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 Near the river. [Liv&Jo]

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Message(#)Near the river. [Liv&Jo] EmptyMer 5 Fév 2020 - 3:26

Lorsqu’il glisse sa main dans sa poche, ses deux yeux s’ouvrent grand comme des melons et son cœur trébuche dans sa poitrine pour se retrouver au fond de ses tripes. À plusieurs reprises, il tapote ses pantalons à la recherche d’une seconde poche qu’il aurait peut-être oubliée mais il ne fait aucune trouvaille utile : il relâche donc le trombone déformé, seul objet qu’il possède, et ce dernier rencontre le béton de la rue sans un bruit. Machinalement, ses yeux se mettent à analyser les alentours et il fouine comme le chien de policier autour de la cabine téléphone à la recherche d’une pièce de monnaie égarée. Il sépare les brins d’herbe avec sa semelle souillée, retourne la terre sèche mais son visage ne s’éclaire d’aucune lumière victorieuse : il ne trouve pas une seule pièce de monnaie pour appeler Olivia. La dame qui occupait jusqu’à présent la cabine téléphonique met fin à son appel et raccroche le combiné avant de tourner les talons. Elle croise le regard de Joseph en poussant la petite porte qui le séparait de sa présence agitée mais ne lui accorde pas d’intérêt avant de disparaître au coin de la rue. Aussitôt les témoins disparus, Joseph se glisse dans la cabine et enfonce son index dans le petit compartiment qui remet le change. Il ne touche que son fond métallique et chaud. Dans un dernier espoir insensé, il décroche le combiné, le plaque sur son oreille mais une voix robotisée l’informe qu’il doit insérer vingt-cinq centimes pour rejoindre la personne désirée. Il soupire et raccroche soigneusement avant de s’extirper de la cabine, la tête basse, pour laisser place à un homme dans la quarantaine qui l’ignore lui aussi. Il faut dire que la plupart des gens évitent de trop côtoyer un adolescent à l’allure négligée.

Il aurait aimé lui parler, ce soir, à Liv. Peut-être même l’inviter à se balader le long de ses sentiers préférés de la ville, ceux qui arpentent le début des forêts exotiques et qui se font longer par le ruissèlement des rivières qui portent leur eau jusqu’à l’océan salé. Cela fait presque deux semaines qu’ils n’ont pas pu échanger quelques mots quant à leur situation actuelle. Il sait qu’elle a rejoint la base militaire mais n’a jamais pu l’interroger à propos de ses inquiétudes; peut-être que le monde lui tombe sur la tête, là-bas, ou peut-être qu’elle s’y sent comme chez elle. Il aimerait l’entendre raconter toutes les anecdotes qui lui passent par la tête sans jamais avoir envie de décrocher son regard d’elle parce qu’elle est magnifique lorsqu’elle est heureuse. Son sourire est aussi contagieux que la plus persistante des grippes (la comparaison est mauvaise, mais elle fonctionne). « Attention, gamin. » Une large main se pose sur sa poitrine et l’interrompt dans son élan. Soudainement sorti de son état lunatique, Joseph redresse la tête et remarque seulement maintenant qu’il se trouve à une interception et que les voitures roulent à vive allure. Il fait aussitôt un pas vers l’arrière, ahuri de constater qu’il n’a toujours pas adopté les habitudes de la ville : il allait traverser la rue sans se soucier de la circulation, habitué aux routes désertes de la campagne. « Merci. » Il répond poliment en offrant un regard timide au citoyen qui vient de faire la bonne action de sa journée. Quelques instants plus tard, il peut reprendre sa route en direction de n’importe où, là où il pourra peut-être avoir une idée révolutionnaire qui le sortirait de son état d’errance qui s’éternise plus qu’il le faudrait. Si seulement il avait assez d’argent pour s’inscrire à l’école et ainsi compléter ses études. Si seulement sa motivation ne s’effritait pas au fur et à mesure que les jours s’écoulent sans que la chance ne lui sourit.

Un unique reflet à la forme arrondie titille la pupille du jeune garçon qui s’arrête immédiatement, happé par la curiosité. Il s’approche de la lumière circulaire semi enterrée par la poussière de sable. Aussitôt qu’il reconnait l’objet, un sourire béat étire ses lèvres et il s’accroupit pour récupérer la pièce de monnaie qui l’épiait depuis tout ce temps. Il la serre consciencieusement dans sa paume et, le regard soudainement fier et ambitieux, il repart à la recherche d’une cabine téléphonique qu’il trouve après seulement quelques minutes de marche. La pièce roule dans la machine et il peut composer le numéro de la jeune femme, celui qu’il connait par cœur grâce à sa mémoire infaillible. La sonnerie de l’appareil collé contre son oreille résonne tel un écho éternel qui le rend de plus en plus impatient.

Dring.

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Message(#)Near the river. [Liv&Jo] EmptyJeu 6 Fév 2020 - 23:59


Olivia Marshall & @Joseph Keegan (fb 2000) ✻✻✻ Je fis tourner le large fauteuil du bureau, une fois, deux fois, avant de venir m’y réfugier, sortant une cigarette de la poche de mon short et l’allumant sans me préoccuper de l’interdiction formelle de mon père avant son départ. Ne pas fumer à l’intérieur. Il avait lâché du lest pourtant, m’avait accordé ma chambre à contrecœur, s’étant rendu compte que les regards noirs qu’il me lançait lorsque je m’installais à table au dîner ne servaient plus à rien. L’odeur du tabac froid continuait d’embaumer l’air de la salle manger et mes expressions demeuraient innocentes, ici, distantes dans mes mauvais jours. Mais je ne devais pas me montrer injuste. Mon père n’était pas que regards stricts et impérieux, non. Ceux-là, il me les réservait. Je l’avais vu, ce baiser sur le front de ma mère avant son départ pour une base de l’état voisin, et cette caresse sur sa main. Il avait l’air sincèrement inquiet de la laisser ainsi, de m’abandonner à mon sort peut-être également. Il ne fallait pas qu’il s’en fasse, l'avais-je pourtant rassuré : on ne voyait presque plus qu’elle m’avait mise à terre deux jours plus tôt. Elle ne s’en souvenait probablement plus non plus, d’ailleurs. Tout allait ainsi pour le mieux, pensai-je en soufflant la fumée vers le plafond, un sourire vague aux lèvres, anticipant déjà sa répulsion à son retour quant à l’odeur que je laisserai dans mon sillage. J’avais le choix, pourtant. Celui de la véranda était proscrit ces dernières semaines, il y faisait bien trop chaud en cette saison. Mais le reste de la maison, tout le reste à dire vrai, demeurait inoccupé maintenant que ma mère ne quittait plus sa chambre. Pourtant, je choisissais sa pièce, son endroit. Pour le punir de me laisser, certainement. Mais pas seulement. Son bureau majestueux, ses quelques étagères remplies de livres ordonnés avec soin, ses dossiers empilés à la va-vite semblaient toujours m’accueillir auprès d’eux avec une familiarité caustique et taciturne à laquelle je ne me résignais pas à tourner le dos. Je tendis la main pour attraper une photo de nous trois trônant sur la console et ne pus réprimer un sursaut à la première sonnerie du téléphone à ses côtés.

