Et étonnamment, il se plie à mes règles. Nous passons, les mains jointes, la porte de ma chambre. Mon antre verte, ma caverne couverte de feuilles entremêlées. Pas de fleurs. Un seul cactus. Des trucs qui tombent du plafond. Ma chambre est toujours très tranquille. Elle n'est pas un lieu de passage. Dans ma commode, il y a un faux-fond, qui capte en partie mon attention. Il pulse assez fort pour me rappeler que bientôt, il faudra que je contacte à nouveau Joseph.

Heureusement, mes pensées sont bien vite détournées par la présence Jordan qui se tient dans la chambre, les yeux bien fermés. Il suit les consignes avec attention. Et, lorsque je tiens l'araignée entre mes doigts, je lui autorise à ouvrir les yeux. Frank se risque à explorer le creux de mes mains de lents mouvements. Son corps est légèrement bleuté. C'est ce qui fait en partie sa beauté. « Oh my god… » Mon sourire ne cesse de croître. Dans ses yeux, je ne trouve aucune peur, et j'en suis plutôt soulagée. Je n'ai pas dit à beaucoup de monde que je possédais une araignée, mais j'imagine que la réaction appropriée serait plutôt la peur qu'autre chose. « Of course you have a spider. Of course you do. » « Ça veut dire quoi, ça ? », que je lance, la mine outrée, mais le visage toujours barré d'un sourire. Doucement, le blond s'installe sur mon lit. Frank s'immobilise. « Where did you steal it? What’s the story being its name? Don’t tell me it’s related to Frank Carter. » Je suis surprise qu'il vienne s'installer à côté de moi avec tant de facilité. Surprise en bien. « Elle est bleue. Comme l'océan. C'est ma couleur préférée. » Mes yeux se détachent de l'araignée pour se planter dans les yeux de Jordan - bleu contre brun. « C'est pour ça que je l'ai appelée Frank. Pour Frank Ocean. Même si, à la base, elle s'appelle Frannie. C'est le surnom que je donnais à Frankenstein quand j'étais petite. »

J'ouvre un peu plus mes mains pour que Frank soit plus libre de ses mouvements. Elle n'est pas très grosse, pour une tarentule. « Tu veux la prendre dans tes mains ? Fais attention, elle déteste qu'on lui souffle dessus. » C'est très sensible, une araignée. Très fragile, aussi. « Elle est gentille. Elle est très calme. Tu me donnes ta main ? Fais moi confiance. » Comme si j'avais besoin de rajouter ces petits mots en plus. « J'aime les araignées parce que ce sont des êtres splendides. Tout le monde en a peur, personne ne veut les voir. Et pourtant, elles sont très utiles à la vie qui nous entoure. Elle ont une vie, elles aussi. » Silencieuse. Parfois, je voudrais être l'une d'elles.

« Ça veut dire quoi, ça ? » Et tu lui donnes pas de réponse à cette question mais le bref sourire sur tes lèvres veut dire que y’a un sous entendu là dessous. Qu’elle ne sait pas. Mais t’enchaines. La laissant dans son incompréhension. She’ll come back to it eventually. T’en es sûr. « Elle est bleue. Comme l'océan. C'est ma couleur préférée. » Et tes yeux qui rencontrent les siens. T’es tout à fait au courant que t’as les yeux bleus. Does it make me your favourite pair of eyes?  « C'est pour ça que je l'ai appelée Frank. Pour Frank Ocean. » « Oh my god. » TU MEURS à chaque fois qu’elle a des trucs liés à la musique comme ça. C’est tellement un truc que tu fais aussi. Why are you like this Murph? You mean, like you?  « Même si, à la base, elle s'appelle Frannie. C'est le surnom que je donnais à Frankenstein quand j'étais petite. » T’as pas vu ce film mais t’en as entendu parler. T’es bien content que sa nouvelle histoire derrière le prénom soit lié à Frank Ocean plutôt que Frankenstein. Tu regardes Frank se déplacer dans les mains de Murph qu’elle a ouvert un peu plus. « Tu veux la prendre dans tes mains ? Fais attention, elle déteste qu'on lui souffle dessus. »

« No thanks. » Tu lui as dit que tu voulais pas toucher quelconque sorte de animal de compagnie. « Elle est gentille. Elle est très calme. Tu me donnes ta main ? Fais moi confiance. » Elle insiste.

