the choices we make change the path that we take

bailinny #6

Poing levé devant le panneau de bois. Geste suspendu dans le vide. Frapper ou partir ?

Je ne sais plus vraiment comment j’ai atterri ici. Je voulais fuir la maison le temps de quelques heures. Ne pas croiser le regard de Jill. Arrêter de penser à sa rechute. À cet instant où mes yeux ont croisé ses pupilles dilatées par la prise de stupéfiants. La scène se joue en boucle derrière mes paupières. Il avait fallu quelques jours après notre retour pour qu’elle plonge tête la première dans ses mauvaises habitudes. Depuis, on joue à l’autruche. Elle prétend que ce n’était qu’une fois. Je tente de me convaincre que tout cela n’était pas de ma faute. On continue à prétendre que tout va bien alors que l’on semble foncer dans le mur à pleine vitesse. À croire que l’on ne pourra jamais réellement vivre quelque chose de simple, de stable. Je ne voulais pas rester à la maison, à voir Jill s’agiter dans tous les sens pour lutter contre son envie de se précipiter sur un peu de poudre et j’ai atterri ici. Devant la maison de Ginny. Elle a toujours été celle vers qui je me suis tourné quand ça n’allait pas. Elle est celle qui connaît tout de moi, de cette situation si folle dans laquelle on, c’est confortablement installer depuis dix ans. Elle est aussi celle a qui j’ai dit au revoir depuis un peu plus d’un mois. Trente-sept jours pour être précis. Sans nouvelles, sans rien. Je ne sais plus vraiment qui je tentais de convaincre lorsque m’es venu l’idée de la sortir de ma vie. Je pensais bien faire. Donner une raison à Jill de me croire, de me suivre au bout du monde pour aller mieux. Je voulais donner un nouveau départ à mon couple. Et on a tenu. Enfermé dans notre bulle, on aura tenu quelques semaines avant que tout ne s’effondre à nouveau. Parce que Jill a pris de la drogue, parce que je me laisse bouffer par mes insécurités tout en essayant tant bien que mal de protéger mon avenir professionnel. On s’effondre à nouveau. Un pas en avant, dix en arrière.

Je me demande encore si je dois frapper. Si je dois revenir dans la vie de Ginny comme cela sans prévenir avec mes problèmes et mes angoisses. En lui disant au revoir, je l’avais aussi libéré de toute charge émotionnelle me concernant. Elle n’avait plus à gérer cet ex-mari qui s’est entiché de sa grande sœur. Je lui avais rendu sa liberté, le choix de ne plus penser à nous, de ne plus souffrir à cause de toute cette histoire. Et pourtant… Instinctivement, je suis venu ici. Mon instinct m’a amené jusqu’à chez mon ex-femme, parce qu’elle reste celle auprès de qui je me suis toujours confié. Elle reste celle qui ne m’a jamais jugé, celle qui pose les bonnes questions, qui sait comment s’en sortir dans le bordel que représentent mes émotions. Elle reste ma meilleure amie qu’importent les disputes et les au revoir.

Du moins, je n’ai toujours pas frappé. Je ne sais depuis combien de temps, je suis planté devant cette porte à peser le pour et le contre. À me dire que j’ai besoin de parler avec la brunette, mais que je ne devrais pas revenir dans sa vie comme cela, que je devrais la laisser tranquille. Je me perds tellement dans mes pensées que je n’attends pas la porte s’ouvrir et lorsque mon regard croise celui de Ginny, je me sens comme un gamin pris la main dans le sac. La panique s’empare de moi en quelques secondes. « Je… » Je recule d’un pas, puis deux, manque de louper la marche et de m’écrouler. Nos regards qui se croisent à nouveau. « Je sais pas vraiment pourquoi je suis venu jusqu’ici. » Mensonge. « Je voulais pas déranger. » Et déjà, je lui tourne le dos, prêt à m’enfuir de nouveau.    

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Y'a une silhouette devant la porte. Elle est là, elle est immobile, elle hésite. Tout en moi me dit de ne pas ouvrir la porte par contre, d'attendre encore un peu. Parce que même si rien ne suggère de qui il s'agit, je sais déjà. Je sais que c'est lui, je le sais pas seulement parce que je reconnaitrais son ombre parmi des dizaines d'autres, pas seulement parce que je sais qu'il est le seul qui ne profiterait pas du fait que la porte n'est jamais verrouillée chez moi pour entrer en coup de vent. Je sais parce qu'il a promis qu'il reviendrait - parce qu'il me l'a dit, parce que je l'ai cru, et parce qu'aujourd'hui, il est là à nouveau.

Pizzasagne gratte à la porte, la silhouette bouge, j'ai la main sur la poignée, je tourne d'instinct. C'est trop vite et trop tôt, j'aurais dû attendre mais j'ai été prise de cours, j'aurais voulu qu'il frappe mais jamais je ne l'obligerais à faire quoi que ce soit s'il ne se sent pas prêt à le faire justement. « Je… » il recule, titube, ma main s'avance, mon bras s'étire pour tenter de le ramener avant qu'il ne perde pied. « Fais attention, y'a la march- » mais il se redresse finalement, bon joueur, inspirant aussi profondément que moi.

« Je sais pas vraiment pourquoi je suis venu jusqu’ici. » je me fais violence pour ne pas détailler son visage, pour ne pas le scruter, pour ne pas partir à la recherche de tous les traits qu'il a développés, si naïve de croire qu'un mois et des poussières l'aurait changé à ce point. It did, he changed. Il a l'air mieux là, étrangement déboussolé, définitivement perdu. Mais mieux, curieusement serein dans sa panique. « Je voulais pas déranger. » tu déranges jamais Bailey, que mon regard lui hurle, que mes mots n'affirment pas. Parce que c'est obsolète de dire ça, entre nous. Il a pas besoin de me demander s'il dérange ou non, il a pas encore moins besoin de s'excuser, et pour ça, y'a rien qui a changé, y'a rien qui est différent.

