ϟ   Ces derniers jours ont été compliqué pour moi. Et je ne parle pas là uniquement du changement que ce nouveau boulot inclut, non. Si je pensais être parvenue à trouver une certaine stabilité dans ma vie, d'un point de vu général, voilà qu'un véritable ras de marrée me submergeait. Je tente de me détacher de tout ça, de prendre du recul, mais ce n'est pas suffisant. Cette lettre sur laquelle je suis tombée chez lui m'obsède, et je ne parviens pas à passer outre. Raison pour laquelle j'ai filtré le dernier appel de Cade, et trouvais quelques excuses pour ne pas avoir à le revoir pour le moment. Je ne pouvais pas. Pas tant que je n'en saurais pas plus tout du moins...Mon âme de journaliste en herbe m'avait donc poussé à contacter Chad, un vieil ami que j'avais rencontré lors de mon arrivée ici il y a maintenant une belle paire d'années. Si notre relation actuelle se résumait surtout à n'être que de simple connaissance, je savais que je pourrais compter sur lui pour le coup. J'avais souvenir que son frère occupait un poste au sein du FBI, et il était probablement l'un des seuls à pouvoir obtenir mes réponses concernant le passé sombre de Cade, sauf si bien sûr, je décidais de prendre mon courage à deux mains et confrontait le bel agent en personne. Chad avait dont pris la peine de passer rapidement dans les locaux de ma nouvelle boîte. Un soupire s'extirpe de sa bouche alors qu'il baisse les yeux vers l'enveloppe kraft qu'il tient entre les mains. "Sav', c'est peut être pas une bonne idée..."Sa bienveillance n'était plus à prouver, même si ce genre de chose pourrait lui apporter des problèmes, et particulièrement à son frère qui s'était retrouvé à fouiller dans les petits dossiers des bureaux fédéraux, de façon illégale. Je piétine d'impatience, sachant pertinemment que c'était le message pour tenter de m'avertir sur le contenu de cette fameuse enveloppe. Je l'attrape d'un geste net, ayant peur qu'il vienne à vouloir me protéger, et la conserver dans un moment de lucidité. "J'ai besoin de savoir..."dis-je simplement, la gorge nouée. J'avais besoin de savoir si je m'étais trompée sur cet homme, pour lequel j'éprouvais un attachement certain. Il hoche de la tête. "J'sais pas  qui est ce type, mais sois prudente... De ce que j'ai lu c'est loin d'être un saint." Ces simples mots me donnent envie de m’effondrer, confirmant cette hypothèse qui me semblait pourtant difficile à envisager...


Assise sur le siège conducteur de ma voiture, j'observe la façade du café dans lequel j'ai donné rendez-vous à Cade. Si en temps normal, je me serais réjouis à l'idée de pouvoir le retrouver, lui voler quelques doux baisers et sentir mon cœur s'emballer dès que j'aurais croiser son regard, là, l'ambiance est tout autre. La pluie s’abat doucement sur la ville, forçant mes essuie-glace à accomplir leur tâche bien que je sois désormais stationnée et que le bruit du moteur n'est plus audible. Durant un instant, je songe à partir, foutre le camp de ce merdier en tâchant de rependre une vie normale. Mais ça serait bien trop facile. Une partie de moi a besoin d'exprimer toutes ces émotions que je tente de contrôler depuis plusieurs heures maintenant. Je souffle nerveusement avant de saisir mon sac à main et sortir de l'habitacle. Quelques pas en courant pour rejoindre le lieu de rendez-vous et ainsi me battre à l'abri, et me voilà à passer la porte du café. L'ambiance est calme pour une fin d'après midi, probablement beaucoup d'habitué qui souhaite chercher un peu de distraction après le travail. Mon regard balaye la salle, remarquant la présence de Cade un peu plus loin. Je tente de garder la face, mais j'ai juste envie de m’effondrer. Et la seule personne capable là tout de suite de m'apporter du réconfort se trouve être celle qui me met dans cet état de panique. Je m'approche, tâchant de ne pas paraître froide ou distante, et ainsi alimenter quelques confusions en lui, mais ca m'est quelque peu difficile. "Salut" dis-je d'une voix insipide. On était bien loin du personnage animé que je représente en temps normal. Je m'installe sur la banquette en cuir, face à la sienne, laissant, fort heureusement cette table se dresser entre nous comme un obstacle à une affection qui pourrait venir troubler mes intentions. "J'suis désolée pour le retard, j'ai eu p'tit contre temps" avouais-je, m'agitant assez pour ne pas avoir à me trahir au travers d'un regard trop insistant. Sans plus attendre, la serveuse vient à notre hauteur, souhaitant prendre notre commande, ou plutôt la mienne, la tasse de Cade étant toujours remplie de ce qu'il semble être du café. "J'vais prendre la même chose" demandais-je en souriant doucement. Ce sourire s'efface finalement alors que je n'ose croiser son regard. Mon attention se focalise sur ce qui m'entoure. Les bruits ambiants de la vaisselle qui s'entrechoque en cuisine, quelques discussions de fond, je parviendrais presque à faire le vide autour de moi, assez pour entendre une sorte de tintement, un acouphène provoqué par les différentes émotions qui se sont manifestées toute au long de l'après-midi après la visite de Chad, et qui me fileront à coup sûr une sacrée migraine pour la nuit. "Savannah....Hey" la voix de Cade me revient, me rappelant durant un court instant ce plaisir que j'éprouvais en l'entendant. Mon visage se tourne vers lui, semblant se muter dans une indifférence soudaine. Ce qui n'échappe pas à l'agent qui me demande si tout va bien, face à ce comportement qui est finalement loin de me ressembler. Je grimace, me frottant un instant le front. "Ouais, j'ai...J'ai juste entendu une drôle d'histoire au boulot, ça m'a un peu perturbé." Un peu...Mon regard se perd dans le sien, ma mâchoire se serrant assez pour savoir que ce n'est qu'une question de seconde avant que je vide mon sac. Je me penche légèrement par-dessus la table, prête à partager ma découverte. "L'histoire d'un mec qui était véritablement un monstre, qui a commit bien trop de crime sûrement, et qui un jour s'est retrouvé piégé par les autorités... Bloqué dans un vieux sous-sol, Il s'est sentit menacé, et dans un moment de panique, il est venu pointer son arme sur la tempe de sa sœur, provoquant ainsi le fidèle héros." Mon regard ne lâche pas le sien. J'attends patiemment pouvoir observer ce moment où il aurait fait le lien. Je veux jubiler face à toutes ces informations que je lui apporte, et que lui n'a pas été capable de me fournir. Voir le moment où faiblira, redescendant de quelques étages émotionnels. La serveuse débarque au même moment pour m'apporter ma boisson chaude, me faisant détourner un instant le regard pour la remercier. Mes mains se posent sur la tasse chaude, sur laquelle je viens souffler quelques secondes, relevant le regard vers Cade. "Fort heureusement il est parvenu à le neutraliser, sa forte expérience de tir dans le FBI l'ayant amené à maitriser les armes mieux que quiconque dans sa brigade. Ce qui a été plutôt surprenant, ce sont les coups de feu qui ont suivi, et qui bien évidemment ne venaient pas de sa hiérarchie qui le guidait à travers l'oreillette. Un moment de folie peu justifiable...Cet homme est mort sur le coup, sous les yeux de sa soeur" J'amène la tasse jusqu'à mes lèvres, remarquant bien que je détiens là toute son attention.Une petite gorgée avant de reprendre. "Ce qui est encore plus étonnant, c'est que cet homme, qui s'est senti assez puissant pour décider de qui devait vivre ou mourir, a souhaité entretenir le mythe du valeureux super-héros, irréprochable auprès de son entourage, sans jamais éprouver le moindre regret...Le parfait imposteur." dis-je froidement après avoir déposé ma tasse sur la table. Mon ton calme n'est qu'un leurre, à l'intérieur, j'ai cette colère profonde qui m'anime. "...Mais tout le monde à ses secrets, pas vrai Cade?" Je le défis du regard, devinant que cet endroit ne pourrait pas lui permettre d'exprimer librement ses émotions lui aussi. "T'avais l'intention de m'en parler un jour? Ou t'attendais que j'le découvre par moi-même?" le coupais-je sans plus attendre. Ces quelques secondes de silence me suffisent à en tirer une conclusion avant même d'avoir entendu le son de sa voix. Je souris nerveusement en me passant une main sur le haut du visage, sachant pertinemment qu'il ne l'aurait pas fait, ma présence auprès de lui n'étant sûrement que passagère à ses yeux. "Est ce que tu regrettes?" demandais-je en tâchant de contenir mon énergie, sachant pertinemment que sa réponse risquait d'impacter sur mon comportement à venir. C'était peut être excessif, il s'était contenté d'abattre un criminel en plein assaut, de défendre la vie d'une femme, mais ma propre expérience avait fait naître une sensibilité certaine avec la mort qu'il m'était difficile d'expliquer. Personne n'était en mesure de décider qui devait vivre ou mourir. Personne n'avait le droit d'ôter la vie à une autre. Et visiblement, cet homme qui me faisait face avait rejoins mon groupe, ceux qui tentaient de se défaire des traces de sang sur leur main...Au delà des faits que je semblais lui reprochais, je remarquais surtout le peu de considération qu'il pouvait m'accorder en me laissant dans l'ignorance de ce passé. Nous n'étions donc pas si proche que je ne pouvais l’espérer et cette confiance aveugle que je lui vouais ne semblait plus avoir sa place