« I’m good. » Toi aussi. Tu veux vraiment pas la toucher. La regarder ça te suffit. T’as bien capté qu’elle a parlé de confiance mais ça n’a rien à voir avec elle pour le coup. Tu ne vas pas vers là. T’es pas confortable alors nope. Mais c’est agréable de la regarder elle avec son Frank dans les mains. Elle a une étincelle dans les yeux. It’s pretty. Toi tu scintilles comme ça plutôt quand t’as un Ukulele dans les mains ou un piano.

« J'aime les araignées parce que ce sont des êtres splendides. Tout le monde en a peur, personne ne veut les voir. Et pourtant, elles sont très utiles à la vie qui nous entoure. Elle ont une vie, elles aussi. » T’es presque sûr qu’elle est en train d’argumenter pour que tu changes d’avis mais nope. Ca n’arrivera pas.

« Is Frank really living his life in the jail of your room ? » That was maybe a bit harsh. Mais ça n’en est pas moins la vérité. Il est enfermé ici. Et ton bras qui va se glisser dans son dos. « I feel I have to apologize for what I just said. Don’t want to make you feel bad. You obviously love him a lot. » Ta main se glisse sous son haut sans que tu t’en rendes vraiment compte.

« Oh my god. » Je ne pensais pas que le prénom lui ferait tant d'effet. « My guy pretty like a girl, and he got fight stories to tell... » que je fredonne en souriant. Entre mes mains, Frank semble s'être immobilisé. Je crois que la présence de Jordan l'impressionne. Il n'a pas l'habitude d'avoir de la visite. D'habitude, c'est juste l'araignée et moi. Je ne le montre pas à grand monde, de toute façon; ils en ont peur. Et c'est peut-être ce qui est en train d'arriver à Jordan. « No thanks. » Je persiste, pourtant. Tenir une araignée, c'est toujours un truc un peu impressionnant. Je me souviens de la toute première fois. C'était avec mon père, nous faisions ensemble un stage de sensibilisation comme ils en font des tonnes pour aider les gens à comprendre et à respecter ces animaux méconnus. Les araignées m'ont toujours fasciné.

« I’m good. » Je n'insiste pas plus, me contente de hausser les épaules. Frank s'aventure hors de mes mains. Il vient grimper au dessus de mes doigts, s'aventure sur mon poignets. Lorsque sa patte touche ma jambe, il se ravise pour retourner s'immobiliser sur ma peau. Mes yeux ont quitté ceux de Jordan pour se concentrer sur la petite bête au corps bleuté qui se déplace tranquillement sur le beige de mon épiderme. Je me demande l'effet qu'il ferait, sur les tatouages de Jordan. Un contraste splendide, certainement. « Is Frank really living his life in the jail of your room ? » Mon sourire décroît en une fraction de seconde. Je relève les yeux vers Jordan, un sourcil haussé. Le contact du blond m'est tout de suite moins agréable qu'il ne l'était jusque là. Sa main dans mon dos en devient presque invasive. Et sur ma peau, les grains de chair de poule n'ont plus rien du frisson électrique que Jordan avait fait courir le long de mon échine. « I feel I have to apologize for what I just said. Don’t want to make you feel bad. You obviously love him a lot. » Mes yeux lâchent ceux de Jordan pour se reposer sur Frank, que j'incite à rejoindre les paumes de mes mains.

