where my demons hide

jailey #10

Un bruit sourd dans le salon et je me réveille en sursaut. Je crois avoir rêvé, mais j’entends Logan se lever. Il vient vérifier si je suis bien dans le lit et pars en courant vers les escaliers. Un autre bruit se fait entendre. Un coup d’œil au réveil m’apprend qu’il est presque quatre heures du matin. Je crois reconnaître la voix de Jill qui s’adresse à mon chien. Elle était partie avec Freya, je l’avais attendu jusqu’à minuit, mais avais fini par aller me coucher. Il faut croire qu’elle vient tout juste de rentrer. À en juger par le bruit qu’elle fait, elle a probablement un peu abusé sur l’alcool. Je ne suis pas sûr de vouloir voir ça. Depuis notre retour de Bali, j’ai la sensation que Jill se cherche. Elle ne voulait pas renter, tout de suite, elle me l’avait bien fait comprendre. Elle aurait aimé que l’on continue à voyager, mais je me devais de rentrer. Je ne pouvais pas laisser le label à Eliott plus longtemps et j’avais promis à Noah d’être là pour sa fête d’anniversaire. Je pensais que Jill serait heureuse d’emménager ici. Elle a passé plusieurs jours à amener ses affaires, à laisser sa trace dans chacune des pièces de la maison. Je lui ai donné carte blanche, elle pouvait refaire la décoration, faire ce qu’elle voulait. Je veux qu’elle se sente chez elle ici. Et pourtant… J’ai bien vu qu’elle semblait tourner en rond. Comme si tout cela allait s’arrêter subitement. Comme si tout ce que l’on, c’était promis à Bali avait une date de péremption. J’ai laissé couler, je ne voulais pas la forcer à parler de quoique ce soi. Je pensais qu’elle finirait par se tourner vers moi si vraiment quelque chose n’allait pas. Elle a préféré se diriger vers sa meilleure amie d’abord. Qui suis-je pour lui en vouloir ? Je me suis si longtemps tourné vers Ginny avant elle. Je pensais que Jill avait sincèrement besoin de retrouver Freya. Je savais qu’elle allait probablement partir dans l’excès et pourtant l’entendre rire toute seule en bas me serre le cœur. J’ai connu ça… Jill qui s’introduit chez moi en plein milieu de la nuit complètement défoncée parce qu’elle a soudainement eu envie de coucher avec quelqu’un. Allongé dans notre lit, je serre les dents. J’ai peur d’aller la voir et de constater que l’on a fait dix pas en arrière.

Je pensais faire semblant de dormir pour ne pas avoir a affronté la réalité des choses. Pour dealer avec tout cela le lendemain avec sa gueule de bois et mes doutes. Je ne voulais pas me lever. Mais j’entends Jill commencer à grimper les escaliers et un nouveau bruit bien trop sourd pour que ce soit normal. Je n’hésite plus et finis par aller me lever. Je la retrouve à moitié affalée dans les escaliers en train de rire en faisant signe à Logan de ne pas faire de bruit. « Tu t’es fait mal ? » Et lorsque ses yeux se lèvent vers moi, je comprends que l’alcool n’es pas le seul responsable dans sa maladresse. Ses pupilles sont dilatées comme jamais… Elle a pris de la drogue. Mon cœur se serre si fort que je me sens perdre l’équilibre un instant. Jill a rechuté. Un pas en avant, dix en arrière… Je m’y attendais. Peut-être pas aussi tôt, mais je m’y attendais. Mon instinct serait de repartir dans la chambre, de la laisser se débrouiller, de tout tenter pour faire mes émotions. Et pourtant, je descends les quelques marches qui nous sépare et l’aide à se relever. Un bras autour de ses hanches et on se retrouve à l’étage. Je ferme les yeux un instant, tentant de faire taire cette petite voix qui ne cesse de chantonner que tout cela est uniquement de ma faute, que je lui ai fait peur en lui demandant d’emménager avec moi. Je suis responsable de son mal-être et de sa chute. Je la sens s’agiter à côté de moi et finis par la lâcher doucement. « Tu as pris quoi ? » J’ai besoin de savoir…   