« J'allais le faire marcher. » alors je brise le silence, tirant doucement sur la laisse attachée au harnais du chiot qui a traversé un océan pour venir se la jouer pacha en Australie, chiot que j'ai kidnappé à la galerie ce matin pour le garder avec moi toute la journée ensuite. Noah est à l'école, il n'y a que Bailey et moi maintenant. « Tu veux venir avec nous? » comme ça, il a une excuse pour rester.

Il a une excuse pour parler de ce qui le tracasse assez pour que je n'ai même pas besoin de forcer un coup d'oeil dans ses prunelles pour le capter. La vérité, c'est que même s'il ne me dit rien, c'est que même s'il se poste à mes côtés en silence pour les prochaines minutes, je ne dirai rien de plus. On y va pas à pas, à son rythme. Juste, qu'il reste encore un peu, un tout petit peu. Il m'a manqué, il ne le verra qu'encore mieux lorsque mes prunelles trouvent une ultime fois les siennes. La porte de la maison fermée par mes soins, le chiot sur mes pas. « Juste un bloc, maximum deux. Et promis je regarde des deux côtés quand on traversera la rue. » ma main libre de laisse que je hausse à son intention pour montrer ma bonne foi, sachant à quel point ma tête en l'air et mon esprit toujours perdu avaient été causes de soupirs et de roulements d'yeux de sa part, du temps d'avant.

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bailinny #6

La porte s’ouvre avant que je ne frappe. Elle a pris la décision pour moi. Nos regards se croisent et enfin, je souffle un bon coup. J’allais frapper. Elle la comprit avant moi. Comme toujours. Et pourtant, je titube, je m’excuse, je m’emmêle les pinceaux. Ginny m’a pris de court. Il m’aurait fallu encore un peu de temps pour formuler mes pensées, pour expliquer ma présence ici. Je me confonds en excuse comme si elle avait besoin de ça. Dans la douceur d’un regard, la brunette me fait comprendre que mes émotions sont tout ce qu’il y a de plus valide. J’ai ressenti le besoin de venir ici. Il y a de cela un mois, j’ai pris la décision de tout mettre en pause entre nous. Je lui avais promis que je reviendrais. Jamais je n’aurai pu imaginer venir la retrouver à la recherche d’une quelconque approbation, de la moindre parole qui validera mes actions de ses dernières semaines. Et pourtant… Elle a toujours été le calme dans la tempête. Et elle n’impose rien Ginny. Elle me scrute et j’en fais de même. Quelque chose à changer. Entre nous. Chez elle aussi. Elle paraît étrangement apaisée, si calme et sereine. Il faut croire qu’un mois et quelques jours peuvent réellement changer quelqu’un. C’est nouveau, ce silence entre nous, mais il est apaisant. C’est ce que j’étais venu chercher.

Elle a compris que j’ai besoin de quelques minutes encore et elle me propose de marcher avec elle et le petit chiot qui tourne autour de nos pieds. Un sourire se dessine sur mes lèvres alors que je me penche pour flatter la tête du petit animal. « Tu as fini par céder ou Noah est allé le chercher lui-même ? » Depuis le jour où j’ai adopté Logan, Noah ne cesse de dire qu’un jour, il aura un chien. Il en parle tellement souvent que je ne saurais pas étonner d’apprendre qu’il est parti adopter une petite boule de poil seul du haut de ses neuf ans. Un rire m’échappe alors que la brunette me promet qu’elle fera attention à traverser. Rien a changé. On n’efface pas notre passé. On apprend à vivre avec autrement. On tourne la page sans tout effacer. On garde le meilleur.

Je viens marcher à ses côtés, mes mains enfoncées dans les poches de mon short en jean. Un silence confortable nous englobe. Je profite de sa présence. C’est tout ce dont j’avais besoin pour m’apaiser un peu. Pour oublier le temps d’un instant que Jill a rechuté, que notre mariage semble déjà si fragile, que les voix vont probablement encore gagner sur sa volonté. Juste le temps de quelques pas, je me permets d’oublier. Je glisse un regard vers Ginny qui respecte religieusement mon silence. Elle n’impose aucune conversation, elle attend. Elle sait que je vais finir par parler, elle n’a même pas besoin de me questionner. Merde, tu m’as tellement manqué Gin. Je ne regrette pas d’avoir pris mes distances avec elle, on en avait tous les deux cruellement besoin, mais il était temps que je la retrouve. Notre ballade se poursuit, juste le bruit de nos pas en synchronisation et le chiot qui gambade joyeusement en avant. À chaque pas mes émotions s’emballent, s’emmêlent et se démêlent. Je déconnecte un instant avant de sortir ma main gauche de ma poche. « On s’est marié. » Je lui annonce sans détour, sans prélude. De but en blanc comme toujours. Je ne précise rien de plus. Je sais qu’elle a compris. J’avance un peu ma main entre nous, là où l’on peut apercevoir une nouvelle alliance à mon annulaire. Un anneau que j’ai choisi, une décision qui m’est propre et dont je suis fier. Un soupire et j’ajoute : « Elle a repris de la drogue hier. » J’ai besoin de toi, Ginny. C’est ce que je n’ose pas dire. C’est ce que j’ose espérer qu’elle comprendra derrière ces quelques mots. Dis-moi que j’ai pris la bonne décision. Dis-moi que je peux l’aider. Et une nouvelle fois, je baisse la tête continuant notre marche silencieuse. Au moins elle est là.    

