| The meaning of silence [Greg/Jo] |
| | (#)Jeu 2 Jan 2020 - 20:12 | |
| Petit hamster encagé qui tourne en rond et qui gratte les barreaux comme s’ils allaient s’ouvrir par magie, Joseph n’a pas réussi à dormir de la nuit. Il a l’impression que ses poumons sont percés et que l’air à peine entré en sort immédiatement. À l’instant-même où les policiers l’ont enfermé dans cette petite pièce seulement meublée d’un lit, le criminel s’est mis à chercher la liberté qu’il a toujours adorée, se collant le plus possible à la porte de sortie verrouillée à clef et à travers laquelle il peut observer les silhouettes passer. Il n’a pas dit un mot depuis qu’un homme de la loi l’a cloué au sol avec son genou pour mieux glisser ses poignets dans des menottes trop serrées. On l’a bien prévenu en traînant son corps comme on traîne un vieil épouvantail en dehors du champ de maïs : vous avez le droit de garder le silence. Si vous renoncez à ce droit, tout ce que vous direz pourra être et sera utilisé contre vous devant une cour de justice. À la suite de ce discours qu’il avait entendu des centaines de fois dans les films et qui s’adressait pour une première fois à lui, le mot avocat avait résonné dans sa tête comme un écho éternel parce qu’il se souvenait du règlement que son gang lui avait imposé : s’il se faisait coincer par les flics, Joseph ne pouvait pas faire appel à un avocat puisque ce dernier serait autant en mesure de lui dérober l’information qui ne doit pas fuiter : le nom du gang auquel il appartient et leur localisation. Ce n’est pas que son honneur qui est en danger, aujourd’hui. S’il ne respecte pas la promesse qu’il a faite, c’est d’une balle dans la tête qu’il sera abattu, gracieuseté de ceux qu’il considère encore aujourd’hui comme des membres de sa famille. Il est naïf, Joseph : il ne réalise pas encore que cette vente de drogue ratée qui avait eu lieu dans un sous-terrain a signé la fin de sa carrière – si on peut considérer le travail au noir comme une carrière.
« Joseph Keegan. » Son nom est prononcé et il redresse vivement la tête, encore dans les vapes d’une tentative de sieste ratée. Il fixe le policier tandis qu’il insère une clef dans la serrure de sa cellule. Ses membres ne s’agitent pas davantage : c’est seulement lorsque l’homme autoritaire lui ordonne de se lever qu’il pose ses semelles sur le sol et qu’il décolle son corps endolori du matelas aussi mince qu’une tranche de jambon. Le plancher tangue en dessous de lui mais il arrive à maintenir son équilibre jusqu’à la figure de la loi. Ce dernier lui attrape le bras et lui impose un mouvement brusque vers l’extérieur. Ses poignets toujours menottés sont agrippés et il se fait guider jusqu’à une pièce austère seulement décorée d’une table et de deux chaises qui se font face. Les murs gris ne présagent rien de bon pour le coupable. « Assis-toi. » Il se le fait demander mais une main appuie sur son épaule. Ses fesses rencontrent le métal froid de la chaise et il déglutit en posant immédiatement ses coudes sur la table pour obtenir un peu de soutien. Le garçon, impassible, décide de fixer le vide alors qu’on lui informe la procédure de l’interrogatoire. Un second homme entre dans la petite pièce étouffante et le premier policier dispense de sa présence. « Bonjour Joseph. Sachez que l’heure à laquelle vous sortirez d’ici dépendra de votre coopération. » Il s’installe devant lui et pose doucement un dossier sur la table avant de l’ouvrir pour en lire le contenu. Les yeux de Joseph, quant à eux, sont toujours cloués là où il n’y a rien à regarder. « Vous avez droit à un avocat. Souhaitez-vous appeler le vôtre ? » Silence. Les mouches volent et les criquets chantent. « Bien. » il continu, avant de se lancer dans les premières questions qui ne reçoivent elle non plus aucune réponse. Joseph s’est transformé en statue de pierre et n’a pas l’intention de laisser une seule information s’enfuir de ses lèvres collées ensemble. Après quelques tentatives pour lui voler des mots, le policier décide de se redresser de sa chaise, conscient qu’il n’y arrivera pas de cette façon. Il sort de la pièce grise et croise un homme beaucoup plus imposant et baraqué. Ses cheveux sont teintés de gris et traduisent son expérience au sein de la brigade. Joseph l’observe du coin de l’œil tandis que le premier policier murmure à la nouvelle tête : « Il ne dit absolument rien. Je pense que c’est plutôt un travail pour vous. » Quand le plus vieux entre à son tour dans la salle, le criminel évite immédiatement son regard mais la tâche est plus difficile qu’avant : ses épaules sont deux fois plus larges que celles des autres et sa façon de fixer le vide devient beaucoup moins subtile.
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| | | | (#)Lun 6 Jan 2020 - 23:30 | |
| Notre stratégie consistait à donner de la confiance à Joseph, qu’il pense avoir le pouvoir. Ce couillon se pensait plus intelligent que nous tous, il croyait pouvoir la fermer sans qu’on n’arrive à avoir la moindre information sur l’organisation pour laquelle il bosse. Je n’étais pas dupe, je savais pertinemment qu’il n’appartenait pas au Club, mais je n’arrivais pas à savoir si ce n’était pas le Club qui l’avait foutu en taule. Je me débrouillerai pour tirer quelques renseignements auprès de Maeve, mais pour l’instant il était ma priorité. J’avais consciemment envoyé Decker en sachant qu’il n’obtiendrait aucune information. Il n’était pas très doué avec ce genre de cas-là, il perdait trop vite patience. Je savais que Joseph n’allait rien dire, il avait adopté exactement la même stratégie que lorsqu’il s’était fait prendre : garder la bouche fermée pour ne pas risquer de faire fuiter un indice quelconque qui pourrait nous aiguiller vers une piste. Certains prisonniers sont contents de nous voir, ça leur fait de nouvelles têtes à qui parler, des nouveaux gars à martyriser en dehors des barreaux, mais lui, lui il faisait le muet. Je ne savais pas si c’était vraiment une tête de con loyal ou s’il avait peur. Certainement un peu des deux. J’allais bien m’amuser avec lui.
Ma main droite était prise par un gobelet de café brulant tandis que ma main gauche transportait un sac de donuts. Ce n’est pas que je n’avais pas encore mangé, mais c’était ma façon à moi d’accueillir les gaillards dans la salle d’interrogation. Au mieux, ça me permettait de troquer des informations contre de la bouffe extérieure auprès des plus faibles ; au pire, je me nourrissais de quinoa le soir en rentrant chez moi pour ne pas accumuler les calories apportées par les beignets. En ce qui concerne les affaires de drogues, je ne proposais même pas cette malbouffe quand je détectais que le gars en face de moi était entièrement dévoué au boss, j’aurais perdu ma crédibilité. En revanche, pour ceux qui étaient peureux, c’était plus facile. Ils n’avaient pas encore choisi leur camp entre rester dans ce réseau instable et y risquer sa vie, ou être un lâche et tout balancer avec le risque de se faire fusiller en sortant de là malgré les promesses de protection des flics. Il fallait justement leur inspirer confiance pour qu’ils basculent de notre côté, et quoi de plus efficace que la bouffe et une voix douce ? Je ne savais pas trop à quoi m’attendre avec monsieur Keegan, même si je me faisais déjà une petite idée. Les donuts n’allaient sans doute pas marcher, mais ça me permettrait toujours de le provoquer pour qu’il crache une ou deux informations.
