and if you want to stay lost awhile, i'll rearrange the road i take and meet you out in the wild. and if you want, we can wait behind, we can find a place to hide, maybe i could change your mind. - @juliana rhodes
Le vent était chargé de la chaleur de l’été, alors qu’il s’amusait à s’engouffre dans ses cheveux et à les rendre impossible à dompter. Le bruit de ses pas qui se faisait régulier, sur le pavé, alors qu’elle avançait en direction de son but final. Les visages dans la rue qui se faisaient de plus en plus familiers alors qu’elle relevait le regard un peu plus loin, main mise en visière pour contrer les rayons de soleil, au plus proche de son zénith. Un sourire pour saluer la vieille dame qui avait reconnu son visage, malgré son manque de présence évidant des dernières semaines. Il n’y avait bien que les personnes âgées pour se rappeler de toutes les personnes qui venaient à l’église le dimanche matin. Parce-que, pour une fois, Diana avait décidé de faire un effort. Des semaines qu’elle n’était pas venue ici, elle peinait même à se rappeler si elle était venue à une seule messe tout court depuis celle de Noël. Cette dernière avait été une torture, mais elle avait eu pour point positif de ne pas se dérouler dans leur église habituelle, puisque toute la famille s’était déplacée à Melbourne pour célébrer les fêtes de fin d’années. Diana s’était, cependant, malheureusement retrouvée à côté de sa mère qui n’avait cessé de lui jeter des coups d’oeil en coin durant toute la cérémonie, ce qui l’avait à la fois rendue très mal à l’aise et énervée - tout le contraire des paroles que prônait le prêtre au même instant, à quelques mètres d’eux. Mais comme elle avait promis à sa soeur, et implicitement à son frère également, qu’elle serait sage telle la petite fille qu’on attendait d’elle d’être, elle n’avait rien dit. Tout comme elle avait promis qu’elle viendrait aujourd’hui à la messe du dimanche. Jules lui avait certifié que leur mère n’était pas assez en forme ces derniers jours - comptez plutôt ces dernières années, de son point de vue - pour y assister également, et c’était l’élément qui avait mis fin à la résistance de la jeune femme. Elle n’était plus une adepte de ce genre de pratiques depuis des années, mais elle aimait pouvoir passer ce moment avec sa famille. Quelque-chose de sacré - le jeu de mot presque trop évident - parmi les Rhodes que d’assister ensemble à une messe. Fut un temps où c’était même une des marques de fabrication de leur famille. Le temps avait passé, emporté certains dans ses limbes et les traditions s’étaient perdues avec, à l’usure. Les quelques marches du parvis monté, et son regard se remit en quête de ce visage qu’elle connaissait par coeur. La foule était plutôt dense, cette semaine, et c’était bien mieux. Diana aimait également l’intimité et l’anonymat que pouvait apporter une église pleine à craquer. Réussir à se perdre au milieu de la foule, se laisser porter par le courant afin de faire face à ses propres pensées. « Jules ! » Elle avait profité que les croyants ne soient pas encore entrés dans l’église et ne soient pas devenus de vrais tuer à gage avec leurs regards noirs pour élever la voix et appeler sa soeur. Le sourire s’étira naturellement sur les lèvres de la jeune femme lorsque son regard croisa celui de son aînée, alors qu’elle parcourait à vives enjambées les derniers mètres qui les séparaient. Elle ne s’arrêta pas en si bonne lancée et vint de suite enlacer sa soeur lorsqu’elle se retrouva face à elle. Diana avait l’impression qu’elles ne s’étaient pas vues depuis une éternité - et ce qui était peut-être vrai. Elle était rentrée de sa tournée de conférences aux Etats-Unis juste avant noël et n’avait pour ainsi dire pas quitté son bureau depuis qu’elle en était revenue. Elle avait tellement d’informations et de connaissances nouvellement acquises à trier, ranger, interpréter qu’elle avait surement failli à sa rôle de soeur. Maintenant qu’elle avait la tête un peu plus hors de l’eau, elle allait pouvoir arranger tout ça. Juliana lui en voulait-elle encore d’avoir levé autant de fois les yeux au ciel pendant le diner de noël ? Si c’était le cas, aujourd’hui était le jour de vérité. « Ca se voit que les vacances d’été sont terminées, les rues sont de nouveau envahies de monde, j’ai cru ne jamais arriver ! Viens, on va prendre des places à l’intérieur. » Elle tira un sourire davantage élargi, foncièrement contente de voir sa soeur, alors qu’elle l’entrainait à l’intérieur de l’église. La messe était sur le point de débuter, les adeptes se pressaient pour se disputer le banc du premier rang - il fallait dire que le prête valait le coup d’oeil -, et Diana ne voulait pas se retrouver debout pour toute la durée de la messe.
Le clocher sonnait midi pile lorsque les portes de l’édifice s’ouvrirent de nouveau. Des paroles s’échangeaient afin de discuter de l’hommage rendu cette semaine, et sur le programme proposé pour le dimanche d’après. Certaines vieilles dames cassait du sucre, une fois n’est pas coutume, sur le dos du prête quand au fait qu’il soit trop jeune pour être celui qui les guide à travers ce monde de la religion. Diana, elle, se contenta de marcher plutôt rapidement pour sortir du bain de foule, se retournant lorsqu’elle eut atteint le trottoir, attendant sa soeur qui était sur ses pas. Le sourire qu’elle abordait désormais était plus calme, plus solennel. Même si elle ne croyait pas en plus de la moitié de ce qu’avait abordé le prête aujourd’hui, il était indéniable que l’opportunité de se retrouver à faire le point sur certains thèmes évoqués et sur sa vie de façon générale, avec ou sans prières silencieuses à la fin, lui faisait un bien fou. Elle n’irait pas jusque dire qu’elle avait l’impression de purger ses tords - même si c’était un des buts des messes comme celle d’aujourd’hui - mais presque. « Toujours partante pour aller déjeuner ? » Son attention s’était reportée sur le moment présent et sa soeur qui l’avait rejoint, ayant pris le temps de saluer quelques têtes dont Diana n’avait aucune idée des noms avant de la rejoindre. Des soeurs Rhodes, elle était la plus connue dans le coin, et Diana la taquinait souvent sur le fait qu’elle était comme une rock-star pour une bonne partie des personnes âgées du quartier.
Dernière édition par Diana Rhodes le Mar 11 Fév - 15:12, édité 1 fois
Je me suis levée aux aurores pour avoir le temps de rendre visite à ma mère et régler deux ou trois points administratifs en attente depuis trop longtemps avant de pouvoir me rendre à l’habituelle messe du dimanche. Je ne suis plus aussi assidue qu’il y a quelques années, surtout depuis qu’Alfie a eu son accident, mais faire l’impasse sur mon recueillement du dimanche est toujours quelque chose qui me déplait et aujourd’hui, j’avais vraiment envie d’être présente. Anabel est restée à la maison avec Alfie et moi, j’ai englouti un semblant de petit-déjeuner avant de filer rendre visite à maman. Cette dernière m’a ouvert en pyjama, comme à son habitude, et j’ai dû négocier pendant vingt minutes pour qu’elle trouve le courage de s’habiller et d’aller chercher du pain à la supérette à trois minutes à pieds. Je savoure cette petite victoire en me disant qu’au moins elle est un peu sortie de la maison aujourd’hui ce qui n’est clairement pas quelque chose d’habituel pour elle. Je profite de sa courte absence pour fouiller le bureau et trouver deux lettres non ouvertes qu’elle a dû poser-là sans avoir le courage de découvrir leur contenu. Lorsqu’elle revient avec son pain, je suis encore plongée dans le mot du banquier qui explique des banalités sans importance. Une demi-heure plus tard, j’ai classé tous les papiers, préparé un thé, des œufs brouillés, des chips de bacon et des toasts pour forcer ma mère à prendre un petit-déjeuner qui fera sûrement office de déjeuner vue l’heure. « Et tu manges tout, promis ? » Je demande en ajustant mon chemisier, beaucoup trop habillé pour la chaleur estivale actuelle mais approprié pour entrer dans une église. « Je vais déjeuner avec Diana après la messe mais je repasserais te voir avant de rentrer chez moi, tu es sûre que tu ne veux pas venir ? » Evidemment, elle confirme et je ne suis pas surprise. A dire vrai, le contraire m’aurait embêtée puisque j’ai promis à ma sœur qu’elle ne serait pas là et que j’aimerais pouvoir profiter de sa présence sans devoir jouer les arbitres dans le match qui oppose les deux femmes depuis des années, maintenant. Maman ne réagit pas lorsque je dépose un baiser sur sa joue et je claque la porte, regardant ma montre pour ce qui me semble être la centième fois de la journée avant de presser le pas pour rejoindre l’église située à seulement quelques minutes de la maison de mon enfance. Ce trajet, je le connais par cœur, je l’ai effectué tous les dimanches – et tous les mercredis pour le catéchisme – durant de longues années, et je prends plaisir à le refaire maintenant, pour pouvoir me rapprocher un court instant d’un passé qui me semble si lointain désormais. J’aurais aimé que mes frères et sœurs partagent cette nostalgie et mon envie de perpétuer les traditions, mais rares sont les fois où nous nous retrouvons réunis dans la maison familiale. Chacun a poursuivi sa route et c’est dans l’ordre des choses, mais j’aurais aimé conserver quelques habitudes dont le simple souvenir me réchauffe le cœur dans des moments où l’avenir me parait un peu flou.
Alors que j’arrive devant l’église ou une foule dense se presse, je retire le premier bouton qui attache le col de ma chemise pour respirer un peu mieux, tout en cherchant Diana du regard, mais c’est elle qui me trouve la première, m’interpellant avec enthousiasme. Je me tourne dans sa direction et un large sourire accompagne le sien. Elle est venue. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine alors qu’elle me serre dans ses bras et je savoure cette étreinte comme une mère qui retrouve son enfant après une longue journée de travail. Diana était encore jeune lorsque notre père est décédé et, comme les plus jeunes, j’ai eu à cœur de la materner autant que possible pour qu’elle puisse garder ce rôle d’enfant encore quelques années. Elle me considère sûrement moins comme sa mère que Mary, parce que notre écart d’âge n’était pas si énorme et que nos caractères et nos aspirations étaient très différents, mais je ressens toujours ce besoin de la protéger du monde extérieur. Certes, Diana est devenue une adulte accomplie, elle mène sa carrière brillamment et est devenue la femme qu’elle était destinée à être, mais j’ai l’impression qu’elle ne se rend pas compte du rythme qu’elle s’impose par moments et je suis ravie d’être là pour l’inciter à freiner lorsque je constate qu’elle s’en demande un peu trop. « Rayonnante, comme d’habitude. » Je constate en inspectant ma sœur de la tête aux pieds. « Ca doit être une caractéristique familiale. » Un peu d’auto-flatterie ne fait de mal à personne. Nous entrons dans l’église en suivant la foule qui se presse devant les portes mais j’entraine rapidement Diana pour prendre place sur les bancs de devant, pour retrouver ma place habituelle. Ma sœur a raison, les gens sont revenus de vacances, l’église est pleine à craquer et tant mieux. Les chants ne seront plus que joyeux et ce moment de partage encore plus intense. Pendant l’heure qui suit, je n’échange presque pas un mot avec Diana et me concentre sur le déroulé de la messe que je connais pourtant par cœur. Le dernier chant résonne alors que les fidèles commencent à quitter l’église et je me joins à la procession, non sans saluer quelques têtes connues au passage. Je perds de vue ma sœur alors que je suis obligée de m’arrêter pour conseiller à Elsa de nouveaux livres pour ses jumelles de quatre ans et alors que je me hâte de la retrouver à l’extérieur, je marque une seconde pause pour remercier encore une fois notre voisine d’un certain âge d’avoir cuisiné à deux reprises le mois dernier pour « aider Alfie à se remettre », selon ses propres dires. Je ne suis pas étonnée que la nouvelle ait fait le tour du quartier, mais j’élude les questions et m’éclipse le plus rapidement possible pour retrouver ma sœur. « Au secours, le gang des potins est de sortie. » Je plaisante, en l’entrainant loin de l’église qui laisse encore sortir un flot ininterrompu de fidèle. « Bien sûr que je suis toujours partante pour aller déjeuner, et j’ai besoin d’un verre de vin blanc aussi, c’est essentiel à mon équilibre. » Ou pas, mais je n’ai pas l’habitude de me priver pour des choses qui me font envie. Je devrais, d’ailleurs puisque la balance me nargue en affichant trois kilos supplémentaires depuis les fêtes de fin d’année alors que je m’étais promis d’en perdre au moins deux avant ces mêmes fêtes. « Italien, ça te va ? On va chez Marinara, comme d’habitude ? » J’ai un problème avec les traditions, j’en ai conscience et Diana aussi, mais au moins, on sait que c’est une valeur sûre.