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Pizzasagne qui sort de sa sieste s'avère être bien plus docile qu'à tous les autres moments de sa vie, et ça je le note mentalement. Je le note, tout juste après avoir noté le profil de Bailey, y avoir noté les rictus et le soleil qui se mélangent sur sa peau, juste après avoir vu une lueur d'espoir croiser celle de ses démons au creux de ses yeux. « Tu as fini par céder ou Noah est allé le chercher lui-même ? » la porte que je referme sans penser à y mettre la clé. La vérité, c'était que si un jour un voleur s'infiltrait chez moi, il allait passer tellement de temps à tenter de naviguer dans mon bordel qu'il ne prendrait même pas le risque de partir avec quoi que ce soit. La crainte de me faire dérober de vieux livres, des vinyles rayés et une infinité de plaids n'est donc pas la première de mes priorités.

« Personne me prenait au sérieux quand je disais que je voulais attendre encore un peu de toute façon. » un sourire qui remonte, mon épaule que je hausse. Le chiot qui tire de plus en plus sur la laisse devant nous. Il presse mon pas pour finir par le ralentir quand il se charge de renifler le bosquet de fleurs en bordure du trottoir, quand il choisit son moment pour y évoluer, et que je le sens, le regard du Fitzgerald. Je le sens sur ma peau même s'il fait tout pour le retenir, même s'il le dégage la seconde d'après. Il parlera quand il le voudra, et il le sait. « On s’est marié. » « Oh- » mes félicitations qui restent coincées dans ma gorge, et pas parce qu'elles sonnent faux à mes oreilles, bien au contraire. Elles restent prises parce qu'il ajoute un autre fait, parce qu'il ponctue sa confession additionnée de son annulaire exhibé pour une autre bien plus sombre. « Elle a repris de la drogue hier. » « Oh. »

Et il est perdu. Il l'est, et j'aimerais tellement l'aider à retrouver la bonne direction, à retrouver celle où il avait fait naître tout l'espoir et tout le courage et tout l'amour nécessaires pour demander ma soeur en mariage, pour qu'ils se laissent gagner une bonne fois pour toute. Mais on y va en douceur, toujours. On se dit la vérité Bailey et moi, on se ment pas, surtout pas depuis qu'on s'est sortis des mensonges de nos parents. On ne se ment pas, et je sais que pour le moment, il veut juste évacuer. Il veut juste parler, il veut juste être entendu, il veut juste mettre de l'ordre dans ses idées. Quand il voudra avancer, je l'aiderai. Quand il voudra courir plutôt que marcher, je lui donnerai toutes les forces que j'ai pour l'aider à le faire.

« Elle sait? Que tu sais? » ma voix est douce, les questions le sont aussi. On y va du début, on part à la base. Parce que surtout, c'est important qu'il entende la suite, c'est important pour moi, mais ça l'est immensément pour eux. « Ça remet pas en doute quoi que ce soit, ni son amour, ni le tien. » ça remet pas en doute votre union, ça remet pas en doute le fait que t'es la bonne personne pour elle. Ça remet pas en doute les 10 années que vous avez au compteur et toutes celles qui suivront. « Ça remet rien en doute, qu'elle ait rechuté. Ça vous donne une nouvelle chance, d'être assez forts tous les deux pour vous aider à vous relever. »

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bailinny #6

Mes pas qui copient sont rythme, mon regard qui se perds sur son profil avant d’aller virevolter ailleurs. On marche en silence. Je me complais dans cet instant si familier. C’est exactement ce que j’étais venu chercher auprès de la brunette. Un échappatoire, le temps d’une balade. Le confort d’une amitié que l’on se doit de conserver, malgré les doutes et les coups durs. J’ai besoin de savoir que je pourrais toujours me tourner vers elle. On c’était promis de se retrouver. Je crois qu’il était temps. Il n’y a qu’à Ginny que je peux parler de tout cela même si elle est directement concernée puisque je vais évoquer sa sœur. Mais en même temps… Je n’ai qu’elle vers qui me tourner dans ce moment de doute et de panique interne. Je dois exprimer ce que j’ai sur le cœur sinon je sais que je finirais par exploser et que rien ne se déroulera comme je l’aurais voulu. Pourtant, je prends mon temps. Je pèse mes mots. Je cherche la meilleure façon de lui annoncer cela et finis par coller à ce qui nous ressemble plus : la vérité brute.

