| like i could be anywhere, like i'm reckless (seth) |
| | (#)Mar 14 Jan - 4:36 | |
| Elle avait passé l'avant-midi à remplir des papiers, à cocher des formulaires. Ses yeux voyaient trouble, sa tête lui martelait des données qu'elle avait savamment enregistrées. Elle était efficace Chloe, elle faisait rapidement et promptement ce qu'on lui demandait. Elle complétait les dépositions, affirmait la même histoire encore et toujours, répétait les faits avec l'exactitude d'une horloge suisse. Elle était un aimant à factuel, elle avait une mémoire à toutes épreuves pour les détails. C'en était effrayant tant elle visait juste, à chaque fois.
On lui avait demandé de montrer sa blessure. La cicatrice à l'épaule qui guérissait doucement, elle l'avait exhibée sans heurts, pinçant délicatement les lèvres pour ne pas donner au tireur le moindre crédit même s'il n'était pas là, même s'il ne la voyait pas. Pour ne pas confirmer qu'il ne l'avait pas juste atteint avec sa balle perdue, mais qu'il avait laissé prendre des séquelles avec. Parce qu'elle avait stupidement vu sa vie défiler devant ses yeux ce jour-là Chloe, planquée dans un placard, en otage avec son ex et un pauvre bébé qui n'avait jamais rien demandé d'autre que ses parents l'aiment, lui donnent une chance de vivre dans un monde déjà bien trop fou pour lui et son innocence actée.
Elle est docile Cohen, quand on lui pose encore les mêmes questions, quand on lui demande de signer une autre salve de papiers. Et ce serait mentir de dire que lorsqu'elle quitte l'étage pour filer dans l'ascenseur, ce n'est pas d'un café bouillant dont elle rêve. D'une sieste de plusieurs heures, d'un silence, parfait, naïf, de coton dans lequel elle se complaira après une journée qui lui donne l'impression de ne jamais vouloir vraiment se finir.
Mais elle le remarque, dans le coin, celui de gauche. Il vient d'entrer, les portes de métal se referment après qu'il ait sélectionné l'étage où il veut aller. Elle ignore s'il l'a vue, elle se contente simplement de jouer les creeps, de jouer celle qui observe sa nuque, qui réalise qu'il est plus brun que blond sous les néons. Qu'il a l'air sérieux. Avec son air de celui qui est là parce qu'il travaille ici? Ou parce qu'il vient voir quelqu'un? Ou parce qu'il a des dizaines de centaines de papiers à remplir, lui aussi? Elle se perd dans ses pensées Chloe, elle le fixe à outrance et elle ne le réalise même pas.
Ce qu'elle réalise par contre, c'est qu'elle a manqué son étage. Et elle se faufile entre les autres, elle se dit qu'il ne la verra pas, que tout est bon, que son index qui appuie sur le 2e passera inaperçu, qu'elle passera inaperçue elle aussi. Mais il faut qu'elle croise son regard alors qu'elle retournait sagement se poser à l'autre bout de la cabine. Elle le croise, elle le tient, elle lui sourit même. Et la première personne entre eux deux qui parle, perd la bataille. Qu'elle pense, la gamine.
Par chance, c'est la troisième roue du carrosse qui s'adresse à elle, le type lambda qui sent trop fort le parfum, et qui décide que maintenant, c'est le parfait moment pour demander « Vous avez passé de belles fêtes de fin d'année? » qui demande ça à une inconnue, vraiment?
@seth briggs |
| | | | (#)Mar 14 Jan - 14:37 | |
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Le cœur lourd. Les poings serrés. Alors qu’il disparaît du bureau, il se fait la promesse, un jour, de lui faire avaler sa cravate. D’appeler sa femme pour mettre en avant l’amour de son mari pour les jeunes stagiaires. Sauter sur son bureau pour écraser sa collection de pin’s, celle qui aimait trifouiller en entretien, juste pour l’emmerder. Remettre son insigne, son arme, et lui flanquer ce genre de gifle qui laisse une empreinte pendant plusieurs jours. La porte claque, sans ménagement. Les vociférations du commissaire s’étouffent alors dans un lointain brumeux. A peine suffisant pour que Seth n’entende plus rien de lui. Pas un son, pas un grognement. Pour l’heure, il n’avait plus rien à foutre ici. Dans l’espace qui lui servait de lieu de travail, traînait montagne de paperasses, dossiers classés, téléphone, mug à l’effigie de la police Australienne. Ca n’était pas un cliché, juste une réalité. Echange de regard avec son binôme. Robb’, vieux de la vieille d’antan. Loup des rues qui n’avait pas voulu assister à l’entrevue. C’était mieux ainsi. Entendre de vive voix qu’on se faisait éjecter d’une enquête par faute de moyens financiers, par manque de preuves tangibles, ça l’aurait quelque peu décontenancé. Au briscard qui n’avait plus rien à perdre et qui n’aurait pas hésité un quart de seconde avant de mettre en application toutes les pulsions enfouies de l’autre partie du duo. Seth le pourtant flegmatique, déjà, était parcouru de spasmes. Intérieur. Allez lui dire vous même, à sa mère, qu’on arrête de chercher celui qui a sa tué sa fille. Nan, vraiment, il devait foutre le camp pour aujourd’hui.
Veste tenue par le pouce, recouvre le dos, à la cool. Impossible pour ses collègues de déceler le trouble, alors qu’il se frayait un chemin au travers des îlots, des bureaux, des coups de téléphone qui n’arrêtaient pas. Il en saluait certains, poliment. Intrinsèquement, il rêvait d’une douche chaude, d’une clope, qu’il fumerait en accordant les volutes de fumée sur un vieux morceau, allongé sur son lit. C’était probablement ça, la suite. Manger un bout, aussi, quelque chose de gras et bien culpabilisant, qu’il digérera devant un film bien guilty pleasure. Prescription que devrait signer tout bon médecin compétent pour prévenir symptômes dépressifs. Ca n’était pas le cas de Seth. C’était du moins ce qu’il se disait tout le temps, même lorsqu’il était au plus bas. Comme si il refusait bonnement et simplement l’idée d’être malheureux. Comme si cette tare, en était une, et qu’elle était réservée aux autres, pas à lui.
Confus. Dans un coin de son esprit se matérialisait l’image de cette femme, cette mère de famille, qui avait perdue sa fille depuis six mois, les plus longs de sa vie à n’en pas douter, et qu’il allait devoir réconforter, vainement, stupidement. Dans l’autre partie, il songeait à quel album mettre, pour accompagner sa dose exceptionnelle de nicotine. L’ascenseur s’ouvre, Briggs s’y engouffre, tête baissée, il ne prête pas vraiment attention aux autres. Des auras près de lui, des corps. Son point de repère ? Le vide. Regard perdu, les étages défilent. Un bras traverse son peu d’espace libre, un léger parfum l’accompagne. Intrigué par la présence, il se retourne de manière tout à fait instinctive, sans intentions tracées. Il la regarde, avant de revenir à son point de chute. Deux secondes passent. Il la regarde de nouveau. Puis revient sur le néant de la porte au gris froid. Il rêvait ?
Pas mal d’éléments se volatilisent. Ses préoccupations récentes réduisent en poussière, alors qu’une chanson s’immisce sournoisement dans son imaginaire. Un tango. Stoïque, alors que, ce qu’il croyait avoir été le fruit de son imagination pendant de longues semaines, se dressait en chair et en os à un mètre de lui. C’était sa force. Le flic retourne la tête, encore une fois. Cette fois-ci, ils s’attrapent. La situation aurait pu amorcer de l’étrange, de la gêne, des retrouvailles vacillantes, une bise cordiale. Du, comment vas-tu, depuis la dernière fois ? Là, ça n’était pas le cas, pas du tout. A contrario, ils semblaient prêts à reprendre le jeu, là où il s’était arrêté. Des regards en coin, un sourire taquin qui déforme le bas de son visage, pourtant fermé depuis quelques heures. La descente de la cage mécanique qui paraissait plus lente que d’habitude.
