La moto glisse sur l’asphalte, rutilante et vrombissante, son moteur tourne à plein régime alors qu’elle se glisse entre les longs convois de véhicule qui se pressent vers le centre-ville de Brisbane en ce début d’après-midi estival. L’air est chargé et lourd, entre les pots d’échappements les moteurs rugissent et surchauffent sous le soleil cuisant australien à l’heure des bouchons. L’atmosphère pesante se ressent dans ma conduite sèche et dynamique : je n’ai pas de temps à perdre et je ne peux me permettre d’attendre que le trafic se désengorge. Je dois être à l’heure. Le souffle court, le regard fixe et résolu, je slalome entre les engins monstrueux qui polluent tellement qu’une brume épaisse se forme autour des deux-voies encombrées. Quelques coups de klaxons retentissent après mon passage, et des éclats de voix furieux s’élèvent, masqués par le ronronnement si caractéristique et bruyant de Daisy. Des mécontents qui préfèrent passer leurs nerfs et leurs frustrations sur les autres, il y en a toujours et surtout au volant, rien de très alarmant donc. Je ne m’en inquiète pas, obnubilé par l’objectif de cette après-midi qui, bien que précis dans ma tête, m’échappe totalement dans le concret. Comment faire en sorte que Gail Hartwell accepte la liberté conditionnelle ? J’ai plusieurs plans d’action en réalité : lui sortir un discours larmoyant en prenant mon frère en otage (comme ce dernier est absent, il n’en saura rien et la fin justifie les moyens, non ?), la convaincre que je serais très heureux de la voir hors de ces murs (ce qui risque d’être compliqué à lui faire avaler) et enfin, lui mentir en lui disant que tout est pardonné et derrière nous (irréalisable, évidemment). Non, ma seule option c’est Lonnie qui a besoin de sa mère au quotidien et surtout, surtout je dois éviter de dire ce que je pense de tout ça. Je ne vais pas y arriver. Je ne vais pas y arriver, je le sais. Voilà que se dressent devant moi les murs immenses et austères de l’établissement pénitentiaire et la lourdeur dans mon cœur prend de l’ampleur. Comme si mon cœur chutait au sol, attiré par la gravité écrasante et la fatalité contre laquelle personne ne peut lutter, tout se resserre brusquement et je peine à garer ma moto sur le parking poussiéreux qui longe d’une part la prison, d’autre part la route. Tout est bruyant ici, alors qu’on aurait besoin de silence pour rassembler nos pensées, alors qu’on aurait besoin d’intimité pour trouver du courage en soi. Ici, ce n’est pas possible. Les mots liberté, intimité, solitude ou encore silence n’existent plus. Ils n’ont pas leur place entre ces murs, ici tout est décortiqué et les émotions sont étalées au grand jour, sans pudeur et sans considération. Je ne suis pas prêt pour ça. « Tu peux le faire, Harvey, je crois en toi. » Les paroles de Terrence me reviennent en tête et je me les répète, inlassablement pour m’insuffler un brin de courage alors que j’enchaîne la moto, puis que j’allume une cigarette. J’ai besoin de me rappeler des raisons pour lesquelles j’ai accepté d’être là, de faire face à cette mère que je maudis et que j’aime chaque jour tout autant.
T’es à un tournant de ta vie, boy. Ce que tu t’apprêtes à faire là, c’est ce que tu aurais dû faire il y a longtemps et c’est uniquement parce que t’as trop attendu que c’est si dur. T’as cru connement qu’en enfermant tes sentiments, en ignorant tes ressentis, ils allaient s’évaporer, ils finiraient par laisser ton cœur et ton âme tranquilles mais c’est tout le contraire qui s’est produit, n’est-ce pas ? Ils ont enflés, ils ont grossis et ils t’ont entièrement possédés, te réduisant à l’état d’esclave de ta propre colère, à l’état de mendiant pour un peu de considération de la part de tes paires, à l’état de déchet noyé dans l’océan de tes incertitudes… Pitoyable, n’est-ce pas ? Et c’est assez incroyable qu’au milieu du tas de débris qui constitue ta propre vie, t’aies réussi à attirer la lumière. T’as fait fort sur ce coup là, boy. Et t’as failli tout niquer une fois. Tu te rappelles ? Le vide ? Le ventre qui se creuse et qui se tord ? Les larmes ? La douleur ? Tu ne peux pas tout foirer encore, tu le lui as promis. Au petit-frère aussi. Peut-être que pour avancer, tu dois mettre un terme définitif sur le passé et ça signifie l’affronter elle. La grande responsable de tous tes tourments. La traître. L’égoïste. La femme qui a tout détruit et qui t’a lâchement abandonné. Celle qui t’a offert la liberté dont tu ne voulais pas en s’en privant pour toujours. Celle qui se cache depuis des années derrière ces murs sordides. Celle qui se cache derrière une vitre en verre, dans une tenue sévère, le regard larmoyant et qui a perdu le droit d’être appelé « mère ». C’est Gail Hartwell et c’est une porte fermée sur le chemin de ton bonheur. Ouvre la porte, boy. Affronte Gail.
Je balance la cigarette terminée sur le sol terreux et poussiéreux du parking et je m’avance, le regard fixe et déterminé vers les grands portiques de sécurité. Je m’apprête à être passé au crible, à être analysé sous toutes les coutures et à affronter les regards curieux, méfiants et soupçonneux des employés de la prison. Je me plie à leurs règles, conscient que ma liberté m’est aussi ôté à cet instant. Je suis dans un établissement pénitencier et je n’ai pas le droit de l’ouvrir, ni d’exiger quoi que ce soit. Alors, je défais lentement la boucle de ma ceinture et vient la déposer aux côtés de ma montre, de ma chaîne, de mon téléphone, mon portefeuille, mes clopes, mon zippo et de mes chaussures, et une fois le portique de la sécurité passé, on ne me rend que ces dernières avec un ticket pour récupérer mes effets personnels plus tard. Tout ce qui fait ce que tu es, qui tu es, tout ce qui te représente en tant qu’individu, tout ce qui te différencie de tes paires, tout cela reste consigné. Entre ces murs, tu n’es plus qu’un numéro, anonyme, un de plus parmi tant d’autres. Un visiteur dont l’histoire n’intéresse personne, dont la souffrance est ignoré, dont la douleur n’a pas d’importance. Et j’accepte tout cela, en pensant au petit-frère et au nombre de fois où il a effectué ce parcours seul pour rendre visite à cette mère ingrate. La colère monte, elle bouillonne, bien présente et je sais dorénavant que je n’arriverais pas à la contenir. J’espère que t’es bien accroché, Maman, car je ne vais pas t’épargner. Et ce ne sont pas tes excuses, ou tes regards larmoyants, tes lèvres tremblantes ou je ne sais quoi encore, qui réussira à m’émouvoir. Tu n’as aucune idée de celui qui va s’assoir face à toi, et tu vas sûrement remercier le ciel pour cette vitre en verre. La tension monte d’un cran, l’attente est intolérable et mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine. Des tonnes de questions se pressent et martèlent mon crâne : à quoi tu ressembles ? T’as du bien vieillir en dix ans, non ? La dernière fois que je suis venu ici, c’était le mercredi 31 janvier 2007, juste avant mes 21ans. Ma dernière obligation avant de prendre définitivement mon envol, avant d’être considéré comme ‘adulte’ par les services de protection de l’enfance qui avaient décidé de prolonger mon accueil entre leurs murs au-delà de la majorité (probablement car je ne coûtais pas bien cher en fuguant constamment). Je m’étais assis, face à toi, sans décrocher le téléphone et je t’avais observé pendant de longues minutes, ruminant ma haine avec la volonté ferme de conserver ton visage dans ma mémoire pour le ressortir à chaque fois que j’aurai besoin de rage pour m’en sortir. Et il y en a eu de nombreuses, des fois où j’ai fait appel à toi pour m’en sortir, où ma colère envers toi m’a sorti de la merde, où la rage et la haine m’ont maintenu en vie. Bien trop nombreuses… Désolant, tu ne crois pas ?
Le parloir. Cette pièce vide, aseptique et stérile où sont emprisonnés des sentiments vaporeux, contrits et douloureux. Cette pièce anonyme où il n’y a rien de plus qu’une vitre hautement résistante, pour s’observer et deux combinés, pour communiquer. C’est un endroit vide de rien et rempli de tout. Surchargé de par sa nudité qui laisse place à tout ce qui n’a pas de substance : tout ce qui ne se voit pas mais qui nous aveugle, tout ce qui ne se dit pas mais nous étrangle, tout ce qui se ressens et nous broie. Le parloir, c’est un gouffre froid et béant, rempli des immondices de nos malheurs et de notre souffrance ; c’est l’épreuve ultime, celle dont on ne ressort pas entier, celle où on perd forcément un petit peu de soi, celle où le mal nous ronge une partie de l’âme pour la séquestrer à jamais en enfer. Le parloir c’est une chimère colérique qui nous dévore. On n’en sort pas indemne.