« Oh. » Ce son qui s’échappe d’entre ses lèvres et qui m’enserre le cœur. Oh. Oui… Ginny. J’ai fait un truc aussi dingue que me marier avec ta sœur sur une plage sans en parler à personne. Oui on, c’est laisser emporter par la folie de l’instant et aujourd’hui je me demande si tout cela était vraiment malin. Aujourd’hui, je doute. Aujourd’hui, j’ai la peur au ventre. Je vois qu’elle hésite, Ginny. Elle regarde son chien, reprends sa marche et je me sens brûler de l’intérieur. Il faut qu’elle parle. Et le silence dur encore un peu, quelques pas, avant qu’elle m’adresse une question tout simple. « Elle sait. » Je ravale ma salive lentement en me remémorant la soirée d’hier. « Elle est rentrée en pleine nuit, je… » Énervé contre le monde, contre Jill, contre moi, je laisse m’échapper un long soupir. « Elle avait les pupilles tellement dilatées, il fallait être aveugle pour ne pas le voir. » Elle avait pris de la drogue et pas en petite quantité. Elle a replongé tête la première. Juste comme ça. En un claquement de doigts, en un instant. Quelques jours après notre retour. Et bien entendu que je doute. Bien entendu je remets tout en question en boucle, non-stop, depuis qu’elle rentrée. On n’aurait pas dû se précipiter comme cela. Elle va prendre peur et partir sans jamais se retourner ou elle deviendra méchante pour que ce soit moi qui la sorte de ma vie. Je n’en sais trop rien. Mais je suis sûr d’une chose, tout est brutalement remis en doute. Qu’importe ce que dira Ginny, parce qu’elle a compris la brunette et déjà elle exprime ce que j’aurais été incapable de dire. Elle me connaît que trop bien. Je plonge mon regard dans le sien terrifié à l’idée d’exprimer tout cela à haute voix. Ça va devenir réel, bien trop tangible, bien trop vrai. Et je la fixe Ginny. Je la supplie du regard. Qu’elle me dise que tout cela n’était pas une erreur, que ce mariage allait tenir qu’importe les épreuves. Je la regarde un moment avant de baisser la tête et reprendre ma marche en silence. Pendant quelques secondes encore avant de trouver le courage de m’exprimer. « Je veux pas la perdre. » Jamais. Surtout pas à cause d’une histoire de drogue. Pas encore. « Je pourrais pas. » Je ne pourrais pas survivre. Je le sais.

Et on marche encore, je ne sais plus vraiment où l’on va, jusqu’à ce que je reconnaisse la rue où se trouve la maison de Ginny. Encore quelques mètres et elle sera chez elle. Encore quelques mètres et elle me laissera probablement sur le pas de la porte. Je sais plus vraiment si je suis le bienvenu dans sa maison. Je suis plus vraiment sûr de quoique ce soit. « J’avais acheté une bague pour Noël. Pour Jill. » Je précise avant de reprendre. « Je l’ai acheté deux jours avant que Noah fugue. Et puis j’ai oublié… » Et puis j’ai mis Jill de côté, encore une fois. « On venait de passer une semaine normale, sans drame, sans cris, sans pleurs. On parlait d’avenir sur cette plage, je lui ai montré la bague. » Je ne sais même plus vraiment pourquoi je lui raconte, comme si j’avais besoin de me justifier. « Ce n’est pas si fou que ça. » Dis-moi que ça ne l’ai pas. Je t’en supplie Gin. J’ai besoin de l’entendre, tu n’as même pas idée à quel point. Et pourtant, je prends conscience de mes mots et me mets à rire de manière incontrôlé. « En fait si, c’est complètement dingue. Non ? » Aide moi Gin…       

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« Elle sait. » ce qui sonnerait presque comme une sentence pour lui n'en est pas une pour moi. Elle doit savoir qu'il est courant. Elle doit savoir d'emblée et directement qu'ils n'ont pas de secrets, qu'il est autant là pour elle qu'elle veut l'être pour lui. J'aurais détesté qu'il me réponde l'inverse, j'aurais encore plus détesté avoir à garder un visage de marbre face à cette information parce que c'est leur histoire, et que ça n'est pas la mienne. Si j'agis à titre de médiatrice dans l'ombre, c'est strictement parce que je les aime tous les deux du fond du coeur, et parce que je souhaite leur bien autant à l'un qu'à l'autre, et surtout à tous les deux, ensemble. « Elle est rentrée en pleine nuit, je… Elle avait les pupilles tellement dilatées, il fallait être aveugle pour ne pas le voir. » je me fais violence pour ne pas me dépeindre le portrait exact de ma soeur comme il me le décrit. J'ai pas à paniquer, je dois être bien plus forte que ça. Il a besoin de l'oreille, il a besoin de l'écoute, il a besoin de toutes les forces du monde et je ne m'autoriserai jamais à flancher à la moindre occasion tant et aussi longtemps que je sentirai qu'il a besoin d'aide pour se relever. Mes inquiétudes pour ma soeur ravalées, je garde une voix aussi douce que possible, néanmoins catégorique. « Quand as-tu prévu en parler avec elle? » je ne sous-entends absolument pas qu'il aurait dû le faire plus tôt, ou qu'il devrait le faire plus tard. Le seul élément avec lequel j'espère qu'il reparte, restera d'avoir une conversation avec elle, à son rythme, à celui de ma soeur, peu importe quand, mais de l'avoir coûte que coûte.

« Je veux pas la perdre. » et elle est là, sa détresse. Elle va bien au-delà de ses inquiétudes de surface, elle va bien au-delà de tous les problèmes et de tous les doutes qu'ils peuvent avoir. Des dizaines d'obstacles que la vie leur met déjà dans les pattes, et des centaines d'autres qui viendront ensuite. On ne se mentiera pas, peu importe l'amour et peu importe la tendresse, peu importe les sentiments et peu importe les intentions, la vie n'est jamais calme. Encore moins lorsqu'on a un McGrath attaché à un endroit ou un autre de l'équation. « Je pourrais pas. » « Elle ne voudrait pas te perdre elle non plus. Elle ferait tout pour que ça n'arrive pas. » je déteste parler pour ma soeur, presqu'autant qu'elle déteste lorsque je parle pour elle. Mais ça, je pourrais l'affirmer haut et fort à qui que ce soit voudrait ou ne voudrait pas l'entendre. Elle aime Bailey plus que tout, et depuis toujours sans que je ne l'ai remise en doute une seule fois. Elle l'aime fort et elle l'aime parfois mal, elle l'aime avec passion et elle l'aime avec rage, mais elle l'aime de tout son coeur, et à mes yeux, c'est amplement suffisant. Évidemment, je suis consciente du double-sens de sa phrase. Et évidemment, mes doigts se resserrent un peu plus fort autour de la laisse de Pizzasagne, la simple idée que ma soeur cède à ses vices et nous laisse tous derrière à ramasser l'infinité d'éclats de coeurs brisés qu'elle abonnerait fatalement dans son sillage me trouble au point où je nie avec assurance que ça puisse seulement être une option.

