look at the stars, look how they shine for you

Ginny & Isaac

(2018) « Là, juste là! » J'ouvre derechef les yeux sur ce firmament majestueux. Le bras de l'artiste s'érige, pointe le lointain. Je plisse les yeux, craint que mes pupilles me jouent des tours, à désirer et imaginer trop fort. « Isaac? Isy? » Je perçois ma compagnie se mouvoir vers mon être, ses ongles effleurer ma paume, la presser, pour me rattacher aux faits, au réel. L’ultime phénomène me semble encore déchirer le ciel quand je questionne : « Tu as fait un vœu ? » Et ma main, instinctive, couve de son éphémère chaleur ses doigts gelés.

☆☆☆

(entre le 24 et le 25 décembre 2019) J'avais conservé précieusement le secret de ce vœu, idylle logée, protégée, au creux de mon cœur, rayonnant espérance et bonheur à chaque semaine, mois, année, qui se déroulait sans le briser.
Je l'avais soigneusement préservé, précautionneusement dissimulé. Je nourrissais ce mystère et ce pieu souhait, armé de l'intense désir qu'il s'exauce, se concrétise et surtout ne meurt jamais, goûte à l'infini. Je l'avais caché, tel un enfant chérissant le plus majestueux de ses trésors, tel un martyr épousant son meilleur dessein.

« Tu fermes les yeux ? J'ai une surprise pour toi. » Je sollicite, joueur, aussi téméraire et audacieux soit le fait de demander à Ginny McGrath de s'empêcher de voir quand même alerte, sa maladresse l'appelle irrémédiablement au sol. Mes doigts enlacent tendrement les siens, mon bras se pare à assurer son équilibre alors que nous franchissions les quelques mètres nous séparant du jardin, là où, une vie plus tôt, nous avions discuté à cœur ouvert quand le ciel nous dévoilait ses plus belles constellations. Là où elle m'avait rescapé pour la première fois de mes démons pour me laisser entrevoir que la vie pouvait encore être belle, qu'elle conservait un camaïeux de couleurs qu'il ne suffisait de ré-apprivoiser, ré-adopter ; qu'une toile pouvait être déchirée et brisée, rien ne lui empêchait de s'orner de broderie pour resplendir d'avenir.
Là où j'avais réalisé, à mesure de compter les étoiles, que j'étais amoureux d'elle autant qu'elles étaient innombrables.

« Tu triches pas, hein, » je taquine, malice dans mon intonation alors qu'une vaillante - mais bonne - chamade titille mes côtes. J'inspire profondément, l'air frais de la nuit emplissant mes poumons, mes yeux examinant une dernière fois, qu'à deux, la scène que je lui avais dressée.
Au vingt-et-unième jour de son calendrier de l'avent, je lui avais offert un réceptacle de verre parsemé de lumière, imitant le firmament. Celui-ci n'en était qu'un de ma production, tous les autres diffusant cette nuit de leurs lueurs dans son jardin. J'avais rapatrié une montagne de coussins et de plaids de manière à former un douillet cocon, à l'image de celui sur lequel nous nous étions installés après une sortie au théâtre houleuse, sous un drap étoilé. De part et d'autres, vivres sucrées aux couleurs de nos événements et festivités : fairy bread, chocolats chauds, pancakes et gâteaux. « Tu peux les ouvrir, » j'annonce, mon regard se mouvant vers son portrait, à l'affût de ses réactions. « Surprise, » je complète, nerveux enthousiasme.
C'est que mon calendrier se termine au 25.

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Ginny & Isaac

« Tu fermes les yeux ? J'ai une surprise pour toi. » « Une autre? » oh la gamine, oh l'enfant gâtée.