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Voilà cinq minutes que Decker est dans la salle. Je vais bientôt faire mon entrée et mon cœur bat d’excitation et d’appréhension. J’inspire bruyamment par le nez avant de souffler tout mon oxygène par la bouche, et place mon masque de lieutenant sur mon faciès. J’ordonne au gardien de m’ouvrir pour croiser mon collègue qui est déjà près de la porte. Parfait, bon timing. « Il ne dit absolument rien. Je pense que c’est plutôt un travail pour vous. » me confie-t-il tout bas, mais suffisamment fort pour que Keegan entende. La deuxième étape est en marche, Joseph doit penser qu’il est le maître dans la salle. Il a l’air d’être le gars en apparence gentil mais d’un mec qui ne mâche pas ses mots quand il l’ouvre pour s’imposer. Je me dirige vers la table d’un pas décidé et je prends le temps de l’observer d’un regard qui se veut bienveillant en me déplaçant. Je pose le café et le sac de beignet sur la table. Pas un seul regard vers la bouffe malgré l’odeur alléchante. Soit il en veut mais ne le montre pas au risque de montrer un début de faille, soit il joue au plus con avec moi. Je prends la chaise et la retourne de façon à avoir son dossier au niveau de mon buste. Je m’assois en silence. Je ne parle pas. J’attends un mouvement de sa part. Je sais qu’il va venir vers moi, il se sent en confiance et il va forcément parler. Je sais que je l’intimide, mais je sais aussi qu’il va sentir le besoin de dire quelque chose pour montrer qu’il n’a pas peur.
Plusieurs minutes sont passées, peut-être une dizaine. Il n’a toujours rien dit, il ne m’a toujours pas regardé, mais je sais que ça va venir. Je décide d’ouvrir le paquet qui contient les donuts et le bruit du sac vient se juxtaposer aux gueulantes des prisonniers dans leurs cellules. J’empoigne un beignet et fais un croc dedans avant de prendre le gobelet pour me rincer la gorge du café presque froid maintenant. Je remarque le coup d’œil furtif de mon prisonnier sur le sac et je me dis que c’est peut-être le début de notre échange. |
| | | | (#)Mar 7 Jan 2020 - 18:25 | |
| La nouvelle tête moins rassurante s’installe devant le détenu accompagnée d’un gros sachet en papier. Il est naturel pour Joseph de tendre l’oreille pour déterminer de quoi il s’agit (mais le sac ne parle pas beaucoup, malheureusement). Sa première réflexion est assez macabre : il s’imagine que ce dernier renferme couteaux et objets prêts à lui arracher les palettes et les molaires. On l’a pourtant averti : les policiers ne sont pas en droit de faire du mal aux interrogés et c’est bien la seule et unique raison pour laquelle Joseph arrive à préserver ce silence de mort, lui qui est d’habitude très bavard. Il ne s’inquiète pas pour sa dentition. Alors il persiste à n’offrir aucune information, ne révélant même pas le simple son de sa voix. Le policier entre d’ailleurs dans son petit jeu et le temps se fige autour de deux hommes muets qui attendent on ne sait quoi. C’est seulement une dizaine de minutes plus tard que l’homme baraqué secoue l’air en enfonçant sa main dans le sachet louche et, aussitôt, Joseph se crispe légèrement en appréhendant l’arme qui en sortira. Pourtant, c’est plutôt un objet circulaire à l’apparence moelleuse que le policier coince entre ses doigts avant de le porter à ses lèvres. Oh. C’est un stupide beignet. Il faut croire que l’amour des flics envers ces pâtisseries grasses n’est pas qu’un cliché. Alors qu’il pensait avoir le contrôle de la situation, Joseph se voit surpris de sentir son estomac vibrer dans son ventre. Il avait oublié la faim et voilà qu’elle se rallumait à a moindre vision de nourriture. Naturellement, les yeux du garçon plein d’appétit se posent sur le sac, seulement quelques secondes, et il se refuse lui-même d’insister davantage en fermant les paupières. Il inspire doucement et se replace sur sa chaise, faisant claquer la chaîne entre ses menottes. C’est son estomac qui vient rompre le nouveau silence en grognant de toutes ses forces. Les lèvres pincées le détenu baisse la tête pour fixer l’ombre du sachet de papier sur la table et il avale de travers avant de renoncer à la promesse qu’il s’était faite : « Tu sais qu’c’est interdit d’affamer un homme, coupable ou non ? » Ses iris clairs pleins d’interrogation rencontrent pour la première fois ceux du policier. Il peut constater que son visage est aussi ferme qu’il se l’imaginait. Une épaisse barbe camoufle sa mâchoire carrée jusqu’à la hauteur de ses oreilles, où débute une coiffe courte et entretenue. En dessous de son uniforme, il semble bien plus musclé que Joseph qui, en comparaison, ressemble au cure-dent qu’on plante dans les sandwichs trop épais pour solidifier leur structure. Il n’a jamais accordé d’importance au sport et à la musculation mais c’est aujourd’hui la première fois qu’il regrette de n’avoir jamais soulevé de poids. S’il avait plus de viande autour des os, il n’aurait pas l’impression de pouvoir se faire casser par l’autre type qui n’aurait qu’à utiliser ses doigts pour en venir à ses fins. « T’as l’intention d’me regarder crever sur la chaise ? Parc’que ça m’dérange pas, j’pense que j’pourrai m’retenir d’aller chier plus longtemps qu’toi. Surtout si tu continues à te bourrer la gueule comme un porc en manque de sucre. » Et une insulte discrète s’échappe de ses lèvres en même temps que Joseph laisse son dos tomber contre le dossier de la chaise, signe qu’il n’est absolument pas dérangé par l’idée de rester ici plus longtemps parce que, au fond, cette chaise est tellement confortable. Il n’a jamais été habitué au confort et s’il y a une chose qu’il peut endurer pendant des heures, c’est l’air sec de la pièce et son atmosphère étouffante. Il y a du bon à avoir vécu dans les rues de Brisbane pendant des années. |
| | | | (#)Lun 13 Jan 2020 - 17:04 | |
| Le gargouillis du ventre du prisonnier le trahit, puis ses yeux suivent et viennent furtivement se poser sur le sachet que je viens d’ouvrir. Je cache mon sourire, je n’ai pas envie qu’il perde le semblant de supériorité qu’il pense détenir. Je fais comme si je n’avais pas remarqué son envie dans ses yeux, j’attends qu’il me le demande de son gré, qu’il me supplie presque de lui céder un donut. J’apporte ma main à ma bouche une nouvelle fois et emprisonne de mes dents le beignet au chocolat. En le retirant, du coulis cacaoté coule un peu sur mes lèvres et je prends le temps de le lécher, je lui montre que je savoure cette sucrerie et qu’elle est bonne. Il ferme les yeux, comme si ce supplice était trop dur à supporter. Bien plus efficace que la torture classique, me dis-je avec satisfaction. Son estomac gronde à nouveau, et Keegan ouvre finalement les yeux, me rendant la tâche de ne pas sourire d’autant plus difficile. Les bruits de mastication présents dans la salle se font chevaucher par la voix du détenu. Ah, il n’est pas aussi fort que ce que je ne pensais. « Tu sais qu’c’est interdit d’affamer un homme, coupable ou non ? » Son regard vient croiser le mien, et je peux y voir la faim qui le trahit. Je souris, m’essuie la bouche, et prend le temps d’avaler avant de lui répondre, mais mon interlocuteur me devance. « T’as l’intention d’me regarder crever sur la chaise ? Parc’que ça m’dérange pas, j’pense que j’pourrai m’retenir d’aller chier plus longtemps qu’toi. Surtout si tu continues à te bourrer la gueule comme un porc en manque de sucre. »
