Il avait longtemps hésité avant d’agir ainsi.
Jusqu’à la dernière minute, il avait rejeté l’idée et puis finalement, s’était convaincu qu’il faisait pour le mieux.
Ce n’était pas dans ses habitudes et pourtant, il avait fini par se faire une raison : s’il n’agissait pas immédiatement, Nolan le regretterait amèrement autant que Camil. Aussi préférait-il réparer les pots cassés de par ses actes perpétrés plutôt que de devoir se mordre les doigts d’être resté inactif. Les conséquences pouvaient se révéler désastreuses. Et il avait trop bien étudié la politique et l’aspect de la communication dans une campagne pour savoir que dès lors que les feux des projecteurs s’abattaient sur un politicien, il valait mieux être blanc comme neige.
Il avait déjà tenté de l’expliquer à Camil mais son ami demeurait un dragueur incorrigible et Nolan avait bien compris que le problème numéro un serait là. Celui de lui faire comprendre à cet amoureux de la chair que parfois, il valait mieux remonter la braguette le temps de réaliser ses objectifs. Voir plus. Mais ça, il s’était bien gardé de le dire.
Nolan tenait à ce que la campagne fonctionne et toutes les vérités n’étaient pas forcément bonnes à dire. Agir intelligemment, oui.

Il n’avait pas eu besoin d’engager un détective privé ou autre. Entre la secrétaire dont la langue était bien pendue et Camil qui se vantait un peu trop, Nolan avait eu assez rapidement les informations en tête et qui, il devait voir pour sa mise en garde.
Il n’en avait pas pipé un mot à son ami. Il n’y avait pas besoin et dans ce genre d’affaires, la discrétion était de mise. Faire des esclandres admettrait des vérités bien désastreuses. Aussi, n’était-il pas inquiet.
Il avait été facile d’aller à la réception et de se faire passer pour un chauffeur de taxi et d’en savoir un peu plus. Camil était déjà parti mais la « dame », non, lui avait fait savoir la standardiste.
Trouver le taxi avait été un jeu d’enfant et il en était vraiment surpris. Tout se passait comme sur des roulettes.
Qui était-elle ? Nolan n’en savait rien. Il avait cuisiné son ami avec des allusions aussi indécentes que drôles pour un être aussi séducteur que Camil. Et puis, sincèrement, les comparaisons coquines, les histoires de cul racontées entre hommes avaient une saveur toute particulière. Nolan ne se cachait pas non plus. Il avait été longtemps un cœur assez volage et quand bien même, il était marié et amoureux, parler d’une paire de seins restait toujours plaisant.
Il était un homme et avait ses désirs, ses envies comme bon nombre d’entre eux.

Quand la petite blonde sortit de l’hôtel, Nolan sut immédiatement qu’il s’agissait de la fameuse « dame ». Pourquoi ? Comment ? Il n’en savait rien, il l’avait juste compris alors qu’il était adossé, avec nonchalance, contre la porte du taxi, vêtu richement et attendant qu’elle veuille bien venir.
Il reconnaissait qu’elle avait une assurance dans sa démarche, dans sa posture malgré qu’elle était toute petite.
Elle lui adressa un sourire, tendant la main alors qu’elle lui faisait la remarque qu’il s’agissait de son taxi mais Nolan ne bougea pas d’une once. « Je sais très bien qu’il s’agit de votre taxi. » Lui dit-il avec un sourire bienveillant, la laissant encaisser et forcément, perdre de sa sympathie première. Et puis, elle reprit la parole lui confirmant une chose : elle ne se laissait pas faire.