Il n’a pas le temps de se poser la moindre question, pas l’opportunité d’enclencher quelque chose. Hook, un mec de l’administratif ultra apprêté aux airs de golden boy un brin désuet, met en application toute la fournée de tutos de coachs en séduction qu’il devait se farcir sur Youtube. « Vous avez passé de belles fêtes de fin d'année? » Pourquoi pas. Il avait de belles dents, et Seth se disait que ça pouvait parfois fonctionner pour lui, de cette manière. L’incongru brisait les retrouvailles à distance, mais ça le faisait sourire, Seth. En laissant son lointain collègue roucouler, lui, il prend son portable. Tape quelques mots. Une ligne. Lorsque l’oiseau charmeur quitte finalement l’ascenseur, le flic se rapproche doucement de celle avec qui il avait partagé une nuit peu commune, presque de l’ordre de l’irréelle. Sans un mot. Il lui donne son portable, allumé. Le mot en question. ("Comment se porte votre pyjama ?") C’était une façon comme une autre d’exprimer sa réjouissance. La revoir, il l’avait imaginé, c’est sûr. Mais la revoir, il le pensait inconcevable. Inutile de lui parler de destin, ça pouvait le faire vomir, ce genre d’allusion divine.
Rester muet. Parce qu’aucun des deux ne semblait prêt à craquer, à baisser les armes en premier. Pourtant, il avait envie, cette fois, de prolonger un peu le moment. Advienne que pourra. Sur son smartphone, toujours, dans l’inaudible.("J’ai faim. Vous m’accompagnez ?") Le vouvoiement, alors qu’ils avaient côtoyé plus qu’un tutoiement. La vouvoyer, comme si la rencontre était nouvelle. Comme si le jeu n’avait jamais cessé.
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| | | | (#)Mar 14 Jan - 23:32 | |
| Elle se retient, de pouffer. Entre un regard et un autre. Entre le froncement de sourcils dont elle le gratifie quand la dame derrière elle la bouscule à la sortie. Entre les lèvres pincées d'un rire étouffé quand l'homme devant elle manque de perdre l'équilibre en entrant mais qu'il fait comme si tout allait bien - oui, oui, je gère, mes pas se prenant dans un tapis inexistant aussi. C'est une légèreté dont elle a besoin aujourd'hui, et elle ne s'en prive pas le moins du monde. Malgré l'absence de propriétaire de bar. Malgré celle de l'adolescent aux cheveux aussi huileux que son popcorn qu'ils lui avaient volé, comme des gamins. Ça, c'est ce qu'ils sont au final. Des enfants. Des enfants qui croient que le monde est bien mieux quand ils s'en inventent un autre, un secret qui ne sera tenu que par leur très secret duo d'initiés.
On lui parle, elle n'entend pas. Ou du moins, elle ne croyait pas que ces mots-là lui étaient adressés, quand elle entretenait maintenant une conversation complètement muette avec son voisin d'une autre nuit à l'autre bout de la cabine, ponctuée par un ding incessant et un jazz ambiant. Ses fêtes de fin d'année, il n'a pas envie d'en entendre parler. Rien de glorieux dans les quelques jours qu'elle a passés seule chez elle en tête à tête avec sa glace à la vanille et son rouge. Rien d'étonnant à ceux où elle est restée chez ses parents à se fondre à merveille comme la 3e fille sur 4 d'une famille aussi bien tissée que les mailles du même cardigan qu'elle porte aujourd'hui, celui qu'elle avait ce soir-là aussi. Rien qu'elle partagera du nouvel an où elle était à la ferme Blythe, Zeke qu'elle y avait retrouvé après un bref moment depuis son séjour.
Elle perd le contact visuel Chloe, ne lui en tient pas rigueur. Elle est occupée à sourire poliment à l'intéressé. Lui qui décide de parler de ses propres projets maintenant, lui qui raconte son décompte sous les coups de minuit sur le toit de l'un des plus beaux bars en ville. La vue y est impeccable paraît-il, à ce temps-ci de l'année. Et les cocktails le sont tout autant. Et votre cocktail préféré, j'imagine que c'est le Spritz. Non? Ah, j'aurais cru. ("Comment se porte votre pyjama ?") la bouteille à la mer, et l'écran illuminé qui glisse sous ses yeux. Elle est impolie Cohen, quand elle attrape d'un main sournoise l'appareil, remonte le clavier, change aux emojis, mémorisent les derniers qu'il a utilisés avant de lui répondre dans le plus parfait mutisme qu'elle ait jamais exhibé.
« »
Le téléphone reprend sa place au creux de la paume du blond, elle redresse ses épaules en agitant le pan de son pull, rien que pour prouver qu'il s'agit bien d'une chemise dessous, d'un jeans plus bas. Elle sait se comporter en société la brune, elle n'a pas d'amie à sauver aujourd'hui, du moins, pas encore. L'ascenseur est vide rien que pour eux deux quand elle se demande Chloe, quand elle dégaine son portable pour s'assurer qu'Abby, justement elle, est toujours okay au bureau malgré le fait qu'elle y a passé la journée toute seule.
L'invitation vient ensuite. ("J’ai faim. Vous m’accompagnez ?") et elle est presque cruelle, Chloe, quand elle arque la nuque, fronce doucement les sourcils en exagérant un semblant de réflexion. Sa réflexion, elle la dédie à choisir maintenant sur son propre clavier de quoi répondre tout en gardant ses lèvres closes, marquées d'un sourire dont elle ne se cache pas du tout. Elle assume ça, elle assume totalement.
« ? / ? »
Et ils y sont presque, à son étage. Elle voit les chiffres réduire sur le tableau de bord, les mime de ses doigts en passant du 6 au 5, du 4 au 3 en maîtrisant parfaitement le ratio entre les portes qui grincent et les câbles qui arrêtent. L'histoire ne dit pas, si elle fait exprès de laisser les portes se refermer toutes seules une fois le 2e atteint. L'histoire ne dit pas non plus si elle comptait dans sa tête les secondes avant qu'elles le fassent, mêmes secondes où elle faisait tourner son iPhone entre ses doigts avec une nonchalance qui ne ressemblait pas à l'attitude carrée et professionnelle qu'elle avait entretenue depuis le matin. Son sourire en coin qui reste en place, ses prunelles qui brillent, son air de défi qu'elle tourne vers lui, tout ça, ça changeait. Elle l'avait peut-être oubliée, sa mauvaise journée.
@seth briggs |
| | | | (#)Mer 15 Jan - 17:08 | |
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Dans la descente une succession de corps qui passent, un badaud qui trébuche, des visages qu’il aperçoit, mais qu’il ne lit pas. Des collègues, des témoins, des coupables, des victimes. Juste des courants d’airs, dans l’instant. Elle d’un côté, lui à l’extrême. Espace réduit, aseptisé, à milles lieux de l’atmosphère lunaire de leur soirée. L’environnement change, pas la couleur de ses yeux. Un terrain de jeu différent, tout au plus, Brisbane la solaire comme vaste champ des possibles. Qu’il était simple de remettre la main sur une personne, dans ce monde ultra connecté. La probabilité était déjà plus étroite, dans leur cas. Tant ils semblaient avoir tout fait, absolument tout, pour qu’aucun des deux ne puisse retrouver la trace de l’autre. Pas l’ombre d’un espoir, pas le moindre effort pour donner à cette nuit une infime chance de voir le jour apparaître. Bataille d’égo’, fierté culminante, manque de foi, plaisir éphémère. Lui, elle aussi probablement, ne voyait de sens à donner à l’exceptionnelle, trop de rationalité. Il était trop rare de fuir le vrai monde, pour tout foutre en l’air. Logique du moment présent, une croix sur l’avenir.