Keegan parle vite, fort, sans bégayer. Il veut montrer qu’il a confiance en lui, qu’il n’a pas peur et qu’il a l’ascendant. Je l’observe, dans ses dires, dans son attitude. Il a l’air de ne vouloir rien dire sur ses activités, il me provoque, comme tous les flics qui sont passés avant moi et qui l’ont simplement renvoyé dans sa cellule parce qu’il avait trouvé leur faiblesse. Il ne trouvera pas ma faiblesse, je suis bien plus intelligent que lui. Je ne réponds pas à ses provocations, à la place, je prends mon air de flic gentil. « Oh quel malpoli je suis, je ne vous en ai pas proposé mais prenez, il y en a assez pour deux. » Je fais glisser le sachet sur la table de façon à ce qu’il puisse être à sa hauteur, bien au niveau de ses cellules nasales, qu’il puisse capter toutes les particules de gras et ne pas pouvoir résister à l’appel des beignets. « Prenez, je vous en prie. Ils ne sont pas empoisonnés. » Je lui souris, et l’incite à se servir. Il a l’air réticent, et je comprends qu’il a peur d’être empoisonné. Mon regard toujours plongé dans le sien, je récupère alors le sachet et croque un morceau dans un autre beignet avant de le lui tendre. « Ils sortent tout juste de la boutique, ils ne sont pas empoisonnés, promis. » Je tente de paraitre décontracté, mais je me doute que ma carrure et mon regard perçant habituel ne le mettent pas entièrement en confiance. |
| | | | (#)Ven 17 Jan 2020 - 2:49 | |
| Le silence dans la salle s’éternise mais le son de mastication du policier le fracture. Ses dents se plantent une seconde fois dans la moelleuse pâtisserie de laquelle s’échappe un parfum sucré qui pourrait faire saliver celui qui ne pense plus avoir d’appétit à la suite d’un repas copieux. Malgré tout, Joseph serre les poings et tente de se changer les idées : il se met à compter dans sa tête et espère pouvoir atteindre la centaine mais son ventre crie une énième fois et le garçon se crispe d’inconfort sur sa chaise encore froide. C’est à ce moment que sa langue se délie et il perd à son propre jeu. Cependant, il ne compte pas s’afficher comme le gentil et coopératif détenu : il a l’intention de lui faire vivre un enfer, à ce lieutenant à l’allure probablement plus impressionnante que son quotient intellectuel. « Oh quel malpoli je suis, je ne vous en ai pas proposé mais prenez, il y en a assez pour deux. » Le regard impassible du criminel se plisse et, dans le reflet de ses iris, un orage se met à gronder. Les mots du policier sont invitants mais Joseph s’est juré depuis son arrivée ici que personne n’arrivera à l’appâter en lui murmurant de jolies paroles. Il n’y a pas que sa propre personne qu’il protège en optant pour l’attitude d’un vieux clébard qui grogne au moindre mouvement. Il protège l’entièreté de sa famille, celle qui compte plus que n’importe quel beignet à ses yeux. « Prenez, je vous en prie. Ils ne sont pas empoisonnés. » Il souffle tout l’air contenu dans ses poumons par ses narines pour s’empêcher d’humer trop longtemps le parfum des pâtisseries grasses sous son nez. C’est bien la première fois qu’il remercie la période la plus difficile de sa vie, celle où il attendait la fermeture des boulangeries, le soir, afin de demander au propriétaire s’il n’aurait pas un vieux pain invendable à lui offrir. Elle lui a appris la patience, à lui et à son estomac. « Évidemment qu’ils ne sont pas empoisonnés sinon tu serais l’prochain à prendre place sur ma chaise, crétin. » Un policier comme lui n’essayerait jamais d’empoisonner un détenu : toute sa carrière repose sur sa façon d’être un homme bien meilleur que les autres. Pour s’amuser (mais surtout pour faire perdre patience à l’autre), Joseph tend la main vers le beignet que lui offre l’homme de la justice et il fait mine de l’approcher de sa bouche avant de finalement le poser devant lui. Sans plus attendre, il enfonce ses ongles dedans et le décompose lentement, progressivement, doucement, aussi habilement qu’on peut l’être avec des menottes aux poignets, puis il fabrique des petites boules de pâtes solides avec sa chair. Il attend quelques secondes sans regarder les réactions de son interlocuteur et il s’arme enfin d’une boule de beignet qu’il balance mollement dans le front de ce dernier. Il rebondit sur son crâne et s’écrase sur ses cuisses. Joseph se pince les lèvres pour contenir un faux sourire et il glisse enfin son index à ses lèvres pour goûter la saveur du beignet. « M’ouais. En vrai, j’préférerais que tu m’offres un vrai dîner. Les beignets c’est des calories vides et j’tiens beaucoup trop à ma santé. » qu’il ment, arborant l’air d’un ange qui vient de foutre le feu à la caserne de pompiers. « Tu devrais faire comme moi avant qu’tes muscles ne deviennent que du gras. À moins que ce soit déjà trop tard, j’saurais pas dire avec cet uniforme. Un uniforme qui te va à ravir, évidemment. Wow. La classe. Un homme à marier. » Il veut le faire parler ? Il parlera. |
| | | | (#)Ven 24 Jan 2020 - 1:39 | |
| J’ai toujours mon sourire narquois sur ma face, et je prends certainement autant de plaisir que lui en pensant que j’ai le dessus. Je sais qu’il a des informations pour moi, et je suis persuadé que je réussirai à les lui ôter de sa bouche. Ma tentative d’amadouer le petit délinquant ne porte pas ses fruits, il ne cède pas à mon offre. « Evidemment qu’ils ne sont pas empoisonnés sinon tu serais l’prochain à prendre ma place sur ma chaise, crétin. » Il ponctue toutes ses phrases d’une insulte ou d’une provocation, et je dois avouer que j’ai quand même du mal à ne pas montrer mon irritation. Il m’agace, mais je me suis juré de garder mon calme, je dois garder cette image de gentil flic. Les commissures de mes lèves tremblent un peu à cause de ce faux sourire de bienveillance, alors je soulage mes zygomatiques en jetant mon dévolu sur mon beignet afin d’en croquer généreusement un autre morceau. La bouche pleine, je lui réponds « On sait tous les deux que c’est pas ça qui me foutra en taule. Tu dois savoir mieux que moi que la justice est injuste. » Après un haussement de sourcil qui lui fait comprendre que je ne rigole pas, je retrouve mon sourire de sadique. Je suis passé au tutoiement. Il ne m’impressionne pas, je peux jouer au plus con avec lui, moi aussi.
Quand Joseph s’empare du donut que je lui tends, je pense avoir gagné. Je retiens presque mon souffle lorsque le beignet s’approche de sa bouche, mais la certitude de ma victoire s’écrase instantanément. Depuis le début de l’entretien, je sais qu’il me provoque et qu’il se fout ouvertement de ma gueule, mais je ne sais pas jusqu’où il peut aller. Ma question trouve un début de réponse quand le Keegan déchiquette la bouffe que je lui ai offerte. La pâte qui vient s’intercaler entre ses ongles noirs me dégoûte, mais pas autant que son attitude. Il ne me jette pas un seul regard, comme si ma présence lui importait peu et qu’il trouverait toujours des moyens de me provoquer dans son silence. Ce que je reçois en pleine figure cette fois-ci, ce n’est pas une autre insulte ni une remarque puérile provocante, mais des morceaux de donuts. P’tain c’est vraiment un sacré tête de con ce Keegan, bordel. Je tente de ne pas montrer le fond de ma pensée, mais je n’arrive pas à m’empêcher de resserrer ma mâchoire. Il joue avec mes nerfs. Craque pas Greg, craque pas. Mon sourire de façade est toujours tracé sur mes lèvres, mais j’ai qu’une envie, c’est de lui enfoncer le crâne sur la table pour qu’il arrête de se foutre de ma gueule. « M’ouais. En vrai, j’préférerais que tu m’offres un vrai dîner. Les beignets c’est des calories vides et j’tiens beaucoup trop à ma santé.