Elle est là, face à moi, la vieille mère Hartwell. Son visage émacié n’offre qu’une piètre et maigre vision de la femme qu’elle a été plus jeune. Ses traits sont tirés, sa peau est sèche, ses yeux sont marqués par le manque de sommeil et les pleurs qu’elle a dû laisser couler durant la nuit, ses lèvres gercées forment une ligne mince qui casse la rigidité de son menton et de ses joues pincées, ses cheveux cassants et desséchés tombent sans grâce sur ses épaules décharnées et son corps squelettique. Elle fait peine à voir, Gail et durant quelques secondes, j’éprouve de la pitié pour elle. Je ne comprendrais jamais pourquoi elle a choisi cette vie-là plutôt qu’une autre. Pourquoi elle a basculé et est devenue une meurtrière. Pourtant, dans l’océan de ses yeux, je décèle non sans mal une force farouche, une détermination illimitée et une folie certaine. La Gail que je connaissais, celle qui opinait du chef sans rien dire et se pliait à la volonté de son mari, cette femme-là n’existe plus aujourd’hui. Elle a été enterrée il y a longtemps. Et je ne connais pas celle qui se trouve face à moi.
D’une main tremblante, les larmes envahissant ses paupières, elle se saisit du combiné à sa droite et j’hésite à en faire de même. Entendre sa voix, après des années de silence… Je pose pourtant ma paume moite et chaude sur l’appareil et dans un geste lent et maîtrisé, le porte à mon oreille. Le silence perdure, légèrement troublé par des sanglots étouffés provenant d’elle. Son autre main se pose sur la vitre et voilà que sans crier gare, elle murmure – Harvey… Oh mon Harvey… Tu es venu. Le soulagement dans sa voix me trouble, les larmes qui glissent en abondance sur sa peau rêche me nouent la gorge, je suis face à cette étrangère, à cette mère que j’ai perdu bien trop tôt et que je ne suis pas réellement sûr de vouloir retrouver, et je suis perdu. Complètement perdu. Oui, je suis venu, Maman, mais pas vraiment pour te voir. Car ça fait mal, tu sais ? Le trou dans ma poitrine qui se déchire en t’observant, je sens mes organes transpercés en train de se vider partout autour et la douleur n’a jamais été plus vive qu’à cet instant. J’y ai pensé des milliers de fois à ce moment, à ce que j’allais ressentir en découvrant ton visage marqué par les années, en entendant ta voix, écho lointain d’une enfance pleine de violence et de traumatismes où cette dernière était le seul résidu de tendresse auquel je m’accrochais furieusement. Tu me l’as arraché, cette tendresse. Comme on arrache un pansement encore accroché à une plaie et qui, au lieu de l’avoir cicatrisé, a seulement étendu le désastre. J’en ai manqué, de tendresse, Maman. Terriblement. Je me suis construit dans un monde où il fallait cogner pour exister, mordre pour ne pas crever, être violent pour se protéger. Est-ce que tu vois tout ça lorsque tu me regardes ? Est-ce que tu vois la peine, le renoncement et la colère qui s’agitent sous mes paupières ? J’en tremble, putain : tellement que je cache ma seconde main pour la coincer sous la table tandis que la première s’accroche au combiné avec force. – Ouais, j’suis là. Voix bourru, son écorché, l’amertume qui racle contre le palet. Et mon regard s’évade, contemple les murs blanc cassés qui ne m’évoquent rien d’autre que le vide, le terrible et angoissant gouffre de misère et de rien, car c’est un véritable calvaire de lui faire face. Un poids énorme s’est posé sur ma poitrine et me l’écrase furieusement. J’ai mal, putain. Je ne veux pas être là, je veux sortir. La fuite comme solution, encore et toujours. Pour ne pas faire face à la rage : écumante, bouillante, vivace. La fuite pour continuer à ignorer. Et je regrette d’avoir dit à Lonnie que j’irai seul, putain mais quel con j’ai été ! Ça aurait été tellement plus facile avec le petit-frère à mes côtés. Il aurait parlé, je me serais contenté d’opiner du chef et on serait sortis de là rapidement. Foutues illusions. T’es dans ta merde là boy, fais-y face. – Harvey… Tu ne sais pas combien ça me fait plaisir de te voir. Ce que tu es devenu beau mon fils. Je grimace, mes yeux se ferment violemment et mes dents se serrent. Tais-toi ! – Tu as l’air en forme. Vraiment, Maman ? J’ai l’air en forme selon toi ? C’est vrai que si on compare ta tronche à la mienne, j’avoue qu’on pourrait le penser. Mais je ne suis pas en prison moi, c’est là toute la différence. J’aurai peut-être dû… t’imagine même pas le nombre de fois où ça a failli arriver. Miraculeusement, j’ai échappé à ce passage-là – et j’ignore encore comment. – Ton frère m’a dit que tu étais de retour à Brisbane, c’est bien, vous allez vous voir plus souvent… J’inspire lentement. Les tentatives maladroites et faibles pour me faire participer à ce semblant de conversations tombent à l’eau. Tu ne m’auras pas aussi facilement, Maman. Mais t’as bien fait d’évoquer Lonnie, ça me rappelle les raisons pour lesquelles je suis ici. – J’ai rencontré ta conseillère, Romy Ashby. Elle pense que tu peux sortir d’ici Noël si t’accepte de faire la demande de liberté conditionnelle. Mon regard est fixe, dépourvu d’émotion à la surface. Je m’accroche au concret, au but de ma venue ici, pour éviter de déverser ma rage et ma colère. J’ai toujours tout contenu à l’intérieur et je n’arrive à me libérer qu’en tabassant des inconnus dans des endroits sordides. Toute ma peine, toute ma souffrance, toutes mes peurs, je ne sais pas les gérer autrement. Elles m’envahissent, m’engourdissent, font de moi un être vide, une enveloppe fantomatique, un rien qui erre… - Oh tu as vu Romy alors. Elle est jolie, qu’en dis-tu ? Plutôt convaincante aussi, même si elle devrait lâcher prise de temps à autres. Oh non, Maman, ne te méprends pas. Je n’ai aucune envie de faire la conversation et de jouer à ça, arrêtons de faire semblant toi et moi. S’il te plaît, sois honnête : on ne se connait pas. – [color:cea1=#000000]Elle ne t’a pas convaincu, toi ? Pourquoi tu n’acceptes pas sa proposition ? Le silence s’impose et ma mère m’observe. Je sens son regard incisif qui parcourt ma peau en détail, qui cherche des réponses aux questions qu’elle ne peut pas poser mais qui résonnent dans cette salle vide tout autour de nous. – Si direct… T’as pas tellement changé, mon Harvey. Ma patience est sur le point d’exploser et je crois qu’elle le sait très bien, je crois même qu’elle fait exprès de faire durer mon calvaire. Tu ne veux pas vraiment me voir péter les plombs, Maman, c’est une très mauvaise idée de me pousser à bout tu sais, très mauvaise idée. – Est-ce que tu crois qu’il se passe quelque chose entre Romy et ton frère ? Quand elle me parle de lui, elle a le regard qui pétille, c’est terriblement touchant et- Mon poing s’écrase violemment sur la vitre en verre pour la stopper dans son délire et alors que je m’approche de la surface transparente, les traits tirés par la nervosité et la fureur, ses lèvres fines et sèches s’étirent en un petit sourire narquois. Souris Maman, t’as raison. – On s’en tape ! Accepte sa proposition, c’est tout. Nos regards s’accrochent et c’est viscéral : j’ai envie de serrer mes doigts autour de son cou et de l’étrangler jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus respirer. Accepte cette putain de proposition, sors de là et après on verra… On verra si tu te débrouilles mieux une fois dehors tiens. – Toi non plus t’as pas changé, tu joues encore à celle qui ne voit rien, à l’idiote qui détourne les conversations pour éviter d’affronter la réalité. Je sais d’où me vient ma lâcheté, me suffit de te regarder pour ça. Sors de cet endroit. Et je te demande même pas de le faire pour toi, t’as l’air de t’y plaire. Fais-le pour Lonnie, pour toutes les heures qu’il a passé dans cette putain de prison juste pour un peu de ton attention. Tu lui dois bien ça, tu ne crois pas ? Alors arrête de fuir tes responsabilités et sors de là. Si tu veux me revoir un jour, sors d’ici. Le regard fixe, déterminé, je me lève et raccroche le combiné, mettant fin brusquement à la conversation.
