| | | (#)Mar 21 Jan 2020 - 19:46 | |
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YOU SHALL NOT PASS
Je déteste le téléphone. Je lui reconnais son caractère utile en certaines circonstances, mais je ne supporte pas d’être forcé de m’épancher en réponse à une question, puisque certains s’en servent comme d’un facilitateur de communication. Moi, je ne comprends pas ça. Dans l’éventualité où je souhaite des nouvelles de l’un ou l’autre de mes proches, j’aime autant me déplacer ou, s’il le faut vraiment, adresser un texto. En général, ils sont plutôt rares vu qu’il représente un risque à mes yeux. Las de pianoter une réponse laconique, les destinataires préfèrent l’aspect direct de la conversation téléphonique, ce qui – je l’ai déjà dit- me déplait à souhait. Pourtant, ce n’est pas ce qui m’horripile le plus. Le grand champion sur la liste de mes aversions est de loin le message vocal, quoique les raisons soient toutes différentes. Lui, je l’abhorre à cause de ma mémoire. D’aussi loin que je me souvienne, jamais elle ne contint de bonnes nouvelles. Jamais. C’était par son biais que j’appris que mon dernier frère d’armes finit par succomber à ses blessures après notre accident. C’est également des suites d’un message que je récupérai ma gamine à l’école, une dent abîmée et un cocard maculant sa joue. Les exemples sont légion, si bien que je ne l’écoute plus, jamais, surtout que je sais que la majorité de son contenu n’a qu’un seul expéditeur : Sarah. Contrairement à moi, son portable est greffé à sa main droite. Toute communication, qu’elle soit urgente ou non, passe fatalement par ce canal, y compris lorsqu’elle essaie de me joindre. Elle sait pourtant. Elle sait que les chances pour que je décroche avoisine le néant, mais elle s’obstine, pour me sortir malgré moi de ma zone de confort. C’était peine perdue. Je n’avais aucune raison de modifier mes habitudes, moins encore que le sujet qui l’inquiète nous déchire depuis des années à présent. Elle veut divorcer. Je m’y refuse. Je noie donc le poisson à grands renforts d’indifférence, de non-dit ou d’opposition ferme qui la déstabilise. Quelquefois, si je suis en verve – et c’est plutôt rare – je justifie mon refus à l’aide d’arguments qui, aujourd’hui encore, parviennent à l’émouvoir. Je lui sors le couplet sur Sofia, sur notre amour d’antan qui était si brillant et qui ne peut être tout à fait mort. Je lui chante avec sincérité que tout peut s’arranger, qu’il nous faudrait essayer, quand je serai prêt et lorsqu’elle sera disposée à pardonner mes écarts de conduite provoqués par l’alcool. Je ne l’avais pas trompée. Je ne l’avais pas tabassée à cause de la douleur de notre perte commune. Je m’étais réfugié au fond d’une bouteille, l’ivresse devenant au fil du temps ma meilleure amie, un état à demi-permanent. Est-ce vraiment si grave, après tout ? De son point de vue, ça l’était, mais touchée par ma sincérité – elle se répugne à envisager la duplicité du discours – elle s’en retourne à Kilcoy comme elle est arrivée : son sac sur les épaules et ses papiers vierges de toute signature. Moi, je suis satisfait et, par-dessus-tout, tranquille jusqu’à la prochaine fois.
Conscient que mes petites manigances finiront par ne plus fonctionner, je retardais toujours le moment de le rappeler. J’attendais que résonne à mes oreilles des menaces de peur qu’elle les mette à exécution. Je n’avais pas besoin qu’elle me rejoigne dans ma tanière. Elle était mieux à la maison, là où elle pourrait m’attendre patiemment pendant que je mène à bien ma vengeance, la nôtre. Je n’avais pas besoin qu’elle fouine, qu’elle me poursuive, qu’elle me débusque aussi souvent que son cœur le désire et d’être obligé de lui rapporter le fruit de mon enquête et, par définition, lui rendre compte de mes projets. Sarah ne comprendrait pas. Elle m’inviterait à passer à autre chose et provoquerait une dispute digne de ce nom. Je n’avais pas la force de mener une telle discussion à couteaux tirés avec une femme de foi. Le pardon ne m’anime pas. Je le laisse aux plus faibles, d’autant que je n’entrevois aucune bonne raison d’éteindre ma colère : elle me tient en vie. Le plus désagréable, dans cette situation qui nous oppose, c’est qu’anticiper la catastrophe requiert de ma part un soupçon d’abnégation en consultant mon téléphone et ma messagerie, plus encore lorsqu’elle tenta de me joindre la nuit durant, au mépris de mes activités. Elle me harcela tandis que je menais ma barque au Club et, son dernier SMS était tout sauf équivoque. Elle traduit son agacement d’un : « Decroche ce putain de téléphone, Amos, où je te jure que ça va mal se passer. » Et, à défaut de lui obéir, je la rappelai au petit matin pour entretenir notre dialogue de sourd. Je lui répondais systématiquement par des oui, des non ou des peut-être, mais ils semblèrent la calmer durant un instant. Un instant seulement. Deux heures plus tard, je me retrouve l’œil collé sur l’espion de ma porte à observer Talia qui cogne inlassablement le bois léger de ma porte.
Prétendre que je ne fus pas tenter de jouer aux morts et de la laisser végéter sur le palier serait mentir. J’y songeais encore en ramassant ma veste qui traînait sur l’accoudoir de mon sofa. Sauf que ça n’aurait servi à rien. La jeune femme était dotée d’un tempérament, certes solaire, mais profondément buté. Quand une idée lui traversait l’esprit, elle s’y ancrait jusqu’à obtenir satisfactionet, qui plus est, lui déposer mes arguments sur la table pourrait la rallier à ma cause. Aussi, fis-je l’effort, non pas de la recevoir, mais de sortir de chez moi. « Bonjour Talia. Je sais pourquoi tu es là. » avançais-je en refermant soigneusement la porte de mon appartement derrière moi. Il n’était pas question qu’elle entre. Il était trop étroit pour cacher mes secrets et ils n’avaient pas besoin qu’un regard curieux les découvrent, aussi bienveillant soit-il. « Allons marcher un peu. C’est pas très agréable chez moi. Pas pour ce que tu as à me dire. » Et elle y est persona non grata, comme toutes personnes appartenant à mon ancienne vie ou participant à la nouvelle d’ailleurs. « Même si tu perds ton temps. Je ne signerai pas. »
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| | | | (#)Lun 10 Fév 2020 - 10:05 | |
| C'était Sarah qui avait tiré la sonnette d'alarme. Un simple sms qui en disait long. ‘Je peux t'appeler ?' voilà ce que contenait le sms qu'elle avait reçu un peu plus tôt dans la soirée. Sarah ne lui demandait jamais si elle pouvait l'appeler. Elle savait que ce n'était pas nécessaire. Qu'elle pouvait l'appeler à tout moment et que si jamais elle finissait sur la messagerie vocale, elle n'aurait qu'à laisser un petit mot pour que Talia la rappelle dès qu'elle aurait son téléphone portable en main ou qu'elle ne serait plus les deux mains dans la pâte en train de préparer des naans. Elle avait beau ne pas être une très grande adepte des réseaux sociaux et de tout ce qui était connecté, elle avait toujours son téléphone à portée de main et il n'était vraiment pas compliqué de la joindre. Quand elle avait reçu ce message de Sarah, elle savait que quelque chose n'allait pas. Que si elle demandait si elle pouvait l'appeler, ce n'était pas pour s'échanger des recettes de cuisine ou parler de la dernière émission à la mode. Talia n'avait pas pris le temps de répondre, elle s'était contentée de composer le numéro de son amie et de laisser la sonnerie retentir à l'autre bout de la ligne. La conversation avait duré un moment. La jeune femme au bout du fil en avait gros sur le coeur et Talia lui avait prêté son oreille attentive. Elle l'avait laissée parler, elle ne l'avait pas interrompu. Elle était intervenue que quand le moment lui semblait approprié. Les nouvelles n'étaient pas bonnes et elle avait pris ce coup de téléphone comme une claque dans la figure. Elle qui avait toujours regardé la relation de Sarah et d'Amos comme un exemple à suivre, un gage de réussite venait de passer plus de trente minutes à écouter le récit d'une descente aux enfers qu'elle n'aurait pas pu imaginer une seule seconde. “Tu aurais dû m'en parler plus tôt, t'as pas à traverser ça toute seule.” Avait elle conclu avant de dire à Sarah qu'elle était là pour elle si elle avait besoin de quoi que soit, pour la dixième fois depuis le début de la conversation. Puis elle avait raccroché le coeur lourd. Parce qu'elle était comme ça, qu'elle ressentait les émotions un peu trop fort. Ce n'était pas sa relation et pourtant elle était peinée d'apprendre que Sarah voulait divorcer. Qu'elle ne voyait pas comment sa relation avec Amos pouvait être réparée. C'était le rideau qui était tombé sur une histoire dont Talia avait beaucoup appris par le passé. Elle était allée trouver Louis après avoir raccroché, il était dans son bureau en train de travailler sur son ordinateur quand elle avait passé la porte. Elle était allée s'asseoir sur ses genoux et le prendre dans ses bras avant de lui expliquer brièvement la situation.
