Quand Itziar avait pris la poudre d'escampettes il y avait de cela un peu plus de deux ans et demi, elle n'avait pas réfléchi à grand-chose. Elle avait fait sa valise, avait entassé le plus d'affaires possibles à l'intérieur, avait acheté son billet, faits ses au revoir à sa famille et elle était partie sans regarder derrière elle vers cette destination qui lui était inconnue. Un pays dont elle parlait à peine la langue à l'époque, n'ayant jamais été la plus assidue des élèves. Elle n'avait pas pensé une seule seconde qu'elle allait devoir faire des efforts énormes pour passer outre cette barrière de la langue. Elle n'avait pas pensé non plus qu'elle ne trouverait aucun travail lui permettant de vivre la vie qu'elle avait menée toute sa vie à Madrid. Elle n'avait pas pensé qu'elle se ferait une place ici non plus. C'était son échappatoire, sa porte de secours aussi loin que possible de l'Espagne et du désastre que les déboires judiciaires de son père avaient créé. Elle n'avait qu'une idée en tête deux ans et demi plus tôt, partir sans regarder derrière elle. Persuadée que c'était ce qu'il lui fallait, que tout irait bien mieux à des milliers de kilomètres. Dans un sens, elle n'avait pas eu tort sur toute la ligne. Elle se plaisait ici, elle avait surmonté la plupart des difficultés qui s'étaient présentées à elle avec une détermination sans faille. Elle s'était créé un cercle d'amis sur lesquels elle pouvait sans doute bien plus compter que ceux qui lui avaient si rapidement tourné le dos quand le scandale de son père avait éclaté et qu'il ne valait mieux pas être associé avec sa famille. Elle avait pu découvrir que la plupart de ses relations à Madrid étaient en fait plutôt superficielles et ne tenait qu'aux apparences et à l'intérêt que chacun pouvait trouver en s'associant à l'autre. Elle avait trouvé quelque chose de différent ici et était extrêmement reconnaissante pour les amis qu'elle s'était fait en deux ans. Elle ne s'y était pas forcément attendue non plus surtout quand elle avait manqué de se faire voler ses bijoux de valeurs à peine avait elle posé un pied hors de l'aéroport. Il y avait donc beaucoup de choses auxquelles elle ne s'attendait pas en arrivant ici ou auxquelles elle n'avait pas pensé, parce que partie sans doute un peu trop vite. Parmi toutes ces choses en revanche, il y en avait une qui l'avait prise par surprise, qu'elle n'avait pas vue venir et c'était ce manque du pays qui l'avait envahi depuis une bonne semaine. En cette période de fêtes, elle se rendait bien plus compte qu'elle était loin de sa famille et que tout cela lui manquait. S'ajoutait à ça la frustration de ne rien pouvoir faire pour y remédier et c'était la recette pour une Itziar à l'humeur un peu maussade qui tente malgré tout de faire bonne figure. Elle préférerait probablement mourir plutôt que d'avouer tout haut que sa mère lui manque énormément et qu'elle serait prête à donner beaucoup pour se blottir dans les bras de celle qui lui avait donné la vie vingt-cinq ans plus tôt.
