AÏEUH ! Beugla sans aucune grâce ni dignité l'un des photographes les plus connus du monde, autant pour ses clichés que pour sa classe en toutes circonstances lors des événements publics. Un charisme savamment pensé à base d'une garde robe seyante et luxueuse qui flattait toujours sa silhouette, d'un sourire ravageur, de punchlines bien acidulées correspondant à son caractère fonceur et enfin d'une fierté mal-placée mais si attachante aux yeux des fans. Sans être une star hollywoodienne, Allan Winchester pouvait se targuer d'être un homme prisé, quinquagénaire sexy qui fait mouiller les petites culottes des femmes et donner une certaine rigidité aux hommes sans faire d'efforts et...

Oh, je viens de faire mon propre portrait en parlant de moi à la troisième personne ? Oups. Mais bon, vous comprenez, mes côtes me font foutrement mal, j'en ai deux ou trois de bien fissurées, sans parler de l'os qui a été impacté par la balle qui m'a traversé de part en part il y a trois semaines de ça et qui commence juste à se ressouder. Du coup, le temps que la douleur passe, parce que j'ai été assez idiot nonchalant pour oublier un instant que je ne DOIS PAS lever mon bras gauche plus haut qu'au-dessus de ma taille, j'ai fait mon portrait. Eh, peut-être que si je fais mon autobiographie, elle se vendra bien ? Faut que j'y réfléchisse. Je soupire lourdement alors que j'attrape de ma main droite, lentement car sinon ça tirera de l'autre côté, un verre dans un meuble haut de ma cuisine. J'ai besoin d'un bon verre de Bourbon pour me remettre de la douleur qui vient de me surprendre, qui en aurait fait s'asseoir d'autres que moi. De toute façon, j'avais déjà prévu de me le prendre, ce verre, alors raison de plus.

En parlant de style à l'opposé de ce que je montre en public d'ailleurs, on peut parler du vestimentaire. Je suis actuellement en bas de jogging, pieds-nus, et sans aucun tee-shirt sur le dos. A torse poil. Enfin, à torse peau, car j'aime pas les poils sur le torse, en ce qui concerne mon propre corps. Idem pour les aisselles. Pour le reste ? Ahah, secret défense, petits coquins que vous êtes ! Je me parle à moi-même là, on est d'accord ? ... Bah, ça doit être une autre preuve de mon incommensurable génie. En tout cas, même avec cet air dégingandé, je reste plutôt hot. Si on oublie l'immense bandage qui me prend du haut du cou jusque sous l'aisselle gauche, enrobant toute mon épaule. Chouette. Je suis quoi, du coup ? Un blessé délicieusement enveloppé de tendre gaze blanche ? Une sexy momie ? Faut que je trouve quelque chose d'un minimum accrocheur quand j'y pense quand même, sinon mon ego va mal le prendre.

Le verre posé devant moi, je m'apprête à sortir la bouteille de Bourbon du meuble bas lorsque la sonnette d'entrée retentit. Tiens ? J'attendais quelqu'un ? Ah mais oui, Thomas ! Désolé pour lui, mais je suis actuellement trop occupé à me pencher pour choper la bouteille sans causer de douleur pour aller lui ouvrir. Je respire à pleins poumons - enfin, presque - et je dis, assez fort pour être entendu de sa position: Vas-y, entre ! C'est ouvert !

@Thomas Owens-Beauregard

J'entends la porte s'ouvrir, quelques pas résonner dans l'entrée qui mène directement sur la cuisine où je me trouve actuellement. Moins de trente secondes plus tard, Thomas me rejoint, et je le vois arriver avec des victuailles tout à fait appréciables. Sans parler de sa tenue, il est toujours si... agréable à reluquer. Roh, retiens-toi Allan, il est en couple aux dernières nouvelles. Nul doute que ce sera meilleurs que tes rations militaires, que je le taquine, en référence à nos retrouvailles en pleine randonnée forestière, deux mois plus tôt. Depuis, on s'est échangé quelques SMS, mais la vie avait fait qu'on avait pas vraiment eu le temps de se revoir. En revanche, il s'était confié à moi sur ses problèmes avec Myrddin, qui était subitement parti de l'autre côté du globe. Honnête, je lui avais dit ne pas être dans la tête de son mari mais qu'il devrait lui en parler, pourquoi pas le voir; dans tous les cas, il serait fixé sur son état d'esprit. Depuis, je n'en ai pas su plus. Il m'avait juste annoncé vouloir lui faire la surprise de sa présence pour les fêtes, mais au vu de sa présence ici, ça ne s'est apparemment pas fait. Je souris quand il me dit que je semble plus porté Bourbon. C'est une bonne entrée en matière, mais je ne dénigrerai pas tes bières ensuite.