Elle avait décidé d'aller voir Amos. Non pas qu'elle se pensait capable d'inverser la tendance ou de recoller les morceaux entre lui et Sarah, mais parce que lui aussi était son ami, au même titre que Sarah. Elle ne comptait pas prendre position, elle ne comptait pas choisir le côté de l'un plutôt que l'autre. Ce n'était pas possible pour elle. Elle ne connaissait pas en détail les raisons qui avaient poussé leur relation vers le gouffre, mais elle était parfaitement consciente que tout n'était pas tout noir ou tout blanc. Qu'il n'y avait pas de coupable à pointer du doigt. Qu'ils avaient probablement leur tords tous les deux et que l'un comme l'autre méritait tout autant son soutien. Elle ne se ménage pas, une fois devant sa porte, elle cogne encore et encore sur le bois, au cas où il ne l'aurait pas entendu les dix premières fois. Au cas où il est décidé de faire le mort en espérant que ça la dissuade, en espérant qu'elle se lasse et reparte chez elle comme elle était venue. C'était mal la connaître et il la connaissait bien mieux que ça. C'était sans doute pour ça qu'il avait fini par lui ouvrir malgré tout, à contre-coeur, elle le savait. Un sentiment confirmé par la formalité de l'accueil qu'il venait de lui accorder. A des kilomètres de la relation qu'ils entretenaient depuis plusieurs années maintenant. “Amos ..” lui répond-elle quand il lui dit connaître les raisons de sa présence. En même temps, est-ce qu'il pouvait lui en vouloir ? Est-ce qu'il avait oublié qu'elle n'était pas le genre de personne qui n'en a rien à faire des autres et en particulier de ses proches ? Ils avaient dépassé ce stade depuis bien longtemps. “Tu sais même pas ce que j'ai à te dire.” Lui dit-elle, légèrement agacée, mais le suivant tout de même. Elle n'avait pas envie de le braquer, elle n'était pas là pour ça. S'il ne voulait pas qu'elle mette les pieds dans son appartement, libre à lui, elle ne lui en tiendrait certainement pas rigueur. “Je suis pas là pour te faire signer quoi que ce soit Amos.” Ce n'est pas son rôle. C'est même la dernière chose qu'elle voudrait lui faire faire. “Je suis là parce que t'es mon ami et je veux savoir comment tu vas. J'ai eu Sarah au téléphone, l'état dans lequel elle était me fait penser que tu vas pas beaucoup mieux qu'elle.” Après tout, il n'avait pas voulu signer les papiers, c'était ce qu'elle lui avait dit, ce qui signifiait que le divorce avait été son initiative à elle et non celle de l'australien qui d'après les dires de Sarah, n'avait rien voulu entendre. “Pourquoi vous avez laissé votre relation se dégrader à ce point ?” demande t-elle parce qu'elle ne comprend pas. Pour elle Sarah et Amos avaient toujours été ce couple modèle, ensemble depuis toujours, sur la même longueur d'onde et qu'elle voyait vieillir ensemble. “Comment c'est possible ?” Ca ne l'était pas pour elle et elle ne savait même pas si Amos avait une quelconque explication. C'était peut-être à Sarah qu'elle aurait dû poser la question. |
| | | | (#)Mar 11 Fév 2020 - 3:51 | |
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YOU SHALL NOT PASS
Bien sûr, je ne suis pas surpris que Talia se pointe devant mon studio. C’était couru d’avance que Sarah l’appellerait à l’aide. Elle aura certainement dû lui communiquer mon adresse et la supplier de la soutenir dans sa démarche quand je refuse d’accéder à sa requête unilatérale. Ce divorce, elle ne l’obtiendra pas, pas maintenant, pas tant que je ne serai pas convaincu que notre mariage est bel et bien terminé. Or, ma femme, en m’ouvrant régulièrement ses bras, m’envoie les mauvais signaux. Elle persiste à nourrir mon affection, à cultiver en moi l’espoir d’u retour en arrière. Dès lors, à quoi s’attend-elle ? Que vise-t-elle en exigeant de son amie, la nôtre, qu'elle intercède en sa faveur ? Pourquoi ne s’est-elle pas déplacée elle-même avec, à la bouche, ces mots violents qui concluent de la plus détestable des manières les plus belles histoires d’amour ? En agissant si lâchement, tout ce qu’elle récole, c’est mon entêtement. Elle réveille mon esprit de contradiction et ma mauvaise humeur, celle que je tourne vers Talia sans qu’elle ne le mérite vraiment. D’aussi loin que je m’en souvienne, elle avait toujours été là, pour le couple, et non pour l’un de ses membres en particulier. Elle était en droit d'espérer mieux que ce comportement – le mien – qui prête à croire que je la trouve trop audacieuse, que je lui en veux ou que je la méprise de prendre parti. En réalité, je me sens surtout mal à l’aise d’être cueilli de cette manière, à l’improviste, sans que je n’aie le temps de m’y préparer vraiment. Je suis furieux, non pas contre Talia, mais contre celle qui l’a jeté dans ce piège alors qu’elle sait tout de cette peine qui me rend parfois irascible et trop taiseux. Pourtant, je m’efforce à ne pas me montrer trop froid à l’égard de mon invitée surprise. Je m’y emploie de tout mon cœur, raison pour laquelle je ne la chasse pas avec véhémence. Certes, je la rejoins sur le palier. Refermer la porte derrière moi ne sous-entend pas que je ne veux pas la voir ou lui parler d’ailleurs. Je le fais parce que je tiens à ce que mes secrets restent à l’écart des autres, pour les protéger de ma folie, de mes projets, de cette nouvelle vie au sein d’une organisation criminelle influente et dangereuse. Qu’arriverait-il à mes proches si je me plantais ? Si j’étais découvert ? Mitchell n’hésite pas à prostituer des gamines en détresse. Autant dire qu’il ne ferait aucune bouchée de ces gens de bien qui ont contribué et participé à mon bonheur. J’ai trop d’affection pour mes proches…trop d’affection pour Talia, quoique je n’en montre rien. Que comprendrait-elle si je lui souriais à pleine dent et que je l’embrassais avec enthousiasme ? Que je suis prêt à entendre ses arguments en faveur de mon divorce ? Était-ce son but, d’ailleurs ? Espérait-elle que je libère Sarah de ces engagements ?
Évidemment, elle prétend le contraire. Elle pointe également du doigt que je parle sans savoir, que je m’avance sur le terrain de mes certitudes sans regarder derrière moi. Force est d’admettre qu’elle n’a pas tout à fait tort. Alors, je ralentis le pas supposé nous conduire loin de l’immeuble, dans un endroit calme et reposant, un parc peut-être, qu’importe, partout, sauf dans ces murs à la couleur décatie et aux voisins envahissants. « Non. Je ne sais pas. C’est vrai. Mais j’ai reçu le message de Sarah. » Qui n'avais rien d'agréable. « Celui qu’elle m’a sans doute envoyé juste avant de t’appeler. » Ça lui ressemble tant. « J’ai des défauts, mais je ne suis pas idiot. » conclus-je un peu mal à l’aise d’être aussi peu affable malgré mes efforts. Je ne souffrais aucunement du désir de la blesser, mon amie. J’avais également à cœur de ne pas provoquer une dispute, si bien que je me suis radouci. « Tu veux un café ? » Je jetai un coup d’œil à montre. « Je n’ai pas mangé. Si tu as le temps, il y a une sandwicherie un peu plus loin. » D’un point de vue extérieur, l’invitation aurait pu paraître absurde ou insolite, comme un cheveu qui flotte dans un bol de soupe, mais pour moi, elle est lourde de sens. Je ne suis pas à l’aise avec les mots. Je suis un homme pétri dans le factuel, ce qui sous-entend qu’il m’est plus facile de manifester ma bonne volonté par les actes plutôt que par les excuses. C’est déroutant pour quiconque ne m’aurait jamais fréquenté, mais je ne doutais pas un instant que Talia saurait comprendre que ma démarche n’avait rien d’anodin finalement.
Elle ne l’était pas moins que ce qu’elle attestait en justifications par rapport à son « intrusion ». Et, bien sûr, je la crois, sans me méfier, parce qu’elle m’est familière, Talia. J’ai foi en elle et, cette fois, je ralentis. Je pouvais me l’autoriser puisqu’elle n’avait pas ramené dans son sac l’enveloppe maudite émanant du bureau d’avocat de la révérende. « Qu’est-ce que tu veux que je te dise, Lili? » soupirais-je embarrassé par mes propres émotions. Elles sont multiples et loin d’être limpides. « Elle me met dehors, elle me reprend, elle me jette au matin, elle rappelle le jour d’après et, finalement, elle veut divorcer. Comment tu penses que je me sens ? » Lui avait-elle expliqué, la fervente croyante ? Lui avait-elle rapporté que, souvent, j’avais l’impression qu’elle jouait avec moi comme si j’étais son hochet. « Et je n’ai pas de réponse pour toi. Je me le demande encore. » À moins que je ne sois pas prêt à accepter que ma douleur, après la perte de notre fille, ne nous ait pas aidés. Je refuse que, depuis sa tombe, elle porte cette responsabilité. Sofia a déjà bien assez souffert. « Peut-être parce que Sarah est une égoïste ou simplement altruiste avec ceux qui ont quelque chose à lui apporter. » Ces paroissiens, par exemple, parce qu’il la regarde comme si elle était le Messie en personne. « Je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est que si elle veut divorcer, il va falloir qu’elle se déplace jusqu’ici pour me dire droit dans les yeux qu’elle ne m’aime plus. » À défaut, je ne me détournerai pas de mon chemin.