Je traîne des pieds, garde docilement les yeux fermés et c'est toute une mission de précision et de sécurité pointue que de m'amener hors de la voiture jusqu'à la cour arrière. Le jardin sent bon, je sais pas si on est chez lui ou si on est chez moi. Parce qu'à notre dernière visite au marché j'ai acheté les mêmes fleurs pour les deux demeures dans un élan d'amour inconditionnel (et d'abus, clairement, à vider tous les stocks) pour celles qui étaient de toutes les teintes de jaune.  Ça devient mêlant à vivre autant ici que là-bas, d'y évoluer en équilibre sur deux fronts, du mieux qu'on le peut. « Tu triches pas, hein, » comme si. « Non, nonnn. Promis. » ok, je les ferme pour vrai maintenant mes yeux derrière mes mains, j'arrête de les plisser entre mes doigts. À essayer, vile créature, de discerner quelque chose quand on était encore dans la pénombre, quand il a été stratégique Isy, qu'il m'a placée de façon à ce que je ne puisse rien voir tant qu'il ne l'aura pas décidé.

Jusqu'à ce que je vois tout. « Tu peux les ouvrir, Surprise, » il se dégage, il me laisse toute la place, autorise mon retour à la réalité avec une douceur infinie. « Isy... » et je tourne sur moi-même.

Et je manque de tomber, et je manque plein de détails aussi, la première fois. La deuxième aussi. Reprenant le grand tour, m'attardant sur les détails, remontant d'un sens comme de l'autre. La jardin de Logan est complètement envahi, par les lanternes et par les sucreries et par les coussins et par les couvertures et par les souvenirs qu'on partage, qu'on chérit, surtout. « T'as tout refait. » le fairy bread, le lit de fortune. Au même endroit, tout est exactement à la même place qu'il y a un peu plus d'un an. « Mais en mieux. » ses ajouts sont incroyables, d'autant plus que je me doute qu'il a tout fait tout seul, des lanternes jusqu'à la table à sucreries. Qu'il a dû miser sur sa discrétion pendant que je jacassais sans arrêt sur 1001 sujets différents et que lui cogitait sur un seul. Nous offrir ce petit moment-là à nous deux. Trois. « Y'a même les pancakes. » les pauvres désormais rescapées, qui jadis s'étaient retrouvées étalées grossièrement par ma maladresse. Je me souviens plus de comment ni de pourquoi j'étais passée de cuistot équilibriste à flaque de dépit sucrée au sol, mais de les voir stables et à disposition me réchauffe le coeur. Les erreurs ne se reproduiront pas.

« Viens. Faudrait pas les manquer, les étoiles filantes. » et j'initie le mouvement en m'installant au sol à travers les oreillers et autre lit improvisé, tendant la main pour tenter de l'attraper au vol, l'inviter à me rejoindre. À assister au plus beau spectacle de toute la soirée ; le nôtre.

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« Une autre? » Ginny s'étonne, interroge, tandis que je la prie de fermer les yeux, quémandant un effet de surprise visuel pour la suite de la soirée que je lui ai planifiée. « Ouais, que veux-tu, je fais beaucoup dans la redondance. Aucune innovation de ma part, que du routinier. » Je joue, malicieux, ma main choyant d'une étreinte la sienne, mon bras prêt à palier tout manque d'équilibre en vue de la faire traverser son domicile pour se rendre au jardin spécialement, soigneusement, attentivement, aménagé pour la nuitée. Elle promet de ne pas tricher pendant le parcours, use tout de même de sa main libre pour militer contre la tentation que je lui devine la titille. Puis, sur le seuil de l'espace extérieur, plaçant stratégiquement la belle, le cœur battant la chamade d'appréhension comme d'enthousiasme, je la convie à recouvrer la vue.