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J’aurai dû rester dans mon lit…

Jill se marre alors qu’elle vient visiblement de se rater dans les escaliers. D’un léger sifflement, j’appelle Logan pour qu’il ne la fasse pas tomber une nouvelle fois. Mon chien vient s’asseoir en haut des escaliers et regarde la brunette en chouinant. Il veut que j’aille l’aider. Je dois avouer que pendant un court instant, j’ai un doute. Je me demande si je ne ferais pas mieux de faire comme si je ne l’avais pas vu et la laisser se débrouiller. Elle n’avait pas besoin de moi pour se défoncer la gueule comme une grande, elle n’aura pas besoin de moi pour rejoindre la chambre. La colère prend le dessus avant que la culpabilité ne revienne à la charge. Je sais parfaitement que je ne pourrais pas la laisser là. Elle serait capable de passer le reste de la nuit assise dans les escaliers et je vais m’en vouloir pendant des jours. Alors je rejoins la jeune femme et tente de l’aider à se relever. Mais Jill à d’autres idées en tête. D’autres questions surtout. « Je t’ai vu hier soir Jill. » Il est vrai que je suis parti tôt ce matin. Elle dormait encore profondément et je n’avais pas voulu la réveiller. Je suis parti sur la pointe des pieds après avoir embrassé son front. Visiblement, elle me le reproche… Mais moi aussi, j’en ai des questions. Et bien entendu elle n’y répond qu’à moitié. « Dis-moi la vérité Jill. » Par pitié, ne me mens pas quand tout semble si évident. Quelques bières ou verre de liqueur ne te dilate pas les pupilles à ce point-là. Jamais. Je voudrais juste qu’elle soit honnête avec moi. A cet instant, mes yeux tombent sur sa main gauche et l’alliance qui y règne depuis peu. Elle est là la raison de son état ce soir. Je le sais… On n’en parlera probablement jamais. Tout va se détériorer peu à peu et elle regrettera. Ou elle fera tout pour me le faire regretter, tout pour que je sois celui qui jette l’éponge, celui qui s’en va. Et alors que je l’aide à se relever, je suis déjà en train de tout remettre en question. La tempête se réveille et je tente de la contenir encore un peu. « On s'est pas vu aujourd'hui.... Ça va être comme ça tout le temps maintenant que je vis ici ? » Elle ressemble à une enfant Jill lorsqu’elle me demande ça. Son air boudeur et sa main qui s’accroche à ma peau. Je l’aide à retrouver le premier étage pour qu’elle soit plus stable sur ses pieds et la garde contre moi. « Je suis juste partir bosser tôt, tu sais. » Je parle doucement. Je m’énerve pas. Cela ne servirait à rien, elle est trop défoncée pour prendre conscience de ce qu’elle est en train de dire. « J’étais là toute la soirée. » J’étais là, à attendre, alors que tu replongeais. Un soupir m’échappe alors que je viens poser ma main sur sa joue. « Je vais pas arrêter de bosser. » Je peux faire des efforts sur beaucoup de choses, mais je n’abandonnerai jamais mon travail. Quand elle n'était pas là allé au studio, était devenu ma raison de vivre. Ce label, ici à Brisbane, c’est mon bébé. Je ne l’abandonnerai pas. « Tu peux toujours venir avec moi si tu t’ennuies, je sais pas. » J’essaye de trouver des solutions alors qu’au fond de moi, je suis en colère. En colère qu’elle puisse m’en vouloir d’avoir travaillé alors qu’elle était celle qui avait la fâcheuse habitude de disparaître pendant des jours. « On parlera de ça demain, quand tu seras sobre. »   

