En arrivant deux semaines auparavant au refuge pour animaux, j'ai craqué. Mais du genre comme je n'ai jamais craqué avant. Petit, joueur, bicolore, une oreille coupée et une plaie- qui guérit très bien- sur l'épaule gauche, ce chiot est l'être le plus adorable que cette terre n'ait jamais connue (si on ne comptes pas Moana, évidemment). Cookie de son nom, j'ai passé des journées entière à jouer avec ce petit canidé qui est infatigable. Son histoire est triste, car ses parents humains sont mort dans les flammes qui ravagent la côte ouest de l'australie et il a été recueillit in extremis. Il s'en sort avec seulement la brûlure sur l'épaule, blessure de laquelle il ne semble pas de s'incommoder.

Je pensais naïvement qu'un si petit chiot, adorable au souhait, serait très rapidement adopté, mais je me suis visiblement trompé car deux semaines après il est toujours là. Venant tous les jours, je le voyais qui commençais à dépérir, à se laisser aller. Malgré tous les soins, les sessions de jeux quotidiennes et les câlins à en perdre mes mains, mon cœur se brisait devant sa mine triste et son poil devenant de plus en plus terne.

Alors j'ai fait quelque chose que j'aurais du faire depuis longtemps : je l'ai pris avec moi en tant que famille d'accueil. Ce qui devait être une chose merveilleusement s'est toutefois rapidement transformé en cauchemar tant Moana était jalouse et possessive. J'ai dû sauver plusieurs fois le petit Cookie de ses crocs, persuadé qu'elle allait le tuer. La situation ne pouvant plus durer, j'ai décidé que la seule solution serait qu'il soit adopté. Et pas de n'importe qui. Mon père est la personne parfaite pour ce chiot. Il n'a jamais voulut d'animaux chez lui, mais je sais que dans le fond il a un cœur de guimauve et il craquera facilement face à la bouille de ce petit animal.

C'est donc là où je me trouve actuellement. Cookie dans les bras, sac à dos avec ses affaires sur les épaules, je sonne à la porte du loft et je n'ai pas besoin d'attendre longtemps avant que mon père ne réagisse. A peine a-t-il ouvert la porte que je lui offre un large sourire en lui tendant l'animal.  « Papa, voici Cookie» fis-je les présentations  « Cookie, voici ton nouveau papa. Il est parfois un peu grognons mais il est adorable, tu vas voir» que j'assume en lui fourrant l'animal dans les bras avant de m'avancer dans son loft.

Je ferme la porte derrière moi et pose mon sac au sol, déballant son contenu  « Croquettes, pâtés, gamelle, sachets pour les crottes, jouets » anumérais-je tout ce que je sors  «T'as tout ce qu'il faut là et ... » je me tais en voyant Allan tenir l'animal à bout de bras, l'air totalement perdu.

Souriant, je me redresse et reprend le chiot dans mes bras, le caressant avec douceur  « Ses maîtres sont décédés dans les flammes, il ...» je pose l'animal au sol  «j'étais près à le prendre chez moi et à l'adopter, mais Moana est trop vicieuse et jalouse, elle a pas supporter la présence d'un petit frère donc ... » je relève mon regard sur mon père  « Tu veux bien le prendre ? Juste en famille d'accueil ! Ça ne t'engage en rien, tout est fourni, t'as juste à lui tenir compagnie, à le sortir, jouer et tout» je fais une moue triste, suppliant mon père du regard  « S'il te plait papa, il dépérissait au refuge, il lui faut une présence et des bras qui le câlinerons tous les jours...» je me doute bien que tout ça semble un peu brutal à mon père qui ne s'attendait pas du tout à ça, mais c'est la seule solution que j'ai trouvé  «Et comme ça, si tu le gardes, je pourrais continuer à la voir parce que ça me briserais le cœur de le savoir loin de moi dans une famille que je ne connais pas du tout » je pose mon regard sur le chien qui commence déjà à explorer les environs.