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| | | | (#)Jeu 5 Mar 2020 - 10:33 | |
| Qu'est-ce qu'elle était censée faire ? L'indifférence ne faisait pas partie de ses façons de faire. Surtout quand il s'agissait d'ami qu'elle connaissait depuis longtemps et pour qui elle avait une très grande estime ainsi qu'une profonde affection. Ce n'était pas elle. Elle ne savait pas faire comme si de rien était, elle ne savait pas faire semblant. Elle ne savait pas non plus fermer les yeux et continuer son petit train train quotidien. Elle n'avait pas la capacité de faire abstraction des soucis des autres ce qui était une qualité autant qu'un défaut. Un don autant qu'un cadeau empoisonné. Elle savait que si elle n'allait pas rendre visite à Amos, ça allait la ronger et elle n'arriverait pas à penser à autre chose. Parce qu'elle s'inquiète pour lui. C'est aussi simple que ça. Alors oui, elle aurait peut-être pu lui envoyer un message, ou tenter de l'appeler avant de débarquer chez lui sans invitation et sans prévenir. Elle savait cependant qu'il l'aurait probablement ignorée, persuadé qu'elle le contactait pour prêcher les paroles de Sarah dans une tentative vaine de le faire changer d'avis. Ce n'était pas du tout le cas. Elle n'était pas là pour venir s'immiscer dans leur histoire. Il s'agissait de leurs problèmes et ça ne regardait qu'eux. En revanche, elle pouvait offrir son soutien ou une oreille attentive s'il avait besoin de se confier. Elle voulait s'assurer qu'il allait bien. C'était ce qui comptait le plus pour elle. Alors, elle hausse les épaules parce qu'il a sans doute raison, Sarah l'a probablement appelée à peine avait elle envoyé un message à Amos, ou elle l'avait appelé au même moment, mais au final, est-ce que le timing était réellement important ? Elle n'en était pas certaine. Pour elle, cela restait un simple détail. “C'était assez prévisible.” Après tout Sarah et Talia se connaissaient depuis longtemps et étaient de proches amies, les circonstances de la présente situation n'étonnait donc pas vraiment l'australienne. “Tu sais bien que je dis jamais non à un café. On peut aller se poser à la sandwicherie un peu plus loin. J'avais pas pensé que t'aurai pas mangé, j'aurai pu t'apporter quelque chose.” Il y avait toujours de quoi nourrir tout un régiment chez elle, que ce soit dans le frigo ou dans le congélateur. Mourir de faim n'était pas une option et il n'y avait bien souvent qu'à réchauffer un plat qu'elle avait préparé un peu plus tôt. Elle se faisait d'ailleurs une note à elle-même pour apporter quelques plats fait maison à Amos la prochaine fois qu'elle déciderait de se rendre chez lui sans prévenir. Ce n'était pas son genre d'arriver les mains vides, ce n'était pas comme ça qu'elle avait été éduquée.
Il a l'air aussi perdu qu'elle quant au pourquoi du comment. Il n'a pas l'air de savoir expliquer comment sa relation en est arrivée à ce point avec sa femme voulant à tout prix divorcer. Elle ne sait pas ce qu'elle veut qu'il lui dise. Elle a du mal à y croire, elle a l'impression que ce n'est pas réel. Que ce n'est qu'un mauvais rêve ou une plaisanterie de très mauvais goût, mais au fond, quand elle voit Amos comme ça, elle sait que c'est bien vrai et qu'il ne semble pas y avoir d'autre issue possible que la fin. Même s'il n'a pas l'air de vouloir lâcher l'affaire si facilement, Sarah se montre bien plus catégorique, bien plus sûre d'elle et de ce qu'elle veut. C'était peut-être à elle qu'elle aurait dû poser toutes ces questions. Elle l'instigatrice de cette fin qui lui paraît aussi inévitable que précipitée. “Je pense que tu ne vas pas bien, c'est justement pour ça que je suis venue te voir.” Lui répond-elle. Elle est honnête, directe aussi, elle n'y va pas par quatre chemins parce qu'il n'y a aucun intérêt à tourner autour du pot. Personne n'est censé aller bien quand son mariage tombe à l'eau après tant d'années. Lui, il a l'air de ne pas vouloir changer d'avis, de ne pas céder si facilement et elle le comprend. Parce que dans une situation similaire, elle serait sans doute pareil que lui, peut-être pas pour les mêmes raisons, mais le résultat serait le même. “Et si elle débarque à Brisbane, sonne à ta porte, te dit qu'elle ne t'aime plus et te colle les papiers du divorce sous le nez, tu signerais ?” Non pas qu'elle comptait aller tout répéter à Sarah une fois qu'elle rentrerait chez elle. Elle ne lui dirait rien, elle ne lui dira pas un seul mot de ce que Amos pourrait lui dire, ce n'est pas son rôle. Elle n'est pas un pigeon voyageur qui a grapiller les informations d'un côté et de l'autre pour aller les reléguer. Elle ne lui mentira pas si elle demande, elle lui dira qu'elle a vu Amos, qu'elle lui a parlé, mais rien de plus. “Je pensais vraiment que vous seriez les derniers à vous séparer. J'ai du mal à croire que c'est vrai et je suis aussi surprise d'entendre à quel point elle est sûre d'elle et reste campée sur ses positions.” Ajoute t-elle. Pas pour enfoncer le couteau dans la plaie, mais parce que c'est ce qu'elle ressent et qu'elle n'a pas d'autres mots pour l'exprimer. |
| | | | (#)Dim 8 Mar 2020 - 15:48 | |
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YOU SHALL NOT PASS
Prévisible. Le mot est juste et bien choisi. Accessoirement, je ne pus que rouler des yeux alors que je réparais mon erreur précédente. Talia n’avait pas mérité tant de froideur. Lui proposer de manger un morceau était la façon choisie par ma fierté pour lui présenter des excuses sans les formuler. Elle ne s’en formalisa pas et accepta bien volontiers mon invitation. L’atmosphère s’allégea aussitôt et moi, prévenant, je balayai d’une remarque son jugement à son égard. « Ne t’inquiète pas. Je mange à des horaires un peu décalés en plus. Va pour la sandwicherie. » Elle n’est pas loin et, à cette heure, était assez peu fréquentée pour que je puisse répondre à ses interrogations sans avoir l’impression d’être épié par des curieux. Il y en a partout. Certaines oreilles malapprises n’ont pas besoin de connaître les protagonistes d’un récit pour s’y intéresser. Ceux-là, je les décris comme des vampires à émotions. Ils se gaussent du malheur des autres pour anoblir leur propre vie qui, pour la plupart, ont une vie merdique, une vie dénuée de rebondissements. Ils s’ennuient et moi, je les envie. J’aurais tant aimé que mon existence soit un long fleuve tranquille. J’aurais adoré que ma seule préoccupation soit le bonheur de Sofia et le combat contre la routine qui assaille les couples les plus soudés. J’aurais fait preuve de créativité pour l’occasion. Si j’en avais manqué, j’aurais frappé à la porte de Talia en quête d’inspiration. Comment m’y prendre pour pimenter le quotidien de mon union ? aurais-je demandé avec, sur les lèvres, un sourire penaud, oui, gorgé d’espoir. Cette conversation, je l’aurais largement préférée à celle qui s’annonce aujourd’hui, celle où ma grimace sera désabusée et dénué de tout bon sentiment pour l’avenir. Evidemment, je la comprends mon épouse. Depuis le décès de notre enfant, je ne suis pas un cadeau, mais n’avait-elle pas signé pour le meilleur et pour le pire ? Je vivais son obstination à divorcer comme un véritable abandon. Alors, non… je ne vais pas bien. Je vivote, je survis, parce que c’était le coup de massue dont je n’avais pas besoin en ce moment. Je digérais à peine qu’il y a des années elle m’a fichu à la porte comme un malpropre. « En même temps, c’est difficile d’aller bien quand tout périclite dans tous les sens, mais… tu as bien fait de venir. » admis-je puisqu’il est évident qu’elle est là pour moi, au nom de notre amitié, et non pas à cause de Sarah. « Et pour être tout à fait honnête, je n’en sais rien. Je n’y ai pas encore réfléchi. Je devrais pourtant. Je sais que ça va finir par arriver. » soupirais-je confronté à cette évidence que je refoule depuis des mois à présent.
Arrivé devant le snack, je laissai en suspens ma réponse à son commentaire. Quand tout allait bien, quand nous étions encore une famille nucléaire et unie, jamais je n’aurais imaginé que mon mariage partirait à vau-l’eau. Nous rencontrions bien quelques difficultés, mais je les trouvais saines. Elles étaient la preuve irréfutable qu’il y avait encore de l’amour entre nous. Aujourd’hui, je me demande de plus en plus souvent si elle n’a pas rencontré quelqu’un avant de réfuter l’idée, de la balancer aussi loin que possible au milieu d’un champ d’ortie. Installé à une table, j’attrapai nerveusement une carte, mais je ne l’ai pas lue. Elle m’occupait utilement les mains. Elle agissait comme un anti-stress en partie efficace étant donné ce que je m’apprête à confesser. « Et moi donc… Si elle avait rebondit directement après m’avoir mis dehors, j’aurais compris. Mais, on a continué à se voir… » Sous-entendu, nous couchions encore ensemble. Je ne comptais plus le nombre de nuits que j’ai passées à ses côtés et le nombre de matin où, après une douche, elle a sollicité mon départ, froidement, me blessant au passage. Je dénombre plus les fois où je reniai ma fierté pour la retrouver dès lors qu’elle me sifflait. Les femmes sont la faiblesse des hommes. Sarah est la mienne. « Elle n’est pas capable de me donner une véritable explication en plus. Ça fait des mois qu’elle me fait croire que tout pourra peut-être s’arranger. » Car, inviter son ex entre ses draps est le message à comprendre, celui que j’ai saisi puisque nous sommes unis par les liens sacrés du mariage. « Et tout comme toi, je me demande pourquoi, soudainement, elle a l’air aussi déterminée. » C’était à n’y rien comprendre. « Je sais que j’ai mes torts. Je ne suis toujours pas remis de… » Je n’’ajoutai rien, ce n’était pas nécessaire. « J’ai souvent découché et j’ai été plus souvent absent que présent. Je n’ai pas été à la hauteur et je dirais même que j’ai été égoïste. Je n’ai pensé qu’à ma peine et j’ai négligé la sienne, mais… Sofia était tout pour moi. » Je l’aimais d’un amour indéfinissable, à moins d’être parents soi-même, rares sont ceux capables d’en mesurer l’amplitude. « Mais, je ne m’attendais pas à ça pour autant. » Même si la rupture nous pendait au nez selon les statistiques. « Parfois, je me demande si elle n’a pas rencontré quelqu’un. Elle a rencontré quelqu’un ? » Me le dirait-elle ? N’aurait-elle pas l’impression de trahir son amie ? « Je n’en voudrais à personne, tu sais. » surenchéris-je en argument somme toute peu probant.
