| some memories just die, as some flowers just live (peter) |
| | (#)Lun 3 Fév 2020 - 15:20 | |
| Il y avait des jours où Blaze s’accommodait de tout. C’est-à-dire que son naturel je-m’en-foutiste, teintant son regard d’une supériorité universelle à l’égard du reste du monde, lui permettait sans trop de mal d’endurer. D’autant plus que sa vie n’avait pas beaucoup de creux, pour le meilleur et surtout pour le pire. Mais il y avait d’autres jours où Blaze se souvenait qu’il devait passer à la boutique, ne serait-ce que faire acte de présence, et où la simple idée de poireauter tout une journée parmi les fleurs le faisait crever d’un ennui monstre. Il s’était fait salement enguirlander — en même temps, son absentéisme pour raisons illégales ne plaidait pas en sa faveur — et ça faisait quelques jours qu’il compensait ses abus en se pointant à l’heure et en faisant — ô miracle — des journées presque complètes. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça ne lui avait pas manqué, et qu’il passait une heure sur deux à imaginer mille et une façons de faire brûler ces chers végétaux, et l’autre heure sur deux à envisager de plaquer cet emploi minable (une réflexion qui avait court depuis plusieurs années mais qu’il finissait toujours par écarter, parce qu’un jour cette couverture absurde lui servirait peut-être). En clair, le quinquagénaire qui lui sert de patron a passé la matinée à se plaindre de son employé avant d’aller s’occuper des livraisons en maugréant parce que Blaze était ‘incapable de faire quoi que ce soit sans se foutre de la gueule du monde’. Le brun, en allant fumer sa clope règlementaire dans l’arrière magasin, se demanda si le vieux n’était pas sénile, à se refuser de le virer. Il était pas impossible qu’il pense que Blaze avait encore vingt-cinq ans et que ce n’était qu’un petit con irresponsable qui mûrirait. Soit, il ne s’empresserait pas de lui faire remarquer que ça n’arriverait jamais. Bonjour madame, oui, celles-là ? Et celles-là aussi ? Ça ferait très bien avec celles-là, si vous voulez mon avis. Un joli ruban, tadam ! Ça fera un rein et demi s’il vous plaît ! Allez, va crever avec tes fleurs ! (Non, Blaze n’était pas d’humeur massacrante, il avait juste beaucoup mieux à faire que de vendre des orchidées, là, maintenant, tout de suite.) Mais une fois n’est pas coutume, le sarcasme prit le pas sur le dépit, et Blaze finit par se mettre en mode automatique. Il avait même spontanément fait du rangement, si c’était pas de l’ennui, ça. Il faisait des allées et venues absurdes dans les rangs de bouquets, insensible à l’odeur douce-amère dont la flore embaumait la pièce. Un petit coin de paradis dans la ville moderne, un jardin secret avec un vendeur qui avait le diable au corps. Belle ironie, il fallait l’admettre.
Il décide pour la énième fois (les avantages que l’autre abruti soit absent) d’aller fumer là où ils rangeaient les excédents de papier (vous noterez qu’il avait tout à fait la possibilité de faire ça dehors comme un être vivant normalement constitué, mais qu’il s’y refusait, soi-disant par professionnalisme). Ça restait sans aucune contestation le moment le plus palpitant de sa journée. Il en était à un stade où il paierait pour que le patron le chope et lui fasse son monologue sur la responsabilité humaine et universelle, et la jeunesse décadente, et les croisades, et l’Histoire du Pays avec un grand P et un grand H… Mais rien, rien du coup, rien qu’un soleil paisible filtré par les verrières de la boutique. Au moins, la réserve lui assurait un petit coin d’ombre. Après avoir empêché sa cendre de le trahir et dissipé les effluves du tabac, Blaze et son tablier floqué du nom de l’enseigne reviennent derrière la caisse — putain, un client ? Il était temps qu’il se repointe s’il voulait pas qu’on pense le lieu désert. « M’sieur ? » Il interpelle nonchalamment le jeune homme (qui ne s’attendait probablement pas à pénétrer dans un magasin vide). « C’est par ici, je peux vous aider ? » Et une fois la question réglementaire posée, il n’avait plus qu’à s’exécuter comme un robot, en espérant que ce type serait un poil moins chiant que tous les clients d’aujourd’hui. Que tous les clients tout court, en fait. Les pensées de Blaze divaguent rapidement (tiens, la Saint-Valentin arrive, pain béni pour les ventes… déjà 15h, peut-être que cette journée finira, finalement…), ses doigts pianotent sur le comptoir, et ses yeux remontent se planter dans ceux de son interlocuteur. Un client comme les autres, pas vrai ? Des lilas, de la violette, et puis quelque chose de très harmonieux, hein… Allez, passe à la caisse, que je retourne regarder dans le vide. Il fixe donc Peter, dans l’attente sans âme de ses exigences, et pas l’air le moins du monde de le connaître. |
| | | | (#)Mer 5 Fév 2020 - 21:49 | |
| Some memories just die, as some flowers juste live Here's to the ones that we got ◊ ◊ ◊ Qui aurait cru qu’un jour je serai témoin de mariage ? Non, qui aurait cru qu’un jour j’assisterai à un mariage ? Pas moi, j’suis pas le genre de mec à être abonné aux happy ending, mais mes parents si. Plutôt deux fois qu’une puisqu’ils ont décidé de renouveler leurs vœux pour le plus grand plaisir de la famille. Petit, je pensais que s’aimer était synonyme de verres brisés sur le sol de la cuisine et d’ecchymose en guise de signes d’affections. Quand je demandais à ma génitrice ce qu’elle pouvait bien trouver à mon géniteur, elle me répondait toujours par un « c’est plus fort que moi, je l’aime ». Alors moi aussi, j’ai commencé à crier sur Mathilde, la fille de la voisine. Elle s’est mise à pleurer et j’étais tout content, je pensais que c’était bon ! Jusqu’au jour où sa mère est venue taper à la porte pour dire à la mienne que son fils était mal élevé et qu’il n’avait plus le droit de jouer avec sa fille. Quand les Mulligan m’ont adopté, les représentations que j’avais de l’amour ont progressivement changés. Ça a toujours semblait plus facile avec eux, je vais pas mentir, je trouve ça beau et c’est pas parce que je parle de mes parents – peut-être que si – mais je trouve ça dingue de pouvoir passer autant de temps avec une seule et même personne sans finir par se lasser. J’ai 31 ans et ma plus longue relation c’est celle que j’ai avec l’alcool. Trente ans de vie commune, c’est toute une vie pour moi et je trouve que j’ai déjà sacrément vécu. Trente ans c’est à peu près 10950 jours soit 15768000 minutes, c’est fou ! C’est d’ailleurs peut-être pour cela qu’on dit « être fou amoureux » parce qu’il faut avoir un grain de folie pour se coltiner son ou sa partenaire pendant autant d’années. Ils m’ont nommé (faux) témoin, oui parce que c’est plus pour la symbolique qu’autre chose mais je trouve ça cool. J’ai commencé par chercher la définition sur internet, je suis d’abord tombé sur la définition des témoins de Jéhovah avant de tomber sur celle faisant référence au mariage. Je peux vous assurer qu’il n’y avait rien en rapport avec la planification de la cérémonie, ni même sur les fleurs. Je suis persuadé que c’est encore un coup de la meilleure amie de ma mère, Rachel. Elle est sur le point de me rendre chèvre. Y’a pas un jour où elle ne me rajoute pas un truc à faire ! Hier c’était la commande des costumes pour les garçons, aujourd’hui c’est celle des fleurs. Elle n’a pas très bien compris le métier d’architecte, elle me fait parfois penser à ses français qui, lorsque je leur disais mon métier me répondaient « Un peu comme une Valérie Damidot du cinéma» alors je me suis renseigné sur la nana en question et c’est exactement le stéréotype même de l’architecte scénographe des temps modernes.
Ça peut vous paraitre absurde mais j’y connais que dalle en fleurs, j’en utilise rarement pour mes décors et quand je le fais alors c’est au fleuriste de s’en charger. J’en ai jamais offert, je déteste ça. J’ai du mal avec les odeurs, ça me donne la migraine et puis je trouve ça absurde de devoir payer aussi cher pour quelque chose de si éphémère. J’suis pas radin, loin de là, je pense même être de ceux qui ont le cœur sur la main. Cependant, je préfère de loin quelque chose de plus recherché, de plus personnalisé qu’un simple bouquet. J’ai quand même fait des recherches sur le sujet car si c’est important pour mes parents alors ça l’est pour moi aussi. J’ai trouvé un bouquin à la librairie sur le « langage des fleurs » et j’y ai découvert pas mal de choses : 1) Si j’étais une fleur, je serais sans doute l’anémone 2) Je ne savais pas que les fleurs pouvaient parler 3) Il existe une fête pour les secrétaires ! 4) La Renoncule délivre de très beaux compliments (mais pas que) 5) Le myosotis est une fleur et non une MST. J’ai jamais autant détesté mon métier qu’à cette heure précise ! Je fais les quatre cent pas devant le fleuriste, la clope au bec en me demandant bien ce que je vais pouvoir lui dire. Le seul truc qui me rassure un peu c’est que lui, au moins, il s’y connait puisque c’est son métier. Je me demande s’il parle aux fleurs et si c’est le cas ce qu’il peut bien leur raconter. Est-ce qu’on peut dire à un fleuriste qu’il ne sent pas la rose ? Ouais, c’est précisément le style de question que je me pose lorsque je me trouve en terre inconnue.