@Allan Winchester

Oh, Allan, Allan, que t'arrive-t-il ? Enfoncé au fin fond de mon canapé, je regarde Netflix. Netflix, quoi, merde !! Je ne m'étais jamais abonné à ce genre de conneries. La télé, très peu pour moi, elle était plus là en décoration qu'autre chose. A cause de cette épaule bousillée pour un moment, et à force de tourner en rond dans mon appartement comme un lion en cage, ne pouvant pas forcer - donc adieu la menuiserie, les coucheries à répétition et tout plein d'autres trucs qui font que la vie est belle - au moins jusqu'à fin janvier, j'ai cédé à la tentation. Alors me voilà, comme un vieil américain, en tee-shirt jogging, télécommande près de moi et bouteille de bière rhum à mes côtés. J'ai même un sachet de viennoiseries ! Non, non, non, ça ne va plus du tout. Allez, remue-toi beau gosse ! Ou vieux débris, selon le point de vue. Je me relève d'un bond - même plus mal à l'épaule, et le "aïe" n'était qu'un réflexe d'abord - et éteint cette maudite télévision; on y devient vite accro ! Je monte les marches amenant au palier de mon lit, puis passe dans ma salle de bain. Je me désappe pour prendre une douche bien méritée. Je croise par hasard mon reflet, je le salue: Hey, salut toi, qu'est-ce-que tu es sex... GROS !!! Sainte Marie Mère de Dieu, Jésus Joseph et toute la crèche. J'ai un petit bourrelet en bas du ventre.

Noooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooon !

Un cri de désespoir me traverse autant qu'il doit résonner dans tout mon appartement. Bougon, je vais sous l'eau brûlante, qui me fait le plus grand bien. Même si je ne peux pas vraiment faire de sport, il faut que je reprenne une activité physique là, ça ne va plus. De la marche, simplement; bon, je vais m'ennuyer car y aura clairement pas assez de challenge pour un randonneur de zones extrêmes comme moi, mais faut une reprise à tout, n'est-ce-pas? Je soupire sous le jet d'eau bouillant, et prends tout mon temps pour en sortir. Bien, une bonne douche et vous êtes un homme nouveau. Je sors, et m'habille de manière simple mais qui montre tout de même le changement d'attitude: chemise entre-ouverte et jean noir. Bien, c'est déjà mieux. Un coup de peigne dans mes cheveux, sans séchoir ça ira merci. Alors que je descends dans mon salon, ma sonnette résonne. Tiens, je n'attendais personne pourtant. Aussitôt, j'avance pour ouvrir la porte. Clément ! Je... Mais pas le temps de le saluer, de lui dire à quel point je suis content de le voir - comme toujours d'ailleurs, sauf quand il vient pour m'engueuler -  que je me retrouve avec quelque chose dans les bras, que j'attrape un peu in extremis d'ailleurs. C'est doux. Chaud. Poilu. Un peu baveux. Mes yeux descendent vérifier ce que je crois être, n'entendant que d'une oreille ce que me dit mon fils - ou plus exactement, mon cerveau étant en train d'ingérer la masse d'informations à toute vitesse - et c'est là que je le vois: le chiot. Je ne pipe mot, pour une fois, et ne fait que me détourner de la porte d'entrée juste renfermée alors que tout enthousiaste, Clément est en train de déballer les affaires du chiot dans ma maison. Pourquoi il fait ça ? Il a besoin que je le garde quelques jours, c'est ça ? Je sais qu'il est bénévole dans un refuge, alors c'est sans doute ce qu'il veut.

Je comprends que ce n'est pas ça qu'il veut. J'écoute mon fils, qui me raconte l'histoire de ce bébé chien, qui a perdu sa famille dans les incendies qui ravagent ce pays. J'observe le petit être gambader dans la cuisine, alors que les connexions synaptiques se font. Chien. Adoption. Moi. Je regarde Clément d'un air un peu perdu, puis j'avance vers le petit être qui doit être aussi désorienté que moi. Je m'accroupis à ses côtés, m'assois même, et lui tends la main. Il la renifle, à droite, à gauche, au-dessus, en-dessous, puis la lèche et se rapproche de moi pour me faire un câlin. Cookie, hein ? que je murmure, la voix étranglée. Je le prends dans mes bras, et le regarde droit dans les yeux, avant de l'amener contre ma gorge - du côté valide - ressentant alors son petit coeur battre contre le mien. Des flashs me reviennent. Un cabot adorable, dans les rues de Montréal. Avec Franck, mon seul vrai compagnon de jeux, quand j'étais gamin. Ma mère ne voulait pas de lui dans ce qui était notre "maison", alors je le planquais dans ma chambre la nuit, et le reste de la journée il vagabondait comme moi je le faisais. Je sens mon coeur tambouriner dans ma poitrine.