Avec précaution, je me lève du lit pour aller le reposer dans le vivarium. La tarentule se coule précautionneusement dans sa maison. Avant de retourner près de Jordan, j'attrape notre repas, que je pose sur le lit, derrière nous. La mine un peu boudeuse, j'enroule une mèche de cheveux autour de mes doigts. « Il est heureux, ici. Il n'a rien connu d'autre. Ce n'est pas comme si je l'avais pris dans la nature. » Mes yeux chocolat retrouvent l'océan du regard de mon invité. « C'est pas grave. J'suis pas blessée. » Si. « Heureusement que t'as apporté des sushis. Je te pardonne. », que je dis en plongeant ma main dans le sac. « T'as même jamais eu de chien ou de chat ? Moi j'ai toujours voulu un chat, mais mon père voulait pas. » La distance m'agace, ne me convient plus. Un sushi dans la main, je pousse le sac de l'autre et vient passer une jambe par dessus celles de Jordan, complètement tournée vers lui. « Pourquoi tu veux pas qu'ils te touchent, les animaux ? »

Tu vois bien qu’elle le prend mal. Tu l’as blessé. Tu le sais parce que ça t’a fait mal aussi en le disant. Tu l’as senti passer. D’où tes pseudo excuses qui ont suivi tout de suite. Elle reste silencieuse. Elle se détache. Elle se lève du lit. Elle va reposer Frank dans son vivarium. Tu la regardes faire, te sentant bien con de l’avoir blessé. Elle revient près de toi malgré tout et tu vas poser ta main sur sa cuisse.

« I’m sorry. »

Voilà des vraies excuses. « Il est heureux, ici. Il n'a rien connu d'autre. Ce n'est pas comme si je l'avais pris dans la nature. » Tu sais pas, elle t’a pas répondu quand tu lui as demandé où elle l’avait volé. Elle l’a donc acheté? Ses yeux trouvent les tiens. I’m an ass. I’m sorry. « C'est pas grave. J'suis pas blessée. » Tu n’y crois pas un mot. « Heureusement que t'as apporté des sushis. Je te pardonne. » Mais t’es quand même content qu’elle n’en fasse pas plus état. I hurt her anyway. Mais au fond tu sais que si ça l’a autant blessé c’est parce que c’est la vérité. Elle va cogiter un moment là dessus. Tu le sens. Maybe it will end up in an good thing. Toi aussi t’es en train de te rassurer comme tu peux. Ce n’était que des mots de toute façon. Des mots que tu penses vraiment. Parce que apparemment tu dis le fond de tes pensées en présence de Murphy. La bouffe est en train d’être déballer. Tu la regardes faire. Ta main s’enlevant de sa cuisse pour qu’elle puisse être mieux mise. « T'as même jamais eu de chien ou de chat ? » Tu fais non de la tête. « Moi j'ai toujours voulu un chat, mais mon père voulait pas. » Et qu’elle cherche de nouveau le contact avec toi, et qu’elle le trouve, parce que tu ne la repousses pas du tout. Au contraire. Une main va se poser sur sa jambe qui est sur toi. Tes doigts allant se faufiler dans l’ouverture de son jeans déchiré. Tu veux le contact de sa peau. « Pourquoi tu veux pas qu'ils te touchent, les animaux ? »

« I don’t want anyone to touch me. » Tu marques une brève pause avant de continuer. « You can consider yourself privileged. » Et tu vas choper un sushi de ta main libre.

Okey, ils sont bons, les sushis ramenés par Jordan. J'accepte toutes ses excuses. Je peux me révéler être très rancunière. Mais à l'évidence, Jordan n'a pas fait exprès de dire un truc pareil. Et je sais que Frank est heureux, ici.