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Spoiler:
Purée, ça m'a fait mal d'écrire le titre avec Jules.
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« Rayonnante, comme d’habitude. Ca doit être une caractéristique familiale. » Diana vint froncer légèrement le bout du nez, la malice plein les yeux, lorsque Juliana l’accueille au pied de l’église de ces quelques mots. « Je confirme oui. » Même si la jeune femme avait toujours trouvé sa soeur bien plus jolie qu’elle ne l’était elle-même, elle accepta le compliment. Aller ensemble à l’église permettait de faire le point sur sa vie, sur l’avancée de cette dernière - mais aux yeux de Diana, cela permettait surtout de venir passer du temps avec ses proches et de montrer par des moyens à quel point elle tenait à eux. Pas par des prières ou des offrandes, juste par sa présence et quelques mots. Elle n’était généralement pas avare en compliments, aujourd’hui ne marquerait pas une différence. Finalement, les deux jeunes femmes prirent le chemin des premiers bancs de l’église, où Jules réussit à jouer du coude pour qu’elles aient places assises. Bien sûr que ce comportement faisait toujours sourire la cadette, bien sûr qu’elle tournait ça également attendrissant. Si elle se serait largement contentée d’un rang plus loin dans l’église, elle savait que ce point représentait plus pour sa soeur que pour elle, alors elle se laissa entrainer - et se laissa portée par la suite par les chants qui se mirent rapidement à résonner sous la voute de l’édifice.
Ce fut de pied ferme que Diana attendait Jules, en bas des escaliers du parvis de l’église. Les commérages de quartier et les dernières nouvelles sur les enfants des voisins, c’était très peu pour elle. D’abord, parce-qu’elle ne connaissait pas la moitié des personnes présentes aujourd’hui venues célébrer le seigneur, mais également parce-que ce n’était pas de son habitude de venir fouiner dans la vie que des gens, qu’elle ne connaissait toujours pas, menaient. Elle était enchantée de revoir des connaissances d’enfance, des personnes qu’elles côtoyait lors des cours de catéchisme également - mais souvent, ça s’arrêtait ici. Si elle voulait voir une personne, prendre de ses nouvelles, elle prenait son téléphone et faisait en sorte de provoquer un rendez-vous. L’excuse de oh, je ne savais pas que vous seriez ici aujourd’hui prononcé par une ancienne connaissance qui vient tous les dimanches à la messe pour apprendre des informations dans le dos des gens - très peu pour elle. « Au secours, le gang des potins est de sortie. » Le commentaire de sa soeur, en revanche, vint lui tirer un petit sourire amusé. Même si elle passait une bonne partie de son temps avec les personnes qui colportaient les ragots à travers les fidèles de l’église, Jules n’était pas du genre à opter pour ce genre de comportement. Et si elle commençait à devenir comme ces vieilles mégères qui ne savaient pas discuter d’autre chose que de leurs gamins et de leurs manucures, Diana serait prête à faire une intervention spéciale pour sauver sa soeur. Hors de question qu’elle tourne comme la dame, quelques marches plus haut, qui jetait un regard de travers en sa direction. Diana aurait pu hausser un sourcil, venir croiser de nouveau le regarde de l’autre femme, voire même aller lui demander si elle souhaitait aborder un sujet en particulier avec elle - mais ce n’était pas dans sa nature, et encore moins dans ses envies pressantes. A la place, elle préféra se concentrer sur la partie de la journée qui la réjouissait le plus, à savoir le déjeuner qu’elle avait prévu de prendre avec Juliana à la suite de la cérémonie. Elle s’inquiéta tout de même, auprès de sa soeur, de savoir si le rendez-vous était toujours maintenu. Un empêchement était si vite arrivé, et même si ce n’était pas une perspective qui la réjouissait, elle saurait comprendre les raisons de sa soeur quand à reporter leur déjeuner. « Bien sûr que je suis toujours partante pour aller déjeuner, et j’ai besoin d’un verre de vin blanc aussi, c’est essentiel à mon équilibre. » Bien que le minois de Diana semblait déjà émerveillée par la tournure de la journée, il vint s’illuminer un peu plus lorsque sa soeur lui confirma que leur déjeuner était maintenu. Et bien sur qu’elle sauta sur l’occasion pour venir taquiner Jules - elle ne perdrait jamais une occasion d’embêter sa soeur, c’était son rôle préféré. « On verra quand tu l’auras bu si ce verre était tant essentiel à ton équilibre, tiens. » Il viendrait surtout plutôt le perturber, mais là n’était pas la question. Un verre de vin blanc bien frais, alors que le soleil s’accrochait au zénith n’était pas forcément la meilleure idée question santé et prévention, mais ce n’était effectivement pas de refus. « Va pour le verre de vin blanc. Une destination en tête ? » Si elle n’était pas du genre exigence en terme de restauration, mangeant de tout tant que ça ne contenait pas de la viande, Diana préférait avoir l’avis de sa soeur avant de se lancer dans une idée. Cette dernière n’était pas non plus difficile à satisfaire en qualité ou choix de plats, mais elle avait surtout toujours eu l’habitude d’être la tête de peloton pour la famille et Diana ne voudrait pas que cela change pour aujourd’hui. Bien qu’elle eut parfois du mal à comprendre et à entendre le comportement de sa soeur lorsqu’elle était bien plus jeune, elle avait appris désormais à le tolérer et même parfois à l’apprécier. C’était agréable de savoir que vous aviez toujours quelqu’un de présent pour vous soutenir, pour vous aiguiller. Le rôle que tenait, en règle générale, les parents - oh, wait. « Italien, ça te va ? On va chez Marinara, comme d’habitude ? » Un petit sourire en coin vint se frayer un chemin sur les lèvres de Diana. Elle aurait pu dire bingo. C’était soit l’italien qui serait venu en tête de Jules, soit le nouveau salad-bar que Diana lui avait fait découvrir lors de leur dernier déjeuner et qu’elle avait plus que bien apprécié. Mais l’italien était leur repère depuis bien longtemps maintenant, l’endroit où il était facile pour elles de se sentir à l’aise, le lieu qu’elles choisissaient les yeux fermés. La petite tradition qu’elles pratiquaient à deux, la plupart du temps; parfois, l’un ou l’autre de la famille Rhodes se joignait à elles, lors d’une visite en ville. Celle qui n’y mettait pas les pieds, en revanche, était celle dont Juliana prenait le plus soin - mais le sujet n’avait pas besoin d’être mis de suite sur la table. « Marinara ce sera alors. » Le restaurant en question ne se situait qu’à quelques blocs de l’église où elles se trouvaient, et avait pour avantage d’ajuster sa carte au fil des saisons. Les produits étaient toujours frais et le personnel avait cet accent du pays comme peu possédaient encore en ville de leurs jours. Diana vint alors passer le bras de sa soeur par dessus le sien, regardant des deux côtés de la route avant de traverser, et lança la cadence pour la petite balade qui les conduisit jusqu’au restaurant. On pouvait appeler ça une balade préventive, plutôt que digestive, qui vous préparait à pouvoir engloutir un bon festin. Et pendant que leurs pas venaient frapper le pavé, pendant que le soleil venait lécher leur peau, que les gens autour d’eux continuaient d’avancer vers d’autres buts - repas de famille, proches vers qui retourner -, Diana fut heureuse de pouvoir passer un moment avec sa grande soeur. Ces derniers s’étaient faits rares, et elle s’en voulait quelque peu. Elle n’avait pas été autant présente, tant bien disponible que physiquement présente en ville, qu’elle l’aurait voulu. Elle n’eut cependant pas le temps d’entrer dans quelconque sujet, arrivant déjà à hauteur du restaurant. « J’espère que madame Craig ne nous aura pas entendu parler de l’italien, sinon tu peux être sûre qu’elle y sera l’instant d’après nous et avec toute sa tribut. » Pas que l'idée de passer le reste du début d'après-midi à supporter les pleurs et les crises de jalousie de la petite famille, mais Diana n'était pas présente ici aujourd'hui pour ça. Et elle connaissait assez bien les spécimens pour savoir que c'était ce qui les attendaient si la dame Craig avait, en effet, écouté leur conversation de loin - au yeux de Diana, elle était la mégère en chef et ne savait pas vivre si ce n'était quand faisant pareil ou mieux que les personnes qui l'entouraient. Les jeunes femmes traversèrent finalement la dernière rue, accédant enfin à l’édifice. De bonnes odeurs en émanaient déjà. « Ca me donne déjà faim. »
Aller à la messe avec la première de mes sœurs pour ensuite passer une partie de la journée à deux, de préférence autour d’un bon repas, est probablement ce qui se rapproche de l’idée que je me fais du paradis. Je n’ai pas souvent l’occasion d’avoir Diana pour moi toute seule et je suis bien souvent vexée de me rendre compte que sa vie professionnelle passe avant sa famille, parce que je n’imagine pas faire autre chose que lui consacrer ma vie. C’est pour eux que j’ai décidé de ne jamais quitter Brisbane, pour eux que j’ai choisi de faire mes études à côté de la maison, pour eux que je suis restée à la maison le plus tard possible et pour eux que je passe voir maman toutes les semaines pour s’assurer que toutes ses affaires soient en ordre et qu’ils n’aient à se préoccuper de rien. Alors forcément, lorsque j’ai l’impression que venir passer deux heures avec moi pour aller à l’église et prendre l’apéritif est un véritable fardeau, je suis un peu déçue de leur attitude. Bien sûr, je n’agis pas de cette façon pour qu’ils se sentent redevables, je pense surtout que c’est mon rôle d’ainée et j’aime beaucoup trop ma mère pour la laisser se gérer seule, alors que je sais pertinemment qu’elle n’en est pas capable, mais il est vrai que parfois j’aimerais avoir davantage de soutien de leur part à tous. Pourtant, dès que Diana est apparue dans mon champ de vision, toute ma rancœur s’est envolée et il me parait impossible de lui dire quoi que ce soit de négatif. C’est aussi ça, mon gros problème, je peux accumuler toute la rancœur du monde, un seul sourire face à moi suffit à la faire s’envoler complètement. Pourtant, je ne suis pas dupe, je sais que cette colère reviendra la prochaine fois que Diana se dira trop occupée pour venir rendre visite à maman ou passer chez moi juste pour une soirée, mais pour le moment, je suis juste heureuse de passer du temps avec elle et c’est tout ce qui compte. « Je vois que tu as une piètre estime de moi. » Je plaisante, m’imaginant tituber après un seul petit verre de vin blanc. « Avec un, je suis sûre que je suis capable de marcher droit, deux par contre, c’est possible que ça devienne compliqué. » En réalité, Diana n’a pas tort, avec la chaleur qu’il fait, un seul petit verre risque de suffire pour me faire tourner la tête, mais maintenant que j’ai communié avec le Christ, je peux bien me permettre un petit écart de conduite, personne ne dira rien. En plus, le vin italien est vraiment trop bon, et comme Diana approuve mon choix de restaurant, je vais sûrement être obligée de craquer. Quel dommage. « Je suis sûre que tu es en train de te dire que je suis affreusement prévisible. » Je commente, devant l’air entendu de ma sœur qui me trouve certainement trop attachée aux traditions. Diana et moi sommes très différentes, elle c’est une aventurière, elle aime découvrir de nouvelles choses, alors que j’aime mes souvenirs et revivre des moments heureux déjà vécus. Heureusement, aujourd’hui, elle me suit sans s’y opposer et mon enthousiasme grandit encore alors que nous parcourons les quelques mètres qui nous séparent du restaurant.