Son expression provocatrice m’aurait déjà sorti hors de mes gonds si la situation avait été différente, mais cet entretien se basait sur celui qui tiendrait le plus longtemps. « C’est bien de prendre soin de sa santé. Et puis, je suppose que tu as du temps devant toi en prison pour penser à ça et pour te faire tes propres smoothies au céleri. » A défaut de pouvoir en venir aux mains, ma rétorque était sortie de façon un peu trop amère, laissant apparaitre un début d’irritation. Je me ressaisis rapidement et accorde ma façon de m’exprimer au flic que je tente de montrer. « La prochaine fois je nous préparerai un vrai pique-nique d’amoureux si tu préfères. Mais aujourd’hui si tu veux pas de mes beignets... » Je tends mon bras pour agripper le sachet de donuts et le tirer vers moi. « Tu devrais faire comme moi avant qu’tes muscles ne deviennent que du gras. À moins que ce soit déjà trop tard, j’saurais pas dire avec cet uniforme. Un uniforme qui te va à ravir, évidemment. Wow. La classe. Un homme à marier.» Eh hop, encore une autre provocation. Change de disque Keegan, je risque de me lasser, que je me dis. Je me lève lentement de ma chaise pour aller me positionner derrière lui. « Je crois que tu veux pas savoir ce qu’il y a sous cet uniforme, jeune homme. » je lui glisse à l’oreille. On pourrait penser que je suis un pervers à lui parler de cette façon, et c'est peut-être l'effet voulu. Je change de tactique, j'opte pour l’intimidation. Si je le laisse continuer, il va vraiment prendre le dessus. Je dégage les morceaux de bouffe qu’il a semé sur la table d’un revers de main, envoyant le tout par terre, et m’assois sur la table. « Alors Keegan, ça va mieux, t’es d’humeur à parler maintenant ? » J’ai au moins réussi à lui voler quelques phrases depuis le début de l’entretien, c’est mieux que le silence habituel avec mes autres collègues. « Tu sais ce que tu fous ici au moins ? » |
| | | | (#)Ven 24 Jan 2020 - 2:49 | |
| « On sait tous les deux que c’est pas ça qui me foutra en taule. Tu dois savoir mieux que moi que la justice est injuste. » Les mots du policier laissent place à un long silence durant lequel Joseph se perd dans ses pensées. Il a fait le deuil de sa liberté à partir du moment où un premier flic a coincé ses poignets dans des menottes mais il n’a pas encore conscience de l’étendue des dégâts que causera son arrestation. Il a vu la famille qu’il s’est construite seulement hier mais une petite lumière d’espoir luit encore faiblement dans sa tête, comme s’il pensait pouvoir les revoir avant que les barreaux ne se ferment devant ses yeux. C’est la première fois qu’il fait aussi sérieusement face à la justice et ce ne sera que lorsqu’il sera enfermé pour de bon que le visage de ses amis ne sera qu’un souvenir flou dans sa mémoire. Pour le moment, il garde la tête haute et continue de bouffer la positivité comme s’il avait une chance de sortir d’ici indemne. Il n’est pas un vrai méchant, non ? Il n’a fait que des mauvais choix qui l’ont mené ici mais, au fond, il est encore le petit respectueux qui l’a trop longtemps été, pas vrai ? « C’est pas la justice qui l’est. » C’est la vie, tout simplement. Certains naissent dans les meilleures conditions pour que leur bourgeon se transforme en fleur et d’autres sont condamnés à tendre la main vers le haut en attendant de se faire agripper par la fragile poigne de la chance. Mais Joseph n’est pas là pour plaider non coupable et mettre la faute sur son père ou sur la religion catholique qui l’a martelé de ses versets parasites. Sa sœur ne s’est pas engagé dans la même voie que lui et, pourtant, aujourd’hui, elle refile des médocs à des gens malades qui la remercient chaleureusement après avoir toussé dans le creux de leur coude. Elle a réussi alors qu’elle a commencé son parcours sur le même étage que son frère.
Décidé à ne pas laisser la figure d’autorité gagner trop facilement – parce que, à la fin, elle gagnera certainement quand Joseph sera condamné à plusieurs années de prison – le garçon s’amuse avec le beignet trop gras et le transforme en petite munition molles qu’il balance à la tête trop sérieuse de l’autre. Ce dernier ne réagit pas vraiment, sauf que son visage se crispe légèrement. Un sourire malin soulève la commissure des lèvres du détenu lorsqu’il constate que la lave du volcan boue de plus en plus dans les tripes de celui qu’il veut faire exploser (pour le plaisir, tout simplement). « C’est bien de prendre soin de sa santé. Et puis, je suppose que tu as du temps devant toi en prison pour penser à ça et pour te faire tes propres smoothies au céleri. » L’idée de la prison est officiellement posée sur la table mais Joseph reste de marbre. Il arrive même à rire de la situation, parce qu’il ne pourra pas se détacher de la réalité tant qu’il ne sera officiellement pas jugé coupable d’un crime. « J’doute qu’ils me laissent utiliser un blender derrière les barreaux. Mais c’est un bon point. La prison me permettra d’me reprendre en main, j’vois ça positivement. » qu’il répond, sur un ton sarcastique, déterminé à ne pas montrer une faille à celui qui pense pouvoir lui faire peur avec l’invocation de la prison. Encore une fois : la réalité ne l’atteint pas encore, lui qui est bien trop concentré à jouer les plus malins. « La prochaine fois je nous préparerai un vrai pique-nique d’amoureux si tu préfères. Mais aujourd’hui si tu veux pas de mes beignets... » Le sachet de beignets, accompagné du son du frottement, est éloigné de lui. Il profite de l’occasion pour rappeler au policier qu’il devrait davantage faire attention à son alimentation s’il ne souhaite pas transformer ses muscles en gras. C’est à ce moment que l’air de la pièce bouge davantage : le policier se redresse, quitte sa siège et se plante derrière l’interrogé qui ne bouge pas d’un poil, les yeux vissés sur le mur en face de lui. « Je crois que tu veux pas savoir ce qu’il y a sous cet uniforme, jeune homme. » Sa voix chatouille son oreille et, aussitôt, il se pousse sur le côté pour ne plus avoir l’impression de sentir la présence du flic dans le creux de son cou. Il roule des épaules, signe de dégoût, ne pouvant cacher la réaction que lui prodigue sa menace à caractère abusif. Il faut croire que la voix du curé intéressé par son corps jadis trop jeune résonne encore en écho dans sa tête. Cette fois, il n’arrive pas à lui répondre et il se contente de serrer la mâchoire. Les miettes de beignet sont balayées du revers de main de l’homme imposant et ce dernier pose son postérieur sur la table pour à nouveau faire face à son jouet. « Tu sais ce que tu fous ici au moins ? » Il déglutit et se concentre pour reprendre le dessus sur la situation et il se force à sourire de façon exagérée, bien que son expression soit moins naturelle qu’il peut le croire. « Ouais, facile. J’me fais interroger par un mec qui pense naïvement pouvoir obtenir des réponses. T’as des questions plus difficiles à me poser ? Sinon, j’refuserais pas une petite pause, j’ai besoin d’me dégourdir les membres. » qu’il répond, d’une voix aigre, en faisant claquer ses menottes pour capter l’attention de l’autre vers ses poignets prisonniers depuis trop longtemps.
- Spoiler:
Pardon, j'ai été trop inspirée. D'ailleurs, j'ai oublié de te préciser: la police a reçu un appel de Tobias, qui était mineur au moment où Jo lui a vendu de la drogue, pour dénoncer le fait qu'il avait vendu à des mineurs, justement.
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| | | | (#)Lun 27 Jan 2020 - 19:52 | |
| Malgré son insolence, je reste persuadé qu’il ne tiendra pas longtemps dans cette attitude. Il a des traits plutôt doux derrière cette confiance en lui que j’estime faussée, on dirait un ado à qui il faudrait juste foutre une baffe pour lui remettre les idées en place. C’est pas l’envie qui manque en tous cas. Je le provoque, je le menace de prison et je cherche à déceler dans ses expressions une potentielle crainte, que je ne trouve finalement pas. Il s’amuse de la situation, comme s’il n’avait rien à perdre. « J’doute qu’ils me laissent utiliser un blender derrière les barreaux. Mais c’est un bon point. La prison me permettra d’me reprendre en main, j’vois ça positivement. » Je laisse échapper un petit rire avant de continuer dans ma tentative d’agacement, ou en tous cas d’une réaction autre que celle du foutage de gueule en lui retirant le sachet de donuts. Lorsque je me lève pour l’intimider, il ne bronche d’abord pas. Mais quand je viens lui glisser quelques mots à l’oreille, je sens Keegan se crisper, se dégager presque instinctivement, par réflexe. Tiens, enfin une réaction nouvelle. J’ai déjà vu ce type de comportement dans mes interrogatoires, des réactions excessives pour des choses insignifiantes en l’apparence, liées à un traumatisme. Je me demande si Keegan a vécu quelque chose lui aussi, ou si c’est juste qu’il ne supporte pas cette proximité, mais la deuxième solution me semble étrange au vu du comportement qu’il a adopté depuis le début de l’interrogatoire. Je l’observe, essayant de reprendre ses esprits et son contrôle, camouflant comme il peut une émotion d’écœurement ? De répugnance ? D’amertume ? J’ai du mal à déceler le fond de sa pensée, mais je sais qu’il va falloir que je joue dessus si je veux des informations. Je ne sais pas ce qu’il a vécu jusque-là, mais ça a l’air de l’avoir marqué. Il ne coopère pas, peut-être que cette fois-ci il me suppliera d’arrêter de lui faire revivre un enfer à chaque fois que je lui susurre des trucs à l’oreille, me fournissant les renseignements que je souhaite. C’est une façon comme une autre pour obtenir son témoignage.