Et me voilà une nouvelle fois à la recherche d’air, en train de me traîner difficilement sur le parking de la prison et d’inhaler avec rage la fumée de la cigarette qui se consume à une vitesse folle. Je bute contre une pierre, trébuche et me rattrape au guidon de Daisy. – Putain de merde. J’y vois rien, absolument rien. Mes yeux sont noyés par la colère qui tend tout mon corps et je sors en tremblant mon téléphone de ma poche. J’ai besoin de toi. J’ai besoin de toi, de ta douceur, de ta tendresse, de ta voix, de tes bras, de tes lèvres et de ton corps. Bordel, j’ai besoin de toi. Pour ne pas sombrer. Pour ne pas m’éparpiller. Pour ne pas m’évaporer et me dissiper dans l’atmosphère. Rassemble-moi, garde-moi, maintiens-moi envie. Dis-moi que j’ai fait ce qu’il fallait, que j’ai géré ce putain de rendez-vous de merde. Je l’ai vu. Oh putain, je l’ai vu. Elle m’a parlé. Elle est vivante, elle est là, j’ai une image à poser sur elle maintenant. Celle d’une femme décharnée, en manque de vie, d’une femme dépossédée de tout, d’une femme à qui il manque tout. Putain, elle est là, juste à côté de moi et j’ai terriblement envie d’y retourner. Juste pour la voir un peu plus… Juste pour la regarder. Putain, je suis parti si brutalement ! Est-ce que je vais le regretter ? Est-ce que je vais… - Oui allo, c’est moi. J’suis sorti. [..] Ouais, j’veux aller à Gold Coast… vers les rochers y’a trop d’monde sur la jetée à c’te heure’là. [..] J’veux pas rentrer tout d’suite. [..] J’viens te chercher ? Je raccroche, la main qui tremble mais l’assurance d’avoir des bras dans lesquels me loger d’ici quelques instants. Et ça me suffit car c’est tout ce dont j’ai besoin. De lui, de ses bras et de son soutien. Tout peut m’arriver, tant qu’il est là dans ma vie, je n’ai plus aucune crainte. Il saura quoi faire, j’ai confiance. Je jette mon mégot au sol, grimpe sur ma bécane et essuie d’un revers de manche mes joues, avant de placer mon casque sur le sommet de mon crâne. Les gestes mécaniques et habituels m’aident à garder mon cap, tout va bien. J’ai géré. Elle va accepter la proposition et sortir de là. Putain, faudra que j’envoie un sms à Lonnie. Faudra que je lui dise que c’est bon, j’ai été à la prison. Je l’ai vu. Bordel, je l’ai vu. N’y pense pas, concentre-toi sur la route. Oui ! La route. Terrence. Tout va bien se passer maintenant, j’ai fait ce que je devais faire. Je n’ai pas pété les plombs, j’ai réussi à maîtriser ma colère. A peu près. Je crois. C’est un début déjà, je ne l’ai pas insulté. Pourtant, j’en avais des insultes en réserve et je n’avais qu’une envie, c’était les lui cracher au visage. Mais je ne l’ai pas fait. C’est bien, non ? Je crois que c’est bien oui. Faut qu’elle accepte maintenant, faut qu’elle comprenne qu’elle n’a plus le droit de fuir, qu’elle doit arrêter de se cacher derrière ses murs, affronter la vie. Pour Lonnie surtout. Pour moi, aussi. Un peu. Je ne sais pas. Elle est belle, Maman… Malgré les années, malgré les rides, malgré la prison. Putain elle est belle ! Déjà arrivé ? J’ai roulé aussi vite ? Je ne m’en suis pas aperçu pourtant. Et déjà, la fine silhouette de Terrence accourt vers la moto, le casque à la main. Je ne descends pas, ni n’enlève mon casque, je lui fais simplement signe de s’installer. On y va. On prend le large. Me faut une bière aussi, tu ne vas pas m’en vouloir ? J’ai besoin de calmer le stress qui m’envahit là. Faut que je te raconte, faut que je te dise tout ce qu’il vient de se passer. Tu seras fier de moi ? Putain, je me sens tellement con. On dirait une nana perturbée. Ta gueule, Harvey.
Finalement, c’est à Redcliff que j’arrête la moto, en bordure de plage. Gold Coast c’est trop loin et je ne me sens pas de faire l’aller-retour, mes membres sont déjà tout engourdis et une grande fatigue s’apprête à m’engloutir sous sa vague. J’enlève le casque, descend et fais face à mon merveilleux petit-ami qui m’observe, aux aguets. Dans un sourire soulagé, je lâche un – C’est fait. Et putain, je me sens réellement soulagé en vérité. Mes bras s’enroulent autour de son petit corps fluet, et mon visage vient se perdre dans son cou pour sentir les odeurs de coco familières. Je le serre un peu plus fort, un peu trop fort, chérissant cette étreinte qui agit comme un baume sur mes plaies ouvertes et je relâche tout : la pression, le stress, l’angoisse. Tout s’en va, dans ses bras et dans le vent qui souffle fort sur la côte. Je m’écarte après de longues minutes, cherche sa main que je glisse dans la mienne et l’observe avec un petit sourire. – C’est terminé. J’y reviendrais plus, je lui ai dit, c’était… Je cligne des yeux, refoulant l’émotion, mais celle-ci s’évacue malgré moi alors je renifle bruyamment et désigne du menton la plage, et un coin loin des touristes et habitués, à l’écart. J’enlève mes chaussures, les tient à la main et, le cœur un peu plus léger, je marche dans le sable à ses côtés. – Je lui ai dit qu’elle devait sortir et arrêter de fuir ses responsabilités. Elle était… Con ? Bête ? – Belle… Ouais, elle était belle putain. J’allume une clope, laisse mon regard glisser sur l’immensité de l’océan et dans un sourire, j’avoue. – J’espère qu’elle va sortir de là. Je tire sur ma clope, souffle la fumée et continue de me livrer – Parce que je lui ai dit que c’était le seul moyen pour qu’on se revoie. Et putain, j’ai envie de la revoir maintenant. C’est con hein ? je ne m’y attendais pas à ça. A ce bonheur qui parcourt malgré moi mes veines, à ce plaisir de l’avoir eu finalement en face de moi, à sa voix qui chante encore à mes oreilles « mon harvey ». - Elle a dit que j’étais beau, et que j’avais pas changé aussi. Que j’étais toujours aussi direct. Et je suis un gamin, heureux d’avoir retrouvé sa maman. – J’aimerai que tu la rencontres. Si elle sort, tu la rencontreras surement. Je souris, bêtement. Comme un gosse à qui on vient de faire le plus beau des cadeaux. Maman… tu m’avais tellement manqué.
nightgaunt
Dernière édition par Harvey Hartwell le Ven 14 Fév 2020 - 16:03, édité 3 fois
Il savait à quel point ce jour était important pour son petit ami. Ils avaient passé des heures à en parler et Terry l'avait bien remarqué qu'il était nerveux, à faire les cent pas dès qu'il évoquait le sujet, à grogner dans son sommeil, le front moite et le corps agité. Vingt ans qu'il souffrait, Harvey. Vingt années de galères et de foyers, de famille d'accueil et de difficultés, de cauchemars, de larmes aussi, de rage et de haine. Il en avait emmagasiné des emotions au fond de son coeur d'enfant, des cris qu'il avait dû étouffer adolescent, des colères qu'il n'avait jamais pu exprimer et il savait désormais qu'il avait affaire à un battant, Terry, lorsqu'il regardait Harvey, il savait maintenant pourquoi ses yeux étaient si teintés par la tristesse mais il redoutait surtout que toutes ces années à refouler se rejoignent brutalement en un seul et même point avant d'exploser. C'était peut être aujourd'hui, au moment où Harvey retournerait voir sa mère pour lui parler, que tout allait péter. Peut être qu'il allait déverser sur elle tout ce qu'il avait au fond de ses tripes et qu'il n'arrivait plus à pleurer. Il allait devoir être fort et affronter. "Tu peux le faire Harvey, je crois en toi", c'est ce qu'il lui avait répété avant de le laisser partir, les doigts dans ses cheveux blonds et le front collé au sien, à tenter de lui donner du courage du mieux qu'il le pouvait. C'était compliqué à vivre tout ça, pas parce qu'il n'était pas capable de le supporter, mais parce que son amour pour Harvey lui hurlait "protège le, Terrence, protège-le !". Oui mais comment? Il a besoin d'y aller seul, de se confronter au passé. Comment le protéger de ce qui l'attend là bas s'il ne peut pas pas se réfugier dans mes bras quand ça n'ira pas? Peut être simplement en étant là pour lui au moment précis où il en aura besoin et écouter s'il a envie d'en parler. Il a donc tourné dans leur appart en fumant clope sur clope, Terrence, la main agrippée au téléphone et le coeur en apnée à s'imaginer des scenario rocambolesques, à espérer que tout se soit bien passé, qu'Harvey ne souffrait pas trop. Les secondes s'étaient