Alors que nous nous approchons, ma sœur me confie ses craintes à l’idée de rencontrer la fameuse madame Craig qui nous a traumatisés durant toute notre adolescence. Je pouffe de rire, non sans pouvoir m’empêcher de regarder autour de nous si je n’aperçois pas sa petite tête de fouine. « Oh mais tu es mauvaiiiise. » Je lui fais remarquer, alors qu’en réalité, j’approuve ses paroles à quatre cent pour cent, évidemment. Mais heureusement, cette brave femme n’a sûrement rien entendu de notre conversation et c’est bien d’un moment à deux que nous allons pouvoir profiter et ça ne peut nous faire que du bien. « Moi aussi, j’ai tellement faim… Je crois que je pourrais commander toute la carte. » Mais oui, bien sûr, j’ai du mal à imaginer comment je pourrais mettre autant de nourriture dans mon tout petit corps, mais après tout, pourquoi pas. « Mais je crois qu’il ne vaut mieux pas parce que j’ai pris beaucoup trop de poids, ces derniers temps et si je continue, je ne vais plus rentrer dans mes vêtements. » C’est déjà le cas, d’ailleurs, deux jupes un peu trop près du corps sont allées rejoindre illico le fond de mon armoire quand je me suis rendu compte qu’il m’était impossible de faire glisser le zip jusqu’en haut. Pour le moment, je préfère vivre dans le déni de cette prise de poids relativement conséquente pour un petit gabarit tel que moi, mais j’ai aussi conscience que je dois faire attention. Trente ans, c’est beaucoup trop tôt pour se laisser aller – oui, certes, j’ai un peu plus de trente ans, mais chut, je n’assume toujours pas – et je ne peux pas passer mon temps à me chercher des excuses. « Mais bon, qui dit duo exceptionnel, dit repas exceptionnel et on l’a bien mérité. » Qu’est-ce que je disais au sujet des fausses excuses, déjà ? Je me connais suffisamment pour savoir que je suis pas du tout capable d’entrer dans un restaurant italien que j’apprécie particulièrement et me contenter d’une petite salade, c’est hors de question. « Mais à l’occasion, il faudra que tu m’expliques comment tu arrives à garder la ligne alors que tu voyages tout le temps. Tu ne vas pas me faire croire que tu te prépares des petits tupperware de salade à chaque fois, si ? » Et si elle me dit que c’est juste une question de morphologie, il est possible que je tente délibérément de la noyer dans le vin offert par le restaurant. Nous entrons à l’intérieur et un serveur enjoué vient nous saluer, nous appelant même par nos prénoms au moment de nous montrer notre table. Il faut dire que nous sommes des clientes régulières depuis de nombreuses années maintenant et j’apprécie que nous ayons créé ce lien au fil du temps. Je me plonge dans la carte dès qu’on nous l’apporte, sans trop savoir ce que je vais bien pouvoir manger. « Je pourrais piquer dans ton assiette ? C’est trop dur de choisir un seul plat. » Je soupire, comme si j’étais face au choix le plus difficile de toute ma vie. « Tu vas rester un moment à Brisbane ou tu as d’autres obligations ailleurs ? » Je ne sais pas pourquoi je ressens constamment le besoin qu’elle soit proche de moi, mais c’est le cas. Autant je suis fière de voir qu’elle réussit et qu’elle s’épanouit, autant la regarder s’en aller aussi loin de moi sans rien pouvoir lui dire est toujours un déchirement. « Maman doit revoir son médecin bientôt, ça te dirait de nous accompagner ? » Je demande, louchant sur le menu pour ne pas voir les yeux de ma sœur me lancer des éclairs. J’ai sans doute tort d’aborder le sujet dès maintenant mais je préfère commencer par le négatif pour qu’on puisse vraiment profiter de notre déjeuner ensuite. J’ai l’habitude d’honorer seule les rendez-vous médicaux de ma mère, mais puisque Diana a un avis complété opposé au mien sur la question, j’imagine que sa présence nous apporterait que du positif.
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« Oh mais tu es mauvaiiiise. » Même si le fond de ses paroles était on ne peut plus vrai et que Diana ne souhaitait vraiment pas que madame Craig débarque dans le restaurant qu’elles aimaient tant, elle ne put s’empêcher un petit sourire en coin, narquois, lorsque Jules vint ajouter ce petit commentaire. Elle l’était peut-être, mauvaise, mais c’était sur des raisons valables et approuvées. Elles avaient assez côtoyé la mère de famille lors des nombreuses messes et autres événements organisés à l’église pour savoir qu’elle pouvait être pire qu’un chien enragé lorsqu’elle décidait de se consacrer à quelque-chose. Voir les soeurs Rhodes profiter du beau temps, de la compagnie de l’autre et de leur jeunesse par la même occasion pouvait être une raison tout à fait valable pour qu’elle décide de venir leur faire la misère au restaurant. Comprenez-vous maintenant pourquoi Diana se tenait toujours à une distance de sécurité nécessaire des mégères de l’église ? « Moi aussi, j’ai tellement faim… Je crois que je pourrais commander toute la carte. Mais je crois qu’il ne vaut mieux pas parce que j’ai pris beaucoup trop de poids, ces derniers temps et si je continue, je ne vais plus rentrer dans mes vêtements. » Sans aucune gêne ou autre sentiment assimilé, Diana vint jeter un coup d’oeil au corps de sa soeur, des joues rebondies en passant par ses fesses qui l’étaient tout autant, scrutant voir si les dires de sa soeur pouvaient être vrais. Diana savait qu’elle avait tendance à s’en faire pour peu lorsqu’il s’agissait de son poids et son corps, alors elle ne venait pas commenter ses paroles si elle n’avait pas vérifié par elle même à l’avance. Dans ce cas-ci, elle vint hausser légèrement les épaules, nonchalamment. « T’as toujours eu tendance à prendre un peu de poids pendant les fêtes et à le perdre facilement à la suite, je suis pas trop inquiète. » Pour les paroles qu’elle ajouta à la suite, elle se dit qu’elle aurait peut-être du tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler car il était fort probable que sa soeur lui en veuille un minimum de les avoir prononcé, mais elle s’en fichait - elle était plutôt du genre assez directe et sa soeur ne faisait pas l’objet d’une exception. « C’est Alfie qui dit que t’as grossi ? » Même si elle tentait d’y ajouter une pointe d’humour, le visage quelque peu rieur qui allait avec, le fond de sa question était sérieuse. Elle ne désirait pas que la réponse soit oui, mais si c’était le cas elle n’aurait aucun mal à venir en causer deux mots au garçon en question. Pas qu’elle aimait s’immiscer dans la vie de couple de sa soeur, mais il était hors de question que quelqu’un vienne de nouveau piétiner son coeur comme elle avait déjà vu par le passé, alors elle veillait au grain. Même si elle trouvait ça idiot de se rendre tant malade pour un garçon. « Mais bon, qui dit duo exceptionnel, dit repas exceptionnel et on l’a bien mérité. » « Touché » Elles formaient un duo exceptionnel il fallait l’avouer - et il n’y avait aucune modestie engagée dans ces paroles, simplement les faits qui se devaient d’être avancés. « Mais à l’occasion, il faudra que tu m’expliques comment tu arrives à garder la ligne alors que tu voyages tout le temps. Tu ne vas pas me faire croire que tu te prépares des petits tupperware de salade à chaque fois, si ? » Un petit rire railleur, nullement contrôlé par Diana, s’échappa d’entre ses lèvres. « Moi ? Me faire des tupperware de salade ? » Elle regarda des deux côtés de la route avant de traverser, alors que la circulation semblait s’intensifier à l’approche du déjeuner. Elle vint secouer légèrement la tête, reportant son attention sur sa soeur. « Oh, Jules. Si je t’expliquais comment j’arrive à garder la ligne, tu serais rendue tous les quatre matins chez moi pour voir si je ne suis pas morte dans mon appartement. Hors de question. » Et c’était surement une hypothèse qui pourrait se vérifier. En effet, si Diana réussissait à garder si facilement la ligne c’était surtout parce-qu’elle menait un train de vie qui n’était pas spécialement sain. Pas de ceux où les gens se nourrissent exclusivement soit de jus détox aux couleurs plus qu’improbables, ni de ceux où l’alcool et la cigarette faisaient office de n’importe quel aliment solide. Non, Diana se contentait la plupart du temps de café, de pas mal de sport et de peu de sommeil. Son appétit n’était jamais des meilleurs et lorsqu’elle se rappelait qu’elle devait se nourrir pour fournir l’énergie nécessaire à ses cellules pour fonctionner - parce-que sans énergie, elle ne pouvait réellement travailler à son potentiel maximum -, elle se contenta d’aller acheter un repas sur le pouce à la boutique du coin sans prêter attention à sa valeur nutritionnelle. Le repas du jour, au restaurant avec Jules, se rapprochait de loin du repas le plus sain et complet qu’elle aurait mangé de la semaine. Ceci était la liste de raisons pour lesquelles Jules ne devait pas apprendre comment elle gardait sa ligne. Elle connaissait assez sa soeur pour savoir qu’elle serait capable de lui déposer justement des tupperware de plats à réchauffer devant sa porte juste pour être sûre qu’elle mange un repas au moins par jour. Finalement, les deux soeurs Rhodes finirent par atteindre le restaurant où elles furent accueillies comme des petits princesses. Peut-être que finalement, les habitudes de Juliana avaient du bon et permettaient de rendre les choses parfois plus gaies. Un sourire était venu d’instinct se coller sur le visage de Diana lorsqu’elle s’était sentie comme à la maison à peine entrée dans le restaurant. Le serveur les emmena directement à leur table habituelle, comme s’il les attendait de pied ferme et qu’il avait réservé cette dernière au cas où elles viendraient aujourd’hui. Ou Jules avait-elle anticipé que Diana dirait oui pour un italien et avait réservé en avance le déjeuner du jour ? Peu importait, au moins tout se déroulait au mieux et ça mettait du baume au coeur de Diana. Ca faisait du bien de se retrouver dans des situations aussi familières que celle-ci, parfois. Elle qui avait l’habitude de courir aux quatre coins de tout quatre-vingt-dix pour-cent de son temps, se poser et apprécier l’instant sonnait comme doux à son oreille aujourd’hui. Rapidement, elles eurent les cartes dans les mains et la concentration plongée dans ces dernières. La concentration de Diana ne resta pas cependant longtemps sur le papier, car elle savait déjà ce qu’elle allait manger - elle prenait toujours la même chose lorsqu’elle venait ici, linguine aux épinards et une mozzarella burrata pour combler sa gourmandise. Son regard, à la fois amusé et attendri, vint alors se porter sur sa soeur assise en face d’elle, dont la concentration était maximale sur le menu. « Je pourrais piquer dans ton assiette ? C’est trop dur de choisir un seul plat. » Elle vint opiner légèrement du chef. « Bien sûr. » Elle ne faisait pas partie de ces gens qui détestaient partager une assiette au restaurant ou qu’on vienne piquer dans la sienne, en ayant ou non prévenu au préalable. Le fait de partage le moment était bien plus important à ses yeux que ce que contenait son assiette. « Tu sais déjà ce que tu pourras piquer dans la mienne de toutes façons. » Cet italien, et uniquement lui, était le seul endroit où elle n’allait pas à l’aveugle sur son choix de plat, ou où elle ne tentait pas les dernières nouveautés de la carte. Elle connaissait l’endroit, elle savait ce que le chef cuisinait, et elle savait surtout vers où son coeur se portait. « Tu vas rester un moment à Brisbane ou tu as d’autres obligations ailleurs ? » En revanche, elle ne savait pas si son coeur se portait à aborder une telle conversation de suite. Même si elle était reconnaissante de toute cette attention que Jules savait leur apporter, à ses frères et soeur et elle, elle savait aussi très bien s’en passer. C’était son côté mère-poule qui ressortait, et Diana savait très bien se passer de sa mère, alors… « Maman doit revoir son médecin bientôt, ça te dirait de nous accompagner ? » En parlant du loup. Bien sûr que Juliana allait apporter un sujet concernant leur mère sur le tapis, mais Diana ne s’attendait pas à ce que ce soit si tôt dans leur déjeuner. En général, elle attendait au moins que sa soeur ait mangé quelque-chose et bu une ou deux gorgées de vin minimum avant d’entrer dans un sujet qui pouvait soulever vents et marrées comme celui là. Retenant un petit soupire, Diana vint balayer la pièce du regard avant que ce dernier ne tombe sur le serveur. Il vint voir ce qu’elle voulait, ayant compris assez rapidement les signaux. « On va vous prendre deux verres de vin blanc, s’il vous plait. » Hors de question qu’elle n’aborde ce sujet avant d’avoir un verre à la main - c’était mal, mais c’était un mal nécessaire dans ce cas. « Je reste à Brisbane quelques temps, oui. » Cette question là, elle savait y répondre facilement, car elle concernait principalement la chose à laquelle elle consacrait le plus de temps dans sa vie, à savoir son boulot. « J’ai encore du boulot à abattre sur les éléments que j’ai ramené de ma dernière virée aux Etats-Unis. Et puis, j’ai pas mal bougé l’année dernière, je vais tenter de commencer cette année plus doucement. » La vérité qu’elle apportait là à sa soeur contenait tout de même plein de petites conditions écrites en caractères fins en bas de page. Elle voulait lever le pied, mais simplement pour avoir plus de temps à rédiger ce qu’elle avait déjà sur le feu. Elle voulait rester plus longtemps à Brisbane avant de repartir, mais si on venait lui présenter l’occasion du siècle d’en apprendre davantage sur l’un des travaux qu’elle avait en cours, elle serait dès le lendemain matin à l’aéroport. Diana se contenta d’avancer la partie qui plaisait le mieux à Jules pour le moment, car la suite de la conversation risquait d’être un peu plus musclée si elle se laissait aller à répandre à peu trop ses pensées à travers ses mots. Le serveur arriva à ce moment là avec leurs verres de vin, et en profita pour prendre leur commande. Tant mieux, le ventre de Diana - maintenant qu’il avait compris qu’il allait déjeuner quelque-chose de délicieux - criait famine. « Concernant maman, ensuite… » Elle inspira quelque peu, vint faire tourner le liquide jauni dans son verre un tour ou deux, avant de porter le contenant à ses lèvres. Bien frais comme elle aimait. « A quel point ma présence est nécessaire ? » Etablissons d’abord les faits, les conditions, afin de pouvoir peser le pour et le contre - même si c’était ce dernier qui était parti en tête de la course, avant même que le signe de départ n’ait été donné.