En attendant, je lui demande cash s’il sait pourquoi on l’a arrêté. « Ouais, facile. J’me fais interroger par un mec qui pense naïvement pouvoir obtenir des réponses. T’as des questions plus difficiles à me poser ? » Sinon, j’refuserais pas une petite pause, j’ai besoin d’me dégourdir les membres. » Il a l’air d’avoir repris le dessus sur ses émotions, et croit avoir gardé le dessus sur l’interrogatoire aussi. Il esquinte la table déjà abimée par les précédents prisonniers en faisant claquer ses menottes. Je le fixe du regard, mes airs de gentil flic s’étant envolés pour laisser mes vraies expressions s’afficher sur mon visage. Mes traits sont plus durs, mon regard plus sombre, et ma mâchoire s’est contractée comme à ses habitudes. Un demi sourire vient se poser sur mes lèvres. « On prendra une pause quand t’auras répondu à mes questions, ducon. » Ma patience atteint sa limite. Me contenir n’a pas porté ses fruits, jouer les gentils gars non plus. On va procéder à ma façon maintenant. « T’es au courant que ya des mineurs qui crèvent tous les jours à cause de gars comme toi ? » Je me lève brusquement de la table sur laquelle j’étais assis pour me placer derrière lui, comme la première fois. Mes deux mains sont posées sur la table, il a sa tête tout près de mon torse. Je sais que cette position me met en danger, il pourrait très bien me mettre un coup de crâne dans la poitrine ou même dans la gueule pour m’éloigner, mais je veux savoir si je le déstabilise à nouveau, si cette position le rend irritable et plus faible. Mes pieds sont ancrés au sol, mes jambes fléchies, et mes mains s’agrippent à la table pour m’éviter de partir en arrière s’il tente de rétorquer physiquement. J’approche ma bouche près de son oreille à nouveau « Alors Keegan, ça te fait vraiment rien de savoir que t’as plusieurs morts sur les bras ? »
Dernière édition par Gregory Morton le Jeu 6 Fév 2020 - 18:22, édité 1 fois |
| | | | (#)Sam 1 Fév 2020 - 2:16 | |
| Joseph réussi à dérober un léger rictus amusé au policier qui tente de garder son sérieux depuis le début de l’interrogatoire. C’est un bon signe pour le détenu, du moins, c’est ce qu’il croit. Habituellement, le rire arrive à apaiser les nerfs tendus mais rien ne prouve que le ricanement du policier était authentique. Il essaye peut-être de donner une fausse assurance à Joseph alors ce dernier ne mord pas tout de suite dans la pomme qui lui est tendu. Il préserve la même attitude en faisant comme s’il n’avait pas remarqué les lèvres étirées de l’homme baraqué. Cependant, il tente de réclamer une petite pause pour dégourdir ses membres endoloris, précisant qu’il aimerait bien se débarrasser de ces menottes qui l’ont empêché de dormir cette nuit-là et qui lui brime sa liberté de mouvement. Il n’a pas l’impression que ces objets restreignant sont utiles parce qu’elles retiennent les poignets d’un garçon qui n’a jamais fait usage de violence auparavant – et puis, de toute façon, ses bras sont bien trop étroits pour qu’il ne puisse rivaliser avec quiconque dans cet établissement rempli de flingues et de matraques. Il n’est pas suicidaire, le jeune. « On prendra une pause quand t’auras répondu à mes questions, ducon. » Une moue de déception affaisse son visage et il laisse son dos retomber contre le dossier de la chaise, bruyamment, pour démontrer son faux désarroi. Évidemment, il ne s’attendait pas à obtenir un tel service mais il préfère jouer le rôle du petit con sans cervelle, ça le rassure, en quelques sortes. « T’es au courant que ya des mineurs qui crèvent tous les jours à cause de gars comme toi ? » Le policier se relève vivement, faisant trembler la table, et Joseph se crispe, naturellement pris d’un sursaut. Il lui faut quelques secondes de respiration calme pour enfin analyser le sens de ses accusations. Il ne savait pas que les flics détenaient cette information : il pensait pouvoir s’en tirer plus facilement. Le suspect n’a pas le temps de réfléchir à un moyen de détourner les doutes que la poitrine du policier contre son dos l’oblige à se replier vers l’avant pour éviter le moindre touché. Les bras imposants du type le coincent au niveau de la table et la respiration de Joseph se fait plus rapide tandis qu’il ferme les yeux pour tenter de ne pas trop penser à cette proximité dérangeante. Il n’a pas le temps de se défendre par le biais de mensonges que le policier ajoute une couche de glaçage sur le gâteau en venant murmurer quelques mots contre son oreille. Son souffle le martèle violemment et le seul réflexe du détenu est de s’éloigner le plus possible de sa carrure intimidante, la tête à ras la table, le front posé contre ses deux avant-bras liés entre eux par les menottes. Il déglutit en fixant le métal qui compose la surface de la table, incapable de réfléchir correctement à ce qu’il doit répondre pour ne pas s’enfoncer davantage dans les ennuis. Il déteste la sensation d’étouffer que lui prodigue la position inquiétante du flic, cette sensation qui rallume les souvenirs les plus refoulés dans le fond de sa mémoire d’éléphant. C’est bien la première fois que ses pensées voyagent aussi loin dans le passé et, derrière une respiration haletante, il tente de calmer sa crainte de sentir à nouveau la ceinture coupante de son père contre son dos nu ou la main baladeuse d'un homme qui n'a pas le droit de le toucher. Il se racle la gorge pour finalement souffler, la voix teintée d’un soupçon de colère qui ne lui ressemble pas: « J’ai pas vendu à des mineurs. » Yep. C’est la seule phrase qu’il arrive à extirper du brouhaha de mots incohérents qui se baladent dans son crâne. « Et puis, tout l’monde fait ses propres choix. Les gens m’payent parce qu’ils en ont envie, c’est un business comme un autre. » qu’il ajoute, la voix rauque et saccadée. Il tente de coller ses lèvres ensemble pour ne pas perdre le contrôle de lui-même mais c’est trop tard : son corps décide d’agir tout seul sans demander conseil à la raison : « Dégage, p’tain ! Laisse-moi respirer sale connard. » Ses ongles s’accrochent à une faille horizontale dans le métal de la table et il se met à la gratter nerveusement dans l’espoir d’attirer tous ses sens vers la sensation que cette action lui procure. Un bourdonnement contre ses tympans, l’odeur de sous rouillé qui lui caresse les narines, la texture granuleuse sous la peau sensible de son index. |
| | | | (#)Jeu 6 Fév 2020 - 15:53 | |