Tout ça était encore un grand mystère. Savannah et ses réactions le surprenaient toujours, tout comme leur relation devenait quelque peu compliqué à suivre. L’agent fédéral n’expliquait pas le départ précipité de la jeune femme, l’autre soir, alors que tout semblait les rapprocher et faire de la soirée l’un des moments marquant de leurs retrouvailles. Elle avait comme…changé, d’un seul coup, évoquant un souci survenu avec Mathis pour s’éclipser sans qu’il ne puisse dire quoi que ce soit pour la retenir. Il voulait bien que son fils constitue la partie la plus importante de sa vie, mais il n’aurait pas contesté ce prétexte si elle n’avait pas filtré ses appels les jours suivants. Elle ne lui avait donné aucun signe de vie, et sa messagerie était le seul moyen que Grimes avait d’entendre sa voix. L’inquiétude avait d’abord prit le pas. Était-il arrivé malheur au petit garçon ?! Était-elle prise dans un engrenage qui lui prenait un temps fou et l’empêchait de donner des nouvelles ?! Et puis, l’incompréhension avait suivie. S’il y avait eu quelque chose de grave, elle lui en aurait touché deux mots, ne serait-ce que dans un court message. Non, c’était bien plus compliqué que ça en vérité et Grimes ne demandait qu’à comprendre. Elle lui manquait, et ne pas savoir ce qui la repoussait alors que tout paraissait les rapprocher ces derniers temps le tourmentait bien plus qu’il ne l’aurait pensé. Et si elle réalisait que leur relation avait franchit un cap qui n’était peut-être pas à explorer ? Si elle décidait de se cantonner à ce jeu qu’ils avaient mit en place sans se douter que de véritables sentiments allaient faire leur apparition ? Et si elle se refusait de vivre autre chose que de simple partie de jambes en l’air ? Il était peut-être temps pour Grimes de lever un peu le voile sur son attachement…

Et puis, un matin, son portable afficha une petite fenêtre avec le prénom qu’il désespérait de voir s’afficher à l’écran. Savannah lui donnait un simple rendez-vous dans un café qu’il connaissait plutôt bien, sans rien ajouter. Pas même un petit mot ironique qui orchestrait habituellement leurs échanges. Pas d’allusions malicieuses ou de smiley clin d’œil pour adoucir la situation ou lui donner un indice quant à l’atmosphère de ce rencard. Alors pour une fois, Cade n’était pas en retard quand il franchit le seuil de la porte du Death Brefore Decaf. La climatisation lui soufflait dans le visage alors qu’il s’était arrêté près de l’entrée pour balayer la salle des yeux. Il était le premier, c’était plutôt inédit, et cela prouvait bien son impatience du moment. Il chercha une table libre et en trouva une près de la baie vitrée. Il s’y assit et sans attendre, la serveuse vint prendre sa commande. – Un double expresso. Fit-il sans même réfléchir. L’après-midi était déjà bien étendue, pourtant il ne songea pas du tout à l’excitation que cette boisson pouvait ajouter à ce rendez-vous mystère. Il fut servi plutôt rapidement et il sirota son café en s’apercevant que de fines gouttes d’eau parsemaient maintenant la grande fenêtre.

Quelques minutes s’écoulèrent avant qu’il n’aperçoive la silhouette élancée de la jeune femme. Bien qu’il ne sache pas de quoi il en retourne depuis leur dernière soirée ensemble, il ne pu s’empêcher d’esquisser un sourire pendant qu’elle s’approchait. – Hey ! Immédiatement, un air fade qu’il ne lui connaissait pas le perturba. "Salut" Cade se redressa un peu sur sa banquette sans lâcher sa tasse, comme si elle menaçait de s’enfuir. Son sourire s’était évaporé en remarquant la distance que la voix de la blondinette imposait. "J'suis désolée pour le retard, j'ai eu p'tit contre temps" Des convenances alors que d’ordinaire, ils en étaient bien loin. Quelque chose n’allait définitivement pas. – Un petit raccord maquillage ? Je te rassure, tu es parfaite ! Un peu d’humour, accompagné d’un sourire…qui ne trouva malheureusement pas preneuse. "J'vais prendre la même chose" Savannah s’adressa plutôt à la serveuse, le laissant dans un désarroi incompréhensible. Il se pinça les lèvres et se réadossa à la banquette de cuir en la regardant. Elle était soucieuse. Chagrinée par un truc qui ne passait pas et qui altérait même leur conversation. Un silence s’en suivit. Un silence malaisant qui lançait presque des hostilités et Cade mit donc les pieds dans le plat. – J’ai essayé de t’appeler… plusieurs fois. Il tournait machinalement et presque nerveusement sa tasse entre ses doigts. Il fronça alors les sourcils en ne voyant rien venir… - Mathis va bien ? Il ne cessait de l’observer comme pour chercher le moindre indice qui pourrait l’aiguiller sur la raison de son silence. Mais son attitude, glacial, ne laissait rien paraitre. Pire, elle semblait ailleurs, prête à tout écouter sauf lui. – Savannah…Hey ! Il soutint son regard pour la ramener sur terre et la questionner sur ce qui se tramait et qui le dépassait déjà…