Je ne sais pas comment il fait, à vivre sans animaux. Ces petites bêtes sont toutes ma vie. C'est Caelan, qui l'a compris, lui et ses tortues. Elle me manque, cette journée sur la plage. Je me demande si les tortues vivent toujours leur meilleure vie, dans l'océan. Et maintenant, je n'ai plus le temps de travailler au labo. Adieu les tortues. Les doigts de Jordan me tirent de mes rêveries. Je suis presque tentée de me rapprocher encore plus, de me caler contre lui, en prétextant un mal de dos dû à ma position actuelle. Au lieu de ça, je suis absorbée par la contemplation d'un maki au saumon et à l'avocat. Mes yeux ne retrouvent les siens que pour poser cette question qui est peut-être un peu indiscrète. Je ne connais personne qui n'aime pas les animaux. Et je ne connais personne qui ne veuille pas avoir de contacts avec eux. Sans autre forme de procès, j'avale le maki qui trône entre mes doigts. « I don’t want anyone to touch me. » Mon bras retombe doucement sur ma cuisse.« You can consider yourself privileged. »

A nouveau, un sourire surpris fleurit sur mon visage. Pour toute réponse, je me redresse doucement, pour m'installer complètement contre lui. Mes deux jambes encadrent ses hanches. « Maintenant, on partage encore plus de surface. Je me sens privilégiée. » D'un mouvement théâtral, j'envoie mes cheveux derrière mon épaule. L'une de mes mains attrapent son poignet droit, l'immobilisent en l'air. De l'autre main, je m'empare de son sushi, comme si de rien n'était. « Personne rentre dans ma chambre. Tu peux te considérer comme privilégié par rapport à environ cent pour cent de la population de cette ville. Ça fait beaucoup de monde. » C'est vrai, je n'y amène personne, ici. Un rictus collé aux lèvres, je viens ébouriffer ses cheveux blonds. « Tu me dis si j'ai l'air de me sentir un peu trop privilégiée. » Tu me dis, s'il y a des limites au privilège.

Elle s’attendait pas à ça. Tout dans son langage corporel le dit. Elle en a encore beaucoup à découvrir sur toi. Vous avez jamais vraiment pris la peine de discuter tous les deux. Ca n’empêche pas d’en apprendre sur l’un et l’autre petit à petit sans rien brusquer. Pas de awkward date où vous vous dites des trucs bateaux pour remplir la conversation. Pas besoin de ça avec Murph. Tout se fait naturellement. Trop naturellement. Tout comme son changement de position pour être complètement sur toi. A califourchon. Yeah come here gurl. Un sourire en coin se forme sur tes lèvres. « Maintenant, on partage encore plus de surface. Je me sens privilégiée. » Ton bras va se glisser dans son dos et ta main fini sur ses fesses. Comme par hasard. Elle fait sa star. Tu te mords la lèvre. Elle s’empare de ton sushi facilement puisque ton cerveau est occupé à la contempler. « Personne rentre dans ma chambre. Tu peux te considérer comme privilégié par rapport à environ cent pour cent de la population de cette ville. Ça fait beaucoup de monde. » Really? Et elle va te décoiffer. Elle aime trop faire ça. Elle le fait trop souvent. Mais t’en as rien à faire parce que t’es cute quoi qu’il arrive. « Tu me dis si j'ai l'air de me sentir un peu trop privilégiée. » Tes lèvres sont entrouvertes et tu approches ton visage pour aller lui mordre la joue délicatement au début… Puis un coup de dent un peu plus ferme avant de prendre la parole, tes lèvres toujours proches de sa peau.

« So you’re saying… » Tu lui mets un nouveau coup de dent et ton autre bras va s’enrouler autour d’elle. Passant sous son haut de nouveau. « … that… » Tes lèvres qui descendent sur sa mâchoire. Encore quelques coups de dents mélangé à un baiser. « …you never… » Puis son lobe y a droit. « …had sex… » Retour sur la mâchoire. « … in this room ? » Pour finir dans son cou. Ta main remonté dans son dos… Puis tu la passes devant, sur sa poitrine, à même la peau. Et ton coeur qui bat plus fort. Elle va peut être te foutre une claque d’avoir été si entreprenant. It’s ok I’ll like it. You're fucked up.