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| | | | (#)Mar 7 Avr 2020 - 11:05 | |
| Talia n'a pas besoin d'être rassurée, elle n'a pas besoin d'entendre Amos lui dire qu'elle a bien fait de débarquer chez lui comme ça ce soir, sans chercher à savoir si ça le dérangeait ou pas. Cependant, elle était contente de l'entendre dire qu'elle avait bien fait de venir. Pour elle, cela signifiait qu'il avait compris que c'était pour lui qu'elle était. Pas pour lui faire la morale ou tenter de le convaincre de signer les papiers de divorce dûment rempli par Sarah. Ca signifiait aussi qu'il avait compris qu'elle n'était pas venue pour jouer au pigeon voyageur et lui passer un quelconque message de la part de celle avec qui à une époque, la vie était rose. Elle ne ferait pas ça, jamais. Sarah le savait parfaitement et ne prenait même pas la peine de tenter quoi que ce soit. Lili appréciait cela. S'il y avait bien une chose qu'elle ne voulait pas c'était se retrouver au milieu d'une guerre qui ne la concernait pas et qui la forcerait irrémédiablement à choisir un camp. Chose que l'australienne ne voudrait jamais se résoudre à faire. “Je pense que t'as le temps d'y réfléchir. Je pense pas qu'elle va débarquer comme ça dans les prochains jours. Elle te connait mieux que ça quand même.” Sarah ne lui avait rien dit à ce sujet au téléphone, elle n'avait donc aucune certitude quant à ce qu'elle était en train d'avancer, mais elle connaissait la jeune femme tout comme elle connaissait Amos et ne la voyait vraiment pas arriver du jour au lendemain sans prévenir pour venir coller ses papiers sous le nez d'Amos, menaçant de rester sur le pas de la porte jusqu'à ce qu'il se décide à signer. Ce n'était pas cohérent avec la personne qu'elle connaissait. Ajouter à ça le fait que ce n'était sans doute pas le meilleur moyen d'interpeller Amos. Il avait donc quelques semaines devant lui avant de voir Sarah débarquer de Kilcoy. Elle se trompait peut-être, mais pour l'heure, il avait repoussé un peu plus l'échéance, l'avait écarté d'une main de maître et s'était obtenu un peu de répit.
Les contours du snack se dessinent de plus en plus, il ne leur faut pas longtemps pour arriver devant et s'engouffrer à l'intérieur. Le restaurant est relativement calme. Le rush est passé et il reste seulement quelques personnes s'étant visiblement décidées un peu tard à sortir manger quelque chose. Talia s'installe à une table avec Amos, dans le silence. Elle ne le force pas à parler, elle l'observe attraper une carte au milieu de la table, comme un moyen de se dérober à la conversation ou alors, sa façon à lui de prendre le temps de réfléchir sans laisser le silence peser sur l'ambiance. Elle finit par faire comme lui et se saisir d'une carte qu'elle parcourt rapidement des yeux. Elle a déjà mangé, elle ne compte pas commandé quoi que ce soit si ce n'est un thé, mais c'est machinal. Elle ne repose la carte sur la table que quand elle entend la voix d'Amos. Amos qui lui dit ne pas comprendre non plus, ajoutant un peu plus à sa confession que ce qu'il lui devait. Ils ont continué à se voir, alors qu'elle l'avait mis dehors. Talia hausse les épaules. Qui est elle pour juger après tout ? Ca ne la concerne pas et elle ne s'est jamais retrouvée dans une situation similaire. Qui sait ce qu'elle aurait fait si elle s'était retrouvée à la place de son ami. “Peut-être qu'elle pensait réellement que ça allait s'arranger ?” Propose t-elle. Elle ne cherche pas à embellir la situation ou à faire passer Sarah pour une sainte, mais leur histoire existait depuis tellement longtemps qu'il y avait de quoi espérer, qu'il y avait de quoi imaginer que tout allait s'arranger. Elle pouvait se retrouver dans tout ça. Si quelque chose devait arriver entre elle et Louis, elle ne pouvait pas affirmer qu'elle serait capable de tirer un trait sur lui rapidement, tout comme elle ne serait pas capable d'empêcher son cerveau de penser qu'il y avait moyen de réparer les choses. C'était probablement humain comme réaction et elle ne pensait en aucun cas que Sarah avait fait cela intentionnellement. La situation était cependant bien plus compliquée que cela et comme souvent dans la vie, rien n'était tout noir ou tout blanc. “T'es pas responsable. Vous êtes deux dans cette histoire et si faute il y a, t'es en aucun cas le seul à blâmer. Je suis certaine qu'elle a ses torts elle aussi même si là tout de suite tu sembles voir que les tiens.” Elle se veut rassurante. Elle ne veut jeter la pierre à personne. Si ce n'est au destin peut-être. “T'as négligé sa peine, c'est pas impossible, mais elle a sans doute négligé la tienne aussi. Vous avez tous les deux perdus un enfant, c'est pas plus facile pour l'un que pour l'autre.” Ce n'était en rien la faute d'Amos et Lili espérait réellement qu'il puisse réaliser cela. “Je sais pas si elle a trouvé quelqu'un, elle ne m'en a pas parlé. Tu sais, elle ne me dit pas tout ! La preuve avant ce soir j'avais aucune idée qu'elle voulait demander le divorce. Je pense qu'elle veut pas trop m'en dire pour que je n'ai pas à te mentir.” Parce que si Sarah lui avait parlé d'un quelconque homme dans sa vie, elle n'aurait pas pu en parler à Amos. Elle aurait évité la question ou alors lui aurait dit de demander à sa femme directement. Finalement, même si elle tombait des nues avec cette nouvelle de divorce, elle préférait ne l'apprendre que maintenant, plutôt que de devoir cacher des choses à Amos. “En tout cas, sache que quoi qu'il arrive, je ne prendrai la défense de personne. Vous êtes tous les deux mes amis et ça ne changera rien. Si jamais t'as besoin de quoi que ce soit, tu peux toujours venir me trouver ok ?” Parce qu'il avait sans doute besoin d'être entouré, maintenant plus que jamais. |
| | | | (#)Mar 7 Avr 2020 - 23:47 | |
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YOU SHALL NOT PASS
Il y a peu, j’aurais acquiescé sous les prescriptions de Talia. Sarah et moi avions partagé une vie ensemble, une vie longue de près de vingt ans. Dans un jeu télévisé, nous aurions remporté le magot tant elle me connaissait par cœur. Malheureusement, les choses changent et les gens aussi. La mort de Sofia m’avait transformé. Je n’étais ni pis ni meilleur – tout du moins de mon point de vue – j’étais simplement différent de l’homme qu’elle avait épousé. D’antan, je n’aurais pas accueilli une amie en lui interdisant le passage à ma modeste maison. Je n’aurais pas joué des coudes pour me laver de cette indélicatesse en lui proposant un sandwich. Je lui aurais ouvert et, ma femme et moi, aurions dressé un couvert de plus. Plus encore, je n’étais plus certain que mon épouse n’avait pour moi aucun secret. Elle agissait étrangement depuis des années et, ces derniers mois, cette impression que notre couple ne trouvait place au cœur de ses préoccupations que dans l’unique but d’obtenir le divorce me collait à la peau. Dès lors non, je ne sais pas si elle ne pointera pas pour me forcer à signer ses papiers. J’ignore jusqu’aux trésors qu’elle est capable de déployer pour gagner ce qu’elle souhaite. Je suis, comme mon interlocutrice, paumé devant ses choix sur lesquels je n’arrive à trancher une opinion précise. N’osant jurer de rien, je me suis contenté d’une grimace trahissant autant mes incertitudes que mon incompréhension. Ce masque ne m’a quitté après que j’eus, assis derrière la table de ce snack, tout le loisir de statuer sur ce qui ravirait mon estomac. « Qu’est-ce que tu vas prendre ? Tu ne vas me laisser manger tout seul, pas vrai ? » me suis-je enquis, estimant qu’elle avait reposé la carte bien trop vite. Il est des conversations qu’il est préférable de mener le ventre plein ou la bouche occupée. Ça permet d’éviter de dire des âneries plus grosses que soi, des bêtises qui frôleraient l’injuste et l’injure. Je ne m’en sentais pas à l’abri d’ailleurs. Malgré tout l’amour que j’avais porté à ma femme, je ne saisissais pas quel était son but. J’avais le sentiment qu’elle me prenait pour un con depuis des années et ça me rendait mauvais. « Sauf qu’elle n'a pas beaucoup essayé. Je veux dire, elle m’a laissé déménager. » D’abord, dans la grange de mes parents où j’ai vécu en clandestin jusqu’à ce que mon père m’invite à retrouver ma chambre d’adolescent au mur peint de poster démodé. « Elle a fermé toutes les portes. J’ai essayé de nous réconcilier. » Je lui avais même fait envoyer des fleurs et des chocolats, actes auxquels je ne songeais que rarement, seulement en cas de crise. « Je ne l’ai pas brusquée. J’ai essayé de lui laisser le temps de revenir tout doucement. Du coup, j’ai un peu de mal à me dire qu’elle n’avait pas prémédité tout ça, même si je sais que ça ne lui ressemble pas. Tu sais, Sofia nous a beaucoup changés. » Pas directement évidemment. Si elle avait eu un impact sur notre vie, il n’était que positif. C’est son décès qui a modifié toutes nos habitudes.