"Ouais, j'ai...J'ai juste entendu une drôle d'histoire au boulot, ça m'a un peu perturbé." Une histoire ? Ce n’était donc que l’affaire d’une anecdote ? Il haussa les sourcils et la laissa poursuivre. Il était clair qu’elle n’allait pas lui faire deviner cette histoire mais plutôt la lui conter. Si elle avait autant attiré l’attention de la jeune femme, nul doute qu’elle serait intéressante à entendre. "L'histoire d'un mec qui était véritablement un monstre, qui a commit bien trop de crime sûrement, et qui un jour s'est retrouvé piégé par les autorités... Bloqué dans un vieux sous-sol, Il s'est sentit menacé, et dans un moment de panique, il est venu pointer son arme sur la tempe de sa sœur, provoquant ainsi le fidèle héros." Le début pouvait sembler banal. Sauf que la deuxième partie l’était beaucoup moins. Les sentiments de Cade s’entremêlèrent aussi rapidement qu’elle débitait SON histoire. Un flash. Joan tremblante sous la menace de ce flingue, calé sur sa tête. La pénombre de ce sous-sol abritant les gestes peu maitrisés de Graham. Et puis… il était là, face à Savannah. Elle savait. Une chaleur angoissante l’envahit. Ses yeux se figèrent sur la jeune femme, il était pris de court. "Fort heureusement il est parvenu à le neutraliser, sa forte expérience de tir dans le FBI l'ayant amené à maitriser les armes mieux que quiconque dans sa brigade. Ce qui a été plutôt surprenant, ce sont les coups de feu qui ont suivi, et qui bien évidemment ne venaient pas de sa hiérarchie qui le guidait à travers l'oreillette. Un moment de folie peu justifiable...Cet homme est mort sur le coup, sous les yeux de sa soeur" Elle continuait et la légèreté que Savannah représentait dans sa vie s’envolait peu à peu… Elle lui décrivait la scène comme si elle y avait assisté, elle ignorait complètement toute la fureur qui en avait découlée. Et cette intrusion spontanée dans sa vie passée braqua l’agent fédéral de son histoire. – C’est pas c’que tu crois… Tenta-t-il de dire avant qu’elle ne reprenne. Il ne la lâchait pas des yeux et réalisait alors que cette entrevue n’allait pas du tout ressembler à leur précédente ! "Ce qui est encore plus étonnant, c'est que cet homme, qui s'est senti assez puissant pour décider de qui devait vivre ou mourir, a souhaité entretenir le mythe du valeureux super-héros, irréprochable auprès de son entourage, sans jamais éprouver le moindre regret...Le parfait imposteur." Voilà qu’elle en venait au jugement. Tout ce qu’il avait voulu éviter en lui épargnant cette partie de son passé. Tout ça lui retombait sur la face sans qu’il ne puisse en dire quoi que ce soit. Le lieu n’était pas adéquat et pourtant, la colère grimpait irrémédiablement en lui. – Je n’suis pas cet homme… C’était bien lui qui avait tiré et décidé de tout garder secret, mais il ne se considérait pas comme un « imposteur ». Elle ne pouvait pas dire ça. Elle ne pouvait pas le considérer comme ça. Pas maintenant que les sentiments de Grimes se dessinaient. "...Mais tout le monde à ses secrets, pas vrai Cade?" Il soupira et passa une main sur son front, puis dans ses cheveux. – Arrêtes ça… C’était impensable qu’il se retrouve à parler de ça, là, avec Savannah ! "T'avais l'intention de m'en parler un jour? Ou t'attendais que j'le découvre par moi-même?" Las de devoir mener cette bataille, il lui répondit quand même. – Visiblement, ta curiosité a fait tout le boulot ! La vraie question sous cette réplique peu aimable était… comment ?! Comment avait-elle su ? Il se sentait à présent loin, très loin d’elle et de tout ce qu’ils avaient partagé. Il était comme…menacé, et s’ils s’étaient retrouvés autre part, nul doute qu’il aurait sorti les armes. – Tout ça n’a rien à voir avec nous et j’aimerais bien que tu me laisse gérer mon passé comme bon me semble ! J’n’ai pas besoin de leçon Savannah ! Son visage, complètement fermé avait rejoint l’attitude de la jeune femme. Il ne niait rien mais elle ne devait pas mettre son nez là-dedans. Conscient qu’il risquait de la perdre, comme il avait perdu Joan auparavant, il n’était cependant pas enclin à s’excuser de ce mensonge. "Est ce que tu regrettes?" Il leva un regard grave sur elle et un silence se fit. Il ne regrettait rien. Juste le fait que Graham ait été le frère de Joan ! – Comment tu as su ? Il esquiva sa question, sachant pertinemment que son regard actuel sur sa personne n’allait pas changer. – Qui est le connard qui a fourré son nez dans mon dossier et t’en a donné tous ces détails ?! Quelqu’un avait forcément agit, il n’avait pas été si maladroit. La fureur qu’il se surprenait à contenir dans ce café était dirigé vers celui qui avait déniché la vérité mais aussi vers Savannah qui manifestait bien trop de raideur sur cette affaire.

Si mon retour ici m''avait permis de retrouver la paix avec moi-même, voilà que le parfait équilibre se retrouvait menacé par cet homme qui mine de rien, était parvenu à se faire une place bien plus considérable que celle qu'il était censé occupé. Je suis paumée, perdue entre ce que je ressens, et l'objectivité que je me dois de garder en mémoire. Tout le monde fait des erreurs, je n'étais définitivement pas la bonne personne pour pouvoir juger. Mais les faits étaient quelque peu différents lorsqu'il s'agissait d'un meurtre j'imagine, un homicide volontaire, comme l'ont-ils appelé... Passer ces derniers jours à me tourmenter pour cette histoire, sans connaître encore les détails n'avaient pas aidé. Les quelques appels de Cade n'avaient fait que réveiller cette douleur à chaque fois, celle de la déception et d'une frustration certaine que je tentais de faire taire au plus profond de moi. Comment pouvais-je parvenir à être si confuse à son sujet, remettre en question tout ce que j'avais pu découvrir sur lui? Tout ce qu'il a pu me confier, tout témoignage d'affection à mon égard...Tout est minutieusement analysé, espérant y trouver une logique ou quelques indices qui pourraient justifier cette convocation par les hautes autorités. Mais rien y fait, et plus le temps passe, moins je semble faire preuve de discernement. C'est donc Chad qui va arrêter ce massacre, ou plutôt, l'alimenter avec des faits avérés. Un résumé de l'enquête accompagné de quelques photos, illustrant le corps du criminel, criblé de balle. Si je ne me trouvais pas assise sur la cuvette des toilettes de mon lieu de travail pour découvrir le contenu de cette enveloppe , j'en aurais probablement perdu l'équilibre face à la réalité qui me semble, dans ces circonstances, bien moins idyllique. Peut être parce que je n'ai pas pour habitude de voir ce genre de chose, ou peut être parce que la simple idée que Cade puisse être responsable de ce massacre me tord les boyaux. Il me faudra quelques secondes, une concentration absolue, et une respiration bien moins naturelle pour parvenir à me défaire de cette nausée passagère et reprendre mes esprits.