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Elle a rechuté… Elle a pris de la poudre. Tout dans son discours est décousu. Elle ne cesse de rire dès que l’on manque de tomber dans les marches, elle s’accroche au mur comme si toute la maison tanguait. Et secrètement j’attends que les voix prennent le dessus, que la crise débute. Je connais le processus depuis le temps. D’abord c’est l’euphorie, la prise de drogue et finalement la crise qui prends le dessus. Ce n’était pas arriver depuis si longtemps que je pensais ne plus avoir à gérer cela. Il a suffi d’un mariage sur une plage pour que l’on fasse dix pas en arrière. Mais elle n’a pas conscience de tout cela Jill. Elle me parle comme une enfant, elle boude un peu et s’accroche à moi en me regardant dans les yeux pour tenter de m’attendrir. Et bien entendu que ça fonctionne. Je m’efforce à ne pas prendre ses paroles comme des reproches même si c’est exactement ce qu’elle sous-entend. Je ne veux pas déclencher une dispute, ce serait le meilleur moyen de donner le champ libre aux voix qui se battent dans sa tête. Je voudrais tellement éviter la crise. Juste encore un peu… Je ne suis pas prêt ce soir. Alors, je tente de lui expliquer pourquoi je n’étais pas là aujourd’hui. Je propose des solutions dont elle ne se souviendra pas demain. Et telle une enfant le matin de noël, elle réagit Jill. Sourire aux lèvres, étoiles dans les yeux. « Venir au piano ? » Une enfant, vraiment. « Oui au piano. » Je ris un peu. C’est tout ce qui me reste pour ne pas craquer, entrer dans son jeu jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Elle veux jouer du piano ce soir et je secoue un peu la tête. « Non t’es privé d’escaliers pour le reste de la nuit. » Je vais pas m’amuser a redescendre avec elle alors qu’elle tient à peine sur ses jambes et qu’elle vient tout juste de s’affaler sur le lit. Une nouvelle fois elle boude, mais je lève les yeux au ciel. « Arrête de bouder comme ça. » Je voudrais juste en rire quelques minutes et remettre la conversation au lendemain. Bien entendu, Jill n’est pas de cet avis. Jamais. Et elle pose la question qui fâche. Pourquoi elle a fait ça ? J’ai mon idée bien sûr. Je crois que je connais la réponse. Je m’assois à côté d’elle et commence à jouer nerveusement avec mon alliance. « Tu regrettes, c’est ça ? » Elle c’est probablement rendu compte que c’était complètement stupide d’épouser un mec comme moi, qu’elle aurait dû y réfléchir plus longtemps. Elle doit vouloir retrouver son indépendance, sa vie sans un mari un peu trop calme et trop rangé. « Je t’en voudrais pas si tu t’en vas. » C’est probablement ça le pire. Je ne lui en voudrais jamais de se choisir elle.   

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Il faudrait être aveugle pour ne pas remarquer à quel point Jill plane à cet instant précis. Elle ricane toute seule à peu près toutes les deux minutes et surtout elle ne cesse de froncer les sourcils pour me regarder. Je la vois s’allonger sur le lit et me retiens de lui dire de rester assise. Je n’ai pas spécialement envie de la voir vomir ou je ne sais quoi. Mais je ne dis rien… Je n’ai pas envie de lancer une dispute pour un rien. Ce n’est clairement pas le moment, elle n’est pas dans son état normal et je sais qu’avec la drogue un rien peu lui déclencher une crise. Et elle m’annonce fièrement qu’elle n’a dragué personne. Je ne sais pas comment prendre cette information. La félicité ? Lui rappeler qu’on s’est marié ? Je n’en sais trop rien. J’étais chez moi à l’attendre comme un con et elle se félicite pour ne pas avoir couru dans les bras du premier mec qui passe pour se faire payer des verres. Je déteste ce sentiment de jalousie qui m’envahi peu à peu alors que la brunette semble si fière d’elle. « Tu veux que je te dise quoi Jill ? » Je soupire longuement alors qu’elle s’agite sur le matelas. Je sens cette boule au fond de ma gorge qui ne cesse de grandir. Quelques semaines de mariage et voilà qu’elle est déjà parti se défoncer la gueule. Je savais qu’elle n’allait pas pouvoir arrêter aussi facilement, mais j’espérais que l’on avait laissé ce genre de problème derrière nous. Je l’espérais vraiment.