Il est électrique.
L'air.
Il me semble moins respirable, plus dense. Comme pendant les jours d'orage, durant lesquels il suffit de lever la tête pour s'apercevoir que la tempête guette. J'adore ces jours de pluie, j'adore courir sous les nuages malgré les "fais attention", "tu devrais te mettre à l'abri", "tu vas prendre la foudre". Ces journées là sont toujours chargées d'une drôle de sensation.

C'est une électricité différente, et pourtant semblable, qui plane dans la chambre et écrase mes épaules. Mon palpitant, lui aussi, s'amuse à courir un marathon. Il y a aussi ces pulsations au creux de mon estomac. C'est le truc dont il parle dans les pièces de théâtre et dans les films, j'en suis certaine. Ok, presque certaine. Il n'y a plus rien qui compte, sinon ce qui se trouve dans cette pièce. Je suis persuadée qu'à l'extérieur, le monde s'est arrêté. « So you’re saying… » Et il continue sa phrase, Jordan, sa phrase morcelée qui me fait frissonner. Ses mains provoquent de petites vagues de chair de poule, sur ma peau, comme la houle au bord de l'océan. La houle salée qui emmêle mes cheveux et mord mes sens.

Sa main passe de mon dos à ma poitrine, et mes yeux s'ouvrent en grand alors que je venais de les fermer sans même y prêter attention. Même la lumière n'était plus importante; il vient pourtant de la rallumer. Les frissons ne sont plus agréables. Ils piquent, mordent même. Et comme synchronisé avec l'arrêt de mon souffle, ma main droite s'abat sur sa joue. La gifle semble ranimer le monde d'une secousse, percer la bulle d'un coup net. Le bruit résonne longtemps dans ma tête, alors que je reprends mon souffle. C'est que, dans mon estomac, ça se tord. Ça se tend comme un élastique sur le point de claquer. La sensation de chaleur qui pulse sur ma paume me ramène un peu sur terre, alors que la joue de Jordan vire du blanc au rouge. Mes deux yeux s'ouvrent en grand, alors que la honte se mêle au reste de colère qui subsiste encore, qui me colle à la peau comme l'air marin. « Je- » J'ai oublié ce que j'allais dire. Peut-être qu'il n'y a rien à dire. Est-ce que c'est à moi de m'excuser ? « Désol- Pardo- Excuse-moi. Ce- c'était démesuré. » Et j'ai envie de m'enterrer six pieds sous terre.

Et puis la claque s’abat sur ta joue. Tu l’avais pensé pour rire mais, c’est arrivé. T’enlèves ta main aussitôt de sa poitrine. « Je- » Elle est écarlate. Tout comme toi. A cause de la violence qu’elle a mis à te repousser. « Désol- Pardo- Excuse-moi. Ce- c'était démesuré. » Tu fais non de la tête. T’es écarlate à ton tour mais pas seulement où sa main a fait collision.

« No, I am sorry. I’m very sorry. I thought… I don’t know… I’m sorry. » Tu sais pas où te mettre. Tu pensais pas t’être autant trompé. Ca fait très longtemps que t’as touché personne et t’es en train de te dire que tu sais plus du tout y faire. Tu sais pas d’où vient le problème exactement mais il vient de toi c’est sûr. « I should have asked first. »

Elle est toujours sur tes cuisses cela dit. T’as toujours un bras autour d’elle et ton regard ne se dérobe pas au sien. Tu veux qu’elle puisse lire combien tu es vraiment désolé de ce qu’il vient de se passer. Tu veux vraiment pas la mettre mal à l’aise ou quoi que ce soit. Tu sais pas quoi faire pour qu’elle le comprenne. Tu sais pas si y’a réellement une sorte de confiance qui s’était installé entre vous mais là t’es sûr que t’as tout ruiné. « It won’t happen again. » Première fois de ta vie que cette situation se produit. Tu te sens trop trop con de pas avoir demandé avant de te lancer si loin. Tu as eu trop confiance en toi et une chose est sûr, c’est que t’es plus sûr de rien. Déjà que ça fait bien longtemps que t’as touché personne comme ça. Ca pouvait pas être pire comme « reprise » si on peut dire ça comme ça. On dit que c’est comme le vélo, que ça s’oublie pas, mais visiblement t’as pas été dans la bonne direction. « I’m an ass. »