L'attente fût interminable, ces quelques heures à devoir faire mon job et me comporter comme si de rien était, fût un véritable supplice. J'avais besoin de laisser exploser tout ça...Pourtant, maintenant que je me trouvais à quelques mètres de ce café, je semblais prête à revenir là dessus, et décidais de nier tout ce qui avait pu se passer. Vouloir oublier ce que j'avais pu apprendre dernièrement, mais surtout l'oublier lui, comme s'il n'avait jamais interféré dans ma vie, me libérer de ces sentiments que j'éprouve à son égard et qui ne font qu'altérer mon jugement. Je sais que je ne devrais peut être pas avoir cette discussion avec lui maintenant, que mon impulsivité accompagnée de cette agitation risquait de me faire dépasser les bornes, mais c'est plus fort que moi. Je veux que tout ça cesse. Et je veux surtout que cet homme, qui est parvenu à créer un tel chaos en moi ressente la même chose, bien que je parvienne à douter de l'impact que notre discussion pourrait avoir sur lui désormais. Cade, l’éternel solitaire incapable d'éprouver la moindre chose....Le sourire qu'il m'adresse lorsque je croise son regard ne fait qu'intensifier cette déception. Pourquoi ne pouvait-il pas simplement être un homme ordinaire. Je m'installe, tâchant de m’imprégner de banalité pour dissimuler mon trouble du moment. Me fondre dans ce décor en adoptant une attitude primaire comme celle des autres clients, c'était tout ce qu'il me restait à faire. "– Un petit raccord maquillage ? Je te rassure, tu es parfaite !" Mon regard se baisse sur la table, remettant désormais en doute la sincérité de ses remarques. Des belles paroles pour obtenir ce qu'il veut, c'est sans aucun doute sa marque de fabrique. Fort heureusement, le silence plombant que j'installe malgré moi, sera bien vite interrompu par l'arrivée de la serveuse. Une infime partie de moi aurait préféré un alcool fort pour me donner le courage nécessaire avec ce qui allait suivre, mais ça ne serait de tout façon pas suffisant. "J’ai essayé de t’appeler… plusieurs fois." me lance t-il alors que ma main se perd dans mes cheveux, basculant en arrière une mèche qui était jusqu'à présent parfaitement en place. Ma jambe remue nerveusement sous la table, témoignant de cette angoisse qui m'anime et que Cade ne fait qu'alimenter avec des propos qui en temps normal auraient suffit à me faire réagir. Mon visage se tourne vers la salle, espérant trouver un moyen d'abréger ce moment sans me poser autant de question. "- Mathis va bien ?" Perdue dans mes pensées, cette remarque ne parvient même pas jusqu'à moi. C'est un rappel à l'ordre de Cade qui va se charger de me reconnecter brusquement à la réalité. Je surpasse ce rythme cardiaque, bien trop important pour tenter de reprendre une attitude, dirons-nous, plus naturelle. Et c'est avec une voix particulièrement posée que je viens à raconter l'objet de mes soucis. Une soi-disant histoire de boulot...Oui, mais pas la mienne. Mon récit parvient finalement à figer son regard, devinant qu'il a saisi les faits. Je sais. Mais Cade Grimes ne va pas lâcher si facilement non. Mon regard soutenu ne suffira pas à le faire faiblir, il encaisse, de façon impassible, ne laissant pas la place un seul instant à une quelconque réaction. Je poursuis sans la moindre hésitation, tentant de canaliser cette haine que j'éprouve à son égard là tout de suite. Je serre les dents, lassée de voir combien il peut être fermé. " – C’est pas c’que tu crois…" Non, c'est juste un fichu bout de papier officiel qui relate les faits après tout. Je termine ce joli résumé, ne pouvant m'empêcher d'y émettre un petit jugement, qui à coup sur parviendra à le toucher. Un mot dur, certes, mais qui prenait tout son sens, et encore plus avec ce que nous avions partagé lui et moi. " – Je n’suis pas cet homme…" Je laisse échapper un semblant de rire, tâchant de le provoquer par ce côté moqueur qui pouvait être particulièrement agaçant lorsqu'il n'était pas employé dans un échange de séduction. "C'est qui que t'essayes de convaincre là?" demandais-je en claquant la langue sur mon palet. Les mots s'enchaînent dans mon esprit, et je les choisis sans vraiment y réfléchir, ne souhaitant atteindre qu'un seul but, le faire tomber de son piédestal et de sa zone de confort. "– Arrêtes ça…" J'y arrivais donc. Cette simple pensée me faisait jubiler, de façon perverse. "T'avais l'intention de m'en parler un jour? Ou t'attendais que j'le découvre par moi-même?" demandais-je sans plus attendre." – Visiblement, ta curiosité a fait tout le boulot !" Il ne manquait pas de culot. Si je n'étais pas tombée sur cette lettre dans son appartement, je serais certainement encore à l'heure actuelle dans l'ignorance la plus totale, bercée par une entente et complicité qui n'était que mensonge. "– Tout ça n’a rien à voir avec nous et j’aimerais bien que tu me laisse gérer mon passé comme bon me semble ! J’n’ai pas besoin de leçon Savannah !" Je hausse les sourcils, retenant un souffle. Sérieusement?! Je ne me mêlais de ce qui me regardait pas? "Non bien sûr que non...Ca n'a absolument rien à voir avec la confiance que je t'accorde depuis le début, toutes ces confessions que j'ai pu te faire tout au long de notre relation..." le calme commence peu à peu à m'échapper, laissant exprimer cette colère qu'il attise d'autant plus avec ce genre de réponse. "Je t'ai laissé approcher mon fils putain!" lançais-je, posant mes mains devant ma bouche pour contenir ma rage à cette simple idée. Au travers d'une voix tremblante, je lui demande finalement s'il regrette. Un acte de ce genre doit forcément avoir un impact sur la conscience. Et j’espérais réellement qu'il en soit ainsi. Je ne pouvais pas croire que je m'étais attachée à un homme si insensible. Le regard qu'il me lance va malheureusement confirmer cette crainte. Je détourne le regard vers la salle, espérant que ça parviendrait à calmer mon agitation cette douleur amère qui m'inonde. La main devant mes lèvres, un air grave, la chute me semble interminable. Comment avais-je pu être si naïve? Comment étais-je parvenue à oublier les erreurs commises lors de ma précédente relation? " – Comment tu as su ?" Mon regard se repose sur cet homme, qui me semble soudainement inconnu. Pensait t-il réellement que j'allais me montrer bavarde à ce sujet. "– Qui est le connard qui a fourré son nez dans mon dossier et t’en a donné tous ces détails ?!" Je lui impose un silence de plomb, préférant l'affronter du regard, par lequel je tâche de lui exprimer toute ma déception et cette colère. J'hésite entre m'effondrer ou faire tomber dans un geste démesuré et de folie tout ce qui se trouve sur cette table. "C'est donc tout ce qui compte?" demandais-je, me prenant en plein visage cette douloureuse vérité, celle de sentiment non partagé. Pauvre fille me dirait Auden, pauvre fille...

Quelque chose était différent. Cade avait senti, lors du départ de Savannah que quelque chose l’avait chagriné et il avait jusqu’à présent rangé ça du côté de l’incident moral avec Mathis ou bien de la dispute avec son ex-compagnon, le père du petit garçon au sujet de sa garde. Au fil des jours, le silence de la jeune femme s’était concrétisé et elle filtrait ses appels en le laissant bourré d’interrogations, avec sa messagerie personnelle. S’il détestait bien une chose, c’était ne pas avoir de nouvelles et surtout dans le cas où la dernière soirée qu’ils avaient passé ensemble avait étroitement renforcé la relation plutôt complexe qu’ils entretenaient jusque-là. Grimes n’avait jamais été fleur bleue et il ne débarquerait pas sous sa fenêtre pour lui chanter une sérénade et lui crier des mots doux, un bouquet de fleurs à la main. Mais il était capable de reconnaitre quand il tenait à une personne. En l’occurrence, Savannah avait pris une trop grande place dans ses pensées pour qu’il en reste à subir cette absence. Il débarqua au café avec une impatience qui le caractérisait bien et qui ne manquerait pas de se mettre au premier plan.

Seulement, face à ses questions, la jolie blonde restait distante. Presque comme perturbée par ce quelque chose qui troublait son esprit sans nul doute. Grimes, lui, était plutôt concentré et dans l’espoir de découvrir ce qui la tracassait assez rapidement, il commença d’abord par évoquer son fils. C’était probablement sa plus grande source d’inquiétude dans ce monde, comme toute maman, néanmoins, elle ne prêta aucune attention à cette question et l’agent fédéral commençait à croire que le problème ne relevait de rien d’autre que d’eux-même, et de ce qui se passait entre eux pour sûr.