Elle me fait sa petite bouille d’enfant Jill. Elle sait que je craque complètement lorsqu’elle boude un peu et qu’elle me regarde avec son petit air de chien battu. « Demain, tu viendras avec moi. » Parce que demain soir, je ne la laisse pas. Parce que je vais avoir du mal à la laisser partir avec Freya. Je ne lui interdirais jamais de faire quoique ce soit, mais je ne serais pas tranquille. Je le sais parfaitement, mais pour le moment, je me concentre sur la jeune femme qui ne cesse de me fixer avec son air malheureux. Elle veut jouer du piano maintenant, alors qu’elle a abusé de différentes substances et qu’elle est probablement incapable de se lever du lit. J’allais lui répondre, mais voilà qu’elle enchaîne et parle de son pyjama. Je vais devoir l’aider à se déshabiller, je le sais d’avance. « Je vais t’aider à le mettre. » Je vais pas la laisser dormir dans son jean et ses fringues qui sentent la cigarette et l’alcool.

Mais rapidement, notre conversation se tourne vers un sujet bien plus sérieux. Je sais que je ne devrais pas parler de cela maintenant, qu’elle ne s’en souviendra probablement pas demain, mais c’est plus fort que moi. J’ai besoin de savoir si elle regrette notre mariage. Je dois l’évoquer sinon je ne dormirais jamais et je sais que demain, je n’aurais pas le courage de dire quoique ce soit. Elle me regarde d’un air étonné, comme si je disais une connerie plus grosse que moi. Elle affirme en quelques secondes qu’elle ne regrette rien. Et je comprends que cela vient du cœur. Le soulagement est si fort que je ferme les yeux un instant et souffle longuement. « Je suis bien ici... Jillian McGrath Fitzgerald... C'est pas mal non ? » Un léger rire m’échappe. « Oui, c’est bien. » Un peu bizarre, mais bien. Très bien. J’ai divorcé d’une McGrath pour en épouser une autre. Et c’est tout ce que je voulais depuis si longtemps. « Et je ne regrette rien Jill. Absolument rien, je te le promets. » Je lui souris un peu et viens embrasser son front. « Tu veux vraiment garder McGrath ? » Tu veux vraiment me lier à cette famille encore et encore ? Je l’ai choisi dans le fond, mais je sais pas, cela reste encore un peu bizarre.

Je vois que Jill est en train de fermer les yeux et l’aide à se relever un peu. « T’endors pas de suite babe, faut te changer. » Elle s’assoit à côté de moi et je vois bien qu’elle tient plus vraiment debout et cela me brise le cœur. « Tu veux prendre une douche ? » Je sais pas si elle va vraiment vouloir, mais je sais aussi que c’est le genre de chose qui fait du bien. Et je me retiens si fort de lui dire de ne plus jamais prendre de la drogue, de ne plus retomber dans ses travers. J’ai envie de hurler de la voir dans cet état mais je ne peux rien gérer. Absolument rien. « Je suis désolé. » Je ne sais même plus pourquoi je m’excuse, mais j’ai cette sensation au fond du bide que tout cela est de ma faute.    

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« Juste que tu m'aimes ! » C’est si simple et si normal. Juste lui dire que je l’aime. C’est ce qu’elle attend. Je dois dire que je n’avais pas l’habitude d’entendre cela de sa bouche et pourtant… Mon regard tombe sur son alliance. On s’est marié. C’est bien ce qu’un couple de jeunes mariés est censé faire non. Il faut dire que mon premier mariage n’a jamais été un exemple. Je n’ai jamais été le mari parfait, le compagnon exemplaire. Je buvais plus que de raison, j’allais voir ailleurs et parfois, je dois l’avouer, je me fichais de Ginny et je faisais tout pour l’ignorer pendant des jours. Non rien de tout cela était parfait. Dans le fond, je suis tout aussi novice que pouvait l’être Jill. On apprend tout doucement et ce soir représente la première bosse sur ce nouveau chemin. Je lui en veux d’avoir pris de la drogue et pourtant lorsqu’elle me demande aussi innocemment, je ne lui en veux plus vraiment. « Je t’aime Jill. » Mais pas dans cet état, pas lorsque tu te fais du mal comme cela. Et ça je le garde bien pour moi. Ce n’est pas le moment de lui dire tout cela, on verra plus tard. Un autre jour. Ou jamais. Je n’en sais trop rien. Pour le moment, je me concentre sur la jeune femme qui agis subitement comme une enfant de six ans à bouder et réclamer des choses comme si elle avait été privée.