Trente bonnes secondes passent, et je n'ai toujours pas réussi à rouvrir cette sacrée bouteille de Bourbon. Mine de rien, essayer de la déboucher d'une seule main, donc sans réussir à tenir correctement le reste, c'est d'un compliqué ! C'est que ça m'agacerai presque; et bien que ce soit très serviable de sa part de se proposer, les mots de Thomas ne font qu'attiser le feu. Non, je vais me débrouiller, que je grogne à demi-mots, buté. Je finis par la prendre de ma main valide, enfin celle dont le bras peut le mieux se lever, et je la porte à mes lèvres. D'un coup de dent bien placé, je tire sur le bouchon, et envoie valser celui-ci dans l'évier. Là ! Fier comme un coq, je me sers mon dû. Je me redresse, et sursaute presque. Tout à ma concentration, je n'avais pas remarqué que Thomas était si près de moi ! Si j'avais été un jouvenceau, j'en aurais rougi, sans nul doute. A la place, un large sourire se dessine sur mon visage et je lève mon verre pour trinquer: Santé ! La première gorgée de nos breuvages respectifs avalée, je lui dis: Viens, allons nous installer dans les canapés, on y sera plus à notre aise.

Nous finissons donc tous les deux assis dans le même large fauteuil; la lumière est tamisée dans un coin de la pièce, non pas grâce aux flammes d'une vraie cheminée que j'ai fait installer en achetant ce loft, mais tout simplement par la lumière du soleil couchant par l'immense fenêtre de la pièce centrale de mon appartement. J'aime le confort, le cocooning, et chez moi, mes yeux s'adaptent bien mieux à la pénombre qu'à l'excès de luminosité. Je sirote tranquillement mon Bourbon, et demande nonchalamment, quoique la question soit intéressée: Alors, quoi de neuf ?

@Thomas Owens-Beauregard

Ah, je me sens déjà mieux. Le fait d'être confortablement assis - et surtout, de ne plus bouger - dans mon canapé, un verre de Bourbon à la main - meilleur anti-douleur au monde, cqfd - et surtout, avec... Comment le définir, d'ailleurs ? Nous nous sommes perdus de vue depuis si longtemps que je ne suis pas sûr qu'on puisse se qualifier d'amis. Pourtant, je me sens aussi proche de Thomas que si c'était le cas. Après tout, on en a vécu des choses ensemble, à l'époque où j'étais encore père de famille respectable tout en étant reporter de guerre ! C'est d'ailleurs à cette époque que je m'étais pris ma première blessure par balle, qui m'a toujours laissé un joli souvenir sur le pectoral droit d'ailleurs. A croire que dès que cet homme débarque dans ma vie, c'est là que je me retrouve dans un état l'obligeant à s'inquiéter de ma santé. Parfois, j'aimerai bien tirer la sonnette chez Dieu, ou toquer chez les Norns, ou encore aller consulter Cassandre de Troie; sans nul doute, j'aurais des questions à leur poser, à tout ce beau monde. M'enfin, au moins, je suis toujours en vie, et en bonne compagnie; à partir de là, je ne vois aucune raison de me plaindre. Quoi que nous soyons, Thomas et moi, je l'apprécie, point.

Thomas me fait bien vite quitter mes pensées totalement éparses lorsqu'il me dit avoir suivi mon conseil. Il est allé voir Myrddin alors ? L'air qu'il arbore me fait comprendre que ça ne s'est pas déroulé de la meilleure des façons. Ah, bah il me le dit clairement: entre eux, c'est fini. Ok, première grand nouvelle. J'hoche la tête positivement, en signe d'écoute, tout en esquissant un petit sourire navré, mais sans en dire plus. Je sens qu'il a besoin de déballer son sac. Aouch, ça, c'est moche. Je grimace, lorsqu'il me raconte qu'il a vu son mari en épouser un autre, n'ayant aucune conscience qu'il était là. C'est ce qu'on appelle un pieu dans le coeur. Il conclut sur le divorce prévu, et sur la garde alternée des enfants. Je lève les yeux vers lui, sortant un mince: Hum... Je suis désolé pour toi. J'ai jamais été très doué pour réconforter les gens, même si je fais de mon mieux.