Le magasin ne paye pas de mine, je sais pas si c’est le trop plein de fleurs mais c’est à peine si j’arrive à y déceler les différentes rangées. J’ai l’impression de me promener dans la serre de Mme Chourave à la recherche d’une Mandragore. Je reconnais quelques fleurs que je m’amuse à pointer du doigt en citant leurs noms dans l’attente que quelqu’un daigne enfin m’accueillir. Je savais pas que les fleurs pouvaient sentir la clope ! Je jette une coup d’œil sous mes chaussures pour m’assurer que mon mégot de cigarette ne se soit pas collé à l’une de mes semelles lorsqu’une voix derrière moi vient interrompre ce tête à avec moi-même. « M’sieur » la voix masculine m’est familière, vous savez comme une chanson dont le titre vous reste sur le bout de la langue. Je le cherche du regard, «C’est par ici, je peux vous aider ?» Non, non ! Je viens juste prendre un bain de fleurs puis je repars, abruti. Je pousse quelques fleurs me laissant guider par sa voix, un vrai labyrinthe son machin. Qu’est-ce que je fous ici ? J’étais censé commander des fleurs et je me retrouve à faire un cache-cache avec un parfait inconnu. C’est sa tignasse brune que je vois en premier, il se fout de moi ? Le mec est occupé à faire du air piano derrière son comptoir alors qu’il m’a laissé poireauter pendant cinq bonnes minutes avant que je n’ai à me battre avec ses fleurs sauvages pour arriver à l’apercevoir. Il ferait mieux de ranger un peu son magasin et de l’agencer différemment au lieu de glander derrière la caisse. Ça fera une étoile en moins sur Google et une mauvaise note en plus sur Tripadvisor. « Ouais, j’aurais besoin de plusieurs assortiments de… » Blaze, c’est Blaze Breaker qui se tient devant moi. Je m’approche un peu plus prêt, le dévisageant presque comme un gosse se trouvant pour la première fois nez à nez avec un Tarsier. Je veux être certain de ne pas le confondre avec une autre personne. Je sais pas comment j’ai fait pour ne pas le remarquer plus tôt, déjà sa voix et puis ses boucles qui lui sont propres. « Blaze ? Qu’est-ce que tu fais là ? T’es tombé sur la tête ou quoi ?» Pause. Voilà, ça c’est exactement l’une des phrases débiles que je peux me retrouver à dire quand je ne tourne pas sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler – huit fois, parce que j’aime pas les nombres impairs-. Je serais capable de pointer la direction à un aveugle ou de faire écouter le dernier son du moment à un sourd. J’aimerais avoir la possibilité de transplaner ou sortir ma cape d’invisibilité. Je me mords la lèvre me jurant de sortir un post-it bleu dès que l’occasion se présentera à moi pour rajouter cette phrase à la liste des situations à ne JAMAIS reproduire. @Blaze Breaker
(c) oxymort |
| | | | (#)Ven 7 Fév 2020 - 17:11 | |
| Blaze étouffe un bâillement tandis que l’autre semble se perdre dans les rayons avant de venir le trouver. C’était pas le brun qui se déplacerait pour accompagner les clients, tiens donc. Les fleurs, les fleurs, les fleurs… tout cet univers bariolé lui monte à la tête, et pas dans le bon sens du terme. Qu’est-ce que son caractère pouvait être emmerdant dès qu’il se mettait en tête qu’il était contrarié. Il regarde le type s’approcher du coin de l’œil, vaguement intéressé, occupé à compter les heures qui le séparent de la fermeture. Il ne voit pas la mâchoire du client se décrocher, les yeux perdus dans un coin du magasin. « Ouais, j’aurais besoin de plusieurs assortiments de… » Super, je te donne ça et tu me fais le plaisir de débarrasser le plancher, pense le trentenaire en commençant à fouiller derrière le comptoir pour trouver ces espèces de brochures qui lui permettaient d’éviter de décrire un par un les forfaits. « Blaze ? Qu’est-ce que tu fais là ? T’es tombé sur la tête ou quoi ? » Je compte les pâquerettes, imbécile, maugréé-t-il en pensée parce que le sarcasme va plus vite que la lumière dans son esprit ; et seulement une fraction de seconde plus tard, l’alarme sonne dans son cerveau pour lui signaler que ce type vient de l’appeler par son putain de prénom. Quoi ? Il ne comprend pas. L'homme a l’air tellement mal à l’aise qu’il aimerait bien se foutre de sa gueule ; mais les allusions à toutes sortes de chocs sur la tête ont plus tendance à faire grimacer Blaze qu’autre chose (et puis ça faisait déjà deux étranges coïncidences) ; pour couper la poire en deux, le brun se contente d’afficher le visage désespérément désintéressé qu’il avait déjà en appelant l’inconnu. Ça paraissait logique que si cet homme connaissait son nom, c’est qu’il le connaissait… lui.. Blaze n’était pas recherché et placardé sur les murs de la ville, aux dernières nouvelles, et il y avait autant de chances que ce gars soit un client qu’il avait déjà croisé que d’heures régulières que le bouclé accomplissait dans le magasin. Infinitésimales, donc. Blaze reporte un regard perçant sur l’homme qui lui fait face, use de sa capacité naturelle à rester décontracté en toutes circonstances pour contrer le fait qu’une certaine gêne se fait sentir à mesure qu’il essaye malgré lui de mettre un nom, une information, quelque chose sur ce visage. Il avait oublié à quel point il détestait cette sensation d’être complètement stupide et démuni face à sa propre mémoire, voilà pourquoi il préférait se dire que l’autre était fou. Puis il aurait du culot de l’envoyer sur les roses, Blaze c’est pas commun, ça se trouve pas au hasard, et il a pas de badge de caissier sur la poitrine comme matricule. Le problème tenait en une phrase : quelqu’un le connaissait et il ne connaissait pas ce quelqu’un. La frustration résultante était compréhensible. « Vous devez confondre, je suis employé ici depuis un bout de temps. » Et sous contrat au salaire minimal, mon salaud, tu t'y attendais pas à celle-là, hein ? Froideur polie avec un soupçon de pitié. Et l’oscar du meilleur acteur est accordé à cette absence totale de vie dans les yeux de Blaze, à l’air d’incompréhension peinée qui se peint sur ses traits, à la bouche qui ne laisse même pas une esquisse de sourire briser le jeu du sourd… bon sang, dans une autre existence, il aurait fait trembler les scènes.
Ses yeux se reposent sur l’écran du comptoir, parcourent le logiciel, il clique çà et là pour ouvrir le formulaire des commandes. « Nom, prénom… adresse… pour quand… occasion… préférences… » énumère-t-il d’une voix monotone. Les lignes défilent inlassablement. Mais il n’y a pas besoin d’être un génie pour comprendre que Blaze ne les lit pas réellement, il les récite presque de mémoire, comble le silence, intérieurement occupé par la vraie question. Si ce type le connaissait vraiment, à quoi bon jouer l’autruche ? Et surtout, d’où et de quand le connaissait-il ? Blaze avait assez de casseroles au cul pour que la réponse ne soit pas très avantageuse. S’ils s’étaient vus récemment, ça ne faisait que confirmer l’hypothèse en suspens qu’abhorrait Blaze, celle que sa mémoire était sur la pente d’une irréversible dégénérescence et que les trous noirs, qui concernaient auparavant des zones temporelles assez ciblées, des détails insignifiants, allaient se généraliser ; s’ils s’étaient vus il y a longtemps, très longtemps, Blaze n’était pas sûr d’avoir envie d’en savoir plus. Peut-être qu’il valait mieux que ce type fasse demi-tour. Ou qu’il admette qu’il s’était trompé. Il n’était ni un passéiste, ni un nostalgique. Le goût des fleurs fanées, très peu pour lui. Vivantes, il ne goutait pas leur douceur ; mortes, elles étaient bonnes à jeter. Mais la curiosité, un reste d’impulsivité aussi, parce que Blaze est un faux calme quand la conversation tourne sur certains sujets ; il finit par relever brusquement la tête vers ce visage qu’il voudrait éviter, le toiser quelques secondes, comme si l’intensité de son regard pouvait le mettre à jour. La pièce manquante ne revient pas, il ne parvient pas à dépêtrer le fil qui y mène. « On peut dire ça comme ça, ouais, je suis tombé sur la tête, » qu’il lâche avec un rire sans joie en continuant de l’observer. Il n’était pas beaucoup plus jeune que lui. Mais le brouillard ne se dissipait pas, et la voix de Blaze reprend ses vraies tonalités, pas l’espèce de pilote automatique qu’il mettait habituellement en place derrière le comptoir. « T’es qui ? Pourquoi tu penses me connaître ? » Jouer la carte de l’assurance, presque de la supériorité, précisément parce qu’il est en terrain glissant. Au mieux, cette affaire ne serait qu’un malentendu, et Blaze pourrait tranquillement retourner au tendre ennui de sa journée idiote. Il penche légèrement la tête, semblant totalement délaisser l’écran qui attend qu’il remplisse les cases vides. Et si le type lui faisait une blague, c’était la pire de l’année. Pourquoi était-il d’une humeur aussi terrible, lui qui d’ordinaire se serait sûrement contenté de hausser les sourcils sans prendre en compte cet inconnu ? Peut-être parce qu’une partie de son esprit lui disait bien que oui, il était censé le reconnaître. « T’as pas l’air très frais, c’est les fleurs qui te font ça ? » Rajoute le bouclé en direction du visage déconfit de son interlocuteur. Et s’il s’avérait que c’était lui le con dans l’histoire, il aurait au moins saisi sa chance. Ce serait vachement drôle que cet homme soit vraiment tombé sur la tête, et qu’il ait sorti son nom de nulle part, et qu’il se fasse interner demain. Mais cette foutue voix dans la tête de Blaze continue de lui dire que non. Et il a beau fixer l’autre en fronçant les sourcils, ça ne veut pas lui revenir. Il espérait vraiment qu’on le faisait simplement marcher, ce… hum, merde. On l’appellera Bill pour le moment.