Est-ce qu’aller au restaurant avec ma sœur est réellement le meilleur moyen de combattre ces kilos en trop dont je me plains constamment ? Non, certainement pas, c’est pourquoi je ne prends pas la peine de réellement me poser la question, me contentant d’être enthousiaste à l’idée de passer un excellent moment avec Diana tout en me remplissant l’estomac – exercice que j’apprécie un peu trop – dans un restaurant que nous apprécions toutes les deux et que nous connaissons parfaitement bien. Je n’ai jamais été le genre de personne qui choisit ses repas en suivant ses émotions, je n’ai jamais souffert de ces fameux chagrins qui font descendre deux énormes pots de glace en quinze minutes, ou de ces élans de joie qui font pleuvoir des litres d’alcool et des pâtisseries trop grasses en guide de célébration. Pourtant, ces derniers temps, j’entretiens un rapport bien plus compliqué que d’habitude avec l’alimentation et, tout doucement, je commence à sortir du déni le plus total dans lequel je me suis plongée lors de l’apparition des premiers symptômes alarmants. Il va s’en dire qu’une fois sortie de ce fameux déni, il faudra que je me penche très sérieusement sur la question, mais pour aujourd’hui ce sera juste ma sœur, moi et un plat un peu trop copieux cuisiné par un chef extrêmement talentueux. Les paroles rassurantes de Diana – enfin, plus ou moins rassurantes – me suffisent et c’est avec joie que j’acquiesce, heureuse de pouvoir prendre l’excuse qu’elle me donne pour mettre une fois de plus ce souci de côté. « Tu as sûrement raison. » Il aurait sans doute été plus juste de dire : j’ai très envie de te donner raison, ou encore : je veux que tu aies raison donc on va dire que c’est le cas, mais je me garde bien de laisser paraitre un quelconque doute. « Non ! Pas du tout ! » Je me hâte de répondre alors que ma sœur tente d’accuser Alfie d’être la cause de ma soudaine obsession pour mon poids. « Je ne pense pas qu’il aborderait le sujet si je n’en prends pas l’initiative. » Je n’ai pas le petit-ami avec le plus de tact au monde – et c’est un euphémisme – mais il a toujours respecté mes choix de vie, mon style vestimentaire, ou ma manière d’être en général sans jamais chercher à les critiquer, j’ai donc beaucoup de mal à croire qu’il pourrait me reprocher cette prise de poids, même si elle est sans doute un peu plus importante que les deux kilos habituels pris au moment des fêtes. Je hausse un sourcil interrogateur alors que ma sœur répond de manière énigmatique au sujet de sa ligne parfaite. « Parce que tu trouves que ta réponse est suffisamment rassurante pour ne pas me donner envie de venir camper devant ton appartement ? » Une vieille tente et un réchaud feront l’affaire, elle n’imagine pas ce que je suis prête à faire pour ma famille, sinon elle ne me tenterait pas. « Rassure-moi, tu ne prends pas un de ces compléments alimentaires ultra chimique ou autre comprimé qui ferait frémir n’importe quel nutritionniste digne de ce nom ? » C’est une question que je ne me suis jamais posée concernant Diana, mais elle a réussi à m’inquiéter et avant que je sache si tout ceci n’était qu’un trait d’humour de sa part, je vais imaginer les pires scénarios possibles.
Attablées à notre table habituelle, je détaille du regard ce menu que je connais pourtant par cœur, incapable de me décider entre les différentes possibilités qui s’offrent à moi. Piquer dans l’assiette de ma sœur m’enlève uniquement un choix ce qui n’est clairement pas suffisant, mais je doute fort que nos voisins de table acceptent de partager leur repas avec moi. Dommage. Et je ne sais pas si c’est parce que je frustrée de devoir faire un choix que je décide directement d’aborder un sujet infiniment délicat mais je me lance sans trop y réfléchir. Le nez plongé dans mon menu pour ne pas avoir à croiser le regard de Diana, je perçois malgré tout qu’elle s’est raidie et elle prend le temps de passer sa commande de vin blanc – qui sera très nécessaire dans quelques minutes – avant de reprendre notre conversation. Je m’attends donc au pire et je suis agréablement surprise d’apprendre qu’elle compte rester à Brisbane encore un moment, j’imagine déjà tous les repas de famille que je vais pouvoir organiser et le nombre incalculable de fois où je vais pouvoir la trainer à l’église. Ce sera génial ! Mais évidemment, j’imagine que l’attitude de femme constipée de ma sœur n’est pas réservée aux bonnes nouvelles, et même si je n’en suis pas étonnée – parce qu’elle a une fâcheuse tendance à se crisper dès que le mot « maman » sort de ma bouche – je suis toujours un peu déçue de constater le gouffre interminable qui nous sépare dès que la maladie de notre mère a le malheur de revenir sur le tapis. « C’est super que tu prennes le temps de te poser un peu ! Ça va te faire du bien aussi, j’imagine. » Ou pas, puisque son boulot est devenu sa vie et qu’elle a beaucoup de mal à lâcher prise, mais j’espère que mon enthousiasme sera suffisamment communicatif pour qu’elle voit ce ralentissement comme une pause bien méritée et non pas comme du temps perdu. « Il faudra que tu viennes manger à la maison, ça fait tellement longtemps que tu n’es pas venue ! » Ce qui sous-entend qu’il faudra que je demande à Alfie de cuisiner – si elle veut manger autre chose que des pâtes – mais réussir à convaincre mon petit-ami de se mettre aux fourneaux ne me semble pas si insurmontable que ça. L’interruption du serveur permet à Diana de gagner encore un peu de temps avant d’aborder le sujet qui fâche et alors qu’il repart avec les menus, je triture nerveusement le pied de mon verre de vin, en attendant une réponse qui tarde à venir. C’est donc sans surprise que je constate que Diana est réfractaire à l’idée de se mêler des problèmes médicaux de notre mère et je dois me retenir de pousser un soupir de lassitude et d’agacement. Je sais ce que je devrais lui dire ? Que certes, sa présence n’est pas vitale compte tenu du fait que je m’en suis toujours sortie sans elle mais que porter toute notre famille à bout de bras n’est pas exactement une promenade de santé ce qui implique qu’un peu d’aide de sa part serait un véritable soulagement. Mon plus gros problème, c’est que je n’ai jamais vraiment réussi à exprimer ce genre de choses, parce que j’ai toujours eu l’habitude de m’occuper de ma mère et de mes frères et sœurs et que c’est un rôle qui me tient à cœur, je ne veux pas que Diana ait l’impression que je les laisse tomber. « Si la question est de savoir si je peux réussir à m’en sortir sans toi, la réponse est oui. » Je commence, légèrement hésitante sur le ton que j’adopte. « J’ai l’habitude de ce médecin, il me connait bien, il tient toujours à peu près le même discours. » Rien de nouveau, donc, mais justement, je me dis que c’est peut-être à moi d’apporter un peu de nouveauté. « Je pense simplement que ce serait une bonne chose que je ne sois pas la seule à l’entendre, pour qu’on puisse se concerter pour prendre les futures décisions. » Et parce qu’on ne va pas se mentir, notre mère est un légume psychologique depuis des années et que rien ne s’arrange. « Mais ce n’est pas une obligation. » J’ajoute, malgré tout, pour que Diana n’ait pas la sensation d’avoir le couteau sous la gorge. Ce poids, j’aimerais bien être un peu moins seule à le porter, mais quelque chose me dit que je vais sortir de ce repas sans avoir trouvé de solution à mon problème.