Mais tout n'est que passager dans la vie. Elle pourrait avoir beaucoup moins de chance et être complètement seule, sans amis sur qui compter et là, elle aurait probablement des raisons de se morfondre. Ce n'était pas Itziar ça, bien au contraire. Elle faisait tout pour passer à autre chose, s'occupait l'esprit autant que possible et gardait ses soucis pour elle, parce qu'elle n'était pas du genre à se plaindre. Alors, depuis une demie-heure, elle avait investi le salon. Auden était parti tôt ce matin et elle avait donc tout le loisir de mettre la télévision aussi fort qu'elle en avait envie sans que ça ne le rende fou. Quand elle entend frapper à la porte, elle se demande qui ça peut bien être. N'ayant pas le souvenir d'avoir dit à l'un de ses amis de passer. Elle pense donc à une connaissance d'Auden et jette un oeil à travers le judas, bien décidée à ne pas ouvrir. C'était sans compter sur la crinière rousse qui lui fait fasse au premier coup d'oeil et qui ne manque pas de faire apparaître un sourire sur son visage avant même qu'elle n'ouvre la porte. “Hey Sisi !” Lance t-elle en quand elle voit Serinda apparaître derrière la porte. Elle n'était pas seule en plus, elle venait accompagnée de café et de viennoiseries comme en témoignait l'odeur qui s'échappait du sac que l'australienne venait de secouer devant elle. La rousse vient la prendre dans ses bras, lui demandant comment ça allait. Itziar la serre un peu plus fort que d'habitude, sa façon à elle de remercier la jeune femme d'avoir pris la peine de venir jusqu'ici, d'avoir emmener de quoi lui réchauffer le coeur et le tout sans qu'elle n'ait eu à dire quoi que ce soit. “Ca va et toi ?” Se contente t-elle de répondre. Ca ne servait à rien de trop en faire après tout, la présence de Serinda chez elle aujourd'hui était une preuve suffisante que l'australienne avait compris que ça n'allait pas très fort pour l'espagnole ces derniers temps. Elle ne prend pas la peine de mentir. Elle laisse la jeune femme entrer dans l'appartement et déposer ses affaires comme elle a l'habitude de le faire, alors qu'elle va se réinstaller sur le canapé. “Oh bah tu sais, la routine, j'ai bossé, je crois que j'ai battu mon record de pourboires en une soirée donc ça c'est cool. T'as arrêté combien de malfrats toi ?” Lui répond-elle quand son amie la rejoint au salon avec le sachet contenant une dose de bonheur inestimable qu'Itziar ne perd pas de temps à ouvrir pour se servir. “Tu me connais trop bien, c'est flippant. Rassure moi, tu utilises pas les ressources de la police pour me stalker quand même ? Ca pourrait être tentant, mais c'est pas glam' du tout hein, qu'on soit claires.” qu'elle lance en croquant dans une viennoiserie tentant tant bien que mal de ne pas rire pour ne pas envoyer de la pâte feuilletée dans le salon.
Elle tente de faire bonne figure, de faire comme si de rien n’était. Parce que après tout, elle se sent un peu bête, comme si elle n’avait pas réellement de raison, ni même le droit de se sentir un peu triste d’être loin de chez elle. Parce que après tout, personne ne l’a forcée à quitter son pays, personne ne l’a forcée à s’éloigner autant à tel point qu’il est simplement impossible de faire un rapide aller-retour en un weekend. Elle sait pourtant que c’est bête et que ça n’a aucun sens. Que ce n’est pas parce qu’elle a choisi de venir ici de son plein gré que son moral doit toujours être au top et qu’elle n’a pas le droit de ressentir un quelconque manque. D’autant plus quand il s’agit de Serinda en face d’elle et qu’elle serait probablement la dernière personne à la juger. Cependant, c’est aussi bien plus simple de faire comme si tout allait très bien, ça évitait d’avoir à trop y penser et si elle n’y pensait pas, ça finirait sans aucun doute par passer. Il n’y avait donc pas de quoi en faire toute une histoire selon elle et il y avait aussi bien plus à plaindre que sa petite personne qui réalisait qu’être loin de sa famille pouvait être un peu pesant. C’était bien plus facile de parler de son weekend et de son travail plutôt que de son moral. D’ailleurs entendre le récit de Serinda quant à son propre weekend suffit à lui esquisser un rire dès qu’elle commence à en parler. Serinda et son coéquipier, il n’est pas compliqué de comprendre que l’entente n’est vraiment pas au rendez-vous et même si elle ne devrait probablement pas rire, elle ne peut s’en empêcher. “J’arrive honnêtement pas à croire qu’au bout d’un an rien n’est changé.” Répond-elle en riant. “J’sais pas, je pensais que tu finirais par le tuer ou je ne sais trop quoi.” Ajoute-t-elle en haussant les épaules. Ce serait une manière aussi efficace que directe de mettre fin au calvaire que l’australienne semblait vivre depuis un an avec ce coéquipier qui avait tout d’un emmerdeur fini de ce qu’elle avait pu comprendre. “Comment ça se fait qu’ils vous ont pas encore séparés ? Si le courant passe pas, c’est pas un peu dangereux ? Autant pour vous deux que pour nous citoyens lambdas qui comptent sur la police pour nous protéger.” Si les policiers se tapent dessus plus qu’ils ne courent après les criminels, ça n’annonce pas grand-chose de bon. “A croire que quelqu’un prend plaisir à te torturer.” Finit-elle par déclarer à moitié sérieuse. Car finalement elle ne trouvait pas d’explication plus rationnelle que celle-ci pour expliquer que leurs supérieurs laissent un tel binôme sur le terrain, mais après tout, qu’est-ce qu’elle en savait ? Ce n’était clairement pas son domaine d’expertise, elle qui était tout juste bonne à servir des cocktails. “Après t’as raison de pas céder non plus, pourquoi ce serait à toi de faire des concessions ?” Chacun devait y mettre du sien c’était certain, mais elle n’était pas obligée de faire le premier pas pour autant si le type n’y mettait pas un peu du sien.