- Spoiler:
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| | | | (#)Mar 11 Fév 2020 - 21:39 | |
| Some memories just die, as some flowers juste live Here's to the ones that we got ◊ ◊ ◊ Mon regard se porte sur ce mec que j’ai connu mais qui n’a pas l’air de me reconnaitre. Il est différent, ce n’est plus la personne avec qui j’ai pu partager ces quelques années de collège. Je suis conscient des dix années qui nous séparent et qu’il faut parfois un moment pour que les choses puissent redevenir comme avant mais j’ai comme l’impression que ça n’a rien à voir avec le temps. Son regard est vide, comme détaché de tous les souvenirs d’une enfance qu’on a pu partager. À tel point qu’il serait même capable de me faire douter de ma propre identité. Il faut croire qu’on se passera de l’accolade et des marques d’une amitié qui n’a l’air d’avoir existée que dans mon passé. Pourtant je reste là, à patienter devant le comptoir avec l’infime espoir qu’il se souvienne de moi, de nous. Je reste pendu à ses lèvres comme les miettes d’une histoire qui fut la nôtre. « Vous devez confondre, je suis employé ici depuis un bout de temps. » Aïe, j’encaisse le premier coup sans broncher. Je revois alors le gosse que j’étais faire les cents pas devant la chambre d’hôpital, je visualise mon père qui sort de la pièce le visage triste, présage de mauvaise nouvelle. Le déni, une sacrée connerie pour un adolescent de quatorze ans. Je n'ai pas voulu y croire au début comme je n'ai toujours pas envie d’y croire maintenant. Je me souviens encore de la psychologue du service, qui sur demande de mon père, était un jour venue s’assoir à mes côtés dans la cafétéria de l’hôpital. Je l’avais écouté énumérer les étapes du deuil sans en comprendre le but puisque Blaze était toujours vivant. Il m’a fallu du temps pour faire le lien entre ce qu’elle avait voulu me dire et ce que j’avais bien voulu comprendre. Blaze était vivant certes, mais mon ami était bien mort dans cet accident de voiture emportant avec lui des fragments de notre adolescence. J’étais cependant fier de dire à mon père que même si le déni s’était joué de moi la colère, quant à elle, avait décidé de m’épargner. Alors, du haut de mon jeune âge, je me suis pointé chaque jour à la même heure et ce même lorsqu’il n’en avait pas envie. Parfois on discutait, il m’arrivait de lui montrer des photographies de personnes qu’il n’arrivait plus à nommer tandis que la plupart du temps je respectais ses silences en faisant simplement apte de présence.
Plus âgé que moi, il a été l’ancre à laquelle je me suis accroché dès mon arrivée. La première rencontre, première amitié et premier lien jusqu’à ce que son cerveau soit rebooté et que je passe d’ami à étranger. Je suis presque certain que le Blaze que j’ai connu se fendrait la poire si je lui disais qu’il bosse à présent comme fleuriste dans une boutique qui ne paye pas de mine. « Nom, prénom… adresse… pour quand… occasion… préférences… » Deuxième coup à encaisser, un peu plus douloureux que le premier. Je m’exécute afin d’en finir au plus vite avec ces satanées fleurs et son putain d’air hautain. « Mulligan, Peter, 11 James street sur Fortitude Valley, le 16 février, mariage, comme tu veux.» Je suis là, à me ridiculiser devant un mec qui a longtemps compté. À ressasser des souvenirs du passé dont je me serais bien passé. Je me demande pour qui c’est le plus difficile ? Pour lui, conscient d’avoir oublié une grande partie de son enfance ou pour les gens qui l’aimaient et qui ne comptent plus. «T’es pas tombé sur la tête, t’as eu un accident de voiture, mais j’suis content de voir que t’as quand même su garder ton sens aiguisé du sarcasme. » Ouais, violent mais qui s’y frotte s’y pique. Je sais bien que c’est pas sa faute, qu’il n’y est pour rien. Je me doute aussi que derrière son détachement notable se cache des blessures qu’il ne veut pas dévoiler. Dans tous les cas, il aura probablement oublié mes dires une fois que j’aurais passé la porte de cette foutu boutique. « J’suis personne et j’ai fait erreur. Maintenant si tu pouvais faire ton travail et me conseiller un assortiment de fleurs pour que je puisse me tirer d’ici. » Je sors le post-it que j’avais préparé de la poche arrière de mon jean pour le déposer sur le comptoir. « Tiens, je t’ai mâché le travail parce que je suis un gars sympa.» Je me mords l’intérieur de la joue avant d’ajouter d’un ton nonchalant « Il me faudrait des violettes, tulipes, lilas, roses, pivoines, orchidées… bref tu sais lire.» J’extirpe mon téléphone portable de ma poche arrière pour répondre aux messages en attente. Un rire nerveux vient se mélanger au son de sa voix lorsqu’il fait référence à ma sale tête. Je passe mon pouce sur ma lèvre inférieure me retenant de lui foutre mon poing dans la gueule.
Il faut croire que le gosse de quatorze était bien trop naïf de penser que la colère l’avait épargnée. Bien plus sournoise que le déni, elle s’était immiscée en moi sans faire de bruit dans l’attente d’une faille qu’elle pourrait exploiter. Le calme avant la tempête, il lui aura fallu attendre plus de dix ans pour passer la porte que Blaze venait tout juste de lui ouvrir. « Tu crois tromper qui avec tes faux airs de supériorité, Breaker ? » Mes yeux bleus viennent à la rencontre de son regard sombre, vide. « J’savais pas que ça rendait aussi con de perdre la mémoire. Et tu sais quoi ? Avoir été victime d’un accident de la route ne te donne pas l’droit d’être méprisant avec les gens. » J’hésite un moment mais la colère est bien trop forte et je ne peux m’empêcher de dégueuler les non-dits emmagasinés depuis tant d’années. « Tu sais que t’es pas le seul à en avoir bavé. Est-ce que tu t’es déjà mis à la place de ton entourage ? Est-ce que tu t’es déjà demandé ce que c’était de vivre avec des souvenirs que tu ne peux plus partager ? » Il me faut une clope, un verre, voir deux. Je peux plus rester dans ce commerce qui sent la rose et le tabac froid. C’est instinctivement que je commence à me diriger vers la sortie avant de m’arrêter sans prendre la peine de me retourner. « Et bordel si je pouvais faire office de mémoire externe et te partager des brides de moments que t’as pu oublier alors je le ferais sans hésiter ! »
@Blaze Breaker (c) oxymort |
| | | | (#)Mer 12 Fév 2020 - 0:24 | |
| Et bah voilà, quand il voulait. Blaze note les informations lâchées mécaniquement comme le robot qu’il était. Peter. Mulligan. Peter. Peter. Il fait tourner le nom plusieurs fois, Peter, Peter, Peter, mais cette lessive mentale ne fait ressortir les cinq syllabes que plus neuves encore. « J’suis personne et j’ai fait erreur. Maintenant si tu pouvais faire ton travail et me conseiller un assortiment de fleurs pour que je puisse me tirer d’ici. » Blaze ne se retient de laisser échapper un ricanement que parce qu’il est sur son lieu de travail et qu’il n’a pas besoin d’un incident de clientèle pour entacher sa réputation déjà loin d’être idyllique — disons, passable, au ras des pâquerettes, si on voyait le verre à moitié plein. Mais pour Peter, la coupe semble être pleine, et le bouclé les capte bien, les signes nerveux d’impatience dans sa voix, les gestes saccadés qui lui font sortir son portable avec énervement, le mépris préfabriqué. Quelques secondes, quelques mots dispersés au compte-gouttes avaient suffi à transformer cette gêne presque touchante en agacement viscéral ; l’effet Blaze, mesdames et messieurs, cas typique, cas d’école. « Les forfaits. » Qu’il ajoute laconiquement en glissant la brochure qu’il a retrouvée sous l’entassement de paperasse qu’il est censé trier avant l’apocalypse. Tu sais lire aussi, Peter, je te ferai pas l’affront de t’expliquer la différence entre 49 et 120 dollars, si ? Mais alors que cet inconnu qui par cette brusque colère s’était sensiblement élevé dans la côte d’intérêt de Blaze, aurait pu continuer sur cette belle lancée, il reprend sur la mauvaise idée, comme décidé à tirer sur une corde, continuant de croire que Blaze se saisirait de l’autre extrémité. « Tu crois tromper qui avec tes faux airs de supériorité, Breaker ? » Mmh. L’hypothèse comme quoi ce type est simplement fou à lier, ou une connaissance de passage, devient de moins en moins probable. Il connaissait peut-être son groupe sanguin, la liste de ses vaccins pas à jour, à quel âge il avait choppé la rubéole ? Le semblant de bonne humeur qui s’était éveillé en Blaze retombe brusquement. Mais l’énigme allait s’éclairer de manière plus satisfaisante. « J’savais pas que ça rendait aussi con de perdre la mémoire. Et tu sais quoi ? Avoir été victime d’un accident de la route ne te donne pas l’droit d’être méprisant avec les gens. » Le sang de Blaze se glace dans ses veines même s’il essaye de n’en rien laisser paraître, et le regard qu’il pose sur… euh, Peter, s’est déchargé de son ironie médisante pour laisser place à une interrogation suspicieuse. Son interlocuteur semblait trop honnête, trop franc — et il le connaissait d’avant l’accident. La sensation que ça provoque chez Blaze est profondément dérangeante ; un mélange de répulsion envers cet individu qui quelque part, détenait une propriété injuste sur quelque chose qui lui échappait et une voix plus discrète qui le sommait d’essayer d’en savoir plus. Il ne se souvenait de… presque personne d’avant l’accident. Et si ce cher Peter le connaissait si bien, pourquoi paraissait-il si surpris — que ce soit de son caractère, du fait qu’il n’ait aucune putain d’idée de son identité, de ses fameux airs ? Blaze n’était pas facile à déstabiliser, mais le sourd malaise qui grandissait en lui confirmait qu’il existait des exceptions à la règle de monumentale indifférence qu’il s’imposait face aux aléas du sort. « Tu sais que t’es pas le seul à en avoir bavé. Est-ce que tu t’es déjà mis à la place de ton entourage ? Est-ce que tu t’es déjà demandé ce que c’était de vivre avec des souvenirs que tu ne peux plus partager ? » Il laisse la micro-crise de Peter passer sans piper mot, habitué aux tempêtes, ne pouvant s’empêcher de penser que la situation serait affreusement drôle si un autre client s’aventurait dans le magasin en même temps que l’autre trentenaire faisait son procès. Non, Peter, Blaze ne pouvait pas comprendre qu'on ait tenu à lui, c'était hors de son champ de conception de l'existence.