and if you want to stay lost awhile, i'll rearrange the road i take and meet you out in the wild. and if you want, we can wait behind, we can find a place to hide, maybe i could change your mind. - @jules rhodes
« Parce que tu trouves que ta réponse est suffisamment rassurante pour ne pas me donner envie de venir camper devant ton appartement ? » Ce fut un petit sourire taquin qui vint se glisser sur les lèvres de la jeune femme. Il était si facile, pour elle, de faire tomber sa soeur dans le panneau qu’elle s’osait à s’en amuser de temps à autres. « Rassure-moi, tu ne prends pas un de ces compléments alimentaires ultra chimique ou autre comprimé qui ferait frémir n’importe quel nutritionniste digne de ce nom ? » Et le rire qui vint ponctuer cette phrase vint résonner aux oreilles de qui voulait l’entendre. « Ne dis pas de bêtises voyons. » Elle vint lever les yeux au ciel, avant de plonger ses prunelles dans celles de sa soeur, haussant un sourcil inquisiteur. « Tu sais très bien que je ne ferai pas ça, même si ça me permettrait de me dégager bien plus de temps dans une journée. Je me contente de café, de sandwich sous-vide et de courtes nuits. Rassurée ? » Elle tentait de garder son sérieux, Diana, mais rien n’y faisait - le coin de ses lèvres commençait déjà de nouveau à se lever. Parce-qu’elle savait que dans le fond, Jules s’inquiétait réellement quand à la santé de sa soeur et c’était exactement cela qui lui donnait une raison de plus pour venir appuyer un instant de plus sur ce point là. Elles avaient beau avoir grandi, il n’en restait que Diana aimait venir embêter quelque peu sa grande soeur de temps à autres. Cependant, elle ne garda pas cet air taquin et cette attitude enfantine bien longtemps. Juliana avait quelques questions sur le feu pour sa cadette et elle n’attendit pas un instant de plus pour les avancer dans la conversation. Diana prit le temps en premier lieu de venir commander deux verres de leur vin blanc habituel, avant de commencer à répondre à la brune en face d’elle. La question la plus simple concernait sa présence à Brisbane et surtout la durée de cette dernière. Même si les détails étaient passés sous silence, même si la vérité complète n’était pas si rose. « C’est super que tu prennes le temps de te poser un peu ! Ça va te faire du bien aussi, j’imagine. Il faudra que tu viennes manger à la maison, ça fait tellement longtemps que tu n’es pas venue ! » L’enthousiasme dont réussissait à faire preuve Jules était appréciable, il fallait l’avouer. Même si elle ne désirait jamais réellement rester bien longtemps à Brisbane, au moins elle était accueillie à bras ouverts dès qu’elle y mettait un pied. Alors, avant de venir passer à la seconde partie de la discussion - partie qui lui plaisait bien moins d’avance -, elle vint tirer un petit sourire à sa soeur. « Ce sera avec plaisir, Jules. » Et elle était sincère, pour de vrai. Elle serait réellement heureuse de partager un déjeuner ou un diner avec sa soeur, de pouvoir passer chez cette dernière pour un moment de partage et de détente. Et elle s’y tiendrait. Elle ne bougeait pas de suite de toutes façons - et d’après la suite des questions de Jules, elle désirait que Diana soit bien plus présente dans les parages. « Si la question est de savoir si je peux réussir à m’en sortir sans toi, la réponse est oui. » Un des sourcils de Diana vint se hausser plus haut que l’autre sur son visage. Elle attendait la suite de la réponse de sa soeur, car il y avait forcément un mais ou quelque-chose qui s’y apparentait. « J’ai l’habitude de ce médecin, il me connait bien, il tient toujours à peu près le même discours. » Mais ? - le mot qui lui brulait les lèvres mais qu’elle gardait pour elle car elle savait que la remarque n’était pas la bienvenue présentement. Elle contentait de garder son regard dans celui de sa soeur, de tenter de sonder ses pensées, celles qu’elle ne laissait transparaitre dans ses mots. « Je pense simplement que ce serait une bonne chose que je ne sois pas la seule à l’entendre, pour qu’on puisse se concerter pour prendre les futures décisions. Mais ce n’est pas une obligation. » Un vague soupire s’échappa par mégarde d’entre les lèvres de la demoiselle. Elle aurait voulu le retenir plus longtemps, mais il était également quelque peu un soupire de soulagement. Parce-qu’elle ne voulait pas aller à ces rendez-vous médicaux - elle en l’avait jamais caché et elle s’étonnait encore que Jules tente de la relier à sa cause perdue. Et qu’à chaque fois que sa soeur abordait le sujet, s’en était une torture de voir l’espoir et la bonne volonté s’envoler de ses yeux. « Jules… » Elle remaniait les mots dans sa tête et passait en revenue chaque tournure de phrase qu’elle souhaitait mettre en avant. Le but n’était pas de vexer la jeune femme ou de lui faire du mal, mais au contraire lui faire comprendre que ses efforts étaient malgré tout en vain. Et c’était l’exercice le plus compliqué auquel s’adonnait Diana depuis qu’elle était gamine. « S’il tient le même discours depuis tout ce temps, c’est peut-être parce-que les choses n’évoluent pas ? » Elle tentait la douceur, elle tentait la légèreté. Même si ses paroles ne pouvaient se trouver avérées étant donné qu’elle n’avait pas revu leur mère depuis trop de temps déjà. Elle n’allait pas chez elle si Juliana n’était pas présente, ou si un autre membre de leur fratrie n’y allait pas avec, parce-qu’elle n’avait plus rien en commun avec la femme qui les avait mis au monde. Leurs chemins avaient divergé depuis bien des années. « Je sais que t’as toujours espoir qu’un déclic se fasse un jour, ou que son médecin trouve une potion miracle… » Mais, il ne fallait pas s’accrocher à tant de faux-espoirs. Surtout depuis tant d’années, et tout ce temps écoulé. Alors, Diana vint étirer une petite moue désolée sur ses lèvres. Elle ne venait pas confirmer qu’elle n’était guère intéressée de participer à un rendez-vous chez le médecin avec leur mère et Jules, mais elle ne venait pas non plus affirmer qu’elle serait présente la prochaine fois. Parce-qu’elle ne voulait pas être là, parce-que pour elle, leur mère avait disparu le jour où leur père avait rendu l’âme.
Telle une maman louve protégeant ses petits, je m’assure immédiatement que Diana ne soit pas en train de devenir ce genre de femme mince qui use de procédés discutables pour conserver une ligne de rêve. Le sourire légèrement moqueur affiché par cette dernière devrait suffire à me rassurer mais sans démenti de sa part, je n’ai pas l’intention de lâcher rapidement l’affaire. Heureusement, ma sœur me connait assez bien pour savoir que je pourrais me rendre malade si elle me laissait me faire de tels films ne serait-ce que pendant cinq minutes. « On n’est jamais sûr de rien. » En réalité, si j’écoutais ma raison, je serais, en effet, certaine que ma sœur n’est pas capable de plonger dans un truc comme ça. Diana est une femme forte, très indépendante et très intelligente. Personne ne lui marche sur les pieds, personne ne lui fait gober des salades en s’attendant à ce qu’elle y croit naïvement et elle n’est donc pas du genre à plonger dans de belles paroles toutes faites destinées à lui faire ingérer tout un tas de cochonneries hors de prix. Toutefois, parce qu’il ne faut jamais prétendre connaitre quelqu’un par cœur surtout quand on ne côtoie pas la personne au quotidien, j’estime que le meilleur moyen de m’assurer que ma sœur n’a pas dévidé de sa si parfaite ligne de conduite est bien de lui poser la question. « Mais tu as raison, je sais que ça ne te ressemble pas. » On a grandi ensemble, mais maintenant que nous sommes adultes, nous avons pris deux chemins que nous pouvons qualifier d’extrêmement opposés. « Par contre, je n’irais pas jusqu’à dire que je trouve rassurant que tu fasses plus attention à ton boulot qu’à ta santé. » La moralisatrice, le retour, mais Diana vient de dire elle-même qu’elle privilégiait les nuits courtes et les sandwichs sous vides en guise de repas faute d’avoir plus de temps dans ses journées. Quelle tristesse. « Je te proposerais bien de venir manger plus souvent à la maison, mais je ne suis pas sûre que les surgelés mis au four par mes soins soient nettement plus diététiques. » Et je ne peux pas imposer à Alfie de jouer les chefs cuisiniers pour Diana – même s’il adore cuisiner – sans le lui avoir demandé au préalable. Je ne suis pas certaine qu’ouvrir une cantine Rhodes soit sur sa liste de priorité déjà – trop – bien fournie.
A défaut de pouvoir proposer le gite et le couvert tous les midis, je peux au moins proposer à ma sœur de venir chez nous un soir, histoire de profiter de son passage à Brisbane. Je sais que ses séjours ne sont pas très longs, en général, et surtout pas très fréquents, alors je tiens à profiter de sa présence au maximum. Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurais séquestré tous mes frères et sœurs dans ma ville natale pour être certaine d’avoir toujours ma famille auprès de moi. Une décision bien égoïste, mais je n’en aurais pas été à mon coup d’essai. Et puis, en parlant d’égoïsme, je ne suis pas sûre qu’ils aient décidé de partir en me laissant avec ma mère et sa santé fragile sur les bras par pur altruisme. D’ailleurs, aborder la question de notre maman rend toujours la conversation bien moins agréable qu’elle aurait pu l’être et c’est exactement ce qui se produit alors que je n’hésite pas à le faire, sûrement un peu trop tôt pour Diana qui n’a pas eu l’air de s’y attendre. Le soupir qui s’échappe de ses lèvres alors que je termine mon discours – faussement positif, évidemment – ne m’étonne pas mais a le don de m’irriter. Malgré tout, je n’en laisse rien paraitre, me contentant de la laisser parler à son tour, bien que la manière dont elle prononce mon prénom – mon surnom, d’ailleurs, j’ai tendance à l’oublier – ne me laisse pas beaucoup d’espoir quant à la finalité du discours. Et malheureusement pour moi, je ne me trompe pas, le début pique et la fin fait mal et je dois me retenir de ne pas l’envoyer chier avec ses belles paroles. Diana ne sait pas de quoi elle parle parce qu’elle ne s’implique pas du tout dans les problèmes médicaux de notre mère. Je sais pourquoi et même si je ne peux pas totalement désapprouver ses raisons, je désapprouve l’abandon dont elle fait preuve et le fait qu’elle se repose sur moi sans même avoir l’air de s’en rendre compte. C’est à mon tour de soupirer. « Je sais bien que les choses n’évoluent pas. » Je m’en rends compte tous les jours. Le ton de ma voix est un peu plus froid que je ne l’aurais voulu. « Si j’arrête d’espérer, qu’est-ce qu’il nous reste ? Qu’est-ce qu’on fait ? » Parce que c’est bien ça le problème, à la base, il devrait y avoir un « on » mais celui-ci semble être devenu un « je » et alors que je désespère de trouver une solution, tous mes frères et sœurs attendent que je baisse les bras. Je pourrais, en effet, parce que moi aussi j’ai conscience que notre mère n’ira jamais bien, mais que se passera-t-il pour elle si la dernière personne à se soucier d’elle arrête de le faire ? « Je sais bien qu’elle ne guérira jamais, mais elle est encore jeune, elle ne va pas mourir demain et agir comme si elle était déjà morte ne la fera pas partir plus vite. » Oubliant la politesse et la légèreté dont j’avais choisi de faire preuve lors de ce repas, je mets ma sœur face à des vérités qu’elle a choisi d’occulter pour mener cette vie dans laquelle son travail et sa petite personne occupent une place centrale. Je suis peut-être injuste de vouloir la charger d’un fardeau que je me suis moi-même attribuée et je ne lui demande pas de le prendre, mais j’estime au moins que nous pourrions partager.