Je ne laissais passer qu’une tonalité avant de couper court à toute hésitation et de m’emparer du combiné, guettant d’une oreille distraite un quelconque bruit à l’étage pouvant manifester d’un réveil soudain. Alors seulement ; « Résidence Marshall ? » m’annonçai-je d’une voix claire et pondérée, m’apprêtant déjà à éconduire poliment mon interlocuteur, m’excusant pour l’absence du Général. Mais il n’y eut aucune voix formelle et monotone à l’autre bout du fil. Je me redressais lentement, le regard soudain animé, car la voix qui la remplaçait, cette voix portait en son sein un sourire reconnaissable entre mille, communicatif et complet. Celle de Joseph que je ne désespérais plus d’entendre malgré l’attente. Il avait promis d’appeler et je l’avais cru. Il avait promis que l’on se reverrait et le voilà qui m’attendait. Il insistait déjà, la voix empressée, le temps apparemment compté. « Liv ? T’es toujours là ? » J’écrasais ma cigarette au creux du cendrier en cristal – que je devrais penser à vider, notais-je dans un coin de ma tête – en me rendant compte que je n’avais fait qu’opiner de la tête, silencieusement, hâtivement, lorsqu’il ne possédait que le son et pas l’image. « Je vais trouver un moyen, m’en veux pas pour l’attente. »

Je vais trouver un moyen. Cela paraissait simple dit comme ça, n’est-ce pas ? Un moyen de sortir de la base alors que le soleil se coucherait dans une heure, que les trois quarts des soldats à l’entrée connaissaient mon identité et que le dernier ne se laisserait certainement pas trompée si je venais à clamer ma majorité et donc, ma supposée liberté d’aller et venir. Mais je trouvais toujours un moyen. Je le trouverai certainement ici encore, pour Joseph et ses mèches folles, Joseph et son enthousiasme débordant, Joseph et sa capacité à m’ouvrir un monde dans lequel j’étais libre d’être l’inverse de ce que je pouvais paraître : l’inverse d’une fille de militaire, l’inverse d’une fille aux bleus sur les cuisses, l’inverse d’une fille qui connaissait déjà les protocoles sur le bout des doigts et rêvait de partir sans que cela ne puisse arriver avant deux, deux longues années. Je m’arrêtai en haut de la pente, observant le point de fuite sur la ligne d’horizon, et soufflai un instant en m’appuyant sur le guidon de mon vélo. La journée touchait à sa fin mais le ciel gardait encore le doré de l’été et les températures ne baisseraient pas avant encore plusieurs heures. Je me remis en marche, coupant les sentiers au travers des taillis qui se chargeaient d’abîmer un peu plus mes jambes dénudées. Je me souvenais encore de la première fois. Je devais avoir douze ans, tout au plus. La première fois que je m’étais évadée. La première fois que l’enfermement dans mon regard avait cédé sa place pour la liberté de l’espace. Je retrouvais le même chemin, depuis, sans jamais en dévier, choisissant d’éviter l’entrée nord à laquelle je n’avais aucune chance, longeant les hauts murs du sud, sans réellement y penser, jusqu’à l’embrasure. Ça sentait le kérosène et l’asphalte par ici et je m’étais mise à en apprécier ces odeurs. Elles sentaient l’indépendance. Il me suffisait, ensuite, de laisser mes pas m’emmener au-delà du grillage cuivré. Ici, le bitume laissait place à l’herbe haute et je plissai les yeux, devinant les silhouettes endormies des fourgons stationnés sur les pistes inutilisées, avant de me tourner de nouveau vers la direction opposée. De l’autre côté, il y avait des arbres et des champs à perte de vue. Du moins, un instant. Du moins, jusqu’à se heurter sur cette ligne orangée à l’horizon, celle du centre-ville que je cherchais à rejoindre. Je détachai une main du guidon et démêlai mes cheveux d’un geste distrait, faisant jouer mes chevilles contre le col de mes chaussures. Bientôt, les spots s’éteignirent et le garde bien plus occupé à nettoyer les semelles de ses chaussures qu’à surveiller ses angles morts. Le moment était venu et je donnais l’impulsion.

Ce fut l’adrénaline, comme à chaque fois, bien plus que l’effort, qui me mena dehors, et je continuais ainsi, énergique sur la chaussée, jusqu’aux premières silhouettes végétales aux abords de l’aqueduc. Je laissais choir mon vélo dans l’herbe sèche et m’avançai sur le chemin improvisé au bout duquel je l’apercevais déjà. « Deux semaines, Jo, vraiment ? » fut ainsi que j’annonçai mon arrivée derrière lui. Deux semaines à attendre de ses nouvelles, à espérer un indice quant à l’endroit où je pourrais le retrouver. Un reproche pour ne pas avoir à lui avouer que je m’étais inquiétée ou qu’il avait pu me manquer. « Tu as de la chance que je ne t’en veuille pas. Je n’aurais pas apporté toutes ces réserves sinon. » continuai-je en m’arrêtant à sa hauteur, un sourire aux lèvres, indiquant d’un signe de tête le sac entrouvert se balançant dans mon dos.  


solosands
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Message(#)Near the river. [Liv&Jo] EmptySam 8 Fév 2020 - 4:35

La sonnerie du téléphone ne s’éternise pas avant de laisser place à la voix formelle et on ne peut plus sérieuse d’une jeune femme que Joseph ne reconnaît pas immédiatement. Pourtant, il ne lui suffit que de quelques secondes de réflexion pour que sa mémoire trouve la solution à son énigme : cette voix était plus aigüe que celle d’une mère. « Liv, c’est toi ? » Il attend la réponse impatiemment, sa main se serrant de plus en plus autour du combiné. Il n’a pas beaucoup de temps devant lui et, si la dame mécanisée dans le téléphone l’informe que l’appel a été interrompu, il n’aura pas de seconde tentative – sauf si une deuxième chance se produit ce soir, bien que la première ait relevé du miracle. Craintif, mais surtout effrayé de perdre le contact avec celle qu’il a voulu rejoindre tous les jours de la semaine sans trouver le moment opportun, il s’empresse de ramener son amie sur Terre afin qu’elle n’oublie pas de lui répondre. Par chance, la discussion peut se lancer et Joseph ne tarde pas avant de faire part à Liv de son envie de la voir près de la rivière en cette douce soirée d’été. Il lui décrit le lieu exact du coin de rencontre, là où se dresse un aqueduc à l’aspect vieillot, et Olivia lui confirme sa présence. Heureux, le garçon se mord le bout de la langue pour s’empêcher de réagir trop ouvertement, les lèvres pincées en un sourire victorieux. Quelques secondes plus tard, elle lui prévient de son possible retard mais il ne peut pas lui en vouloir. Il la rassure et raccroche lentement le combiné pour profiter de toutes les minutes qu’il avait payées avec sa pièce de monnaie miraculeuse.

