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 (Amelyn #1) ► Up all night I can't pretend

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(Amelyn #1) ► Up all night I can't pretend  - Page 2 Empty
Message(#)(Amelyn #1) ► Up all night I can't pretend  - Page 2 EmptyJeu 23 Jan 2020 - 19:16




UP ALL NIGHT
I CAN'T PRETEND
@RAELYN BLACKWELL
Mes questions, tout comme les siennes, réclament la vérité, mais elles ne peuvent l’exiger. Aurais-je finalement obtenu quelque explication sur sa soirée que le doute soulevé par ces hypothèses m’aurait rendu méfiant. Dès lors, non, je ne cherche plus à connaître les causes de son ecchymose. Ça me chiffonne, mais je ne suis plus en mesure de distinguer le vrai du faux dans ce qui sortirait de sa bouche et jen prends mon parti. Je ne suis pas Don Quichotte. Je ne bataille pas contre des moulins à vent si le combat n’en vaut pas la peine. Or, les détails de sa folle nuit ne m’apporteraient pas grand-chose. Mon imagination s’est bâti une représentation plutôt précise de ce qui peut bien se passer en boîte de nuit. J’avais donné, comme tout le monde, et si le souvenir que j’en garde est impérissable, il n’est pas bon pour autant. Au contraire, fort de mes certitudes, je maintiens que je serais resté au chaud dans mes appartements plutôt que de m’offrir en spectacle à Raelyn, sa bande de copines et ses prétendants d’un soir. En tabasser un, sous prétexte que je n’aime pas le regard qu’il lui porte, n’est pas mon rôle, moins encore si elle se prête au jeu de ses hommes bavant sous son passage et plus particulièrement si le message qu’enverrait un tel acte ne me sert pas. Je ne rencontre pas – ou plus – de difficultés à admettre qu’elle me plaît. Plus tôt, je la complimentai et, désarçonné par sa franchise, je lui confirme mon inclination à son égard. Je levai ce secret parce qu’il n’en était plus un depuis longtemps et que j’estimais lâche de persister à cacher l’évidence. On ne leurre pas indéfiniment une femme qui maîtrise les règles des jeux de la séduction. Elle pourrait les réécrire de mémoire et s’autorise même à les réinventer. Est-elle transparente pour autant ? J’en doute sérieusement. Elle fut la première à transformer le terrain de notre relation en échiquier et, à présent que j’ai imposé mes conditions, elle me reproche presque d’avancer mes pions et d’avoir mangé sa tour. Parce que c’est bien de ce dont il s’agit. Certes, je déduis, mais nul besoin d’être fin psychologue pour saisir qu’elle a mal vécu son embarras précédent et qu’elle a dès lors essayé de me renvoyer l’ascenseur. Moi-même, je souffre d’une blessure d’ego d’être resté sans voix. C’est de loin, parmi nos points communs, une différence notoire entre nous. Elle est à l’aise avec le verbe quand je l’évite à tout prix. Je n’ai rien de l’homme lettré qui use et abuse du sens figuré. Si je me répugne à parler trop, c’est que ma maladresse avec les mots donnerait à quiconque l’avantage. J’appris donc à me contenter du minimum jusqu’à me spécialiser en concision. Avec le temps, je me perfectionnai dans les arcanes "judaïques" de répondre à une interrogation par une autre, ce qui, en général, déstabilise mes interlocuteurs, en particulier les plus francs. En dernier recours, j’opte pour l’argument ad hominem. Je me retranche derrière le sarcasme, l’ironie ou la critique ouverte. Je m’employai à confronter Raelyn aux deux premières depuis près de six mois. Jamais je ne m’étais hasardé à l’attaquer d’une bassesse, ce soir moins que tout autre, et sa réaction me laisse pantois.

Elle relâche ma main, se dégage du pochon de glace et son rire sonne faux. Elle me répète, tente de gagner du temps également. Elle semble abasourdie et, je l’admets, je le suis autant qu’elle. Elle n’a pas un air fâché, ni vexé ou blessé, mais bien déçu. « Mais, pourquoi ? » songeais-je, perplexe, me demandant si elle s’attendait à ce que je lui tape sur l’épaule en lui disant : « C’est bon, tu as gagné, déshabille-toi qu'on en finisse. » Et elle s’étonne que je compare son intérêt à un caprice ? Pour moi, son comportement s’apparente bel et bien à une lubie irréfléchie et, jusqu’à preuve du contraire, celui de nous deux qui serait en droit de s’en formaliser, c’est moi. Si ma rancœur n’avait pas été un moteur, si j’observais la situation d’un œil innocent, je trouverais presque son obsession insultante. Alors, non, je ne saisis pas et je m’en offusque. Je suis à deux doigts de me redresser pour la secouer oralement, la ramener vers plus de cohérence, l’inviter à se mettre à ma place l’espace de trente secondes, malgré son absence évidente d’empathie. Je voudrais lui rappeler que notre réalité, ce n’est pas ces émotions que nous avons partagées à cause de son mode de vie et de mon addiction. Elles ont pipé les dés. Une autre me remercierait pour cette prévenance que Raelyn ne mérite pas et vers laquelle je tends tout de même. Par respect ? Pour faire pire ? Je ne sais même plus. Mes frustrations et mon sentiment d’être victime d’une injustice sans nom crient, beuglent si fort qu’elles prennent toute la place dans ma tête et peut-être dans mon cœur également, mais je ne veux pas le savoir. « Tu es sérieuse ? » lançais-je après qu’elle ait caressé ma joue, me laissant avec l’impression qu’elle me dit adieu. L’idée me dérange. Je n’avais pas envie d’en arriver là et ça n’arrange pas mes petites affaires. Je suis complètement paumé et je ne cesse de me demander ce que j’ai bien pu dire de si grave, de si désastreux pour qu’elle clôture cette soirée sur un au revoir et à jamais. Rien. Je fouille ma mémoire, je me rejoue la pièce en marche arrière, j’essaie de me souvenir de chaque mot, chaque expression, chaque grimace ou chaque sourire, mais c’est vain. Je ne trouve pas. « Bonne nuit, Raelyn » lui souhaitais-je à mon tour, les yeux écarquillés d’incompréhension. L’effarement m’ankylose et, bien que je la suive du regard, la scène me paraît irréelle. Je fais quoi, maintenant ? Je ramasse mes petites affaires et je me casse ? Je jubile de l’avoir piquée au vif ? Je n’en ai pas envie ou je n’y arrive simplement pas. Je ne parviens plus à me situer dans cette relation. Les contours de mes objectifs, pourtant bien définis, deviennent flous. Ils se dessinent en pointillé, mais ça ne m’inquiète pas outre mesure. Ma seule question désormais est :  qu’est-ce que je dois faire ?