Tiens... Pourquoi mes joues sont mouillées ?

@Clément Winchester

La première chose que je remarque chez mon père lorsque celui-ci ouvre la porte, c'est le changement vestimentaire. Il a troqué son jogging et son t-shirt bien trop grand qui ne le mettait absolument pas en valeur contre un jeans noir et une chemise entre ouverte et il a même donné un coup de peigne dans ses cheveux ! C'est assez incroyable quand je me dis que les autres fois où je suis venu je l'ai retrouvé étalé comme le gros tas qu'il était sur le canapé devant netflix. NETFLIX ! Jamais en 25 ans d'existence, n'ais-je entendu mon père ne serait-ce qu'accepter cette plateforme ! Si je l'utilise tous les jours, lui a toujours été extrêmement réfractaire et combien de fois ne m'a-t-il pas sermonner ? Le voir donc aujourd'hui dans un accoutrement plus décent et plus présentable qui lui vont quand même bien mieux me fait réellement plaisir.

Je n'ai pourtant pas le temps de jaser et je lui fourre l'animal dans les bras lorsque j'entre dans le loft (étonnement bien ranger je dois avouer) avant de me baisser pour déballer les affaires sur chiot. Lorsque je remarque que mon père semble quelque peu perdu, je me relève, reprend l'animal de ses bras et lui raconte son histoire avant de libérer Cookie pour le laisser gambader. L'observant, j'explique à mon père ce que j'attends de lui et le supplie sincèrement de l'accepter dans sa tanière.

Et c'est alors que mon père fait quelque chose qui me réchauffe le cœur et m'attendris plus que de raison. Il s'avance vers Cookie, s'installe au sol et fait les présentations en lui tendant la main. L'animal vient la renifler avant qu'il ne retrouve les bras d'Allan qui se sert contre lui. Je les observe avec un tendre sourire sur les lèvres et leur laisse un peu de temps pour faire connaissance en allant chercher un bol dans la cuisine et revient avec le bol rempli d'eau.

Rejoignant les deux êtres vivants qui sont encore en plein câlins, je dépose le bol au sol et m'installe, moi aussi, en face de mon père.

 «Alors ? » demandais-je finalement  «Tu veux bien t'en occuper, s'il te plait ? » Tendant la main, je grattouille Cookie derrière les oreilles avant que celui-ci ne gigote légèrement et qu'il ne descende des genoux de mon père.  «T'aura juste à t'en occuper un peu, tout le matos dont t'as besoin est fourni pour l'association. Il a juste besoin d'une famille le temps qu'il trouve la famille qui l'adoptera» et je sais déjà maintenant que lorsque le temps sera venu et que nous aurons trouvé cette famille, mon cœur se brisera.

 «Tu t'es enfin peigné ! » changeais-je de sujet en me penchant en avant pour aller décoiffer mon père, rigolant doucement lorsqu'il me repousse en grognant  «Par contre ta barbe c'est une catastrophe » je secoue la tête  « T'as cas faire comme moi et tu rase tout» reprenais-je en me passant une main sur la tête où mes cheveux ont quand même déjà pas mal repoussé tout en attendant un commentaire sur le fait que je sois imberbe vienne du fait que je n'ai pas les gênes Winchester.