« Isy... » Elle tourne sur elle-même, ma paume maintient son coude lorsqu'elle manque, fiable à elle-même, de tomber. Je laisse le silence de la lune l'envelopper, ses pupilles ricocher d'un réceptacle lumineux à un autre, aux éléments divers nous ramenant à cette soirée si particulière à mon histoire, singulièrement gravée à mon cœur, et tant d'autres chérissables. « T'as tout refait. » Elle le remarque, mon sourire s'élargit, fier, heureux. « Mais en mieux. » Un rire embarrassé file entre mes lèvres, beaucoup trop humble pour accepter ce compliment. Je n'avais voulu que reproduire la magie de nos précieux instants ensemble, ambitionnant de sublimer celui que je lui prévoyais bientôt. « Y'a même les pancakes. » J'acquiesce, précisant : « J'ai retrouvé la boîte que t'avais utilisée. » Mais je leur avais épargnés un baiser au sol, mon souci d'identique pas si étendu.

« Viens. Faudrait pas les manquer, les étoiles filantes. » Elle s'oriente vers le lit improvisé, la montagne de coussins et de plaids qui viennent d'une maison comme d'une autre. Mes yeux ne quittent pas sa silhouette, ma mémoire désireuse d'encrer ce moment au creux de chaque fibre de mon existence comme de mon être. Sa main m'invite à la rejoindre, je m'installe à ses côtés, déposant délicatement un baiser sur sa joue avant de chercher les constellations, celles que j'avais mémorisées après le théâtre, celles qui ne bougeaient jamais et me chuchotaient qu'ici-bas, l'immuable n'appartenait pas qu'au fabuleux.

Mes lèvres se pincent discrètement, mon rythme cardiaque s'accélère à mesure de mon décompte des étoiles. « Ginny ? » J'appelle à son attention, quitte mon admiration du firmament pour débuter celle de ses noisettes, de sa personne, de son âme. Je souris tendrement, avant de me positionner de manière plus confortable sur le lit, me rapprocher davantage d'elle, poser naturellement, délicatement, ma main sur son flanc. « Tu te rappelles, du mot que je t'ai donné en indice ? » Bien sûr que la McGrath ne souffre pas d'Alzheimer précoce et que je me doute que rapidement, le terme trinité lui reviendra. Mais je gratte du temps, je prolonge celui de ce chapitre, pieux couard. « Il y a un truc, que je t'ai caché. » J'annonce, sème avec autant d'audace que d'amour et de craintes les mots entre nous, graines d'une déclaration sincère et hardie que j'espère sempiternellement fructueuse et que je m'interdis de ne pas adresser ce soir.

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Ginny & Isaac

Tout est là, tout est à sa place. Tout a été recréé à la lettre, il y a même mis des ajouts. Je prends le temps de tout détailler à la lueur des bougies, y'a les éclats des flammes qui caressent mon regard quand je laisse mon attention dériver partout sans s'accrocher nulle part tellement elle file vite, tellement elle admire. « J'ai retrouvé la boîte que t'avais utilisée. » « Mon pauvre, elle devait être poussiéreuse. » je pouffe, sincèrement désolée, la dite boîte que j'avais cachée par honte au fin fond de mes placards une poignée de minutes à peine après qu'il ait quitté la maison, ce matin-là.

« Ginny ? » et on s'est installés, on s'est calés contre les coussins, à travers les couvertures. C'est un château de confort qui n'appartient qu'à nous dans lequel je le blottis autant que moi, dans lequel je m'assure qu'il y ait des oreillers et des plaids à chaque endroit à proximité. Elle est loin, la panique de l'annonce, elle file doucement, la crainte de ce que le test me dira, un jour, quand j'en aurai la force. Tout ça est en suspens, hors d'ici, loin du jardin, loin de nous. J'avais demandé du temps, c'est tout ce dont j'avais besoin vraiment. D'attendre, d'y aller doucement, ce qu'on faisait à merveille depuis plus d'un an maintenant, rythme que je voulais garder encore longtemps. « Hm? » « Tu te rappelles, du mot que je t'ai donné en indice ? » il a ce sourire sur son visage, cette fossette en évidence. Il a de la malice dans les yeux Isy, un peu d'appréhension aussi. « Trinité! » alors je joue le jeu, je m'exclame, gamine enjouée, bonne élève. « Il y a un truc, que je t'ai caché. »