« Vous avez l’œil. Mais je suis au bon endroit et je ne tiens pas à vous faire perdre votre temps puisqu’indirectement, il est lié au mien. Et je n’ai pas que ça à faire. Néanmoins… » Et il s’écarta pour lui ouvrir la porte, souriant et gentleman. « J’ai besoin de vous parler et autant optimiser notre temps, à tous les deux. Vous regarderez votre compte instagram ou facebook, une autre fois, durant ce trajet. J’ai quelque chose à vous dire. » Bien sûr, il relevait tout un tas de réactions sur le visage de la femme. Il ne savait même pas comment elle s’appelait. Quand il avait compris qu’il s’agissait juste d’un plan cul régulier, Nolan avait appliqué la règle de garder la discrétion en tout genre. On pouvait dire qu’elle était blonde, brune, petite, grande, moche, belle peu importait… Mais l’identité… ça non.
Il y avait des codes à la seule différence qu’il avait juste eu le nom de Camil pour savoir qui avait réservé la chambre et donc, connaître les déplacements de chacun depuis cette nuit.
Il attendait donc qu’elle veuille bien monter pour ensuite faire le tour et s’asseoir à l’arrière avec elle.
« Ma requête est gênante et déplaisante, hélas. Je viens vous voir au sujet d’un ami qui m’est cher. Vous le connaissez extrêmement bien… enfin, disons intimement. Il me parle souvent de vous d’ailleurs… Mais je ne tiens pas à avoir cette conversation au milieu de la foule. Les oreilles sont bien trop grandes au sujet des ragots. »
Tout ce que Nolan espérait, c’est qu’elle comprenne rapidement où il voulait en venir et surtout qu’elle veuille bien prendre ce putain de taxi. Il avait une longue journée à faire. Sa montre Tudor lui avait déjà signifié qu’il était en retard à un rendez-vous mais qu’importe, le jeu en valait la peine.
« Montez, s’il vous plait. Je n’ai jamais mangé personne. » ajouta-t-il avec un sourire poli.

@Raelyn Blackwell

Aussi déplaisante que l’était cette entrevue, Nolan ne se laissait pas démonter, ni se défaire de son propre objectif. Il fallait que Camil redevienne aussi blanc que neige et vierge d’un quelconque péché ou vice. Il en tenait de sa campagne qu’il mènerait. Il avait vu de nombreux politiciens chuter parce que leur vie était passée au crible et qu’il en était ressorti des dossiers assez indésirables.
Au sein d’une Australie encore assez puritaine, il valait mieux adopter une attitude des plus exemplaires. Nolan avait vécu avec cette image-là. Son père avait toujours veillé à montrer l’image d’une famille parfaite. Aussi, il espérait que son ami puisse agir de la même façon : ce n’était pas gagné. D’une part parce qu’il était un séducteur et amoureux de la chair féminine. Et d’autre part, parce qu’il avait affaire à une femme avec un sacré – et très mauvais – caractère.
Ce fut que lorsqu’elle le tutoya, que Nolan songea que ça ne serait pas une partie aisée : elle ne voulait pas monter avec lui, pas prête à écouter ce qu’il avait à lui dire.
Pourtant, Nolan conserva un calme olympien et lui afficha sa requête, pleine de sous-entendus qui, s’il n’avait pas affaire à une idiote, serait compris.
Oui il parlait de ses frasques sexuelles avec Camil.
Et non… Il n’en était pas enchanté, ni ne trouvait de plaisir quelconque à parler d’une telle chose. C’est indécent. Nolan avait bien trop d’éducation pour ce genre de choses. Mais l’objectif final comptait et il prenait sur lui pour ne pas laisser cette effrontée sur le trottoir et se démerder de la publicité peu flatteuse qu’elle risquait d’avoir par la suite, si son nom venait à faire les tabloïds.
Alors, il insista, usa du sourire, d’une patience sans égale et de gentillesse… Ce qui était rare, bien qu’elle ne monta pas dans le taxi, tandis qu’il la regarda taper sur son téléphone.