Puis elle rit, Itziar, quand Serinda trinque avec son café, même si finalement elle n’est pas si étonnée que ça de remarquer qu’elle la connaisse par coeur. Il ne leur aura pas fallu deux ans pour tisser une amitié des plus solides à tel point qu’elle a parfois l’impression de la connaître depuis toujours aussi étonnant que cela puisse paraître. Serinda la connaît sans doute mieux que la plupart de ses anciens amis en Espagne avec qui elle avait pourtant grandi et passé le plus clair de son temps. Ça lui semblait aussi étrange que logique. C’est un sourire narquois qui vient s’afficher sur son visage quand elle se saisit d’une viennoiserie. “Si c’est l’intuition féminine, dans ce cas, je retire tout ce que j’ai dit, c’est trèèès glamour et tu peux continuer à me stalker sans vergogne, je ferai semblant de pas être au courant.” répond-elle en riant, venant croquer dans le croissant qu’elle avait dans la main. Elle ne rit bien pas bien longtemps cela dit, le ton de son amie se faisant plus sérieux. Elle plonge son regard dans le sien, lève un sourcil en attendant la suite. La suite, c’est l’entourloupe. Elle se racle la gorge, plus par réflexe que par nécessité. Parce que la main de Serinda sur son bras suffit à lui faire comprendre qu’elle a beau faire comme si de rien était, ça ne fonctionne pas avec elle. Elle est démasquée et elle n’échappera pas à la question qui vient de lui être posée Elle est directe, elle n’y va pas par quatre chemins. Elle n’a pas besoin de demander si ça va, elle sait. Elle sait que ça ne va pas et elle tape droit dans le mil’. Son premier réflexe est presque de dire qu’il n’y a rien, mais elle s’arrête avant même d’avoir dit quoi que ce soit parce qu’elle sait pertinemment que Serinda ne gobera rien de ses mensonges. “Tu vas trouver ça super bête.” Commence-t-elle par dire, comme si elle avait besoin de la prévenir avant d’annoncer la suite. “Tu promets que tu te fous pas de ma gueule ?” demande-t-elle comme si elle allait balancer son secret le plus honteux. “L’Espagne me manque, enfin ma mère surtout. J’sais pas trop ça fait une bonne semaine que je me sens bizarre. Entre le mal du pays et le coup de blues. Ca m’a pris d’un coup, je l’ai pas vu venir et je sais pas quoi faire pour que ça passe.” parce que ça n’a pas d’autre choix que de passer, elle ne comptait pas plier bagages et faire le voyage dans le sens inverse. À coup sûr, c’est l’Australie qui finirait par lui manquer rapidement. “Je sais que je le suis pas du tout, mais je me sens super seule, enfin c’est con car j’suis probablement la nana la moins seule de la terre.” Elle hausse les épaules, parce que dans le fond, elle ne sait pas trop, elle ressent juste ce sentiment étrange auquel elle n’a jamais eu à faire et qu’elle ne sait pas s’expliquer.