Son contact qui me réchauffe, éternelle gelée que je suis. « Attends. » ma voix est douce, ma supplication est naïve. Il a vécu beaucoup ce soir Isy, il en a tant dit, il en a tant fait. Il a pas besoin de se mettre dans cet état, il a besoin de rien d'autre là. Je ralentis la cadence, angle ma silhouette de façon à lui faire face, allongée sur ma hanche, ma joue qui vient se lover dans ma paume. « Moi d'abord. » il lui reste un cadeau, il lui reste une offrande. Il lui reste un merci, il lui reste un je t'aime, il lui reste tout ça, et tellement encore. « Je sais que le timing pour partir est pas top du tout, et je sais aussi que c'est long deux semaines sans mon bordel pour te faire suffoquer. » j'inspire doucement, ma main libre trouve la sienne, joue avec ses doigts un temps, le revers de sa peau la minute d'après.

Puis, j'embrasse son front, me dérobe. Le temps de grelotter sous la brise fraîche, le temps de filer à l'intérieur chercher mon sac, le temps de revenir en vitesse sous les draps qui n'ont pas bougé, lui non plus. Ma main lui tend un paquet, emballé au papier kraft, barbouillé de dizaines de schémas intergalactiques aussi délicats que nombreux. « Ce sont toutes tes bonnes étoiles. Celles qui étaient là, quand t'es né. » à l'intérieur, il y trouvera un canevas, une toile peinte rien que pour lui que j'ai calquée sur sa date de naissance et sur la carte des étoiles, des astres, des univers là-haut qui brillaient quand il a ouvert les yeux pour la première fois. Quand il avait encore la vie devant lui, quand il avait toute la force et toute l'innocence du monde à portée. « Je me suis dit que ça te rappellerait que peu importe ce qui arrive, depuis le début, il y a tout un ciel qui veille sur toi. » tout un ciel, et moi.

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Ginny & Isaac

Je suis le plan, mon fabuleux, audacieux, téméraire, éreintant programme que j'ai concocté depuis des semaines, duquel j'ai rêvé depuis toute une vie. La McGrath m'a offert des ailes ainsi qu'un nouveau regard sur le monde, tant qu'elle m'a donné de nouveau goût à l'espérance, tant qu'elle a fait rebattre mon cœur sous le rythme du tambour de mes aspirations. Je me risque à l'aimer autant qu'un futur que j'ai longtemps méprisé, abhorré, redouté. Je brave des camaïeux de vœux frisant les chimères au gré de son parfum, au souvenir de ses noisettes aussi chaleureuses que malicieuses. Je vis, tout simplement ; autrement, comme jamais : si ça se trouve même mieux que je n'ai jamais su le faire.

La scène est reproduite, fabriquée méticuleusement, dans la plus ardue des discrétions. L'investissement est profond, intense, incommensurable. Le péril m'est réel, mais lorsqu'elle se blottit contre moi, sous la montagne de coussins, oreilles et plaids, lorsqu'on est enfin abrillés sous les constellations, j'oublie tout le mal éventuel. Ginny détient ce pouvoir de gommer à mon égard les ratures, les failles, les manques : ou alors, artiste dans l'âme, elle est maître du kintsugi. « Il y a un truc, que je t'ai caché. » J'y suis, je m'y dresse, sur la montagne de mes folies, de mes désirs fantastiques, diminué par l'interpellation de vulgaire truc ; prêt à sauter à corps perdu, prêt à défier ces ailes excentriques de sentiments.