Et soudainement, elle réalise que demain se déroule l’anniversaire de son neveu. Merde. J’avais complètement oublié ce détail. Non pas l’anniversaire du petit garçon, mais plutôt la fête que Ginny avait préparée depuis des semaines. Pourtant, son cadeau est en bas et je sais à quel point cela va lui faire plaisir. « Oui, c’est demain. » Et une nouvelle fois elle évoque cette envie que l’on prenne Noah avec nous pour passer du temps seul avec lui. Je lui avais promis qu’on le ferait et puis comme toujours la vie a continué et on n’en a toujours rien fait. « On demandera à Gin demain. » Je sais que la maman ne nous refusera jamais cela. On pourrait présenter l’idée comme un cadeau d’anniversaire à Noah. Un weekend avec nous. On irait probablement à la plage et faire tout un tas de trucs qui plairait à Noah. « Mais on va le faire, promis. » Ce n’est pas une promesse en l’air. J’ai envie, et besoin, de passer du temps avec lui moi aussi.

Mais bien rapidement, la conversation prend un tout autre tournant. Jill a bonne être mignonne en étant un peu défoncée, je n’oublie pas le fait qu’elle est prise de la drogue. Elle a replongé. Quelques jours après notre mariage et cette sensation qu’elle puisse regretter me colle à la peau. « Pourquoi tu penses que je regrette ? » Un soupir s’échappe d’entre mes lèvres. « J’en sais rien Jill, pour tout un tas de raisons. » Parce que tu as peur, parce que tu ne veux pas de cette vie aussi bien ranger, parce que tu cherches encore ta liberté. Parce que, parce que… La liste pourrait être si longue si je me mettais à y penser. Mais je ne veux pas y penser. Je m’interdis de le faire. « Parce que t’as pris de la drogue. » À mon tour de penser à voix haute. À mon tour d’être vulnérable. Elle ne s’en souviendra probablement pas demain alors autant profiter après tout.

Et bien entendu, Jill voudrait dormir là sur le lit, sans se changer, sans aller se décrasser de tout ce qui court dans son sang à l’heure actuelle. Je voudrais juste qu’elle décuve un peu alors je l’aide à aller jusqu’à la salle de bain. Je m’excuse pour un rien et elle se met à rire dans son coin. Je me sens si loin d’elle à cet instant précis que j’en ai le cœur qui se sert. Est-ce qu’on va repartir dans ce schéma malsain où elle prend de la drogue plutôt que ses cachets et où je dois prendre soin d’elle, de peur de la voir sombrer ? Je ne veux pas de ça. J’ai pas signé pour ça. Alors je m’excuse, persuadé que dans le fond, je suis le seul responsable de son mal-être. « Je viens avec toi et après, on va se coucher. » Je viens avec toi parce que sinon je vais m’écrouler Jill. « Je t'aime. » Et j’ai le cœur qui se serre alors qu’elle se tient à moi et que je l’aide à se déshabiller. « Je t’aime aussi. » Toujours. Malgré tout.