À son rythme, toujours, même si ses pas s'adaptent aux miens. À plusieurs reprises je songe à lui prendre la main mais je me retiens au dernier moment. J'aime qu'il s'offre de lui-même, j'aime qu'il en ait la force de le faire. La main qui venait en support, qui venait en soutien, elle est toujours disponible s'il en a besoin. Mais je ne la lui imposerai pas si je vois à quel point il y arrive de toutes ses forces, tout seul. Je suis si fière de lui alors qu'il ne le réalisera probablement jamais. « J’avais acheté une bague pour Noël. Pour Jill. Je l’ai acheté deux jours avant que Noah fugue. Et puis j’ai oublié… » oublié. On avait oublié des tas d'éléments, des tas de gens, un monde entier pendant cette maigre semaine-là. J'en suis encore à peine à assumer la déferlante de tout ce que cette situation a sali, a bafoué entre Ezra et moi, entre Bailey et moi, aussi. « On venait de passer une semaine normale, sans drame, sans cris, sans pleurs. On parlait d’avenir sur cette plage, je lui ai montré la bague. » un fin sourire glisse sur mes lèvres. Bien sûr. Un mariage à l'improviste, une idée lancée au vol, leur bonheur à eux et à eux seuls qu'ils ne voulaient pas partager avec qui que ce soit, qu'ils voulaient avec toutes les raisons du monde garder pour eux. De nous deux, j'avais toujours su que Bailey serait celui qui se remarierait assurément. Il avait tout de l'homme de famille solide, même s'il le cachait derrière ses comportements vieux de tellement d'années qu'ils ne le définissaient plus à mes yeux. Si la simple idée d'une alliance m'avait traumatisée si longtemps que même encore aujourd'hui j'avais du mal à m'imaginer en enfiler une nouvelle à mon doigt, je comprenais les raisons du Fitzgerald, je ne pouvais qu'être heureuse pour eux, sincèrement.

« Ce n’est pas si fou que ça. » son visage se tourne vers le mien, il parle autant avec ses mots qu'avec son regard. Il parle et il dit tout et même s'il ne dit rien ses prunelles relancent d'un sens comme de l'autre. « En fait si, c’est complètement dingue. Non ? » « C'est vous. » et la seule, unique, et première chose qui me vient à l'esprit.

« C'est vous, les coups de tête. C'est vous, de vous laisser guider par le moment. » j'inspire, trace leur portrait alimenté par ma mémoire même si chaque moment marquant les mettant en vedette me vient si facilement en tête que je n'ai même pas besoin de forcer quoi que ce soit. « C'est vous de craindre sauter dans le vide un instant pour le faire la seconde d'après en vous entraînant au même moment à oser l'un et l'autre. » et d'un exemple parmi tant d'autres, d'une folie parmi des centaines, je reviens à l'important. « Mais c'est pas parce que c'est imprévu que ça n'a pas de valeur. » il craint d'être allé trop vite alors qu'il l'aime depuis des années. Il craint d'avoir brûlé des étapes quand ils en ont vécu des millions bien plus pires. Il craint d'avoir échoué quand à mes yeux, ils ont réussi. « C'est pas parce que c'est fou, c'est pas parce que c'est dingue, que ça n'est pas vous. » et elle était là la beauté de la chose. « J'aurais pas pu imaginer votre mariage autrement. » parce que ça leur ressemble, parce que c'est parfait dans toutes son imperfection.

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bailinny #6

« Quand as-tu prévu en parler avec elle? » Un léger rire s’échappe d’entre mes lèvres. Comme si Ginny ne connaissait pas déjà la réponse, comme si elle ne me connaissait pas par cœur depuis tout ce temps. « Jamais. » Elle est aussi simple la réponse. Jamais je ne vais évoquer cette soirée à Jill. Il faudra qu’elle m’en parle d’elle-même, mais je ne ferais pas le premier pas. J’ai bien trop peur de sa réaction, bien trop peur de la mienne aussi. On a failli la perdre une fois à cause de la drogue, je ne réagis plus de manière censée lorsque le sujet est évoqué. Je voudrais la protéger de tout cela, mais jamais elle ne me laissera faire. Et puis je ne parle jamais moi. Je garde pour moi, j’observe de loin, je hoche la tête, mais je ne dis rien. « Comme à la base, je n’avais jamais vraiment prévu de revenir vers toi. » Et je ne sais même pas pourquoi je dis ça a cet instant précis. Je sais que je vais lui faire du mal avec ces quelques mots, parce que le jour où je suis venu lui dire au revoir, je lui avais promis de revenir. Je pensais le faire, mais pas comme cela, pas en venant chercher de l’aide encore une fois. En prenant de la distance, en m’éloignant, je m’étais promis de ne plus jamais impliquer Ginny dans ma vie, dans mes histoires. Plus comme avant en tous cas. Et pourtant… Mes pas m’avaient guidé jusqu’ici. « Il faut croire que je finirais toujours par revenir. » Et je ne le dirais pas, mais derrière tout cela se cache une vérité que l’on connaît depuis si longtemps. Je ne sais plus fonctionner sans elle. Elle est celle qui me guide, qui parfois me répare, mais surtout celle qui retient auprès d’elle les pièces du puzzle que j’ai si souvent du mal à assembler. Nos regards se croisent et je lui souris alors que l’on reprend notre marche et que je tente de lui expliquer la folie, l’impulsivité née autour de mon mariage avec sa sœur. Et bien entendu, elle a toujours les bons Ginny. Elle sait exactement quoi dire pour me rassurer. « Parfois, tu me connais si bien que ça me fait peur. » dis-je doucement avant de venir serrer sa main avec force. Un merci silencieux. Je crois que j’avais besoin d’entendre cela et il fallait que cela vienne d’elle. J’avais besoin de l’entendre me dire qu’elle approuvait ce mariage. Alors tout ira bien. « Je me suis marié avec ta sœur. » Et l’ironie est si grande que je me mets à rire de bon cœur. Les nerfs qui lâchent, la pression qui redescend. « Parfois, je prends conscience que c’est sûrement ça le truc le plus dingue. Et j’en suis désolé. » Désolé de ne pas avoir su t’aimer comme il se doit, de l’avoir choisi elle et pas toi. Désolé de tout cela.