Un serveur s’est avancé. J’ai passé ma commande. J’ai laissé la parole à Talia. Puis, j’ai exprimé à voix haute ce que je pensais souvent, mais que je ne confiais jamais à quiconque : j’étais coupable de cette débâcle. Ô bien sûr, je sais que les conflits qui tendent vers le divorce ne sont rarement que le fruit d’une personne. Lorsque j’admets que j’ai négligé ma femme et que j’ai découché, je n’entends pas l’avoir trompée. Je n’en avais jamais été capable. Je n’étais même pas certain, malgré ce qui ressemble à une rupture, que je me vautrerais dans la luxure avec une autre qu’elle. Je n’ai pas fait mon deuil. Je persiste à croire que, si j’arrive à venger ma fille, je parviendrai à me racheter auprès de Sarah. Pourquoi donc m’emmerderais-je avec une femme, qui n’est pas mon épouse, et qui me compliquera la vie ? Mais elle ? Est-ce qu’elle se galvaude dans les bras et les draps de mon remplaçant ? L’aurait-elle confié à Talia ? Et elle ? M’aurait-elle informée ne fût-ce que par une allusion afin de soulager ma tête trop lourde de questions ? De questions dont Sarah détient seule les réponses et qui les garde jalousement malgré mon désarroi ? « Je présume qu’en effet, elle ne t’aurait rien dit. » J’ai baisé les yeux sur la table. J’y ai trouvé un vieux sous-verre que j’ai fait tourner entre mes doigts. « Je sais. » ai-je renchéri, sincère parce qu’elle l’était, Talia. « Si j’ai besoin de quoi que ce soit, en effet, je n’hésiterai pas et sans dépasser les limites. Tu vas lui dire qu’on s’est vu aujourd’hui ? » L’information est capitale à mon sens. Je ne me méfie pas de Talia, mais j’ai besoin que Sarah sache que j’évolue, que je commence à aller mieux, que je ne vis plus retrancher dans ma coquille, que je retrouve du plaisir à partager un moment avec des amis. J’ai besoin qu’elle le sache afin que, peut-être, elle revoie son jugement et sa décision. « Et sinon ? Toi ? Comment tu vas ? Raconte-moi tout. J’ai l’impression que ça fait une éternité qu’on s’était plus vu… que je n’ai pas pris de tes nouvelles en fait. »
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| | | | (#)Dim 3 Mai 2020 - 14:17 | |
| Elle sourit, Talia. Parce qu'elle n'avait pas prévu de manger quoi que ce soit, elle venait de manger, elle avait même pris soin de tout débarrasser chez elle avant de se diriger vers Redcliff, chez Amos. Elle sait qu'il ne lâchera pas l'affaire, qu'il insistera jusqu'à ce qu'elle cède de toute façon et puis, il a raison, elle ne va pas le laisser manger tout seul. Ce serait un peu étrange, bien que, les personnes présentes dans le snack à cette heure-ci ont toutes l'air un peu étranges. Il ne se démarquerait pas des autres, pas vraiment. "Tu sais que je sors de table ?" Qu'elle demande en jetant un oeil à la carte qu'elle avait reposée sur la table quelques secondes plus tôt. Elle la parcourt des yeux rapidement, cherchant quelque chose qui pourrait lui plaire, s'arrêtant sur quelque chose de simple. Quelque chose qui passe toujours, même si on vient de manger et qu'on a normalement le ventre plein. "Mais pour t'accompagner, je vais prendre une petite assiette de frites et ça restera entre nous." Répond-elle avec un clin d'oeil. Non pas qu'elle faisait particulièrement attention à sa ligne. Elle n'était pas particulièrement fan de fastfood et autre nourriture un peu trop grasse, salée et peu nutritive. Elle n'avait pas été élevée comme ça. Elle avait passé toute son enfance à manger les plats préparés par sa mère qui même si certains avaient tendance à peser un peu sur l'estomac, étaient relativement sains et il était rare qu'Anwar et elle aient le droit de manger dans un fastfood. Quitte à faire manger des hamburgers et des frites à ses enfants, Ellin prenait soin de les préparer elle-même. Cette façon de faire était profondément ancrée en Lili qui reproduisait le même schéma avec Maya. Maya qui ne devait donc pas savoir que sa mère mangeait des frites dans un snack un peu douteux après avoir fini son dîner. C'était un peu aux antipodes du discours qu'elle lui servait à longueur de journée. Elle reprend son sérieux rapidement cependant, elle écoute attentivement Amos. Elle ne le coupe pas, elle le laisse parler, le laisse dire ce qu'il a sur le coeur. Puis elle hausse les épaules. Elle ne sait pas quoi dire. Elle ne s'attendait pas à ça, c'est donc difficile de trouver une quelconque explication, logique ou non à une situation qui lui parait sortie de nulle part. Il y a encore quelques heures, elle n'était au courant de rien et sa conversation avec Sarah ne lui avait pas forcément donné beaucoup d'explication. La jeune femme lui avait semblé résignée, sûre d'elle et de sa décision, ça c'était une certitude. "La perte d'un proche ça peut changer quelqu'un, encore plus la perte d'un enfant. T'y es pour rien, t'aurai sans doute rien pu faire de plus. J'veux dire, à quoi ça aurait servi que tu la brusques de toute façon ? Je suis pas certaine que ça aurait arrangé les choses." Lui répond-elle. Elle n'a pas d'autre explication à lui fournir. "Je ne la reconnais pas dans cette décision c'est tout." Et elle ponctue sa phrase d'un haussement d'épaule, comme si elle aurait pu en dire plus, mais qu'elle n'avait pas les mots.
C'est à ce moment-là que le serveur fait son apparition à leur table. Lili commande sa barquette de frites et elle laisse Amos commander son repas avant de remercier le serveur qui s'éloigne de la table aussi rapidement qu'il était arrivé. Puis c'est la question à un million. Question à laquelle Talia ne peut pas répondre. Parce qu'elle ne sait pas. Parce que même si elle savait elle ne pourrait pas lui répondre. La question qui lui fait se dire qu'elle n'a peut-être pas la position la plus avantageuse. Elle compte sur Sarah pour ne pas la mettre dans l'embarras. Pour ne pas lui en dire trop, pour ne pas la forcer à mentir à Amos. Elle en attend de même d'Amos. Elle ne veut pas se retrouver à être la personne que l'un et l'autre viennent chercher pour obtenir des informations. Elle refuse d'être un messager et elle refuse aussi de se mêler autant à leur histoire. Elle est disponible pour l'un comme pour l'autre s'ils ont besoin d'une oreille attentive, d'un peu de soutien, mais c'est tout ce qu'elle peut faire. Elle ne veut pas prendre position et elle ne veut pas non plus choisir un camp parce qu'elle n'en serait pas capable. Elle n'a pas de préférence pour l'un ou pour l'autre. "T'es toujours le bienvenu. Louis serait content de t'avoir pour dîner un de ces quatres." Lui confirme t-elle, au cas où il n'est pas bien compris ou qu'il pense qu'elle lui dise tout cela par pure politesse. Ce ne sont pas des paroles en l'air. Avec Lili, ce ne sont jamais des paroles en l'air. "Si elle me demande, je lui dirai que je t'ai vu, probablement, mais je n'en dirai pas plus." Elle était honnête. Le fait qu'elle voit Amos n'avait rien de secret et si Sarah lui posait la question pour quelconque raison que ce soit, elle serait honnête avec elle aussi, prenant tout de même soin de lui rappeler que ça n'avait pas vraiment d'importance et que ce serait la seule question à laquelle elle répondrait à ce sujet. Elle ne pouvait pas promettre à Amos qu'elle ne dirait rien, elle n'emmènerait pas la conversation sur ce terrain-là si. "Moi ça va. Très bien même. Je t'avais dit que j'allais être de nouveau tata ou pas ? C'est pour avril, donc bientôt. Je sais honnêtement pas qui a le plus hâte entre Maya et moi. Elle fait que parler du bébé et de ce qu'elle lui fera faire plus tard." Répond-elle en souriant. L'enthousiasme de Maya était sans limite et c'était probablement elle qui attendait avec le plus d'impatience l'arrivée du bébé dans la famille. C'était adorable à voir et faisait fondre le coeur de Talia dès que la fillette demandait si le jour J était pour bientôt. "Je sais pas bien si elle réalise que le bébé va pas rester chez nous, mais j'ose pas lui briser le coeur." Ajoute t-elle en riant. |
| | | | (#)Lun 4 Mai 2020 - 23:30 | |
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YOU SHALL NOT PASS
Je mange et je dors à horaire décalé en ce moment. Alors, tandis que Talia affirme avoir déjà mangé, je jette un œil curieux à ma montre et constate qu’effectivement, il est tard pour déjeuner. L’heure du goût des mômes approche déjà. Aucun adulte ayant un rythme sain ne s’enfilera un repas consistant à cette heure sous peine d’être réprimandé par sa femme qui aura consacré sa soirée à mitonner un petit plat. Aucun, à moins qu’il soit seul et que manger sainement et à heure fixe n’ait désormais plus la moindre importance. Nul doute que ça n’est pas le cas de mon acolyte du jour. Dès lors, je m’incline devant son abnégation : « Promis, je ne dirais rien. En revanche, je suis surpris par ton choix. Des frites ? Vraiment ? » Pas de salade ? J’aurais mis ma main au feu qu’elle opterait pour les crudités pourtant. Elle a souvent partagé ma table à l’époque où Sarah et moi formions toujours un couple uni. Et, de mémoire d’homme, les deux amies, outre leur passion commune pour la cuisine, appréciaient davantage un plat sain à celui trop lourd à digérer. Moi, je n’avais plus d’avis sur la question. Je m’alimente comme je peux, comme un célibataire. Je mentirais si je prétendais que les talents de cordon bleu de ma femme ne me manquaient pas. Non ! Pour être au plus juste et honnête, je n’avancerais pas que c’est une goutte d’eau parmi l’océan de son absence. Les soirées entre amis ? Exit ! Beaucoup m’ont déjà tourné le dos à cause de mon irascibilité. Le divorce alourdira sans doute les statistiques de cet écueil. Je le sais au point d’être bouffi par une vague de reconnaissance envers Lili et son objectivité. Elle n’est pas obligée. Elle pourrait prendre parti. Pourtant, je crois que, comme moi, elle est heurtée par la décision de mon épouse, celle qui est de renoncer à nos années de bonheur. La différence, c’est que j’ai eu trois ans pour enviasse – et je n’ai toujours pas digéré – quand la nouvelle lui semble soudaine, à la jeune femme. « Je crois que cette perte nous a tous les deux beaucoup changés. » ai-je confessé en jouant avec la serviette qui traînait sur la table. Je la tords en tout sens. Je pourrais en faire une cocotte en papier pour calmer mes nerfs si je n’avais pas oublié la technique presque volontaire : Sofia adorait ce jeu somme toute enfantin. Elle en riait aux éclats. Comme quoi, il ne faut pas grand-chose pour amuser un enfant. « Et, comme je te l’ai dit, j’ai ma part. J’ai beaucoup fui la maison. Je ne sais pas s’il aurait été possible pour nous de se relever si je ne me relevais pas moi-même avant tout. » Si une forme rancœur envers la foi de Sarah – la foi qui rend tout plus facile – n’avait pas enflé dans mon cœur. Mais à quoi bon s’attarder ? Moi non plus, je ne reconnais pas la mère de mon enfant. Mais, que puis-je y faire, si ce n’est me battre, jusqu’au bout de mes forces ?