J'ai le réflexe de hausser les épaules avant de recommencer à parler. GROSSIERE ERREUR, ALLAN ! Je porte aussitôt mon verre à mes lèvres et avale une gorgée pour étouffer un juron. Bordel, ça pique cette maudite épaule. La balle d'AK 47 qui m'a touché a à moitié broyé l'os qu'elle a frôlé, c'est l'une des spécialités de ces maudites munitions. Je reporte mon attention sur Thomas, son visage de beau gosse me fera oublier la douleur. Je sens une bouffée de chaleur m'envahir. Est-ce la douleur, l'alcool ingurgité un peu trop vite ? Je n'en sais rien, et je m'en tape. Je reprends finalement: Je suis navré que ça se soit passé comme ça. En même temps, ça valait peut-être mieux... S'il t'avait menti plus longtemps et que toi, tu étais resté à Brisbane à tourner en rond comme un lion en cage, le résultat n'aurait pas été fameux. Un frisson me donne un petit spasme, un tremblement. Je commence à avoir froid, maintenant que la bouffée de chaleur est passée. Va falloir que j'aille me chercher un plaid, vu que je suis pas foutu d'enfiler un pull. Je regarde Thomas, qui a relevé les yeux vers moi. Une drôle de lueur pétille dans ses iris. Est-ce de la tristesse ? Autre chose ? Je me relève, mais mon pied glisse légèrement sur le tapis, comme je faisais plus attention à mon invité qu'à mes gestes.

Je me rattrape sur le dossier du canapé avec ma main valide, à la dernière seconde, pour ne pas m'écraser sur Thomas. Mon genou droit en appui sur le canapé auprès de ses jambes, mon autre membre inférieur est en suspension dans les airs après avoir glissé, me laissant dans un fragile équilibre que seule ma main droite, tenant le dossier, permet de stabiliser un peu. A défaut de m'être avachi sur lui, j'en suis plus que proche. Nos visages ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, nos torses rapprochés, moi légèrement surélevé par rapport à lui, qui est assis. Encore un coup des Norns ? Et puis merde, que je grommelle; je force mon bras le plus fragile à se redresser autant que possible, et tant pis si ça fait mal j'aime ça afin de poser ma main sur le cou de Thomas, mon pouce sur le côté de sa gorge. Je franchis les derniers centimètres qui nous séparent, et je m'empare de ses lèvres si tentatrices.

@Thomas Owens-Beauregard

Je souris de compréhension lorsque Thomas dit que son imagination aurait fini par le tuer, et que j'étais tout à fait dans le bon chemin en lui ayant conseillé d'aller voir directement Myrddin, quoi qu'il advienne par la suite. Je ricane un peu, en répliquant: J'ai toujours raison. Eh, quoi, je ne suis pas moi pour rien ! Puis, pas la peine d'être un faux modeste, et hors de question de passer auprès d'un peu d'auto-congratulation. Ça fait du bien, surtout en ce moment, où je suis réduit à l'état de limace incapable de sortir de chez elle si elle ne bénéficie pas d'une aide amicale pour l'aider à enfiler un pull. Bref. J'ajoute d'ailleurs, après avoir avalé la dernière gorgée de mon Bourbon, intéressé comme je peux l'être par la description d'une scène épique: J'espère que tu as foutu la mandale de sa vie à celui qui l'accompagnait. Lorsque mon interlocuteur me demande de le retenir la prochaine fois qu'il fait la connerie de vouloir se marier, je ris franchement et réplique: Ce sera avec plaisir. Bienvenue dans le club des divorcés heureux, boy. Tu verras, c'est chouette aussi, la liberté.

... Peut-être que cette fameuse liberté va s'appliquer plus tôt que prévu, d'ailleurs. Rendu maladroit par ma blessure qui m'empêche de bouger naturellement - car je suis plutôt habile de manière générale - je me retrouve à quelques centimètres de Thomas, une de ses mains m'ayant retenu à niveau d'épaule, et l'autre sur mon torse. Après une seconde de réflexion, je me penche encore plus vers lui, et je l'embrasse. Je cède finalement à cette envie, qui me taraudait, il faut l'avouer, dès l'instant où j'ai recroisé totalement par hasard ce beau quarantenaire dans un parc national. En même temps, comment lui résister ? Pas possible pour moi et mes hormones en ébullition, maintenant que je le sais célibataire. J'appréhende cependant sa réaction; va-t-il accepter quoi que ce soit, au sortir tout frais d'une relation amoureuse ? Il prolonge le baiser, et je savoure. C'est alors qu'il réalise. Je fronce les sourcils quand il me demande d'arrêter, il semble indécis. Mais c'est un véritable triomphe, lorsque sa pensée se conclut sur un seul mot: "bon". Eh bah voilà...



@Thomas Owens-Beauregard