Et bien entendu, on ne se quitte pas sur le pas de la porte. Une invitation silencieuse, mais que je ne saurais refuser. Le chien retrouve ce qui semble être son endroit préféré alors que Ginny m’emmène dans le salon qui dégage une atmosphère particulière. Des cookies sur la table que je reconnais de suite, la brunette ne mangeais que cela quand on c’est rencontrer la toute première fois. Elle était enceinte de Noah. Mon regard se perd sur le reste de la pièce, sur ce canapé entouré de plaid, de tasse de thé vides et de sucreries. Ginny y retrouve sa place, comme un oiseau qui aurait fait son nid. Et doucement, les pièces semblent se rassembler une à une sous mes yeux. Les étourdissements, le fait qu’elle soit tête en l’air, ses envies de sucres et tout le reste. Mes pupilles qui se posent sur elle et une simple évidence. « T’es enceinte. » Au moment même où je prononce ces mots, déjà naît au plus profond de moi un sentiment à double tranchant que je ne saurais expliquer. Un mélange de bonheur et de jalousie. Un truc qui ne s’explique pas, mais qui n’a pas sa place entre nous. Un truc qui me dérange. Merde… Ma Ginny est enceinte.        

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Et ses mots, oh ses mots. « Jamais. Comme à la base, je n’avais jamais vraiment prévu de revenir vers toi. » ils auraient pu faire mal, et en un sens, ils auraient dû. On était passés à travers tout Bailey et moi, un monde et une vie et un mariage et deux continents. Pourtant, au fil des années, on avait commencé à se prendre pour acquis. On avait commencé à dépendre l'un de l'autre de bien des façons particulières, à s'appuyer et à se soutenir, à fusionner d'un amour désarticulé qui ne ressemblait en rien à celui qu'on éprouvait pour qui que ce soit d'autre. Qu'il ait voulu partir aurait dû me démolir, qu'il ait annoncé son départ aurait dû être la fin d'une ère aussi compliquée que cruelle et pourtant, je n'avais pas douté une seule et unique fois. « Il faut croire que je finirais toujours par revenir. » « C'était un au revoir. C'était pas un adieu. » j'avais eu peur, j'étais effrayée. J'avais rejoué dans ma tête tout ce que j'avais pu faire et dire de mal, tout ce que j'aurais pu arrêter, tout ce que j'ai laissé aller. Mais je savais qu'il reviendrait autant qu'il le savait. La situation aurait reçue la même finalité si j'avais été à sa place, et lui à la mienne. C'était un au revoir. C'était pas un adieu.

« Parfois, tu me connais si bien que ça me fait peur. » et l'inverse est toute aussi vraie. De vivre scrutés des autres pendant si longtemps nous a rendus incapables de porter des masques dans notre intimité. De mentir aussi longtemps aux autres nous a inculqué ce besoin, viscéral, de toujours nous dire la vérité, de toujours nous la montrer. « Je me suis marié avec ta sœur. » son rire se mélange au mien, mes doigts aux siens. C'est le moment où la pression retombe, c'est le moment où la discussion reprend des airs confortables. Il sait qu'il peut en reparler quand il le veut, et de la manière dont il est à l'aise Bailey. Il sait aussi que je ne me froisserai pas s'il change le sujet, s'il en a besoin. Ça fait partie de l'accord tacite, bien au-delà des alliances que l'on ne porte plus depuis de longs mois déjà. « Parfois, je prends conscience que c’est sûrement ça le truc le plus dingue. Et j’en suis désolé. » mon épaule se hausse, mes prunelles s'accrochent aux siennes avec une malice momentanée. « Le truc le plus dingue aurait été que tu te maries avec mon frère, plutôt. » ou moi avec le tien. Il ne le verra pas, le voile qui passe, quand je détourne la tête pour m'assurer que Pizzasagne arrête de tirer sur sa laisse, qu'il respecte notre rythme.

J'ouvre les fenêtres, dans la maison. J'aère, les rideaux volent, les feuilles des plantes éparpillées au salon dansent imperceptiblement. Il reste des cadavres de ma matinée emmitouflée sur la table commune, sur le canapé aussi. Des tasses de thé et des sucreries, les dommages collatéraux. Le chiot qui retrouve sagement sa place dans l'immense nid de coussins que je nous ai monté par mes bons soins, et Bailey qui reste en retrait, un temps. « T’es enceinte. » son regard brûle, la facilité avec laquelle il l'a de suite capté aurait dû me surprendre, et pourtant. « Parfois, tu me connais si bien que ça me fait peur. » je répète ses mots, exacts, un fin sourire qui reprend place sur mes lèvres. Un sourire rassurant, cette fois. Du moins, je tente de toutes forces qu'il le soit. « J'ai fait le test quand j'étais en Europe. J'étais pas certaine avant. » tu l'étais Gin tu niais seulement. « Jill ne sait pas. Ni Matt. Presque personne sait en fait. » j'y vais au compte-goutte depuis que le bâtonnet a affiché positif, à Berlin. Il comprendra pourquoi.