Itziar pince doucement le bras de Serinda face à l'horreur qui vient de parvenir à ses oreilles. Autrement dit, le fait qu'il semblerait étrange que deux de ses coéquipiers décèdent dans un laps de temps plutôt court. Ce n'était pas tant la phrase en elle-même qui l'avait faite régir, mais plus le ton presque nonchalant qui l'avait accompagnée et qui était bien loin de la réalité. Ce n'était pas un sujet qui faisait rire Serinda et Itziar le savait très bien. “Arrête dit pas ça.” Lance t-elle en même temps. Comme s'il fallait rappeler qu'il n'y avait rien de drôle et qu'elle n'avait pas à en rire. Rire d'étriper Elias ou de penser à des milliers de façons de lui faire passer un sale quart d'heure, oui, là-dessus, il n'y avait pas de problème. Rire ou parler à la légère de son ancien coéquipier, non, ça, ça ne passait pas. “Et toi ? Tu penses que vous faites un bon duo ? Genre si on omet le côté personnel et qu'on se concentre strictement sur la partie professionnelle ?” Demande t-elle par curiosité, parce que finalement, ce n'était pas parce qu'elle semblait détester son coéquipier qu'elle n'était pas capable de faire la part des choses et de mettre ses sentiments de côté quand ils sont sur le terrain afin de se concentrer sur l'objectif du jour. Itziar ne peut s'empêcher de rire ensuite quand Serinda lui propose de retrouver le coupable de sa malchance et de le tuer pendant qu'elle se charge de lui trouver un bon avocat. “Ah oué ? C'est dans ce sens que ça marche ? Je pensais que tu te chargeais du meurtre et moi de l'avocat, mais bon, si t'y tiens, je peux bien faire ça pour tes beaux yeux.” Qu'elle lui répond en souriant avec une pointe de plaisanterie tout de même, car il était évident qu'elle n'irait tuer personne, même pour Serinda. Elle n'était pas violente pour un sous et n'était pas particulièrement friande de disputes en tout genre. Cependant, elle irait défendre l'honneur de son amie corps et âme s'il le fallait, il n'y avait pas de doute là-dessus. “T'es pas frigide, ils savent pas ce qu'ils disent, mais laisse les penser ce qu'ils veulent. Et tu vaux mieux que lui, ça va sans dire.” Soutient sans faille, prête à se battre bec et ongles pour défendre Serinda en toute circonstance. Elle était sans doute biaisée, mais elle était comme ça, elle soutiendrait à n'importe qui que ses amis sont parfaits, preuves à l'appui et à foison.
Alors, elle plaisante, pour tenter de détourner la conversation, pour que ça ne se concentre pas sur elle et ce mood un peu étrange dans lequel elle se trouve depuis quelques temps. Un mood qu'elle ne peut pas vraiment expliquer, qu'elle ne sait pas expliquer, surtout. C'est facile de parler d'autre chose, de plaisanter. L'humour est une arme qu'elle manie à merveille ou tout du moins c'est ce qu'elle aime penser. “Bien sûr que tu peux les garder et pour te faciliter la tâche je laisserai mes volets ouverts à tout instant pour que tu puisses tout observer à tout instant et sans aucune difficulté.” Qu'elle répond en souriant. En revanche, l'humour ne marche pas avec Serinda. La rousse la connait bien plus que ça, elle sait comment l'espagnole fonctionne et ne se laisse pas berner. Elle ramène immédiatement sérieux, vise droit dans le mil' sans y aller par quatre chemins. Itziar n'a pas d'autre choix que de balancer ce qu'elle a sur le coeur, expliquer un peu hésitante qu'elle a le mal du pays et que sa mère lui manque quand même un peu, beaucoup. Elle a beau discuter avec elle régulièrement et ce malgré le décalage horaire, ce n'est pas pareil que de la voir en chair et en os en face d'elle. Elle ne regrette pas pour autant son choix d'être venue ici. Après tout, si elle regrettait, elle serait repartie depuis bien longtemps et n'aurait pas pris la peine de s'installer. Ca aurait été simple. Non, elle ne regrettait pas, pas du tout, mais dans ces moments-là, elle se demandait quand même, l'espace d'un instant, si elle avait fait le bon choix, ou si elle avait réellement réfléchi. Elle arrivait