Tu t’es déjà demandé ce que ça faisait d’avoir des trous dans la tête, Peter Mulligan ? De fourrer tes mains dans le vide en espérant retrouver des années entières de ta vie ? De devoir te contenter de quelques secondes insignifiantes et vaporeuses comme témoins de ce que t’étais avant ? C’était marrant, parce que s’il y avait un truc que Blaze ne faisait pas, c’était se poser comme victime. Il avait encaissé les évènements à mesure qu’ils arrivaient, sans se poser trop de questions, avait trouvé ses voies pour s’en sortir, ou plutôt ne pas couler tout à fait, garder un coin d’air quelque part au fond pour éviter de devenir complètement malade. Mais la manière dont Peter l’assommait de reproches tout en essayant de… d’inciter Blaze à le plaindre ? N’était pas sans amuser froidement ce dernier. Quant à ce mot absolument hilarant… l’entourage. Ça faisait beaucoup d’étranges espoirs et présuppositions pour quelqu’un qui prétendait en savoir plus sur lui que lui-même. Même si Blaze avait en grande partie déduit sa vie d’avant, il savait de source sûre qu'il n'avait jamais été un enfant de chœur. Était-ce fini ? Non, un dernier cri du cœur pour le procureur, allez ; il le lui accordait, le fixant comme on scrute un objet de curiosité scientifique. « Et bordel si je pouvais faire office de mémoire externe et te partager des brides de moments que t’as pu oublier alors je le ferais sans hésiter ! » Mais oui, Peter. Tout ce que tu voudras, baisse juste d’un ton dans tes tirades émotives avant que quelqu’un n’appelle les flics. Blaze ne peut pas s’empêcher malgré toute la bonne volonté du monde (qu’il n’avait pas, mais passons), de conserver un halo d’ironie à la bordure de la pupille et des lèvres, vestige d’impérissable dérision envers le monde qui perdurerait sans doute même si on lui arrachait la peau. Doucement, Peter, les sentiments c’est pas très bon pour le cœur. Ça reste une bête pompe à sang, ce serait sacrément con de la faire dérailler pour le temps manqué d’un compagnon perdu. Et puis tu tiendrais pas le choc quand t’apprendras que ton vieux pote en a eu un deuxième, de petit contretemps sur la route de la mémoire. Non, c’était trop tôt, Peter ferait un arrêt cardiaque, il voulait pas de ça sur la conscience. Mais ça le faisait déjà rire. Et contre toute attente, Blaze réagit assez vite pour repasser devant le comptoir et se glisser entre Peter et la porte — qui heureusement n’avait pas d’ouverture automatique —, l’air narquois. « Y’en a à la pelle des fleuristes, t’es pas obligé de commander ici si je te dérange tant que ça, » répond-t-il tranquillement (tout en lui bloquant la sortie), sans avoir l’air le moins du monde de se soucier du côté corporate qu’il est censé défendre en tant qu’employé — non, vraiment ? « Maintenant si, vu que le magasin ferme à… » Il regarde l’horloge de l’autre côté. « 15h23 aujourd’hui. Paraît que t’es enfermé. » Le patron, les clients ? On verrait bien, au pire ça mettrait le vent en poupe aux concurrents, qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire. Ça, c’était pour les tulipes. Il penche légèrement la tête, pensif, comme s’il mesurait l’acidité de ses paroles en temps réel. Menaces et injures c’est répréhensible par la loi Mulligan, surveille tes arrières. Et ce serait naïf de penser que Blaze allait le laisser s’enfuir après de si adorables attentions à son égard, sans saisir l’opportunité.
« Tu devrais m’en dire plus sur les problèmes de mémoire, t’as l’air de t’y connaître vachement mieux que moi. » L’œil brillant, l’air de rien. Ironie fendue d’amère vérité. Il en avait vu passer, des médecins lui assurant que ‘ça reviendrait’, ou au pire, que ça ne seraient que ‘quelques épisodes’. Mais non ; ce que Blaze avait conservé n’avait strictement aucun sens, aucun fil conducteur, il y avait trop de lacunes pour qu’il se reconstitue ; c’étaient des éclats de sensations plus que des souvenirs. Il se souvenait des émotions. Les personnes avaient pour beaucoup disparu. A la limite, ce dont il se souvenait le mieux était paradoxalement les premières années où la mémoire entre en jeu ; la petite enfance. Mais c’étaient des impressions, pas un film cohérent. « Ce serait incroyable que tu me racontes ton expérience de personne vivant avec des souvenirs que tu ne peux plus partager. » D’accord, celle-là était gratuite et franchement médisante, mais Peter la méritait un peu, et Blaze avait besoin de lâcher du lest sur toute la frustration invisible accumulée depuis bien trop longtemps — la peur de l’oubli, la sensation de l’impermanence, celle de l’impuissance aussi, touchant au plus fondamental, ce qu’il avait fait, ce qu’il était. Il en était où, Peter ? Il ne le connaissait pas (cette phrase sonnait de plus en plus comme un mensonge) mais il n’avait pas l’air d’avoir tourné comme lui. Enfin, tourné… les graines étaient plantées avant l’accident. Il devait être au courant, le bon samaritain. « Ou alors tu peux me dire pourquoi t’as l’air si heureux de m’avoir connu. De ce que j’en sais, ce que j’ai plus est pas une grande perte. » Là, il ment carrément, mais il ment comme si respire, Blaze, quand il veut. C’est peut-être même plus crédible que la vérité chez lui. Une partie de lui refusait de croire à l’existence de souvenirs si dignes d’être partagés avec ce type ; l’autre objectait que c’était précisément l’idée qu’il s’était forgée lui-même pour surmonter le gouffre. Qu’il n’avait pas perdu grand-chose. Et l’obsession d’avancer, d’avancer, d’avancer, même avec des pièces en moins. « Peut-être que si tu commandes un forfait bleu avec supplément muflier mon arrogance la mettra en sourdine. » Et ça, c’était un vrai mensonge, parce que Blaze ne touchait aucune commission sur les forfaits ; c'était donc aussi garanti que les promesses qu'il avait pu faire à cet illustre inconnu d'il y a presque deux décennies. Mais bon, si ça pouvait détendre l’atmosphère et pousser Peter à s’installer confortablement, pourquoi pas. Il valait mieux être accroché avant de réaliser que certaines choses sont mortes et enterrées, que ça ne revit pas comme les fleurs. Pas vrai ?
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| | | | (#)Jeu 13 Fév 2020 - 0:04 | |
| Some memories just die, as some flowers juste live Here's to the ones that we got ◊ ◊ ◊ « Peut-être que t’auras plus besoin de te faire passer pour le dernier des connards si tu commandes une mémoire sur ebay ? » T’en dis quoi de celle-ci Breaker ? Un rictus vient étirer mes fines lippes tandis que je le regarde faire barrage du haut de ses 1m80. J’hausse un sourcil, comme si ce frêle corps pouvait m’empêcher de quitter les lieux. C’est qu’il se croit puissant avec sa barbe de trois jours et la chemise qu’il n’a même pas pris le temps de repasser. Je ne doute pas de ses capacités à impressionner les filles, il a toujours été doué pour ça avec ou sans mémoire. Il faut dire qu’il a eu la chance d’être gâté par la nature, le physique tout droit sorti d’un de ces défilés de mode parisien. « Ou alors tu peux me dire pourquoi t’as l’air si heureux de m’avoir connu. De ce que j’en sais, ce que j’ai plus est pas une grande perte. » Je sers la mâchoire, j’encaisse mais je ne dis rien parce que c’est ce qu’il cherche. Il me titille, testant mes limites et j’ai pas envie d’entrer dans son petit jeu. Je sais que j’ai compté pour le Blaze version 1.0 et je me fous pas mal de ce que penser la copie bas de gamme qui se trouve à un mètre de moi. « Te méprends pas, j’te connais pas. T’as le physique du mec que j’ai connu, mais ça s’arrête là. » Ce serait bien trop facile de lui rentrer dans le lard, d’amocher sa gueule d’ange. Je veux pas lui donner l’occasion d’aller se vanter auprès de ses potes –Si tant est qu’il en ait- en affichant fièrement les ecchymoses que mes poings auraient pris plaisirs à dessiner sur son petit minois. Non, bien trop facile et je suis plus ce mec-là. « Y’en a à la pelle des fleuristes, t’es pas obligé de commander ici si je te dérange tant que ça » Exactement, pour une fois qu’on arrive à se mettre d’accord sur quelque chose. Faut croire qu’il sait se montrer intelligent par moment, il y a peut-être un infime espoir pour lui finalement. Enfin, j’suis pas certain que son boss soit du même avis que moi parce qu’il me semble que ce n’est pas bon pour le business que de pousser la clientèle à aller voir ailleurs. Je scrute chacun de ses gestes et je ne peux m’empêcher de comparer son faciès à celle d’un Cocker lorsqu’il penche légèrement la tête sur le côté comme mon chien a l’habitude de faire lorsqu’il ne comprend pas un fichtre mot de ce que peux bien lui raconter. Mes yeux azurs toisent la vieille porte en bois que cachait le jeune fleuriste lorsqu’il se trouvait encore derrière le comptoir. Il se pense supérieur à moi, sauf que la balle est dans mon camp.