La réponse ne tarda pas à venir. Sur un ton ironique et quelque peu hautain, Savannah débitait les faits que Cade connaissait très bien. Il les avait vécus, il y avait de cela plusieurs mois maintenant et ils avaient régis toute sa vie présente, que ce soit personnelle ou professionnelle. Les entendre de la bouche innocente de la jeune femme était comme un coup de couteau en plus. La lame tournait dans cette plaie béante qu’il cherchait à dissimuler des yeux de tous. Et surtout des siens. Les images lui revenaient en tête, Graham insensible en apparence, Joan menacée et son boss qui lui avait balancé sur un ton condescendant qu’il s’était mis dans une belle merde. Les yeux désabusés de Grimes étaient posés sur Savannah et, alors qu’elle employait certains mots pour le qualifier, il sentit la rage prendre sa place. Celle là même qu’il avait eut face à ces types en costards qui devaient statuer sur son sort et le juger apte ou non à reprendre son poste. La situation, personne d’autre que lui ne l’avait vécu. Il ne laisserait donc personne, pas même Savannah, la lui rabâcher. Impossible d’en placer une, elle s’évertuait à l’enfoncer encore plus à chacune de ses interventions…"C'est qui que t'essayes de convaincre là?" En vint-elle à cracher. Il planta un regard noir sur elle, ne se convainquant toujours pas qu’il était en train de parler de ça avec elle. Il avait déjà perdu, il le savait rien qu’en voyant son regard accusateur sur lui. Il tenta quand même, avec retenue, de lui faire entendre que ce passé devait rester là où il était. "Non bien sûr que non...Ca n'a absolument rien à voir avec la confiance que je t'accorde depuis le début, toutes ces confessions que j'ai pu te faire tout au long de notre relation..." Un froncement de sourcils vint illustrer son incompréhension. En quoi ces faits révolus remettaient en question la confiance qu’elle lui avait accordé ? Certes, pour le bien de leur amitié améliorée et l’image qu’elle avait et qu’elle aurait de lui, il ne lui en avait pas parlé. Cela ne venait pas altérer tout ce qui s’était passé entre eux, si ?! – Si je me souviens bien, c’est toi qui m’avais dit te foutre de c’qui s’était passé dans ma vie ! Ça, il s’en souvenait. Dans la cuisine, chez son amie, pendant la période de noël. Il l’avait pourtant prévenu ce soir là qu’il n’était pas tout blanc et elle n’en avait pas fait toute une histoire… Mieux, elle avait su voir l’homme qu’il était aujourd’hui, sans prendre le temps de s’éterniser sur le sang qu’il avait sur les mains. "Je t'ai laissé approcher mon fils putain!" Imperturbable, elle campait sur ses positions et pire, elle le prenait pour un véritable assassin, presque capable de récidiver et répandre le mal. Cade se sentit s’emporter. – Je n’suis pas une menace, tu le sais parfaitement bien ! Si tu veux inverser les rôles et voir les choses comme mes putains de boss, alors vas-y. Mais eux, ils avaient quand même la prétention de savoir de quoi ils parlaient. Il tentait de ne pas se laisser aller à trop de mots qu’il allait forcément regretter. Il essayait aussi de ne pas trop hausser le ton dans ce lieu à l’atmosphère encore paisible et nonchalant.

Des remords, au fond, il en avait déjà. Son égoïsme et sa carapace lui avaient encore jouer des tours et maintenant que Savannah connaissait la vérité, il était persuadé qu’elle lui en tiendrait rigueur au point de ne plus vouloir entendre parler de lui. Quitte à tout perdre, il voulait savoir comment elle avait fait pour mettre la main sur autant de détails. Si ses sentiments pour elle l’empêcheraient de faire quoi que ce soit qui pourrait lui nuire, il n’en était pas de même pour l’abruti à qui il devait cette conversation houleuse. "C'est donc tout ce qui compte?" Non. Ça ne changerait rien. Elle savait. Et ce regard qu’il rencontra était mêlé de trop de déception et de colère pour qu’il ait une chance. Cade serra les dents et baissa les yeux sur cette tasse de café qu’il n’avait pas eu le temps de terminer et qui devait probablement être tiède désormais. – Qu’est ce que tu veux ? Il redressa le visage et la regarda profondément en étant sincère mais fermé. – Des aveux ? Des excuses ? Un petit blanc s’installa, pourtant il n’avait pas fini et il maintenait son attention. – Si j’ai pas parlé de tout ça, c’est précisément parce que j’avais pas envie de me justifier ! Et aussi parce que j’avais une petite idée de c’que ça engendrerait. Maintenant lâches-toi. Traites moi de tous les noms et rentres chez toi en te jurant de plus me revoir parce que je ne pourrais rien changer de c’qui s’est passé là bas !

Ces émotions qui me submergent,successivement ou simultanément, me dépassent. Je suis dans un véritable ascenseur émotionnel, et je suis incapable de savoir quel comportement adopter, comment parvenir à me détacher de tout ça, à quel moment descendre... J'étais ferme, décidée, emportée par la haine que cette nouvelle provoquait en moi lorsque je m'étais installée à bord de mon véhicule. Mais voilà que mon arrivée devant les lieux me rend soudainement pensive, presque inerte malgré la folie que ça a pu engendrer chez moi quelques instant auparavant. Assise sur cette banquette, je réalise que je m'apprête à détruire la seule chose qui soit parvenue à me faire sortir la tête de l'eau lors de mon arrivée ici. La seule personne qui ait été capable de me faire baisser la garde, m'embarquant dans un torrent de sentiment qui aujourd'hui, se dresse comme une faiblesse. J'ai essayé. J'ai réellement essayé de faire preuve de discernement, mais d'une façon peu commune, je suis malheureusement liée à cette histoire, qui me rappelle sans plus attendre le drame que j'ai moi même provoqué. Des années à enterrer ce secret, et le voilà de nouveau sous mes yeux, s'agitant avec force pour me faire sombrer. C'est pourtant Cade qui va récolter les méandres de cette haine démesurée, c'est lui que je cherche à blâmer, qui paiera pour nous...

Mes mots vont être simples. Ce manque d'émotion en osant lui conter cette histoire n'est qu'un leurre, la vague s'apprête à s'abattre sur nous, elle n'a fait que prendre du recul pour mieux pouvoir se déverser, et ainsi tout arracher sur son passage, n'y laissant que des débris considérables. Je ne quitte pas son regard, espérant un instant pouvoir y trouver une pointe de culpabilité qui me permettrait d'alléger sa peine. Mais il n'en est rien, et mon caractère diantrement hérité de mes terres natales, ne va pas tarder à prendre le dessus, lui dévoilant cette répartie qu'il aime tant sous une forme différente, celle de la provocation cynique et amère. Son indifférence est bien trop agaçante pour qu'il s'en sorte si facilement. Peut être que ce lieu public l'empêche réellement de pouvoir hausser le ton, de s'en prendre à moi de façon ferme et autoritaire comme il a déjà pu le faire, quoiqu'il en soit, cela ne fera qu'embraser d'avantage ce feu qui me consume, laissant peu de place à une quelconque empathie. Il me reproche d'oser me mêler de cette histoire, ne réalisant même pas la signification que cela peu impliquer finalement. Et mes remarques semblent titiller son étonnement, laissant entrevoir le fossé qu'il peut y avoir entre nos deux personnalités et la vision de choses. Évidemment que ça ne me laisse pas indifférente, et cela prouve bien que je tiens assez à lui pour avoir osé espérer récolter ce genre de confidence avant de l'apprendre de cette façon. " – Si je me souviens bien, c’est toi qui m’avais dit te foutre de c’qui s’était passé dans ma vie !" Je hausse les sourcils, laissant échapper un souffle de surprise malgré moi. Je hoche négativement de la tête, abasourdie par sa capacité à retourner les choses contre moi. "J'ignorais que ça impliquait un meurtre! Et ce passé est on ne peut plus d’actualité je te signale!" Lui qui m'avait presque reproché de ne pas avoir mentionné mes quelques soucis sur mon lieu de travail était sur le point de se faire virer pour une faute considérable auprès du sien. Il s'apprêtait à perdre tout ce qu'il avait construit, cette carrière sur laquelle il avait misé, ou au contraire, il allait soudainement annoncer son départ pour l'autre continent afin de reprendre ses fonctions, se foutant bien de l'attachement que je peux lui accorder . J'étais sans doute bien trop excessive, et inconsciemment, cette haine que je déversais sur lui était celle que je méritais d'entendre moi aussi. Nous avions tous les deux fautaient, mais il était le seul sur lequel je pouvais m'acharner, reprocher son comportement. J'étais pourtant bien cette femme qui avait un peu trop bu un soir d'été, et qui avait été assez imprudente pour prendre le volant sans me soucier des conséquences. "– Je n’suis pas une menace, tu le sais parfaitement bien ! Si tu veux inverser les rôles et voir les choses comme mes putains de boss, alors vas-y. Mais eux, ils avaient quand même la prétention de savoir de quoi ils parlaient." J'écoute un mot sur deux, bien trop vulnérable pour vouloir lui accorder du crédit à cet instant. Ma main se glisse devant ma bouche, mon regard est fuyant, ma respiration accélérée alors que là tout de suite, c'est ma propre erreur qui se glisse sous mes yeux.