| Tel un gamin à qui on a refusé d'acheter le pistolet nerf dernier cri, je le vois relâcher les muscles de sa colonne pour que son dos vienne se heurter bruyamment au dossier de la chaise. Je sais qu'il me provoque encore, il devait s'attendre à ma réponse mais je ne lui laissais pas le choix de jubiler. Je continue dans ma lancée, d'une attitude bien plus fidèle à moi-même : l'intimidation et les menaces. Je débute d'abord gentiment, j'annonce la couleur en lui balançant une première information : des gosses sont morts à cause de ses conneries. J'observe son langage corporel, ses réactions. Je ne sais pas si c'est mon mouvement soudain, mon ton plus sec ou ma déclaration, mais Keegan se crispe. Je ne lui laisse pas le temps de réfléchir, je suis déjà derrière lui et l'emprisonne entre mes bras nus. Je peux sentir son souffle chaud et rapide me chatouiller les poils de mes avant-bras, le rejeton essayant d'éviter tout contact avec moi. Je lui fais peur, je le mets dans une position plus que désagréable, et ce n'est pas pour me déplaire. Je reprends sévèrement le dessus, j'attends qu'il me supplie de le laisser respirer, ou mieux, qu'il me dégage. Il s’écrase sur lui-même, s’aplatit sur la table, et je le sens perdre de son assurance. Quand il me répond finalement, c’est pour se défendre. « J’ai pas vendu à des mineurs. » Son timbre de voix est différent, sa façon de me parler aussi. Je ressentais déjà son irritation et le besoin que je le libère dans sa posture, je l’entends maintenant dans sa voix. Il se défend pour la première fois, trahissant la réflexion contradictoire qui se passe actuellement dans sa tête. Il sait qu’il a vendu à des mineurs, ou il se voile la face sur ça en tous cas. Lui annoncer ce que les flics en savent plus que ce qu’il croit le déstabilise, je le vois bien. « Et puis, tout l’monde fait ses propres choix. Les gens m’payent parce qu’ils en ont envie, c’est un business comme un autre. » Serait-ce un début de quelque chose ? « Un business comme les autres ? Rassure-moi, t’es au courant quand même que c’est illégal ? » Je ne lui laisse pas rebondir sur ma phrase, j’enchaîne pour ne pas perdre le début de faille qu’il m’a montré, malgré lui. « Et donc tu avoues vendre à n’importe qui, tant qu’ils ont du fric à te filer en échange ? Si t’as un mineur qui vient te demander de lui vendre ta merde, c’est pas grave il paie donc y’a pas de soucis ? » Je lui parle toujours tout près de son visage, je fais en sorte que mon souffle chaud vienne lui effleurer sa peau déjà irritée par ma présence. Allez Keegan, craque. Ma volonté ne se fait pas attendre, il explose enfin. « Dégage, p’tain ! Laisse-moi respirer sale connard. » Sa réaction me fait sourire, je me sens puissant et j’utilise le traumatisme qu’il a certainement subi pour qu’il me parle. J’en ai rien à foutre de savoir si c’est éthique ou pas, je veux juste avoir mes renseignements. J’aurai préféré qu’il me donne un coup de crâne, qu’il me montre qu’il n’en puisse plus et qu’il agisse sur son mal-être, mais l’avorton se contente de gratter la table, comme s’il tentait de focaliser son attention ailleurs pour se faire mal. Je me rapproche un peu plus de lui, et je suis sûr qu’il peut à présent sentir la chaleur de mon buste qui transperce mon t-shirt. Je lui attrape les mains pour qu'il cesse son geste, et les plaque violemment sur la table. Sa force ne peut pas rivaliser avec le poids que je mets sur ses poignets, et je ris doucement dans le creux de son oreille. « Arrête de lutter mon petit. » que je souffle. « Tu travailles pour qui, Keegan ? » Je respire doucement alors que mon cœur s’emballe, Joseph va flancher et je n’attends que ça.
- Spoiler:
Pardon de faire subir ça à Joseph C'est un petit con, mais il mérite pas ça JTM m'en veux pas
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| | | | (#)Sam 8 Fév 2020 - 4:34 | |
| Le faux gentil flic a découvert le point faible de son détenu et, maintenant que les dés sont tirés, ils ne cesseront de rouler tant que Joseph n’offre pas une réponse acceptable à celui qui tente d’obtenir de précieuses informations concernant les contacts du dealer de cocaïne. Affaibli par l’impression d’être à nouveau prisonnier de l’enfance, le garçon plaqué contre la table se met à respirer difficilement en cherchant un moyen de ne pas concentrer ses esprits sur le souvenir fantôme qui rallume les douleurs dans son dos. Il ferme les yeux mais la noirceur ne l’aide pas : au contraire, il peut encore plus se revoir dans sa chambre, la joue contre le matelas et les cris retenus dans le fond de sa gorge. « Un business comme les autres ? Rassure-moi, t’es au courant quand même que c’est illégal ? » Il ne réagit pas à cette question. Il se contente de préserver le silence qu’il considère comme la seule échappatoire à ce cauchemar. S’il peut supporter le poids des minutes qui s’écoulent lentement, il pourra retrouver la solitude qu’il n’a jamais autant appréciée avant aujourd’hui. « Et donc tu avoues vendre à n’importe qui, tant qu’ils ont du fric à te filer en échange ? Si t’as un mineur qui vient te demander de lui vendre ta merde, c’est pas grave il paie donc y’a pas de soucis ? » Un grognement gorgé de colère fait vibrer sa gorge mais il arrive à garder ses deux lèvres soudées ensemble. Il est vrai que l’éthique de Joseph a négativement évolué au fils des années et que, s’il s’empêchait de lâcher un juron avant la vingtaine, aujourd’hui il pourrait entrer de pied ferme dans une Église et traiter le curé de tous les noms inimaginables. Il est comme ça aujourd’hui parce qu’il a appris à se défendre, lui qui se contentait de subir quand il n’avait pas la force de cerner l’injustice.
Le souffle du policier se fait de plus en plus perceptible à l’entrée de l’oreille du détenu et, s’il arrivait à se contrôler jusqu’à présent, c’est un beuglement haineux qui s’échappe de la bouche de Joseph. Il n’arrive plus à respirer bien que toute cette sensation de noyade soit psychologique. Son ongle part à la recherche d’un recoin à gratter et il se laisse bercer par le grincement désagréable que provoque son tic nerveux, pensant naïvement que le temps passera assez vite pour qu’il retrouve sa cellule provisoire en un claquement de doigt. Cependant, son souhait n’est pas exaucé et la masse intimidante du policier le compresse davantage sur sa chaise. Il tente du mieux qu’il peut de se tordre, de prendre le moins de place possible, mais rien n’y fait : il n’y a plus aucune distance à combler entre lui et la table sur laquelle ses os se blessent. La puissante poigne de l’homme agrippe ses poignets et Joseph pousse un léger gémissement de surprise en sentant ses paumes se faire comprimer contre le métal encore froid de la surface solitude de la table. Affolé, il se met à haleter dangereusement tandis que son corps en entier se met à trembler sous l’effet d’une crise de panique. « Arrête de lutter mon petit. » La phrase répugnante agresse ses tympans, bien qu’elle soit murmurée. Aussitôt, le corps lourd du policier se transforme en celui de l’homme de religion et c’est sa voix qui formule les prochains mots qui ne ressemblent qu’à des sons sans sens. « Tu travailles pour qui, Keegan ? » Il secoue la tête et roule des épaules comme le ferait une vache qui tente de se débarrasser d’un essaim de mouches tournant autour de ses oreilles. « Je travaille pour survivre. » Il arrive à souffler, la bouche terriblement sèche et les lèvres tremblantes. Il émet un autre gémissement craintif au moment ou un filet de sang s’échappe de sa narine pour s’étendre sur la table. Il tourne de l’œil entre deux inspirations, son cœur étant bien trop paniqué, et la nausée s’attaque à ses tripes, armée des lames les plus tranchantes. «J’vais… » Sa voix se fait couper par un hoquet menaçant annonçant le danger à venir. « J’vais gerber… J’te jure, si tu m’lâches pas… » Et il se concentre, le « petit », pour ne pas expulser les quelques restes de nourriture qui flotte dans son estomac. Mais la menace est véritable : si le policier n’a pas envie de se lancer dans une carrière en conciergerie, il devra abandonner la lutte inéquitable et se retirer.
