| Motus et bouche cousue (ft. Jamie Keynes) |
| | (#)Dim 26 Jan 2020 - 19:21 | |
| Motus et bouche cousue Jamie Keynes n’avait pas la réputation facile. À vrai dire, il l’avait sans doute mérité. Lever la main sur sa compagne avait été méprisable, mais il en avait tout à fait conscience. Ce qui était complexe, c’était qu’il aimait profondément et sincèrement Joanne et Daniel. Et pourtant, il se retrouvait cycliquement au même point mort : en bas de la grande roue, seul, tandis que tous profitaient de la vue et se murmuraient des rumeurs à son sujet. Lola connaissait bien les cascades émotionnelles de Jamie. Bien qu’il n’ait jamais été violent avec elle, gagner sa confiance avait été difficile. Lorsqu’il l’avait appelée, début 2019, pour faire de l’art thérapie, Lola avait hésité. Elle n’avait fait que des ateliers à l’hôpital psychiatrique, dans un cadre structuré et sécurisé. Travailler avec un patient à domicile tenait d’une toute autre dynamique, et c’était un saut vers l’inconnu qu’elle avait finalement décidé d’effectuer. Pourquoi avait-elle accepté ? Parce qu’elle aurait tout donné pour que ses propres parents aient fait un travail sur eux-mêmes au lieu de constamment noircir et ruiner leurs enfants. Même si Patrick et Charlotte, contrairement à elle, s’en étaient toujours très bien sortis dans la vie, Lola savait que les effets étaient là, les marques. Daniel était encore petit. Et tout ce qu’elle pourrait faire pour aider Jamie à être un meilleur père, et un meilleur époux pour Joanne, elle le ferait. Les premières séances avaient été intimidantes. Jamie avait un charisme extraordinaire. Sa maison méritait d’être dans tous les magazines d’Australie. Et ce statut et cette richesse avaient renvoyé Lola à un monde qu’elle avait choisi de laisser derrière elle. Elle s’était sentie rattraper par des détails, des souvenirs. Il avait fallu quelques semaines pour qu’elle apprenne à faire abstraction du contexte et qu’elle se focalise entièrement et uniquement sur l’homme. Jamie lui avait parlé de ses parents, de son frère, de Joanne, de Hannah, de Hassan, de son diagnostic, des médicaments qu’il prenait, de ses accès de colère, de son envie d’indépendance. Et au fil des mois, elle s’était attachée à lui. Elle l’avait trouvé courageux, engagé, combattif. Jusqu’au dernier scandale. Lola avait lu aussi peu que possible dessus, n’avait voulu participer à aucune conversation avec des amis dessus. Il était très clair pour elle que la justice était une chose et que la thérapie en était une autre. Ce n’était pas son rôle d’arbitrer le comportement de Jamie. Son rôle était de l’aider dans sa quête de stabilité et de liberté. Voilà pourquoi elle était chez lui, un dimanche après-midi, en blouse à rayures vives et en sneakers customisées par des dessins cartoonesques. Ils étaient dans la chambre de Jamie, dans l’espace où il peignait. Il y avait deux grandes toiles vides qui les attendaient. Mais d’abord, comme à chaque séance, ils allaient s’asseoir, boire de l’eau ou une infusion ensemble, et parler de la semaine. Ils identifieraient l’incident sur lequel ils voulaient travailler et les émotions que cet incident avait éveillées. Puis, ils cibleraient encore plus en choisissant une émotion en particulier, telle qu’elle existait dans le corps, là, en cet instant précis - et ensuite, une fois qu’ils l'auraient visualisée, ils la peindraient. Lola choisissait de peindre en même temps que le patient, ce qui n’était pas du plus orthodoxe, parce qu’elle avait constaté que cela avait plusieurs effets positifs : cela créait une atmosphère commune de créativité et sérénité ; cela les mettait sur un plan d’égalité, de symétrie et de confiance ; et cela évitait l’envie du patient de peindre en cherchant l’approbation du thérapeute. Ils se mettaient tous les deux à nu visuellement - bien qu’elle ne parlait jamais de sa vie personnelle avec Jamie. Lola but une gorgée de son infusion. « Délicieuse. Gingembre ? » Puis, elle fit un sourire encourageant à Jamie, dénué de toute pitié : ç’aurait été la meilleure manière de le bloquer, elle le savait. « Jamie, je me suis tenue à l’écart des médias car je veux entendre l’histoire avec vos mots à vous, votre perception. Si vous ne voulez pas en traiter aujourd’hui, nous en parlerons lors d’une prochaine séance, mais je vous recommande vivement qu’on commence dès maintenant. Qu’en pensez-vous ? » Elle tenait son carnet de notes et son stylo sur ses genoux, prête sans être crispée. Elle aimait profondément le travail qu’ils faisaient ensemble chaque semaine, et elle avait confiance en la capacité de Jamie pour grandir et s’épanouir. @Jamie Keynes |
| | | | (#)Mer 5 Fév 2020 - 23:05 | |
| La vie s'est sensiblement ralentie. Ne plus avoir d'emploi joue, forcément. Et pourtant, jamais la tempête ne m'a semblée aussi ravageuse à l'extérieur des murs de la maison ; pluies d'insultes et vents violents en direction de Jamie Keynes, anomalie météorologique au milieu de Brisbane. Néanmoins, je ne peux pas affirmer que le foyer me rassure, me réconforte ; il m'oppresse et m'enferme dans un insupportable statisme. C'est peut-être la colère et la déception de Joanne dans l'air, ma honte imprégnée dans les murs, la peur d'ouvrir la porte et de se confronter au monde. Me montrer en public est exclus. D'une certaine manière, tant que l'opinion publique sera enragée à mon sujet, je n'ai pas non plus le droit d'aspirer à un minimum de normalité. En attendant qu'on me juge jusqu'à plus de souffle ni encre, la vie est sur pause. Dire que ma femme me reprochait régulièrement de ne pas prendre de vacances, l'ironie ferait presque pleurer. Le soudain vide de mon emploi du temps me laisse amplement le temps de tourner en rond, mais surtout de peindre. Depuis toujours la pointe du pinceau est le catalyseur de prédilection de mes émotions, et la couleur, leur meilleur traducteur. Ce pourquoi il m’a toujours semblé plus difficile de laisser aller ma créativité lorsque je suis sous médication, entre autres frustrations que les cachetons provoquent. Cependant, ils sont mes meilleurs alliés depuis l’éclatement du scandale, et je ne voudrais pas imaginer au fin fond de quel puits émotionnel je m’écraserais actuellement sans leur présence pour amortir la chute. Je continue également de faire appel à Lola. Il a toujours été clair que les psychanalyses à l’hôpital, en tête à tête avec un professionnel ou, pire, en session de groupe, n’étaient pas une solution pour moi. Après des mois à me plier à l’exercice, j’ai déserté l’un et l’autre. N’avoir personne avec qui m’ouvrir au sujet de ce trouble n’étant pas une option non plus, la solution fut toute trouvée lorsque j’entendis parler de thérapie par l’art -chose qui me parut totalement saugrenu et stupide sur le moment, jusqu’à ce que l’idée fasse son chemin dans mon esprit. Il n'eût fallu qu’une séance pour me convaincre que cette formule était celle qui me fallait, quand bien même il n’était pas facile