La rattraper ? J’y songe, mais j’avoue détester l’analogie entre Sarah – mon épouse – et Raelyn – indéfinissable. Je ne l’ai pas toujours fait pour la première et je ne suis pas convaincu que la seconde saura apprécier la rareté du geste. Partir ? Peut-être. Mais, suis-je prêt à renoncer à ces sensations qu’elle fait naître en moi ? Rester dans son divan, m’y endormir et reprendre cette conversation à son réveil ? Mouais. Ça, c’est trop pour moi. Je peux fournir des efforts, mais pas s’ils sont aussi frustrants que le supplice de l’eau. En profiter pour dénicher quelques secrets dans le fond de ses tiroirs ? Je n’arrive pas à m’y résoudre et ça non plus, ça n’a aucun sens. L’occasion est belle. Ce n’est pas le moment d’offrir de l’espace aux scrupules. Pourtant, ils m’envahissent et une nouvelle salve de questions me taraudent désormais. Je n’essaie plus de savoir s’il me faut fuguer cet appartement ou demeurer auprès d’elle. Je cherche à comprendre pourquoi c’est devenu si important, pourquoi je ne jubile pas d’avoir eu la preuve qu’elle n’est pas si coriace qu’elle le prétend. Me servir un verre de vin m’apparut alors comme une solution acceptable en attendant de trancher. L’alcool m’aide à réfléchir, souvent pour le pire, mais il est devenu un compagnon de galère assez fiable pour que je m’enfile la bouteille en moins d’un quart d’heure. Je grillai deux cigarettes également. Ses volutes de fumée m’inspirent quand je navigue entre deux eaux. Et, finalement, rond, las de me prendre la tête, agacé par ma faiblesse, j’éteins l’interrupteur de mon cerveau malade. Je statue en faveur de Raelyn et non contre elle en choisissant de me glisser dans sa chambre.

Bien sûr, un instant durant, je reculai, conscient que la débusquer dans la pièce la plus intime de son appartement est l’idée la plus saugrenue et la plus stupide que j’ai pris sur ces dernières années. Sauf que la porte est ouverte et ça me conforte dans mon choix d’œuvrer à me compliquer la vie. J’avais raison. Elle ne m’a pas mis dehors subtilement. Elle m’a poussé à l’introspection. Alors, j’avance, clopin-clopant, pour m’asseoir sur le lit où elle repose. Sa respiration profonde me souffle à l’oreille qu’elle s’est endormie et, cependant, un peu penaud, je chuchote à la nuit un « désolé » que je crois dénué de risque ou d’aveu. Et quand bien même. Qu’importe qu’il lui titille le tympan, elle reste sans réaction et ça me convient. Je ne me suis pas aventuré jusqu’à sa chambre à coucher pour la réveiller et lui donner ce qu’elle veut. C’était bien la seule décision sur laquelle je n’étais pas prêt à déroger. Mon but, du moins je l’espère, c’est de ne pas récolter des regrets à avorter mon projet trop tôt, pour l’avoir blessé malgré moi. Ce n’est pas comme ça que ça devait se passer. Aussi, assommé, plus triste que je ne le devrais ou le désirerais, j’enlève mes fringues, sans me départir de mes sous-vêtements et je me glisse à ses côtés. Le sommeil, bien moins capricieux que la jolie blonde, ne tarde pas, mais je pense m’être rapproché assez près pour l’entourer de mes bras et la ramener vers moi, là, contre mon corps chaud. Je me fous que ça soit une erreur monumentale, une faute qui prête à railler la bleusaille. Cette position m'est réconfortante au point que j’en oublie qu’elle ne devrait être qu’une cible normalement. Je me l’autorise, le temps que ça dure.

Le soleil était déjà bien haut quand je me réveillai. À vue de nez, il devait approcher les onze heures du matin. Hagard, il me fallut quelques secondes pour réaliser qu’elle dormait toujours et, saisi d’une soudaine panique, je considérai qu’il ne serait bon personne qu’elle me trouve encore là quand elle ouvrirait les yeux. Aussi, m’extirpais-je de ses draps délicatement et de son appartement en catimini. Avant de partir, je griffonnai quelques mots sur le ticket de nos achats de la veille - « Bonne literie. À ce soir. » - et je l'accrochai sur sa porte d’entrée. Poli, j’aurais bien débarrassé sa table basse, mais j'agis dans l'urgence. J’y songeai à peine installé derrière le volant de ma voiture mais, en reprenant la route, je fus plus occupé par l’étrange effet que me laissa ce moment à qualifier de complice pour me tracasser davantage de la bienséance. Elle n'apporte rien, de toute façon.


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