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« Par contre, je n’irais pas jusqu’à dire que je trouve rassurant que tu fasses plus attention à ton boulot qu’à ta santé. Je te proposerais bien de venir manger plus souvent à la maison, mais je ne suis pas sûre que les surgelés mis au four par mes soins soient nettement plus diététiques. » Même si elle vint lever les yeux au ciel l’espace d’un court instant, ce premier réflexe fut gommé rapidement par un second, un petit rire s’échappant d’entre ses lèvres. Elle était sûre Diana que ça ne serait pas mieux, mais elle ne pouvait que se focaliser sur le fait que sa soeur faisait toujours en sorte, même après toutes ses années, de veiller sur elle. Les petites intentions étaient présentes en tout temps, les regards appuyés d’affection ne se défaisaient pas avec le temps. Elle le prouvait encore aujourd’hui en lui proposant une solution qui incluait sa participation dans la vie de sa cadette là où, en réalité, cette dernière s’en sortait très bien sans sa soeur. « J’aurais quelqu’un qui me ferait à manger, ce serait une amélioration. » Petite touche de tendresse dans la phrase de Diana, alors qu’elle venait attraper son verre de vin pour en laisser couler une gorgée le long de ses papilles gustatives. A défaut d’avoir des opinions qui convergeaient vers les mêmes points en tout temps, Juliana et elle avaient cette envie d’être présentes pour les leurs, pour leur famille. C’était d’ailleurs ce besoin ancré principalement au sein de Jules qui la poussait à aborder une conversation que Diana, elle, ne supportait pas avoir. Leur mère était un cas désespéré depuis des années - elle n’avait pas peur de le dire. Et avoir encore tout espoir après tant d’années était vain, d’après elle. Mais Jules persistait, elle continuait d’y croire et de mettre de l’énergie dans une cause perdue d’avance. « Je sais bien que les choses n’évoluent pas. » Diana vint légèrement hausser un sourcil, plutôt étonnée d’entendre de telles paroles provenir de la bouche de sa soeur. D’ordinaire si optimiste, elle semblait se résigner à l’avis populaire pour aujourd’hui - chose qu’elle n’aurait jamais pensé possible venant de sa soeur. « Si j’arrête d’espérer, qu’est-ce qu’il nous reste ? Qu’est-ce qu’on fait ? » La jeune femme vint tiquer sur le on employé par sa soeur, car elle ne désirait pas être inclue dans toute cette mascarade. Elle tiqua cependant mais en faisant en sorte que sa soeur ne voit pas sa réaction, qu’elle soit seulement dans sa tête, le but n’étant pas de la blessée là où, elle avait raison, elle était la seule à espérer quelque-chose de positif sur cette situation. « Je sais bien qu’elle ne guérira jamais, mais elle est encore jeune, elle ne va pas mourir demain et agir comme si elle était déjà morte ne la fera pas partir plus vite. » La demoiselle vint secouer la tête, à peine d’accord avec les affirmations de Juliana. Elle était parfaitement au courant que leur mère ne risquait pas de mourir demain, ou qu’en tous cas sauf accident imprévisible ça n’allait pas être le cas. « Je ne fais pas comme si elle était morte, Jules. » C’était presque vrai. Disons que lorsque le sujet de sa mère venait à être abordé dans une conversation, Diana se contentait de dire qu’elle ne faisait plus partie du décor, n’ayant plus de contact avec elle depuis des années. Cela ne revenait pas exactement à faire comme si elle était déjà morte - mais disons que l’histoire de la jeune femme ne reposait pas beaucoup sur sa mère. « Je peux juste pas dire qu’elle ait un impact énorme sur ma vie ces derniers… temps. » Un petit sourire pincé, un peu mesquin sur les bords, vint décorer le visage de la demoiselle pendant quelques secondes. Pas qu’elle aimait aborder ce genre d’attitude, mais le sujet de sa mère la rendait toujours plus tendue que n’importe quel autre sujet. Et malheureusement, c’était trop souvent - tout le temps - Juliana qui en était la cause. Elle vint finalement lâcher un petit soupire, fermant les yeux un instant. « Pardon. » Sincère, véritable. Elle ne voulait pas se comporter de la sorte avec elle, surtout pas avec elle. « C’est injuste de ma part de te parler comme ça. » Car, il était vrai, Juliana était la dernière à porter un espoir en leur mère et une guérison certaine à un moment dans un futur plus ou moins proche. La dernière et la seule. Diana avait été tant habituée à laisser derrière elle toute ses histoires, n’étant que trop rarement fixée longtemps à Brisbane, qu’elle en oubliait que d’autres gens y étaient attachés également. « Mais Jules, tu perds vraiment du temps pour quelqu’un qui n’a jamais eu l’intention de nous en accorder autant. » Parce-que le fond du problème, la genèse de toute cette situation, elle était là. La rancoeur de Diana envers sa mère était plus grosse d’une planète et plus puissante qu’une étoile. L’absence de sa mère avait laissé des traces indélébiles dans sa façon de voir la vie et cela se ressentait encore parfaitement aujourd’hui.
Evidemment, le fait que Diana lève les yeux au ciel alors que je me comporte avec elle comme une petite maman – les habitudes ont la vie dure – ne m’échappe pas, mais je feins l’ignorance, consciente que mon côté protectrice peut être une source d’agacement. C’est loin de m’agacer, j’ai pris tous mes frères et sœurs sous mon aile lorsqu’ils étaient encore petits et s’ils pensent que je vais arrêter de me préoccuper d’eux parce qu’ils sont désormais devenu des adultes – plus ou moins autonomes – ils se trompent lourdement. En jouant le rôle de notre mère à sa place, j’ai fini par devenir une petite maman et ce n’est pas quelque chose qu’on peut effacer ou mettre de côté quand il ne nous parait plus nécessaire. Pas du tout. « Je suis pas sûre que décongeler des plats soit un véritable synonyme de faire à manger, mais je suis heureuse que tu le vois comme ça, rien qu’ouvrir l’emballage me parait déjà être un effort surhumain. » Reine des petits plats, moi ? Pas du tout. Si seulement je l’avais été, peut-être que j’aurais pu combattre les quelques kilos qui s’installent créant des bourrelets disgracieux que j’aurais préféré éviter. J’admets bien volontiers que mes talents pour la cuisine sont totalement inexistants et que ma patience en la matière s’est échappée il y a bien longtemps. Si ça ne tenait qu’à moi, je profiterais certainement de toutes nos technologies pour faire en sorte que tous les repas arrivent tous prêts chez moi chaque jour. Enfin, ça, ce serait dans le cas où ces aliments contribueraient à m’aider à retrouver la ligne et non l’inverse ce qui est loin d’être le cas. Diana sait parfaitement à quel point je suis nulle en la matière puisqu’elle a subi pendant des années mes expérimentations loin d’être glorieuse. Tous mes frères et sœurs le savent, d’ailleurs, puisqu’ils avaient même tendance à se battre pour me relayer aux fourneaux chaque fois qu’ils voulaient être sûr de manger un repas comestible. Peut-être suis-je un peu dure avec moi-même, après tout, Alfie ne s’est jamais plaint de la qualité de mes pâtes collantes agrémentées de sauce tomate carbonisée, c’est donc qu’il doit aimer ça. « Mais ta santé est importante, alors je compte sur toi pour en prendre soin. » Si un « oui, maman » s’échappait des lèvres de ma sœur à cet instant précis, je n’en serais même pas étonnée. Il faut vraiment que j’arrête de me montrer moralisatrice ou elle va bien regretter de m’accorder le peu de temps qu’elle passe à Brisbane.
J’aurais sûrement dû penser à ça avant d’aborder le sujet qui nous oppose dès le début du repas. Parler de notre mère est toujours une très mauvaise idée. Nous ne parvenons pas du tout à nous comprendre et nos divergences d’opinion créent des frictions que nous avons bien du mal à gérer, l’une comme l’autre. J’adore ma sœur et pour rien au monde je ne voudrais qu’on s’éloigne, mais je lui en veux aussi d’avoir abandonné notre mère comme si elle n’était qu’une vulgaire plante verte qui a juste besoin d’être arrosée une fois par semaine et mise dans un endroit ensoleillée pour pouvoir survivre. Lorsque Diana affirme ne pas agir comme si maman était morte, c’est à moi de lever les yeux au ciel. Se rend-elle compte du mensonge qu’elle vient de prononcer ou est-elle juste arrivée à se convaincre de son mensonge pour ressentir moins de culpabilité ? Bonne question. « Tu en es sûre ? » J’insiste, la forçant à se poser les bonnes questions avant de répondre par un semblant vérité dont elle n’est pas persuadée. Diana tente de se justifier malgré tout, et je me demande si sa justification ne m’horrifie pas plus que le reste. « Elle n’a pas d’impact sur ta vie ? » Je rétorque, en écho, comme si je voulais lui faire entendre l’horreur de ce qu’elle vient de dire. « C’est ta mère. » Comment peut-elle dire une chose pareille d’une femme qui nous a portées et mises au monde ? Comment peut-être négliger à ce point les souffrances d’une personne dont elle porte l’ADN ? Ça me dépasse complètement. Diana s’excuse mais ça ne change rien aux mots qu’elle vient de prononcer et je me contente de hausser les épaules face à une justification qui ne me parait pas convaincante maintenant et qui ne le sera pas davantage si elle tente d’insister. Je sais bien que notre situation familiale n’a rien de banal, que c’est normalement aux parents d’élever leurs enfants pour en faire des adultes forts et capables de réussir leur vie, et pas l’inverse. Seulement, la mort de mon père a cet âge n’était pas non plus dans l’ordre des choses et personne ne peut prétendre savoir comment se relever de la perte de sa moitié sans avoir vécu la même chose. Diana juge un deuil dont elle n’a pas idée. Elle a perdu son père, oui, mais elle a construit sa vie avec son souvenir alors que pour notre mère, la vie s’est tout simplement arrêtée brutalement lors de l’annonce de ce décès. « Je ne perds pas mon temps, je suis présente pour les gens que j’aime parce que c’est important de l’être et de rester soudés face aux épreuves. » Je rétorque, la colère perceptible dans ma voix. « Si un jour tu devais vivre un drame tellement immense que ta souffrance t’empêcherait de te lever le matin ou de mettre un pied devant l’autre tout au long de la journée, je serais là tous les matins pour te sortir du lit et t’aider à avancer, c’est pareil pour maman. » Je trouve ça parfaitement normal, il n’y a rien d’altruiste là-dedans et je ne me force pas à agir comme cela, il me parait juste logique d’être présente pour ma famille. Est-ce que si moi je devais avoir besoin de ma sœur elle serait là pour moi ? J’ai toujours pensé que oui, mais j’imagine que si je ne lui apporte rien, comme elle le dit si bien, ça ne sera pas le cas. « Si on pensait tous comme toi, qu’est-ce qu’elle deviendrait ? » Je n’ose même pas l’imaginer et je pense que Diana ne s’est pas posé la question non plus, sinon elle se serait sûrement rendu compte de toutes les monstruosités qu’elle vient de prononcer.