Le numérique surplante la prise de paroles. Il avait trouvé ça plus cohérent, plus comme eux, de l’appréhender de cette façon. Plus comme eux, c’était assez étrange comme formule. Hook, le don juan au parfum qui nettoie les narines, déballe son numéro habituel. Seth l’avait déjà vu à l’œuvre, dans ce même ascenseur, avec le même stratagème, avec le même succès. Pas du genre à se servir des faiblesses des autres pour tourner la situation en sa faveur, il ne pipe mot. Il le laisse, sourire à peine perceptible. Lorsque Briggs se rapproche de la jeune femme, le séducteur tire sa révérence avec une classe sous-estimé, pour se fondre dans les méandres d’un des étages du commissariat. A deux, ils se retrouvent dans la même boîte, dans la même vie, dans une nouvelle partie.
Seth campe sur sa position. De l’autre côté d’elle. Il y a rapprochement uniquement pour se saisir du portable, et ainsi suivre la discussion minimaliste. Il n’entend pas le son de sa voix, elle n’entend pas le sien. Il ne se souvient pas des temps, des croches, ni du rythme de la chanson. Incapable de se faire une idée de l’harmonie. Seul le souvenir de ses yeux et de ses fossettes, était réellement resté intact dans sa mémoire. Si sa tentative d’instaurer le dialogue avait été pour le moins originale, mais foncièrement peu expressive, celle qu’employa la jeune brune était, sur cette même échelle, assez brillante. Lorsqu’il aperçoit le trio d’emojis, naturellement qu’il rigole. Rire contenu dans un sourire gonflé. Plus concrètement, il était pleinement rassuré de savoir son pyjama en bon état. Pour le manifester, il hoche la tête en fermant brièvement les yeux, avant de jeter un regard vers elle lorsqu’elle lui laisse suggérer des choses. Contempler l’accoutrement qui avait détrôné l’apparat du soir, témoin d’une nuit folle. Muet et mutin, il lui accorde un signe de pouce, fugace, afin de valider, à sa façon, cette tenue plus décente. Ca lui faisait moins tourner la tête, certes …
Aucune intention d’en resté là. C’était peut-être là, la seule chose qu’il y avait de changé. D’un instant sans ligne d’arrivée, il voulait faire perdurer le jeu plus longtemps, cette fois-ci. Toutes les bonnes choses ont une fin. Mais, pourquoi au juste ? Il veut tuer l’adage. L’inviter, se faire inviter, ou bien dans leur cas peut-être même voler de la bouffe. Peu importe. C’était là le projet, dans le strict immédiat.
Temps de latence lorsque les portes se referment. La destination est erronée. Ils se regardent, c’est suffisant pour comprendre la suite. Cruel dilemme qu’elle dicte par le biais d’un langage abstrait. Seth se délecte de l’instant, oublie un temps l’idée de coincer une cibiche dans la commissure de ses lèvres en écoutant crépiter le tourne-disque. Rentrer se morfondre chez lui n’était plus l’objet de ses désirs. "(Entre les deux mon cœur balance. Mais, j’ai l’adresse qu’il nous faut.)"
La route est silencieuse. Dehors ils s’engouffrent, ensemble. Seth se tient près d’elle, des corps se frôlent, leurs bras se touchent, presque. Mais il ne cède pas à l’envie d’en savoir plus, de la prendre en vol, de connaître sa vie, en long et en large. Non. Se laisser cueillir, ou plutôt, se laisser emporter. Dans un coin de sa tête, il y pense. La raison de sa présence, à elle, dans un lieu où nul ne vient au hasard. C’était plutôt inquiétant, comme destination. Un lieu qui grouille de flics. S’aventurer sur ce terrain n’était pas de son ressort, il n’était pas légitime. Peut-être qu’il l’apprendra, à un moment donné, mais ça ne pouvait que venir d’elle, et seulement elle. Il n’avait pas la moindre envie de faire chavirer leur embarcation, pas envie de briser tout ça. Avec elle, il n’avait qu’une seule aspiration : sentir le goût des choses.
Ils marchent, affrontent les ruelles de Brisbane. Briggs, pour accompagner l’instant, dégaine son portable, objet de transmission, ainsi qu’une paire d’écouteurs. Une oreillette pour lui, l’autre pour sa complice d’une nuit, celle qui comme lui compte sur le hasard. Une musique, un classique, un chef d’œuvre. Des lignes qui racontaient bien le mouvement. Un rythme qui secondait leurs pas. Il la regarde, complice. Le sourire est sincère. There is a light that never goes out accompagne le binôme, alors qu’il arrive finalement vers un diner’s pas très loin du commissariat. Un quelque chose à l’américaine, aux airs de bus revisité. Il s’arrête, et désigne l’enseigne d’un coup de menton. Un repère d’ado’, aux allures. C’était un endroit fait pour eux, évidemment.
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| | | | (#)Jeu 16 Jan - 13:48 | |
| Son rire résonne dans la cabine, elle est fière de son coup la gamine. Sa fossette se creuse mais elle ne lui cède pas le moindre éclat, pas tout de suite, se sentant monter une fibre compétitrice qu'elle aime bien, surtout quand l'impression de gagner monte avec elle. Et gagner, elle ne sait pas quoi, mais ça lui suffit. Elle gagne un peu de répit, elle gagne un sourire et un autre. Elle gagne le droit de lui donner le choix pour l'étape suivante, elle gagne une étape suivante aussi. Cohen qui ne fait pas ça, d'ordinaire. Cohen qu'on ne reverra pas, jamais, de jour avec quelqu'un qu'elle a rencontré de nuit. Mais il s'y faufile le blond, dans sa tête et dans son horaire, il est agile et elle lui laisse toute la place surtout. Elle s'en étonne encore un peu.
"(Entre les deux mon cœur balance. Mais, j’ai l’adresse qu’il nous faut.)" c'est lui qui tient le capital du mystère aujourd'hui. Elle lui a cédé les rennes, elle qui contrôle tout habituellement. Elle qui anticipe les surprises, même les impromptues. Elle est impulsive Chloe, de plus en plus, même si là encore le risque est pris en connaissance de cause. Elle assume tout, chaque geste, en prend la totale et entière responsabilité. Jusqu'à ce qu'elle hoche de la tête à l'inconnu. Pas lui, il est bien loin du stade d'inconnu maintenant - elle pensait à ce qu'il lui propose, à ce à quoi elle a accepté sans mot dire. Littéralement.
Ses doigts sont chauds, Cohen est glacée. Il glisse dans son oreille un écouteur, chatouille l'arrière de sa nuque avec son mouvement bref ; il ne remarque pas, sûrement. Troquer la clim du poste de police pour la météo un peu plus clémente d'aujourd'hui lui fait du bien, le soleil pique ses joues. Elle inspire, elle ferme les yeux aussi, et la batterie la rattrape. La mélodie est faible, elle est brouillée par les bruits ambiants, les voitures, les klaxons, les conversations et autres éléments qui l'énerveraient presque, la brune. À son tour de se faufiler, de trouver le téléphone du DJ du jour, d'augmenter le volume d'un point et d'un autre. Elles y vont fort, les coïncidences, quand la voix familière caresse ses idées noires, quand elle laisse de côté le pourquoi du comment elle était à remplir des papiers et à répéter son témoignage depuis des heures, avant.
Elle chantonne Chloe, en silence. Elle ne lui ferait pas ce plaisir, calculant chaque mot qui glisse sur ses lèvres, les paroles qu'elle connaît par coeur, la mélodie avec. Le regard qu'elle perd vers lui entre deux trottoirs, entre deux inconnus qu'ils ont séparés avec toute l'impolitesse du monde parce que les oreillettes les empêchaient de se détacher.