@Allan Winchester

Je me sens tout bête, en sentant des larmes rouler sur mes joues; c'est sorti avant même que je ne me rende compte. Franchement Allan, t'as quel âge ? On dirait un de ces gamins de vidéos internet qui chouinent lorsqu'ils reçoivent un chien comme cadeau de Noël. Ridicule au possible. Je sèche rapidement les traces d'eau sur mon visage d'un coup de revers de manche, alors que je sens mon fils se rapprocher de moi. Avec un peu de chance, il n'aura pas capté à quel point l'émotion que j'ai ressenti a été forte. Je suis pas trop du genre expansif en termes de sentiments, et encore moins quand ça me concerne directement, et encore encore moins lorsque c'est un rappel d'avant 1987, grosso-modo. Cookie descend de mes genoux après une grattouille que lui a accordé mon fils, qui m'adresse alors la parole, me demandant si j'accepte de m'en occuper. Je me relève tranquillement, m'appuyant un peu sur le bras dont l'épaule est blessée, preuve que ça va mieux de jour en jour, même si ça prend son temps. Je réplique en le regardant, puis en jetant un coup d'oeil vers la boule de poil: Pas besoin. Désormais c'est moi, sa famille. Je souris à Clément, sa chienne aura un copain de jeux désormais, enfin si elle l'accepte; ce dont je ne doute pas, à partir du moment où Moana n'aura pas l'impression que l'on essaye de lui voler son maître chéri. J'officialise alors ma décision auprès de mon fils qui, je n'en doute pas, va en être plus que ravi: Faudra que tu me mettes en contact avec le refuge, histoire que je puisse signer les papiers.

Je grogne un peu lorsque mon fils me vanne sur mes cheveux, et me les ébouriffe. C'est mon nouvel atout drague, que je réplique avec un sourire sarcastique lorsqu'il commente ma barbe, qui a certes bien poussé depuis près de trois mois. 'Faut juste que je débroussaille un peu. J'ai encore un peu de mal à garder mon bras soulevé cependant, et étant donné que je suis gaucher... Ca attendra un peu. Je ricane lorsque Clément me dit que je ferai mieux de tout raser. Certainement pas, j'y serai tous les quatre matins. En réalité, j'y étais DÉJÀ tous les quatre matins, avant l'attentat qui a failli me tuer; entretenir une barbe si près de la peau comme était la mienne relevait du travail d'orfèvre, et je préférai largement m'en occuper moi-même que d'aller chez le barbier plusieurs fois par semaine. Je n'y allais alors pas plus d'une fois par mois, pour bien recadrer le tout, et qu'on s'occupe de mes cheveux, aussi. C'est facile quand comme toi, on a pas un poil sur le menton, que je le taquine, sans pour autant ramener sur le plateau le lien de sang que nous ne partageons pas. Pour moi, c'est comme s'il était de ma chair, et d'ailleurs il est très drôle de voir à quel point on se ressemble sur les photos de nos enfances et adolescences respectives - pour le peu des miennes que j'ai encore - alors... C'est alors que j'entends le bruit d'un froissement de papier; suspicieux et en alerte, je me détourne de mon fils... Pour retrouver mon chien, la tête dans le sachet de viennoiseries ! Non ! que je m'exclame pour montrer ma désapprobation, alors que je m'approche de l'animal pour le sortir de là. Il a un bout de croissant dans la gueule, petite saloperie. C'est pas bien: on ne chipe pas la nourriture. Je l'écarte de là, le repose à terre, et prends ce qui traîne dans mon salon pour le mettre en sécurité dans la cuisine. Ahah, voilà un nouveau fait dans ma vie qui va rendre encore plus rangée que sous l'action - déjà miraculeuse - de ma femme de ménage. Je soupire et laisse le chiot gambader ailleurs. Je propose alors à Clément, autant parce que j'ai envie de prendre l'air que parce que j'aimerais éviter que mon loft se retrouve souillé de pipi et d'excréments - même si ça arrivera tôt ou tard, je le sais bien - que j'aurais bien du mal à nettoyer avec mon seul bras valide: Il y a un parc juste derrière l'immeuble; on va le sortir ?

@Clément Winchester

IL PLEURT EN PLUS ! Le grand Allan Winchester, l'homme qui a littéralement défié la mort, celui qui l'a vu plus d'une fois devant ses yeux, l'homme fort, mon model, celui-là même, il est entrain de pleurer en tenant un chiot dans ses bras. J'avoue ne pas savoir comment réagir, ce que je dois faire ou dire, tant c'est perturbant. Les seules fois où j'ai vu mon père pleurer c'était lors de nos retrouvailles en Thaïlande et lorsque la police nous a annoncer la mort de Stephen. Ces deux moments sont si fort que jamais, oh non jamais je n'aurais, ne serait-ce qu'imaginer qu'il serait capable de ne pas retenir ses larmes face à cette boule de poils. N'ayant absolument aucune idée de ce que je dois faire maintenant, je décide de me moquer un peu de son physique, le félicitant avec une certaine ironie d'avoir enfin eu la prestance de se coiffer et se raser correctement après avoir simplement hocher la tête lorsqu'il me demande de le mettre en contact avec le refuge. Cela va de soit.