« Attends. » Je souffle, mes muscles se décontractent. Sa voix est douce, elle se déplace de manière à orienter ses prunelles vers mon portrait, tableau qui me donnerait envie d'avoir son talent de peintre pour l'immortaliser tant elle est belle. « Moi d'abord. » Je ris doucement, nerveux. « Une chance que je suis galant, » je moque, essayant vainement d'apaiser la nuée d'appréhensions qui me happe, me hante. « Je sais que le timing pour partir est pas top du tout, et je sais aussi que c'est long deux semaines sans mon bordel pour te faire suffoquer. » Ses doigts gelés se logent contre les miens, je m'y plais tant à croire qu'ils y ont toute leur place, que peut-être ont-ils été façonnés parfaitement pour s'entremêler aux miens, comme si le sort nous avait rapproché indéniablement. Je suis bourré de ces petites croyances risibles, ridicules, que je cache mais qui me bercent, m'assurant que le monde, le destin, peut être bien fait, finalement.

Mes yeux s'attardent sur les mouvements de sa main. Je tais mes démons, mes constats, les paroles qu'on m'a susurrées et qui m'ont fait tant de mal. Je consens son départ, parce qu'il est naturel, évident, légitime. Je valorise et respecte son rythme, parce qu'il est indispensable à son bonheur et que je ne souhaite que ce dernier, même s'il signifie, un jour, une vie, qu'elle soit loin de moi et que j'en souffre. Ses lèvres baisent mon front, sa silhouette se glissent dans la maisonnée. Mes sentiments demeurent en suspens, je m'éloigne précautionneusement du grand saut, mâchoire encore crispée, quand elle revient à mes côtés, une poignée de minutes à peine dispersée.

« Ce sont toutes tes bonnes étoiles. Celles qui étaient là, quand t'es né. » Mes sourcils se froncent discrètement, interrogatifs. Mes doigts effleurent le papier kraft, mes yeux lisent attentivement les gribouillis intergalactiques comme s'ils étaient dotées de richesses inouïes - ils le sont à mon sens, soupçonnant reconnaître son trait de crayon. Délicatement, je débarrasse la toile du papier kraft, effaré à l'idée de froisser, déchirer. Puis, elle apparaît, l'immensité talentueuse de la nébuleuse. Les étoiles par milliers, les teints céruléens, l'histoire relatée de milliers. L'impénétrable univers, le ciel aussi prodigieux que sublime et intransigeant. « Je me suis dit que ça te rappellerait que peu importe ce qui arrive, depuis le début, il y a tout un ciel qui veille sur toi. » Mes mains n'osent pas saisir totalement l'oeuvre, persuadé que je la salirais, que je la ruinerais. Les constellations ricochent sur mes émeraudes expressives, émotives, comme rarement. Ma gorge se serre, mon cœur se noue, je m'immobilise, trente-quatre ans de vie tout d'un coup si lourdes de sens, avec probablement d'autres à venir, avec un ciel qui veille sur moi.

Les minutes se faufilent, je ne vois plus mon saut, mon plongeon, mais bien un envol. « C'est magnifique, Ginny. Merci. » Et les mots semblent si légers, si faibles ; encore et toujours si pâles pour décrire l'illimité que je lui voue. « C'est toi qui l'a fait ? » Je questionne, me doutant de la réponse. « Ça a dû prendre un temps fou. » Je conjecture, parce que je les remarque tous, les détails. Je ne doute pas du talent de la McGrath, mais ma connaissance artistique n'étant pas très développée, je ne peux qu'imaginer l'engagement incombant à la réalisation de cette oeuvre. « Est-ce que tu penses que nos bonnes étoiles forment des constellations ? » J'ose demander, prier, songeur, perdu dans la galaxie - ma part de galaxie - à laquelle je n'oublie jamais de l'inclure ou d'espérer l'y voir. Mais encore faudrait-il que j'en sois une, bonne étoile, pour elle. « Parce que j'aimerais ça, pouvoir te rendre tout le temps heureuse. » Que mon amour inexorable suffise pour être un ingrédient de ton contentement. Que je sois fait de ce qu'il te faut pour te promettre la carte du ciel que tu mérites. Que je puisse prétendre à forger ton infini.

