foutu son frère à terre, mais c’est difficile de les différencier. Question d’uniforme, de principes, et possiblement aussi d’envie d’en foutre plein la gueule de Greg.

Elle considère que lui payer un café est la moindre des choses que le flic puisse faire. Gregory s’exécute, l’air mauvais, pendant que la jeune photographe examine le poste de police. L’ambiance anxiogène de l’ensemble lui passe au-dessus comme une vague fraîche en plein été - la panique qu’elle avait ressenti en arrivant avait fini de la quitter dès lors que la situation Jeremy avait été réglée. Les employés en uniforme qui s’agitent autour d’eux pour boucler leurs dossiers avant les deadlines ne l’atteignent pas plus que la lignée de manifestants arrêtés qui se plaignent des menottes qui les serrent trop. Le total lui paraît lointain, trop éloigné pour être palpable, maintenant que la seule vérité qui lui importe est établie et irréversible : son aîné est sain et sauf. Son absence sera remarquée au boulot, Magnus et Julia doivent compter les minutes avant son retour, mais elle s’autorise à laisser le stress de côté un bref instant. Juste le temps de trouver une solution solide et de descendre une cigarette avant de retourner à sa vie trop agitée.

« Ah ! Et… ça va, tu gagnes bien quand même ? »

Et voilà, qu’elle pense ; encore une raison pour laquelle elle n’aimait pas tant Greg que ça. Cette idée un peu persistante chez lui que tout se jouait au mérite et que la fac était aujourd’hui l’ultime voie du succès pour la génération en formation. “Figure-toi que oui”, répond-elle, pas aussi convaincue qu’elle aurait aimé l’être. Comme tout métier dans l’art, ça se jouait à la chance et au carnet d’adresse. Un bon film avec un bon réalisateur lui permettait d’assurer ses arrières pendant six mois, puis la chance retombait et elle devait enchaîner les projets rapides et peu rémunérateurs pour terminer les six suivants intacte. Elle avait accepté cet état de fait comme partie intégrante du concept de vivre de son art. “Y a toujours des projets si tu sais où chercher.” Pas forcément les meilleurs, ni les plus passionnants, mais il y en avait. Pas forcément les plus simples non plus, avec son bras handicapé, mais elle composait avec l’idée de ne plus jamais avoir totalement sa liberté de ce côté-là. “T’imagines, c’est pas super bien passé avec Maman…” Alexis qui l’avait toujours imaginée avec une brillante carrière dans son sillon, à défaut d’avoir reçu un fils prodigue.

« Ben écoute, refais ma vie c’est un grand mot. J’ai pas changé, tu vois bien j’suis toujours le vieux con que t’as connu. »

La réponse de Greg la fait ouvertement rire et elle n’essaie même pas de le contredire. “Avec dix ans de plus”, qu’elle renchérit bouche en coeur, ravie de remuer le couteau dans la plaie. Pour déconner, comme toujours, mais toujours avec son petit fond de vérité. « Rasta est mort depuis trois ans maintenant. Il s’est fait percuter par un connard qui avait rien à foutre dans le parc en bagnole, surtout à cette heure-ci. Le véto a rien pu faire. » Cette fois-là, Grace ne sait pas quoi répondre. Ca la touche toujours un peu, la mort d’animaux, elle qui en a toujours été entourée. Elle a du mal à se rappeler de la peine que lui a infligé la mort de Chicken Salad, survenue alors qu’elle était encore à l’hôpital - les médicaments y étaient sûrement pour beaucoup ; mais même sans deuil, le vide était resté. “Désolée”, lâche-t-elle faute de mieux. “Notre petit vieux a pas duré bien plus longtemps, non plus.” Le vieux berger avait toujours veillé sur les gamins, apaisé les crises de Jeremy, servi de poney à Lena et reçu les larmes de la cadette dans ses poils épais. Dans ses vieux jours, Rasta avait un peu été son renouveau, une nouvelle jeunesse et elle était sûre qu’il avait vécu jusqu’à l’honorable âge de treize ans en partie grâce au chien de Greg.

Mais mieux valait changer de sujet, parce que les promotions, c’était toujours plus plaisant que les morts de chiens aimés par tous, ou les violences policières sur les minorités. « Non, je savais pas. Tant mieux pour elle, c’est super ! Tu la féliciteras de ma part si tu la vois, deux ans en retard, mais mieux vaut tard que jamais hein ! » Ses lippes s’étirent en ce fameux sourire un peu faux. Elle ne sait pas quand elle verra Alexis - sûrement le mercredi suivant, c’était censé être leur rite, mais s’avérait qu’être procureure générale ne laissait pas toujours le temps pour s’occuper de sa famille. Au fond, du temps pour sa famille, elle n’en avait jamais vraiment eu, et Grace commence à se demander si ce n’est pas personnel. Vibration dans sa poche arrière : Lola répond qu’elle arrive et comme à chaque fois, ça lui retire ses idées moroses, petit pincement au coeur à la con en supplément. « Parce que tu t’intéresses à moi maintenant, c’est nouveau ça ? » Oui. Non. Plus franchement, maintenant que Lola a répondu. Elle fait bonne figure, finit son cappuccino et sa clope d’une traite, se recoiffe de sa main valide : “C’est que tu m’as manqué, papou.” Elle singe un air triste mais ne maquille pas tout à fait son trouble soudain.

« Je suis dans la brigade criminelle, puis tu sais toute la psychologie et l’étude comportementale ça va carrément bien dedans. Il était temps que j’y entre ! »

Elle reprend contact avec la réalité et adresse un sourire à Greg. Un vrai, cette fois, parce qu’elle sent dans sa voix qu’il est heureux d’en être là ; presque soulagé. “C’est cool, Greg”, déclare la photographe, et elle le pense vraiment. “Si jamais j’ai affaire à un psychopathe un jour, je t’appelle.” Coup d’oeil rapide sur son portable : Lola ne devrait pas tarder, il faut qu’elle retourne chercher Jeremy. Elle détend ses épaules et jette son gobelet en même temps que son mégot dans la poubelle de l’entrée. “D’ailleurs, si t’as le temps, t’iras jeter un oeil à un mec qui s’appelle Marty...Marty quelque chose, je sais pas. Mais on m’a dit qu’il était un peu bizarre.” Elle sourit de toutes ses dents, toute fière, conclut la vanne d’une petite tape sur l’épaule un peu tremblante. Ses pieds ont du mal à se coordonner jusqu’à la salle où se trouve Jeremy, mais elle n’a plus aucune crainte quand elle lui affirme avec aplomb “on va retrouver Lola”. L’aîné non plus et ils traversent le poste, main dans la main, regard de Jeremy vissé au sol tandis que Grace s’autorise un nouveau sourire moqueur en direction du beau-papa d’antan.

@Gregory Morton affaire à suivre, donc. Le beau père en carton (Grace) 4251317097
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