pour moi de m’ouvrir. Il faut dire que mettre des mots sur mes émotions n’a jamais été mon fort, n’ayant jamais été encouragé à les exprimer dans le cadre familial britannique. Et depuis que le diagnostic est tombé pour mon cas, admettre cette faiblesse, comme un défaut de conception, me coûte à chaque fois énormément. Jamais n’aurais-je pensé croiser la route de qui que ce soit de capable de comprendre ce que cela me fait traverser, jusqu’à ce que la jeune femme, à force de patience, se montre également particulièrement compréhensive de ces hauts très hauts, de ces bas très bas, et de toutes les nuances de trop plein d’émotion qui m’habitent. Parler n’est plus une corvée en sa présence, quoi qu’encore une épreuve -de celles que l’on souhaite braver afin de se sentir capable. Cette séance allait être différente, j’en avais conscience au moment où Lola avait passé la porte. Mais elle ne brusque pas, non, jamais. Elle installe une atmosphère de confiance et de sérénité par sa seule manière de s’installer assise ou de tenir sa tasse de thé. "Gingembre." j’acquiesce avec un sourire, terminant d’installer le second chevalet. Je n’aurais pensé que peindre aux côtés de quelqu’un me soit un jour possible sans complètement court-circuiter mon propre processus créatif ; j’ai toujours été réticent à montrer mes tableaux à qui que ce soit, et exposer est totalement exclus. Pourtant, la présence de Lola ne me gêne en rien, au contraire. Au final, il me serait moins agréable d’exprimer chaque émotion explorée sous le regard passif d’un thérapeute. Lorsque le tout est en place, je m’assieds face à la jeune femme et sirote une gorgée à mon tour. Tandis qu’elle aborde avec délicatesse le sujet qui fâche, je retiens surtout sa délicate attention de me laisser assez de bénéfice du doute pour ne pas se présenter chez moi avec une opinion toute arrêtée par le traitement médiatique. Mon propre récit de la situation ne donnera pas un résultat différent que celui qui se transmet à l’extérieur, mais au moins, une personne écoutera. "Vous avez sûrement raison." je souffle, un brin résigné, mais déterminé à ne pas me cacher derrière une excuse pour éviter d’affronter cette conversation. C’est une pression que j’ai besoin de décharger, et il vaut mieux pour tout le monde que j’attaque le morceau immédiatement. L’éviter ne ferait qu’empirer les choses. Je cherche alors par où débuter. Lola sait bien des choses à mon sujet, ce qui a l’avantage de m’éviter redites et longs récits qui seraient nécessaires afin de saisir tous les tenants et les aboutissants du résultat que l’on connaît. "C'est arrivé quand Joanne et moi étions séparés, après le jugement pour violences conjugales. Je pensais qu'il n'y avait plus la moindre chance pour nous, alors j'allais voir ailleurs. Ça me permettait de me sentir moins misérable." Je n’étais pas en quête d’une nouvelle romance, d’une histoire sérieuse pour remplacer celle qui venait de faner. Batifoler était ma manière d’en faire le deuil tout en flattant mon orgueil du reflet brillant des femmes en question. "Et un soir, on me présente Mina. Elle avait vingt-et-un, vingt-deux ans, à ce moment-là. Elle ne manquait pas de volonté, d'ambition. Elle était belle, bien sûr. Une chose en amène une autre, et je…” La phrase s'essouffle. Ce n’est pas d’admettre mes actions qui me pose problème ; c’est de revivre cette soirée, encore et encore, à chaque fois que je la narre, autant à haute voix que dans un coin de ma tête. “Je ne sais pas pourquoi, entre les lignes, je finis par lui faire comprendre que si nous passons la nuit ensemble, cela pourrait lui assurer un article dans le magazine." Mina avait pour objectif de sortir de l’ombre de son père et se faire un nom par elle-même qui serait autant respecté. Elle courait également après la célébrité, en quête d’admiration. Apparaître dans une revue masculine aurait été la première pierre de l’édifice consistant à prouver à ces messieurs qu’elle n’était pas dans le coin pour enfiler des perles. Un espoir déçu. "Je n'ai jamais tenu cet engagement, je confesse. Ça ne me semblait pas bien grave. On se fait tous rouler dans la farine à un moment ou à un autre, non ?" Pas Mina. Et je n’ai écouté ni ses réclamations, ni ses menaces, et lorsque j’ai souhaité tenir parole après que Joanne m’ait rapporté sa visite chez nous, il était trop tard. Le mal était fait. Je soupire, hausse les épaules. Rien ne changera tout ceci. Cette affaire est désormais éternelle dans les méandres d’internet. Je la traînerais avec moi comme un boulet à mon pied pendant des dizaines d’années de ma vie. "Je crois que je n’avais pas réalisé que c'en est terminé de l'époque où les femmes ne pouvaient s'en prendre qu'à elles-mêmes de croire que coucher était la meilleure solution pour avoir du succès, et de ne rien obtenir du tout." Il y avait eu de nombreuses générations d’hommes avant moi pour installer cette perception aux deux sexes, mais je ne suis pas coupable de cela. Je vois plutôt mon cas comme un bluff durant une partie de poker qui, finalement, tourne mal. "Je ne l'ai forcée à rien du tout, qu'on soit d'accord, je reprends, tenant à éclaircir ce point que de nombreuses personnes omettent ou refusent de croire. J'ai abusé de sa naïveté, oui. Je ne m'en rendais pas compte à l'époque, mais c'est le cas. Mais ce n'est pas de ma faute si elle a été assez vénale pour accepter de se rabaisser à ça. Elle a vendu sa dignité, elle devrait être crucifiée au même titre que moi." Cependant, en 2020, l’homme blanc riche est le nouvel ennemi numéro un de la société, l’espèce à abattre, au même titre que la royauté du temps de la Révolution. |
| | | | (#)Dim 9 Fév 2020 - 17:44 | |
| Motus et bouche cousue Ce qui était intéressant avec Jamie, c'est qu'il tenait des propos complètement opposés à certaines valeurs de Lola. Il avait une vision des femmes, du respect envers autrui, de l'honnêteté, de l'argent, du pouvoir, qui détonnait complètement avec sa façon à elle de voir le monde. Et pourtant, dans le cadre de leur travail, elle n'essayait pas de le faire changer d'avis, de le rallier à ses convictions. Elle n'était pas là pour débattre, pour faire de lui un allié à la cause #metoo envers et contre tout. Ce qui était intéressant, donc, avec Jamie, c'est qu'elle allait au plus profond de sa vocation, au coeur même de ce qui l'avait poussée vers la psychologie : entrer dans la sacro-sainte âme humaine, qu'elle soit similaire ou différente, noire ou blanche, à travers les nuances, les vérités, des aperçus d'univers parallèle dans lesquels elle ne serait autrement jamais entrée. Et tout ce qu'il racontait de l'affaire médiatique avec Mina ne faisait que confirmer cela. On était à mille lieux de quelque chose que Lola aurait pu faire, et dans un autre contexte, le récit l'aurait faite frissonner. Ca tenait du thriller psychologique, du film d'horreur des temps modernes. Et pourtant, Lola sentait son coeur se serrer à l'idée que Jamie se