And I want to see life Driving in your car Oh, please don't drop me home Because it's not my home, it's their home And I'm welcome no more
Ils y arrivent, à destination. Du moins c'est ce qu'il semble suggérer, et elle hoche de la tête, opine de la positive, elle accepte Chloe, elle avait déjà accepté à la seconde où elle avait quitté l'ascenseur avec lui. La porte du diner qu'il pousse de l'épaule, l'odeur de friture est inévitable. Y'a une banquette, elle la repère, la pointe avec la candeur d'une enfant qui y voit là le plus beau treat qu'elle pourrait recevoir. Ses épaules, son dos qu'elle aurait pu poser sur le siège en face du blond, mais ç'aurait signifié renoncer à la musique abruptement. La chanson n'est pas terminée, il en a peut-être d'autres en banque. Après une journée à n'avoir fait que parler pour parler, ce serait mentir de dire que Chloe ne se complait pas parfaitement dans leur silence partagé. Le meilleur de tous les mondes.
La serveuse arrive, et là, elle doit penser vite. Elle lui vole le menu alors qu'il semblait être en pleine contemplation, prend la commande pour eux deux en pointant quelques items sur la carte à la pauvre dame qui doit se coltiner leurs jeux d'enfants, ces mêmes jeux que Chloe n'abandonnerait pas pour rien actuellement. Son index slalome entre les différentes lignes, le papier plastifié est collant, probablement d'un mélange de coca et de gras, elle n'en tient pas rigueur. À chaque poignée de secondes elle jette un coup d'oeil par-dessus son épaule pour s'assurer qu'il ne voit pas ce qu'elle demande pour deux, lui affichant son plus grand et son plus fourbe sourire au passage.
C'est presque un 10/10 avec mention d'honneur lorsque la dame à l'uniforme bleu clair et au carnet de notes rempli quitte leur table, quand Chloe passe à un cheveu de la remercier. Elle se mord la langue, elle se mord la lèvre, elle pouffe aussi, sa silhouette finissant par se caler un peu mieux dans la banquette lorsque la première tournée arrive. Un milkshake, deux pailles. Évidemment qu'elle est allée dans le cliché la brune, quand elle prend possession de celle de droite, toujours celle de droite. La portant à ses lèvres en battant des paupières, éternelle enfant, à l'intention du chanceux qu'elle a autorisé à partager avec elle. Du menton elle lui pointe la paille qu'elle lui a laissée avec une générosité impeccable, les burgers arrivent. Ils sont aussi hauts que larges, elle avait pas pensé Chloe, à quel point ça finira en un mess incroyable tout ça. Et limite, elle aime bien, de ne pas avoir pensé, d'y être allée à jouer, juste jouer. Les frites communes sont bonnes dernières. Là elle n'a pas pu choisir, y est donc allée d'un mix entre les naturelles, les relevées et celle au fromage.
Qu'il le voit de la façon la plus dévouée possible : s'ils ont la bouche pleine, c'est impoli d'articuler la moindre parole.
@seth briggs
- Spoiler:
pavé-land, le retour
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| | | | (#)Ven 17 Jan - 14:59 | |
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Chuck, right ? Un souvenir, un murmure. La seule trace d’elle. Longtemps considéré comme une signature, un en revoir un peu plus douloureux, l’absence de promesse, une révérence douce et lancinante. Chuck. Ca ne sonnait pas comme du vrai. Puisque tout avait semblé illusion, il avait trouvé ça légitime, comme façon de se sortir d’un rêve. Quelques lettres qu’il aurait cru se dissiper dans le temps, et dans son brouillard d’informations. Non, finalement. Au réveil, il y avait pensé. Des jours après, il y avait pensé. Bel idiot. Dans l’impossible, il sommeillait sans doute en lui un infime espoir qu’elle réapparaisse. Aussi abruptement qu’elle était apparue dans son cosmos, sous les lasers, bouteille de vin, crachat d’hémoglobine à l’écran, voyages et étreinte dans le vide. Vouloir la revoir. Ne pas pouvoir la revoir. Y croire un peu, puis oublier. Avoir la tête ailleurs, et recroiser ce regard frondeur dans l’inexplicable cours de la vie. Ne plus se poser de questions.
Pari audacieux que de proposer du Smiths. Enfin, oui, bien qu’il ne le comprenne absolument pas, ils y avaient bel et bien des gens qui n’aimaient pas ce groupe. Elle était peut-être de ceux-là. Auquel cas il retirerait ses écouteurs pour sonner le premier taxi qui passe, afin de finir la soirée entre personnes de bons goûts. Lui et sa chienne, autrement dit. Désolé Mia. Loin de cette projection. Il n’y pense pas vraiment, à si elle peut aimer, ou non. Seth avait juste eu le besoin de partager quelque chose, avec elle. Quelque chose d’un peu plus concret. Avoir la même harmonie en tête. Cette initiative était naturelle, elle répondait à une non mécanique, au simple désir de pouvoir lire la musique dans ses yeux. Au final, ça ne disait pas grand-chose sur lui. C’était une manière de fuir le monde des grands, encore une. Cette musique, il veut la chanter. La gueuler, même. Mais hors de question de faillir.
Elle monte le son, donne son approbation, marche à ses côtés, au rythme de la basse. Le fil impose le rapprochement, ils s’accompagnent mutuellement. Lorsqu’ils arrivent. Noués l’un à l’autre ils se laissent happés par l’endroit, les effluves de fritures, le vintage du lieu, la musique Rockabily qui émerge difficilement dans l’oreille libre. Certains clichés avaient du bon. Une banquette cuir maronnée, elle à côté de lui. Le son des Anglais continu de déferler. Personne n’est en mesure de les atteindre. La serveuse est en pleine détresse, alors que la brune prend en main les commandes. Seth contient son rire, difficilement. Son regard cherche le feuillet des menus, mais elle empêche toute tentative d’intrusion ennemie. Sale gosse. Il se veut rassurant avec l’employée, coup de tête et lèvres pincées, alors qu’il résiste à l’envie de pouffer de rire. En se foutant pas mal du regard oblique, des passants honnêtes.
Un milkshake. D’accord. Le flic rigole à la venue du verre de lait, les deux pailles se proposant à leurs lèvres. Aux ado’s trentenaires. Prochaine étape : Seth en Cadillac venant chercher Chuck chez ses parents, costume et cheveux gominés, pour l’emmener au bal de promo’. Faille spatio-temporelle. Cette pensée lui ferait presque regretter cette période acnéique. Il l’accompagne, porte la paille au centre de sa bouche, et, la regarde. La proximité n’est pas troublante. Elle l’est forcément un peu, tant la chose le secoue plus qu’il ne l’aurait imaginé. Mais l’acte était drôle, et il ne peut s’empêcher de délaisser un peu le verre pour se marrer à l’écart. Quand vient la suite, explosion de plaisir et de gras combinés, il penche la tête, et arque les sourcils en direction de sa complice. Tout en légèreté. Il avait faim, et la profusion de bouffes grasses collait divinement bien à la thématique. Pas de prise de tête.
Dans ce consensus non-verbale, il fallait surprendre, ou tout du moins, apprendre à communiquer autrement. Ce concept lui plaisait bien, et il trouvait que c’était probablement un bon exercice. Un conseil pour les couples qui se détruisent. Quoi que. Ses parents avaient pratiqué la technique quasiment tout au long leur histoire, sans succès. Dans cette démarche, il fallait savoir être créatif. Seth commence son burger, picore quelques frites. Laisse celles au fromage. Voila qu’elle en sait désormais plus sur ses goûts. In progress. La faim ne le tiraillait plus vraiment. Dehors était palpable l’agitation de fin de journée. Sortie de travail, prendre les enfants à l’école, fuir la maison pour une rasade de houblon, le cours de yoga, les leçons de piano de la petite, le rendez-vous tinder pour chasser la solitude de l’âme. Eux, loin de tout ça. Seth prend son portable. Objet complice d’un jeu duquel il ne veut s’échapper. ("Dis-moi quelque chose sur toi.") Qu’il ose franchir. Il ne demande rien, qu’un souvenir, un rêve, une réalité. Il se fait faussement charmeur, lorsqu’il reporte la paille à ses lèvres, sans la quitter des yeux.