Aussitôt la ligne coupée, la silhouette élancée du garçon s’extirpe de la cabine téléphonique. Il ne tient pas debout : il a des fourmis dans les jambes et il a besoin de défouler ce trop-plein d’excitation dans son corps. Il ne faut pas lui en vouloir d’être si enthousiaste, Olivia est la seule personne à Brisbane qui connait son prénom. Les deux semaines de solitude lui ont paru trop longues et c’est la joie d’un enfant qui bouille dans son ventre quand il se met à courir en direction du point de rencontre établi. Arrivé sur les lieux, le soleil couchant éclaire encore les buissons et les arbres, envoyant leur ombre valser dans les profondeurs de la forêt. Déterminé, le jeune sans abris se dirige vers ses effets personnels étalés sur le sol ; il roule le tapis et le dissimule près de la façade rocheuse de l’aqueduc, entre un tronc est une grosse pierre sur laquelle il aime bien se percher pour observer le courant de la rivière à quelques mètres d’ici. Même si cet endroit est complètement impersonnel, Joseph arrive à trouver un peu de réconfort là où il ferme les yeux depuis presque un mois. Ici, il n’est pas dérangé et personne ne peut le regarder de haut. Balayant avec son pied les quelques morceaux de papier sur lesquels quelques barbouillage ont été encrés, Joseph s’assure une dernière fois qu’il n’y a plus aucune trace de vie humaine dans les parages et, fièrement, il frotte ses mains ensemble pour se débarrasser de la poussière. C’est à ce moment qu’il entend la voix de celle qu’il attendait impatiemment. Surpris, il se retourne pour faire face à la silhouette approchante d’Olivia et un sourire nerveux étire ses lèvres quand il passe sa main dans ses cheveux pour les replacer vers l’arrière, signe de nervosité qu’il n’a jamais réussi à cacher malgré ses efforts pour ne plus afficher la timidité avec laquelle il est né. « J’étais très occupé, je n’avais pas le temps de respirer. » Il ment, désireux de ne pas évoquer la véritable raison de son manque à l’appel : l’absence d’argent dans ses poches. « Tu as de la chance que je ne t’en veuille pas. Je n’aurais pas apporté toutes ces réserves sinon. » La curiosité reprend le dessus sur lui et il ne peut s’empêcher de tendre le cou pour mieux apercevoir le contenu de son sac ouvert. Les lèvres pincées, il reporte son attention sur elle pour analyser plus que jamais l’océan dans ses yeux. Elle semble heureuse (et il ne se doute pas que c’est sa présence à elle seule qui illumine sa journée). Il n’y a rien de plus rassurant pour lui de savoir qu’elle se porte bien. « Des réserves ? Je suis curieux de savoir de quel genre de réserve tu parles. » Plaisantin, il lui fait signe de se tourner sur elle-même pour jeter un coup d’œil au contenu de son sac. Juste avant de partir à l’exploration dans les grottes de trésors, il lorgne ses bras pour relever la moindre ecchymose : il n’a pas perdu son attitude protectrice. « Alors, c’est comment l’armée ? T’as un uniforme vert toi aussi ou t’es trop jeune ? » Il demande en enfonçant sa main dans le sac ouvert. Discrètement, il repousse quelques mèches des cheveux longs d’Olivia pour libérer son cou. Encore une fois, il observe sa peau, à la recherche de cicatrices ou autres indices. « Désolé, tes cheveux étaient dans le chemin. » Il dit, pour la rassurer, avant de se replonger dans l’exploration du sac.
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Message(#)Near the river. [Liv&Jo] EmptyLun 10 Fév 2020 - 1:37


Olivia Marshall & @Joseph Keegan (fb 2000) ✻✻✻ Cela ne faisait que quelques secondes que j’étais là, quelques secondes que j’étais arrivée en vue de la rive nichée en contre-bas, après avoir dû longer l’aqueduc pour rejoindre le jeune homme. Quelques secondes, c'était peu mais la tension de la journée, et de toutes celles la précédant, était déjà descendue de plusieurs crans. Son appel avait été salvateur, m’avait offert l’occasion rêvée de mettre suffisamment de distance entre le feu et moi pour pouvoir respirer, malgré l’encombrante masse noire traînée dans mon sillage. « J’étais très occupé, je n’avais pas le temps de respirer. » Il était occupé, évidemment. Je n’allais jamais lui en vouloir pour cela. Cela ne faisait pas si longtemps, pourtant, mais nous nous étions déjà créé nos habitudes, avions déjà accepté chez l'autre ce voile étrange qui tissait nos personnalités entre elles. Nous savions observer, tous deux, j’en étais consciente. Je remarquais lorsqu’il passait cette main dans ses cheveux, un demi-sourire lunaire aux lèvres car quelque chose l’intriguait chez moi ou qu’il souhaitait détourner l’attention de cette même chose chez lui. À l’inverse, l’idée de gratter cette carapace subtile qu’il arborait en permanence, même lorsqu’il semblait heureux, m’effleurait l’esprit mais le déranger, le mettre mal à l’aise, lui donner envie de m’éloigner m’en empêchait toujours. « Je ne t’en veux pas. » répétai-je simplement car l’idée qu’il puisse sincèrement ressentir le besoin de se justifier me paraissait absurde. « J’imagine bien le train de vie que tu dois avoir, la ville est grande, je suis déjà flattée que tu me dédies un peu de ton temps. » m’amusais-je en haussant les épaules, sincère malgré la malice dont j’empreignais mes mots. J’étais heureuse de le voir. Je n’avais pas besoin qu’il s’excuse de ne pas me l’avoir permis plus tôt, d’avoir eu mieux à faire avant. Je voulais simplement qu’il finisse par m’appeler. Sans me le promettre, puisqu’une promesse ne faisait qu’apporter la déception. Que les étoiles ne nous promettaient jamais de briller chaque soir mais qu’elles finissaient tout de même par le faire, sans qu’on n’ait à leur demander.

« Des réserves ? Je suis curieux de savoir de quel genre de réserve tu parles. » Un éclat rieur traversa mon regard devant son enthousiasme contenu et je me laissais faire sans lutter, me tournant sur moi-même pour lui présenter l’objet de son intérêt. Je sentis à peine le poids de ses mains parcourant déjà avec curiosité l’intérieur du sac, trop occupée à parcourir du regard l’horizon, à défaut d’ailleurs, attirée par les chuchotements du cours d’eau, face à nous, que les anciennes averses de ces derniers mois avaient sans doute fait grossir plus que de raison. « Alors, c’est comment l’armée ? T’as un uniforme vert toi aussi ou t’es trop jeune ? » La voix de Joseph me ramena à lui et je jetai un coup d’œil en arrière pour voir ce sur quoi il avait réussi à mettre la main. C’est comment l’armée ? Plein de promesses, d’attraits et d’opportunités qui ne faisaient que miroiter sous mon regard d’adolescente, pour l’instant. Et en attendant ? En attendant, cela ressemblait encore et toujours à l’un de ces navires dans la tempête sur lequel il fallait tenir bon en espérant l’accalmie. Mais ce n’était pas bien grave. Maintenant que j’étais ici, avec lui. Les barrières pouvaient tomber à présent que je pouvais sentir son odeur flotter dans mon dos et sa silhouette se presser contre mon dos. Il me permettait de répondre avec le même entrain que celui dont il dotait ses mots. « Plus pour très longtemps mais j’ai arrêté de compter les jours, ils n’arriveront jamais assez vite. Je suis sûre qu’il m’ira très bien au teint ceci dit, je te montrerai. » Je tressaillis quelque peu en sentant ses doigts se perdre dans ma nuque. J'ignorais pourquoi, il lui faudrait bien plus que cela pour apercevoir la contusion sur l’une de mes hanches, bien moins si l’on comptait le bleu virant au jaunâtre en haut de l’une de mes cuisses, mais on ne luttait pas contre l’instinct, n’est-ce pas ? Contre le réflexe de se préserver des regards afin d'éviter les jugements aussi sombres que les voiles vespéraux de la nuit. Je me raccrochais à notre complicité pour ne pas me dégager de sa vue trop brusquement mais il dut le sentir, tout de même, ce frisson, puisqu’il en détourna son attention aussitôt.