En bon architecte, je sais qu’un établissement public se doit d’avoir une issue de dégagement pour assurer la sécurité des clients lors d’évènements indésirables. Je me tourne de nouveau vers lui, laissant échapper un rire sardonique devant ce mec qui est persuadé d'avoir l’avantage de la situation. Il ne se rend pas compte à quel point son corps est en total contradiction avec ses dires. Aucune congruence, il me propose de partir mais m’oblige à rester. « Tu devrais m’en dire plus sur les problèmes de mémoire, t’as l’air de t’y connaître vachement mieux que moi. » Je sors mon paquet de cigarettes de la poche arrière de mon jean ne prêtant guère attention au ton sarcastique de sa voix. « Garde ton ironie pour toi, tu veux ? » Je lui tends une cigarette puis tourne les talons pour me diriger vers la porte en bois. « C’est bien là que tu te caches pour fumer, non ? » dis-je alors que je passe par-dessus le comptoir sans prendre la peine de lui demander l’autorisation. Je jette un rapide regard par-dessus mon épaule pour m’assurer de sa présence et allume le bâtonnet dont la fumée s’empresse d’embuer mes poumons. Je viens m'assoir sur la table qui se trouve dans l’arrière-boutique, laissant mes jambes pendre dans le vide. « C’est à mon père qu’il faut demander, pas à moi. » J’attrape la flasque dans la poche de ma veste en jean me délectant d’une gorgée de bourbon plus que méritée. « Tout ce que je sais c’est qu’il y a plusieurs mémoires. La mémoire procédurale ; de travail ; sémantique ; épisodique et de perception. » J’essaye de me remémorer toutes les informations que j’avais retranscris dans un carnet lorsque je n’étais encore qu’un adolescent. Toutes ces heures passées devant l’ordinateur à essayer de trouver une solution. Y’a rien de pire que l’espoir, surtout quand elle s’allie à la naïveté. J’étais buté, j’ai même pensé qu’avec l’aide mon père, je pourrais peut-être le sauver. Qu’un neurochirurgien réparerait son cerveau comme on peut réparer le moteur d’une voiture. « Dans ton cas c’est la sémantique, l’épisodique et la perceptive qui ont dû être touchées. » Je lui explique les différences entre les mémoires que je viens d'énumérer. Dans mes souvenirs, la sémantique représente toutes les connaissances qu’une personne peut acquérir sur le monde qui l’entoure ainsi que sur elle-même. La perceptive permet de retenir le son d’une voix, un visage, un lieu familier. L’épisodique consiste à se rappeler d’évènements marquants, de moments qui ont comptés. C’est ce package qui s’est retrouvé détériorer après l’accident et qui ne fonctionne plus correctement. Son cerveau est défaillant, j’en suis conscient. Pourtant il m’a connu avant et après l’accident alors pourquoi ne m’a-t-il pas reconnu ? C’est pas comme si on avait arrêté de se parler peu de temps après le drame. J’aurais compris qu’il puisse oublier les moments passés à l’hôpital lorsque sa mémoire était encore fragile. Je l’ai pas lâché, non, on a même continué à discuter lorsqu’il était en prison. Il m’est arrivé d’aller le voir au parloir, sans compter les lettres qu’on a pu s’envoyer lorsqu’il était enfermé. Depuis quand y’a une date de péremption quand il est question de souvenirs ? « Le truc que je pige pas, c’est comment t’as pu oublier toutes les choses qui se sont passées après l’accident ? » Je lève les yeux vers lui, pressant mes lèvres contre le mégot. « Est-ce que ça sert à quelque chose que j’use de ma salive si c’est pour que t’oublies tout dans l’heure qui suit ? »
On se croirait dans un mauvais remake de Nemo où j’essaye tant bien que mal de garder nos souvenirs à la surface de l’eau tandis qu’il fait office de Dory comme si sa mémoire ne faisait plus que 500 Mo et qu’elle supprimait automatiquement toutes les données enregistrées lorsque celle-ci arrivait à saturation. J’ai plus envie de donner de ma personne si c’est pour avoir à me répéter à chaque fois qu’il fini de faire le tour du bocal. Je suis épuisé de devoir me présenter, d’avoir à me battre contre sa matière grise pour retrouver la place que j’avais. J’ai plus envie de vivre avec des flash-back d’une histoire au goût périmé. Et pourtant je suis toujours là, dans l’arrière-boutique de son magasin. J’aurais pu partir et y mettre fin, je sais pas ce qui me retiens. « Je veux bien te partager des choses sur le Blaze d’avant si tu m’en dis plus sur celui qu’il est maintenant. Deal ? Je te donne quatre faits sur lui puis tu m’en donnes quatre sur toi et ainsi de suite. C’est non négociable. » J’attends pas sa réponse parce que je sais qu'au fond de lui c’est ce qu’il attend même s’il semble bien trop orgueilleux pour l’admettre. Je préfère faire mine de ne pas lui laisser le choix pour lui faciliter la tâche mais aussi parce qu’on est tous les deux gagnants dans l’histoire. Je me lève et j’écrase le mégot dans le cendrier qui se trouve sur le rebord de la fenêtre. J’en profite pour enlever ma veste et sortir le bloc de post-it d’une des poches intérieures. J’en décolle dix que je positionne sur la table afin que cela fasse deux rangées de cinq post-it jaunes.