toujours à la conclusion qu'elle n'avait pas vraiment réfléchi, mais que c'était tout de même le bon choix puisqu'elle ne se voyait pas repartir et qu'elle préférait traîner son humeur un peu morse plutôt que de faire ses valises et sauter dans le premier avion pour un aller sans retour. “Oué mais j'ai choisi de tout quitter alors, j'ai l'impression que je suis pas légitime à ressentir ça et encore moins à me plaindre.” Même si elle ne se plaignait pas en réalité. Elle ne s'était pas plainte depuis ses premières semaines à Brisbane quand elle avait compris que ça n'impressionnait personne et que ses caprices d'enfant gâté laissé la population lambda de marbre, à juste titre. Elle écoute ce que Serinda a à dire et elle hausse les épaules, parce que l'australienne a raison, comme très souvent d'ailleurs et que l'espagnole n'a pas à coeur de la contredire ou de chercher des arguments qui prouveraient l'inverse. “T'excuse pas, tu m'as pas délaissée, ça n'a rien à voir avec ça. Même si on se s'étaient vues plus souvent ces derniers temps, je pense que le résultat aurait été le même à un moment ou un autre, alors s'il te plaît, t'excuses pas. C'est pas ta faute et c'est pas pour te faire culpabiliser que je t'ai dit tout ça.” C'était même le contraire de ce qu'elle voulait faire. Ce n'était la faute de personne et il n'y avait probablement rien qui pourrait changer cela, il fallait juste que ça passe avec le temps, comme tout. Des hauts et des bas, la vie en était remplie. Cependant, elle devait bien se rendre à l'évidence que Serinda, d'une façon ou d'une autre trouvait toujours un moyen d'amorcer une solution, elle savait toujours quoi dire, quoi faire et pour Itziar s'était parfois aussi simple que quelques mots et une étreinte. C'était un sourire qui se dessinait aussi simplement que ça au coin des lèvres de l'espagnole qui se dégage délicatement de cette embrassade pour saisir la mâchoire de l'australienne d'une main, lui faire doucement tourner la tête et venir déposer un baiser claquant sur sa joue. “Tu veux commencer par quoi ? Je pourrai te faire une tortilla de patatas avec du tinto de verano ? Ou alors je peux t'initier au flamenco, je suis pas la meilleure, mais je me débrouille quand même! Ou alors, je peux te percer le nez, un peu comme un rite de passage ?” Oui cette dernière chose est complètement impensable et n'a absolument rien à voir avec le fait d'être une fille du sud. “Sinon en plus soft je peux t'apprendre à insulter ton coéquipier en espagnol.” Ca c'était beaucoup plus accessible sans doute.
Serinda n'était pas objective quand il s'agissait de son coéquipier, chose qu'Itziar avait compris dès le début, se ralliant sans une once d'hésitation à son amie dans cette pseudo guerre qui n'avait peut-être pas lieu d'être, mais ça c'était une autre histoire. Pour ce qui était d'Itziar, elle ne connaissait pas le fameux type en question. Elias, Sanders, l'autre con et autres joyeux sobriquets étaient tout ce qu'elle savait de lui. Elle ne savait pas à quoi il ressemblait et elle s'en fichait bien puisqu'il avait été établi qu'elle ne l'aimait pas elle non plus dans une solidarité sans faille pour la rousse. Cependant, l'australienne n'était pas une enfant et était suffisamment mature pour faire la part des choses, Itziar savait qu'elle prenait son métier à coeur et savait parfaitement mettre l'aspect professionnel avant tout. Ce qui lui permettait donc d'exprimer que malgré sa haine envers le jeune homme, ils formaient un bon duo si on faisait abstraction de leur relation plus que tendue. "C'est sûrement pour ça que vos supérieurs vous laissent ensemble, je pense pas qu'ils prendraient le risque de vous faire travailler ensemble si vous risquiez de tout faire foirer à chaque fois." Qu'elle répond en haussant les épaules, même si elle pouvait parfaitement comprendre que son amie avait pu avoir l'impression que le choix de sa direction était purement dans le but de la tester. A juste titre d'ailleurs. Dans des cas