Je fini par proposer à mon père de carrément raser tous les poils qu'il a sur la tête et sur le visage afin de facilite l'entretien de tout cela. Et bien évidemment, vient la remarque sur le fait que je sois imberbe ce qui me fait doucement secouer la tête.  «Je savais que tallais faire une remarque de ce genre » lançais-je en me relevant cherchant Cookie du regard.

C'est Allan qui le trouve, la tête dans un sachet de nourriture et s'empresse de le sortir de là. Je rigole de bon cœur en l'entendant réprimander l'animal avant d'hocher vivement la tête lorsqu'il me demande si on irait pas le sortir  «Avec plaisir ! » m'exclamais-je en allant fouiller dans mon sac pour en sortir un collier en cuir et une laisse en nylon  «j'ai pris ça aussi » dis-je en tendant le tout à mon père  «Cadeau d'arriver. J'ai même déjà fait graver son nom avec ton numéro de téléphone sur le médaillon » expliquais-je en désignant le bout métallique  «Cookie est vacciné et pussé, ses papiers sont en règle et t'auras juste à payer son passeport en plus  » expliquais-je alors que j'observe mon père accrocher le collier autour du coup du jeune chien avant d'y fixer la laisse  «Et t'es obligé de prendre quelques cours d'école de chiot et de dressage pour bien fixer les bases » ajoutais-je en me dirigeant vers la porte  « C'est mentionné dans le contrat d'adoption et ils vérifient ça, donc fait le bien et correctement. Une dizaine de séance devraient sans doute suffire, mais faut voir en fonction de l'évolution de Cookie» j'hausse les épaules et sort du Loft  « Mais dans tous les cas si t'as des questions je suis là moi et les autres responsables du refuge aussi» concluais-je en sortant à l'air libre

@Allan Winchester

Tu m'as tendu la perche, aussi, que je réplique lorsque mon fils m'annonce qu'il savait bien que je le titillerais sur sa pilosité inexistante. En même temps, à quoi il s'attend, le môme ? On est un emmerdeur - pas trop méchant avec sa propre progéniture quand même - invétéré ou on ne l'est pas ! J'ai une réputation à tenir moi, Môsieur, que j'ajoute même avec un sourire fripon. Un gosse ? 'Vois pas de quoi vous voulez parler. Mon attention est rapidement attirée par un bruit de mâchonnement et de plastique écrasé: mes croissants ! Plus rapide que l'éclair, j'attrape mon chien - mon chien, bordel - par la peau du cou et je le réprimande avant de mettre le tout en zone sûre, ce qui semble bien faire marrer mon fils. Celui-ci semble d'ailleurs ravi, lorsque je lui propose d'aller marcher. Ok, super alors. J'avance vers un de mes placards pour choper une bonne paire de baskets, et on ne fera pas de commentaire sur le fait que je choisisse la paire à scratchs plutôt que celle à lacets, merci bien. En me retournant, les chaussures à la main, je vois mon fils me tendre d'un air triomphant un collier avec sa médaille assortie, et une laisse. Je grogne tel un loup revêche: Tu savais depuis le début que j'allais céder, hein ? Canaille. Je prends le tout à la volée, m'assois sur un de mes confortables canapés pour enfiler mes chaussures tout en observant le cadeau de Clément. Du cuir noir avec une médaille argentée, simple et très classe. Le toutou qui est désormais mon compagnon de vie va a-do-rer. Enfin, moi surtout; je le vois déjà avec. Tu as bon goût, que je commente avec un petit sourire alors que j'attrape le chiot dans mes bras pour lui enfiler le collier.

J'écoute ensuite les informations que mon donne mon fils, mais je trouve que son petit ton moralisateur à base de "fait ci" ou "ne fait pas ça" ne lui va pas trop au teint. Je lève les yeux au ciel, faussement exaspéré, plus amusé qu'autre chose alors que je réplique: Oui, papa. Cookie fin prêt, moi aussi, j'attache sa laisse à la boucle et me relève, m'adressant directement à ce petit être qui nous regarde avec adoration. On va se promener ! que je déclare avec entrain, ancrant en lui cette expression pour la première fois; à force de répétition, je sais qu'il la mémorisera. Nous sortons de mon loft, que je ferme à double tour, et allons vers le parc d'un pas tranquille. Je continue la discussion, après tout ça fait bien trois semaines qu'on ne s'est pas vus, entre son départ en Europe pour les fêtes et ses occupations. Bon, quoi de neuf ? Ta jambe est en bonne voie de rémission ? Eh oui, car si je me suis fait tirer dessus en novembre, lui s'était fait bien mal sur les planches en octobre. Famille de la loose certains jours, j'vous jure...