soit encore mis dans une situation pareille. Elle le laissa tout raconter, ne voulant pas intervenir, colorer les choses d'une autre façon, perturber le fil du récit. " J'entends de la colère, une certaine frustration, un sentiment d'injustice. Est-ce que c'est le cas ? Si oui, où est-ce que vous les éprouvez dans votre corps ?" Elle but une gorgée de tisane au gingembre. C'était si bon. Elle se sentait si sereine. " Est-ce qu'il y a aussi de la honte ? A ne pas confondre avec la culpabilité, je me permets de revenir dessus car je sais que la différence est délicate. La culpabilité est le sentiment qu'on a failli à ses propres valeurs, et je ne crois pas que ce soit le cas ici, mais peut-être que je me trompe. La honte, c'est la peur d'avoir enfreint aux règles du groupe, et d'en être exclu à cause de ça. Ce serait, ici, normal, au vu des conséquences que cette histoire a eue tant d'un point de vue professionnel que, j'imagine, personnel." Elle lui laissa le temps de réfléchir à cela, et tourna le regard vers les chevalets, s'imaginant déjà les couleurs qui allaient apparaître. Elle se sentait prise de bleu et rose, avec des souvenirs de toiles de Picasso qui lui revenaient - des reproductions, car elle n'avait jamais vu les vraies. " Je me demande s'il y a aussi de la tristesse, une forme de deuil. Car vous avez beaucoup perdu récemment, alors que tout était plutôt stable depuis un certain temps. Ce qui pourrait également entraîner de la peur de se sentir manquer de contrôle, d'être comme le héros tragique : impuissant face au destin. Est-ce que ça vous parle ?" Lola listait ainsi toutes les émotions qui pouvaient être là, non pas pour rendre les choses encore plus difficiles à Jamie, bien au contraire, mais parce qu'il fallait mettre des mots sur les bouleversements émotionnels pour espérer les maîtriser, les amadouer, les connaître et s'en servir plutôt que de les laisser tout détruire sur leur passage. Il fallait apaiser là où ça faisait mal, panser les blessures. Comme un animal qui lècherait une paie pour qu'elle cicatrise lentement. Lola étudia le visage de Jamie et se dit, une fois de plus, que sa beauté et son charisme étaient impressionnants, intimidants, et qu'elle n'aurait su comment réagir si elle l'avait rencontré dans un autre contexte. Il tenait du demi-dieu, de la figure mythologique, et cela, il en avait probablement conscience. Ce n'était pas à elle de l'encourager dans cette mégalomanie, dans cette confiance. Ce n'était pas non plus à elle de détruire cette assurance, car elle était porteuse, aussi, et il devait de grands succès à cette capacité de se sentir chez lui partout où il allait. " De toutes ces émotions, j'aimerais que vous en choisissiez une, celle que vous sentez la plus présente dans votre corps. Pas dans le cerveau, Jamie", se permit-elle de rajouter, car elle savait comment il intellectualisait, comment ses pensées allaient plus vite que tout. " Est-ce que vous pourriez décrire comment vous la ressentez ? Est-ce que c'est aigü ? Est-ce que c'est là tout le temps ou par vagues ? Qu'est-ce que ça vous donne envie de faire instinctivement ?" Souvent, la colère poussait à détruire, la honte poussait à se cacher, la peur à fuir, et la tristesse à se renfermer sur soi. Quel que soit l'instinct, ce serait à eux de le déconstruire pour éviter que l'incident récent ne se propage comme une épidémie dans toute l'existence de Jamie. Il fallait le maintenir la tête hors de l'eau pour qu'il puisse reconstruire les morceaux éparpillés du puzzle. Et Lola avait une confiance entière en leur capacité à tous les deux de faire ce travail ensemble. @Jamie Keynes |
| | | | (#)Jeu 20 Fév 2020 - 17:27 | |
| Pas de jugement. Lola, impassible, ne s’offusque pas. Son regard est calme, sa posture sereine. Elle conserve le silence, le temps de siroter une gorgée de thé. Pas de morale, pas d’esclandre. Elle le pourrait, et je ne doute pas qu’elle le ferait dans un autre cadre. Mais non, Lola écoute, note, et avec une rare empathie, étudie la situation selon la perspective qui lui est livrée -aucune autre. Sa manière de souvent tomber juste dans son décryptage des émotions qui transparaissent dans mes paroles a le don de m’épater. Si j’avais cette même capacité au quotidien, les choses seraient sûrement plus simples ; mais si cela était le cas, je n’aurais pas besoin de sa présence ici. Elle lit entre les lignes, au delà des mots, tout ce qui se cache sous un simple récit. Et je dois dire qu’il est doux pour mes oreilles de ne pas subir des énièmes réprimandes au sujet de cette affaire. Chacun y va de son avis, de son jugement, et moi, je n’ai d’autre choix que de me taire, baisser les yeux, prendre les coups. Alors mon coeur est un peu plus léger, de simplement donner mon point de vue sans obtenir de réaction viscérale après coup. "J'essaye de ne pas penser à la colère, dis-je en haussant les épaules. C'est une émotion qui a déjà fait bien assez de dégâts." Je l’étouffe et détourne le regard de ce volcan qui menace continuellement d’exploser. Je ravale la rage, la brûlure dans mon estomac, la fièvre qui me ferait perdre pieds. Je ne peux risquer d’accepter pareil sentiment et m’en prendre à nouveau à Joanne, ni à moi-même. Cela sait, à mes yeux, bien pire que cette histoire avec Mina. Un pas de travers, un coup de sang incontrôlé, et je perdrais à nouveau à ma famille. Tout ne tient déjà qu’à un fil. "Bien sûr que j'ai honte. Mais je crois que la culpabilité est pire encore." je reprends, contredisant l’intuition de Lola pour une fois. J’entends encore les paroles de Joanne me rappelant à l’homme que j’ai toujours prétendu être, droit, honnête et à la parole sacrée. Ce sont ces valeurs que j’ai trahies. L’exclusion, elle, est une réalité depuis l’affaire des violences conjugales, et n’a plus rien pour m’effrayer désormais. Même perdre mon travail n’est pas grand-chose en comparaison de celle de l’estime de Joanne. La déception dans son regard est ma plus grande punition. "Je n'aurais jamais pensé être le genre de personne à faire ce genre de chose. J'ai toujours dit que je n'ai qu'une seule parole, et je fais toujours de mon mieux pour tenir mes engagements. Mais le pire, c'est que je ne comprends même pas pourquoi j'ai fait cette promesse à Mina ce soir-là, d'où m'est venu cette démarche. C'est le genre de comportement que mon père aurait eu." Edward Keynes, tristement célèbre pour ses frasques ayant régulièrement fait du tort à ma mère. J’ai passé mon enfance sous la lumière de ses scandales. J’ai perdu mon frère à cause de ce comportement. Et rien de tout ceci ne m’a empêché de le reproduire à mon tour. "J'ai surtout l'impression qu'il y a une forme de fatalité." dis-je, lâchant un lourd soupir. L’idée reprend bien sûr le sentiment d’impuissance décrit par Lola, cependant, je n’ai rien du héros de l’histoire. "Que, quoi que je fasse, je finirais comme mon père." Mon deuil est celui de l’illusion de parvenir à échapper à l’éternel