Au delà de cette vague de souvenir, se glisse un autre constat, celui de la vision de notre relation. Cette dernière, bien loin d'être ordinaire, est visiblement prise avec peu de considération par cet homme, me rappelant que je ne suis qu'un objet de distraction utilisé à bon escient. J'ai été stupide pour croire que notre lien s'était fortifié avec le temps, et qu'au delà d'un aspect physique, nous étions parvenus à nourrir un attachement certain l'un pour l'autre, au point de vouloir partager bien plus qu'une simple partie de jambe en l'air de temps à autre ou une stupide partie de billard. Et tout ce qu'il lui vient à l'esprit, alors qu'il doit probablement cerner cet état de détresse en moi, est d'obtenir le nom de celui qui l'a démasqué, accordant peu d'importance à ce que je peux éprouver. "C'est donc tout ce qui compte?" Lui demandais-je, espérant provoquer en lui un aveu, celui que tout ca, tout ce qui avait pu se passer entre nous, n'était pas uniquement un moyen de passer le temps, qu'il tenait réellement à moi. "– Qu’est ce que tu veux ?" Mon regard défi le sien, laissant entrevoir une certaine impatience "– Des aveux ? Des excuses ?" Je soutiens son regard, tâchant de ne pas fléchir malgré la tristesse et la déception amère de cet échange. "– Si j’ai pas parlé de tout ça, c’est précisément parce que j’avais pas envie de me justifier ! Et aussi parce que j’avais une petite idée de c’que ça engendrerait. Maintenant lâches-toi. Traites moi de tous les noms et rentres chez toi en te jurant de plus me revoir parce que je ne pourrais rien changer de c’qui s’est passé là bas !"Cette attente ne sera pas comblée, ce qui va me forcer à baisser les bras à mon tour, abandonner cette partie qu'il tente de faire perdurer, n'ayant même pas conscience que pendant tout ce temps, j'étais là pour lui. "T'as vraiment rien compris.." lançais-je en me pinçant les lèvres, accusant le coup. "Je pensais m'être trompé sur toi la première fois. Mais non...tu restes cet homme égoïste et impitoyable." lâchais-je avec véracité. "...Tu n'y vois que ton intérêt. Toujours! Tu t'fous clairement de savoir c'que peuvent ressentir les autres, tu te dis pas un seul instant que ce genre de réaction prouve que l'on tient à toi, que l'on s'inquiète pour toi!" Je serre les dents, faisant allusion à cette famille qu'il avait mentionné, et avec laquelle il tâchait de resserrer le lien. " T'es finalement p't'être pas si différent de ton père...." Je ne le connaissais pas, je m'en étais faite une brève image à travers quelques unes de nos conversation, mais je savais précisément que ce genre de remarque n'allait pas passer, et j’espérais, à défaut d'être parvenu à le faire changer à travers nos différents échanges passés, nos délicieuses retrouvailles, que cette discussion lui apporterait un moment de lucidité et de remise en question. Lassée de devoir me battre, je me lève, attrapant avec nonchalance mon sac à main sur la banquette. "Mais après tout, je n'te connais pas..." avouais-je en haussant les épaules, d'une voix posée. Mon regard vient croiser le sien, sachant pertinemment que c'est certainement la dernière fois qu'il pourra s'y perdre. "Et visiblement, tu ne me connais pas non plus." Si c'était le cas, il n'aurait pas prit le temps de me proposer ce plan foireux dans lequel je venais de perdre toute dignité, et laisser l'emprunte de cette déception impitoyable. Je m'éloigne d'un pas décidé pour rejoindre extérieure, bien qu'au fond de moi, je suis simplement effondrée.

Voilà précisément le genre de conversation que Cade avait voulu éviter en dissimulant ce passé, bien que celui-ci débordait considérablement sur le présent. Il n’avait pas besoin de ce regard noir et accusateur que Savannah lui lançait en pensant le mettre dans une case préfabriquée sur laquelle était inscrit en grosse lettre « MENTEUR et MEURTRIER » et qui deviendrait instantanément un élément à bannir. Grimes n’en revenait pas qu’ils puissent parler de tout ça, là, tous les deux, alors que leurs derniers rendez-vous semblaient les rapprocher de façon sincère et sérieuse, que tous les feux étaient au vert de son côté pour oser admettre que cette fille comptait bien plus pour lui que ce qu’il s’était autorisé à ressentir. Dans ses yeux bleus reflétait un mélange d’émotions à la fois dur et dérangeant. L’agent fédéral pouvait y lire de la colère mais la chose la plus difficile à encaisser, c’était cette déception qu’elle parvenait à lui communiquer juste en le regardant. En ayant caché cette partie de sa vie, il n’avait fait qu’en accroitre les retombées et il n’avait pas fallu plus de quelques semaines pour que tout lui retombe sur la tronche. Manque de bol, cela coïncidait avec son voyage à los Angeles qui était imminent et qui allait probablement mettre un terme au suspense qui animait sa carrière toute entière. C’était beaucoup à supporter. La voix de Savannah retentissait dans sa tête comme un écho dans un très mauvais cauchemar. Et bien qu’il invoque les propres paroles de la demoiselle, elle ne semblait pas abdiquer pour autant. "J'ignorais que ça impliquait un meurtre! Et ce passé est on ne peut plus d’actualité je te signale!" Un meurtre… ce mot était inadéquate selon lui. Tout le monde n’avait vu que l’homme à terre et non les dégâts considérables qu’il avait provoqué en tuant plusieurs femmes. Toutes ces vies foutues qui avaient été un des motifs à la fureur de Grimes quand il s’était retrouvé face à ce tueur en série. Graham n’était plus capable de faire le moindre mal désormais, et ça, c’était grâce à lui. Joan était saine et sauve…grâce à lui. Mais elle était loin et il payait encore pour cette nuit-là, dans ce sous-sol. Non, il n’avait pas demandé des lauriers, juste de ne pas perdre celle qui comptait tant pour lui à cette époque…

… et l’histoire paraissait se répéter. Dans une tout autre mesure certes, mais Cade voyait bien que Savannah s’éloignait de lui au fil des minutes. Elle était un peu plus loin à chaque mot de haine qu’elle déversait sur la table. Il se refermait de son côté, voyant sa capacité à le juger aussi rapidement que les autres comme une véritable intrusion malsaine. Alors, l’honnêteté était de mise et il lui proposa de se barrer sans se retourner, parce que tout ça était un passé sur lequel il ne voulait pas s’apitoyer. "T'as vraiment rien compris.." Ses yeux verts se braquèrent sur elle, ignorant encore la sévérité de ses prochains mots. "Je pensais m'être trompé sur toi la première fois. Mais non...tu restes cet homme égoïste et impitoyable." Ces propos le transperçaient. Il n’y trouve même rien à y répondre et il fronça les sourcils, réagissant comme si le duel était prononcé. "...Tu n'y vois que ton intérêt. Toujours! Tu t'fous clairement de savoir c'que peuvent ressentir les autres, tu te dis pas un seul instant que ce genre de réaction prouve que l'on tient à toi, que l'on s'inquiète pour toi!" Cade était sur ses gardes maintenant, et pourtant, il était tout bonnement incapable de répliquer car Savannah avait raison. Sa jeunesse lui avait apprit à se méfier, à rester de marbre face aux sentiments et depuis, il n’ouvrait que peu de portes aux personnes qui souhaitaient réellement faire partie de sa vie. Le but étant de se protéger et ça marchait bien. Le revers de la médaille, c’était que parfois, il perdait énormément. Cade serra les dents et encaissa, partagé entre l’envie de la contredire et de la retenir, et celle de vouloir tout foutre en l’air. La prochaine phrase de Savannah plaça les jetons…. " T'es finalement p't'être pas si différent de ton père...."