À présent que le débat est clos, que j’ai hoché de la tête en lui promettant que je passerai leur rendre visite, quand je serai prêt – prêt à affronter le bonheur des autres – c’est d’elle dont je me suis sincèrement et poliment inquiété. De quoi est-elle faite, sa vie ? Quels sont ses projets ? Ceux de Louis ? Les leurs ? Comment se porte le petit bout de femme qu’est Maia ? « Anwar attend un enfant ? Enfin, sa compagne ? » Je connaissais très peu le flic en question. Je ne savais même pas s’il était en couple. Sauf que ça n’a que peu d’importance à mes yeux. Je me réjouis pour lui, véritablement, et mes lèvres se sont fendues d’un sourire franc. « Avril, ça approche donc. Commet se porte la maman ? Et, lui, il doit être fou. » Je l’avais été lorsque j’avais appris la grossesse de mon épouse, fou d’inquiétude à l’idée de ne pas être à la hauteur et aliéné par l’enthousiasme d’être père, même si j’étais jeune, peut-être même un peu trop. « Je veux bien te croire. C’est toujours un grand événement pour les mômes. Elle va avoir une cousine, ça va l’aider à se responsabiliser en plus. » Je sais les deux parents assez proches pour que les contacts soient réguliers. « Tu es prête à ce qu’elle te réclame un petit frère ou une petite sœur ? Tu ne vas pas y réchapper. Faudra combler que le bébé ne vive pas avec vous. » Et, c’est fois c’est moi qui ponctue d’un sourire alors que les commandes arrivent, enfin : je meurs de faim.
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| | | | (#)Jeu 4 Juin 2020 - 10:14 | |
| Elle met son index devant sa bouche, accompagne son geste d'un "chuuut" presque enfantin. Comme si elle partageait un secret avec lui et qu'il ne faudrait surtout pas qu'on la surprenne. Elle n'était pas si exigeante qu'il pouvait sembler quand il s'agissait de nourriture, elle préférait simplement les plats faits maison, dans lequel elle sait parfaitement ce qu'elle va y trouver, plutôt que des plats préparés en usine, à la chaîne et bien emballés avant d'être distribué dans tous les supermarchés du pays. Le genre de plats bourrés de conservateurs et de colorants qui, pour, elle ont un goût bien fade. Certains diraient probablement qu'elle est un peu snobe et ça la ferait rire plus qu'autre chose. Une remarque qu'elle oublierait bien rapidement, comme éloignée d'un revers de la main. Le milieu dans lequel elle venait n'avait rien de snob. Chez elle on mange avec les doigts si on le souhaite et personne ne sera offensé, s'il y a à manger pour quatre, il y a à manger pour six et la nourriture y est bien souvent très familiale. Rien de snob ne serait-ce que pour l'importance toute particulière apportée au contenu des assiettes. Si cela fait qu'elle une snobe, soit. Elle n'en mourra probablement pas. Tout comme elle ne mourra pas de manger une barquette de frite ce soir en guise de deuxième dessert. "C'est mon cheat day." lui répond-elle en plaisantant. Même ça ça ne collait pas vraiment avec elle. Elle n'était pas à cheval sur la nutrition, ne faisait pas non plus spécialement attention aux calories. Par le passé, elle avait été un peu plus regardante, quand elle jouait régulièrement au beach volley, mais c'était différent. A l'époque, il était important pour elle de pouvoir être au top de sa forme et de son énergie pour pouvoir supporter les entraînements et les matchs. Elle n'était jamais tombée dans l'extrême cependant et ne s'était jamais privée de rien. Tout reposait dans l'art de la modération pour elle.
La conversation redevient un peu plus sérieuse. Amos se dévoile un peu plus, se confesse presque et elle l'écoute avec attention. Sans aucun jugement. Parce qu'elle ne sait pas ce que ça fait de perdre un enfant et qu'elle ne peut même pas commencer à l'imaginer. Elle ne sait pas comment elle arriverait à tenir le cap dans une telle situation. Est-ce qu'elle choisirait la fuite ou est-ce qu'elle choisirait de rester ? C'était impossible à dire et elle n'avait pas forcément envie de l'envisager. "T'as peut-être fui la maison, mais est-ce que ça aurait réellement été bénéfique que vous restiez tous les deux ? Si tu ne pouvais pas faire bonne figure est-ce que prendre du recul n'était pas la meilleure solution ?" Est-ce que ça aurait réellement changé quelque chose si au lieu de vivre leur deuil chacun de leur côté, ils s'étaient retrouvés tous les deux dans leur maison contenant tous leurs souvenirs avec leur fille sans qu'un des deux ne puisse supporter l'autre ? Talia n'était pas certaine. Aussi peinée qu'elle pouvait l'être d'apprendre aussi soudainement que ça n'allait pas dans leur couple et que son amie avait même pris la décision radicale de divorcer, elle avait l'impression que c'était une finalité qui était peut-être inévitable. Que peu importe les scénarios envisagés, ils menaient tous à la même conclusion. Les questions étaient plutôt rhétoriques, un moyen pour elle de faire comprendre à Amos qu'il n'avait pas à s'en vouloir, qu'il n'était pas le seul et unique responsable du naufrage de son couple. Il n'y avait pas de coupable d'ailleurs, c'était plutôt un concours de circonstances infortunées. Elle ne veut pas qu'il se ressasse les événements et les discussions toute la soirée et elle est donc plus que ravie de le mettre à la page de ce qui se passe dans sa vie, à commencer par l'arrivée future d'un nouveau membre dans la famille. "Alors, oui, il va être de nouveau papa, mais non, ce n'est pas sa compagne. Me demande pas les détails et les circonstances parce que je les connais pas, mais ... voilà quoi." Répond-elle en riant. Parce qu'avec Anwar, rien n'était jamais simple et qu'il semblait incapable de faire à peu près comme tout le monde entre le fait de devenir père bien trop jeune et celui de mettre enceinte une femme qu'il ne connaissait quasiment pas. C'était son cousin dans toute sa splendeur et elle l'aimait pour ça. Ses parents en revanche se montraient un peu moins enjoué face à tout cela. Une des raisons pour lesquelles il ne leur avait toujours pas annoncé l'heureuse nouvelle. "La maman va très bien cela dit et même s'ils ne sont pas ensemble ils sont bien décidés à élever ce petit bout tous les deux donc c'est cool, on devrait éviter les problèmes." Anwar était quelqu'un de droit et responsable à ses yeux et elle ne se faisait pas de soucis quant à la bonne tenue de l'arrangement, quel qu'il soit, qu'il pouvait avoir avec Lene. "Je crois que je l'avais jamais vu jouer autant avec ses poupées que depuis qu'on lui a annoncé. Je m'étais dit que lui en offrir une nouvelle pour combler la déception de pas avoir de nouveau né à la maison allait apporter, mais je crois qu'elle verra la différence." Répond-elle en souriant. Le bébé étant devenu le sujet de conversation favori de la fillette ses derniers temps, il allait sans doute falloir mettre au clair avec elle à un moment ou un autre que ce n'était pas leur bébé et qu'elle ne pouvait pas non plus aller vivre chez son oncle pour rester avec. "Je suis pas prête du tout. M'en parle même pas. Tu connais les enfants et leurs questions qui n'en finissent jamais. Chaque argument que je lui donnerai en défaveur d'un nouveau bébé sera forcément suivi d'un innocent 'pourquoi ?'" Lance t-elle avant d'ajouter "Le mieux qu'on puisse faire serait peut-être d'adopter un chat ? Ca demande pas énormément d'entretien et je suis sûre que ça ferait l'affaire." Elle hausse les épaules. C'est plus qu'une idée en l'air qu'autre chose. Il n'y avait pas eu de réflexion à ce sujet et c'était une option à envisager surement en dernier recours. |
| | | | (#)Dim 7 Juin 2020 - 0:53 | |
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YOU SHALL NOT PASS
« Dans ce cas, profites-en ! Je serai une tombe. » lui ai-je promis, amusé par l’invitation gestuelle à me taire. Mon sourire, quoique faiblard et discret, est teinté de nostalgie. Combien de fois n’ai-je pas posé mon index sur mes lèvres à l’attention de Sofia lorsque je glissais un bonbon ou une barre chocolatée dans sa poche ? J’ajoutais parfois quelques mots du genre : “Ne dis rien à ta mère“ quand j’ajoutais à ces trésors de friandise ses bonbons favoris. Ses yeux pétillaient alors de joie et elle me jurait qu’elle garderait le secret. Elle jurait de tout son cœur. Sarah lui refusait ses maigres plaisirs. Elle craignait la génétique, car si elle était elle-même fluette, sa sœur ne pouvait en dire autant. Certes, ses rondeurs ne la privaient pas de charme, mais Becca – ladite cadette – avait souffert de son embonpoint tout au long de son adolescence. Moi, j’étais moins regardant et à raison. Outre cette subjectivité prêtée au père, Sofia fut une jeune fille magnifique qui ne se plaignait de ses formes que pour la forme. Et, c’est en proie à ces émotions déliées par mes souvenirs que j’ai poursuivis par la déclinaison de mes erreurs majeures. Talia, bienveillante et prévenante, elle a allumé en moi une étincelle de discernement et je n’ai su qu’en penser. Aurait-elle raison ? Ne serais-je pas un Sancho Panza moderne qui prend des moulins à vent pour des géants ? Et, s’il était terminé, mon mariage ? Et si nous finissions par nous déchirer, ma femme et moi, si elle renonçait à ses projets de divorce ? L’idée ne m’a semblé aussi folle qu’à l’habitude et j’ai acquiescé d’un « peut-être. Tu as peut-être raison. » Sans doute, mais je n’en avais sur l’heure aucune conscience. Ainsi avons-nous clos cette mélodie grave par une note plus légère : la paternité future d’Anwar.