schéma familial, d’être différent, et de le faire croire à Joanne. Un mirage dont je n’ai jamais tout à fait réussi à nous bercer, la réalité nous rattrapant à chaque fois. Avant de me plonger dans les sensations allant de paire avec tout ce que je ressens, j’apaise mes tensions intérieures avec une grande gorgée de thé chaud. Mettre des mots sur ces éléments est le plus difficile des exercices pour moi, et Lola le sait si bien qu’elle anticipe mon habitude de tout cérébraliser. Les faits ont quelque chose de rassurant. Lâcher prise, partir en introspection, éveille certaines peurs. "C'est omniprésent, je souffle. C'est une sensation… de dégoût. C'est amer. Ça me retourne l'estomac. Ça me donne des vertiges." L’oppression de cette soupe de sensations est comme une maladie contre laquelle mon corps entier se débat. Une fièvre, un rejet. "J'ai envie de rester terré ici en attendant qu'on m'oublie. De disparaître, et…" La phrase se meurt. Je m’interromps avant d’être catalogué parmi les suicidaires. Mes différentes atteintes à mon intégrité physique datent de quelques années maintenant ; elles étaient, avant la médication et avant la thérapie, mon unique moyen d’extérioriser. Je ne compte pas retomber dans ce travers, et encore moins m’ôter la vie, mais impossible de savoir si Lola peut saisir la nuance entre ce besoin d’être invisible et l’envie de le rejoindre. "J'ai du mal à croire qu'il y a encore une possibilité de vie normale après ça." Mon regard se baisse. J’ai bien du mal à réunir le courage nécessaire à une nouvelle exposition médiatique. Pourtant il est question d’assumer les conséquences de mes actes, une légitime soif de justice de la part du public qui l’exerce via le lynchage. Je portais déjà l’étiquette de l’époux violent, avant ça. L’accumulation avec les récents événements semble m’enterrer définitivement. "Et je doute que Joanne soit capable de me pardonner un jour." |
| | | | (#)Sam 22 Fév 2020 - 20:40 | |
| Motus et bouche cousue Il est si tentant de porter des jugements péremptoires sur tout ce qui nous entoure. Cette femme est facile ; cette tenue n'est plus à la mode ; ne pas voter est irresponsable. Nous percevons ce qui nous entoure avec le prisme de notre subjectivité, et nous les filtrons à travers ce que nous connaissons, ce que nous avons vécu. Lola avait besoin de toujours garder cela en tête lorsqu'elle travaillait avec des patients. Elle ne pouvait pas se contenter d'être elle-même en leur présence ; elle devait être à la fois plus et moins que ça, se dissoudre dans l'anonymat, la neutralité, comme une collectivité maternante, tout en fusionnant assez avec le patient pour ressentir les incidents comme eux, pousser l'empathie jusqu'à voir les scènes à travers leur point de vue, pour en ressortir et les aider. C'était un jeu de mime, et tout y jouait : pas seulement les mots que prononçait Jamie, mais aussi son langage corporel, sa façon de baisser les yeux, de se recroqueviller sur lui-même bien plus qu'à l'accoutumée. Lola voyait sa souffrance et son coeur se serrait, et elle prêtait toute son attention à être là, juste là, au plus près de ce qu'il vivait, pour l'aider à dénouer le piège dans lequel il s'était fourré lui-même. Elle nota dans un coin de sa tête qu'ils devraient revenir sur la colère, car ce n'était pas en la niant ou l'évitant qu'il parviendrait à la canalyser : au contraire, c'était justement par ces techniques d'évitement qu'elle revenait aux moments les plus inattendus et problématiques. Mais ce serait plus tard. Car Jamie axait leur séance sur l'émotion à laquelle Lola se serait le moins attendue, le connaissant : la culpabilité. Lui qui était si droit dans ses bottes, si conscient de lui-même, malgré ses moments d'égarement, lui qui était moteur de sa vie au point de déplacer des montagnes, il sentait qu'il avait trahi ses propres valeurs et principes, et il s'en retrouvait détruit. L'image de lui-même devait être brisée, et c'était un danger qui pouvait mener jusqu'à l'auto-destruction, comme il l'évoquait à demi-mots, sans trop oser, comme s'il avait peur que Lola interprète de travers. Tout ce qu'il disait sentait l'enfermement, la sensation d'être dans une cage, au regard de tous, alors qu'on voudrait s'estomper, disparaître dans un brouillard épais où on se reconstruirait en léchant ses blessures. Loin de tous, sauf de Joanne. Comment sauver sa relation déjà si fragile avec Joanne ? Comment la convaincre qu'il était toujours le même homme, même s'il avait failli à son intégrité ? Que c'était une erreur qui ne se reproduirait plus ? " Je sais qu'entendre cela, surtout maintenant, sera peut-être inconfortable pour vous, Jamie, mais sachez que vous avez fait énormément de progrès sur localiser et décrire l'émotion dans votre corps, et que cela vous aidera énormément au fur et à mesure à vous contrôler, lorsque vous sentez que ça déborde." Lola lui adressa un sourire encourageant : ce qu'elle lui disait était complètement sincère et dénué de toute forme de pitié ; elle était fière du trajet qu'il avait accompli, et elle voyait ce que lui ne pouvait pas encore percevoir : de l'espoir. " J'aimerais qu'on peigne aujourd'hui ce vertige, qui tient aussi de la disparition, de la mort, de l'impression que tout s'effondre et que votre identité, votre mariage, vos repères, s'écroulent avec. Mais j'aimerais que vous gardiez en tête la notion d'enfermement." Elle chercha les mots pour lui expliquer. Il ne s'agissait pas d'une incarcération aussi évidente que la prison, que la claustrophobie, ou que la mélancolie. Il y avait ici une mécanique de l'échec, de l'auto-sabotage, qui revenait sans arrêt dans la vie de Jamie. Comme s'il cherchait à se punir, à s'empêcher d'être heureux, coûte que coûte. Dès que le navire revenait à la surface, il courait crever le plancher pour se noyer. " Si tout est toujours pareil, s'il n'y a aucune chance de s'en sortir, de faire mieux, d'être la personne qu'on espère être, alors à quoi bon ? C'est de cet enfermement là que je parle, de ce manque de lumière, qui survient à des moments de crise où on perd de vue le chemin, et le fait qu'on finira toujours par retrouver pied." Lola savait que ce qu'elle demandait à Jamie était extrêmement difficile. Elle exigeait de lui qu'il se confronte à ses plus grandes peurs et à sa détresse actuelle, entre passé, présent et futur, qu'il regarde tout cela en face, le ressente dans son estomac, ses tripes, son coeur, son âme, et qu'il peigne, qu'il laissa sa main guider le pinceau à travers la palette et la toile, pour s'en libérer peu à peu. Il fallait qu'il se tienne dans l'extrême obscurité pour en sortir, il n'y avait pas d'autre chemin. Mais Lola serait là à chaque étape, et s'il craquait, elle le ramènerait doucement à lui. En revanche, s'il n'y allait pas corps et âme, s'il se protégeait pour ne pas tout éprouver, le processus de guérison ne pourrait pas marcher, et il resterait coincé dans son cercle vicieux... au moins jusqu'à la séance suivante, où il aurait une nouvelle chance d'avancer. C'est parce qu'elle était consciente de tout ce poids que Lola demanda doucement : " Est-ce que vous êtes d'accord pour essayer ça ?" Elle se leva et fit un pas vers le chevalet, mais dans le calme, dans la patience, en se tournant vers lui, car ce serait à lui de montrer le mouvement, de décider s'il se lançait dans cette aventure avec elle ou pas. Le regard de Lola rencontra celui de Jamie et elle lui transmit tout le courage dont elle le savait capable. @Jamie Keynes |