« Désolé, tes cheveux étaient dans le chemin. » J’en profitais pour me retourner vers lui, de nouveau, dissimulant ma gêne sous mes pommettes rehaussées d’un rire et je dégageai l’anse de mon sac de mes épaules pour le lui tendre finalement. « Tiens, tu peux m’en débarrasser à la place. » Je pouvais bien rire avec lui, même lorsque je le surprenais à me fixer plusieurs secondes. J’avais compris, tout de suite, qu’il ne s’agissait pas là d’attention scrutatrice mais bel et bien de regard bienveillant. Je ne comprenais pas encore l’origine de ce dernier mais cela viendrait peut-être, un jour. J’en doutais à dire vrai mais qu’importe, je n’avais pas encore envie de m’en défaire. Libérée de mon sac, je me laissais aller à avancer de quelques pas, demandant tout de même, un peu lointaine. « Tu m’envoies un paquet de Jelly Beans quand tu tombes dessus ? » Je les avais amenées pour lui, principalement, toutes ces broutilles. Il était grand, énergique, solide, il en avait plus besoin que moi, ferait meilleur usage de ce que je pouvais bien cacher dans ma chambre pour ne pas laisser mon ventre gronder les jours où je parvenais à éviter les repas familiaux. Des barres chocolatées, des paquets de bonbons aux couleurs vives, trois canettes seulement pour ne pas surcharger mes épaules, des cigarettes forcément, des lamington bien sûr, du salé également même si je n’arrivais plus à me souvenir des détails, ayant rempli mon sac à la hâte. Il y trouverait son bonheur, l’espérais-je réellement, mais pour l’instant, mon attention était entièrement tournée vers autre chose. « Comment tu connais cet endroit, Joseph ? » finis-je par souffler, presque doucement, comme si la quiétude de l’abri naturel venait de me saisir. C’est magnifique. Mais cela, je n’avais pas besoin de le formuler. L’étincelle dans mon regard, prenant son temps pour en découvrir chaque détail, s’en chargeait seule.
 


solosands
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Message(#)Near the river. [Liv&Jo] EmptyJeu 13 Fév 2020 - 5:17

Si Joseph camoufle la vérité derrière de faux propos superficiels, c’est bien parce que la situation dans laquelle il s’est trouvé le couvre de honte. Il ne précise pas la raison pour laquelle il était soi-disant trop occupé pour prendre un téléphone et faire vibrer la sonnerie jusque chez Olivia simplement parce qu’il ne saurait pas quoi dire pour l’empêcher de douter de son honnêteté. Il aimerait avoir le courage d’admettre qu’il ne nage pas dans le confort ces derniers temps mais il ne veut pas se laisser abattre par son propre sort : s’il est parti de la campagne, c’est bien pour reconstruire sa vie de fond en comble. Il garde espoir et se dit que personne n’arrive à escalader les échelons sans traverser une rivière au courant puissant. Il trébuche à plusieurs reprises, ses jambes s’écorchent contre les rochers pointus et les graviers se logent sous la peau de ses pieds mais il continue à avancer en gardant ses deux yeux cloués à la rive juste devant lui. « Je ne t’en veux pas. » Un doux sourire reconnaissant étire ses lèvres mais il se déloge de son regard quelques secondes le temps d’avaler l’embarras que lui procure la sensation d’être un menteur. Il faut dire qu’il ne s’habitude pas encore à la personne qu’il devient. « J’imagine bien le train de vie que tu dois avoir, la ville est grande, je suis déjà flattée que tu me dédies un peu de ton temps. » En relevant le regard, il hoche la tête et confirme en enfonçant ses mains dans les poches étanches de son pantalon : « Je voudrais t’en dédier davantage mais je fais de mon mieux. » Il pourrait lui dire les vraies nouvelles : il ne trouve pas d’emploi et doit se résoudre à supplier le boulanger de lui donner les pains qui datent de la veille pour remplir son estomac. Pourtant, avec le temps, il a fini par ne plus sentir la sensation de la faim qui le faisait souffrir avant.

La jeune femme, accompagnée d’un sac à dos plein de surprises, annonce à Joseph qu’elle n’a pas oublié de ramener des réserves avec elle. C’est avec la curiosité d’un gamin que le garçon part à la recherche des friandises, coinçant sachets de croustilles entre ses doigts, profitant du bruit plaisant qui s’échappe de leur emballage en aluminium. Pourtant, il ne s’arrête pas à cette trouvaille : il s’aventure plus loin et interroge son ami quant à sa vie à l’armée. « Plus pour très longtemps mais j’ai arrêté de compter les jours, ils n’arriveront jamais assez vite. Je suis sûre qu’il m’ira très bien au teint ceci dit, je te montrerai. » L’oreille tendue, il écoute attentivement les nouvelles plutôt positives d’Olivia : elle aura son uniforme un jour ou l’autre et elle arrive à faire preuve de patience, une qualité probablement prônée chez les militaires. Il est content d’entendre enfin sa voix parce qu’elle est teintée d’une joie remarquable. L’armée la change positivement et ça lui fait chaud au cœur de constater qu’elle se plaît dans ce nouvel univers. C’est tout ce qu’elle a souhaité pour elle. « Tu l’auras à dix-huit ans, c’est ça ? » Il demande premièrement en plissant les yeux devant un sachet de bonbons qu’il n’a jamais vu auparavant, se demandant s’il manque de culture en termes de friandises ou si c’est une nouvelle petite merveille sucrée. Ceci dit, il a bien hâte de poser l’une de ces capsules rouges sur sa langue. « J’ai hâte de voir, tu auras la classe. Vais-je devoir t’obéir quand tu le porteras ? » Il ajoute, le ton amusé. Entre deux découvertes, il laisse ses pupilles se perdre dans les mèches de cheveux de son amie et il ne peut empêcher son instinct protecteur de s’assurer que les choses vont mieux pour Olivia, et ce, dans tous les sens du terme. Il ne dénote aucune décoloration de la peau et abandonne bien rapidement pour ne pas la rendre inconfortable. « Tiens, tu peux m’en débarrasser à la place. » Il se recule d’un pas lorsqu’elle se débarrasse de son sac et l’attrape fièrement quand elle le lui tend. Enthousiaste, il rejoint naturellement un rocher à quelques centimètres d’eux pour poser le sac et ainsi le fouiller plus facilement. « Tu m’envoies un paquet de Jelly Beans quand tu tombes dessus ? » Au moment où elle témoigne de sa préférence pour les Jelly Beans, ses doigts se ferment autour d’un paquet. Il jette un coup d’œil derrière lui pour s’assurer qu’Olivia est attentive et il lui lance l’objet de ses désirs. « Attrape ! » Sans plus attendre, il repart à la recherche de ce qui lui plairait à lui. Une grimace étire son visage lorsqu’il découvre un paquet de clopes et il l’enfonce dans le fond du sac pour ne plus le rencontrer. Son choix se pose sur une barre chocolatée à l’emballage bleue ; une couleur qui attire son attention. « Comment tu connais cet endroit, Joseph ? » Il se retourne vers elle, bâtonnet de chocolat coincé entre les dents. Il voit la lueur dans ses yeux et se met aussitôt à observer les alentours comme s’il les découvrait une nouvelle fois. Pourtant, cela fait plusieurs jours qu’il voit la même haut couleur dans la même rivière et les mêmes feuilles se froisser dans les mêmes arbres. « Par hasard. J’ai suivi un sentier jusqu’ici. » Il s’empare du sac, le glisse sur son épaule et invite son amie à le suivre en serrant son index avec ses doigts. « Viens, je vais te montrer le meilleur coin. » Il la guide à travers les feuillages encore pénétrables et s’arrête à la hauteur de la rivière, là où un petit bassin naturel et calme s’est formé au milieu de rochers placés en cercle. « Il y a des petits poissons ici. Et des grenouilles, si on a de la chance. » Il affirme, peut-être un peu trop content de faire part de cette découverte à son amie. Joseph a toujours adoré la faune et c’est bien parce qu’il a grandi auprès d’animaux. Il ajoute, fièrement : « Et c’est très agréable de s’y baigner. Ça te dit ? » Il demande en croquant à pleines dents dans la seconde moitié de sa barre chocolatée.    
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Message(#)Near the river. [Liv&Jo] EmptyMar 18 Fév 2020 - 22:00