Il reprend le fil. Sur son portable, toujours. A elle de choisir. A elle de montrer quelque chose d'elle, peu importe quoi. ("Une musique ? Promis, si tu chantes, je compte pas ça comme une défaite.") Sourire en coin. Pour mimer le message, il se fait air crooner. Sourcils froncés, lueur ténébreuse dans le fond des yeux. Il aimerait bien l’entendre chanter, en vrai. Le son de sa voix était-il semblable aux notes qu'il avait entendu cette nuit là ?
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| | | | (#)Jeu 23 Jan - 17:03 | |
| Elle prend ses aises Chloe, et c'est étrange considérant qu'elle ne le connaît pas du tout. Elle ne connaît pas ses rêves, elle ignore ses ambitions. Elle ne sait même pas ce qu'il faisait au poste de police, ce qu'il allait y confesser quand elle-même avait dû faire face à ses propres confessions. Elle ne sait rien et elle s'en contente, elle qui contrôle habituellement, elle qui est toujours la cartésienne du lot, la logique. Y'a rien là, rien d'autre que des sourires, que des coups d'oeil partagés, des rires qui complètent et une chanson qui s'immisce entre eux, voulant être la leur, en l'étant au détour.
L'avalanche de nourriture leur sert bien, un temps. Elle leur sert à s'occuper savamment, Chloe divisant les parts partagées de son mieux, s'assurant toujours de lui voler la dernière bouchée lorsqu'il prend trop de temps à se servir. Le fromage reste sa lubie, elle n'aurait pas été aussi conciliante s'il n'avait pas cédé, soyons honnêtes. Elle en a oublié les conversations autour, les familles qui s'installent en faisant tout le bruit du monde, les travailleurs qui s'arrêtent pour un café, pour relâcher la pression au comptoir. D'ordinaire, elle leur aurait tous inventé une vie Cohen, elle leur aurait trouvé des noms, des historiques, des peurs, des envies. Elle aurait dressé leur portrait rien qu'à les observer, rien qu'à analyser leurs mimiques. Elle se serait oubliée un temps pour le mieux, en leur laissant toute la place, en leur dédiant toute son attention. Mais elle est trop occupée à vivre dans une bulle qu'ils partagent naturellement, elle y est bien, confortable, et ce serait mentir de dire que le regard qu'il pose sur elle n'y est pour rien.
("Dis-moi quelque chose sur toi.") le retour de la conversation en sourdine, le retour de leur moment atypique, de leur aparté dans une vie qui s'amuse à faire d'eux bien plus que des lignes parallèles, bien plus que des chemins qui se suivent sans jamais se rencontrer. ("Une musique ? Promis, si tu chantes, je compte pas ça comme une défaite.") elle fronce les sourcils, bien plus par amusement que par méfiance, bien plus par intérêt que par déni. Ses mains qu'elle essuie sur la serviette à sa droite, elle gagne du temps Chloe, ou elle en a tout l'air, quand elle sait déjà la version qu'elle prendra comme toujours, par habitude. Elle ne dévoile rien d'elle ou à peine. Elle y va toujours au compte-goutte, et dans sa tête, c'est acté. Elle lui dira un truc vague, elle choisiera une chanson qui n'en dit pas plus qu'assez, elle entretiendra le personnage, elle étirera le rêve encore un peu. Avant de s'envoler comme la dernière fois, avant de laisser que des souvenirs, que des sourires, que des soupirs dans son sillage. C'est elle, ça. La sensation d'éphémère, l'impression de la toucher du bout des doigts avant qu'elle s'envole pour cette vie et les prochaines.
Et pourtant. Et pourtant elle hésite. Elle hésite assez pour farfouiller dans sa playlist, pour en sortir, pour en lancer une nouvelle, une commune à eux qu'elle se voit déjà remplir alors qu'il n'y a que son morceau à lui, ses Smiths qu'elle partage. Et maintenant, son morceau à elle. Elle y ajoute une chanson, une qui en dit beaucoup, beaucoup trop. Elle tente de faire passer ça sur ses goûts qu'elle analyse, elle tente une fraction de seconde de se dire qu'il va aimer la mélodie et que ça en serait suffisant. Mais elle est pas si naïve Chloe, elle sait qu'il sera attentif, elle le serait à l'inverse.
("J'ai pas chanté. Je gagne quoi?") tu gagnes absolument rien Chloe, et pour une fois ça ne lui fait pas peur. Ça ne lui fait pas mal. Elle y va doucement, elle dévoile un part de blanc, une part de noir. Le jeu le rend un peu plus fluide, la coïncidence avec son propre titre à lui la fait même sourire, light qui revient, presque comme un espoir de gamin qui aspire à avoir des étoiles dans les yeux en permanence. Ou suffisamment pour oublier les périodes où la nuit prend toute la place.
Elle ne lui a pas rendu son téléphone encore. Elle y pense, à sa question à elle, elle veut qu'ils soient à égalité, elle y tient bien trop pour que ce soit quelque chose duquel elle lâchera prise ni maintenant ni jamais. Drôle de créature qu'elle est la Cohen, petit mystère sur deux pattes qui ne se comprend jamais vraiment entièrement, caméléon qui s'adapte autant que se rétracte selon les options. ("Dis-moi quelque chose sur toi que personne sait. ") elle lève les yeux, lui laisse le bénéfice du doute, lui laisse la blague s'il veut prendre cette avenue-là, un ("Promis, si c'est que t'es un fan incontesté des Backstreet Boys je dirai rien - je crois.") qui dédramatiserait même les plus sombres secrets.
@seth briggs |
| | | | (#)Jeu 23 Jan - 23:29 | |
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Rencontre du troisième type, deuxième rencontre complètement lunaire, les volutes d’une première fois. Du Lynch dans l’atmosphère, de l’onirique qui se mêle au terre-à-terre. Seth ne s’imaginait plus inspecteur, tout juste bad boy séchant ses cours pour flirter avec la mignonne de la classe voisine. Il l’emmènerait voir un film en noir et blanc dans un ciné en plein air, après quoi ils s’enliseraient dans un ciel de lumières. Il s’improviserait astrophysicien, lisant les constellations de façon ringarde pour se moquer du genre. Puis, ils recommenceraient, à la prochaine pleine lune. Peut-être qu’eux, eux ne signifiait rien. Rien de plus qu’une succession de phases, comme celle-ci, loin du tangible. En attendant, son cœur battait toujours. Les couleurs étaient toujours aussi vives, et la musique étonnamment douce. C’était peut-être insensé, mais bien réel.
Pas l’once d’un doute. Il n’a pas le sentiment de rater quoi que ce soit, de devoir être ailleurs, à cet instant précis. Le Diner s’agite, des choses se passent, un verre éclate, un enfant pleure, des rires se perdent, mais lui ne perçoit qu’une atmosphère générale, sans détails. Juste du bruit, en dehors de leur banquette, du fil qui les relient. Seth ose un peu plus. Paradoxalement. Que des confidences muettes, mais il se sentait presque en mesure d’anticiper ses réactions. Rendre inerte un sens pour rendre le second plus sensible, plus attentif. Seth délaisse le gras, sa faim. Sa curiosité réclame davantage, ou bien est-ce tout simplement l’attrait du jeu qui continue son bonhomme de chemin. S’en faisant maître, un court instant, il s’installe plus dans le creux du cuir orange, à l’écoute d’une confidence, d’un petit rien. Son visage qu’il regarde de profil, se creusant les méninges sur le contenu de sa réponse. A peine perceptible, mais suffisant pour le faire sourire. Un de ceux qu’elle ne verra pas, et qu’il garderait pour lui, parce que probablement trop juste, un peu traître, aussi.