« Bien. » Dit-il en refermant la porte d’un claquement sec. « Je crois pas avoir souvenir que nous ayons élevé les cochons ensemble mais ma foi… on va s’accommoder d’un tel comportement faquin » Il laissa tomber son sourire. Il pouvait avoir de la patience mais quand on lui manquait de respect, il n’était pas du jour à se laisser démonter. Certes, l’assurance faisait briller le regard de la femme mais jusqu’à preuve du contraire, Nolan n’avait encore, jamais, été impressionné par un être faisant la taille d’un Hobbit.. « Camil ne m’envoie pas. Je ne suis pas son valet ou sa bonniche. En revanche, il me parle de vous et nous allons avoir un petit problème. Enfin nous… Je dirais vous et Camil.. Disons que votre sort m’importe guère au vu de votre impolitesse, en revanche celui de Camil…. »
 Il se tut la dévisageant, se disant qu’il s’agissait d’une requête des plus étranges qu’il avait dû faire de toute son existence. Mais il avait fait des études, il évoluait dans un milieu où il était en permanence confronté à la politique et les messes basses. Nolan reprit aussitôt « Vous êtes vraiment sûre de ne pas vouloir monter à bord de ce taxi ? » Mais il ne lui laissa pas le temps de reprendre, préférant entrer dans le vif du sujet plutôt que de perdre son temps face à une femme qui devait croire que le monde était à ses points, qui avait l’habitude qu’on lui obéisse probablement. Ce qu’il ne supportait pas. Il n’avait pas été forcément agressif, bien sûr il avait évoqué un passé temps sur facebook ou instagram mais après tout, c’est ce que le monde entier faisait. Sa femme le faisait et combien de fois avait-il été de corvée de prise de photos de sa femme afin qu’elle alimente son propre compte. Nolan ne comprenait pas. Il n’avait pas été élevé ainsi. Pour lui, les ordinateurs et les téléphones n’étaient qu’un outil de communication. « Je suppose que vous savez ce que Camil fait dans sa vie ? Vous a-t-il dit qu’il allait se présenter aux prochaines élévations ? Est-ce qu’il a pris le temps de vous expliquer ce que ça allait impliquer ? Chaque concurrent de Camil se fera un plaisir de traquer sa vie privée, de déterrer chacune de ses frasques. Y compris ses fautes, ses péchés. Et… Vous. » Il pouffa d’un rire sans joie durant un bref instant et continua : « Ou toi… Enfin je préfère vous vous vouvoyer, je n’ai pas souvenir d’être votre ami, Mademoiselle. » Il se racla la gorge et reprit aussitôt « Enfin, comme je vous disais… Votre nom sera jeté sur bon nombre de journaux… Vos rendez-vous secrets aussi, alors est-ce vraiment ça que vous voulez ? » Lui dit-il d’une voix étonnement calme et posée. Il ne s’était pas laissé abattre y compris avec son ton condescendant et cassant. Cette fille-là ne l’impressionnait guère. Et dire qu’il la considérait avec bien peu d’égards n’était que la stricte vérité.

Sa voix, sa posture ne trahissaient pas ce qu’il pensait intérieurement, à savoir tout le contraire de ce qu’il disait à cette nana qui le toisait avec un air hautain, le prenant de haut malgré sa taille de hobbit. Elle lui était tout simplement insupportable, aussi peu impressionnée qu’encline à  nouer un dialogue, bien qu’elle n’avait pas encore foutu le camp.
Si véritablement, ses mots ne l’intéressaient pas, pourquoi ne pliait-elle pas bagage ? Aussi peu agréable qu’elle était, Nolan était certain d’avoir captivé son intérêt et ne se gêna pas pour enchérir sur l’objet de sa demande.
Bien entendu, il exposa, avec calme, la situation de Camil et la sienne, indirectement, tout en ignorant la qualification de chien de garde et évitant de répondre. Car après tout, elle ne valait pas mieux, ne méritait pas qu’il s’emmerde à rentrer dans ce genre de dupes. Il était surtout là pour Camil. Et indirectement, s’il s’inquiétait pour la campagne à venir, ses soupçons quant à ce que tout se passe bien, se reliait à elle. Aussi désagréable fut-elle.