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Elle aurait pu le prévoir, que sa soeur en vienne à lever les yeux au ciel en entendant ses dernières paroles. « Tu en es sûre ? » La mâchoire de Diana vint se crisper un brin davantage. Oui, elle était sûre qu’elle n’agissait pas comme si sa mère était déjà morte, mais elle ne niait en revanche pas le fait de ne pas l’inclure dans sa vie de tous les jours. Ellie n’avait plus d’impact dans sa vie et elle ne le cachait pas à sa soeur. Elle savait que cette dernière n’allait pas apprécier entendre ces mots, de façon si claire et si lucide, mais la vérité résidait là. Leur mère était absente des grandes décisions de la vie d’une de ses filles depuis de trop nombreuses années pour qu’elle puisse y laisser une trace quelconque désormais. La vie n’était pas un long fleuve tranquille et parfois, les choix des enfants envers leurs parents étaient rudes. Diana avait volontairement fait en sorte de ne plus inclure sa mère dans ses choix, dans sa vie, et elle trouvait ça désolant que Juliana ne le comprenne pas depuis tout ce temps. « Elle n’a pas d’impact sur ta vie ? » Apparemment, si elle était restée cordiale jusque maintenant, Jules ne semblait plus vouloir garder son mécontentement quand au comportement de sa soeur pour elle désormais. « C’est ta mère. » Elle vint souffler, lentement. « Je sais. C’est justement ça le soucis dans toute cette histoire. » Si l’ainée des Rhodes voulait qu’elle joue franc jeu, qu’elle mette cartes sur table avec elle, Diana le ferait. Elle n’avait pas trop de soucis sur ce point là, être franche faisait partie de ses atouts. Même si cela venait blesser sa soeur au passage, elle préférait lui communiquer ce qu’elle avait sur le coeur plutôt que de prendre des détours et mille chemins différents pour ne finalement pas exprimer ce qu’elle ressentait. « Elle aurait du agir comme telle, ce qu’elle n’a pas fait. » Si Juliana venait nier ce point là, Diana ne saurait quoi dire par la suite. Elle ne pouvait être aveugle au point de ne pas se rendre compte que Ellie n’avait plus agi en qualité de mère de famille depuis que son mari avait quitté ce monde. Et à partir de ce moment là, toute tentative de sauvetage avait été vaine - une perte de temps, selon la jeune femme. « Je ne perds pas mon temps, je suis présente pour les gens que j’aime parce que c’est important de l’être et de rester soudés face aux épreuves. » Elle vint attraper son verre de vin, venant en boire une gorgée, se retenant de ne pas venir secouer la tête. Rester soudés dans les épreuves, elle était d’accord. Se laisser noyer dans ces dernières en laissant ses enfants se débrouiller seuls comme si le monde extérieur n’était pas effrayant, elle n’approuvait pas. « Si un jour tu devais vivre un drame tellement immense que ta souffrance t’empêcherait de te lever le matin ou de mettre un pied devant l’autre tout au long de la journée, je serais là tous les matins pour te sortir du lit et t’aider à avancer, c’est pareil pour maman. » Le regard de Diana vint, lentement, venir se plonger dans celui de sa soeur. Elle avait envie de lui dire qu’une telle chose ne lui arriverait pas, et qu’elle ne se laisserait jamais manger par un chagrin si grand - mais elle ne pouvait ni voir l’avenir, ni faire cet affront là à sa soeur juste pour venir gagner ce point là également. « Je le ferai pour toi aussi, Jules. » Elle ne lâchait pas le regard de son aînée. « Parce-que ça en vaudrait la peine. » Parce-qu’elle savait que la jeune femme saurait trouver, à un moment donné, la force en son sein pour se relever d’elle même et de continuer à affronter la vie dans tout son ensemble. Ellie en était désormais incapable - des années à se complaire dans cette état léthargique. « Si on pensait tous comme toi, qu’est-ce qu’elle deviendrait ? » A ces mots, ce fut un soupire que Diana vint lâcher. Elle s’était déjà posée la question - dire le contraire serait mentir. Mais elle n’avait jamais trouvé de réponse satisfaisante, autant pour elle, que pour Jules ou pour leur mère elle-même. « Je ne sais pas, Jules. Je ne sais pas. » L’honnêteté, toujours. « Mais peut-être que c’est plus à nous de nous en inquiéter, désormais. » Parce-qu’il n’était pas juste que le fardeau ne soit retombé que sur les épaules de ses enfants. Il n’y avait rien de satisfaisant, elle en était certaine, pour Juliana d’avoir vécu la moitié de sa vie par procuration à travers les possibilités qu’elle avait laissé à ses frères et soeurs plutôt que de les prendre pour elle-même. « Maman a des frères, des soeurs, de la famille autre que nous. Elle pourrait s’inquiéter un peu pour elle, aussi, sa famille ? » Elle vint hausser un sourcil. « Que tu puisses penser à toi un peu ? »
Je déteste la conversation que nous sommes en train d’avoir à l’instant et je déteste que les seuls moments que nous passons toutes les deux soient gâchés par un sujet qui nous divise depuis toujours. Pourtant, je ne peux pas regretter d’avoir fait un tel choix, je sais que ma mère a besoin de nous – de nous tous – et j’ai de plus en plus de mal à supporter l’ignorance volontaire dont elle fait preuve dès qu’il s’agit de notre mère. Evidemment, je peux comprendre que ce soit dur pour elle. Toute son enfance, elle a vu cette femme se désintéresser au plus haut point de leur éducation et de leur développement pour se concentrer sur sa seule tristesse, mais elle reste celle qui nous a donné la vie et pour cette raison, je lui trouverais toujours toutes les excuses du monde pour justifier son état. J’imagine que pour Diana ça ne doit pas être simple. J’avais onze ans à la mort de notre père ce qui m’a permis de conserver des souvenirs d’enfance heureux même si maintenant ils me paraissent flous et lointains. J’entrais doucement dans l’adolescence quand ma mère n’a plus été en mesure de s’occuper de nous et même si j’ai vécu des périodes douloureuses durant lesquelles j’aurais eu besoin de ses conseils et de me confier à elle, j’estime avoir eu une enfance merveilleuse à ses côtés. Diana, elle, était encore une enfant lorsque le drame s’est produit et je n’ose même pas imaginer ce qu’elle a dû ressentir lorsqu’elle montrait fièrement ses beaux dessins à notre mère sans même obtenir l’esquisse d’un sourire de sa part. Alors oui, au fond, je ne peux que comprendre la position de ma sœur sur le sujet, mais ce n’est pas pour autant que je cautionne qu’après tant d’années de combat, elle ne lève pas le petit doigt pour me venir en aide. Forcément, pour lui faire prendre conscience de son détachement, j’appuie où ça fait mal, je lui rappelle des faits qu’elle ne peut nier, j’essaie de la ramener à la raison, mais sa réponse ne me surprend pas le moins du monde. « Je sais qu’elle n’a pas été à la hauteur dans ce rôle. » Ni dans aucun autre rôle, d’ailleurs. « Tu ne te souviens sans doute pas très bien de la mère qu’elle était avant… Avant la mort de notre père dont encore aujourd’hui j’ai beaucoup de mal à parler. … Tout ça. » J’aimerais tellement lui raconter tout ce qu’elle a oublié et qu’elle serait heureuse d’avoir en mémoire mais je ne suis pas sûre qu’elle soit prête à l’entendre. « Mais on est une famille et on doit s’épauler dans les épreuves, être soudés c’est ce qui fait notre force. » En tout cas, c’est toujours comme ça que je l’ai perçu. Ce sont mes frères et sœurs qui ont créé l’adulte que je suis devenue, ce sont encore eux qui m’ont permis de m’accrocher pour remplir un rôle que je n’étais pourtant pas prête à jouer. Je leur suis reconnaissante du parcours qu’ils m’ont permis d’effectuer mais désormais, tout ça c’est trop pour moi et j’ai besoin de leur faire comprendre. « C’est grâce à ça qu’on s’en est sorti et ce n’est que comme ça qu’elle pourra s’en sortir. » Parce que contrairement aux autres, j’ai envie d’y croire encore. Je sais qu’une guérison ne se produira sans doute jamais, mais croire aux miracles c’est mon rayon et tant que j’aurais un espoir, même infime, je m’y accrocherais. J’essaie de toutes mes forces de convaincre Diana de garder le même espoir que moi mais ça semble peine perdue. « Tu veux dire que maman ne vaut pas la peine de se battre pour elle ? » Est-ce que je peux réellement lui donner tort ? Ce n’est pas comme s’il y avait eu une amélioration ces dernières années. Elle entend, elle comprend, elle répond, elle est physiquement en parfaite santé, mais j’ai l’impression que toutes ses émotions se sont envolées avec notre père. Lorsque je regarde ses yeux, je n’y vois que douleur et tristesse. La plupart du temps, j’essaie de ne pas croiser son regard tant sa peine est difficilement soutenable. « Moi je crois que si, chaque moment passé avec elle la rapproche un peu plus de la réalité, elle a besoin de ça pour ne pas rester enfermée dans ses propres pensées. » Je sais que lorsque je passe plusieurs jours consécutifs avec elle, j’ai l’impression de voir une toute petite amélioration dans son état de santé, je la trouve plus joyeuse, plus disponible pour les conversations et plus réceptive également. Le problème, c’est que mon travail et ma vie personnelle ne me permettent pas de lui accorder des semaines entières, c’est pour cela que l’aide de mes frères et sœurs serait bienvenue. Alors forcément, je ne suis pas d’accord avec Diana, c’est à nous et à nous seuls que revient le rôle de nous inquiéter pour notre mère. Nous sommes ses plus proches parents, si nous baissons les bras, elle sera seule au monde. « Je crois que si, au contraire, ce serait même bien de commencer réellement à s’inquiéter de ce qu’elle va devenir. » Pour certains, en tout cas, pour moi, elle est déjà le centre de mon univers, mais ma fratrie n’a pas la même perception des choses. « J’ai essayé de les contacter. » J’ai tout essayé pour sauver ma mère : lui rappeler ses passions, faire venir ses proches, organiser des événements qui lui tenaient un cœur, lui donner des objectifs pour qu’elle se raccroche à quelque chose. Tout. « J’imagine qu’ils lui portent autant d’intérêt que toi. » Autant dire que ce n’est pas énorme. « Je pense à moi, ne t’inquiètes pas. » En tout cas j’essaie, mais ce n’est pas si simple. « C’est pour ça que j’ai besoin d’aide, parce que je n’y arrive plus toute seule. » Mon couple n’est pas au mieux de sa forme, ma situation professionnelle stagne, et moi je pars complètement à la dérive. Ma mère reste ma priorité, bien sûr, mais je dois aussi me concentrer sur ma propre vie et en ce moment je n’en ai pas la possibilité.
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« Je sais qu’elle n’a pas été à la hauteur dans ce rôle. » Et c’était loin d’être un euphémisme, aux yeux de Diana. « Tu ne te souviens sans doute pas très bien de la mère qu’elle était avant… Tout ça. » Les lèvres de la jeune femme vinrent se pincer en une ligne fine, alors qu’elle retenait le moindre commentaire. Le but n’était pas d’envenimer cette conversation déjà de trop périlleuse, mais de réussir à rester sur un presque terrain d’entente. Même si Juliana forçait pour venir sur la pente glissante, ce n’était pas l’envie présentement de sa jeune soeur. « Mais on est une famille et on doit s’épauler dans les épreuves, être soudés c’est ce qui fait notre force. » Les enfants formaient une famille; mais dans ce schéma familiale que Diana se présentait mentalement, leur mère n’y était pas présente. Elle était loin derrière eux, comme un boulet qu’on décide de volontairement abandonner à un moment donné de notre vie pour réussir à avancer davantage librement. « C’est grâce à ça qu’on s’en est sorti et ce n’est que comme ça qu’elle pourra s’en sortir. » « Sauf que j’ai pas l’impression qu’elle ait envie de s’en sortir, Jules. » Ses mots étaient trop secs par rapport à l’intensité qu’elle aurait voulu leur insuffler, mais ils étaient désormais dits et elle ne pouvait faire marche arrière. A la place, elle se contenta de ne pas ajouter parole supplémentaire en venant prendre une longue gorgée de vin et en accueillant devant elle le plat commandé au chef. L’appétit n’était plus autant présent, même si les odeurs s’en dégageant donnaient l’eau à la bouche.
« Tu veux dire que maman ne vaut pas la peine de se battre pour elle ? » Ce n’était pas les mots qu’elle s’était osée à utiliser, mais le résultat était la somme que Juliana venait de lui mettre sous les yeux. Le temps était révolu où Diana pensait sa mère capable d’être sauvée, où les efforts réalisés de la part de ses enfants pouvaient servir réellement à quelque-chose. « Moi je crois que si, chaque moment passé avec elle la rapproche un peu plus de la réalité, elle a besoin de ça pour ne pas rester enfermée dans ses propres pensées. » Diana était convaincue que, dans le cas d’une personne qui désire réellement sortir de cette mauvaise passe, cela pouvait être une technique fonctionnant à merveilles. Hors, dans le cas de leur mère, il était clair qu’elle avait décidé des années auparavant que l’aide ne serait acceptée de la part de personne lorsqu’elle ferait référence à son état. « Je crois que si, au contraire, ce serait même bien de commencer réellement à s’inquiéter de ce qu’elle va devenir. » Elle ajouta ici un nouveau soupire, entre deux bouchées presque forcées de son plat désormais tiède sous ses yeux. « Alors que quelqu’un d’autre que toi le fasse. » Un sourcil un brin haussé sur son visage, la jeune femme en parlait évidemment ici pas d’elle-même ou de ses frères et soeurs, mais bien du reste de sa famille maternelle qui semblait préférer laisser le poids qu’était devenue Ellie sur les épaules d’autrefois jeunes enfants plutôt que d’en assumer la moindre responsabilité de leur côté. « J’ai essayé de les contacter. » « Et alors ? » « J’imagine qu’ils lui portent autant d’intérêt que toi. » Elle prit un instant, et un second, où ses lèvres en devinrent presque blanches à se pincer l’une sur l’autre, avant de relever son regard dans celui de sa soeur. « Ce n’est peut-être pas pour rien que je suis la seule à agir de la sorte, alors. »
Ses mots devenaient de plus en plus durs au fil de la conversation, et elle s’en voulait déjà d’avance. Ce n’était pas de la sorte qu’elle aurait préféré que la journée se déroule. Elle aurait souhaité discuter de tout et de rien avec sa soeur, pouvoir avoir le sourire au lèvre et le coeur léger en repartant de ce déjeuner. Juliana avait mis les pieds dans le seul plat qui n’était pas sur la carte, et celui qui empêchait également les soeurs de repartir de ce lieu avec cette légèreté dont Diana avait rêvé. Mais s’il fallait mettre en avant des mots plus durs, plus fermes, pour que sa soeur puisse comprendre que la situation de leur mère était vouée à l’échec, elle emprunterait le vocabulaire qu’elle se retenait d’utiliser depuis le début de cette conversation. « Je pense à moi, ne t’inquiètes pas. » « Vraiment ? » Elle en était en rien convaincue. « C’est pour ça que j’ai besoin d’aide, parce que je n’y arrive plus toute seule. » Elle vint reposer ses couverts autour de l’assiette, attraper son verre de vin dans le même mouvement. « Si tu pensais vraiment à toi, tu serais pas ici face à moi en train de parler de maman. » Elle avait été à deux doigts de lui dire qu’elle était surtout en train de pleurnicher, mais elle ne désirait pas la blesser alors elle s’était ravisée en cours de pensées. Une gorgée de boisson fut glissée le long de sa gorge alors qu’elle terminait son verre - et vint indiquer d’un geste de la main au serveur qu’elle n’en prendrait pas un second, pas aujourd’hui. « Si tu pensais vraiment à toi, tu comprendrais que j’ai raison. Prends exemple sur moi, tiens, pour une fois: pense à toi. » Diana avait toujours su penser à elle lorsque leur mère était mise en dans les comptes. Peut-être de façon un brin égoïste, mais au moins aujourd’hui elle ne se retrouvait pas avec un fardeau comme celui de sa soeur sur les épaules.
