L'orage gronde. C'est cool, c'est exactement en accord avec mon humeur. J'ai comaté quelques heures sur le canapé de la coloc', vide à cette heure de la journée, le hoodie de Jordan encore sur le dos et prête à tuer quiconque se serait risqué à me réveiller de ma transe. Ma cocaïne s'est égarée dans la soirée. Enfin, c'est ce que je croyais jusqu'à ce que Jordan me renvoie un message pour m'annoncer l'avoir trouvé lui-même. C'est la vibration de mon téléphone contre ma joue qui m'a tiré de ma torpeur.

Une douche plus tard et je suis déjà dans la rue, lunettes de soleil sur le nez, débardeur et jean déchiré pour tout vêtement de redescente. Il fait encore plus chaud que d'ordinaire, dans les rues. C'est peut-être à cause de la pression que je me met d'instinct, peut-être à cause de cet orage qui nous menace - mais qui n'éclatera pas, voilà des semaines qu'il n'a pas plu - ou d'encore autre chose. Dans ma tête, je me répète le petit monologue que j'ai déjà servi à Jordan. 'Ce que t'as trouvé n'est pas à moi'. 'J'ai rien à voir avec ça'. 'C'est à un copain qui l'a oublié dans sa veste. La veste non plus n'est pas à moi, d'ailleurs'. Peut-être pas la meilleure défense, mais qui a besoin d'une défense, de toute façon ? Je prends mon bien, et je me casse. Fin de l'histoire.

J'ai donné rendez-vous à Jordan sur un city-stade peu fréquenté - l'idéal. En ces jours d'intense chaleur, tout le monde a la tête plongée dans l'océan. Tant mieux. Je me pointe au city-stade où jouent trois adolescents, téléphone à la main. Quelques minutes à peine après mon arrivée, c'est au tour de Jordan de se présenter sur le stade. Les bras croisés, je fais tout pour paraître le plus détachée possible. Et pourtant, j'ai la bouche pâteuse, la nausée à cause de la soirée de la veille, et je sens mon corps me supplier de lui octroyer une véritable nuit de sommeil. J'ai soudain oublié tout mon petit monologue. « C-c'est pas à moi. La veste- et le truc que t'as trouvé. Pas à moi. » Mais donne le moi quand même, Jordan, s't'euplaît file moi mon bien, que je me tire d'ici sans tarder. Il n'a pas prononcé un seul mot que je ressens le même truc que doivent ressentir les enfants qu'on engueule après qu'ils aient casser un pot ou une assiette dans une maison bourgeoise. « 'Va pleuvoir. 'Faut faire vite. » S't'euplaît.

Le sachet de coc que t’as trouvé dans un recoin du canapé était bien sûr à Murphy. C’était ça qu’elle cherchait dans sa veste. La façon dont elle t’a répondu quand tu lui en as fait mention t’a fait beaucoup trop rire. She really cute. Et elle t’a filé rendez vous dans un coin semi abandonné. Ce qui rajoute beaucoup de sourire à tes lèvres. She not used to these. Et c’est tant mieux. Tu es sûr que la drogue est à elle malgré ce qu’elle soutient par messages. T’es pas là pour la mettre face à ses problèmes. Tu sais mieux que personne que si les gens veulent pas s’aider, ça sert à rien d’insister. Pas comme si vous étiez amis non plus. Tu te mets à sa place, parce que tu l’as été. Tu détestes les gens qui mettent leur nez dans tes affaires. Tu ne feras ça à personne. Ou presque. Y’a des situations qui parfois font envoler tous nos principes. Mais pas là.

T’as du coup été dans le quartier qu’elle t’a dit. T’as profité pour un mini détour pas loin. Un stop que t’aurais du faire depuis longtemps que tu n’avais pas pris le temps de faire plus tôt. Un truc qui était loin derrière dans tes priorités. Ca fait quand même du bien d’avoir enlever ça de ta to do list. Ce truc qui était inscrit depuis plus d’un an est enfin coché. En short en jeans et avec un t-shirt blanc One love apparel, tu cherches Murphy des yeux quand t’es sur le lieu de rendez vous. Le nez dans son téléphone, tu t’avances et elle te remarque. « C-c'est pas à moi. La veste- et le truc que t'as trouvé. Pas à moi. » Elle avait l’air très pressé de te dire ça. Ca te fait sourire de nouveau.  « 'Va pleuvoir. 'Faut faire vite. » Elle est pas patiente et tu comprends que ouais, c’est pas le genre de truc qu’elle fait habituellement alors que de ton côté, tu viens de faire plusieurs stop sur ton chemin en route, tout ça avec son sachet de cocaïne dans la poche au calme. Ton sourire toujours bien large sur les lèvres, tu t’approches d’elle, glissant ta main dans ta poche en même temps. Ton visage s’approche du sien, te penchant - cos she so small - et tu vas lui parler à l’oreille.