Une tempête. Glaciale et destructrice. C’était l’effet que ces quelques mots avaient provoqué en lui. Et ça lui parcouru le corps entier en quelques secondes seulement. Savannah ne mesurait pas la force de ce qu’elle venait de dire et pourtant… elle utilisait sa confession la plus importante contre lui, tout en sachant parfaitement bien comment il réagirait. Elle voulait lui en foutre une, et c’était on ne pouvait plus réussit. Face à lui, Cade ne voyait plus la jeune femme charmante qu’il aimait beaucoup et avec qui il se sentait si bien. Il ne voyait plus qu’un adversaire, qui avait la possibilité de lui planter un couteau en plein cœur. Ses doigts libérèrent sa tasse de café et il la regardait prendre ses affaires avec des éclairs dans les yeux. "Mais après tout, je n'te connais pas..." Elle continuait, sans doute blessée par sa découverte et ne mesurant pas l’impact de ce qu’elle pensait être la conclusion de cette conversation. "Et visiblement, tu ne me connais pas non plus." Non, ça ne pouvait pas se terminer comme ça. Cade se retenait bien trop et leur relation avait prit trop d’ampleur pour qu’il la laisse s’enfuir sur cette image.

- Savannah !!! Sa voix rauque raisonna dans le café mais il ne se souciait plus des regards qui pouvaient se tourner vers lui avec curiosité. Il se leva à son tour et fouilla dans sa poche pour en sortir un billet qu’il déposa sur la table pour payer les consommations. Cade n’attendit pas la monnaie et se mit à la poursuite de la jeune femme qui venait de franchir la porte d’entrée. Au milieu du parking, il finit par la rattraper et n’écoutant que la hargne de son impulsivité, il lui saisit le bras et la força à se retourner pour lui faire face. – Tu veux que j’te dise une chose, bien sûr que j’te connais ! Tu es comme ces filles niaises qui attendent le Prince Charmant propre dans ses bottes et qui n’admettent pas que ce connard n’existe pas ! Et comme elles, tu crache ton venin quand tu t’aperçois que ça ne colle pas bien avec ton monde de Bisounours ! Cade toisait Savannah du regard. Il n’était plus tiraillé, il se défendait maintenant de la seule façon qu’il savait le faire avec une femme… - J’suis pas un héros. Mais j’suis très loin d’être l’enfoiré que tu viens de m’décrire ! Et ça valait pour la comparaison avec son père bien entendu. – Ce qui est dommage c’est que les filles comme toi justement, ne prennent pas la peine de voir plus loin que la belle petite image de leur putain de conte de fée ! Il avait relâché son bras, et il déglutit, comme si au fond, ça le tuait de lui balancer tout ça. Il tenta de se calmer mais son air froid perdura dans ses yeux et dans sa voix ferme. – Ne reparles plus jamais de mon père ! C’est un sujet que tu ne maitrise pas du tout !

Si je n'avais pas beaucoup misé sur cette relation, et ce, dès le rapprochement qui avait opéré lors de mon mon premier passage chez lui, et qui relevait de sa propre volonté, les derniers moment passés ensemble avaient littéralement et définitivement changeaient la donne. Nous ne pouvions pas être les acteurs d'une simple amitié améliorée, je ne pouvais pas prétendre être l'une de ses filles qui ne pense qu'à assouvir des besoins physiques avec cet homme définitivement attirant, et c'est la raison pour laquelle je suis littéralement bouleversée par ce qui se passe. Je pensais qu'au delà de cet arrangement, il avait saisit la nuance. Tout ce que nous avions pu nous dire, tout ce que nous avions partagé ensemble...Ca ne pouvait pas se résumer à de simples banalités entre deux partenaires? Etais-je donc comme toutes ces filles qu'il avait l'occasion d'attirer dans ses filets, mais pour lesquelles il accordait si peu de considération? Je suis touchée au plus profond de moi, forcée de constater que nous n'étions finalement pas si proches que je pouvais l'imaginer, mon égo en prend un coup, et c'est sans plus attendre au travers de cette confrontation que je vais lui faire savoir, optant pour des mots durs et saisissants. Il est là, face à moi, insensible. Et ça me rend dingue. Je lui en veux terriblement, mais je m'en veux d'autant plus. Ma naïveté légendaire m'a amené dans ce merdier.  Ridicule, parce que finalement je suis la seule responsable de ce massacre. Il m'avait averti, il n'avait jamais menti à ce sujet, et il s'était même appliqué à lancer cette histoire en précisant ce qu'il voulait en tirer, rien de plus.

Trop de chose se bouscule en moi. Mon passé, mes erreurs, ces sentiments que j'éprouve à son égard...Mais n'était-ce donc pas ce que j'attendais de lui? Qu'il parvienne à foutre en l'air cette histoire qui avait prit bien plus d'importance que ce que j'avais imaginé? Qu'il soit le premier à fauter pour me donner une raison de faire marche arrière et ainsi convertir cet attachement que je ne sais comment gérer en haine profonde à son égard? Je suis assise sur cette banquette, avec ce faux air calme qui se retrouve parfois mis à mal face à ses réactions, et je n'ai qu'une envie, c'est de pouvoir crier et détruire ce qui m'entoure. Il fait naître tellement d'émotion en moi que je ne parviens pas moi-même à les assimiler dans un même temps. Et pourtant, durant un instant, j'ai l'espoir qu'il vienne à me contredire, me prouver que je me trompe. Qu'au delà de cette fichue erreur il ne joue pas avec moi, qu'il n'a jamais joué, qu'il me prouve que malgré ses erreurs, cet homme avec lequel j'ai passé tant de temps existe bel et bien. Mais je n'aurais pas cette réponse. Il se contente de se positionner dans le camp adverse, bien décidé à m'affronter peu importe les conséquences. Et je comprends là que la partie va s'arrêter, dans les pires conditions qu'il soit. Un goût amère, qui me forcera à déverser ma haine à travers quelques phrases cinglantes pour m'assurer de créer en lui le même cataclysme que je subis. Excessive, j'en viens même à me servir de sa faiblesse, celle qu'il avait évoqué de façon subtile à travers quelques confessions nocturnes. Je ne connais pas assez la situation pour pouvoir avoir un quelconque avis là dessus, mais je m'en saisis comme une arme, appuyant sur la gâchette sans la moindre hésitation. Cette relation n'est finalement qu'un château de carte sur lequel on vient de souffler très fort, précipitant la destruction irrémédiable de tout ce qui avait pu être construit. Son regard est devenu aussi sombre que le mien, et ces derniers s'affrontent dans une lutte sans nom. Il n'y a plus là un semblant d'empathie, de désir, de bienveillance, il ne reste que cette haine profonde que nous devions ressentir simultanément.