J'ai merdé. Je me sens idiote. Je me sens stupide, débile, irréfléchie. J'aurais dû communiquer mieux, ne pas agir de la sorte, j'aurais dû le prévenir. J'aurais dû lui faire comprendre, lui expliquer ce petit morceau de moi, lui dire combien ma peau sait se faire frileuse au contact quand je n'en suis pas pleinement et complètement à l'origine - et même quand j'en suis à l'origine. J'aurais dû lui expliquer que parfois, mon corps bouge tout seul, qu'il est incapable de délicatesse et que je m'en mords les doigts une fois que je suis allée trop loin. J'aurais dû lui expliquer que peu importe son comportement, sa gentillesse et sa patience, il n'aurait pas pu gagner un quelconque laisser-passer. Je me sens idiote, alors que je me suis déjà dévoilée à lui à la plage et que je m'en veux d'envoyer des signaux contraires. J'ai l'impression de fuir devant un obstacle qui n'existe même pas. « No, I am sorry. I’m very sorry. I thought… I don’t know… I’m sorry. » Oui, je sais très bien ce que tu as pensé, Jordan. N'importe qui aurait pensé la même chose. La main toujours posée sur mes lèvres et le regard fixe, je détaille le rouge qui grimpe sur sa joue, prenant la place du blanc dû à la gifle. « I should have asked first. » Je ne sais pas ce que tu aurais dû faire, ou ne pas faire, Jordan. Ça ne dépend pas de moi. Même avec ma permission, ma peau aurait pu déclencher les réactions de défense, les mécanismes d'alerte. Je ne peux rien y faire. J'aimerais juste que ça disparaisse seul, que le pare-feu de mon inconscient me cède un peu de liberté de mouvement. Que tout reste simple, comme ça l'a un jour été.

« It won’t happen again. » « Je suis désolée. », que je murmure. « J'ai pas fait exprès. » C'est la pire excuse de la planète Terre. « I’m an ass. » « Non ! Non. » Mes mains se posent en coupe autour de son visage, et je le détaille des yeux un instant, le regard concentré. Sous ma main droite, je sens la chaleur se dégager de sa joue, chaleur qui irradie à cause de la violence de mon geste. « Je suis nulle en communication. J'aurais dû te le dire. » Putain mais- « Enfin, non, du coup, si je suis nulle en communication ça indique que j'aurais pas pu, heu... Tu sais. Te le dire. » Je m'agace. Doucement, je me laisse glisser de ses jambes pour m'installer en tailleur à ses côtés. Occupée à tirer un fil qui dépasse de mon édredon, j'ai arrêté de le regarder dans les yeux. « C'est idiot. Il y a eu la plage. Je vois pas pourquoi ça me dérange. » Si, je vois. C'est difficile à admettre, difficile à expliquer. Je n'ai pas les mots pour le faire, en fait. Mon vocabulaire est limité; ma honte sans bornes. Un réservoir de gêne conséquent, si immense qu'il pourrait alimenter une ville, si on le changeait en électricité. « Je... C'est complexe. Je crois que j'ai besoin d'aller voir un psy. »

« Je suis désolée. » Tu comprends pas pourquoi elle s’excuse encore. Si c’est la claque y’a vraiment pas de soucis. Elle était violente mais t’as kiffé en même temps, t’es trop fucked up. I deserve it. « Non ! Non. » Et elle est toujours là sur toi. Elle est toujours là à te tenir proche, ton visage dans ses mains. Vos yeux qui sont en contact toujours. What’s happening Murph? « Je suis nulle en communication. J'aurais dû te le dire. Enfin, non, du coup, si je suis nulle en communication ça indique que j'aurais pas pu, heu... Tu sais. Te le dire. » Tu te mords la lèvre en la regardant. Elle se défait de toi, tu ne la quittes pas des yeux pour autant. Tu pourrais dire que t’as froid maintenant qu’elle n’est plus sur toi mais la chaleur de ta joue, de ton visage entier, compense bien.  Elle a rompu contact physique et visuel. « C'est idiot. Il y a eu la plage. Je vois pas pourquoi ça me dérange. » Elle se prend grave la tête. Tu comprends que y’a tout un truc là dessous que tu sais pas. « Je... C'est complexe. Je crois que j'ai besoin d'aller voir un psy. »