Elle se retrouve nue et je me déshabille rapidement pour la suivre dans la cabine de douche. Je lance l’eau et garde la jeune femme près de moi qui commence à avoir les mains baladeuses. « Pas ce soir Jill. » Pas alors que tu es complètement défoncée et dans un autre monde. Pas comme ça, plus jamais. « Passe toi le visage sous l’eau, ça te fera du bien. Je te lâche pas. » Jamais. Je suis là. Malgré les doutes qui viennent déjà me bouffer de toute part. Je suis là pour toi, Jill. Et je lui souris même si le cœur n’y est pas vraiment, même si j’ai mal. Je lui souris parce qu’elle est revenue ici et pas ailleurs. Elle est là avec moi. J’embrasse son épaule et me retrouve sous le jet avec elle. Et on reste comme ça, dans le silence. Je profite d’être dos à elle pour dire doucement. « J’ai besoin que tu me promettes que tu me laisseras pas. » Et je ne parle pas de partir sans se retourner. Mais de partir sans jamais se réveiller. Parce que tout ce que je vois dans ses pupilles dilatées, c’est l’overdose. Encore et encore. Ce sentiment que l’on m’avait tout pris et que j’allais crever sans elle. Je ne veux plus jamais revivre ça.      

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jailey #10

Elle s’agite dans tous les sens Jill. Elle ne tient pas en place. Une fois, elle a envie de dormir, la seconde d’après elle hurle parce qu’elle se souvient d’un détail. Un détail important. L’anniversaire de Noah qui a lieu le lendemain. J’avoue avoir un peu, oublier aussi ou tout du moins ne pas avoir tilter que la petite fête prévue par Ginny avait lieu demain. Je sais d’avance que cela va être compliqué. Elle me fait promettre de la réveiller, Jill et je me retiens de balancer un tacle qu’elle n’apprécierait pas. Je me mords la lèvre, je ravale mes remarques. Ce n’est pas le moment. Et pourtant ça tourne en boucle dans ma tête. J’ai peur qu’elle gâche tout, qu’elle trouve un petit détail idiot pour se prendre la tête avec sa sœur, qu’elle raconte un détail de sa soirée ou je ne sais quoi encore. J’ai confiance en Jill, mais lorsqu’elle est dans la même pièce que sa sœur tout m’angoisse bien plus rapidement. « Promets-moi que tout se passera bien. » Pas pour moi, mais bel et bien pour Noah. Je sais que Jill ne fera rien pour gâcher la journée de son neveu, mais je ne peux m’empêcher de lui faire cette demande. Je ne peux m’empêcher de l’exprimer à voix haute. J’ai besoin que tout aille bien demain. Juste le temps d’une journée. Juste pour Noah. « Il sera content de son cadeau. » ajoutais-je rapidement comme pour immédiatement calmer l’ambiance. Il faut que tout se passe bien.

Il est bien vite oublié l’anniversaire de Noah lorsque l’on en vient à discuter de notre situation. Depuis qu’elle est rentrée, je cherche à comprendre ce qui a bien pu se passer pour qu’elle prenne de la drogue. Je savais que ça n’allait pas être un jeu d’enfant, qu’il y allait avoir des rechutes, mais clairement celle-là je ne l’avais pas du tout prévu. Cela me laisse sans voix et surtout bien trop anxieux. « Je regrette pas tout ce que j'ai avec toi, jamais. » Un premier soulagement. Je n’en ai jamais réellement douté, mais c’est bon de l’entendre prononcer ces quelques mots. C’est rassurant, ça fait du bien. « Oui j'en ai pris, elles parlaient trop. Je pouvais plus, j'entendais que ça, et je voulais pas hurler. Je voulais pas passer pour une cinglée dehors... Ils auraient appelé je sais pas qui et j'aurais fini en hôpital... Je voulais juste qu'elles s'arrêtent. » Et ça tombe sans prévenir. Une énorme claque derrière la nuque. Elle ne va pas bien Jill et j’ai été incapable de le voir. Et j’ai mal de l’entendre parler comme cela. Alors je me lève et viens passer mes bras autour de son corps. Je la serre doucement contre moi. « Personne ne va t’enfermer. Plus jamais. » C’est fini tout ça. Je ne laisserai jamais personne l’enfermer dans un hôpital à nouveau. Plutôt crever. « T’as besoin d’hurler ? » Parce que je sais à quel point tout contenir n’aide en rien. Je sais que l’alcool donne l’illusion d’un moment de répit, mais que cela ne dure jamais. « Tu peux le faire, vraiment. » Lâche tout ce que tu gardes pour toi si tu as besoin mon amour.