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bailinny #6

« C'était un au revoir. C'était pas un adieu. » Rassure-toi autant que tu veux Ginny. Je ne suis plus vraiment sûre de rien. Cela aurait dû être un adieu. C’est ce qui aurait dû prédominer, qui aurait dû persister dans le temps. Une mise à distance pour le bien de tous. Pour le bien de mon couple. Et pourtant… C’est vers elle que j’ai voulu me tourner. Inconsciemment, c’est devant chez Ginny que j’ai atterris et je ne le regrette pas. Je pourrais tenter de me convaincre de toutes les manières qui soient, elle sera toujours ma meilleure amie, toujours celle qui me connaît le mieux, celle qui sait me rattraper au vol. Et elle le fait à merveille aujourd’hui encore. Malgré mes mots, malgré la distance que j’ai imposé entre nous. Forget what I said, it’s not what I meant.

C’est effrayant parfois cette capacité que l’on a de mieux comprendre l’autre que soit même. On a tellement vécu dans la peur de se faire attraper que l’on a joué un rôle pendant des années, mais jamais entre nous. Ce rôle, je l’ai perfectionné auprès de tout le monde, même auprès de Jill parfois, mais jamais devant Ginny. Elle a tout connu. Elle a toujours tout compris. Parfois, je déteste être un livre ouvert devant elle. Parfois, cela me rassure bien plus que de raison. Aujourd’hui, je comprends juste qu’elle n’a pas besoin que je me justifie. Elle est la seule qui ne me demande jamais de justifier mes décisions. Elle a accepté que je lui dise au revoir. Elle soutient mon mariage avec sa sœur aussi folle que l’idée puisse être. Elle est une béquille sur laquelle je prends bien trop souvent appui. « Merci. » dis-je doucement sans trop oser relever le regard vers elle. « De n’avoir jamais jugé, de n’avoir jamais trahi le secret. » ajoutais-je en haussant les épaules. Merci de m’avoir couvert assez longtemps pour me permettre de trouver l’amour dans les bras d’une autre, dans les bras de ta propre sœur. Je ne relève pas sa réplique suivante. Je ne préfère pas. Les frères ont toujours été un sujet sensible entre nous, la blague ne fait plus vraiment son effet.

Elle s’agite dans sa maison Ginny alors que j’observe l’environnement. Je n’étais pas venu ici depuis la fugue de Noah et quelque chose dans l’atmosphère à considérablement changer. Mes yeux se posent de partout à la fois et doucement l’idée se fait un cheminement dans ma tête. Elle confirme timidement Ginny alors que je sens ce sentiment qui gronde en moi. Elle m’explique être au courant depuis peu, elle me confirme qu’il s’agit d’un secret. Un énième secret. Comme si on n’avait pas appris la leçon. « Je suis heureux pour toi. » Les mots qui brûlent ma gorge, mon regard qui se pose de partout sauf sur elle et ce sentiment que je ne sais reconnaître qui me colle à la peau. Cette forme de jalousie naissante. J’avale ma salive avec difficulté. Je ne sais plus vraiment où me placer. La bulle que l’on avait formée autour de nous depuis toutes ces années vient d’exploser dans un bruit assourdissant. Je prends conscience de tout ce qui nous entoure, me concentre sur bien trop de bruit différent, sur bien trop d’émotions colorées. « On est vraiment en train de prendre un nouveau départ, hein ? » Je suis terrorisé, Ginny.        

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« Merci. » je relève la tête, plonge mon regard pour une des millièmes fois dans ceui de Bailey quand pourtant ce qui suit n'a jamais été sujet de discussion établie entre nous. On a toujours fait attention, on a toujours tout dit sans rien dire à ce propos, à propos de sa relation avec Jill. On s'est toujours énormément compris sans avoir besoin de mettre des mots sur un lien qu'il ne s'expliquait pas lui-même, et pourtant jamais une once de méfiance en moi n'avait voulu s'immiscer entre eux. Jill était volage et Jill était vorace, Jill était sauvage et impitoyable mais jamais je ne l'avais vue aimer quelqu'un aussi fort et aussi longtemps qu'elle avait aimé, et aimait encore, le Fitzgerald. Ses remerciements sont donc totalement obsolètes, et la précision l'est toute autant. « De n’avoir jamais jugé, de n’avoir jamais trahi le secret. » « C'était autant le vôtre que le mien. » ils se sont cachés en me permettant de me cacher moi-même. Ils ont vécu leur histoire en bordure de toutes les chaînes et de toutes les limites et de toutes les horreurs que j'avais entraînées à ma suite. Ils se sont aimés et m'ont laissé respirer, il a su trouver le bonheur, un bonheur fragile et explosif certes, avec elle pour me laisser me chercher moi-même, seule, soulagée, de mon côté. C'était un arrangement qui aurait dû n'arranger personne mais qui arrangeait finalement tout le monde, et la morale de l'histoire restera ainsi à mes yeux aussi longtemps que j'aurai la force de ressasser toutes ces années où notre quotidien n'était que tissus de mensonges.