Spoiler:

@Clément Winchester

Je suis joie ! Et même plus que ça lorsque mon père attrape le collier de cuir noir, officialisant ainsi son acte d'adoption du chiot. Alors certes, les papiers de ce derniers n'ont pas encore été signés et au final Allan pourra toujours de rétracter, mais je sais qu'il n'en fera rien. Car mon père c'est un homme de parole : quand il promet de faire un truc, il le fait jusqu'au bout. Il y a 25 ans il a promis de s'occuper de moi et de m'aimer jusqu'à la fin de ma vie et en un quart de siècle il n'a jamais failé à sa promesse. Bon, certes, on mettra de côté les quelques années où il est parti du jour au lendemain de la maison avant de revenir comme une fleurs dans ma vie en 2017. Mais du coup je suis persuadé à 100% qu'il est le propriétaire idéal pour Cookie. Autant parce que papa il a le temps, il travail souvent de chez lui, il est à son propre compte et peut donc faire aménager ses horaires de la journée mais en plus il a une sacré stabilité financière qui fera en sorte que Cookie ne manquera d'absolument rien du tout.

Alors, réagissant avec légèreté à sa pique concernant mon manque de pilosité, il fini par me proposer de sortir le chiot dans le parc derrière son loft, ce que j'accepte avec plaisir. Je laisse mon père préparer l'animal et mettre ses chaussures tandis que je lui explique les trucs qu'il doit suivre avec le petit chien. Allan a beau me répondre sur un ton ennuyé, je sais qu'il va quand même suivre toutes mes recommandations.  «Tu vas m'écouter, Louveteau, ok ? » l'imitais-je grossièrement, me prenant à son jeu lorsqu'il me répond avec un 'ok papa' avant de rigoler de bon cœur en sortant de la maison.

 «Mais ouais, ça va beaucoup mieux » dis-je lorsqu'il me demande des nouvelles de mon ancienne blessure  «Faut que j'aille revoir mon kiné pour qu'il travail un peu la cicatrice de l'opération parce qu'elle est pas très jolie, mais sinon j'ai absolument aucun problème » dis-je en marchant un peu sur la pointe des pieds, montrant ainsi ma totale guérison  «Si bien que j'ai le droit de reprendre à nouveau mon rôle ! » ajoutais-je avec un large sourire.

Sourire qui, malheureusement, s'efface subitement alors que je soupire doucement  « Va falloir que j'annonce la nouvelle à Loan» soufflais-je en me frottant le coude  «Et j'ai vraiment peur de sa réaction » avouais-je, déviant le regard  « Je veux dire, ce rôle me revient de droit, c'est moi qui ai passé tous les castings possibles et imaginables, j'ai travaillé dur pendant des mois et des mois alors que Loan il ...enfin il a juste eu à faire une démo devant Charles et encore, vu que c'est moi qui l'avais recommandé il était quasiment sûr à 100% d'avoir le rôle. Je ... » je soupire et enfonce mes mains dans les poches de mon jeans  « Je dis pas qu'il est mauvais hein, au contraire, il a sauvé le show. Mais ce rôle c'est ...c'est un de mes plus grands rôles. J'ai tellement envie de le reprendre et de me retrouver à nouveau à l'avant de la scène» je relève mon regard sur mon père  «Est-ce que c'est vraiment égoïste comme façon de pensé ? » demandais-je, n'étant pas très sûr de moi-même.