Je sais bien que Diana n’est pas d’accord avec moi, mais pour une raison que j’ignore, j’espère encore pouvoir l’inciter à partager mon point de vue, lui faire comprendre que malgré tout le dégoût que l’attitude de notre mère peut lui inspirer, celle-ci ne fait que lancer des appels à l’aide qui ne sont pas vraiment entendus. C’est horrible de la voir comme ça, j’ai l’impression qu’elle attend la mort sans avoir le courage de se la donner mais sans avoir non plus la motivation suffisante pour rebondir. Ça pourrait, sans doute, mieux se comprendre si elle venait de perdre son mari mais après une vingtaine d’années, je peux comprendre que Diana – et l’ensemble de mes frères et sœurs – soient lassés de son attitude démissionnaire et de sa manière de se complaire dans un malheur qu’elle ne voit pas autrement que comme permanent. « Moi non plus. » J’admets, un peu à contrecœur, parce que j’adore être celle qui défend toujours ma mère. Pourtant, je sais bien qu’elle n’est pas franchement défendable sur ce coup et je n’ai pas le droit de dissimuler la vérité lors d’une conversation aussi importante avec ma sœur. « Mais c’est parce qu’elle ne se souvient plus ce que signifie le mot bonheur, elle ne l’a plus vécu depuis tellement longtemps qu’elle ne peut même plus chercher à le retrouver. Il faut lui prouver qu’il existe toujours pour elle et qu’elle peut s’épanouir sans papa à ses côtés. » Ce dont je ne suis pas certaine non plus, j’ai vraiment la sensation qu’en lui ayant enlevé son mari, on a supprimé une partie d’elle-même et qu’elle est désormais une coquille vide, sans âme, présente sur cette terre juste parce qu’elle ne veut pas être celle qui prendra la décision de la quitter. Je pense qu’elle aurait pu mettre fin à ses jours la première année suivant le décès de papa, mais elle savait que sans elle, nous allions être placés, nous, ses enfants mineurs qui avions désespérément besoin d’un adulte – plus ou moins responsable – pour rester une famille unie. Je sais qu’elle n’a pas spécialement été à la hauteur mais elle s’est accrochée à la vie pour notre fratrie et je lui en suis reconnaissante. C’est à moi de l’aider à se raccrocher à la vie maintenant et à lui prouver qu’elle vaut encore la peine d’être vécue. Je suis persuadée que, si elle était entourée par toute la famille au grand complet, elle pourrait être bien plus heureuse.
Lorsque Diana évoque la possibilité que quelqu’un d’autre que moi s’occupe de maman, j’hausse un sourcil interrogateur. Je suis parfaitement d’accord, c’est justement pour ça que je me tourne vers elle, pour que je ne sois plus la seule à veiller sur notre mère et que cette responsabilité ne repose pas exclusivement sur mes épaules. « C’est pour ça que je t’en parle, justement, pour que quelqu’un d’autre que moi le fasse, pour reprendre tes mots. » Je ne suis pas dupe, je sais qu’elle signifie probablement qu’il serait grand temps de faire appel à un institut spécialisé ou à n’importe quelle personne qui n’ait pas à eu à subir ses baisses de moral incessantes, mais je ne l’entends pas de cette oreille. Pour moi, seule une personne vraiment proche de maman peut réussir à s’en occuper et à être là pour elle et pas n’importe quel être humain qui serait à ses côtés juste pour avoir une jolie fiche de paye. Lorsque Diana me suggère qu’elle a raison de penser comme elle le fait puisque c’est aussi le cas du reste de la famille, je me retiens de lui dire que je ne suis pas étonnée de l’égoïsme général puisque c’est malheureusement un trait de caractère très répandu parmi la race humaine. Je me contente de soupirer, ne trouvant rien à ajouter de pertinent à cette partie de la conversation, sous peine de déclencher un véritable conflit qui n’a pas lieu d’avoir lieu dans un restaurant où tous les clients sont en train de discuter joyeusement. L’ambiance générale semble excellente et je ne tiens nullement à être responsable d’un changement qui l’affecterait négativement.
Pourquoi est-ce que tout le monde n’arrête pas de me dire de penser à moi ? Je sais que j’ai tendance à faire passer mes proches avant mon confort personnel, mais c’est ce qui me rend heureuse, justement et je n’envisage pas un seul instant ma vie autrement. Est-ce que ça signifie que je me néglige ? Que je ne fais pas attention à mon bien-être ? Ce n’est pas vrai, si je me baladais constamment en jogging, les cheveux mal peignées, des cernes énormes sous les yeux et une épilation inexistante, peut-être que je pourrais comprendre les critiques que je reçois sur la relation fusionnelle que j’entretiens avec notre mère, mais là, j’ai vraiment du mal à comprendre. J’adore mon boulot, j’y consacre beaucoup de temps, je passe – passais ? – également une grosse partie de mon quotidien avec Alfie, je suis épanouie parce que ma vie de famille et ma vie professionnelle sont ce qu’il y a de plus important à mes yeux. J’ai juste besoin d’un peu d’aide pour éviter de courir partout, c’est tout et avouer que je suis un peu dépassée ne signifie pas que je m’oublie complètement. « Parce que penser à moi signifie que je dois arrêter de penser aux autres ? Désolée, ce n’est pas comme ça que je fonctionne. » Et je refuse de fonctionner comme ça, même si penser aux autres ne m’a pas toujours amené que du positif. « Moi je veux bien penser comme toi, mais il faudrait que tu me remplaces pendant ce temps. » Et on en revient au problème évoqué précédemment, si j’arrête de m’occuper de notre mère, personne ne le fera et si je décidais d’être égoïste, il faudrait que Diana le soit un peu moins. Quelque chose me dit que ce n’est pas gagné.
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« Moi non plus. » En entendant une telle réponse de la part de la soeur, bien sur que Diana vint hausser un sourcil, surprise de la voir être en accord avec elle. « Mais c’est parce qu’elle ne se souvient plus ce que signifie le mot bonheur, elle ne l’a plus vécu depuis tellement longtemps qu’elle ne peut même plus chercher à le retrouver. Il faut lui prouver qu’il existe toujours pour elle et qu’elle peut s’épanouir sans papa à ses côtés. » Mais la surprise fut rapidement remplacée par la déception. Ce n’était pas parce-qu’elle en venait à enfin comprendre son point de vue qu’elle avait été d'accord avec ses paroles, mais bien parce-qu’elle arrivait à trouver à leur mère une énième excuse à son comportement. Diana vint alors serrer les dents, se retenant de venir dire plutôt clairement à Juliana ce qu’elle pensait - leur mère avait eu plus de vingt ans pour se sortir de cette mauvaise passe, pour comprendre que la vie valait quand même la peine d’être vécue. Elle n’avait jamais fait en sorte que ce soit le cas, que ses actions soient en accord avec une telle façon de penser, et ce n'était pas demain la veille qu’elle changerait. Certains comportements se trouvaient trop ancrés pour venir être changés - Diana avait depuis longtemps que ce serait le cas pour leur mère.
Elle n’acceptait cependant pas que Juliana continue de gâcher sa vie et les quelques années qui lui restaient de sa jeunesse pour quelqu’un qui ne pourrait lui rendre la pareille - pas aujourd’hui, pas un autre jour. « C’est pour ça que je t’en parle, justement, pour que quelqu’un d’autre que moi le fasse, pour reprendre tes mots. » Une fois de plus, elles ne voyaient pas les choses de la même façon. Sa soeur insultait qu’elle prenne le relai, ou au pire que quelqu’un d’autre de leur famille proche - ses frères ou soeur, en l’occurence - vienne prendre le relai. Diana, de son côté, ne pensait pas à autre chose que quelqu’un de professionnel, voire même qu’un établissement spécialisé vienne faire une intervention chez leur mère. Elle ne voyait pas d’autre moyens pour réussir à sortir leur mère de cette léthargie qui durait depuis trop longtemps désormais. Juliana n’était cependant pas prête à entendre ces mots, durs mais nécessaires. Alors, Diana prit la décision de ne pas en rajouter une couche aujourd’hui. Se savoir en désaccord avec sa soeur sur autant de niveaux suffisait amplement pour aujourd’hui - elles auraient mille et une occasions de venir se trouver en désaccord sur ces points là à d’autres occasions.
« Parce que penser à moi signifie que je dois arrêter de penser aux autres ? Désolée, ce n’est pas comme ça que je fonctionne. » « Ce n’est pas ce que j’ai dit, Jules. » « Moi je veux bien penser comme toi, mais il faudrait que tu me remplaces pendant ce temps. » « Les rôles ont pas besoin d’être inversés pour que tu puisses penser comme moi. » Elle regrettait déjà d’avance le ton plus ferme et bien moins enjoué qu’elle venait d’aborder. Ce n’était pas de la sorte qu’elle souhaitait s’entretenir avec sa soeur, en rien elle appréciait l’idée qu’elles puissent tomber tellement en désaccord qu’elles en viennent à se jalouser et à se piquer de la sorte autant dans le fond que la forme de leurs paroles. « Tu peux penser comme moi sans que j’ai à prendre ta place, et tu le sais très bien. » Diana vint se taire à la suite de ces paroles là, croisant ses couverts dans son assiette. Elle s’était promis de ne pas en rajouter une couche, et il fallait qu’elle se raccroche à cette promesse - elle ne désirait pas que cette sortie entre soeurs tourne au cauchemar. « Je pense pas qu’on arrive à trouver un terrain d’entente aujourd’hui sur cette conversation, Jules… » Sa voix était toujours aussi ferme en venant affirmer cette idée, mais son timbre était teinté d’une certaine peine. Elle savait à quel point sa famille était importante pour elle, qu’importe comme elle venait l’exprimer ou le prouver. Et elle n’aimait en rien se retrouver en conflit avec cette dernière. « Et j’ai pas envie qu’on s’énerve pour ça. » Ca contenait, sans sous-entendu, le sujet maman dont elle n’était en rien friande. Elle savait d’avance que la formulation ne plairait pas à sa soeur aînée, mais là n’était pas inquiétude.