Je ne connais ce membre important de sa famille que de nom. C’est d’ailleurs tout ce que j’en sais : il compte à ses yeux. Il compte énormément. Aussi ai-je été à peine surpris par son enthousiasme à l’idée qu’elle accueillera bientôt dans sa vie le fruit de ses amours difficiles. « Je ne te les aurais pas demandés. » Les détails croustillants pour les amateurs de ragots. Ce pain-là ne m’a jamais rassasié. Je n’en mange jamais. « C’est bien, pour l’enfant à venir. C’est bien qu’ils aient trouvé un terrain d’entente. » Si tant est que l’expression soit bien choisie. Là encore, je n’espère pas qu’elle confirme d’un assentiment. Je préfère largement m’attendrir devant le récit qui traduit l’impatience de la petite de Talia. « Bien sur qu’elle fera la différence. » ai-je ricané tant l’idée, quoiqu’intelligente, est une perte de temps. Sarah et moi avons essayé nous aussi. Lorsque Sofia nous réclamait un peu de compagnies, mon épouse n’a rien trouvé de mieux que de la gâter de jouets en tout genre. Elle ne l’a pas pourri. Ma fille était de celle qui remerciait avec gratitude et qui n’en exigeait jamais davantage. Mais, je n’ose imaginer tout ce qu’elle aurait pu nous en faire voir si la nature ne l’avait pas dotée d’un si bon caractère. « Mais, je suppose qu’elle comprendra si tu lui expliques que tu n’es pas prête. Ils comprennent mieux que ce qu’on s’imagine. Et évite le coup de la machine est cassée, elle va vouloir te réparer. » En utilisant les outils qu’elle aura amassés dans l’atelier éventuel de son père. « Sarah a adopté Captain avec Sofia lorsqu’elle nous a trop tannés. Enfin, quand elle l’a tanné. Moi, je n’étais pas contre. » Et, aujourd’hui, je la bénis d’avoir versé dans le refus. « Mais, tu sais ce qu’on dit : ce n’est pas moi qui l’aurais porté. Enfin, c’est ce qu’elle disait. » Un nouveau sourire a rehaussé mes lèvres. Il était sans définition. J’aurais tout aussi bien pu l’adresser au serveur qui nous déposa la commande. « En conclusion, le chaton, ce n’est pas une mauvaise idée. J’ai une amie vétérinaire. Tu veux que je lui demande conseil ? Elle a peut-être des adresses de refuge ? Qui sait ? » Molly se ferait une joie de trouver un foyer à un animal en détresse. Son métier, c’est sa passion.
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| | | | (#)Mer 10 Juin 2020 - 10:41 | |
| Elle ne savait pas si elle avait raison. C'était possible. C'était surtout une simple hypothèse qu'elle avait émise dans le but de conforter son ami. Parce qu'il y a des choses que l'on ne contrôle pas. Des éléments auxquels on ne peut pas penser. Ce serait bien trop facile sinon. Il suffirait de bien planifier sa vie pour que tout aille comme sur des roulettes. C'était une utopie qui n'intéressait pas grand monde. Qui voulait d'une vie où il était possible d'influer sur chacun de ses éléments ? Ca paraissait bien trop ennuyeux et si la situation venait à tourner au vinaigre, il faudrait forcément trouver un coupable. Celui qui n'a pas bougé ses pions au moment où on l'attendait. Celui qui a fait s'écrouler le château de cartes avec un simple courant d'air. Le hasard pouvait être terrible, il n'y avait pas de doute là-dessus et il était aussi certain que si Amos aurait eu un quelconque pouvoir sur la situation depuis le décès de Sofia et même avant, il aurait saisi cette opportunité. Simplement, le hasard faisait qu'il n'avait pas à se sentir coupable. Ce n'était pas sa faute. C'était ça que Talia voulait qu'il comprenne, qu'il accepte. Ce n'était pas grand-chose, mais ça lui semblait important pour qu'il puisse aller de l'avant. Que ce soit avec ou sans Sarah, il ne fallait pas qu'il se flagelle pour des choses sur lesquelles il n'avait aucun contrôle. La vie était faite ainsi et c'était comme ça. Alors, elle hausse les épaules Lili, parce que oui, peut-être qu'elle a raison. Peut-être qu'elle a tort aussi, mais il est tout de même plus important de se focaliser sur la probabilité qu'elle dise vrai et que son hypothèse puisse se valider d'une manière ou d'une autre.
Elle ne veut pas lui prendre la tête. Elle ne veut pas lui faire vider son sac toute la soirée non plus et elle ne veut pas qu'il ressasse indéfiniment le fait que Sarah l'attend de pied ferme avec des papiers de divorce. Elle veut lui changer les idées, ne serait-ce qu'un court instant et quelle meilleure nouvelle qu'une naissance future. Là encore, la situation n'était pourtant pas des plus simples. Une grossesse surprise au sein d'une relation inexistante. Pas vraiment le schéma conventionnel qu'on se fait d'une nouvelle famille. Cependant, les deux futurs parents avaient l'air de vouloir faire les choses bien. Ce qui ne surprenait pas vraiment Talia puisqu'elle avait la chance de connaître les deux parties. "En théorie, on verra bien comment ça se passe une fois que le bébé sera là." Répond-elle en haussant les épaules. Il n'y avait pas moyen de dire s'ils arriveraient à rester sur un terrain d'entente sur toute la ligne. Elle connaissait suffisamment Lene pour savoir qu'elle n'était pas facile à aborder et encore moins à apprivoiser. Cependant, Anwar avait surement toute la patience pour composer avec cette facette de Lene. La collaboration s'annonçait intéressante et seul le futur permettrait de dire si le présage de Lili avait été bon. Pour l'heure, tout n'était que bonheur et hâte. En particulier pour Maya qui avait un peu de mal à comprendre qu'un bébé n'arrivait pas en un jour et les quelques mois restant jusqu'à l'accouchement paraissaient des siècles à son échelle. "T'étais censé me dire qu'elle y verrait que du feu, comme ça j'aurais été conforté dans mon idée qu'un rien suffirait à la distraire." Répond-elle en plaisantant, ne croyant pas une seule seconde ce qu'elle venait de dire. Bien sûr que Maya ferait la différence entre une poupée et un vrai bébé, il n'était pas encore arrivé le temps des poupées pouvant se comporter comme de vrais bébés et ce n'était peut-être pas plus mal d'ailleurs. Amos lui proposait une solution bien plus viable et bien plus durable aussi. "J'imagine que lui expliquer serait le mieux oui. Ca limiterait ses questions aussi. Car je vois déjà le truc si on lui dit que la machine est cassée, ça ne rentrera pas dans l'oreille d'une sourde. Elle reviendra vite à la charge, pour savoir pourquoi personne ne prend la peine de la réparer depuis le temps." Répond-elle en riant, parce qu'elle pouvait parfaitement imaginer Maya s'agaçant que la machine fabriquant les bébés soit toujours en panne, jour après jour. C'était le genre d'excuses qui ne marcheraient pas avec elle, alors ça ne servait à rien de se lancer dans cette direction. "Ok alors je prends note. Les explications ça marche. L'animal de compagnie aussi. T'as d'autres conseils pour moi pour que je me prépare à l'inévitable ?" demande t-elle en souriant. Parce que finalement, elle en avait des choses à apprendre d'Amos, il avait plus d'expérience qu'elle dans bien des domaines et depuis le temps qu'elle le connaissait elle pouvait dire avec certitude qu'il s'était toujours montré de très bon conseil. "Je garantis pas qu'on se tournera vers la solution du chaton, mais je veux bien que tu demandes conseils à ton amie parce que c'est certain que si on en vient à adopter un animal, ce sera en refuge, je pourrai jamais me résoudre à acheter un animal à un éleveur, c'est complètement à l'encontre de mes principes." Il y avait bien trop d'animaux en attente d'un foyer et elle trouvait l'élevage totalement immoral. "Bon par contre ce sera pas avril si on se lance là-dedans." Autrement dit, pas avant l'arrivée du bébé. |
| | | | (#)Dim 14 Juin 2020 - 2:39 | |
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YOU SHALL NOT PASS
En théorie, dit-elle, et le sous-entendu est clair. L’éducation d’un enfant est parfois objet de discorde dans un couple. Même les plus soudés sont susceptibles d’en faire les frais. Nul doute qu’en étant parents sans former un couple, la complexité de tâche s’amplifie. Néanmoins, quoique je ne le connaisse que par ouï-dire, je brosse d’Anwar le portrait d’un homme intelligent, pragmatique – comme la majorité des flics sans doute – et somme toute assez adulte pour se souvenir que le bien de l’enfant à naître doit passer avant le sien, le leur. Je ne pipe mot de mon jugement cependant. J’estime que le confier outrepasserait mes droits légitimes. J’entends, certes, mais nul ne m’a demandé mon avis sur la question. Je préfère me concentrer sur sa fille qui, enchantée par l’idée d’avoir une cousine, s’imaginera sans doute dans le rôle de la grande sœur au point de réclamer, tôt ou tard, un poupon à sa mère. A moins qu’à l’inverse elle se positionne à travers la jalousie que tous les regardes se tournent désormais sur le nouveau venu. Toutes les options sont possibles, ce n’est pas à exclure. « Bien sûr qu’un rien la distrait. » ai-je confirmé tandis que la serveuse nous apporte frites et sandwich. « Mais, pas assez longtemps pour qu’elle ne réfléchisse pas. Après, rien ne dit que le contraire de ce qu’on s’imagine puisse arriver. Peut-être que ça la confortera dans l’idée qu’elle aime être la seule fille de ses parents. » Sofia nous avait souvent réclamé un compagnon de jeu, mais elle eût aussi sa période où elle le refusait, convaincue que notre cœur – Celui de Sarah et moi – se diviserait en deux. C’était compliqué d’imaginer, pour ma fille, qu’ils étaient bien assez grands pour en contenir à l’infini. « Les enfants, c’est comme dans tout. Il faut savoir être honnête avec eux. » ai-je donc conclu en haussant les épaules et en attaquant mon repas. Je mange à heure décalée. Je meurs de faim, si bien qu’il me semble meilleur que tout autre : le sandwich de ma vie. « Elle est capable de venir avec des outils, oui ! Je me souviens que Sarah avait expliqué à Sofia que pour faire un bébé, il fallait une petite graine. Elle a récupéré une graine dans une pomme et elle a essayé de la faire entrer dans le nombril de sa mère en lui demandant de l’arroser tous les jours. » Et le voile de la peine masque mes traits. Mon regard se perd dans le vide. Mes gestes demeurent en suspens. Je regrette cette évocation. Elle va me poursuivre des jours durant parce que je n’ai plus l’occasion de le partager avec la principale protagoniste, que nous puissions en rire ensemble et ça fait mal. Horriblement mal. Mal au point que je perds le fil de la conversation. Je m’y raccroche de justesse et je saisi qu’elle ne rejette pas la possibilité d’offrir à sa fille un animal de compagnie. « J’aimerais, mais non malheureusement. » Parce qu’un gosse n’est pas l’autre. Parce que nous ne les élevons pas tous de la même façon non plus. « Si ce n’est l’honnêteté. Il n’y a que ça qui marche vraiment. » En tout temps et avec tout le monde d’ailleurs. « Mais, je peux t’aider à trouver un chaton ou un chiot en refuge. » Et, si Talia n’est pas totalement séduite par l’idée – je présume qu’elle s’inquiète de la charge supplémentaire qu’est de procurer de bons soins à une boule de poil – je hoche tout de même de la tête. « Je prendrai les renseignements pour toi. Je te transmettrai s’il y a un dossier administratif à remplir ou un truc du genre. Et, ne rejette pas l’idée trop vite. Il paraît que c’est bon pour les enfants d’avoir leur compagnon. Sarah disait souvent que c’était… une façon de la responsabiliser. » ai-je renchéri, sérieux, parce que si nous n’avons pas toujours été d’accord, Sarah et moi, avons béni notre idée d’adopter Captain. « Et, va pour Avril. Tu auras ça d’ici là. » Et je croque à nouveau – enfin- dans mon sandwich.