« Careful there are cameras. »

Tu bluff, ça t’amuses. Et ta main qui va prendre la sienne pour lui rendre son bien discrètement.

C'était peut-être pas la pure idée du siècle, de se pointer sur un lieu public. Je me mords l'intérieur des joues, regrette déjà de ne pas avoir proposé de se retrouver chez lui - de lui imposer de se retrouver chez lui. Mais le city est plutôt vide. Tout va bien. Je prends mon sachet et je me tire. Deux étapes très, très simples. Jordan m'a l'air un peu trop décontracté pour un type qui se balade avec de la cocaïne dans les poches. Le voilà qui se penche à ma hauteur, et je ne bouge pas d'un millimètre. « Careful there are cameras. » Je ne risque aucun regard nerveux autour de moi, pourtant ce n'est pas l'envie qui m'en manque. Son sourire me fait douter de la véracité de ses propos, mais je ne prends pas de risques. Ma main attrape précipitamment le sachet dans la sienne, que je planque entre ma hanche et mon jean. Comme une imbécile, je n'ai pas pris de veste. Ni de quoi cacher le tout dans mon haut. Je relève le menton pour pouvoir planter mes pupilles dans celles de Jordan. « T'es un enfoiré, à te moquer de moi comme ça. » Les sourcils froncés, je l'observe un instant avant de glisser une mèche de cheveux derrière mon oreille droite.

Le ciel gronde encore et je risque un regard vers ses nuages gonflés d'une pluie qui nous narguent depuis un moment. « C'est pas à moi, de toute façon. J'aurais pas dû me risquer à venir récupérer ce truc. » La conscience trop agitée et le corps trop tendu, je lutte contre moi-même pour ne pas ouvrir le sachet et me faire une ligne juste là, sur la barrière du city à côté de laquelle nous nous trouvons. Pour m'occuper les mains, je croise les bras. « T'es un peu trop à l'aise, pour quelqu'un qui s'est baladé avec de la neige dans les poches. » Mon ton est bien plus nerveux que je ne le voudrais. Mes yeux se posent sur les jeunes gens qui s'échangent un ballon de basket. « Je te dois quoi ? Un café ?  » Est-ce que je tente d'acheter son silence ? Oui, totalement.

Elle perd pas de temps à prendre son bien qui n’est pas vraiment à elle. Ton visage est grave baissé pour la garder dans les yeux. Ton sourire toujours accroché aux lèvres. T’es vraiment un connard. « T'es un enfoiré, à te moquer de moi comme ça. » Ca n’aide pas du tout à te retenir de rire. C’est plus fort que toi. Elle est trop cute.

« I’m so sorry. I know I’m an ass. »

Mais elle en a un peu rien à faire de ce que t’as à dire. Elle est déjà en train de reprendre la parole.  « C'est pas à moi, de toute façon. J'aurais pas dû me risquer à venir récupérer ce truc. » Elle veut que t’arrêtes de te foutre de sa gueule mais elle en rajoute des tonnes dans son jeu là. Elle fait l’actrice. Elle est en pleine représentation et c’est hilarant. « T'es un peu trop à l'aise, pour quelqu'un qui s'est baladé avec de la neige dans les poches. »

« I like the rush. »

Tu mens même pas c’est ça le pire. « Je te dois quoi ? Un café ?  » Nouveau sourire sur tes lèvres. Il ne te quitte pas. Elle est beaucoup trop drôle sous tes yeux.

« I doubt you want to walk around the city with that in your pocket. »

Et tu fais un pas en arrière parce que t’étais encore très proche d’elle jusqu’à maintenant. Was hiding her from the cameras. Ouais. A d’autres. It is true. T’es aussi doué qu’elle pour les excuses de merdes. I swear. LOLOLOL.

« Don’t worry about it. You don’t owe me anything. »

T’es beaucoup trop cute toi aussi Jordan. I know I’m cute. T’as pas peur de prendre un compliment. Give ‘em to me babe. Mais ouais, elle a vraiment rien à te rendre. T'as pas fait ça pour ça. T'es juste généreux, elle avait besoin de son sachet, tu lui as rendu. T'es plus du genre à consommer ça, ou pas souvent. T'es pas du genre à lui piquer sa came pour te faire un trip solo. Ce temps est révolu, parce que oui, t'as été cette personne il fut un temps.

« Where are you going now? Need an escort? »

Parce qu’elle a toujours pas l’air sûr avec ça sur elle.