- Spoiler:
Tu es tout pardonné, voyons. Alors, je tiens à te dire que Jo il gerbe dans tous les cas, alors amuse-toi bien avec tout ça.
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| | | | (#)Lun 10 Fév 2020 - 11:46 | |
| Joseph adopte à nouveau sa posture du Monsieur-je-ne-parle-pas. Il a compris qu’il ne pouvait pas jouer avec moi bien longtemps, que les insultes et les provocations ne fonctionnent pas sur le lieutenant que je suis. Il préfère à présent se taire, les quelques révélations qu’il a faites trahissant sa peur et son infériorité face au flic imposant qui l’interroge. L’emprisonner par derrière, le restreindre de ses mouvements, parler tout près de son oreille, tout ça fonctionnait à merveille. Le Keegan s’était crispé, il avait décidé de fermer sa grande gueule insultante pour la jouer plus discret, il s’était écrasé et j’avais regagné ma place. Je suis celui qui interroge, celui qui tire des informations, pas celui qu’on traite de gros crétin puis de connard. Je lui faisais peur, je ne pense pas que ce soit ma carrure ou ma personne, mais simplement le fait de me placer derrière lui, que cette sensation le ramène à des vieux souvenirs traumatisants. User de cette façon pour intimider n’était pas une de mes spécialités, mais elle marchait parfois sur des gars un peu trop dévoués à leur cause illégale. Celui-ci semblait réceptif à mon attitude de pervers, et je pense sincèrement qu’il a vécu ses traumatismes étant gosses. Il ne peut pas se défendre, il est retourné dans son corps de gamin qui n’a pas la force de dire non, ses menottes l’emprisonnent mais c’est surtout son esprit qui le retient de le faire. Je fais abstraction de cette analyse, je ne veux pas ressentir de l’empathie pour lui sur ça, je ne veux pas qu’elle s’installe dans mes pensées et que je regrette ce que je suis en train de faire. Ce gars est une pourriture Greg, et faut que t’obtiennes des infos. Je me focalise sur cette phrase que je me dis à moi-même, et alourdit encore plus mon emprise sur ses mains plaquées sur la table. Il se met à trembler comme une feuille, j’ai l’impression qu’il va me clamser entre les bras, et sens littéral du terme. Mais je garde mon objectif en ligne de mire, je lui demande pour qui il bosse. Il va finir par me lâcher des renseignements que je cherche s’il veut que je m’éloigne de lui, et, même si ses lèvres semblent cousues entre elles, il va forcément parler. Continue Greg, lâche pas. Je me motive tout seul, j’ai peur de flancher le premier et qu’il reprenne alors le dessus, je perdrai toute crédibilité. « Je travaille pour survivre. » Je repousse l’envie de le laisser respirer alors que je vois du sang couler de son nez, le gamin étant à la limite de l’hyperventilation. « J’vais… J’vais gerber… J’te jure, si tu m’lâches pas… » J’ai du mal à ne pas m’humaniser face à cette image, mais je prends sur moi. Du vomi, j’en ai déjà vu plein dans cette salle, entre ceux qui provoquent et ceux qui stressent, y’a eu pas mal de gerbe, volontaire ou non. L’odeur me dégoûte réellement, mais j’arrive toujours à me contenir pour ne pas ajouter mes restes à ceux des prisonniers. Je reprends l’assurance que je tente de me donner depuis que je l’ai plaqué sur la table. « PARLE, JOSEPH. » Je hurle dans la salle, j’appuie mes gestes d’une violence certaine dans la façon de m’exprimer. Je lui ordonne de me répondre, la figure d’autorité viendrait certainement faire son effet dans ce tourbillon de torture personnalisée. Si ça ne marche pas, il va falloir que je trouve une alternative. Je ne pourrai pas rester ainsi plus longtemps, il va finir par se figer totalement et s’enfermer dans sa coquille. J’aurai regagné ma place, mais j’aurai pas eu ce que je cherche. Je prie pour qu’il me réponde, que mon emprise l’effraie au point de vouloir parler. Et, s’il gerbe, il faudra que je m’éloigne, pour ne pas rendre mon donut aussi. Ma tolérance au vomi a tout de même ses limites, et la galette d’un autre qui se situerait à dix centimètres de mon nez ne va pas m’être favorable. « Fais-nous une faveur à tous les deux mon grand, répond et je te laisserai tranquille. » que je souffle finalement. Une promesse comme ils aiment bien faire, ces vieux connards de prédateurs pédophiles. « Pour qui tu travailles ? » que je demande pour la deuxième (et certainement pas la dernière) fois. J'espère juste qu'il sera plus raisonné cette fois-ci. |
| | | | (#)Mar 11 Fév 2020 - 4:33 | |
| Si la petite technique du policier pouvait fonctionner jusqu’à présent, dorénavant, Joseph était incapable d’utiliser le moindre de ses neurones pour réfléchir, son corps bien trop concentré à lutter contre cette agression actée qui replongeait le garçon vingt années en arrière. Jamais il ne pensait ressentir cette telle impuissante à nouveau mais chaque mot soufflé et chaque faible murmure près de son oreille l’emprisonne auprès de ses plus anciens démons. Il tente de vaincre la peur qui le cloue contre la table aussi fortement que les bras de l’homme baraqué mais il ne peut pas reprendre le contrôle sur lui-même. Il n’est devenu qu’une marionnette et la main au-dessus de sa tête, de laquelle pendent les fils, s’est arrêté dans le temps, figée, glacée. Comme son corps n’arrive pas à se défendre physiquement, il envoie un premier signe de détresse : le sang qui coule de sa narine à petites gouttes forme progressivement une flaque de plus en plus large et s’attache à la joue ainsi qu’aux lèvres de Joseph. Sa saveur amère serre dangereusement sa gorge et un haut de cœur dangereux convainc le garçon d’avertir son agresseur : s’il ne met pas fin à cet interrogatoire brusque, ses tripes se videront sur la table. Mais l’avertissement ne déboussole pas le policier qui insiste une énième fois pour avoir des réponses auxquelles Joseph refuse d’offrir une réponse : la loyauté s’est logée dans son cœur comme la balle tirée d’un flingue à bout portant. « PARLE, JOSEPH. » Sa volonté brutale est ponctuée de secousses étouffantes. Un gémissement de panique s’échappe des lèvres du détenu tandis qu’il utilise le peu de force qu’il possède pour tenter de repousser le corps qui l’écrase. Rien n’y fait : il est le petit lapin fragile coincé entre les serres d’un aigle. Un second hoquet agite sa poitrine et il respire bruyamment pour contenir sa nausée alors que la voix rauque de son agresseur fracasse ses tympans. « Fais-nous une faveur à tous les deux mon grand, répond et je te laisserai tranquille. » Un frisson parcourt son échine, de bas en haut, et se réfugie au creux de ses épaules pour les crisper. Ce surnom, c’est celui qui l’avait terrifié pendant tant d’années entre les deux mains ouvertes de Jésus. Je te fais confiance, mon grand, c’est un petit secret entre nous. Sache que tu es privilégié, les autres seraient jaloux et on ne veut pas créer de la jalousie, pas vrai ?
- Ne pas lire si tu es émétophobe:
Coup final. Joseph se met à saliver, sa langue se transforme en une sorte de pâte solide et un soubresaut le secoue lorsque son estomac se vide sur la table, se mélangeant à la tache de sang. Son visage s’étire en une grimace de douleur, la bile brûlant sa gorge, et une quinte de toux agite tout son corps qui tente désespérément de se défaire de l’emprise de celui qui a pris le visage du curé. L'odeur de son propre rejet agresse ses narines alors il entrouvre les lèvres pour respirer par la bouche.