comme celui-ci, la question se posait inévitablement et Itziar avait parfois du mal à croire qu'en un an, ils ne se soient pas tapés dessus ou fortement embrouillés et pourtant. Force était de constater qu'ils savaient tous les deux faire la part des choses. A croire donc qu'Elias n'était pas totalement un idiot fini. Cependant, s'il fallait aller se lancer à la poursuite de celui qui avait décidé de jouer avec les nerfs de Serinda en venant poser d'une main de maître un nombre incalculable d'obstacles sur son passage, Itziar serait bien évidemment de la partie. "Tu sais que tu peux compter sur moi jusqu'à ... la prison du coup, mais s'il te plait fait moi sortir rapidement hein je suis pas faite pour ça j'en suis sûre." La chute avait déjà été rude quand elle était passée de sa vie de château à la vie de personne tout à fait normale, elle le serait d'autant plus si elle devait passer à la vie en prison. Ca, elle le laissait bien volonté à son père qui devait amèrement regretter toutes les occasions qu'il avait eu d'arrêter ses magouilles et qu'il n'avait pas saisies. Ca, c'était son problème à lui, pas celui d'Itziar qui avait déjà bien assez à gérer toute seule.
A commencer par une stalkeuse potentielle et heureusement pas bien dangereuse qui questionnait maintenant la légalité de se cacher dans l'ombre pour l'observer à sa fenêtre. "Creepy ? A toi de me le dire, c'pas moi qui ai des lunettes infrarouges. Je propose de te faciliter la tâche c'est tout, mais si ton truc c'est plutôt de tout faire dans l'ombre alors je ferai comme si je suis pas au courant que t'es cachée derrière un buisson en train de me regarder me changer." qu'elle répond avant de lui tirer la langue et d'ajouter "Creep !" C'était peut-être puérile, mais dans un sens c'était ce dont elle avait besoin aujourd'hui. Il ne lui en fallait généralement pas beaucoup pour oublier ce qui n'allait pas. Des viennoiseries, du café bien chaud, une jolie rousse et des bêtises déversées à la pelle, c'était amplement suffisant pour lui remonter le moral ou lui faire oublier qu'elle s'était levée l'humeur maussade comme cela avait été le cas ces dernières semaines. Pour elle, ça aurait pu être oublié pour aujourd'hui, l'australienne avait apporté assez de bonne humeur dans sa journée pour la faire continuer sur une bonne lancée. Malheureusement pour elle, Serinda la connaissait bien mieux que ça et elle savait très bien que ce n'était qu'une solution temporaire, que penser à autre chose ne permettait pas de mettre à nu le problème. C'est pour ça qu'au plus grand dam d'Itziar, elle pose des questions et l'espagnole n'a pas d'autre choix que de répondre. Alors, elle répond, même si elle n'aime pas se plaindre. Elle hausse les épaules quand Serinda la contredit. Oui elle a une vie en Espagne, oui sa famille est là-bas et elle avait sans doute le droit d'avoir le mal du pays. "Je sais bien, mais j'ai toujours l'impression de pas avoir le droit de me plaindre." Ajoute t-elle. Exprimant un sentiment qui la suit depuis qu'elle a mis les pieds en Australie et qui ne l'a jamais quittée. Un sentiment qu'elle s'est peut-être créé toute seule, à tord, mais un sentiment bien présent qu'elle ne savait pas bien expliqué. Peut-être parce qu'elle avait vécu dans le luxe toute sa vie, qu'elle s'était crue au-dessus de tout et de tout le monde jusqu'à ce que la réalité vienne la rattraper. Parce que selon elle, les petites princesses qui se font couper l'herbe sous le pieds n'évoquent pas de pitié chez les gens qui ont travaillé toute leur vie pour en arriver où ils se trouvent. Parce que peut-être n'a t-elle eu que ce qu'elle méritait afin de redescendre sur terre et prendre conscience de la réalité. Elle avait assimilé ça dès son arrivée et s'en été toujours très bien sortie, ayant appris à tout intérioriser plutôt qu'exprimer ce qui n'allait pas. Elle n'était pas à plaindre, elle était la première à le dire et ce n'était la faute de personne si elle se sentait un peu down en ce moment.