Olivia Marshall & @Joseph Keegan (fb 2000) ✻✻✻ J’eus le temps d’apercevoir, avant de me retourner pour lui présenter mes trouvailles, son sourire et ses cheveux s’envoler, soulevés par une brise presque inexistante et brûlante de cette fin d’été. Je ne le connaissais pas depuis si longtemps, assez cependant pour savoir l’essentiel comme le fait qu’il ne souriait jamais dans la retenue. Je trouvais cela rassurant parce qu’inhabituel. Les derniers rayons du soleil venaient de se nicher dans ses yeux pour leur donner un éclat étrange néanmoins et je n’eus pas le temps de lui donner un nom, encore moins une explication. « Je voudrais t’en dédier davantage mais je fais de mon mieux. » J’acquiesçai silencieusement, sans faire plus de réflexion. Dans mon esprit, les heures creuses n’existaient pas, ou bien si elles s’imposaient, il fallait savoir les remplir. L’ennui était quelque chose que je ne me laissais pas connaître mais que je savais reconnaître, deviner chez les autres. Et je ne le voyais pas chez Joseph, je le croyais lorsqu’il me disait avoir été occupé. Je n’étais simplement pas encore parvenue à identifier à quoi, exactement. Il restait évasif, comblait les trous par des sourires. Je ne lui en voulais pas, lui avais-je dit, pour ça et pour tout le reste, car je le faisais aussi. J’offrais des signes, n’importe lesquels, destinés à conter à ma place ce que je ne pouvais raconter. Même si cela s’avérait faux, des signes auxquels les autres pouvaient se raccrocher, autour desquels ils pouvaient broder, avec toute l’imagination dont chacun était doté. « Tu l’auras à dix-huit ans, c’est ça ? » Je jetai un coup d’œil en arrière, me demandant l’espace d’une seconde s’il souhaitait réellement en savoir plus, s’il ne s’agissait pas là uniquement d’une politesse que celle de s’intéresser. Mais il ne m’avait jamais paru être de ce genre, peut-être était-ce là également sa différence avec les autres. « 17 ans. Si je remplis toutes les conditions physiques et que je réussis les tests de sélection nécessaires. » Mon esprit semblait se remettre en condition à chaque fois que je me mettais à aborder le sujet. Sans doute aurais-je pu m’arrêter ici mais ce fut lui qui me poussa à fournir plus de détails. « Mon père m’entraîne déjà pour les épreuves sportives. Je finis le parcours de motricité dans les temps impartis. Mais celui des femmes. Il me reste deux ans pour réussir à finir celui des hommes, et en avance si je ne veux pas le couvrir de honte. » Un sourire distrait vint errer sur mes lèvres et je précisai : « Ses mots, pas les miens. Pas certaine qu’il plaisante en plus. » Certaine que ce n’était pas le cas, plutôt, mais je préférais en rire de cela aussi. Cela ne me dérangeait pas, je me plaisais à me hisser à ses expectatives, elles me forçaient à élever mes ambitions en retour. Et j’avais besoin de ces dernières, pour partir. Non, pour avoir une raison de partir, une raison à la hauteur, une qui servirait à autrui, qui ne serait pas uniquement guidée par un désir incroyablement égoïste, bien que primitif, de quitter ma famille, de m'éloigner de ma mère. « J’ai hâte de voir, tu auras la classe. Vais-je devoir t’obéir quand tu le porteras ? » Je haussai les épaules en réajustant l’anse sur mon épaule. « Tu feras comme tu veux mais à tes risques et périls. Un peu comme aujourd’hui en fait. » lui répondis-je, l’air malicieux en ne tenant plus sur place. Je sentais son souffle sur ma nuque et les réflexes l’emportèrent alors que je me retournais pour l’empêcher finalement d’en voir plus.

« Attrape ! » Je me retournais à temps pour saisir le paquet coloré au vol et je le remerciai d’un clin d’œil enjoué en m’attelant déjà à l’ouvrir négligemment. Mon attention était ailleurs, les questions que j’avais à propos de cet endroit multiples mais je me concentrais sur la plus évidente pour commencer. « Par hasard. J’ai suivi un sentier jusqu’ici. » Et le voilà déjà qui s’agitait. Je me laissais entraîner lorsque sa main vint s’enrouler autour de mon doigt, laissant de côté mes interrogations car il n’y répondrait pas, pas d’une autre façon que celle-ci, simple, trop pour qu’elle ne résume l’entièreté de l’histoire et il devait avoir ses raisons. Ses raisons de garder des secrets entre ses doigts abîmés, des secrets qu’il lissait lorsqu’il passait distraitement sa main dans ses cheveux pour détourner l’attention ou que j’entendais dans ses rires. Elles me plaisaient, quelque part, ces raisons car si j’appréciais un être, je l’appréciais car je ne le connaissais pas entièrement, pas encore. « Viens, je vais te montrer le meilleur coin. » Le chemin devenait inexistant à cet endroit. Cela ne nous empêchait pas de nous en frayer un, un qu’il avait inventé et que je découvrais avec le même élan que celui qui l’animait. La lumière tombante de cette fin d’après-midi donnait au cadre une autre allure, parsemait le tout de reflets orangés faisant étrangement ressembler à une photo en sépia.

« Il y a des petits poissons ici. Et des grenouilles, si on a de la chance. » L’endroit était presque à l’état sauvage par ici. La terre sentait si fort que j’en ressentais un plaisir indistinct, comme si elle ne demandait qu’à fouler notre corps. J’étais prête à lui accorder, retirais déjà mes chaussures, laissant mes talons et la plante de mes pieds rencontrer la mousse, la courbe chahutée des roches blanches. « Et c’est très agréable de s’y baigner. Ça te dit ? » Mon visage s’assombrit quelque peu. Il posait une question délicate, une à laquelle j’avais envie de répondre par l’affirmative, immédiatement, sans réfléchir, mais je n’étais plus certaine d’en avoir le luxe. Celui de ne pas réfléchir, aux regards, aux questions, aux doutes que cela pouvait soulever si j’acceptais, si l’eau venait à révéler sur mon corps certaines choses qui n’avaient pas à être montrées. Les plis du tissu de mon haut flottaient autour de ma silhouette comme un voile protecteur mais l’esquive attirait l’attention. Et c’était la dernière chose que je désirais, la dernière chose dont j’avais besoin. « Si on tombe sur un alligator, ça nous fera une anecdote sympa à raconter. » Cela comptait pour un oui, n’est-ce pas ? Ça et le fait que je ne l’avais pas attendu pour être pieds nus, pas attendus non plus pour laisser mes pieds frôler la surface de l’eau, juste au bord, n’avançant pas plus pour l’instant car je me doutais que l’eau trouble était bien plus profonde qu’elle n’en avait l’air par endroits. Je trouvais d’abord un équilibre, sentais les cailloux se presser contre la plante de mes pieds. Un poisson toucha ma cheville et je baissai les yeux pour suivre la courbe qu’il dessina en s’enfuyant vers le fond. « Tu regrettes d’être à Brisbane parfois ? » demandai-je à la volée en m’avançant encore d’un pas. « D’avoir quitté la nature pour les buildings ? Ou les avantages l’emportent à la fin de la journée ? » Je me retournai finalement vers lui pour lui faire face et tendis mes bras, paumes vers le ciel pour l’inciter à me rejoindre, sourire aux lèvres. « Dernière question. Tu viens ou pas ? » S’il ne souhaitait pas répondre, il pouvait tout aussi bien me rejoindre, ne pas s’indigner des questions qu’il jugerait indiscrètes, la parade s’offrait d'elle-même à lui.  
 