Je me tourne vers lui et je viens attraper le stylo qu’il a sur le derrière de l’oreille. « Fait n°1 : Il adorait tagger. C’était son passe-temps préféré et il était vachement doué. Ses mains étaient constamment colorées et c'est quand elles ne l'étaient pas qu'il fallait s'inquiéter. » Je décapuchonne le stylo et commence à dessiner une petite croix sur chaque bout de papier. La pointe du bic dessine des croquis de bâtiments, façades, murs marqués à la bombe de peinture. « Tiens, une petite chasse aux souvenirs improvisée.» dis-je après avoir terminé de noter les différentes adresses sur chacun des post-it. Je les décroche et les colle entre eux puis je me retourne pour faire face à Breaker. « J’espère que t’aimes les puzzles. Je te conseil de te rendre sur ces lieux si t’as envie d’en apprendre plus sur ton passé. » Je fourre le petit paquet de post-it dans la poche avant de son tablier et me rassois sur la table en bois. « Fait n°2 : L’école, c’était pas pour lui. Il n’a jamais aimé être enfermé entre quatre murs. C’était un électron libre qui détient toujours le record d’absentéisme de St Anthony. » Un soupçon de nostalgie se mêle à mon éclat de rire lorsque je me remémore toutes les excuses stupides que j’ai pu sortir à ses enseignants pour couvrir ses absences. « Fait n°3 : Y’avait pas plus généreux que lui. Il ne pouvait pas passer devant un sans-abris sans sortir son portefeuille. Si y’avait bien une personne qui avait toujours de la monnaie sur lui, c’était Blaze enfin toi. » C’est vrai, il se démerder toujours pour faire avec les moyens du bord. Blaze avait cette habitude de toujours se débrouiller pour avoir du liquide de côté dans le cas où il rencontrerait quelqu’un dans le besoin. « Fait n°4 : C’était un casse-nez, je compte plus les fois où il a eu le pif en sang. Je crois que j’ai même une photo de lui… de toi avec des tampons dans les narines. » Je souris parce que ça faisait du bien de pouvoir en parler même si la version 2.0 de mon ami ne pouvait pas comprendre. « À toi. »
@Blaze Breaker (c) oxymort |
| | | | (#)Jeu 13 Fév 2020 - 18:43 | |
| On pouvait aussi jouer à un deux trois soleil, voir combien de temps il faudrait à Peter pour s’extirper de ce traquenard, ou s’il finirait pas par appeler les flics en hurlant à la séquestration. Ou bien il pouvait aussi prendre une dose de calmants, comprendre que ce n’était certainement pas en haussant le ton qu’on convaincrait Blaze de se montrer moins insupportable, et prendre place parmi les tulipes pour parler, entre vieilles âmes, de ce passé qu’il paraissait pourtant si pressé de déterrer quelques minutes plus tôt. Fallait croire qu’il avait une bien haute estime de la vie ou de qui était Blaze pour qu’il ait si rapidement été dégouté de son propre enthousiasme. L’incompréhension de Peter équivalait celle de Blaze lorsqu’il avait compris que certaines choses étaient irréversibles. Le pire dans toute cette vaste comédie imposée par Mulligan étant que le comportement de Blaze à son égard n’avait rien de spécialement antipathique ; mais pour le savoir, encore faudrait-il le connaître, et Peter ne le connaissait pas. (Peut-être qu’en le répétant assez, ça finirait par devenir vrai ?) « Peut-être que t’auras plus besoin de te faire passer pour le dernier des connards si tu commandes une mémoire sur ebay ? » Ouais, c’était pas trop mal, le débit, l’air dédaigneux jeté depuis l’étage du dessous. Peut-être un peu répétitif à la longue, mais bon, Peter semblait décidé à crever l’abcès, pourquoi l’en empêcher ? Et surtout, qu'est-ce qui empêchait Peter de le classer dans la catégorie 'dernier des connards' sans scrupule ? « Te méprends pas, j’te connais pas. T’as le physique du mec que j’ai connu, mais ça s’arrête là. » Jolie pirouette, Peter, pour un gars qui connaît mon prénom, mon nom et mes antécédents médicaux. Il s’est déjà fait arrêter par des types qui en savaient moins que ça — il avait pensé à une reconversion dans le renseignement policier ? Ça lui donnerait au moins une vraie raison de haïr Blaze, puisqu’à l’échelle de ce dernier leur conversation était des plus cordiales. Oh, mais le voilà qui prend une initiative autre que de l’encastrer dans la porte (ce qui n’aurait pas forcément été une mauvaise option pour égayer sa journée) ; le cher client s’enfonce plus profondément dans le magasin, jusqu’au QG du papier aluminium, des pots cassés et des cendres tassées sous la semelle derrière le fatras. Point positif, il restait, si déterminé pourtant à lui claquer la porte au nez alors qu’il avait été d’une affabilité sans faille ; point négatif, maintenant Blaze aussi avait envie de fumer, mais il avait déjà perdu le compte de ses clopes du jour, alors il attendra un peu. Il était fasciné par les gestes de Peter, qui ne recelaient pas de moins de paradoxes que les siens — sauf que lui les assumait complètement. La voix de son interlocuteur, oscillant entre le mépris et la colère, prenait subrepticement la teinte de la nostalgie quand son discours glissait vers les temps disparus ; et cet étrange mélange avait une saveur juste assez divertissante pour mériter l’attention de Blaze. Il ne répond à aucune des remarques, le laisse garder le monopole de la parole. Blaze s’adosse à la porte de l’espèce de réserve tandis que Peter se permet une gorgée d’alcool — si deux minutes quinze de conversation avec le bouclé suffisaient à provoquer l’appel du tabac et du whisky de manière aussi impérieuse, alors il était sans doute plus doué que ce qu’il pensait. « C’est à mon père qu’il faut demander, pas à moi. Tout ce que je sais c’est qu’il y a plusieurs mémoires. La mémoire procédurale ; de travail ; sémantique ; épisodique et de perception. » Il l’a pris au mot, Peter, il commence à lui déballer une science dont Blaze n’a que faire. Qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire que ce soit telle zone de son cerveau qui ait été touchée ? L’important, c’était l’effet, la conséquence. « Dans ton cas c’est la sémantique, l’épisodique et la perceptive qui ont dû être touchées. » Ah, il retirait ce qu’il venait de penser sur le manque criant d’humour de son interlocuteur — il avait réussi à trouver une manière subtile et presque tendre de lui signifier qu’en gros, rien n’allait. Blaze s’égaye froidement. Peter peut être sûr que tout ce qu’il peut bien lui dire à propos des mémoires passe à la trappe ; la réflexion du brun est tout entière occupée à rattraper un morceau d’information sur le père. Un médecin, logiquement ? Un de ceux qu’il avait dû voir dans le moment de battement entre l’accident et la prison. Peut-être même un de ceux qui avaient supervisé la rééducation qui lui avait permis de récupérer ce qui était récupérable. Ce qui ne l’avançait pas beaucoup concernant Peter lui-même.
Blaze reste silencieux. Il réfléchit. « Le truc que je pige pas, c’est comment t’as pu oublier toutes les choses qui se sont passées après l’accident ? Est-ce que ça sert à quelque chose que j’use de ma salive si c’est pour que t’oublies tout dans l’heure qui suit ? » Blaze se crispe imperceptiblement. Son impulsivité lui dicterait autre chose, mais il n'est pas trop irascible là, maintenant, tout de suite. « J’ai pas été abruti à ce point, ça tiendra quelques jours, je te rassure, » siffle-t-il entre ses dents. Son père n’avait pas dû avoir l’envie de rentrer avec son fils de 14 ans dans les détails des pertes de mémoire antérogrades, de la mémoire traumatique, et du flou qui demeurait, malgré les IRM, sur les conséquences exactes à long terme de ce genre d’accidents. Blaze se souvenait d’avoir été à l’hôpital, mais il s’en souvenait comme on met une étiquette sur une boîte ; dans la boîte, il n’y avait qu’une vague sensation de malaise, de douleur diffuse, de blanc surtout. En outre, Peter n’avait pas besoin de savoir que, si la mort n’avait pas sa place dans les préoccupations (se comptant sur les doigts d’une main) de Blaze, la peur de devenir effectivement un abruti, de devenir Dory, ça, ça le suivait, surtout depuis le deuxième. Mais le fleuriste garde le visage détaché, comme si Mulligan ne venait pas de mettre le doigt sur ce qui était l’une des très rares choses que Blaze redoutait. Il ne répond toujours pas lorsque Peter sort un bloc de post-it. Il le regarde faire, légèrement incrédule. Il ne se rend pas vraiment compte de ce qui se passe — il n’arrive pas à réaliser qu’on est en train de lui redonner une pièce du puzzle qu’il a perdue depuis si longtemps qu’il en a oublié sa vraie valeur. Et l’autre… dessine, griffonne, commence à parler avec emphase tout en reprenant le fil de l’autre côté de la rupture d’il y a dix-sept ans. Chasse aux souvenirs improvisée. Difficile de dire si Peter se fout de sa gueule ou non. Blaze est méfiant. Et surtout, il a passé tellement d’années à se convaincre que ces trous dans sa tête n’avaient aucune importance, que de toute façon il était désespéré de penser les reconquérir, qu’il n’était même plus sûr d’avoir envie de les combler. Mais Mulligan ne l’attend pas pour continuer sa course, il est à fond dedans, il prend le deal comme acquis et commence par définir point par point le Blaze d’avant. Et Blaze écoute, même si Peter parle beaucoup et qu’il écoute rarement les gens qui enchaînent plus de trois phrases à la suite, il écoute sans faire aucun commentaire désobligeant. « Il adorait taguer. Il détient toujours le record d’absentéisme de St-Anthony. Y’avait pas plus généreux. C’était un casse-nez. » Il écoute ce type qui était dans son esprit un parfait inconnu lui refaire le film de sa vie, du collège, des instants dont il avait seulement de troubles aplats de couleurs, comme une main humide passant sur de l’encre fraiche ; l’écoute, et à chaque ‘il’, c’est un je dont il n’a pas l’habitude, qui le démange presque, à chaque imparfait, il a le réflexe de substituer un présent. Si les mots ne pourront jamais remplacer la réalité du vécu, peut-être les mots d’un autre arrangeraient-ils la tache aveugle mieux que les siens, les mots inventés, les souvenirs artificiels brodés par ses soins. Blaze est revêche mais pas stupide. C’est l’habitude de tâtonner dans le noir qui le fait se méfier de la lumière.
« Un, je suis pleinement épanoui dans mon boulot. » Mmh ? Comment ça on avait dit d’arrêter l’ironie ? Mais Blaze était très épanoui dans son boulot. Son vrai boulot. Allez, Peter, tu vas pas me dire que c’est pas écrit sur la gueule de Blaze qu’il adore les fleurs ? De toute façon, Blaze pensait qu’il y avait très peu à dire sur lui, et la majorité se trouvait sur un terrain qu’il ferait mieux de taire sur son lieu de travail. Quoique, s’il y avait effectivement des caméras, ça n’en avait pas l’air dans la réserve. Tout en parlant — en jouant le jeu de Peter… vous voyez qu’il est pas si difficile —, il réfléchit à ce que Peter aurait bien envie de savoir sur lui. Qu’est-ce qu’il préfèrerait, l’héroïne, le fait qu’il se faisait casser les côtes régulièrement et volontairement, ou bien le trafic d’armes ? Sous quel angle valait-il mieux persuader le jeune homme que leur séparation lui avait sans doute été profitable, vu comment il avait continué de tourner ? Blaze 2.0 n’était peut-être pas celui que Peter voulait voir, mais il était la suite logique de Blaze 1.0. « Deux, y’en a qui boivent, je préfère la seringue, » lâche-t-il avec un signe de tête pour la gourde de Peter. « Trois, tout ce que tu as dit est toujours vrai. » Était-ce une manière comme une autre de gagner un fait, ou la reconnaissance qu’il ne s’était pas contenté de laisser sortir ce que lui disait Peter par l’autre oreille ? A lui de voir. Blaze n’arrivait pas très bien à parler de lui, ça glissait de ses mains comme une anguille, il ne voyait même pas ce que Mulligan y gagnerait, à part la déception de retrouver les mêmes travers chez son ami. « Quatre, ça t’emmerde vraiment que ce soit moi ‘le mec que t’as connu’ ? Tu pensais trouver autre chose ? » Il continue de tourner autour des questions implicites et des non-dits, flairant les malaises et les déceptions, les espoirs et les rechutes ; le petit sourire de Peter en disait long, le soin qu’il avait mis dans ses post-it aussi.