« I have some addresses if you want. I mean. I am not saying yeah you need to see someone, but if that’s what you want I can give you a few good ones… » Tu te mords la lèvre de nouveau parce que bordel de dieu ce que t’as envie de l’embrasser et la prendre dans tes bras encore.

« You won’t have to worry about me jumping on you again, I mean, except if you do it first but… I… » Tu es toujours bien écarlate aussi Jordan. « I have no problem with not going there… I haven’t been there in years and I… With… I am kind of super nervous so… » T’as aucune idée de ce que t’es en train de dire. Tu fais des phrases sans vraiment réfléchir. Tu prends une grande inspiration comme si ça allait t’aider à faire une phrase qui a du sens.

« I don’t want to make you uncomfortable. » Tu vas poser ta main sur sa jambe parce que apparemment t’arrives pas à ne pas rester en contact avec elle. « I’m sorry. Now I know. » Tu sais pas grand chose parce qu’elle n’a pas l’air de savoir poser des mots sur son mal être mais t’as compris que c’est pas une blague du tout. Tu la prends au sérieux et tu vas pas la pousser à partager plus que ce qu’elle veut. Tu sais que ça sert à rien de faire ça. Les gens disent les choses s’ils le veulent, toi le premier.

C'est nul. Je me sens nulle. J'ai froid, maintenant, par dessus le marché. « I have some addresses if you want. I mean. I am not saying yeah you need to see someone, but if that’s what you want I can give you a few good ones… » J'opine du chef, timidement. Je prendrais l'aide qu'il me faut, je crois, même si c'est difficile à admettre. « J'ai besoin de réfléchir un peu. » Déjà parce que un, je n'ai pas l'argent pour aller voir quelqu'un. Pas depuis que j'achète de la marchandise à Joseph. « You won’t have to worry about me jumping on you again, I mean, except if you do it first but… I… » C'est là que je le retrouve, mon petit sourire, en voyant les joues de Jordan. Mes yeux quittent les siens, alors que je regroupe mes jambes contre moi pour essayer de me maintenir au dessus de la température froide de la pièce. « I have no problem with not going there… I haven’t been there in years and I… With… I am kind of super nervous so… » Je ne sais pas quoi lui répondre. J'imagine que je lui suis simplement reconnaissante de comprendre si facilement. De se confondre en excuses, aussi, alors qu'il n'y est vraiment pour rien du tout.

« I don’t want to make you uncomfortable. » Sa main sur ma jambe me pique un peu, mais je décide de ne pas bouger pour autant. Les bras enroulés autour de mes genoux, je lui lance un petit sourire. Une de mes mains viens rejoindre la sienne, doucement. Mes yeux se fixent sur ce contact, alors que mes paupières battent doucement la mesure. « I’m sorry. Now I know. » C'est avec lenteur que je me dégage, pour plutôt venir m'asseoir juste à côté de lui, cuisse contre cuisse. Ma tête se pose là où elle peut se poser, juste contre son épaule. Lentement, je nous amène à nous allonger en travers de mon lit, sur le dos, la tête tournée vers le plafond de la chambre. « T'es la personne la plus prévenante que j'ai rencontrée depuis que je suis rentrée en Australie. » Je ne me tourne même pas pour le lui dire. Je n'ai même pas besoin de le regarder pour le lui dire. « Merci. D'être comme t'es. »

Hold my hand now, time to
Go to bed it's way too late.