Profitant qu'il soit au sol, je me décide à quitter le café précipitamment, espérant me défaire de ce toutes ces émotions que je ne suis plus en mesure de supporter. Mon corps pousse sans ménagement la porte d'entrée alors que le son de sa voix m'interpelle. Ma main se perd dans mon sac à main lorsque je m'avance vers mon véhicule, cherchant dans un geste d’affolement les clés de ce dernier. Je lâche un juron dans un murmure, visiblement motivée par un besoin pressant que de quitter les lieux, de l'empêcher de me rattraper alors que la pluie s'abbat sur moi. Comme tout membre de la famille Williams, je voulais sûrement m'assurer que les derniers mots de cette discussion seraient les miens, je ne voulais pas lui laisser l'opportunité de répliquer, surtout maintenant que nous nous trouvions à l'extérieur, loin de certain regard, et surtout disposés à pouvoir hausser le ton qui sera sans nul doute pratiquement couvert par les rugissements des moteurs qui défilent à proximité. Ma main parvient enfin à trouver cette fichue clé, mais ce soulagement va être mis à mal alors que je sens une forte pression sur mon bras. Je me retrouve face à un Cade, plus échauffé que jamais. "Me touches pas!"  hurlais-je en dégageant mon bras de sa main d'un geste vif et brutal. Non de moi l'idée qu'il puisse vouloir s'en prendre à moi, j'ai surtout envie de garder mes distances face à ce que je ressens, cette haine passagère fait naître un sentiment de dégoût que je nourris de façon certaine depuis quelques minutes, m'assurant de lui donner l'image peu flatteuse et du méchant de l'histoire. "– Tu veux que j’te dise une chose, bien sûr que j’te connais ! Tu es comme ces filles niaises qui attendent le Prince Charmant propre dans ses bottes et qui n’admettent pas que ce connard n’existe pas ! Et comme elles, tu craches ton venin quand tu t’aperçois que ça ne colle pas bien avec ton monde de Bisounours !" Ou peut être que je n'ai pas besoin de le faire finalement. Mon regard se balade successivement dans le sien, ma mâchoire se resserre démesurément. Cette simple remarque suffit à me rendre plus vulnérable que jamais. Il a deviné mes sentiments à son égard,. Oui, il les connait. Il en a probablement profité chaque fois que cela pouvait lui être bénéfique, il s'est pourtant montré silencieux à ce sujet, et il agite désormais ça sous mes yeux pour assouvir ce besoin de vengeance, me rendant plus vulnérable que jamais alors qu'il doit sûrement jubiler face au pouvoir que ça lui apporte."Vas te faire foutre Cade" lui crachais-je sans ménagement, blessée dans mon orgueil. Il ne me connaissait pas non." - J’suis pas un héros. Mais j’suis très loin d’être l’enfoiré que tu viens de m’décrire !" Bien évidemment que non... " – Ce qui est dommage c’est que les filles comme toi justement, ne prennent pas la peine de voir plus loin que la belle petite image de leur putain de conte de fée !" Je hoche négativement de la tête, fuyant un bref instant son regard. "Oui, bien sûr....On devrait juste accepter de n'être qu'un objet de désir et la fermer, pas vrai? C'est avec des coups d'un soir qu'on finira par trouver le grand amour!"Je hausse les sourcils, ne parvenant pas à me défaire de cet état d'agitation qui me dépasse, et que je déteste par dessus tout. "J'compte pas me retrouver à la quarantaine, seule, avec des idées si merdiques que les tiennes!" lui lançais-je. J'avais pourtant bien profité de certains avantages que m'avait offert cette relation éphémère, mais je n'allais certainement pas lui en faire part là tout de suite. Nous ne faisions pas partis du même monde, il fallait se rendre à l'évidence. Un léger silence s'installe et qui permet de constater le chaos autour de nous. Parvenions-nous à déceler que nous allions beaucoup trop loin au travers de cet échange? Ce moment de lucidité va me permettre de calmer un instant mes ardeurs alors que mon regard se détourne du sien pour se perdre un peu plus loin. "– Ne reparles plus jamais de mon père ! C’est un sujet que tu ne maitrise pas du tout !" Mon regard regagne le sien, visiblement démunie de cette colère qui avait laissé place à une terrible déception. Ces quelques mots me rappellent que j'ai fais preuve d'abus en osant y faire allusion. Je le lui accorde pour le coup. "Je n'en aurais plus l'occasion" soulignais-je, assommée par la virulence de cet échange que nous venions de partager. Le calme semble s'imposer à moi, reflétant l'amertume que j’éprouve. Les mots avaient été bien trop fort, destructeurs, et ils me poussaient désormais à vouloir m'éloigner de lui, ne plus vouloir le voir. Il n'y avait plus rien à dire, plus rien à sauver...pas vrai?  Je soupire brièvement avant de me détourner de lui, ouvrant la portière de ma voiture pour m'y installer et ainsi provoquer la fin de cet échange.

Tout ce que Cade croyait avoir acquit jusqu’ici était en train de s’effondrer comme un vulgaire château de carte auquel il avait pourtant cru. Il s’était persuadé que garder ses déboires professionnels pour lui permettrait d’avancer, et peut être même de construire quelque chose de nouveau, ici, en Australie. Mais cela avait été peine perdue. Comment pouvait-il croire que cette histoire pouvait rester en arrière alors qu’il tentait d’avancer ? Les lettres officielles, ornées du drapeau américain et du sceau des fédéraux, arrivaient tous les mois dans sa boite, lui rappelant qu’il marchait sur une corde si mince qu’il pouvait s’écrouler à tout moment. Et c’était en quelque sorte en train de se produire. La commission n’était même pas encore passé que Cade se sentait déjà à terre, sous le regard désabusé de Savannah. Ses mots agissaient comme de véritables coups de fouet, amplement mérité sans pour autant qu’il ne parvienne à les encaisser. Si c’était aussi difficile à entendre, c’était tout simplement parce que ça venait d’elle. Certainement la seule personne sur qui il misait, la seule sur qui il pensait pouvoir se reposer après tous ces moments singuliers qu’ils avaient partagés. Il s’était sentit toujours plus proche d’elle au fil des semaines, jusqu’à ne plus pouvoir l’imaginer s’éloigner de son quotidien… Grimes la décevait, comme il décevait sa sœur et ses deux frères. Et le pire, c’était qu’il n’arrivait pas à céder sous cette faiblesse.  Il préférait laisser sa chère impulsivité s’exprimer et celle-ci éclata lorsque la jeune femme mentionna son paternel…

Elle ne se rendait pas compte de ce qu’elle avait réveillé en prononçant cette phrase. Le comparer à son père, c’était comme lui tirer une flèche en plein dans le palpitant. C’était ouvrir le ravin où il avait érigé un pont. Ça ne passait pas et immédiatement, la fille qu’il adorait se transforma en un ennemi à abattre à coup de paroles, pour la plupart ne servant qu’à blesser et qu’à soulager sa fureur du moment. Cade avait à son tour franchit la porte du café, sans ménagement, d’un pas certain et il se retrouva face à Savannah. Elle pensait le laisser là en le culpabilisant de n’avoir rien fait pour sauver ce début de relation dont il avait pleinement conscience. A la place, l’agent fédéral lui déversa un flot de connerie à la figure, juste pour se sentir mieux dans ses baskets. "Vas te faire foutre Cade" Savannah pouvait désormais l’insulter, Grimes devenait insoutenable en l’assimilant à une femme surfaite qui ne cherche pas à voir plus loin que la belle gueule d’un type et le romantisme écoeurant dont il devait faire preuve. Elle avait, elle aussi, un passé. Sauf qu’elle semblait l’avoir zappé à ce moment-là. "J'compte pas me retrouver à la quarantaine, seule, avec des idées si merdiques que les tiennes!" Quand elle s’énervait, Savannah ne faisait pas dans la demi-mesure. Était-ce proportionnel à l’espoir qu’elle avait vu en lui et à la déception qu’elle ressentait ? Quoi qu’il en soit, tous les deux avaient sortis les armes et il n’était plus question de se jeter dans les bras de l’autre. – T’as raison, c’est mieux de foncer dans le mur en s’apercevant trop tard que le monde n’est pas tout rose ! Cade continuait de la toiser du regard et lui interdit froidement de parler de son paternel de nouveau, d’user de ce qu’il avait bien voulu lui dévoiler et dont elle connaissait l’impact sur lui. "Je n'en aurais plus l'occasion"

L’échange avait été bien trop violent pour durer. Cade payait son mensonge et il la regarda ouvrir la portière de sa voiture, debout au milieu du parking, mais bien à genoux face à cette la réaction de la jeune femme. Savannah avait du caractère, il le savait et c’était bien une qualité qu’il aimait chez elle. Sauf qu’aujourd’hui, ce trait de sa personnalité heurtait le sien et le clash avait été inévitable. Aurait-elle réagi de la même façon s’il lui avait parlé de ce passé plus tôt ? Rien n’était moins sûr. Les cheveux mouillés, la chemise parsemée de gouttes d’eau, il ne parvint à détacher son regard de la caisse qui s’éloignait que lorsque les feux ne furent plus visibles. Ce mélange d’émotions qu’il haïssait tant surgit alors. Celui qui mêlait colère et regrets. Celui qui le conduisait bien souvent à une série de pensées d’une noirceur hargneuse et triste.