Les Black Keys s’invitent à table, un peu sans prévenir. Il ne pensait pas les entendre ici, avec elle. Enfin, il ne s’attendait surtout pas être ici, avec elle. Ce riff extraordinaire. Bien sûr qu’il se délecte du choix, en amateur du genre. L’expression de son approbation est sobre. Un mouvement de tête en rythme, de bas en haut, un sourire en coin, des yeux clos. Les bras serrés. Faire un peu le pitre, comme d’habitude. L’envie de lire à travers les lignes, surtout. Pourquoi cette chanson ? elle raconte quoi pour toi ? ça te fait quoi de l’entendre ? C’était tellement exaltant de la découvrir, de cette façon. Seth veut déceler les choses. Pas de figuratif, juste du suggéré, du peut-être. C’était de toute évidence tout ce qu’elle lui laissera. De l’incertitude, pas de réponse. Seulement, peut-être que cette fois, il refuserait de la laisser partir. Aussi facilement.
("J'ai pas chanté. Je gagne quoi?") Le plus sérieusement du monde, il fait fondre un peu la distance, se rapproche. Une frite à la main, de celle qu’elle semblait préférer, fin observateur qu’il était, il lui tend l’offrande. Qu’elle considère ce beau geste comme un véritable cadeau. Prétexte également pour ne pas donner d’autre choix à l’interaction ; se regarder, sans détour ni subterfuge. ("Dis-moi quelque chose sur toi que personne sait. ") Se sentir lésé. Elle renvoie la balle, se protège d’un autre assaut, alors qu’il sonde, quand même, une réciprocité honnête. Déjà, il se creuse la tête. Dans l’instantané, Il se surprend même à prendre la question presque au premier degré. Cette fois il n’avait pas envie de se sauver, il était prêt, quasiment, à lui concéder un fragment de vérité. Promis, si c'est que t'es un fan incontesté des Backstreet Boys je dirai rien - je crois.") Alors que l’atmosphère se teintait d’un semblant de lucidité. Le flic baisse le regard, sur la banquette, étouffe un rire. Elle avait touché une corde sensible. Il prend ses distances, accuse le coup, vient se caler contre la vitre derrière lui. Portable en main, il tapote sa frustration. ("Ma chambre est tapissée de posters d'eux, à côté de ceux de Mariah Carey. Don’t judge me") Après avoir écouté du Smith et du Black Keys, c’était un véritable crève-cœur.
En prenant ses distances, il reconsidère sa question. Une chose sur lui. Non désireux de s’aventurer de trop près sur ce terrain-là, il voulait néanmoins lui apporter quelque chose, à Chuck. Quelque chose de lui. Il voulait surtout partager, encore un peu plus. Il écrit alors ("L’avenir m’effraie."), en suspens. Tour à tour il décrypte l’écran, puis la jeune femme. A plusieurs reprises, avant d’effacer son message. Il faisait erreur. Plus libre que ça, il opte pour le présent, uniquement. ("Je veux t’inviter à sortir. Est-ce qu’il faut que je demande l’autorisation à ton père ?") Come-back dans les années ’90. Sourire mutin. Il s’avance finalement vers elle en glissant sur la banquette. Bientôt, son visage se niche dans le creux de son coup, avoisine le lob de son oreille, flirte avec des mèches de cheveux. Très doucement, à peine audible, il chante un concis « Moi c’est Seth. »
Le souvenir d’elle se volatilisant dans le marasme de la nuit, égrenant des poussières d’elle, derrière un nom à peine dévoilé. C’était à son tour, de lui laisser l’opportunité de mettre un nom sur un visage. Il brise aussi le silence, volontairement. Juste une trêve, probablement. Il tend sa main pour serrer celle de la partie adverse. Avancer un peu. Enchanté, Chuck.
- Spoiler:
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| | | | (#)Dim 26 Jan - 5:42 | |
| Elle ne manque pas de voir qu'il écoute, qu'il connaît, qu'il apprécie. La pression qui s'était logée le long de sa nuque et ses épaules contractées à la seconde où la chanson s'était lancée n'avaient plus rien de tel quand elle se dit qu'il n'y verra que du feu si elle ne lui en donne pas plus. Oh, Chloe. Il se posera probablement des questions même si elle nie férocement, il y reviendra peut-être, citera les paroles dures qu'elle associe à ses souvenirs, à ceux qu'elle garde encore ancrés comme des rappels, ceux qui ont fait d'elle celle qu'elle est aujourd'hui.
Mais elle ne baisse pas les yeux, elle ne se fait pas cet affront quand elle se complait à fixer ses prunelles, à y lire la musique à travers son regard. Elle le voit qui s'installe, qui s'allonge aussi, la frite comme prix pour souligner son silence. Sa tête qu'elle hoche avec politesse, l'air complaisant de celle qui accepte les éloges sous forme de bouffe bien grasse qu'elle empêche à la dernière seconde de lui tacher le menton. Elle étouffe un autre rire Chloe, victorieuse et propre, avant de lui renvoyer la blague, de s'amuser de sa répartie à l'écrit. Il a de la répartie à l'oral aussi, elle s'en souvient, un bref sourire qui remonte sur ses lèvres à son intention. ("Ma chambre est tapissée de posters d'eux, à côté de ceux de Mariah Carey. Don’t judge me") un O qu'elle laisse s'orner sur ses lèvres, exagérant un outrage que la lueur de moquerie illuminant ses iris discrédite directement. Elle l'imaginait maintenant, sa chambre d'adolescent dans laquelle elle aurait fouillé à la seconde où il l'y aurait laissée seule. Elle aurait demandé un verre d'eau, une babiole, aurait attendu qu'il s'éclipse et que ses pas dans le couloir s'éloignent avant d'ouvrir un tiroir, de regarder sous le lit. Il l'aurait surprise sur le fait, elle ne s'en serait pas cachée, s'en serait probablement moqué au même titre que des affiches qu'il semble si fièrement avoir apposées sur ses hypothétiques murs. What are you doing Chloe?
La chanson tire à sa fin, il était occupé à réfléchir à sa réponse, à ce qu'il veut partager. Et lorsqu'il se rapproche elle fait mine d'être concentrée, attentive, le visage fermé et l'expression la plus sérieuse qu'elle peut lui renvoyer. ("Je veux t’inviter à sortir. Est-ce qu’il faut que je demande l’autorisation à ton père ?") elle a à peine le temps de relever la tête ou de même songer à prendre son téléphone pour renchérir en imaginant une réponse à lui rédiger qu'il se rapproche dangereusement. Et elle est de retour, sa chaleur, sa proximité. Il flirte, il brûle, elle le suit des yeux maintenant qu'il se niche dans son cou avec un ralenti qui lui donne la chair de poule, qu'il se présente à son oreille. « Moi c’est Seth. » et la première chose à laquelle elle pense, c'est que son prénom lui va bien. C'est naïf, c'est presque superficiel, mais l'entendre le lui dire fait du sens. Il a l'air d'un Seth whatever that means. Sa main qu'il lui tend, et les bonnes habitudes qu'elle suit en lui offrant la sienne. Seth.
« Et lui, c'est Maxence. » il a parlé, et elle est bonne partenaire Chloe, elle ne le laissera pas jouer seul non plus. Maintenant qu'elle s'étire sur la banquette, que ses mèches barrent son visage sur lequel il pourrait lire de l'amusement s'il était assez proche. Sa silhouette s'arque le temps qu'elle attrape son portable dans la poche de son jeans, qu'elle remonte la liste de ses contacts, aboutisse docilement à la lettre M. « Mais tu peux l'appeler Max. » son index appuie sur le dit Max, elle égare sa main libre le temps de dégager sa vue de ses cheveux qui lui brouillaient le spectacle. Le combiné à son oreille, Chloe verrouille ses prunelles dans celles de Seth, laisse son éternelle fossette creuser sa joue au fil de la tonalité qui finit par cesser pour qu'elle entende à l'autre bout d'une fil une voix masculine, familière. « Salut papa. »
Elle fait ça rien que pour voir l'air qu'il aura Seth. Elle s'amuse et raccrochera s'il ne veut pas pousser la blague aussi loin qu'elle, y'aura pas de mal, ni vu ni connu, rien qu'une frousse de plus. Mais elle est tout de même curieuse de voir s'il ira jusqu'au bout de son fameux plaidoyer pour l'inviter à sortir en respectant les dictats qu'elle ne savait même plus d'actualité. Ou s'il flippera alors qu'elle ne le lâche toujours pas des yeux, que son sourire n'en finit plus de grandir, que l'appel suit doucement son cours.