| | | | (#)Jeu 19 Mar 2020 - 16:55 | |
| Des compliments sont bien la dernière chose à laquelle je pouvais m’attendre de ce début de séance. Etant donné les circonstances, il était déjà miraculeux que Lola parvienne à s’asseoir face à moi et garder ses opinions pour elle seule -qui, je n’en doute pas, vont dans le sens du blâme général qui se pose sur moi. C’était professionnel de sa part. Au delà de ça, la douceur et la bienveillance avec laquelle la jeune femme prend tout de même le temps de me démontrer les progrès qui ont été faits depuis le début de cette thérapie me font véritablement chaud au coeur. Lorsque le diagnostic est tombé, il y a quelques années, et que les déboires se sont enchaînées depuis, à la lumière de ce trouble, j’ai véritablement cru être une cause perdue. Je suis passé par tous les états, dans ce voyage ; du rejet de toutes les mains tendues à la certitude que personne ne parviendrait à m’aider, de la résignation à la colère, puis l’espoir de parvenir un jour à être plus maître de mes émotions qu’elles ne le sont de moi. Un voyage qui a des allures de cycle, un éternel recommencement. Un pas en avant, deux pas en arrière, telle est mon impression à chaque fois que ma garde se baisse, que je me laisse submerger et me renferme. Puis je me remets sur pieds pour recommencer à gravir cette montagne, encore et encore, Sisyphe de ma propre histoire. “C’est sûrement ce qu’on m’a dit de plus gentil dernièrement, alors je prends volontiers.” je rétorque avec un sourire caustique. Les compliments sont loin d’être légion en ce moment, et cela atteint très sérieusement mon amour propre. Personne ne peut rester indifférent lorsque l’opinion publique vous montre du doigt en vous traitant de monstre, quand tout le village est à votre porte, torches et fourches en main. Mais l’avis d’une personne peut parfois faire la différence, et les mots de Lola ont au moins l’avantage de me faire garder un peu d’espoir concernant mon cas. Définitivement, quand je me remettrais en quête d’un travail, un beau jour peut-être, je pourrais ajouter deux lignes à mon c.v parmi mes meilleures qualités : maître dans l’art de s’auto-saboter et de décrire une émotion.
Pour en venir au concret, les objectifs du jour sont énoncés, les sensations à coucher sur la toile. Immédiatement, les paroles de Lola qui décortique de bout à bout tout ce qui se trame dans ma tête m’inspirent et bien des idées me traversent l’esprit. Des idées qui cérébralisent les émotions, qui leur donnent des formes trop précises, une narration, et que je fais taire. Après tout l’exercice ne consiste pas à trouver le meilleur moyen de représenter un état d’esprit, mais de s’y plonger, de l’explorer et de faire du pinceau de conducteur des sensations, des pensées, entre le fort intérieur et le monde réel. Et l’émotion qu’appelle Lola n’est non seulement pas la plus plaisante, mais surtout pas la plus simple. Accepter d’être aussi longtemps et consciemment confronté à cette peur de ne jamais s’en sortir, de ne pas parvenir à semer la part d’ombre en soi, et la dompter. Y penser suffit à me mettre l’estomac au bord des lèvres. J’inspire, temporise. “C’est pas aujourd’hui qu’on peindra des marguerites, hm ?” Pas aujourd’hui, ni demain. Ce n’est même pas mon genre dans les bons jours. “Allez, haut les coeurs.” Une tape sur mes cuisses et je me donne l’élan pour me transférer du siège au tabouret devant ma toile. Bien que cela fasse un an maintenant que ces séances ont lieu de manière régulière, peindre devant et avec quelqu’un d’autre dans la pièce est encore quelque chose d’étrange qui laisse planer quelques minutes de malaise, le temps que la machine se mette en route et que le travail me pousse à en faire abstraction.
Le choix des couleurs est une première étape qui, comme on trempe les orteils dans l’eau avant de sauter dans la piscine, permet de doucement s’imprégner de l’émotion à explorer. Rien n’est anodin, mais rien ne doit être trop réfléchi. C’est l’instinct qui parle, c’est les tripes qui choisissent plus que la tête. Rien n’a besoin d’aller ensemble, rien n’a besoin d’être beau. Le résultat n’est pas plus important que le voyage, l'introspection. Ce n’est pas quelque chose de facile à comprendre, au départ ; le lâcher prise a nécessité bien des séances avant que la démarche devienne aussi naturelle. Le choix se porte sur le bleu. Le ciel, la liberté, l’apaisement, les yeux de Joanne. Du cobalt, plus profond, plus obscur. Un peu de noir, un peu de blanc. Ma main s’empare finalement du rouge, le pinceau le travaille vers ce bordeaux qui inaugure le tableau. C’est la politique de la terre brûlée qui persiste sur mon chemin, la destruction systématique, la colère muette. “Est-ce que vous vous êtes déjà déçue vous-même à ce point, un jour ?” je demande à Lola, armée à son tour, peut-être pour me sentir moins seul à être capable de se déprécier jusqu’à ne plus pouvoir vivre avec soi-même, jusqu’à être éreinté de penser, de ressentir. Ou pour détourner mon attention du lourd silence qui s’est installé et, faisant écho à toutes les terreurs qui m’habitent, qui me font sentir isolé, renforcent cette impression de peindre avec les pieds au bord du vide.
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| | | | (#)Sam 28 Mar 2020 - 17:54 | |
| "C’est sûrement ce qu’on m’a dit de plus gentil dernièrement, alors je prends volontiers." Lola acquiesça tout en maintenant un sourire bienveillant. L'instinct dont elle devait se préserver était celui de faire le travail à la place de l'autre, l'envie d'apporter du bonheur. Une thérapeute n'est pas là pour vous faire une injection d'espoir et de papillons ; elle était là pour vous faire poser les bonnes questions, pour regarder le tableau chaotique de votre vie et y trouver des schémas, du sens, pour mieux la mener. Malgré les envies de théoriser sur ce qui avait poussé Jamie à tout détruire, malgré les envies de lui donner des conseils précis pour la suite, notamment sur sa relation avec Joanne, mais aussi sur la quête pour retrouver un travail, Lola se forçait au silence. Elle n'était pas bonne fée, mais assistante émotionnelle dans un voyage de longue haleine. "C’est pas aujourd’hui qu’on peindra des marguerites, hm ? Allez, haut les coeurs." Lola ne se retint pas de rire, cependant, car elle appréciait toujours l'humour un peu décalé de Jamie, même lorsqu'ils parlaient des sujets les plus difficiles.