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| | | | (#)Lun 15 Juin 2020 - 10:11 | |
| Elle sourit et hoche la tête pour acquiescer. Finalement, la difficulté avec les enfants n'était pas tant de les occuper. Il y avait des dizaines de choses offertes à eux leur permettant d'occuper leurs mains et leur esprit. Cependant, tout le challenge se trouvait dans le fait de devoir les occuper pour un peu plus de quelques minutes. C'était ça, le plus compliqué. Ils se lassaient vite et Maya n'était pas en reste. C'était parfois comme si elle avait peur de louper quelque chose. Comme si, si elle s'attardait un peu trop sur le dessin qu'elle était en train de colorier, elle allait rater une occasion bien meilleure de s'amuser d'une autre façon. Il y avait des weekends où elle semblait inépuisable, mais aussi constamment insatisfaite par tout ce que Talia pouvait bien lui proposer. Un souci que Talia arrivait bien souvent à résoudre par une balade au parc ou un saut à la plage. Le grand air semblait avoir un pouvoir magique, un effet radical sur sa fille qui pouvait passer des heures à jouer avec quasiment rien, alors que quelques heures plus tôt elle semblait mourir d'ennui chez elle avec ses jouer et le jardin à disposition. Talia avait été un peu comme ça aussi quand elle était enfant, satisfaite que lorsqu'elle avait les pieds dans le sable, les vagues s'abattant encore et encore devant elle. "Là est tout le problème. La poupée ça va l'occuper dix minutes puis elle se rendra compte que c'est pas ça un vrai bébé. Mais après comme tu dis, peut-être qu'elle va se rendre compte qu'elle préfère être la seule enfant à la maison." dit elle avant d'ajouter "Elle parle du bébé comme si c'était le messie, mais finalement peut-être qu'elle va vite déchanter quand il se mettra à pleurer juste à côté d'elle." Elle rit légèrement parce qu'elle se dit que ce n'est pas impossible. Maya ne se doutait probablement pas qu'un nouveau né passait le plus clair de son temps à dormir, manger et pleurer. Ce n'était pas quand les prochains mois qu'elle pourrait jouer avec dans le jardin ou au parc et ça, Talia avait l'impression que la fillette ne le réalisait pas forcément du haut de ses quatre ans. Lili hoche la tête une fois de plus quand Amos lui dit qu'il faut être honnête avec les enfants. Elle a encore tout à apprendre de la maternité et elle écoute les conseils d'Amos avec attention. Il y est passé avant elle, il est donc bien placé pour la conseiller et elle a toujours accordé beaucoup d'importance à son avis. "Je note. L'honnêteté est un must, mais faut faire attention aux images qu'on utilise pour expliquer les choses si on ne veut pas la voir débarquer, tournevis à la main pour réparer la machine en panne." Répond-elle. Elle avait encore un peu de temps avant de devoir expliquer en détails à sa fille, qui pour l'heure, à part une excitation palpable pour l'arrivée du nouveau bébé, ne semblait pas avoir de vraies questions.
Cependant, Lili voulait être prête. Elle ne voulait pas être prise de court et l'anticipation était sa meilleure alliée. Elle ne disait pas qu'elle allait adopter une boule de poils demain sur un coup de tête. En revanche, elle était prête à considérer l'idée sérieusement. Ca ne remplaçait pas un enfant, c'était certain, mais pour un enfant de quatre ans, c'était tout aussi excitant. Elle savait que c'était quelque chose qui pourrait plaire à Maya et ça avait commencé à lui trotter doucement dans la tête bien avant qu'Anwar ne lui annonce qu'il allait être de nouveau papa et que Maya n'ait plus que le mot bébé dans la bouche. Si en plus Amos connaissait quelqu'un qui serait capable de la renseigner, c'était presque un signe du destin lui montrant que c'était dans cette direction qu'elle devait se diriger. "Merci c'est gentil ! Je pense que si on adopte un animal ce sera plus un chat qu'un chien. On a un jardin, mais ça ne remplace pas une bonne balade et avec nos emplois du temps, je sais que ce sera compliqué à gérer. Puis Maya a l'air de préférer les chats aussi, alors quitte à lui faire plaisir jusqu'au bout." Maya avait un grand intérêt pour les animaux, mais elle semblait avoir bien plus d'affinité avec les chats qu'avec les chiens qui s'ils se montraient un peu trop brusques ou bruyants avaient tendance à la surprendre et lui faire un peu peur. Le but de la manoeuvre n'étant pas de terroriser la fillette. "Mais je vais sérieusement étudier la question. J'en parlerai à Louis aussi, il a son mot à dire sur la chose. En tout cas, si jamais on se lance je viendrai sonner à ta porte." Lui répond-elle en souriant. Rien n'était décidé pour le moment, mais elle promettait d'y penser en toute objectivité. |
| | | | (#)Mar 16 Juin 2020 - 4:12 | |
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YOU SHALL NOT PASS
L’envie de Sofia lui était passée dès lors que la sœur de Sarah a mis au monde un enfant. En bonne marraine, elle avait proposé de garder son filleul une nuit afin que le couple puisse se retrouver. Je me souviens avoir alors espérer que pouponner lui donnerait envie de rempiler, que nous puissions agrandir la famille selon les désirs de notre gamine et les miens, plus inavoués. Je n’ai jamais brusqué ma femme à ce sujet. J’estimais qu’elle était libre de choisir au même titre que moi. Je me suis rapidement résigné à l’idée que nous n’accueillerions pas de petit garçon autre que mon neveu dès le matin suivant notre BA. Au petit déjeune, miss Taylor s’est plainte d’avoir été réveillée trop souvent dans la nuit et sa mine, réprobatrice, nous aura à tous arraché un grand rire. Le mien était peut-être moins lumineux, faute à la déception. Celui d’aujourd’hui, à l’évocation de ce souvenir, est brossé par la peine de cette perte dont je ne me remettrai jamais. Pourtant, je n’en montre rien. Nous avons bien assez discuté autour des conséquences du drame de mon existence. « Avec les mômes tout est possible. » ai-je rétorqué non sans avoir au préalable avalé la bouchée de mon sandwich. « Autant pour s’éviter les tournevis que pour leur faire de la peine. » Ou en faire des névrosés avant l’heure. Ils auront tout le temps de s’angoisser pour leur responsabilité. Il faut leur laisser l’opportunité d’être des adultes, mais pas trop tôt et sans oublier de les armer. L’ai-je omis, moi ? Je ne saurais dire. J’y pense parfois. Je me fustige et me semonce. Pas aujourd’hui cependant. J’essaie d’accueillir avec plaisir mes souvenirs pour ne pas ternir ce moment d’échange simple avec Talia. Sa bienveillance m’avait manqué. Son franc-parler également et, à plusieurs reprise, j’ai eu envie de l’interrompre pour la remercier de ne pas juger et d’être toujours de si bons conseils. Je ne me le suis pas autorisé cependant. Pas tout de suite. J’ai préféré écouter ses projets pour attendrir sa poupée autrement qu’avec un jouet et j’ai proposé mon aide pour la mettre en relation avec le refuge géré par Molly. Ça ne sera qu’une occasion de plus de la retrouver. J’aime sa compagnie. Elle est vivante, la vétérinaire. Elle est souriante et pétrie de clémence pour tous. Elle porte son cœur au creux de sa main et elle le distribue à qui en voudra bien. Parfois, j’ai peur pour elle. Je crains qu’un fou ne le lui dérobe pour le piétiner. Je m’emploie donc à en prendre soin et à lui rappeler que le monde est injuste parfois. « Elle aura tout ce que tu veux. Chien. Chat. Hamster. Tortue. Vois avec Louis et tiens-moi au courant. » J’attendrai, patiemment. Sur l’instant, je bavasse autour de la pluie et du bon temps en avalant mon repas. Je lui ai piqué une frite ou deux par gourmandise et, quand l’heure de nous quitter à sonner, j’eus la décence de lui souffler. « Merci, Talia. Merci d’avoir été là aujourd’hui. Ta visite m’a fait du bien. » Quoiqu’au départ, ce n’était pas gagné. « N’hésite jamais. Peu importe ce qui t’arrive. » ai-je conclu en la saluant avec pudeur.
Sujet terminé
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