transformées en heures et les minutes en années mais il attendait, avait allumé le tourne disque, l'avait éteint, avait joué du violoncelle aussi pour s'occuper mais l'avait rapidement rangé parce qu'il n'arrivait à rien faire d'autre que ça, attendre, attendre attendre encore et toujours que ce putain de téléphone sonne et qu'il lui annonce que tout s'était bien passé. Parce que si ce n'est pas le cas, dans quel état je vais te retrouver, Harvey? Tu vas vouloir boire? Ou aller te battre? Tu vas avoir besoin de tout ça ou est-ce que je suffirais? J'ai peur tu sais. J'ai peur que ça parte en vrille, que ça ouvre des blessures que tu voulais oublier, j'ai peur que tu plonges, que tu bascules et que mes bras ne soient pas assez longs pour te rattraper. Si seulement je pouvais être là bas, avec toi, à te tenir la main et te dire "tout va bien". Mais t'es tout seul et j'peux rien faire, moi. alors s'il te plait, appelle-moi. Appelle-moi appelle-moi appelle-moi. Mais il lui faudra attendre encore une bonne trentaine de minutes et une bonne dizaine de cigarette avant que le téléphone ne sonne enfin. Surpris, il avait presque failli le faire tomber. Harvey ? [..] ok je.. ça va? [..] D'accord. [..] Oh euh.. oui pas de souci, on fait comme toi tu veux. Il n'avait pas eu le loisir de lui poser plus de questions même s'il en crevait d'envie, parce qu'il avait bien senti qu'il fallait les garder pour après et ne pas bombarder. Harvey venait le chercher et désirait aller à Gold Coast, là où tout avait commencé entre eux. Et il sourit en raccrochant, essaye d'y voir là un signe positif, comme un recommencement, un truc bien. Peut être que Gail Hartwell avait été gentille, peut être qu'Harvey avait pleuré et s'était libéré d'un poids, peut être qu'il aurait besoin de ses bras parce que tout avait dérapé et qu'il lui revenait en kit. Il ne sait pas s'il sera assez pour rassembler les morceaux -si morceaux il y a- mais il est au moins certain d'une chose, Terry, c'est qu'il sera avec lui quoi qu'il arrive et qu'il ne lui lâchera pas la main. Il sourit mais ce sourire disparait à l'instant même où il voit Harvey garé en bas, le visage fermé. Il ne descend pas de la moto pour l'accueillir ou pour l'enlacer comme il avait l'habitude de le faire, ne lui adresse pas un seul mot mais se contente d'un signe de tête. Bien. Ok. Ca s'est mal passé. Et il ne demande pas son reste, Terrence, fait une moue résignée, enfile son casque et s'installe derrière lui, le laisse démarrer et rouler, sans chercher à comprendre où il vont vraiment ni ce qu'il fait mais il a le bide en vrac et l'envie de vomir violente. Parce qu'il a peur de l'état d'Harvey, peur de devoir tout recommencer, peur de le voir mal, peur qu'il perde pied. Ils devaient aller à Gold Coast mais le trajet est réduit et il reconnait les plages de Redcliffe, Terry, soupire, y voit un mauvais présage. Gold Coast c'était une belle analogie pour une commencement. C’est fait. Il retire son casque dans une cascade de boucles brunes et l'attache à la moto. Le sourire soulagé d'Harvey le détend aussitôt et il sourit doucement en retour avant de s'approcher timidement et de lui pincer le t-shirt du bout des doigts avec l'envie de lui demander comment ça s'était passé. T'as quand même besoin de moi, même si tout va bien? Il n'ose pas le regarder, focalisé sur les plis de son t-shirt et ce n'est que lorsqu'Harvey l'enlace qu'il s'autorise à le serrer, pour de vrai, lui picore la peau du cou, renifler son odeur, ses bras enroulés autour de ses épaules. Il le serre comme s'il pouvait s'envoler, Harvey, et qu'il fallait l'ancrer quelque part. Il le serre pour lui dire "jsuis là, j'vais pas bouger", il le serre pour respirer enfin et récupérer aussi un peu de sa nervosité. Et il ne dit rien, Terrence, le laisse se confier de lui même s'il le souhaite, ne veut pas être intrusif. C’est terminé. J’y reviendrais plus, je lui ai dit, c’était… Le coeur qui bat, la main qui vient instinctivement se poser sur sa joue quand il sent l'émotion le gagner. Hey.. qu'il murmure avec douceur. Mais Harvey n'a pas envie de s'attarder sur ça, refoule encore et encore, retire ses pompes, prend sa main et l'entraine à sa suite. Je lui ai dit qu’elle devait sortir et arrêter de fuir ses responsabilités. Elle était…belle… Il baisse la tête et sourit, Terrence, retire ses basket, ses chaussettes et laisse ses pieds s'enfoncer dans le sable à mesure qu'ils avancent. Et il lui avoue, Harvey, qu'il espère qu'elle sortira de prison, donne enfin son avis sur la question après des semaines à clamer le contraire, s'allume une clope et ce qu'il voit dans son regard à ce moment précis, Terry, il ne l'avait jamais vu avant. Il est heureux. Vraiment heureux. Mais pas seulement l'Harvey adulte, pas seulement l'Harvey de maintenant, non. Ce qu'il voit au fond de ses pupilles c'est tous les Harvey heurtés depuis ce drame qui se voient apaisés. Un peu, au moins. Elle a dit que j’étais beau, et que j’avais pas changé aussi. Que j’étais toujours aussi direct. J’aimerai que tu la rencontres. Si elle sort, tu la rencontreras surement. Il a les larmes aux yeux pour plein de raisons Terry mais préfère laisser à penser que c'est la situation qui l'émeut. Parce que c'est le cas. Parce que dans la voix de son petit ami il entend parler l'enfant qu'il était et qui a besoin de sa maman, parce que quand il le voit, il réalise qu'il l'aime, sa mère, qu'il l'aime au delà de ce qu'il voudra jamais admettre. Et c'était merveilleux. Il ne l'avait pas dit à son Harvey, mais toute cette histoire le ramenait aussi malheureusement à la sienne, à l'abandon de sa génitrice, à la non-traitance de sa mère adoptive, à sa tristesse, au terrible sentiment de vide et il réalise soudain qu'aux travers des mots d'Harvey il l'aime déjà, Gail Hartwell. Qu'elle représentait l'image de la mère sacrificielle, celle qui était capable de tuer pour protéger ses petits au péril de sa propre vie, pas celle qui abandonne à la naissance ou qui ne s'occupe pas de ses gamins. Peut être qu'elle avait fait le mauvais choix, peut être qu'elle n'avait pas pensé que ses enfants seraient confiés aux services sociaux, peut être qu'elle s'était imaginé qu'elle ne serait pas condamnée puisqu'il s'agissait de légitime défense, peut être qu'il y en avait d'autres, des moyens d'échapper au bourreau. Mais il n'était personne pour se demander ce que lui aurait fait, n'avait le droit de critiquer ça parce qu'elle avait juste voulu faire de son mieux. Mais t'es peut être pas prêt encore à entendre tout ça, Harvey. J'adorerai la rencontrer ! Je l'imagine blonde, avec de grands yeux bleus, j'me trompe? Il s'arrête et fini par le l'observer en riant, son regard vert au fond de ses iris bleues, les boucles dansant sous le souffle du vent chaud. Et elle a raison tu sais, t'es beau. T'es terriblement beau, et j'dis pas ça juste parce que je suis ton mec hein ! Objectivement, t'es canon. Il aurait aimé lui dire d'arrêter de dire "si elle sort", de le remplacer pas "quand elle sera sortie" mais il a peur de lui faire de faux espoirs alors il ne relève pas. Il y a un doux silence qui s'installe et Terrence esquisse un sourire avant de prendre les deux mains de son petit ami dans les siennes, le souffle saccadé mais le regard assuré. Ca s'est bien passé alors? T'as l'air heureux. Elle a accepté ?T'as pas envie de boire? T'as pas envie de te faire cogner? Est-ce que tout est vraiment ok? J'suis là tu sais. T'as envie de m'en parler? Il stress un max, Terry, se demande ce qu'il doit faire, aurait tendance à lancer un petit truc drôle mais pour le coup se retient, se presse contre lui, l'enlace, et lui murmure dans l'oreille j'suis sur que t'as été parfait. Je t'aime tu sais? Et je suis terriblement fier de ce que tu as fait. Tu y as été, tu as affronté les choses et tu t'es pas laissé démonter. T'es un guerrier. Et sans attendre il dépose un baiser chaste sur ses lèvres, un baiser délicat et plein d'amour. Parce que c'est de ça dont il s'agissait en réalité, de l'amour de Terry pour Harvey, de celui de se dernier pour sa mère et de Gail pour son fils. De l'amour, de l'amour, de l'amour.