Chacun s'installa devant sa toile, et ils commencèrent le choix délicat des couleurs. Dans le silence, Lola put enfin se poser la question ardue du thème de l'enfermement. C'était la partie la plus complexe de travailler avec Jamie de cette façon-là : pour que le jeu soit équitable des deux côtés, il fallait que Lola aussi confronte les émotions que Jamie éprouvait. Et effectivement, c'était rarement du bonheur parmi les marguerites. L'enfermement était quelque chose qui la secouait, car elle s'était sentie piégée dans sa maison, dans sa famille, pendant son enfance et son adolescence. Elle n'appartenait nulle part mais on ne lui donnait pas le choix de partir. A l'école, ç'avait été pareil. Elle était de trop, mais rappelée sans cesse à ses devoirs. Elle s'était enfermée dans des images aussi : la bonne élève, puis la fêtarde, et enfin la jeune femme polie et joyeuse. Elle n'avait pas la moindre idée de qui elle pourrait être si elle se laissait aller, si elle renonçait à tout contrôler. Enfermée dans sa propre vie, non pas dans l'auto-destruction de Jamie, mais justement dans l'excès inverse : ne rien risquer, tout jouer au consensus, se faire apprécier, se faire aimer, adapter son comportement aux situations, ne pas se poser les vraies questions. Dieu merci, Jamie ne pouvait pas lire dans ses pensées, et ce qu'il verrait sur sa toile, il pourrait l'interpréter de mille façons différentes.
Lola prépara un violet aubergine, un jaune citron, un bleu nuit, et de l'anthracite. La toile s'annonçait riche en nuances. Elle commençait à imaginer les traits dans son esprit, loin encore de lever son pinceau. "Est-ce que vous vous êtes déjà déçue vous-même à ce point, un jour ?" Lola eut un sourire. Elle savait que Jamie n'essayait pas vraiment de briser la frontière tacite de la thérapie : il cherchait juste de la compagnie, parmi cette solitude infinie. Lola hésita brièvement. Elle ne pouvait rien révéler de spécifique, mais elle pouvait parler de manière générale. "Oui, plusieurs fois." Elle repensa à comment elle avait perdu ses deux meilleurs amis d'université. Elle repensa à comment elle avait disparu de la vie de Jordan alors qu'il avait tellement eu besoin d'elle. Elle repensa au fait qu'elle n'avait pas parlé avec sa mère pendant six mois lorsque son diagnostic du cancer était tombé, et que c'était six mois qu'elles ne pourraient jamais récupérer lorsque la maladie finirait sa besogne. "C'est une partie inévitable de l'expérience humaine, je pense, lorsqu'on éprouve les émotions très intensément." Leur perception du monde et des sentiments était un point commun fort qu'ils avaient. Ils étaient très sensibles, et cela menait parfois à de l'impulsivité, et à des erreurs qu'ils en venaient à regretter.
Lola continuait de fixer sa toile, car des traits lui venaient en tête. Elle leva enfin le pinceau pour tracer une ligne d'horizon montagneuse. C'était un paysage sans neige. Un paysage sans arbres. Un paysage d'eau qui ruisselait vers le premier plan, qui venait de la source dans les montagnes, puis coulait vers nous, mais on n'en voyait pas la fin, on était au milieu, on ne voyait pas la mer vers laquelle elle s'échappait, on était coincés dans une perspective où il n'y avait pas d'issue, que des enchaînements inévitables. "A quels autres moments dans votre vie vous êtes-vous senti enfermé ?" demanda-t-elle d'une voix douce, pour qu'il continue à explorer intérieurement ce sentiment. Chaque souvenir ramènerait un peu plus dans son corps les sensations. "Pendant que vous racontez, n'oubliez pas que vous êtes avec moi, ici, adulte, fort, libre, et que les issues et les solutions existent." Il était nécessaire qu'il garde un pied dans le présent, pour éviter de se noyer dans la noirceur du passé qu'il évoquerait.
@Jamie Keynes |
| | | | (#)Sam 28 Mar 2020 - 21:38 | |
| “J’aimerais bien être autant persuadé d’être libre.” je souffle, un brin trop défaitiste à n’en pas douter. Mais il est difficile pour quelqu’un qui reste enfermé chez lui à longueur de journée par peur de toutes les menaces du monde extérieur qu’il est autre chose qu’un oiseau en cage. Et quand bien même j’oserais mettre le nez dehors, ou avant tout ceci, suis-je libre ? Lorsque votre nom, votre visage, votre vie est publique, il y a une partie de vous qui ne vous appartient plus tout à fait. Cette possession est l’antithèse même de la notion de liberté. C’est quelque chose avec laquelle je vis depuis si longtemps que je ne me pose plus la question. “Enfin…” je soupire, comme un point final à une parenthèse qui n’avait pas besoin d’épilogue. Lola m’a posé une question en retour de la mienne, et cette fois, je n’ai nulle besoin de penser avant d’y répondre tant cela est évident. La fluidité du lien entre ma mémoire et ma bouche font un flot tranquille de paroles qui ne m’empêchent pas de me concentrer sur ma peinture. Cependant, mon attention se tourne, pour une fois, sur ce que ces souvenirs font remonter comme émotions réprimées. “Je crois que la période où je me suis senti enfermé, même pris au piège, c’était à Londres.” Le nom de la ville est un écho à tant de négativité. C’est un trou noir où la vermine du monde se rassemble. C’est un monde d’hypocrites et d’égoïstes qui n’ont rien d’autre à coeur que leur propre intérêt. Je reprends ; “Quand mon frère est décédé et qu’il ne restait plus que moi pour… essayer d’entretenir un peu du prestige familial, la pression a été terrible.” Mon père était un homme cruel. Aujourd’hui je me retrouve à voir cet homme dans le miroir à chaque fois que je me plante devant ; il devint tristement célèbre après la plainte déposée à son encontre pour harcèlement sexuel par la seule et unique de ses secrétaires qui refusa ses avances. Mon chemin est devenu bien trop parallèle. “Oliver était brillant dans tout ce qu’il entreprenait. Moi je n’étais bon en rien de particulier, je n’écoutais rien, j’étais probablement hyperactif. J’avais toujours eu conscience que j’étais dans son ombre.” Ce qui me convenait. Être dans la lumière, être vu, être au centre des attentes était tout ce que dont je ne voulais pas. Malgré un train de vie aisé, si j’avais pu choisir ma famille, je ne serais pas né chez les Keynes. Rien chez eux ne convenait à mon naturel. “Quand il était là, je m’en fichais bien qu’il soit le favori et d’être mis de côté.” Oliver faisait toujours en sorte que cela ne soit pas le cas. Il redoublait d’efforts pour entretenir l’illusion que nos parents ne l’aimaient pas plus que moi, pour ne pas dire qu’ils m’abhorraient. Je n’étais à la hauteur d’aucune attente, je ne l’aurais jamais été, si j’avais continué d’avoir le choix. “Mais une fois qu’il a disparu, j’étais en première ligne, et il n’était plus là pour prendre mon parti face aux parents.” Seul dans la fosse aux lions. Je n’étais pas prêt, je n’étais pas fait pour et je n’avais pas les armes. J’avais treize ans et je me sentais seul au monde. “Du coup, pour eux, et surtout pour la mémoire d’Oliver, j’ai décidé de m’effacer, de me renier entièrement, et d’être ce qu’ils voulaient que je sois. Que je me transforme en lui.” Parce que j’étais moins important que lui, j’en étais convaincu. Pas seulement que ma vie avait moins de valeur, mais qu’elle était moins légitime que la sienne. Et quitte à ne rien valoir, autant se faire le vaisseau d’un autre plus méritant. “Et ce fut de longues années à jouer ce rôle pour rendre tout le monde fier.” Que ferait Oliver ? Je me posais cette question des centaines de fois par jour. Ce que je voulais n’entrait plus en compte et finit par disparaître. Je ne suis parvenu à tirer un trait sur ce mécanisme qu’après ma rencontre avec Joanne, encore trois ans après avoir quitté Londres et avoir abandonné l’idée de susciter amour ou fierté auprès de mes parents. “Spoiler alert : ça n’a jamais fonctionné.” Je n’étais pas lui. Rien de ce que je faisais ne pouvait leur rendre leur fils. J’avais sacrifié ces années pour rien, et rien ne pourrait me les rendre à mon tour. Je n’avais plus qu’à partir en quête de ce Jamie confiné depuis si longtemps. |
| | | | (#)Mer 1 Avr 2020 - 13:12 | |
| Dans de nombreuses cultures, il est bien vu de donner aux nouveaux-nés le prénom d'un mort. Prénom du grand-père, prénom du grand frère décédé, prénom de la tante, prénom de la mère morte en couches. C'était un rituel humain pour rendre hommage aux disparus, mais des études avaient indiqué que peut-être cela avait un effet collatéral sur le vivant, celui à qui on collait une identité qui n'était pas la sienne.