@seth briggs |
| | | | (#)Dim 26 Jan - 16:30 | |
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Que restera-t-il d’eux aux premières lueurs du jour ? S’installait dans son subconscient la possibilité que l’éphémère reste éphémère, que la beauté de l’instant résidait justement dans l’illusoire, le vacillant. Pour se protéger, il enterrait l’espoir de réitérer, encore, se promettant juste une dernière partie avant de reprendre la route dans le sens du vent. Là, il respirait à pleins poumons. Impossible de matérialiser une suite, inimaginable de concevoir la fuite. Deux mômes à Twin Peaks, à se partager la même paille, le même milkshake, à écouter des fragments d’eux à travers l’écouteur, trouver des similitudes dans le regard de l’autre, vouloir la toucher mais se raviser pour ne pas fêler l’instant. La toucher. Transmettre enfin son prénom. L’aspect pratique dans la forme, rien de plus qu’une tentative supplémentaire pour la sentir plus près de lui, dans le fond. Si aux premières lueurs du jour il ne resterait plus rien d’eux, il voulait se battre, au moins, pour que l’obscurité se prolonge. Encore. Evincer les regrets, à tout prix.
Seth se dissimule à moitié sous cet accord tacite. Celui qui promettait une absence de sérieux et de formalité. Appeler son père, kidnapper sa fille dans les règles de l’art, revivre une quinzaine excitante et débridée, s’exalter de voir un coucher de soleil, les oiseaux migrateurs, sauter dans la boue, courir plus vite que l’autre, monter dans les arbres, s’égratigner les genoux, s’émanciper, découvrir et vivre. Parade insidieuse qui relevait du défi, du jeu, mais qui détenait sa part de vérité. C’était la première fois qu’il confiait frontalement son trouble, son envie de la revoir. Il y avait ajouté du solennel, de vieilles traditions que lui n’avait jamais connu, juste pour suivre le mouvement. Il rigole, se fout du conformiste. Pourtant, la simple idée de l’arracher à son père, de revivre une phase adolescente, avec elle, soulevait en lui des sentiments contradictoires. Pas mal de désir, aussi. Chuck s’en amuse, teste l’audace de son partenaire du soir. Ses limites. Des limites, lui, il n’en voulait plus.
« Et lui, c'est Maxence. » Il arque un sourcil. Du vrai, du faux. Il était pris à son propre jeu, bien sûr. « Mais tu peux l'appeler Max. » Son aplomb, son sérieux le fait rire. Il y avait de l’hésitation, de l’indécision sur le choix de ses mots, ou l’absence de mots. La panique très vite n’existe plus, ne fais pas le poids, tant Seth ne ressentait pas la moindre peur à l’idée d’improviser, prestement. Sa zone de confort était déjà à bien des milles de là, de toute façon. Dans ses yeux dansent une flamme, l’étincelle que le défi avive. « Salut papa. » « Tu ne devrais pas. » Qu’il grince, sournoisement. Le flic pense déjà à la réaction de son interlocuteur, aux paroles qu’il va devoir contrer pour arriver à ses fins. Au diable les bonnes vieilles valeurs. Alors qu’il n’est pas sûr de la véritable identité du dit Maxence, il prend quand même les choses en mains, sous le poids du regard de sa partenaire de milkshake et de folies nocturnes. Délicatement, téléphone en main, il prépare son entreprise de séduction massive. Ou bien, non. « J’aimerai vous dire mon nom, mais je ne peux pas. Trop dangereux, pour vous, pour nous. Je suis sorti de prison, il y a quelques jours. Enfin, s’évader ça compte bien comme une sortie, hein ? Anyway, j’ai rencontré votre fille, et on part au Mexique, ou bien à Tokyo. On a pour projet de retaper un chalutier pour pêcher la crevette. Bref, ne cherchez plus à la joindre, désormais. Bye, Maxou. » Des objections distillées fébrilement, des phrases qui émergent mais qui sombrent. Seth ne laisse pas d’accalmie, d’explications, de rationnel. Il coupe l’échange, et fait glisser le portable jusqu’à sa complice. « Un ennemi de plus à rajouter sur la liste. » La leur. La cavale continue, haletante et sans espoir d’happy end.
« Eteins ton portable, non ? » Qu’il propose, par malice. Qu’en était-il de la suite ? Pas de projection, mais si elle voulait de lui, lui voulait d’elle, sans l’ombre d’un foutre doute. Un regard vers l’extérieur. La pluie commence à tomber. « On disparaît ? » Simplissime proposition, à prendre au sens littéral, si elle le souhaitait.
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| | | | (#)Jeu 6 Fév - 19:12 | |
| « Tu ne devrais pas. » « Sinon quoi? » elle en devient éternelle, cette lueur de défi dans son regard, et dans le sien. Elle en devient grisante au point où chaque nouvelle relance est plus délicieuse que la prochaine. Et Chloe lui laisse les rennes, elle s'amuse, elle le montre dans chacun de ses sourires, dans chaque rire qu'elle étouffe derrière une lampée de milkshake, derrière une moue faussement outrée additionnée d'un hochement de tête tout sauf sérieux. « J’aimerai vous dire mon nom, mais je ne peux pas. Trop dangereux, pour vous, pour nous. Je suis sorti de prison, il y a quelques jours. Enfin, s’évader ça compte bien comme une sortie, hein ? Anyway, j’ai rencontré votre fille, et on part au Mexique, ou bien à Tokyo. On a pour projet de retaper un chalutier pour pêcher la crevette. Bref, ne cherchez plus à la joindre, désormais. Bye, Maxou. » il a joué à ça des dizaines de fois déjà, qu'elle pense. Il a été le petit ami rebelle, il a été le copain qui tente la perfection sans la vouloir vraiment, il a été le bon comme le mauvais. Il a eu tous les rôles et elle ne se demande pas vraiment lequel il aura dans sa vie à elle, parce que peu importe ce qu'elle lui dédira il s'en créera un sur mesure.
Ça lui plaît, ça lui plaît bien trop pour se froisser des mots qu'il échange à sens unique avec son père, ça lui plaît bien assez pour qu'elle sache que ça plaîra à Maxou aussi. « Un ennemi de plus à rajouter sur la liste. » oh, qu'il se moque. Qu'il croit avoir tout foutu en l'air quand elle s'étire pour attraper son téléphone à lui maintenant. La danse de la technologie qu'elle tente de maîtriser sans pour autant s'y complaire, juste assez pour se rapprocher, juste assez pour justifier le nouveau round. « Attends, faut noter là, on va perdre le fil à force. » elle laisse son sourire en coin mener la danse à nouveau, elle tape aussi, à travers des notes dans lesquelles elle ne fouille pas, sentant le regard brûlant de Seth qui brûle, justement. Son épiderme, ses gestes, ses révélations aussi. Il était temps, Cohen.
("Lui, il voulait Chuck, mais c'est maman qui a insisté pour Chloe.")