Dernière édition par Terrence Oliver le Sam 18 Jan 2020 - 2:04, édité 1 fois
→ Il y a la mer, face à moi. L’immense étendue océanique sur lesquels les rayons du soleil scintillent à perte de vue, la parant de diamants étincelants qui voguent au rythme des marées. Cette vue m’a toujours émerveillé car dans son immensité, l’océan est rassurant, dans son impétuosité aussi et dans sa grandeur. C’est l’absolu, le tout, le puissant. Et dès que mon regard se porte sur ses eaux, une sérénité curieuse m’envahit, et si au départ cela me rendait perplexe, j’ai apprivoisé ce sentiment et j’ai fini par l’adopter et le rechercher aussi souvent que possible. Le sable chaud s’insère entre mes orteils et masse mes pieds que les vagues viennent lécher doucement. Et il y a la mère, derrière moi. La mère qui rassemble en elle tous les morceaux éparpillés çà et là, le petit enfant qui pleure les soirs d’orage et celui qui, impatient, réclame toute son attention, l’adolescent perdu qui au fond de ses yeux larmoyants hurle sa peine face à la séparation, l’adulte meurtri qui aura besoin d’un tendre conseil ou d’un simple encouragement… La mère, au centre de tout. Aujourd’hui, elle fait aussi partie de l’avenir, cette mère que j’ai accusé à tort et à travers, la blâmant pour ma colère parce qu’elle me manquait horriblement. Et je l’ai vu, je lui ai parlé (pas très bien je l’avoue), et je sais désormais que l’avenir sera tout aussi brillant que les vagues qui dansent devant moi cette après-midi. – J’adorerai la rencontrer ! Je l’imagine blonde avec de grands yeux bleus, j’me trompe ? Le cœur léger, je pouffe et étouffe mon rire en soufflant la fumée de ma cigarette, le visage tourné vers le ciel. – Elle n’a pas les yeux si grands que ça, mais ils sont bleus ouais. Et elle est blonde… Avec quelques cheveux blancs quand même… Parce qu’elle y a passé du temps derrière ces murs tout de même. Trop de temps, clairement. – Et elle a raison tu sais, t’es beau. T’es terriblement beau et j’dis pas ça juste parce que je suis ton mec hein ! Objectivement, t’es canon. A nouveau, je secoue la tête et marmonne un – t’es bête… en le poussant du coude, comme pour rejeter cette information uniquement parce que je n’y suis pas habitué. Mais ça me fait plaisir qu’il me trouve beau et ça me fait plaisir de l’entendre, de savoir qu’il me regarde et qu’il aime ce qu’il voit, en dépit des cicatrices, en dépit de la ruine, en dépit de la tristesse… Il me voit Terrence et je suis ému, les larmes s’installent sous les paupières et je renifle en fixant mes prunelles sur la mer. Puis, il attrape mes mains, et je m’arrête de marcher, les vagues viennent caresser mes mollets comme pour m’inviter à me jeter à l’eau. – Ca s’est bien passé alors ? T’as l’air heureux. Elle a accepté ? T’as envie de m’en parler ? Bien sûr que j’ai envie de lui en parler ! Bien sûr que j’ai envie de vivre ça avec lui, de tout lui dire et d’avoir son avis. Tout ce qu’on partage, c’est important pour moi. Je le recueille tout contre moi alors qu’il se presse et m’enlace, pour me glisser au creux de l’oreille : – J’suis sûr que t’as été parfait. Je t’aime tu sais ? Et je suis terriblement fier de ce que tu as fait. Tu y as été, tu as affronté les choses et tu t’es pas laissé démonter. T’es un guerrier. Et ces paroles me font du bien, car pour une fois, je suis aussi fier de moi. Ce que je redoutais le plus au monde s’est révélé être terriblement libérateur et c’est avec un réel soulagement que j’accueille cette fin de journée, épuisé mais ravi, émotionnellement vidé mais rempli à la fois. Fermant les yeux, la douce caresse de ses lèvres me laisse rêveur un court instant, avant que, sans crier gare, je le soulève dans mes bras et l’entraîne brusquement dans l’eau. Mes bras l’encerclent et le portent, et une fois l’eau à la taille, je plonge entièrement dans l’eau avec lui en riant. Coup de folie, je ne l’explique pas, je suis juste heureux. Et c’est avec bonheur que je l’embrasse fougueusement à mon tour, les mains qui se posent de chaque côté de son visage parfait, les lèvres qui se collent avec passion et s’entrouvrent pour se lier plus ardemment, les corps qui se réclament et s’épousent en douceur au milieu de l’océan témoin de notre union depuis le commencement. – Je t’aime Terrence. Le souffle court, les cheveux en bataille, les yeux brillants et les lèvres humides, je mesure toute la chance que j’ai, encore une fois, de l’avoir à mes côtés. Mon ange gardien, mon amour, ma merveille. – T’es ma merveille tu sais ? Et je ne lui laisse pas le temps de répondre, ni de s’émouvoir car mes lèvres reviennent à la charge, désireuses, impétueuses, farouches et féroces. Mes larges mains glissent et se posent sous ses fesses que j’agrippe en grognant avant de rire. – J’veux tout te raconter tu sais, absolument tout. Je jette un regard vers la plage bondée et lui demande spontanément – Tu veux une glace ? Ou une gaufre peut-être ? Parce que le bonheur ça creuse apparemment et que j’ai faim. – Viens. Je le tire hors de l’eau, je l’entraine derrière moi, porté par un souffle nouveau, un truc un peu inexpliqué qui me donne envie d’aller de l’avant et de tout porter car je me sens capable de conquérir le monde à cet instant. Et lorsque, assis sur des rochers en bord de plage, les mains chargés de nos victuailles, je me laisse aller au récit de mon après-midi, c’est avec entrain que je lui raconte dans les détails la façon dont cela s’est déroulé. D’abord, le parking et les murs terrifiants avec le bruit assourdissant de la route passante juste derrière. Puis, le silence à l’intérieur et la pesanteur, l’impression d’être scruté entièrement et jugé – comme si le fait de rendre visite à un criminel vous incriminez vous aussi. Enfin, le parloir. La pièce vide mais lourde, la pièce où tout a changé. Et puis, l’arrivée de la mère et ses paroles, sa tendresse et son regard qui se sont confrontés à ma dureté et ma force. J’ai rien lâché, et peut-être que j’ai été trop dur, peut-être que j’aurai dû être plus doux, mais je n’ai pas pu faire autrement non. Terminant ma gaufre sucrée, je me tords les lèvres en demandant, soucieux – Tu trouves que j’ai été dur avec elle ? Car maintenant que j’y pense, c’était peut-être un peu méchant non ? « Si tu veux me revoir un jour, sors d’ici. » c’est dur tu trouves ?
Contre toute attente, l'ambiance est douce. Il s'était attendu à rejoindre un Harvey stressé, furieux surement, triste peut être, l'avait d'ailleurs trouvé relativement peu prolixe lorsqu'il était venu le chercher sur sa moto et il en avait immédiatement déduit que la rencontre avec Gail Hartwell s'était mal passée. Le long du trajet jusqu'à la plage il s'était posé mille questions, l'appréhension montée à son maximum; loin d'être indifférent à ce que vivait son petit ami, il avait traversé l'après midi comme un lion en cage, Terry, s'était rongé les sangs comme jamais, avait fait les cent pas, nerveux de ne pas savoir ce qui était en train de se passer là bas, inquiet de l'imaginer pleurer, de l'imaginer déstabilisé et blessé sans pouvoir être présent pour le réconforter, s'était rassuré en se disant qu'au moins il serait là après pour le ramasser à la petite cuillère s'il le fallait, s'était réellement préparé au pire. Parce qu'il savait à quel point c'était une épreuve pour Harvey d'aller la voir et de l'affronter, de fusionner avec l'enfant détruit qu'il avait été tout en essayant de ne pas trop le laisser trop hurler. Il savait l'enjeu, savait combien le passé était encore à l'état de plaie béante en plein milieu de son coeur et pourtant, ce sont des sourires discrets qu'il laisse se dessiner sur son visage, Harvey, alors qu'ils avancent tous les deux, les pieds dans le sable fin. Le bruit des vagues comme seule autre musique que sa voix, il l'écoute, Terrence, se laisse bercer par son timbre grave et rauque, l'entend lui répondre qu'il n'a pas si tord que ça en vérité, qu'elle est blonde, oui, mais surement que la couleur de ses cheveux à blanchit et que ses yeux bleus ne sont plus aussi grands ouverts sur la vie qu'ils avaient pu l'être un jour. Et quand Terrence confirme les dires de Gail, quand il lui dit que lui aussi le trouve terriblement beau, il répond t’es bête, Harvey. Je sais que tu ne t'aimes pas. Je sais que tu as du mal avec ton reflet. Je sais que tu penses que je déraille et que je mérite mieux. Mais si seulement tu pouvais te voir avec mes yeux. T'es beau Harvey, c'est vrai. Et moi je fonds sans cesse, tu sais. Je te regarde dormir, je te regarde sourire, je te regarde lutter, je te regarde inquiet, je te regarde cuisiner, concentré, gêné, bouleversé, heureux, amoureux, je te regarde quand tu me fais l'amour et quand tu perds pieds, quand on fusionne et que tu me fais exister, je te regarde ici, maintenant, et je suis fou de toi à chaque fois. T'es parfait tel que tu es. T'es parfait pour moi.J'suis pas bête. Pour moi t'es beau, alors tu te tais. Et il rit tendrement, Terry, pas foutu de lui déclarer sa flamme comme il aimerait, encore trop pudique, surement. Alors pour masquer son émoi il lui donne un coup de coude affectueux en réponse au sien avant de lui demander comment tout s'était passé et s'il était prêt à lui en parler. Curieux? Non. Investi et concerné? Définitivement. Il voulait savoir pour être certain que ses sourires n'étaient pas feints, qu'il allait réellement bien. Alors il l'arrête, l'observe, voit ses yeux briller et ne peut s'empêcher de le serrer contre lui avant qu'il ne se mette à tout lui raconter. Oh qu'il est fier, Terrence. Il est fier de son petit ami, fier de la façon dont il a affronté ça seul sans se laisser entrainer vers le fond, fier de le voir ici et pas à le supplier de lui filer un verre de whisky ou à bidouiller son téléphone pour se trouver un combat, fier de le voir sourire plutôt que de pleurer, fier, fier, fier. Et ça lui fait du bien cette étreinte à lui aussi, parce qu'il se permet de relâcher un peu la pression qu'il portait, celle du mec atrocement impliqué qui ne voulait qu'une chose, voir Harvey aller enfin mieux. Le baiser délicat qu'il dépose sur ses lèvres, c'est un "tu y es arrivé". Et surement que ça allume quelque chose en Harvey, mais Terrence se sent soudain soulevé du sol et lâche un petit cri de surprise, s'accroche à ses épaules et enroule ses jambes autour de son bassin, reflexe pavlovien, rit à gorge déployée alors qu'il se fait entrainer dans l'eau. Et ils plongent tous les deux, eux les gamins écorchés qui avait appris à respirer ensemble, eux les rapiécés qui s'étaient recousus ensemble, eux les déchirés qui apprenaient jours après jours à se recoller. Ils se laissent dévorer par la déraison de l'instant et il adore ça, Terry, voir son petit ami lâcher prise, libéré d'un poids, ivre de liberté, à baisser tous les pont-levis et autoriser les flammes à retrouver les cendres de son coeur pour tout rallumer. Ca fait du bien de tout relâcher, Harvey, pas vrai? Ca fait quoi quand l'espoir renait? Si tu savais comme j'aime te voir comme ça. Si tu savais comme t'es beau quand t'as plus peur, quand tu laisses la douleur s'en aller. Il sent ses côtes vibrer sous sa cage thoracique, Terry, ne pensait pouvoir l'aimer encore plus mais se rend bien compte que si, rit et rit encore parce qu'à Gold Coast la première fois, c'était lui le fou qui s'était jeté dans l'eau sans prévenir. Cette fois, c'est Harvey et ce dernier s'approche, ne laisse pas le temps à Terry de remettre ses cheveux en arrière que déja il lui emprisonne le visage, sa bouche qui vient à la rencontre de la sienne pour l'embrasser. Ne t'arrête jamais de m'embrasser comme tu le fais... Il laisse ses mains venir se poser sur le t-shirt de son petit ami moulé par l'eau contre les reliefs de sa peau, remonte doucement jusqu'à ses côtes pour le tirer contre lui et avance le visage pour l'encourager, leurs langues qui se lient dans un ballet suave et éthéré. Il ne touche plus terre, Terrence, décolle avec lui, grimpe jusqu'aux nuages avant d'entendre sa voix lui murmurer un je t’aime qui le bouleverse. Ca fait boom. Ca explose dans toutes les directions. Il sourit avant d'ouvrir les yeux, Terry, l'observe, impétueux avec ses cheveux bouclés collés partout et ses paupières mi-closes, le fixe au fond de ses yeux couleur de l'océan et retombe amoureux, encore. Il aurait pu chercher à le décrire, aurait pu essayer de trouver les mots exactes pour dépeindre sa beauté, aurait pu tenter encore et encore de rendre justice à la pureté qui émanait d'Harvey, il n'aurait pas pu y arriver. Parce qu'il fallait le vivre pour se laisser transporter par ce qu'il dégageait, il fallait être là, bien présent dans ses bras, à respirer le même air que lui, le corps sous ses doigts, pour comprendre le vertige qu'il pouvait provoquer. J'ai de la chance d'être celui que tu as choisi d'aimer, Harvey. Il inspire, Terrence, le souffle court, ferme à nouveau les paupières pour graver cet instant au fond de ses souvenirs les plus doux, hume l'air iodé et celle de la peau dorée d'Harvey si proche de la sienne, écoute les sons, s'impregne de tout pour ne rien oublier. T’es ma merveille tu sais ? Il aurait voulu dire un truc s'il avait pu trouver quelque chose à répondre à pareille déclaration mais déjà sa bouche se fait à nouveau prisonnière volontaire et il l'embrasse, Terry, l'embrasse comme si l'équilibre du monde entier ne dépendait que de cet échange, parce qu'il sait qu'il pourrait s'effondrer sans sa présence à ses côtés, qu'il pourrait peut être arrêter de respirer s'il devait s'en aller. J'suis à toi, Harvey. Tu me fascines tellement...T'es bête.. Il rit contre ses lèvres. C'est un rush d'émotion qui l'envahit et il se laisser totalement embraquer, 'autorise à faire de lui sa propriété, les mains sur ses fesses, le coeur otage. J’veux tout te raconter tu sais, absolument tout.Alors raconte-moi. Je veux tout savoir.Je t'écouterai.