A sa façon, la famille de Jamie lui avait demandé de jouer le rôle d'Olivier. On ne lui demandait pas de s'améliorer et de grandir en tant que Jamie, mais bien de coller à la partition de son frère. Il s'était détruit à se débattre dans un déguisement. Malgré les années qui avaient passé, les séquelles restaient évidentes, et Lola entendait la souffrance dans sa voix tandis qu'il racontait.
"Est-ce que vous éprouvez de la colère envers vous-même ? La colère envers vos parents est tout à fait légitime et a lieu d'être ; elle est importante, même, pour vous détacher d'un système destructeur et afin de construire votre propre identité. Mais est-ce que vous vous en voulez d'avoir ne serait-ce qu'essayé d'être Olivier ?"
Cette question en amenait forcément une autre, plus douloureuse pour ceux qui n'avaient jamais complètement terminé leur deuil. "Est-ce que vous éprouvez de la colère envers Olivier ? D'être mort et de vous avoir laissé seul face à des parents qui ne vous voyaient pas ?"
La toile de Lola se remplissait d'eau. Il y en avait de plus en plus, et elle ne cherchait pas à contrôler ce déluge, car il signifiait une noyade, une tristesse. Parler de deuil n'était pas simple pour elle, car l'image de Sofia revenait sans arrêt. Elle n'en voulait pas à la jeune femme d'être morte. Elle avait fait son deuil, à sa façon. Mais il n'y aurait jamais assez de larmes au monde pour la pleurer.
Il fallait, malgré tout, construire le futur. "Maintenant que le regard public s'est dégradé, est-ce que la célébrité, la fortune, l'ambition, restent des valeurs importantes pour vous ? Si nous vivions dans un monde où rien de tout cela n'existait, qu'est-ce que vous auriez envie de faire maintenant ? Quels projets aimeriez-vous réaliser ?" Il y avait de l'espoir qu'il faudrait bâtir pierre à pierre.
@Jamie Keynes |
| | | | (#)Sam 11 Avr 2020 - 18:47 | |
| L'aisance avec laquelle le Keynes évoquait son frère était encore nouvelle. Quelques années plus tôt, le traumatisme de sa disparition semblait dater de la veille tant il était vif à sa simple pensée. Cela le paralysait, le rendait malade. A la date anniversaire, il ne devenait que l’ombre de lui-même, incapable de quitter son lit, de s’autoriser à exister. Obtenir ce droit fut son plus grand et long combat jusqu’à présent. Jamie ne racontait que rarement ce qu’était sa vie en Angleterre ; d’une part parce qu’il préférait laisser le passé au passé, alors qu’en parler redonnait à ces années leur réalité et leur emprise sur son présent ; d’autre part, parce que les personnes en mesure de comprendre les épreuves et les traumatismes allant de paire avec l'existence qu’il menait là-bas étaient tout aussi peu nombreux, la masse refusant d’accepter qu’un être né avec une cuillère en or dans la bouche puisse avoir fait l’expérience de son propre lot de malheurs. Modestes et classes moyennes se targuent de croire que l’argent ne fait pas le bonheur, mais dès lors qu’un spécimen des plus hautes classes confirme l’adage, celui-ci ne semble plus s’appliquer et l’argent devient le motif du déni de ces blessures. Lola s’était montrée plus d’une fois dénuée de ces jugements de bas étage. Elle souhaitait aller au fond de chaque sujet et cela se ressentait dans ses questions. Elle ne faisait pas que gratter la surface, égratigner la couche bien polie ; elle voulait pointer du doigt ces aspects de chaque problème auquel on ne songe pas, remettre en question des conclusions prises pour acquises. Le brun pensait avoir fait le tour de la question concernant Oliver et fait la paix avec tous les angles du sujet, ce qui le rendait en mesure d’en discuter tout en poursuivant son oeuvre. Il avait peint sa montagne de terre brûlée et s’attaquait désormais à un ciel éternellement crépusculaire. “Je crois que je n’avais pas vraiment le choix, à l’époque, reprit-il. Rien ne me forçait à agir ainsi, mais si je voulais survivre dans le cadre familial, je ne pouvais pas faire autrement. Même aujourd’hui, avec le recul, je ne pense pas que j’aurais changé quoi que ce soit.” Ce rôle qu’il s’était donné lui avais permis de tempérer son naturel volcanique que ses parents arboraient. S’il avait dû vivre dans un lac de mépris, il s’y serait noyé et aurait certainement suivi les pas de son frère. Et s’il était une chose que Jamie avait depuis toujours, c’était de la volonté, la fureur de vivre. “Non, je ne lui en ai jamais voulu. Je comprend son geste. Il était malheureux, il avait besoin d’une porte de sortie, et sur le moment cela lui a semblé être le seul moyen.” Du moins, ce fut le moyen qui lui fut soufflé par les substances qu’il s’était mis à consommer quelques temps avant le drame. Il aurait pu s’en aller, disparaître d’une autre manière, mais il était impossible de blâmer le souvenir fragile d’un adolescent de dix-huit ans en détresse. “En réalité, j’étais persuadé que c’était de ma faute pendant longtemps. Je pensais que assurer mes arrières, s’occuper de moi, me protéger en plus de se protéger lui-même et d’essayer de s’en sortir face à nos parents, d’être à la hauteur de leurs immenses attentes, c’était trop pour lui. Que si je n’avais pas été là comme un boulet à son pied et qu’il avait été le fils unique parfait dont tout le monde rêvait, il ne serait pas mort.” Le complexe du survivant, supposait-il. Il allait ainsi dans le sens du courant, en niant son droit d’exister. Une idée certainement plantée dans son esprit par les nombreuses fois où sa mère lui avait craché de but en blanc qu’elle n’avait jamais souhaité de second enfant. Au final, qu’on porte sur lui un regard de mépris, de jugement, que l’on projette sur lui le pire de la lie de l’humanité, Jamie en avait l’habitude depuis le plus jeune âge. L’unique différence entre son lui enfant et son lui adulte était l’étendue du monde qui le rejetait. Aujourd’hui, il était vaste et les regards nombreux ; hier, il se réduisait au cercle familial. Mais à cette époque, ce foyer n’était-il déjà pas tout le monde entier à ses yeux ? “Vous savez… ça n’a jamais eu d’importance pour moi, tout ça, poursuivait-il au sujet des valeurs qui lui étaient chères. Je n’en ai jamais voulu. Ma famille était sur le devant de la scène à ma naissance, donc j’ai baigné là-dedans. C’est tout ce que j’ai connu. Ca m’a