La nausée passée, le garçon ferme fortement les paupières pour séparer ses sens de la réalité mortifiante et il arrive à prononcer quelques mots qui ressemblent davantage à des plaintes aiguës de petit mammifère suppliant. « J’suis seul. J’l’ai toujours été. » Il arrive à mentir, le ton déchiré et tellement honnête, parce qu’il base ses dires sur la réalité qu’il a longtemps subi quand il vagabondait dans les rues de Brisnane, comme seule compagnie, son ombre. « Y’a personne d’autre. J’vous en fais le serment. » Il jure ainsi devant Dieu pour profiter de l’occasion pour l’insulter, pour le haïr, pour mettre le blâme sur les épaules de cet être soi-disant bon qui a fait de sa vie un enfer avant même qu’il ne commette un méfait. Ses yeux gorgés d’eau, parce qu’il a extrêmement mal, abandonnent la lutte et de leur paupière s’échappe une première larme qui représente à la fois l'échec et la victoire. |
| | | | (#)Jeu 13 Fév 2020 - 0:29 | |
| Je ne savais pas à quoi m’attendre en poussant autant, est-ce que je pensais sincèrement qu’il allait me donner tout ce que je souhaitais et que cette histoire de vomi n’était qu’une énième provocation pour que je m’éloigne de lui ? Ou est-ce que je voulais simplement maintenir mon attitude de flic pervers sans humanité ? J’en sais rien, tout ce que je vois maintenant, c’est la grosse bouillie jaunâtre qui contient encore des morceaux, et qui se mélange au sang que la narine du gamin avait fait couler. Cette image me rebute fortement, mais c’est la puissante odeur qui m’agresse sauvagement les narines qui me dégage de là. Joseph est à présent seul face à son repas à moitié digéré, le visage toujours posé sur la table, épuisé d’avoir subi toutes ces violences psychologiques mais soulagé que son corps ait réagi suffisamment tôt pour qu’il ne crève pas entre mes bras. Je reprends mes esprits, et entrouvre la bouche pour y faire rentrer et sortir l’air sali par son putain de vomi. Je respire le même air que lui, et j’ai l’impression que même respirer par la bouche ne suffit pas à me débarrasser de l’odeur dégueulasse imprégnée dans la salle, et en moi. Je pensais pouvoir résister plus que ça, mais je pense que c’est toute la situation qui m’a retourné en fait. Le fait de rejeter mon empathie pour Keegan et ce qu’il a subi, de lui faire revivre ce traumatisme, de voir un gamin trembler sous mon emprise, le tout m’a salement dégoûté. Je me rassure en me disant que c’était pour la justice, pour ne pas que des gamins crèvent réellement à cause de gars comme lui, mais surtout pour trouver pour qui il travaille et les descendre. « J’suis seul. J’l’ai toujours été. » qu’il finit par me sortir. Je ne le crois pas, et il le sait. « Y’a personne d’autre. J’vous en fais le serment. » Il ose même jurer ce con. Même les plus pourris ne se permettent pas d’utiliser la religion pour appuyer leurs dires, mais celui-là c’est un bon. C’est là que je comprends, que je crois comprendre tout du moins. Il se permet de blasphémer, il en a clairement rien à foutre, il le dit avec tellement d’assurance alors qu’on sait tous les deux qu’il ment. C’est pas un mec non-croyant, non, celui-là il a dû se faire abuser par un putain de pédophile dans l’église. C’est sa façon à lui de prendre sa revanche, d’avoir l’impression qu’il a le dessus sur tout ça. C’est ce qu’il essaie de se dire, et c’est ce que je crois. Cette fois-ci, c’est moi qui ravale la bile qui s’accumule dans ma bouche. Je comprends pas comment on peut s’en prendre à des gosses, comment on peut faire ça aux êtres les plus fragiles. Je suis toujours en retrait, j’évite de regarder la flaque ambrée sur la table, je risque d’ajouter ma bouillie moi aussi dans cette salle sinon. Il va falloir que je passe devant lui maintenant, il va falloir que je reprenne le dessus. Reprends toi Greg, t’as joué le flic pervers parce que tu te devais de le faire. T’as bien fait d’avoir poussé au bout que je me dis pour me rassurer. Habituellement, j’aurai pris une grande inspiration par le nez pour me donner du courage, mais cette étape m’est pour l’instant impossible. Je compte alors rapidement jusqu’à trois dans ma tête, avant de finalement me déplacer avec une assurance presque fausse. Je prends garde à ne pas m’appuyer sur la table, mais je me rapproche du plus que je puisse, mon regard étant venu s’ancrer dans celui du gamin. J’ai l’impression qu’il sait que j’ai faibli, il sent une faille. J’établis alors, de la façon la plus posée possible : « C’est ta dernière chance de parler Joseph. Je vais te le demander une dernière fois. Si tu ne réponds pas à ma question, je ne peux pas te garantir de ce qui t’attendra en prison. » Je le fixe, et malgré le fait que je suis certain qu’il ne me dira rien de plus, je tente une dernière fois. « Tu travailles pour qui ? » Mon cœur bat fort, mais l’excitation n’est plus la raison de ces pulsations. Je suis conscient que je n’obtiendrai pas de réponse. J’espère juste tenir suffisamment longtemps pour lui dire d’aller se faire foutre, et d’enfin pouvoir aller vider mes tripes dans les chiottes. |
| | | | (#)Jeu 13 Fév 2020 - 6:15 | |
| Les étoiles ne sont pas alignées pour Joseph, aujourd’hui. Jamais il n’aurait pu deviner que cette hantise de jeunesse lui collait encore à la peau malgré toutes les années passées sans qu’il ne revoie le visage du prêtre qui s’était tiré une balle dans le crâne lorsqu’un enfant avait été assez conscient pour réaliser que les mains sur lui n’étaient pas normales. Son propre rejet, étendu sur la table, n’arrive pas à le clouer de honte parce que ses pensées sont devenues vides, inertes. Dès le moment où le policier s’est reculé et a libéré le détenu de son poids, Joseph s’est reculé et s’est collé contre le dossier de la chaise toujours aussi inconfortable pour instaurer une plus grande distance entre lui et la situation qui se produisait quelques secondes plus tôt. Même s’il est à nouveau libre de ses gestes, pas un seul de ses muscles n’ose tressaillir. Il a l’impression d’être encore restreint par la large poitrine du flic même si ce dernier a préféré battre en retraite pour épargner son propre estomac probablement retourné. La pièce nauséabonde est plongée dans le silence mais, malgré l’ambiance presque sordide, sur le visage du plus jeune plane une expression impassible. Ses yeux sont ancrés sur le mur sans qu’il ne le voie réellement. Il respire doucement, les lèvres entrouvertes. Le mouvement à sa droite ne le déstabilise pas dans sa contemplation aveugle, ni la voix rauque du policier qui s’élève à nouveau. « C’est ta dernière chance de parler Joseph. Je vais te le demander une dernière fois. Si tu ne réponds pas à ma question, je ne peux pas te garantir de ce qui t’attendra en prison. » Personne ne pourrait prévoir son passage en prison. La taule n’est pas un endroit où les prisonniers se réveillent le matin avec une assiette de fruits et deux œufs durs au bout de leur lit. Joseph n’a jamais réfléchit longtemps à l’éventualité de se retrouver derrière les barreaux : il n’a pas eu le temps de craindre sa punition. Sans jamais adresser un regard à l’homme qui semble s’être calmé, il déglutit et soulève machinalement la main pour essuyer le dessous de son nez, là où un filet de sang ruisselle encore. Il humecte ses lèvres avec sa langue, goûtant l’amertume au passage ; mais cette saveur répugnante ne le fait pas broncher parce qu’elle le ramène sur Terre alors que son esprit tente de s’en échapper. « Tu travailles pour qui ? » Un long silence emboîte la question du policier. C’est un sourire dérangeant qui étire les lèvres de Joseph lorsqu’il relève ses yeux rougis pour les planter dans ceux du policier. Il a réussi à maintenir son mutisme malgré les souffrances qu’il lui a affligées. Il a maintenant la certitude que rien au monde n’arrivera à lui arracher l’information cruciale. Et c’est pour cette raison qu’il a gagné, malgré ses traits défoncés, malgré le sang qui enlaidit son visage et malgré ses mains ensembles menottées. Fin du sujet. |
| | | | | | | | The meaning of silence [Greg/Jo] |
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