Tu veux une glace ? Ou une gaufre peut-être ? On ne l'arrête plus, Harvey et Terry ne peut s'empêcher de sourire. Il est heureux. Vraiment heureux. Et chaque seconde passé avec son petit ami le gonfle d'un énergie nouvelle qu'ils semblent tous deux partager. Une glace à la pistache ! Dit-il la voix enjouée, la main au creux de la sienne et leurs pas qui les emmènent vers la foule. Pas habitué aux démonstrations en public, il ne se bride pourtant pas cette fois, Terry, s'accroche à son bras sans jamais le quitter des yeux, lui embrasse l'épaule puis leurs doigts enlacés qu'il remonte contre ses lèvres, dans la file d'attente du vendeur de glace. Puis il lui sourit, amoureux transit, récupère leurs biens et c'est un peu à l'écart qu'ils vont s'installer. Sur les rochers, face aux vagues et au couché du soleil, il l'écoute lui raconter ce qui s'est passé, boit ses paroles, sourcils tantôt froncés tantôt levés sous le vent chaud qui les sèche et balaie leurs cheveux par tendres rafales. Il réalise l'importance des efforts d'Harvey -même s'il ne les avait jamais minimisés- comprend à quel point ça a dû être compliqué à gérer pour lui. Tu trouves que j’ai été dur avec elle ? Car maintenant que j’y pense, c’était peut-être un peu méchant non ? « Si tu veux me revoir un jour, sors d’ici. » c’est dur tu trouves ? Il voudrait se jeter dans ses bras pour le rassurer mais il y a ce petit morceau de gaufre au coin de ses lèvres qui attire son attention et qu'il vient récupérer pour mettre dans sa bouche d'un geste instinctif. T'as été parfait. Y avait pas de bonne ou de mauvaise réaction tu sais? T'as peut être été brusque mais tu voulais faire comment, Harvey? T'as de la rancoeur et des douleurs pas cicatrisées.. ça fait dix ans que tu l'as pas vu. Tu souffres. La revoir derrière cette vitre ça t'a fait mal parce que j'suis sûr que toi, t'aurais aimé qu'elle te prenne dans ses bras. Tu lui a ordonné de sortir de là parce que tu veux la retrouver. Lui donner une raison de se battre. Y a beaucoup de colère en toi mais tu sais, la colère ça peut s'apaiser. Il pose une main sur son torse. Et elle s'apaisera. T'as besoin de temps, juste de temps. Je serai là. Ta mère sera là. T'as été parfait. Et elle t'aime tu sais. Elle t'aime. J'en doute pas une seule seconde. Comment ne pas t'aimer de toute façon...? Il se penche, lui embrasse la pommette puis dérive vers sa bouche en laissant glisser ses bouche, paume contre sa mâchoire pour l'attirer doucement à lui. Et quand leurs lèvres se détachent il se lève et le tire. On reste pas à terre, on avance.Aller viens, on va se balader. Ou tu veux aller ? Au cinéma? Y a un truc en plein air sur la plage là bas, regarde ! On pourrait aller s'acheter des sodas, des frites ou une pizza, un truc comme ça, et aller se poser! T'en penses quoi? Il veut faire un truc coloré pour effacer le noir, Terrence, veut laisser imprimé sur son visage ce sourire qu'il aime tant voir. Et surement que ça ne fonctionnera que le temps d'une soirée, sûrement que demain Harvey aura de nouveau besoin d'un peu de couleur pour tenir jusqu'au procès. Mais il sera là, Terrence. C'est juré, Harvey. C'est juré.
→ L’inquiétude reste omniprésente dans tout mon récit, car je ne cesse de me demander si j’ai agi correctement ou non, l’enjeu étant bien trop important pour que je ne puisse supporter d’être à l’origine de son échec. Alors, il me rassure Terrence, avec ses mots bien à lui, avec son tempérament plein de folie et le courage toujours autant accroché aux tripes. Instantanément, je me calme et relativise car il a raison : je n’aurai pas pu faire autrement. La colère que j’éprouve encore envers ma mère ne peut pas disparaître brusquement, et la mettre de côté m’est quasiment impossible. Qui plus est, je ne suis pas un bon menteur, encore moins lorsque cela me touche, et cette colère doit s’exprimer, d’une façon ou d’une autre. Si cela peut permettre à ma mère de se donner les moyens de sortir pour me revoir, alors son expression n’aura pas été vaine. Et il me fait réaliser tout cela, Terrence, car il a les mots justes, car il ne fait pas dans la dentelle, il ne l’a jamais fait d’ailleurs. Oui, je suis brusque mais je suis comme ça, et il me fait comprendre que c’est à prendre ou à laisser, que je ne dois pas m’adapter ou faire semblant d’être un autre, que la vérité reste ce qu’il y a de mieux même si elle écorche, même si elle blesse et que la colère parfois, est simplement nécessaire. Lorsqu’il pose délicatement sa main sur mon torse en m’assurant qu’un jour la colère s’apaisera, je le crois. Avec ferveur, avec espoir aussi, je le crois. – Comment ne pas t’aimer de toute façon … ? Toi, tu m’aimes n’est-ce pas ? Oui, tu m’aimes parce que tu es prêt à tout accepter de moi, t’es prêt à me supporter dans tous mes états, t’es prêt à tout combattre avec moi, main dans la main, le menton haut et fier, le regard fixe et déterminé. Quelle chance j’ai de t’avoir dans ma vie. Mon torse se soulève car mon cœur est gonflé de fierté, et je me laisse glisser avec délice dans ce baiser, chaud et délicat qu’il m’offre par amour. Oh bébé, si tu savais tout le bien que tu me fais. J’en redemande, j’en veux encore, comme un assoiffé qui a la chance de boire un nectar divin, je suis accro à toi, à tes lèvres si douces, pulpeuses et palpitantes contre les miennes. Mes mains glissent sur ton corps frêle et elles agrippent tes flancs tandis que tu t’agites à nouveau. Petite météorite toujours en mouvement, qui ne s’écrase jamais et virevolte dans tous les sens, amas de sensibilité et de douceur avec la farouche volonté de toujours donner, donner et donner encore. Tout ce que tu me donnes, je le prends et le garde férocement à l’intérieur de moi, ça me nourrit, ça me fait du bien, ça me rends plus fort, ça me permet d’avancer et de ne plus avoir peur. J’ai plus avancé avec toi à mes côtés, que durant tout le reste de ma vie. Alors, on se lève car tu me tires le bras et tu m’entraînes, boule de dynamisme et de peps, tu fais des propositions dans tous les sens et je souris bêtement en emboîtant le pas, aimant tellement ça chez toi, cette ferveur et cette passion que tu places au service des autres, toujours inquiet de leur bien-être, toujours soucieux des autres, bienveillant et altruiste. – T’en penses quoi ? Je m’arrête, ma main vient se loger dans la tienne et je t’attire vers moi, torse contre torse, je t’observe avec envie et désir avant de répondre d’une voix rauque et grave – Je t’aime.