Ce n'était surtout pas la faute de Serinda et le baiser qu'elle vint déposer sur sa joue servait à la fois de remerciement et d'affirmation qu'elle n'avait rien à se reprocher. D'autant plus quand elle ne semblait pas manquer d'idée pour amener un peu de l'Espagne à Brisbane. Il n'en fallait pas plus pour qu'Itziar déborde d'idée. "Tinto de verano. C'est du vin rouge avec de la limonade. Dit comme ça, ça parait étrange, mais je t'assure que ça dérange. Bien frais alors qu'il fait chaud dehors, c'est le pied." Lui vend elle sa boisson comme si sa vie en dépendait. Puis elle lui propose d'autres idées, qui n'ont pas forcément grand-chose à voir avec l'Espagne, elle en conçoit. "Non j'avoue que là je tentais juste ma chance, sur un malentendu ça aurait pu marcher et tu serais repartie de chez moi tout à l'heure avec un anneau dans le nez." Répond-elle en riant. Le monde appartient aux opportunistes et elle se devait de lancer cette proposition au milieu des autres, même si après réflexion, c'était une très mauvaise idée puisqu'un tel acte fait de façon artisanale dans la salle de bain était voué à impliquer du sang et c'était un fait bien connu de l'entourage d'Itziar qu'elle et le sang ne faisait pas bon ménage. Serinda avait donc plus de chances de se retrouver avec une aiguille à moitié enfoncée dans le nez et une Itziar en train de tourner de l'oeil. Il valait mieux s'en tenir à tout ce qui était nourriture et à l'apprentissage de la langue. Ca au moins, c'était sans danger normalement. "T'oublies quand même que je suis loin d'être la meilleure cuisinière, mais on peut organiser ça, niveau déco ça devrait pas bien être compliqué et niveau cuisine, si tu m'aides, j'imagine qu'on peut réussir à faire un repas au minimum comestible." Heureusement que ses spécialités culinaires préférées étaient relativement simples et ne demandaient pas un savoir particulier, sinon, ça aurait été impossible à réaliser. Après tout, il ne fallait pas oublier que quand elle avait débarqué en Australie trois ans plus tôt, elle savait à peine faire cuire des pâtes, alors cuisiner tout un repas, n'en parlons pas. En revanche, l'idée l'emballait vraiment, d'autant plus la possibilité de partager tout cela avec Serinda et de lui faire découvrir un peu plus la culture dans laquelle elle avait grandi. "Une prochaine fois pour le piercing, mais pour Elias, j'espère que t'as de quoi noter." Lui répond-elle en souriant. Après tout, quoi de mieux que se familiariser avec la langue pour appréhender la culture ? Cependant, elle se fige un instant, Itziar, parce qu'aussi étrange que ça puisse paraître la demande de Serinda la prend de court. Comme s'il y avait plus que les noms d'oiseaux desquels elle affublait son coéquipier. Ou alors, c'était elle qui se faisait des idées, qui réfléchissait trop, depuis cette fameuse nuit. Ou bien la façon dont Serinda avait pesé ses mots. Ca la déstabilise un instant et elle se racle la gorge pour briser le silence avant de boire une gorgée de son café, de se redresser un peu, comme pour regagner le contrôle de ses pensées. "Tu veux commencer par quoi ?" demande t-elle regardant son amie dans les yeux, cherchant à déceler quelque chose, sans vraiment savoir quoi. Puis elle se reprend, parce que clairement elle se fait des films toute seule. "C'est quoi ton sobriquet de choix pour Elias ? Je te dirai comment le dire en espagnol et je t'en trouverai même d'autres." déclare t-elle. Parce qu'après tout c'était ce que Serinda voulait apprendre. Rien de plus.