@Allan Winchester

J'ouvre la bouche, béat, lorsque MON louveteau ose retourner contre moi l'une des phrases que j'ai toujours préféré lui dire lorsque je devais lui faire la morale ou l'obliger à accomplir une tâche en particulier. Le petit diable ! Il saurait toujours comment s'y prendre pour me faire tourner bourrique, et pourtant je suis loin d'être le père le moins obtus ou crédule. Comme quoi, à défaut de lui avoir transmis ma pilosité, j'ai su lui inculquer une partie de mes manies, de mon caractère et de mes mimiques. Haha. Je me reprends, répliquant un simple et pourtant affectueux: Sale gosse. Je me prépare à sortir, ainsi que Cookie, et nous sortons tous les trois afin de savourer une petite ballade bien méritée. Sur le chemin, je demande à Clément comment se porte sa blessure, et il me rassure autant par les paroles que par les actes, marchant sur la pointe des pieds. Ah oui, effectivement; s'il est capable de faire cela désormais, il n'est plus loin de la rémission totale ! J'avais eu tellement peur pour lui, ce soir-là; je savais que si on lui disait que sa carrière se finissait là, il aurait été détruit. Ce garçon n'est pas toujours le plus stable émotionnellement parlant, et il a tendance à tout contenir en lui - preuve en est de son dernier anniversaire, où j'ai dû le pousser à bout pour qu'il se confie et vide son sac - alors s'il devait perdre le rêve de sa vie... Bah, je préfère même pas y penser. C'est génial ! que je réponds avec sincérité; rien ne me fait plus plaisir que de voir mon fils heureux. Je m'apprête à lui demander quand est-ce-qu'il pourra remonter sur scène, connaissant sa personnalité qui est au moins aussi impatiente que la mienne, d'autant plus lorsqu'il s'agit de ne plus pouvoir exercer un de ses centres d'intérêts; mais il me devance, et me dit qu'il va pouvoir remonter sur scène. Au top, que je réponds en levant le pouce en l'air, tout en regardant du coin de l'oeil Cookie faire la petite commission sur un arbuste du parc.

C'est alors que la mine de mon petit s'assombrit, et il m'expose le problème auquel il est confronté. Je grimace, ne pouvant que comprendre la situation dans laquelle il se trouve; je n'aimerai pas m'y trouver moi-même. Cependant, ce nom, Loan, je l'ai déjà entendu. Il me semble que Clément m'avait dit l'avoir recommandé à leur metteur en scène, Charles, et qu'ainsi il avait trouvé un parfait remplaçant. J'ai pourtant l'impression qu'une pièce manque au puzzle. Je fronce les sourcils, demandant avec un air un peu inquisiteur: Tu t'entends bien avec Loan ? Vous avez... un lien particulier ? Venant de mon fils, rien ne m'étonnera, et il sait que je ne porterais aucun jugement. Lorsqu'il me demande si son attitude est égoïste, je réponds, de but en blanc: Bien sûr que c'est égoïste. J'ai envie de faire un essai avec Cookie; je me penche vers lui, caresse sa tête, et le détache, puis continue d'avancer dans le sentier avec Clément. Le chiot, encore bien jeune et sûrement traumatisé de son abandon, n'ose pas aller plus loin qu'il ne le faut pour faire ses besoins, restant sinon près de nous. Parfait; la marche au pied va commencer à s'inculquer tout naturellement vu la configuration. Je reprends ma réflexion: Mais je serai bien mal placé pour te dire de ne pas l'être. Oh oui, car si j'ai bien un trait de caractère dominant, qui peut être autant un défaut selon beaucoup, qu'une qualité selon moi, c'est bien mon narcissisme. J'ajoute: Il faut savoir être égoïste, pour son propre bien. Pourtant, je tempère, car je vois bien que mon louveteau rechigne à ce mode d'action dans le cas présent: Peut-être pouvez-vous vous partager le rôle ? Comme ça tu accomplis ce pour quoi tu as tant travaillé, Loan ne sera pas frustré de se voir recalé, et en plus, vous pourrez pour reposer l'un sur l'autre.


J'espère que mon fils prendra mes conseils en compte. M'enfin, il est grand, il fait bien ce qu'il veut. Après quelques minutes passées au parc, il me salue et nous laisse, Cookie et moi, faire plus ample connaissance. Je regarde le sac à puce aussi intensément que lui m'accorde de l'attention - c'est à dire zéro - et je le prends soudainement dans mes bras pour le ramener à la maison. Il est encore bébé, et je ne pourrais pas profiter de ce plaisir bien longtemps.
@Clément Winchester