« I’m so sorry. I know I’m an ass. » Oui. J'affiche ma mine faussement vexée juste par fierté, juste pour ne pas rire alors que lui a l'air de trouver la situation tout à fait risible. Moi, je voudrais me tirer en courant. Adieu Jordan, lui pourra dire adieu à son hoodie qu'il ne reverra jamais. Et puis, c'est vrai, il a l'air trop à l'aise. C'est louche. Peut-être bien qu'il a l'habitude. Peut-être bien qu'il va essayer de me vendre des trucs, sauf que moi, j'ai promis à Joseph que je n'irai acheter à personne d'autre que lui. Ou peut-être bien aussi que j'ai inventé la promesse, mais Joseph a dit qu'il était dangereux d'acheter à quelqu'un d'autre que lui. J'écouterai ses recommandations. J'ai déjà identifié que je réfléchis trop, puisque Jordan continue de se moquer de moi et que j'ai, l'espace d'un instant, décroché mon attention. « I like the rush. » « Pff. T'es qu'un con, ouais. » Je vais finir par mal le prendre, à force, s'il continue de faire comme si tout était très facile, comme s'il n'y avait aucun problème.

Et parce que je suis quelqu'un de nice, je propose de lui offrir un café, oubliant un instant le sachet contre ma hanche. Le blond me rappelle trop vite, à mon goût, le contenu de mes poches. « I doubt you want to walk around the city with that in your pocket. » Je hausse un sourcil. « T'as l'air de t'en ficher depuis tout à l'heure, toi, t'as qu'à le prendre à ma place le temps du café et si les flics t'arrêtent, je partirai en courant. » Le voilà qui recule, et moi je recroise les bras sous ma poitrine. « Don’t worry about it. You don’t owe me anything. » « Je te rendrai ton hoodie, quand même, un jour. » Ouais, assieds toi dessus, parce que ce soir j'aurai oublié. C'est pas de ma faute, je retiens peu les choses. « Mais vraiment c'était cool. Mieux que de me réveiller sur un vieux canapé dans une soirée peuplée d'inconnus. » Ou pire. « Where are you going now? Need an escort? » Je jette un regard autour de moi, ma voix est soudain couverte par un grondement de l'orage. « Je rentre. Il va pleuvoir. Tu veux m'escorter jusqu'à chez moi ? Attends, je vais te devoir trop de services, après ça. », que je ricane en souriant. Je passe au dessus du tourniquet du city d'un bond, me dirige vers la rue adjacente. Et puis, c'est alors que miracle, la pluie s'écrase enfin sur mon épaule. Voilà des semaines qu'il n'était pas tombé une seule goutte. « Oh. Regarde, t'as fait fuir le beau temps ! », que je raille en désignant le ciel. L'air est rendu tout électrique.

« Pff. T'es qu'un con, ouais. » Dear god. Ton sourire ne s’enlève pas de tes lèvres. Loin de là. Elle t’amuse trop. Elle te fait kiffer. She… Shut up Jordan. « T'as l'air de t'en ficher depuis tout à l'heure, toi, t'as qu'à le prendre à ma place le temps du café et si les flics t'arrêtent, je partirai en courant. » She has to stop. Toi aussi Jordan. Mais ni l’un ni l’autre n’avez l’air d’en avoir envie au fond. We’re having fun. Toi surtout. Elle, elle est pissed off. That’s the best part. You’re an ass. She knows already. « Je te rendrai ton hoodie, quand même, un jour. » T’avais déjà oublié ton hoodie. Pas dérangé qu’elle l’ait gardé. Ca fait de la pub pour tes potes que d’autres personnes portent leurs marque. C’est bon pour le business et t’es pas en reste avec tout le merch que t’as. «  Mais vraiment c'était cool. Mieux que de me réveiller sur un vieux canapé dans une soirée peuplée d'inconnus. » I relate to that. Mais tu fais pas de remarque parce que tu veux pas l’enrager plus encore. «  Je rentre. Il va pleuvoir. Tu veux m'escorter jusqu'à chez moi ? Attends, je vais te devoir trop de services, après ça. »

"You don’t owe me a thing Legolas.”

Elle te tue à observer le ciel comme ça tout le temps et le commenter. Tu vois trop Legolas. Le point important c’est surtout que t’as pas rendu ces services en attendant un retour de sa part. Mais tu vois à sa façon d’insister qu’elle va quand même te rendre un truc d’une façon ou d’une autre. Tu verras bien mais t’attends rien. Tu te répète quand même au cas où elle avait déjà oublié. Peut être qu’elle te croit pas en fait. That’s probably it. « Oh. Regarde, t'as fait fuir le beau temps ! » Elle aussi est en train de fuir de son côté et c’est sûrement mieux comme ça.

“Obvioulsy I did that.”

Elle est beaucoup trop drôle. Elle est beaucoup trop loin aussi maintenant pour que tu puisses voir son air enragé face à ta réparti qui n’est pas des meilleurs en plus. Tu sens qu’elle s’agace pour pas grand-chose venant de toi parce que tu lui rends beaucoup trop de service sans qu’elle ait vraiment demandé quoi que ce soit. Elle se sent redevable et t’es là à faire le cool kid. Elle file et tu bouges alors que ton téléphone se met à sonner. Maria. Tu décroches en marchant même pas plus vite malgré la pluie. Il fait chaud et c’est vraiment tout ce qu’il fallait dans ce pays la pluie. Tu remercies l’univers.