modelé, oui, mais au fond, j’ai toujours rejeté cet environnement.” Ce pourquoi cet environnement le rejetait également. Il ne supportait pas les cases, les règlements, et toute autorité qui lui semblait injuste. Il était indigné dans l’âme, rebelle, artiste. Dans une autre vie, il aurait sûrement foulé les planches, joué plus d’un rôle, chanté ces émotions qui sont aujourd’hui sa torture. Il l’aurait fait, si sa famille n’était pas sa valeur la plus chère à ses yeux. La valeur qui l’a poussé à tourner le dos à ses aspirations, son naturel, pour tenter si fort de leur plaire. Cela lui demanda bien des années pour comprendre que la famille pouvait avoir bien des définitions, et surtout, qu’il pouvait s’en créer une à lui. Désormais, il avait Joanne, Daniel et Louise. Et ils étaient son monde. Un univers fragilisé, précarisé, mais pour lequel il se battait. Parfois, se battre consistait à accepter que sa femme ne veuille pas lui adresser la parole pendant des jours. Parfois il s’agissait de tenir un pinceau dans la main pour mieux se comprendre soi-même, et comment réparer ses erreurs. Songeant à cela, Jamie sentit qu’il touchait du bout des doigts l’exacte sensation dont il avait besoin pour peindre correctement le paysage qu’il esquissait. L’anglais finit par se murer dans le silence pendant quelques dizaines de minutes, le temps de terminer le tableau. Le haut de sa montagne s’était perdue dans les nuages, la terre stérile de ses flancs lui donnait des allures de volcan. Le ciel allant du bleu au rose figurait un jour sans début ni fin. Le sol n’apparaissait pas, l’on semblait intercepter un randonneur au milieu de sa montée. Il n’y avait dans cette composition menaçante que l’épreuve de la montée sans espoir d’atteindre le sommet, un moment de fatigue figé dans le temps, une minute quelque part entre les désillusions et le point où le désespoir l’emporte. C’était dans cette zone de flottement que Jamie se trouvait. |
| | | | (#)Lun 13 Avr 2020 - 13:14 | |
| De ruisseau en ruisseau, la peine se fait insoutenable. Il y avait eu l'appel, la voix qui tremblait au bout du fil, Lola qui était en train de préparer du riz, tout ce qu'il y a de plus normal, une journée comme tant d'autres, et l'annonce de la mort de Sofia, et la voix avait demandé si Lola voulait des détails, et Lola avait raccroché, éteint le feu sous la casserole, et rejoint son lit, qu'elle n'avait pas quitté pendant des semaines. Si elle avait posé la question, elle saurait que Sofia, dans son toute son incandescente jeunesse, était tombée dans la drogue, et était morte dans des circonstances mystérieuses que son père ne cesserait jamais d'explorer pour la venger. Non, Lola avait préféré rester dans sa bulle d'ignorance, où elle savait juste qu'il y avait eu Sofia, dans le monde, puis plus du tout, un clair-obscur, une présence-absence. Ses mouvements de pinceaux sur la toile étaient doux pourtant, toute la tristesse s'exprimait avec retenue, un geste à la fois, à travers un reflet bleuté sur l'eau, une noirceur dans le ciel.
Jamie parlait de schémas familiaux dans lesquels il n'aurait pas dû être enfermé, et pourtant il s'y résignait. Là où il y aurait dû avoir de la colère, il y avait une mise à distance, et c'est cela qui inquiétait encore Lola, cela sur lequel il faudrait revenir, encore et encore, jusqu'à ce que les émotions s'ajustent. La honte, la culpabilité, envahissaient le deuil. C'était plus que le monologue du survivant ; il y avait une croyance profonde qu'il ne méritait pas d'exister, avant, pendant et après Oliver. "Jamie", et elle attendit qu'il lève les yeux vers elle, et là, pupilles connectées, elle dit simplement, "vous méritez d'exister, vous êtes légitime, vous avez une place ici, comme chacun d'entre nous." Elle le disait d'une voix très neutre, pour qu'il l'entende comme ce que c'était : un fait. Ce n'était pas une opinion, ou quelque chose qu'on dit pour réconforter ; c'était la vérité. Et ça apaiserait tellement de choses en lui de l'intégrer.
Jamie rejetait les valeurs traditionnelles de sa famille, celles qui avaient dicté son existence, mais refusait en revanche de répondre à la question sur ses rêves, ses projets, car il était dans un lieu où il n'y en avait pas. Tout était sombre. Et Lola le laissa se murer dans le silence, car elle sentait dans la pièce une culmination émotionnelle, et c'était ça qui devait se retranscrire sur la toile. Elle termina la sienne aussi, retravaillant l'eau encore et encore, lui ajoutant des nuances ; tout se jouait dans les reflets, il y avait de la verdure, du ciel, des nuages, tout au sein de l'eau, une vie entière qui ruisselait vers la vallée. Ils posèrent leur pinceau à peu près en même temps, et Lola fit un signe de tête pour qu'ils changent de place : chacun irait observer la toile de l'autre. Elle fut extrêmement émue de découvrir la montagne de Jamie, et ne prononça pas un mot ; il n'y avait aucun jugement à émettre, il n'y avait rien à ajouter ; c'était beau, et c'était honnête : Jamie avait fait le travail, une fois de plus.
"Je vais vous laisser avec ces mots : la reconstruction se fait de petites choses. Quand on ne peut pas voir le sommet de la montagne, on se concentre sur un pas après l'autre, cette minuscule distance qu'on parcourt à chaque fois qu'on lève la jambe. Concentrez-vous sur la vie quotidienne, soyez vraiment dans chaque acte, chaque saveur, chaque nuance de lumière, prenez le temps de ralentir. Vous avez enfin l'opportunité d'apprendre à vous connaître en-dehors du manège constant du monde extérieur. Je reviendrai la semaine prochaine, et peut-être on pourra discuter de ce que vous avez éprouvé dans cette présence à vous-même ?"
Elle le laissait toujours avec des devoirs un peu métaphysiques, un peu abstraits. La pleine-conscience était quelque chose qui ferait un bien fou à Jamie, elle en était convaincue, et elle espérait qu'il donnerait une chance véritable à cette façon de se rapprocher du monde et de lui-même. Elle récupéra ses affaires. "C'est une période extrêmement difficile, donc si vous en avez besoin, vous pouvez m'écrire ou m'appeler." I'm here for you, Jamie.
@Jamie Keynes |
| | | | | | | | Motus et bouche cousue (ft. Jamie Keynes) |
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