Est-ce qu’elle savait à quoi Camil s’engageait ? Probablement que non. Et bien qu’il ignorait de ce qu’elle faisait de sa petite vie à part s’envoyer en l’air dans une relation faites de chairs et de plaisirs, sans lendemain, Nolan se devait de la mettre en garde.
Chacun y risquait gros, y compris Camil. Les rumeurs pouvaient courir si vite – et bientôt, il parlerait en connaissance de cause qui plus est – et détruire des vies. Il en avait vu des tas depuis tout ce temps qu’il bossait à la Mairie. En gravissant les échelons, Nolan avait vu, de ses propres yeux, comment il était facile de se laisser gangréner par la pourriture des âmes humaines déchues, comment les pots de vin pouvaient transformer les hommes les plus intègres en monstre de foire. Et il suffisait que d’une demande pour que la vie de Camil soit exposée, et le nom de cette femme fort – à ses yeux, fort peu – charmante dont il avait affaire.
Elle était tenace, il l’admettait. Parce qu’en dépit des arguments qu’il présentait, d’une voix placide, elle semblait ne pas mesurer les enjeux se présentant à elle.
Bien sûr, elle disait savoir qui était Camil. Bien sûr, dans son milieu, ses histoires de coucherie n’intéressaient personne. Sa remarque fit sourire Nolan. « J’en toucherai deux mots au boss, ouais. » L’affront faisait vibrer sa voix. Et il ne supporterait pas de rester sur place, à essayer de faire entendre une pensée raisonnée à cette femme qui, visiblement et malheureusement, ne l’entendait pas. « Mais si vous savez ce qu’il est, vous savez donc, pertinemment, que les frasques sont ce qui intéressent le plus les personnes avec qui nous évoluons. » Mais l’entendrait-elle ? Non, elle allait certainement croire que c’était ce que LUI avait en intérêt, ce qui n’était pas le cas.

Ceci dit, elle marqua un point en confirmant que tout ceci ne concernait que Camil. Et qu’à priori, c’était le cadet de ses soucis. Une attitude frivole, si elle était découverte, ne ferait pas du bien au politicien. C’était évident. Il suffisait de voir comment les réseaux s’emparaient des ragots. C’était encore plus terrible qu’une paparazzade.
« ça, c’est ce que vous croyez… » Soupira Nolan lorsqu’elle se permit de penser en lieu et place de Camil, non sans le traiter de rottweiler. Nolan se contenta de lever les yeux au ciel. Bon sang, ce qu’elle pouvait être chiante... « Il a, à cœur, cette campagne autant que moi sinon, je ne serais pas là. Si c’est pour que je perde mon temps et que sa réputation s’écroule parce que son plan cul est apparu sur les tabloïds… ça m’ennuierait fortement voyez-vous. Si cela vous importe peu, ça m’est égal. Vous faites ce que vous voulez de vos fesses même si je ne saurais vous conseiller que de descendre de votre tabouret. Vous n’êtes guère impressionnable. » Mais alors pas du tout. A en juger sa posture, elle devait certainement vendre des vêtements. Elle avait tout l’air en cas. « Maintenant, je pense que ça ne sert à rien que je m’évertue à vous parler. Je crois que vous avez condamné mes propos avant même que je ne vous ai expliqué quoi que ce soit… C’est sûr, je le conçois, ma requête est étrange mais vous êtes si loin du compte que je pense que nous pouvons couper court à cette conversation. » Il se contenta d’ouvrir la porte du taxi qui, par miracle, n’était pas encore parti et s’écarta pour la laisser entrer. « Restez donc dans votre ignorance, Mademoiselle. »  Et bonne journée, pouffiasse. Le rottweiler, il t’emmerde. songea-t-il en lui adressant le sourire le plus ironique du monde.
Quoi qu’il en soit, il espérait que ses paroles fassent effet dans le cerveau de cette blonde, si cerveau il y avait… Maintenant, il fallait cuisiner Camil… Ce n’était pas simple tout ça.