« Eteins ton portable, non ? » elle lui rend son bien, déjà il fabule sur le sien. L'une des frites avec laquelle elle joue, et y'a pas que ça de joueur. Dans ses prunelles, dans son sourire, dans ses mouvements aussi, quand elle laisse son genou errer sous la table, quand elle la laisse sa cuisse se presser un peu plus sur celle de l'acolyte. Sur celui avec qui, mine de rien, elle multiplie les contacts depuis leurs toutes premières secondes. Comme si sa bulle s'était instinctivement affaiblie, comme si elle lui avait laissé la moindre et infime opportunité d'y entrer. « Et le tien? » oh la fourbe. Elle qui le tient encore entre sa paume. Elle qui le fait danser sous les yeux de Seth avec ces mêmes fossettes qu'elle aimerait tant contrôler, sachant à quel point elles en disent long sur ce qu'elle ressent au présent, au futur, à l'instant et tout juste avant, à l'intérieur. « On disparaît ? »
Et ces mots, ceux-là même. Elle se les disait si souvent. Elle les espérait aussi, tellement. Elle avait voulu, elle l'avait fait, elle était revenue, elle pensait toujours à repartir. Chloe qui arrivait pour mieux s'enfuir, Chloe qui ne pensait à rester que pour mieux s'envoler. « J'y croyais plus du tout, à force. » la pointe d'amusement qui masque l'intérêt, pur et net. L'argent qu'elle dégaine aussi, payant son dû, se glissant hors de la banquette la seconde suivante comme si elle obéissait docilement. C'est ce qu'elle fait au final, mais elle se convaincra du contraire. Quand elle lui tend la main et qu'elle le presse, quand elle l'entraîne hors du commerce en le prenant au pied de la lettre, pour une fraction de leur temps, seulement.
Parce qu'elle veut disparaître, c'est un fait, c'est assumé, acté. Et parce qu'il a tout de l'allié, il l'a déjà tant prouvé. C'est ridicule et c'est risqué et c'est tout ce qu'elle évite d'habitude. De ne pas être seule quand ses jambes ne rêvent que de courir, quand sa tête ne rêve que de s'isoler.
« Après je l'éteins vraiment, promis. » elle fait amende honorable, pour la bonne cause. L'appareil du démon qui tient au creux de sa paume, et ses recherches qu'elle ne lui cache pas, les "best last minute deals" qui fluctuent sur l'écran illuminé à la rpoursuite non pas de celui le moins cher, mais de celui qui ne leur laisse que peu de jeu, que peu de temps pour réfléchir, encore, toujours à flirter avec l'impulsivité. « Disparaître, tu disais? » et il y en a un. Un vol, direct, qui part vers Singapour dans une heure trente à peine. Qui ça étonnera qu'elle ait son passeport avec elle en tout temps, qui ça étonnera aussi, qu'elle clique, qu'elle choisisse deux billets, qu'elle se rende jusqu'à la fenêtre de paiement, qu'elle ait l'indécence de penser qu'il suivra, également.
@seth briggs |
| | | | (#)Dim 9 Fév - 15:59 | |
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Perdre le fil. Sans doute. En équilibre sur la ligne depuis l’amorce, précaire comme l’horizon d’un nouveau jour. Avec toi, je veux bien essayer de jouer. Mon inconnue. Déconnexion lente et assumée, il accepte de jeter le conforme, le superflu, les normes, les conventions. Refuser de se calquer à l’autre, de singer les passions communes pour créer du vent. Contourner la raison, se mouvoir dans l’instant. Rapidement, croisement d’un sourire, des rides d’expressions qu’il découvre, des nuances pers au fond des yeux. Expression sur des mots. Leur façon de fouiller, un peu. Le concret est une notion abstraite. Inexistante. Demain, sa sœur le questionnera sur la veille. Lui répondra que rien, absolument rien ne s’était passé. Parce que ce rien, ici, n’existe pas. Une autre parallèle. Un autre versant, sans cœur brisé, sans larmes, sans amertume. Son petit rien. Elle, comme pour donner un semblant de réel, au rien, semble prête à faire un pas de géant. A leur échelle. Calfeutré dans sa chrysalide silencieuse, celle de l’ère numérique, elle délivre quelque chose d’anodin pour le commun des mortels. ("Lui, il voulait Chuck, mais c'est maman qui a insisté pour Chloe.") Ce rien avait des allures de tout. Chloe. Désormais capable de mettre des lettres sur un passage, une trêve, un rêve ?
S’évader, pour de bon. Proposition plus que sérieuse. Eteindre le portable pour ne plus se fondre dans la facilité. Il était temps pour eux d’assumer leurs travers. Mettre sur off toute tentative qui pourrait éconduire leur longue route vers la nuit. Derrière eux traînée de méfaits, égrener les ennemis, des néons d’une boîte de nuit en passant par un tango au clair de lune. Ne plus se retourner. « Et le tien? » La mutine. Seth se fend d’un sourire, plus mince. Mais sans machinerie. « Tu peux bien le jeter. Je ne suis pas matérialiste. » Là un peu de vrai. Technologie pratique, plus que ludique. Il était de ceux qui esquivait les likes, les phénomènes, les tendances, le viral. Il ne comprenait pas pourquoi les gens ne prenaient plus vraiment le temps de sourire, de s’écouter. Avec elle, il ne voulait plus de texture, de fourberie digitale. S’octroyer un peu de véritable, dans monde moderne. Chloe, tu viens ?
« J'y croyais plus du tout, à force. » La course recommence. C’est elle vraiment arrêtée ? Rien ne s’essouffle, courir à s’arracher les poumons, être atteint de cécité, ne pas s’en inquiéter. Quand elle décide que les paroles sont certes belles, mais bien fades comparées au fait de les vivre, Seth se laisse embarquer. Rire comme un gosse, se foutre follement des regards appuyés. Sa main dans la sienne, alors qu’il ne pense qu’à l’arrêter. Soudainement. D’une pulsion qui viendrait d’un très loin. Rompre son élan. Et, sentir un peu plus que la chaleur d’une main, un frottement imperceptible, un souffle suave et mesquin. Il garde ça pour lui, comme toujours. Dehors l’air frais, un nouvel épisode se dessine. Disparaître, c’est bien de ça qu’il s’agit. Toujours attachés. Cette emprise qu’on accepte. Parce qu’à deux ils décideraient de leur sort. D’un futur loin, loin de l’emprise réelle.
Elle casse le rythme. Intrigué, le flic sonde ses traits, illuminés par la lucarne électronique. Elle complote, il taquine « Un match tinder ? » Qu’il questionne, alors qu’elle farfouille de façon bien trop sérieuse les lignes que lui propose l’objet connecté. « Après je l'éteins vraiment, promis. » En croisant les bras, le corps contenu contre un lampadaire, il se fait faussement impatient. Il était surtout complètement curieux de découvrir ses plus vils projets. « Disparaître, tu disais? » Ses fossettes se creusent, l’œil chineur, il comprend vite qu’elle, comme lui, ne reculerait devant rien pour fuir le levé du jour. Singapour, une heure 30, quelques secondes pour administrer de la cohérence, analyser l’offre, évincer totalement le bon sens. La zone de confort est morte depuis des lustres, n’est-ce pas. C’est fille est dingue. Il hoche la tête, sa raison. Sa mine espiègle, son cœur qui bat, sa déraison. Virevolter entre la proposition, et le visage de Chuck. C’est juste encore un peu de rien, pas vrai ? « Donc c'est ça l’étape après les présentations, Singapour ? » C’est ça, Chloe ? Toi aussi, tu veux te perdre un peu plus loin ?
Pas de réponse, pas de figuratif. Il la quitte un temps, sans dire un mot. Un oui, un non. Il s’éloigne, plus proche de la circulation. Un bras en l’air, un taxi s’arrête. En ouvrant la portière arrière, il n’accorde pas de regard vers elle. Juste un sourire, accroché aux commissures de ses lèvres. Finalement, il la dévore. Il accompagne ses intentions, se jette dans la gueule du loup, sans avoir peu de faire le mauvais choix. Il craignait les regrets, pas les remords. « C’est le moment où on court après l’avion, c'est ça ? »
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| | | | | | | | like i could be anywhere, like i'm reckless (seth) |
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