Mais comme le jeu est inégal, Blaze relève légèrement la tête et demande : « Qu’est-ce que tu fais, toi ? Qu’on voit un peu à quel point le même collège peut mener loin. » Le chemin de Peter s’était probablement drastiquement éloigné du sien. Et faute de pouvoir prétendre à l’avantage que son interlocuteur avait sur lui, Blaze pouvait toujours essayer de se faire une image présente de Peter, puisque l’ancienne gisait entre débris de bagnole et flacons antiseptiques. « Et c’est pas étonnant que je me souvienne plus de toi si on s’est pas revus après la prison. T’es pas un privilégié, j’te rassure. » Blaze était loin d’imaginer qu’il avait interagi avec Peter pendant son séjour en taule. Mais là, son interlocuteur pouvait avoir plus d’espoir, parce qu’il s’agissait moins d’un disque dur partiellement effacé — les années collège — que d’une zone enfouie pour son propre bien sous une épaisse couche de poussière. Fallait le comprendre, d’une certaine manière. S’étant habitué à ce que les visages se gomment de sa mémoire, il avait peut-être fini par penser qu’il en était de même pour le sien dans celle des autres ; qu’on puisse avoir un fragment de lui dont il n’avait pas conscience menaçait son intégrité précautionneusement maintenue à flot. C’était plus facile de se maintenir à distance. « Puis j’ai retapé la tête y’a sept ans, donc je m’en sors pas si mal, euh… » Le prix de la chance de Blaze, le seul élément du hasard qui ne l’avait pas laissé en paix, ces putains de traumas crâniens. « …Peter, c’est ça ? » Finit-il, sourire aux lèvres en regardant le fumeur dont il n’a évidemment pas oublié le prénom. Mais c’est plus facile de rester à distance… les post-it, les souvenirs, lui, toi, moi… Blaze était sûr que Peter l’avait connu, il éprouvait même une forme de confiance assez spontanée pour lui ; de là à se jeter dans ses bras en le remerciant de l’avoir sorti de l’obscurité, alors qu’il avait marché si longtemps seul sur cette route bordée de gouffres…
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| | | | (#)Dim 16 Fév 2020 - 18:50 | |
| Some memories just die, as some flowers juste live Here's to the ones that we got ◊ ◊ ◊ « Je t’ai jamais traité d’abruti. » C’est vrai, j’ai peut-être laissé sous-entendre qu’il avait l’art et la manière de se faire passer pour un parfait connard, mais ça s’arrête là. Je sais bien qu’il est loin d’être bête, j’ai jamais douté de son intellect. Il est juste différent, du moins c’est l’image que je garde de lui. Celle d’un garçon qui s’exprime différemment. De ce mec qui n’a jamais été un grand bavard comme si derrière les mots qu’il pouvait employer, d’autres restaient bloqués, comme censurés. Ça n’a jamais été pour me déplaire, moins il posait de questions et moins j’avais à y répondre. On se complaisait dans des silences qui étaient notre et même si j’ai toujours détesté le calme, ça ne me dérangeait pas d’avoir à faire à certains de ses mutismes. On n’avait pas besoin de plus pour passer du bon temps et c’était toujours mieux que de se retrouver en cours.« Je crois que tu fais erreur. Le but du jeu ne consiste pas à citer un mensonge parmi trois vérités.» Prévisible ? Oui. Déçu ? Non. J’en attendais pas moins de lui. Je lâche un soupir tandis que mes yeux clairs se posent sur le cendrier. À en croire le nombre de mégots, il me parait évident qu’il a l’air de prendre son pied dans son métier. Il pense pouvoir me tromper, mais j’ai déjà vu la joie animer son visage. Non, cette gueule-là, c’est pas celle qu’il peut avoir quand quelque chose le fait vibrer. « Deux, y’en a qui boivent, je préfère la seringue » Un rictus vient se dessiner sur le bord de mes lèvres alors que je bois une nouvelle gorgée de mon whisky trinquant dans le vent aux souvenirs à sens unique. « Je préfère la seringue » Ses mots résonnent et je me fige, essuyant mes lèvres d’un revers de manche. « Temps mort, depuis quand tu te piques ?! » Mes pupilles viennent discrètement observer ses avant-bras à la recherche de cicatrices laissées par de vieilles aiguilles usagées. « Je retire ce que j’ai dit. T’es vraiment un abruti, ma parole ! Tu sais toutes les merdes que tu peux te chopper avec les seringues sans parler des conséquences que ça peut avoir sur ton cerveau ? » Je range ma flasque pour essayer d’avoir ne serait-ce qu’un peu de crédibilité. Il n’y aucun jugement dans mon regard, non. J’ai pas envie qu’il pense que je peux le voir différemment, là n’est pas la question. Blaze peut bien faire ce qu’il veut de sa vie. Je m’en branle pas mal de gâcher la mienne à taquiner la bouteille mais chez lui c’est juste du gâchis. Je m’allonge sur la table me servant de ma veste comme oreiller. Mon regard fixe le plafond en bois du vieux magasin à l’odeur parfumée pendant qu’il m’énonce le troisième fait. Je viens scanner son visage à la recherche d’un énième mensonge qu’il ne voudrait pas dévoiler. « Ça veut dire que tu te mets toujours des tampons dans l’nez ? » Je lâche un doux rire, presque nostalgique en repensant à cette fois où il a essayé d’attraper mon téléphone pour pouvoir effacer le moment que je venais de capturer. Je l’entends encore se plaindre, jurant qu’un jour il prendrait sa revanche. Spoiler alert : le score est toujours de 1-0 et je prends peu de risques à dire qu’il n’est pas sur le point de changer.
« Quatre, ça t’emmerde vraiment que ce soit moi ‘le mec que t’as connu’ ? Tu pensais trouver autre chose ? » Que laissait-il sous-entendre ? J’ai comme l’impression d’avoir touché son talon d’Achille. Parce qu’il aura beau essayer de me faire boire ses paroles, sous ses grands airs de je m’en foutiste, je sais bien qu’il n'est pas indifférent à l’image qu’il peut renvoyer et aux souvenirs qu’il a pu oublier. « J’ai plusieurs codes de conduite, code n°1 : ne jamais juger quelqu’un avant d’avoir jeté un coup d’œil à sa playlist. » J’hausse les épaules tandis que je tourne la tête pour le regarder « Je pensais trouver des fleurs et c’est sur toi que je suis tombé. Puis j’ai demandé des faits et non des questions. T’as jamais été doué pour suivre les règles, peut-être qu’il reste un peu de lui en toi finalement. » Son cerveau m’avait peut-être jeté dans la corbeille à papier, mais mon avis sembler toujours compter un peu à ses yeux. Est-ce que ça m’emmerder que ce soit lui « le mec que j’ai connu » ? Non, je peux pas nier les ressemblances même si j’ai beau laisser penser le contraire. Je me rends compte que j’ai sûrement été un peu trop dur envers lui. Est-ce qu’il a peur de ne pas être à la hauteur du Blaze 1.0 ? Ça expliquerait le comportement d’évitement qu’il a l’air d’avoir adopté depuis que j’ai mis le pied dans sa boutique. Oui, j’ai probablement été méchant mais faut croire qu’il n’est pas le seul à s’être forgé une carapace. J’ai laissé la colère prendre le dessus en omettant le fait que, si je n’étais qu’un simple dommage collatéral dans toute cette histoire, il n’en restait pas moins la première victime. « Moi, je suis architecte scénographe à temps complet et musicien à temps perdu. Pourquoi fleuriste ? » Il a des mains d’artiste mais se contente d’un job de fleuriste. Surprenant, pour un mec qui n’a jamais aimé rester enfermer. Cette boutique est beaucoup trop étroite pour ce gars qui a toujours eu l’air de rêver d’évasion. Comme si son traumatisme avait supprimé le peu de confiance qu’il avait en lui.
« Et c’est pas étonnant que je me souvienne plus de toi si on s’est pas revus après la prison. » Sacrément culotté le garçon quand on sait que c’est lui qui a décidé de couper les ponts. C’est Blaze qui a choisi de mettre fin à notre amitié. Est-ce qu’on était pote ? Je sais plus vraiment, peut-être que cette relation n'était qu'une illusion chez l'adolescent de quatorze ans. « À qui la faute ? Y’a quand même eu un temps entre ton séjour à l’hôpital et ta sortie de prison. Puis j’ai jamais prétendu être privilégié, j’te rassure.» Un pas en avant, dix pas en arrière. Je me relève lorsqu’il me fait part de son deuxième traumatisme. Un casse-tête, voilà ce qu’il est réellement et je me surprends à rire devant le comble de la situation. C’est un casse-tête dans tous les sens du terme et j’ai beau être doué avec les rubik's cube, j’suis à des années-lumière de pouvoir résoudre l’énigme qui se cache derrière sa tête. « Je comprends mieux pourquoi tu te souviens plus des échanges qu’on a eu lorsque t’étais encore en taule. » J’attrape mon smartphone pour taper quelque chose dans la barre de recherche Google avant de sourire fièrement. « Tiens, je t’ai trouvé un magnifique casque sur Amazon pour seulement 29,99 dollars. Y’a même des fleurs dessus, je sais bien que t’adores ça ! » Il faut bien détendre l’atmosphère. Le casque est sympa même si, à mon sens, il a toujours eu une tête à porter des kippas. Je jette un rapide coup d’œil à l’horloge qui m’indique qu’il commence à se faire tard et qu’il serait peut-être temps de rentrer. La vérité c’est que je commence à avoir faim et que l’odeur du magasin a fini par me donner la nausée. « Qu’est-ce que t’aimes faire de ton temps libre ? » Je tourne la tête dans sa direction, attrapant ma veste alors que je sors de l’arrière-boutique. On pourrait se revoir ou peut-être qu’il serait plus judicieux d’en arrêter là. « Je peux compter sur toi pour la commande ? » Non pas que je doute de ses capacités professionnelles mais j’aurais l’air bien con si je me retrouve avec une couronne de pâquerettes et d’orties en guise de décoration pour le mariage de mes vieux. « Dans tous les cas t’as mon numéro ! » Je me dirige vers la porte du magasin avant d’ajouter « Au fait, je m’appelle Peter, enchanté ! » Je lui tends la main, parce que c’est bien trop tentant et peut-être qu’au fond je suis loin d’en avoir fini avec les présentations.