Les mots sortent directement du cœur, de mon palpitant qui s’emballe et frappe fort contre ma cage thoracique. Quelque chose se réveille dans mon ventre, je suis envahi par une soudaine torpeur incontrôlable et je répète, d’une voix légèrement plus suave : - Je t’aime. Ouais putain, je t’aime et je ne saurais jamais l’exprimer mieux qu’à cet instant, Terrence. Parce que t’es devenu tout pour moi et que je suis dingue de toi, parce qu’à chaque fois que je te regarde, je vois mon bonheur en chair et en os, parce que t’es tout ce que j’ai attendu toute ma vie et putain, je suis si heureux de t’avoir trouvé ! Je t’aime et j’ai envie de le hurler sur la plage, de le crier si fort qu’on pourrait m’entendre sur une autre planète parce que bordel, cet amour-là, il est transcendant, il vient des cieux, il est trop intense pour n’être qu’humain, trop lumineux et trop étincelant. C’est comme la foudre et le tonnerre, il fait du bruit et il éclate à chaque instant. Tu n’imagines pas à quel point je t’aime, à quel point je suis bien lorsque je te vois, à quel point tu es devenu un repère pour moi. Je ne m’imagine plus vivre sans toi, Terrence, jamais. Les larges paumes de mes mains viennent se poser délicatement sur ses joues légèrement arrondies et mes pouces caressent sa peau tendrement tandis que je m’approche pour l’embrasser avec langueur. C’est la passion qui fait battre mon cœur et lorsque nos lèvres s’effleurent, tout s’intensifie brusquement. J’ai envie de toi. J’ai besoin de te sentir plus proche de moi, de me lover en toi et de t’emmener au septième ciel avec moi. Alors brusquement, j’ouvre les yeux et sillonne rapidement la plage du regard. Il est tard, la luminosité baisse à chaque minute et les gens commencent à déserter les lieux. La marée monte qui plus est, et je connais quelques recoins loin des yeux indiscrets qui pourraient nous abriter quelques instants. Mettant fin au baiser, le souffle court, je murmure – Viens bébé, suis-moi. Et ma main saisit fermement la sienne alors que je rebrousse chemin. Et, au lieu de me diriger vers le parking et vers Daisy, je repars vers les rochers en contre-bas et l’entraîne avec moi avec autorité. Mes yeux brillent, l’éclat du désir brûle ma rétine alors que je le dévore du regard et je souffle sur le trajet un – J’ai envie de toi… et non, cela ne peut pas attendre le retour à la maison, les vingt longues minutes de trajet en plein centre-ville et les éventuels bouchons. Alors, je presse ma main dans la sienne, nos paumes chaleureuses qui se mettent à transpirer d’excitation tandis que je l’entraîne vers un recoin éloigné de la plage. Il faut escalader, un peu. Monter, puis redescendre dans une sorte de grotte à l’écart où l’odeur d’iode est plus forte car l’eau y stagne quelques heures entre chaque marée, mais ce n’est qu’un détail. Car sitôt arrivés, me voilà en train de l’acculer contre les rochers polis par les vagues et je remonte son t-shirt avec avidité pour le coller contre moi. – Putain bébé, je t’aime tellement. Et cet amour déborde de partout, il transpire et dégouline, a besoin de s’exprimer autrement que par les mots, par la chaleur de nos corps désireux de s’unir, par la volupté de nos baisers, par la préciosité de nos caresses. Son torse imberbe, ses flancs lisses, ses hanches marquées et ses fesses douces. Mes lèvres arpentent sa peau et des gémissements s’échappent, alourdissent l’air déjà suffoquant tandis que mes doigts explorent son corps offert avec habilité et habitude finalement. Je sais ce qu’il aime, je sais ce qui lui plait, je sais quels endroits le font automatiquement grimper au rideau, je sais ce qui l’excite et je m’en donne à cœur joie. Parce qu’à cet instant, j’ai seulement envie de lui donner du plaisir, de lui rendre un peu de cet amour qu’il me donne et m’offre sans cesse. J’ai envie de lui offrir tout ce que je possède et de le posséder en même temps, j’ai envie de ne faire plus qu’un et de me laisser glisser sur les plages incandescentes de notre amour en fusion.
Et c’est ce qui arrive lorsque nos corps s’emboitent, que ses jambes s’enroulent autour de mes hanches et que mes bras puissants le maintiennent, entre moi et la roche. Nos torses qui se frottent l’un à l’autre et nos bassins qui s’éloignent pour mieux se coller l’un à l’autre, avec force et en cadence, les coups de tonnerre qui frappent furieusement et l’éclair qui jaillit à chaque seconde, intensément. Nos lèvres gonflées de désir s’apprivoisent et nos gémissements se fondent les uns dans les autres, deviennent mélodieux et créent une partition unique, la nôtre, plein de pureté et de puissance, qui s’intensifie de plus en plus jusqu’à atteindre la note ultime. L’orgasme nous foudroie sur place, et nos corps se serrent l’un contre l’autre, ressentant le besoin impérieux de rester soudés encore un peu, toujours plus longtemps, pour toujours assurément. Je te veux, Terrence, pour la vie, à chaque seconde, à chaque instant. Tu es mon souffle, tu es ma force, tu es mon courage, tu es mon tout et je ne saurais plus vivre sans toi. Je m’abandonne dans tes bras, mon front se pose dans ton cou et j’inspire ton odeur… Ta sueur a le goût du bonheur alors je la lèche avec un petit sourire, avant de murmurer – T’es tellement parfait bébé, tellement parfait pour moi putain… J’voulais que tu saches tout ce que tu me fais à l’intérieur. Ça bouillonne tu sais, ça brûle tout le temps… J’peux plus me passer de toi… Et je ne le ferais pas d’ailleurs, j’en serais bien incapable. Tu es ma lueur d’espoir, Terrence et mon avenir, avec toi, n’est plus du tout noir…
Il propose des choses, Terry, parce qu'il est comme ça, toujours en mouvement, le corps en effervescence et l'esprit sans cesse agité. Il a envie de vivre mille choses avec Harvey, voudrait lui changer les idées, aimerais le voir sourire encore et encore sans jamais qu'il n'ait à s'arrêter, l'entendre rire aussi, parce qu'il sait qu'ils sont rares, ses éclats sortis tout droit du coeur. Ce soir pourtant, il l'a entendu eclater au milieu des vagues, ce rire plein de bonheur et l'émotion est palpable parce qu'il s'en est passé des choses aujourd'hui. Mais il s'est autorisé à relacher la pression, Harvey. Pour de vrai. Terry, il pensait le retrouver au fond du trou, l'âme lourde et la déception accrochée comme un drapeau au milieu de ses yeux bleus mais c'est un Harvey heureux et calme qui était venu le chercher, et bon sang ce qu'il était soulagé! Il n'avait pas eu besoin de le ramasser au sol, n'avait pas eu besoin de recoller les morceaux, n'avait pas eu à recoller les fissures provoquées par un passé trop lourd à porter et même s'il s'y était préparé, même s'il s'était boosté toute l'apres midi pour être prêt à encaisser, il était apaisé de voir qu'il n'aurait pas besoin de le faire, que tout s'était relativement bien passé. Ils discutent, assis là, sur les rochers et il aime follement ça, partager avec lui, lui parler, le conseiller. Il aime quand Harvey a besoin de lui parce qu'il a enfin l'opportunité de montrer qu'il est, Terry, de dévoiler ses forces et ce qu'il peut offrir comme soutient; il ne le laissera jamais tomber, il le sait. Et alors qu'il pose sa main sur son torse et qu'il lui promet que la colère peut être apaisée, il le voit inspirer et gonfler les voiles de son navire, Harvey, surement fier d'être là, accompagné et aimé. Mais Terrence veut lui changer les idée alors il n'attend pas, se lève, le tire à lui. Il y a un cinéma en plein air à quelques minutes de là et quand il demande à son petit ami ce qu'il en pense, la réponse qu'il reçoit n'est pas celle qu'il attendait. Je t'aime. C'est ça qu'il dit, Harvey. Et ca le percute si fort, Terry, qui se retourne vers lui brusquement, les yeux ouverts sur une réalité qu'il connaissait mais dont il redécouvrait les subtilités à chaque fois qu'il prononçait ces mots. Il l'aime. Il l'aime. Tu m'aimes... Et comme s'il avait pu l'entendre demander confirmation il le répète en l'attirant contre lui, le grain plus chaud, la voix plus suave. Alors il sait, Terrence, ce qui se passe dans la tête de son petit ami. Il sait parce qu'il le connait comme personne et que ce regard là, il le connait. Avec difficulté il contient un sourire satisfait, l'observe comme s'il le redécouvrait pour la première, retombe amoureux, encore, le ventre qui s'emballe et le coeur qui palpite. Moi aussi je t'aime Harvey. T'es devenu mon univers et je sais pas comment tu as fais mais t'es là, chaque matin, chaque soir, chaque jour, à me regarder comme si j'étais la personne la plus précieuse au monde. Si tu savais ce que tes yeux savent me dire. Si tu savais ce que tes mains éveillent en moi. Si tu savais ce que tu représentes dans ma vie. T'es la lumière au milieu de la nuit. T'es la bouffée d'air qui me manquait pour pas crever. Et j'peux plus vivre sans ça. J'peux plus vivre sans toi. Regarde-moi encore, Harvey, j'ten prie, parce qu'il y a que toi qui sais me regarder comme