Je finis par l’entraîner sous la douche. Lui enlever cette odeur d’alcool, ces dernières traces de drogues avant d’aller se coucher. « Juste une douche et au lit. » dis-je doucement comme si je parlais à une enfant. Elle est telle un objet fragile entre mes mains tremblantes Jill. Je fais attention aux moindres de mes gestes. Je la garde contre moi. Je fais tout pour la rassurer. « Je veux pas partir loin de toi... » Et mon cœur qui s’accélère un peu. « Je te le promets si tu me le promets aussi... » Mes lèvres se posent sur les siennes lentement. « Je te promets. » Bien sûr que je lui promets. Toujours. Je ne lâcherai pas.

Elle est épuisée, Jill, alors je l’aide à sortir de la douche. Je l’enroule dans une grande serviette et viens frotter son dos. « Si les voix reviennent, je veux que tu m’en parles. D’accord ? » Sans jugement, sans lui mettre la pression. Juste qu’elle sache que je serais toujours là pour elle. Toujours. « Je serais toujours là. » dis-je doucement.        

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« Tu penses que je vais gâcher l'anniversaire de Noah ? » « Jamais. » Pas la peine de prendre le temps de répondre. Pas la peine d’élaborer. Quoiqu’il arrive, je sais qu’elle ne gâchera rien, parce que c’est de Noah que l’on parle. Jill a ses différends avec sa famille. Ils ont leur problème. Mais jamais elle ne mettrait Noah au milieu de tout cela. Elle aime bien trop son neveu pour cela. Alors, je sais. Alors, j’ai confiance. Qu’importe l’état dans lequel elle va se lever demain, tout ira bien. Elle fera tout pour que Noah passe la meilleure journée qui soit. L’espace d’une journée, on fera comme si tout allait bien. Les problèmes reviendront d’eux même un peu plus tard. Demain tout ira bien. Après, on verra.

Sous l’emprise de la drogue, elle se met à parler Jill. Elle aborde le sujet de sa maladie et ça déstabilise ça. Je n’ai pas l’habitude de gérer ça. Reconnaître la crise, la gérer, ça je sais faire. En parler, c’est probablement une première. Elle est terrorisée la brunette et je me retrouve sans voix face à elle. Qu’est-ce que je pourrais bien lui dire ? Alors que je ne connais rien. Alors, que je tente de gérer lorsqu’elle veut bien me laisser entrer. Elle a peur de l’hôpital. « Tu n’y retourneras jamais. » Pas tant que je serais là. Je t’en fais la promesse Jill. Je te protégerai, quoiqu’il en coûte. Mais elle ne gère plus rien, Jill, elle laisse la peur parler. Ses bras s’accrochent à moi tandis que je l’aide à sortir de la douche. Je voudrais l’habiller, je voudrais l’aider à aller se coucher, mais elle ne bouge pas. Elle resserrer son emprise autour de mon cou. Je la laisse faire. « Elles sont toujours là, elles partent jamais. Y'a juste des jours où elles sont moins fortes que d'autres. Je veux pas les laisser prendre ma place, je veux pas qu'une devienne trop forte et que je puisse plus lutter. » Elle se brise sous mes yeux. J’essaye de ramasser toutes les pièces, le plus vite possible, le plus maladroitement qui soit. Je la force à reculer un instant. Caler mes doigts sous son menton pour la forcer à croiser mon regard. « Je t’aime. » Qu’importent les voix, qu’importe la situation, qu’importe le moment. C’est tout ce que je trouve à lui dire. Je ne m’improviserai pas psychiatre. Je ne lancerai pas la discussion de son traitement maintenant. Aucun de nous n’en a la force. Il faut qu’elle se repose, que la drogue se dissipe dans son sang et son esprit. Je t’aime et je ne te lâcherai pas Jill.

On trouve le chemin de notre lit. Elle se glisse sous la couette, je me place derrière elle. Je la tiens alors qu’elle s’endort. Je la tiens dans son sommeil. Je ne ferme pas l’œil de la nuit. Je veille sur elle.   

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