La révélation tombe, et je n'aime pas du tout la lueur d'inquiétude qui passe dans son regard. Il tente de me la cacher en détournant les yeux, mais il m'a tout de même laissé la fraction de seconde nécessaire pour que j'arrive à voir que l'annonce de ma grossesse le trouble autant qu'elle me trouble moi-même. Il en aurait des tas de raisons d'être secoué Bailey, il a autant été traumatisé que moi par tout ce qui a pu se produire à la seconde où je suis devenue mère, pourtant, le voile dans ses iris m'est tout sauf familier et c'est bien cela qui m'inquiète. « Je suis heureux pour toi. » il ne l'est pas, heureux, pas totalement du moins. Comme je ne le suis pas moi aussi. On met des mots sur des sentiments qu'on ne connaît pas, on définie nos nouvelles en clamant qu'elles nous font plaisir, on les dépeint comme étant positives. On y tient tellement fort à être heureux l'un pour l'autre, qu'on ne le sera jamais vraiment pour nous-même j'ai l'impression. Comme s'il s'agissait de quelque chose qu'on rationne, comme si le bonheur venait en dose calculée et que les nôtres étaient mille fois épuisées à tenter de panser les blessures des autres bien avant de soigner les nôtres.

« On est vraiment en train de prendre un nouveau départ, hein ? » son coup d'oeil horrifié me cloue sur place et pourtant je me lève du canapé sans même y réfléchir une fois, sans même lui laisser une seconde de plus à lutter seul contre ses démons. Mes bras passent de chaque côté de ses épaules, je me hisse sur la pointe des pieds, l'une de mes paumes invite sa tête à venir se blottir contre ma nuque. Il est essoufflé Bailey, il est épuisé. Son corps et son coeur courent dans tous les sens, il a besoin de s'arrêter sinon il va exploser. Et je suis terrifié que cela arrive sans que je n'ai pu faire quoi que ce soit pour l'empêcher. « On essaie, on essaie vraiment fort. » que je souffle à son oreille, comme un encouragement de plus, comme un secret. Un secret qui nous appartient, un secret qu'on ne laissera pas sortir d'ici. On est brisés, on le sera pour toute la vie.

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bailinny #6

« C'était autant le vôtre que le mien. » Le secret de polichinelle, celui que tout le monde connaissait, mais que personne n’osait jamais évoquer. Cela a été le cas pendant des années. Je pouvais voir Jill, je pouvais être avec elle, mais il ne fallait pas en parler, ne jamais vraiment l’évoquer. Il fallait se taire, se voir dans l’obscurité, se jalouser de loin. Il fallait continuer les faux-semblants. Et pourtant, Ginny a toujours été d’une aide précieuse dans ce jeu malsain. Elle était la première à trouver une excuse pour que je puisse m’échapper avec sa sœur. La première à me dire que ce n’était pas grave, que je devais profiter. Elle n’a jamais jugé, n’a jamais émis le moindre avis. Elle nous a laissé vivre cette aventure un brin bancale et complètement folle. J’ai parfaitement conscience que sans elle mon couple avec Jill n’existerait probablement pas aujourd’hui. Alors, je la remercie malgré tout. Cela fait sens pour moi. C’est important. « T’avais toutes les armes en main pour te venger. » Elle aurait pu entrer dans le jeu guerrier de Jill, elle aurait pu se laisser aller à la folie d’une confidence mal placée. J’en ai parfaitement conscience. Ce n’est pas son genre, mais nos émotions nous poussent parfois dans nos pires retranchements. « Je voulais juste te dire merci. » ajoutais-je en haussant les épaules. Pour moi, c’est normal, c’est presque obligatoire. Ça fait sens.

Et j’aurais aimé que son annonce fasse sens. J’aurais aimé sauter de joie, l’inonder de question, la soûler avec sa grossesse. Mais c’est bien différent… Il y a ce truc qui me tord le bide. Ce sentiment que l’on m’arrache a elle, que je perds mon pilier, la boussole qui a toujours maintenu le cap malgré les tempêtes. C’est bizarre, c’est inexplicable, mais c’est bel et bien là. Ce sentiment qui me colle à la peau, qui me rend mal à l’aise face à la brunette. Des mots jeter aux vents. Un faux-semblant que l’on se doit de servir dans ce genre de situation. Des mots qu’elle sait à moitié sincère, je le vois dans son regard. Je voudrais m’excuser, mais tout reste bloqué dans le fond de ma gorge. Ce nouveau départ qui se profile devant nous depuis si longtemps deviens de plus en plus concret et je ne sais pas si je suis réellement prêt à y faire face. C’est déstabilisant. J’ai la sensation d’être à bout de souffle, prêt à tomber dans le gouffre. Elle vient me serrer dans ses bras et je m’accroche à elle. On prend notre indépendance et pourtant la laisser partir me tord le bide. On avance vers l’inconnu. Je crois que ça me terrorise. « On essaie, on essaie vraiment fort. » Est-ce qu’on n’essaie pas trop fort, justement ? Est-ce que l’on ne devrait pas ralentir le rythme un peu ? Je n’en sais rien. Je me perds dans mes réflexions. Je serre son corps frêle contre le mien avant de subitement mettre une distance entre nous. « Je devrais rejoindre Jill. » Je devrais pas être là. J’ai promis à Jill de ne plus tout faire dépendre de toi Gin. Et pourtant… Cela a été mon quotidien pendant tant d’années que je me retrouve comme un chiot perdu. « Prends soin de toi. » Un baiser sur sa joue, ma main qui serre la sienne et déjà, je suis près de la porte. Et déjà, j’ai pris la fuite.        

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