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« Il y a un truc, que je t'ai caché. » et je le bloque naïvement dans son élan, ne le remarque qu'une fois ma silhouette s'extirpant des couvertures pour filer hors du jardin un temps. Je la vois, la lueur d'inquiétude dans ses yeux, celle qui fait écho à la mienne d'une annonce qui m'a tout pris. J'avais le même voile sur mon regard, lorsque je lui ai parlé de mes doutes, du bébé, de tout ce que ça signifiait pour moi, d'apprendre tout ce que ça signifiait pour lui aussi.  

Je me refuse de scruter ses prunelles, une fois de nouveau posée à ses côtés. Je m'y refuse parce que la raison derrière son trouble m'effraie probablement bien autant, sûrement plus que lui. Elle est une créature de paradoxes Ginny, quand tout ce qu'elle veut est aussi tout ce qu'elle craint. Quand l'inconnu l'effraie, quand l'imprévisible la définit. « C'est magnifique, Ginny. Merci. »

Sa voix douce me ramène à ici et à maintenant, et c'est tout ce dont j'ai besoin dans l'instant. « C'est toi qui l'a fait ? » « Nah, je l'ai volé à une dame qui faisait aussi de l'art décoratif en macramé. Si elle débarque pour reprendre son dû, je fais comme si je parlais pas anglais, sois averti. » il contemple la toile avec tant de tendresse, il en mémorise les détails avec tellement d'attention que je ne lui en tiendrai jamais rigueur s'il snobe ma blague inutile, s'il ne rigole pas à mon humour ridiculement nul. « Ça a dû prendre un temps fou. » j'inspire, mes doigts jouant avec les plis du plaid qu'il a redéposé sur nous avec une attention qui lui est propre. « Oui, mais c'est parce que je voulais que ce soit parfait. » elles ont été longues, les nuits à calquer sa carte du ciel, elles ont été laborieuses, les heures à faire des allers et des retours entre le schéma et l'oeuvre, à y distribuer une infinité d'étoiles qui, chacune, me rassurait un peu plus de la plus étrange des façons sur la capacité d'Isy à se relever. Il m'en attribuait souvent des bribes, il s'assurait de me laisser savoir que j'y étais pour quelque chose, dans son bonheur retrouvé. Mais la vérité était que je n'avais servi que de levier. Tout ce qu'il avait fait, il l'avait fait de lui-même, il l'avait décidé aussi. J'avais peut-être aidé et écouté, mais jamais je n'avais rien forcé, la décision finale lui revenant toujours. C'est ce que j'espère lui faire comprendre, au final. Que tout ce qu'il cherche, que tout ce à quoi il aspire, il l'a à l'intérieur de lui bien avant le reste. « Est-ce que tu penses que nos bonnes étoiles forment des constellations ? »

Ma silhouette se cale contre la sienne maintenant que le canevas repose sagement entre les coussins. Mes prunelles se sont rivées sur le ciel, sur les vraies constellations, sur celles que j'analyse en y cherchant les siennes, niant l'incertitude dans sa question au profit du beau qu'elle inspire. « Parce que j'aimerais ça, pouvoir te rendre tout le temps heureuse. » mes sourcils se froncent, doucement, à peine. Il ne les verra pas, mon regard levé vers les étoiles, mais il sentira peut-être ma silhouette se replacer, imperceptiblement inquiète, au passage. « La nerd en moi dirait qu'entre mars et avril, oui y'a des constantes. » j'essaie d'adoucir d'abord, j'essaie d'apporter un peu de légèreté, j'essaie, mais j'y arrive pas, au final. Quand je me détache, quand je m'assure de maintenant lui faire face, plonger mes prunelles dans les siennes. « T'en doutes? »

Mes doigts se perdent maintenant contre les siens, jouent avec ses phalanges, caressent sa paume. « Je pensais que ça fonctionnait à deux ça, tu vois. Que c'est pas qu'à toi de porter ce rôle-là sur tes épaules, que c'est à moi aussi. » et que s'il a ce discours, que s'il a ces inquiétudes, que s'il les mentionne à voix haute autant que dans un soupir, ma part du marché n'a pas été totalement et véritablement bien remplie.