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@Blaze Breaker(c) oxymort |
| | | | (#)Sam 7 Mar 2020 - 23:05 | |
| Il regarde l’inc— Peter prendre ses aises sur cette table qui avait été sa compagne d’ennui pendant de si longues heures, dans la pièce exiguë à l’espace brisé par un morceau de soleil qui tombait d’un carreau hasardeusement situé sur le mur externe. Et tandis que Blaze se contente de son sourire habituel pour habiller ce visage auquel collait l’indolence, ses traits ne disent pas la persistance de son esprit, l’intention muette à laquelle se livrent ses yeux en essayant encore de saisir le moment du déblocage, comme s’il cherchait un interrupteur à tâtons dans le noir dans une salle immense — condamné à l’obscurité d’ici-là. Sans être particulièrement mystique, il y avait quelque chose d’effrayant à ces murs invisibles de l’âme, ces zones de non-droit, à l’intersection de ce qu’il était et de ce qu’il ne pouvait pas (plus) saisir. Il serre les poings dans ses poches dans un geste instinctif, peut-être pour mieux s’ancrer dans la réalité, s’éviter de prendre la tangente. « Je retire ce que j’ai dit. T’es vraiment un abruti, ma parole ! » Cette fois le sourire s’étire vraiment, et l’expression de Blaze reprend cet amusement enfantin du gosse qui fait son tour fétiche, ingénu au possible, glissant entre deux non-réponses, de quoi pointer implicitement l’étrange flasque que Peter avait sorti si naturellement de sa manche. Il laisse traîner l’oreille aux recommandations sanitaires de son interlocuteur, sans doute intérieurement satisfait d’avoir réussi à tirer encore un peu sur ses nerfs. « Mmh, » fait le bouclé sans répondre à une question dont il n’avait pas la réponse (des années déjà), feignant d’être convaincu, se désintéressant du sujet qu’il avait lui-même lancé dès qu’il avait eu la réaction souhaitée — un sale gosse qui ne retroussait pas ses manches au boulot, Peter pouvait toujours chercher. Il allait lui en donner, des raisons de le traiter d’abruti, s’il continuait à lui arracher les vers du nez ; des belles et des pas mûres, il pouvait même mentir, enjoliver le pire, calligraphier sa belle vie si enviable. « Ça veut dire que tu te mets toujours des tampons dans l’nez ? » Un rire sans joie échappe au plus vieux tandis qu’il rétorque platement — « J’avais perdu cette astuce mais je m’y remets dès que j’ai l’occasion, » toujours sourdement décontenancé à chaque fois que Peter se mettait à parler du grand flou avec ce brutal naturel… bien normal, après tout. C’était sa situation à lui qui était anormale, et à force de n’en tirer que le cynisme, il allait finir par se convaincre lui-même qu’il était dans son bon droit… « Je pensais trouver des fleurs et c’est sur toi que je suis tombé. Puis j’ai demandé des faits et non des questions. T’as jamais été doué pour suivre les règles, peut-être qu’il reste un peu de lui en toi finalement. » Comme à chaque fois que Peter touche une corde un peu plus juste que les autres, Blaze fait la sourde oreille, passe à côté de l’important, de l’essence, d’un pas qui pourrait le rapprocher de son… ami théorique ? Mais il ne peut s’empêcher de glisser quand même, à mi-voix, un filet de syllabes serpentin : « Ce serait quand même beaucoup moins drôle de tout te donner d’un coup, hein ? » Vénéneux et inoffensif à la fois ; donner quoi ? Il n’avait rien de plus à donner à Peter, rien qu’une ardoise vide et qu’une vie qui était sans doutes à mille lieues de la sienne.
Il ne savait toujours pas, au fond, s’il y avait intérêt à renouer quoi que ce soit ; cependant, difficile de nier qu’il avait plus de mal que de coutume à simplement passer l’éponge, faire comme si cette incursion furtive du passé ne l’atteignait aucunement. « Moi, je suis architecte scénographe à temps complet et musicien à temps perdu. Pourquoi fleuriste ? » Les gens… les gens avaient une drôle de façon de chercher plus loin que le bout de leur nez. Il répond du tac au tac, en même temps qu’il se demande quel genre de musique il faudrait qu’il mette dans sa playlist pour faire faire la grimace à Peter. « Premier truc que j’ai trouvé. » Quand on avait tenté de le remettre dans le droit chemin en lui donnant le goût du labeur — gamin sans qualifications, fourgué dans le premier commerce venu. Il était resté dans les fleurs, se faisant virer à l’occasion, se démmerdant pour changer de quartier, ne pas se faire trop mauvaise réputation. De toute façon, il ne venait pas assez souvent pour qu’on se construise un quelconque avis de lui. Que Peter ait eu la chance de tomber sur lui alors que l’absentéisme ne l’avait pas le moins du monde quitté était peut-être un signe du destin. Destin qui, soit dit en passant, devait joliment les narguer, du haut d’il ne savait quel nuage. Et si ce n’était pas le cas, Blaze se gaussait à sa place. Et un toast pour la fortune. « Tiens, je t’ai trouvé un magnifique casque sur Amazon pour seulement 29,99 dollars. Y’a même des fleurs dessus, je sais bien que t’adores ça ! » Il avait au moins le chic pour basculer des sujets qui fâchent à la farce, Peter, son énergie survoltée, ses mimiques, et puis la pluie de mots, toujours à rebondir sur le moindre truc que Blaze lâche alors que ce dernier sélectionne soigneusement les parties du discours de son interlocuteur qui l’intéressent, ou auxquelles il veut bien répondre, bon gré mal gré. Il se laisse porter par l'activité débordante de Peter, l'observe combler cette conversation d'efforts que Blaze ne mérite sans doute pas. « Qu’est-ce que t’aimes faire de ton temps libre ? » Il hausse les épaules, suit machinalement Peter parce qu’il n’a rien d’autre à faire, les yeux dans le vide. « Pas ranger des fleurs. Traîner. » Il n’aime pas parler, en tout cas, Blaze, se force, contemple avec étonnement les mots sortir de sa propre bouche. Il aime quoi ? Drôle de question. Jouer, mettre sa vie en danger, courir jusqu’à ce que son cœur explose, faire péter un câble à des inconnus comme lui. Mais ce sont des choses qui ne se disent pas. L’honnêteté transparente de Peter n’était pas un point commun entre eux. Avec Blaze, il fallait tout déduire. Cependant, ça se déduisait assez facilement.
« Je peux compter sur toi pour la commande ? » « C’est dans l’ordi et y’a beaucoup de gens plus compétents que moi ici. A moins que tu veuilles vraiment que je m’en charge personnellement, » fait-il en levant les yeux au ciel, signifiant clairement que Peter ne serait alors pas à l’abri de se retrouver avec deux ou trois billets de discorde aléatoirement disposés dans les bouquets. Mais le voilà qui reprend sa veste, qui s’éloigne. Comme il était venu. Coup de vent. Il regarde la main tendue pendant peut-être deux secondes. « Au fait, je m’appelle Peter, enchanté ! » Il finit par la serrer, de l’air de celui qui n’a jamais accordé grande importance à cette marmelade de convenances, tout aussi vides que tous ces mots, ces ‘enchanté’, qui ne valaient pas la simple grimace de Peter au début de leur conversation. « Enchanté Brandon. » Insupportable, mais sans doute Peter le savait-il mieux que lui. Depuis plus longtemps que lui. « Tu m’aurais presque donné envie de fermer boutique à 16 heures pour aller boire un verre mais j’ai pas les clés aujourd’hui. » Le patron aurait dû revenir depuis un bout de temps. Mais Blaze veillait au grain. A saupoudrer la serre de ses nuées cendreuses. « Un homme de whisky, donc, qui choisit bien ses amis. » Et c’est à moitié la preuve d’intérêt qu’il devait bien à Peter pour l’avoir autant fait chier, à moitié l’aveu que cette discussion l’avait assez intrigué pour que l’idée de ne pas l’oublier paraisse moins absurde. Avec la pointe d’autodérision qui était peut-être le début de la cicatrisation, des deux côtés de la barrière, malgré la raillerie qui demeurait comme un écho indissociable de sa façon de parler ; quoi qu'il fasse, il ne déméritait pas son statut d'abruti.
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@Peter Mulligan Pardon du retard, ça ne se reproduira plus de façon aussi imprévue
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| | | | | | | | some memories just die, as some flowers just live (peter) |
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