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Message(#)Near the river. [Liv&Jo] EmptyDim 23 Fév 2020 - 17:55

Il ne pense pas avoir de comptes  à rendre parce qu’il fait de son mieux pour ne pas se laisser piétiner par la semelle de Brisbane. Heureusement pour lui, il n’a pas à justifier davantage son indisponibilité car Olivia semble comprendre la situation sans même réclamer de détails. Alors qu’elle ne fait qu’acquiescer sans demander son reste, il se pince les lèvres en détournant de peu son regard fuyant pour ravaler la gêne soudaine qui a déployé ses ailes dans ses tripes lorsqu’il a réalisé qu’il avait assez honte de sa situation pour la dissimuler sous des sourires rassurants. Il faut dire qu’il a été élevé par des parents catholiques qui lui ont inculqué des valeurs faussement masculines : n’afficher aucune émotion, garder le dos droit et le front rivé vers le ciel et, ce, même lorsque quelque chose ne va pas. C’est bien grâce à cette mauvaise éducation qu’il a réussi jusqu’à présent à cacher son monde honteux à Olivia, elle qui s’est accrochée à lui pour remonter la pente. Justement, c’est avec une fierté notable que la jeune femme fait part de son enthousiasme vis-à-vis de l’uniforme vert qu’elle pourra porter bientôt, un uniforme qui officialisera la voie dans laquelle elle s’est lancée. Elle deviendra une véritable soldate et elle pourra afficher sa fierté aux yeux des australiens. « 17 ans. Si je remplis toutes les conditions physiques et que je réussis les tests de sélection nécessaires. » Et elle les réussira sans problème : c’est la première pensée qui traverse l’esprit de Joseph alors qu’il fouinait comme un raton-laveur dans le sac à dos de son amie. « Mon père m’entraîne déjà pour les épreuves sportives. Je finis le parcours de motricité dans les temps impartis. Mais celui des femmes. Il me reste deux ans pour réussir à finir celui des hommes, et en avance si je ne veux pas le couvrir de honte. » Il redresse la tête, happé par une impression de déjà-vu, puis il se mord la lèvre inférieure en gardant le silence. Il aimerait avoir le courage de lui dire qu’elle ne couvrira personne de honte mais loin de lui le désir de se glisser dans la relation qu’elle entretient avec son paternel. Il faut dire qu’il n’a jamais été un bon fils à papa et qu’il prendra toujours un malin plaisir à contredire ces hommes qui pensent posséder la vérité absolue et qui l’imposent à leur progéniture. « Ses mots, pas les miens. Pas certaine qu’il plaisante en plus. » Il secoue la tête. « Le plus important c’est que tu sois fière de toi. Les autres, on s’en fiche. Tu atteindras bientôt la majorité et tu pourras faire ce que tu veux. » Les yeux brillants de malice, il lui tapote doucement l’arrière du crâne avant de la réconforter : « Et puis, je suis certain que tu es plus forte que moi. Tu les réussiras, les épreuves sportives des hommes. Je serai là dans ta tête pour t’encourager. » Il acquiesce formellement avant de lui demander s’il devra lui obéir lorsqu’elle sera officiellement une soldate. « Tu feras comme tu veux mais à tes risques et périls. Un peu comme aujourd’hui en fait. » Un large sourire étire ses lèvres lorsqu’elle se retourne pour l’empêcher d’explorer plus en profondeur son sac à surprises. « Tu es en train de me dire que je dois t’obéir déjà aujourd’hui ? » Le jeune homme fait mine de réfléchir avant de mollement hausser les épaules, ajoutant : « Je n’ai jamais été très bon pour me conformer aux règlements alors tu peux toujours essayer de me rendre obéissant ! » C’est un défi, ou plutôt un moyen pour lui de préciser dès aujourd’hui qu’il la décevra probablement lorsqu’il s’agira de se glisser dans le moule de la société. Malgré son envie de terminer sa scolarité, un petit trou noir au fond de lui lui rappelle qu’il n’est pas né là où il aurait dû naître et que ce manquement aura des répercussions sur le reste de sa vie. Il regarde les autres garçons de son âge et il comprend immédiatement qu’il est en retard sur tout le monde.

Il est l’heure pour Joseph de présenter à son amie son lieu préféré. Une rivière coulant le long de la côte pour se déverser dans l’océan salé. À travers la végétation, les deux adolescents se fraient un chemin comme s’ils connaissaient la route par cœur – et c’est bien le cas pour l’un d’entre eux, qui passe beaucoup de temps à tremper ses pieds dans le bassin plus calme nivelé par un barrage naturel de rochers. Cet endroit lui a toujours  rappelé le petit cours d’eau près de sa maison de campagne, là où il se rendait à la levée du jour avec sa sœur pour patauger en compagnie des grenouilles. Enthousiaste, il propose à Olivia une baignade improvisée, une question à laquelle elle ne réfléchit pas longtemps avant de faire un premier pas dans la flotte fraîche. « Ouais, si on est assez vivants pour la raconter. » Il ajoute, la voix rieuse, pour finalement observer son amie s’enfoncer davantage dans l’eau. Machinalement, il retire ses vieilles godasses sales, les pose près d’un rocher et s’avance à son tour dans la piscine naturelle dont il connait la profondeur par cœur. « Tu regrettes d’être à Brisbane parfois ? » La question le surprend et il se fige comme un piquet de glace à seulement quelques centimètres de la ligne de cailloux secs. Elle apporte quelques précisions alors qu’il réfléchit à la bonne réponse à donner. En vérité, il ne sait pas s’il regrette. Certes, il n’y a plus personne pour le plaquer contre le sol à coups de ceinture, ni d’homme religieux pour lui murmurer ses fantasmes à son oreille vierge. Mais il peine à survivre là où la majorité des citoyens vit sous un toit et se lève tous les matins à heure fixe pour se rendre sur son lieu de travail. « Eum… » Il débute, pour se donner plus de temps de réflexion. « Dernière question. Tu viens ou pas ? » Sans répondre, il s’élance dans sa direction, soulevant vagues par-dessus vaguelettes, aspergeant volontairement son amie pour tremper ses vêtements. C’est seulement à sa hauteur qu’il reprend : « J’en sais rien, en fait. J’y ai pas vraiment pensé, mais j’imagine que j’aurai une opinion plus réfléchie quand je serai accepté aux études. J’aurai un emploi stable et une maison sur le bord de la mer. » Cette maison qu’il a promise à Alfie parce qu’ils sont copains pour le meilleur et pour le pire, non ? « À ce moment-là, j’saurai que j’ai bien fait de partir. » Il dicte en hochant catégoriquement de la tête comme si ses plans pour le futur ne pouvaient être ébranlés. Il gonfle ses poumons d’air et plonge sa tête sous l’eau pour rafraîchir ses cheveux humides de sueur, les frictionnant sous la flotte pour les nettoyer un peu – faute d’avoir du shampoing. Il se laisse ensuite flotter sur le dos, doucement bercé par les ondulations dans la rivière. « Il paraît que les soldats sont populaires chez les filles. » Il retient son sourire, les lèvres pincées et les paupières closes : « Est-ce que tu confirmes cette rumeur ? » En d’autres mots, il cherche à savoir si son amie a dégoté un copain parmi les rangs. Il ne serait pas surpris de recevoir une réponse positive de sa part parce qu’elle a tout pour plaire.
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Message(#)Near the river. [Liv&Jo] EmptyJeu 27 Fév 2020 - 1:18