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Ginny & Isaac

Je ne sais détacher mes yeux du sublime de l'oeuvre réalisée par Ginny, ses propos se répétant telle une berceuse rassurante au cœur des plus sinistres parois de ma mémoire. « Ce sont toutes tes bonnes étoiles. Celles qui étaient là, quand t'es né. Je me suis dit que ça te rappellerait que peu importe ce qui arrive, depuis le début, il y a tout un ciel qui veille sur toi. » Mes doigts meurent d'envoie de tracer des constellations, de danser sur les points nuancées avec une expertise artistique qui est sienne et seulement sienne. J'ignore prodigieusement si elle le sait, à quel point elle m'offre continuellement des armes pour aller mieux, taire mes démons, combattre mes maux, me forger une place sûre dans ce monde. J'aurais toujours du mal à croire au bon qui réside en moi, cependant, me plier à la fatalité, j'en suis tout à fait apte.

C'est peut-être ça, la clef du bonheur, finalement: lâcher prise. Se contenter du fait que nous sommes prédestinés, que notre voie est toute tracée, que nous disposons tous d'une carte parsemée du firmament et que bien que l'on puisse toujours saisir des opportunités, l'issue nous sera inexorablement inchangée. Les inconnus des équations se remplacent, sans que le résultat ne soit altéré. Je me plais à croire que certaines de ces étoiles correspondent à des âmes, je me dresse des portraits, des scènes, des paysages. J'y érige quelques ombres de rêves, y esquisse ce fameux contentement dont j'ai oublié la saveur, la faveur. Pourtant, malgré tout, tout petit sous cette immensité providentielle, je réalise que nous ne sommes que singuliers.

Un sourire en coin mouve tendrement mes lippes, alors que j'acclame son talent, anime mes yeux d'un rire étouffé devant sa plaisanterie naturelle. « Nah, je l'ai volé à une dame qui faisait aussi de l'art décoratif en macramé. Si elle débarque pour reprendre son dû, je fais comme si je parlais pas anglais, sois averti. » « Et tu parlerais quelle langue ? » Je poursuis le jeu. Qui sait, peut-être pourrions-nous la parler à deux. A l'image de ceux qui se comprennent sans s'entendre, se lisent sans se voir. Qui sait, peut-être est-ce déjà notre talent.

« Oui, mais c'est parce que je voulais que ce soit parfait. » Et enfin, mes pupilles se décochent pour retrouver ma prunelle, ma merveille, mon trésor d'un éphémère que je redoute, que j'aspire infini. « Ce l'est. » J'assure, la priant en plein centre de la toile, lui confiant sincèrement désirer la rendre tout le temps heureuse. « La nerd en moi dirait qu'entre mars et avril, oui y'a des constantes. » Le maigre sourire peint sur mes lèvres qui s’agrandit, mon rythme cardiaque qui s'apaise, les bribes de trinité soudainement aucunement stressantes. « T'en doutes? » Sa main vient retrouver la mienne, ses doigts se nouer aux miens. Je presse affectueusement sa chaire fraîche, œuvrant à la réchauffer, à lui démontrer toujours plus fort combien je l'aime. « Je pensais que ça fonctionnait à deux ça, tu vois. Que c'est pas qu'à toi de porter ce rôle-là sur tes épaules, que c'est à moi aussi. » Ils me semblent incompréhensibles, mes traits, quand la paix m'étreint sans vergogne, quand la béatitude abreuve les fissures de mon être.

« Tu le fais déjà. » Ma vérité générale que je somme délicatement, que j'articule avec chère attention. Le ciel nous entourant, naturel et artificiel, je me dissocie de mes doutes, de mes peurs, de mon soit-disant néfaste impact sur elle. « C'est comme ça que j'aime tout ce que tu es, de A à Z. »