ça. Y a que toi qui sait m'aimer comme ça. Harvey, c'est un tourbillon. Il emporte tout et ne laisse que son empreinte sur sa peau, marque indélébile que Terry se refusera à jamais d'effacer. Il s'il se doutait de ce qu'Harvey avait en tête, il en a la confirmation lorsque ses mains se posent de chaque côté de son visage pour l'attirer jusqu'à sa bouche et qu'il l'embrasse comme on dirait "je te désire". Viens bébé, suis-moi.Hm ? Les yeux encore fermés, encore prisonnier du souvenir de ce baiser à peine terminé, il ouvre doucement les paupières et sans un mot se laisse guider. Il ne réagit pas lorsqu'il comprend qu'ils ne montreront pas sur la moto tout de suite, ne réagit pas quand ils montent puis redescendent dans des coins escarpés à l'abris des regards. Il ne dit rien parce qu'il sait. Il le sent dans son ventre, il le sent à ses jambes qui tremblent déja et à ce désir qui lui tord les tripes. J’ai envie de toi… Il ne le quitte pas du regard, la main lovée contre la sienne et il se colle à son épaule, lui murmure ah ouais? un peu provocateur alors que chaque mot hurle "moi aussi" et alors qu'ils arrivent dans une grotte isolée en contre-bas il ne tient plus, l'attire contre lui, le dos plaqué contre la roche. Putain bébé, je t’aime tellement.Tais-toi, déshabille-moi.. Et déja, il l'embrasse le frôle et le caresse, redécouvre son corps alors qu'il en connait chaque relief, se laisse absorber par l'ambiance de ce lieu atypique. Faire l'amour dans une grotte en pleine nuit de printemps, ça le galvanise et il se laisse faire, Terrence, mais il sent naitre en lui le besoin quasi animal de le goûter, de rechercher sa peau avec ses lèvres, sa bouche aussi. Il gémit, la voix fébrile et haletante, il gémit et il répète le prénom de son petit ami en boucle, comme un refrain délicat qu'il ne se lasserait jamais de chanter. Harvey.. et leurs bouches se retrouvent. Harvey.. et les corps se percutent. Harvey.. et les longs mois passés à s'apprendre ne servent qu'à faire grimper le plaisir, puisqu'ils savent exactement ce qui plait à l'autre et qu'ils en usent sans pudeur aucune. Pourtant, c'est aussi une redécouverte à chaque fois, les poumons en panique et le souffle coupé, les doigts qui se perdent et qui s'étonnent de ce qu'ils provoquent. Ca sent le sable chaud, ça sent la roche humide et la mer iodée et il se sent bien ici, Terry, il se sent bien le dos appuyé contre la parois, Harvey qui le prend en otage et ses mains qui l'y encourage. Harvey... Il lâche un soupir de surprise lorsque ce dernier le soulève de ses bras forts et musclés et il s'agrippe à lui, s'accroche à ses épaules pour ne pas qu'il ait tout à porter, se laisse enflammer par ce désir puissant qui s'empare de lui comme un coup de tonnerre tombé droit sur son coeur. Il tremble, souffle, caresse, c'est frénétique et désordonné, les cheveux en bataille et la peau humide. Moite. Ils dansent ensemble, s'imbriquent et s'emboitent, coulissent et s'embrasent dans un gigantesque brasier. Il disparait, Terry, son corps qui se faire aspirer par cette boulimie dévorante de lui, parce qu'il en veut toujours plus. T'arrête pas.. et alors qu'ils atteignent ensemble le point le plus culminant, il lâche tout et crie comme si la roche pouvait absorber sa voix, crie parce qu'il se libère, aussi, crie parce que c'est celui de son coeur qui avait besoin d'une voix pour s'exprimer. Et lorsque le froid revient s'insinuer sous sa peau et que l'electricité sexuelle s'estompe il repose les pieds au sol et se jette contre lui. Serre-moi.. Il tremble, ne s'explique pas pourquoi, pleure aussi, comme si des centaines de litres de flotte s'étaient accumulées derrière ses paupières. Pardon je... j'ai... tellement encaissé ces derniers mois. J'ai pas craqué tu sais, j'ai jamais craqué. T'es fier de moi? T'as vu, j'ai bien tenu! J'suis resté fort et je t'ai aidé et je sais même pas pourquoi les digues explosent, là. Mais j'me sens libéré d'un truc. Tu me trouves con de pleurer? T’es tellement parfait bébé, tellement parfait pour moi putain… J’voulais que tu saches tout ce que tu me fais à l’intérieur. Ça bouillonne tu sais, ça brûle tout le temps… J’peux plus me passer de toi…Moi non plus. J'veux plus me passer toi.Et reste avec moi aussi longtemps que tu voudras. J'te veux, toi. Encore collés l'un à l'autre il passe sa main dans ses cheveux blonds tandis qu'Harvey respire sa peau et il sourit, Terry, au travers des larmes. T'es fascinant, Harvey. Fébrile, ils se rhabillent après s'être accordé le temps nécessaire pour redescendre et Terrence lui picore la peau du cou en soufflant On fait quoi, maintenant? On rentre à la maison? On va se cherche un truc à bouffer? J'veux que ce soit ta soirée et que tu fasses absolument tout ce que tu veux, tout ce que tu veux. Avec moi y compris...
Spoiler:
J'ai absolument pas relu ça se trouve c'est du gro caca je corrige tout demain
→ - J’veux plus me passer de toi. Et t’auras pas à le faire, bébé. Désormais, c’est toi et moi, à la vie, à la mort. En tout cas, c’est comme ça que je le ressens et j’en suis plutôt fier. Première fois que je suis en couple, première fois que j’ai l’impression d’être accepté tel que je suis, sans avoir à me cacher, sans avoir à édulcorer la réalité, sans avoir à feindre que tout va bien quand mon monde s’écroule. Et il ne s’écroule pas, non, car tu le portes à bout de bras mon monde, car il se trouve à l’intérieur de toi mon monde, car c’est toi qu’est devenu mon monde. – Moi non plus, j’veux pas. T’es trop important pour moi bébé, j’avance plus sans toi. Non, je n’avance plus sans toi, je n’en ai même pas envie, tu es ma lumière dans le noir, ma petite lanterne, mon phare en pleine mer et je te suis, aveuglément car j’ai une confiance infinie en toi. – T’es fascinant, Harvey. Et je ris un peu alors que je renfile mon pantalon et ferme sa braguette. – Fascinant ? Rien que ça ! C’est l’amour qui t’fait parler bébé… Ou le sexe. J’ai été si bon que ça ? Et je tire la langue, amusé par mes propres taquineries frivoles et amusantes. Et mon bras s’enroule autour de son ventre pour que je le ramène à moi. Ma main sur sa gorge alors que son dos se plaque contre mon torse, je lui vole un baiser suave et lui mordille la lèvre en susurrant – C’est toi qui me fascine, ouais. Tellement que je pourrais recommencer encore et encore. Et mes lèvres picorent sa mâchoire et son cou tandis que mes larges mains se posent sur son ventre. Cependant, la marée qui monte nous rappelle que la grotte sera bientôt inatteignable et je n’ai aucune envie de finir noyé. – Mais à la maison, pas ici, ça va devenir dangereux. En plus j’veux pas que tu attrapes froid et bientôt on n’y verra plus rien ici. C’est mieux quand je peux te voir. Allez, suis-moi, viens. J’enfile mon t-shirt, ferme mon jean, puis décide de lui mettre mon sweat épais sur les épaules. Il a toujours froid, Terrence, ce qui n’est pas mon cas.
- On fait quoi maintenant ? On rentre à la maison ? On va se chercher un truc à bouffer ? J’veux que ce soit ta soirée et que tu fasses absolument tout ce que tu veux, tout ce que tu veux… Allumant une cigarette, je grimpe sur les rochers et lui tend la main pour le guider même s’il n’a aucun problème d’agilité. Le pied sûr, nous retrouvons la plage qui se déserte peu à peu, à part pour ceux qui viennent admirer le coucher du soleil en amoureux. Quelques enfants courent encore derrière des ballons en hurlant et une douce torpeur envahit mon corps avec sérénité. – Alors, dans l’ordre : on va chercher un truc à bouffer, on rentre ensuite à la maison et j’sais pas… Tu pourrais me jouer un peu de violoncelle, ou me réciter des poèmes… De préférence nu. T’en dis quoi ?Je ris, d’un rire clair et joyeux, qui secoue mon torse et le fait vibrer tandis que mon bras s’enroule sur ses épaules et que je le tire contre moi. La sensation d’être un homme accompli et d’avancer enfin vers un but dans cette vie me donne un élan incroyable. J’avance en direction du bonheur, et c’est uniquement grâce à ma merveille que c’est possible. Loin d’être sage, tout le long du parcours pour rentrer, je multiplie les allusions et redouble d’attention, l’envie de combler celui qui apaise mon cœur se fait de plus en plus forte et violente, impérative même. Et lorsque nous pénétrons dans notre appartement, au 04 James Street de Fortitude Valley, nous délaissons notre futur repas en déposant le petit paquet sur le bar de la cuisine, pour virer nos vêtements à la hâte et laisser libre cours à nos envies d’extase et nos pulsions amoureuses, empreintes d’une liberté nouvelle et d’un apaisement profond… C’est la passion qui nous anime et qui parle, qui nous rend plus courageux et plus forts, prêts à affronter les tempêtes et les orages tant que nous sommes tous les deux. Et ce soir, la passion rayonne et illumine alors que de mes épaules un fardeau s’envole, la balance s’équilibre lentement et oscille tendrement vers le bonheur espéré depuis longtemps…