Olivia Marshall & @Joseph Keegan (fb 2000) ✻✻✻
Évoquer mon avenir au sein de l’armée éveillait toujours en moi une foule de sentiments contradictoires. L’excitation au creux de mon ventre forcée de cohabiter avec les relents d’une culpabilité soudaine, un sentiment inexplicable que je refusais de subir, déjà, aussi rapidement. Le temps de mes regrets viendrait bien assez vite, selon moi. Mais je savais déjà, quelque part, que mon cœur se serrerait lorsque j’allais devoir quitter ma mère. Et je détestais cette mélancolie, encore plus cet aveu de faiblesse face à celle qui assombrissait ma vie mais parvenait tout de même à lier mes poings à une fatalité que personne n’avait à subir mais à laquelle je semblais me résigner. « Le plus important c’est que tu sois fière de toi. Les autres, on s’en fiche. Tu atteindras bientôt la majorité et tu pourras faire ce que tu veux. » Comme toujours, Joseph avait cette capacité inouïe de croire au possible, de cacher les doutes et de me faire sourire avec sincérité. « Et puis, je suis certain que tu es plus forte que moi. Tu les réussiras, les épreuves sportives des hommes. Je serai là dans ta tête pour t’encourager. » Si j’avais pu l’inviter sur la base pour ne pas avoir à m’imaginer simplement ses encouragements, sans doute l’aurais-je réellement fait. Mais les choses n’étaient jamais aussi simples et je me contentais de lui sourire, touchée, mais habituée à atténuer ce genre de sentiments par une plaisanterie, entre sincérité et malice. « Sois pas trop gentil avec moi, je risque de m’y habituer trop vite. » Son visage était illuminé du sien, comme d’habitude, et je le vis réfléchir une seconde avant de finir par trancher. « Tu es en train de me dire que je dois t’obéir déjà aujourd’hui ? … Je n’ai jamais été très bon pour me conformer aux règlements alors tu peux toujours essayer de me rendre obéissant ! » Je haussai les sourcils avant de lui refourguer le sac entre les mains, espiègle. « Tu me mets au défi, Keegan ? » Comme si je désirais vraiment le relever, celui-là, contrairement à tous les autres que l’on pouvait bien me mettre en travers des jambes. J’aimais sa façon de se tenir, sans qu’il ne s’en vante, à contre-courant. Je faisais de même depuis mon enfance, à vouloir me faire entendre, m’éloigner des opinions tranchées de mon père et de son inflexibilité. L’empêcher de vivre sa vie comme il l’entendait ? Un défi étrange, le premier que j’aurais accepté de ne pas remporter.

Nous ne nous laissâmes guère l’occasion de rebondir sur cette raillerie, puisqu’il ne s’agissait que de cela. Le cadre naturel qu’il me faisait découvrir m’ôtait le sarcasme des lèvres et, si mes yeux étaient encore occupés à détailler l’endroit, mon corps lui s’était déjà mis en mouvement sans attendre. Le rire de Joseph accompagnant mon avancée dans l’eau me poussa cependant à l’interroger sur ses aspirations, sans doute trop abruptement me mis-je à penser en voyant son hésitation. « Eum… » C’était étrange cette sensation. De savoir sans n'être au courant de rien. C’était le cas pourtant. Je savais ce que nos silences dissimulaient, ceux qui suivaient toujours lorsque l’on abordait ce genre de questions, plus intimes. Celui que je refusais de laisser reposer, même quelques secondes, pour ne pas l’embarrasser, lui demandant de me rejoindre sans plus attendre. Bien sûr qu’il le fit sans se faire prier. Comme si nous mesurions les risques, toujours, de répondre sans préparation, évaluions nos chances de ne pas faire fuir l’autre. « J’en sais rien, en fait. J’y ai pas vraiment pensé, mais j’imagine que j’aurai une opinion plus réfléchie quand je serai accepté aux études. J’aurai un emploi stable et une maison sur le bord de la mer. » Je l’écoutais attentivement, sans le regarder presque pour ne pas l’interrompre, sentant l’eau fraiche atteindre mes cuisses, s’imprégner de mon short. Je la laissais même, finalement, humidifier mon haut. Il collerait à ma peau, bientôt, révélerait les contusions encore fraiches, mais il valait mieux cela que d’avoir à l’enlever. « À ce moment-là, j’saurai que j’ai bien fait de partir. » Mon regard accrocha celui de Joseph à cette dernière phrase et je le laissais acquiescer à ma place, silencieux et confiant. Bien sûr que je le croyais. Il s’en donnerait les moyens, comme il l’avait fait pour venir jusqu’ici. Il pouvait toujours en parler sur l’instant, le ton presque neutre, je notais ses espoirs et sa détermination comme l’on formulait un vœu pour la première fois, une assurance peinte sur nos défauts et nos craintes, priant pour que tout se déroule au mieux, effectivement. Bien sûr que j’avais foi en lui.

« Il paraît que les soldats sont populaires chez les filles. » Je m’étais penchée un peu plus, joignant mes mains en coupe pour laisser l’eau s’infiltrer entre mes doigts avant d’immerger mon visage tout entier. Je l’avais entendue pourtant, sa question. « Est-ce que tu confirmes cette rumeur ? » Et celle-là aussi. Une question spontanée, naturelle à première vue, complètement fondée si l’on en croyait celle que je venais de lui poser mais je la trouvais délicate. Car ma vie à la base n’était ni spontanée, ni naturelle. Que le silence y était ma maladie et qu’il y avait des choses que l’on ne pouvait dissimuler si l’on s’approchait d’un peu trop près. « Tu serais prêt à t’engager si je te disais que oui ? » le relançai-je, l’étincelle malicieuse de retour au creux de mes prunelles. Je m’approchai de lui, le sourire aux lèvres, avant de pencher mon visage au-dessus du sien pour saisir son regard qu’il destinait au ciel. « T’en aurais pas besoin tu sais, les rebelles au cœur tendre ont tout autant de succès. » Et je plaisantais mais le pensais, dans le fond, qu’il ne devait avoir aucun problème pour avoir les filles qu’il voulait, qu’il ne devait pas se priver d’ailleurs et que ce n’était certainement pas ce qu’il m’avait demandé mais tant pis. « Selon la rumeur, toujours. » Je pouvais rester dans l’ironie et asperger son visage, rieuse, après avoir fini, l’entraînant dans des hostilités badines pour les prochaines minutes. Je manquais de tomber, une ou deux fois, sous la pression des courants que nous créions nous-mêmes, me raccrochais à son bras pour mieux le faire basculer à son tour. C’était bon de rire, tout simplement, si simple et pourtant facile à oublier si l'on se laissait prendre au jeu du reste.

On s’y refusait à deux, avant que je ne finisse par m’échapper de sa prise, manquant de trébucher de nouveau, les vêtements trempés et lourds sur ma peau, m’empêchant d’avoir une allure rapide. Je me laissais tomber en arrière, finalement, dans la même position que lui avant que je ne l’attaque. « Tu l’auras, ta maison en bord de mer. » laissai-je finalement échapper après quelques secondes de répit. Comme si je ne faisais que reprendre le cours d’une conversation pourtant interrompue quelques minutes plus tôt. « Et j’ai hâte d’y être invitée. » Je souris légèrement, laissant mes doigts effleurer la surface de l’eau, en cercle. « Et ton emploi stable. Ou pas forcément d’ailleurs. Peu importe dans le fond, il te plaira, c’est l’essentiel. » Je n’avais pas eu le temps de le lui dire, tout à l’heure. Je n’avais pas eu le temps mais ça me paraissait important. « Rien ne nous force à être ou à devenir ce que tout le monde attend de nous. » Et ça, ça n’avait pas été demandé, comme le reste d’ailleurs, mais je l’énonçais à voix haute, calmement, pour moi comme pour lui car je finissais par me faire à l’idée que nous nous reflétions mutuellement à bien des égards, opposés sur tellement d’autres pourtant, sans le savoir mais l’acceptant tout de même.  
 


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Message(#)Near the river. [Liv&Jo] EmptyLun 2 Mar 2020 - 19:01

Il veut jouer le rôle du frère bienveillant pour Olivia parce qu’il n’a pas l’impression de l’avoir été pour celle qu’il abandonnée derrière lui en lui promettant de revenir rapidement – une promesse qu’il n’a évidemment pas pu tenir compte tenu de la situation précaire dans laquelle il s’est lui-même placé. Alors il l’interroge quant à son bonheur dans l’armée et s’assure de ne lui offrir que des mots rassurants, conscient qu’elle n’a besoin que de réconfort. C’est ce dont il besoin, lui aussi. « Sois pas trop gentil avec moi, je risque de m’y habituer trop vite. » Il se perd un moment dans la contemplation du sol, réfléchissant au sens de ses paroles, puis il redresse la tête, un point d’interrogation clair et net tatoué en plein milieu du front : « Tu peux t’y habituer, mes plans ne consistent pas à devenir ton pire ennemi dans les prochaines années. » Il est né avec un cœur d’or, Joseph, et rien ne pourra le lui déloger de la poitrine. Il n’a que sa bienveillance à offrir. « Tu me mets au défi, Keegan ? » Il sautille sur place, intéressé par ce semblant de défi, et il répond fièrement : « On sait tous les deux que tu perdras ! » Parce qu’il ne vit pas en suivant les normes et il ne pense pas avoir la capacité de se glisser dans le moule et de passer inaperçu. Il a l’impression que les yeux de tous les australiens derrière leur volant le fixent lorsqu’il traverse la rue, les lacets de sa chaussure gauche défaits et le sac pendouillant jusqu’à la hauteur de ses fesses – il n’arrive toujours pas à serrer les ganses, c’est vraiment compliqué comme mécanisme en plastique, quand même !

Ils deviennent comme deux enfants qui découvrent la beauté du monde lorsque leurs pieds s’immergent sous l’eau tiède de la rivière plutôt calme. Joseph se retrouve surpris et sans mot lorsqu’Olivia lui pose une question qui lui retourne les tripes mais il sait que, avec elle, il n’a pas à précipiter sa réponse. Même s’il ne lui a jamais expliqué les raisons de son départ de la campagne, il a l’impression qu’elle est au courant pour tous ses maux. C’est peut-être une petite fée qui lui a susurré la vérité à l’oreille. Pourtant , plus ses orteils s’enfoncent entre le sable et les cailloux minuscules, plus il sent son corps léger : assez léger pour qu’il réponde honnêtement à sa question. Il ne peut pas s’empêcher d’évoquer cette maison sur le bord de la mer parce qu’il l’a dessinée au fond de sa tête. Il ne peut plus se départir de son image maintenant qu’il a énoncé sa future existence à voix haute. Deux personnes sont maintenant au courant pour cet objectif qu’il a et rien ne pourra se mettre dans son chemin dorénavant. Même s’il réussit à parler un peu de sa propre personne (ce qu’il déteste faire car il n’aime pas avoir l’attention rivée sur lui), il ne peut s’empêcher de tendre le micro à Olivia afin qu’elle confirme ou non la rumeur concernant la popularité des soldats. « Tu serais prêt à t’engager si je te disais que oui ? » Un sourire s’affiche sur son visage mais il reste silencieux en fixant le ciel. Non, l’idée de s’engager à l’armée ne lui a jamais traversé l’esprit. Il a l’impression d’avoir fui un commandant violent et sévère en quittant sa maison. Loin de lui l’envie de retourner dans les rangs de l’obéissance. Surpris, il accroche son regard à celui de la jeune femme quand sa tête vient faire un ombre dans son visage. Il balaie l’eau avec ses mains pour rester stable, son cœur battant étrangement vite dans cette position qu’il partage avec Olivia. Il n’a pas l’impression d’avoir été si près d’une fille jusqu’à présent, bien que son amie Robin lui ait à plusieurs reprises sauté dans les bras en se prenant pour un boulet de canon. « T’en aurais pas besoin tu sais, les rebelles au cœur tendre ont tout autant de succès. » Il hausse un sourcil en observant ses iris une à une, cherchant une confirmation dans celles-ci. « Selon la rumeur, toujours. » Il laisse échapper un rire clair et se redresse aussitôt qu’elle asperge son visage, ne désirant pas se noyer aujourd'hui. Ses pieds retrouvent la stabilité du fond et il se laisse entraîner dans la bagarre amicale, trempant l’entièreté des vêtements de son amie à coup de vagues et d’éclaboussures.

La guerre ne s’éternise pas longtemps. Bientôt, entre deux éclats de rire, la voix d’Olivia rompt les festivités enfantines. Elle se veut rassurante, motivante, même. Aspiré par ses mots, Joseph se laisse bercer par la surface de l’eau redevenue stagnante. Il l’observe, muet, la commissure de ses lèvres se redressant lentement au fur et à mesure qu’elle lui racontait sa vie avant qu’il ne l’ait vécue. « Rien ne nous force à être ou à devenir ce que tout le monde attend de nous. » Cette phrase semble lui caresser la joie. Il gonfle sa poitrine, retenant sa bouffée d’air le plus longtemps et expire tout d’un coup, incapable de mettre les mots sur le sentiment qu’il ressent au fond de lui. C’est la première fois qu’on lui parle de cette façon. Il note la date dans ses souvenirs sans s’en rendre compte. « J’ai l’impression que c’était la phrase que j’avais besoin d’entendre depuis toujours. » Une libération : ses menottes se cassent et retrouvent le fond de l’eau, près des poissons et des algues collées aux rochers mousseux. « Merci, Liv, pour tout ça. » Il la remercie pour ses mots doux mais aussi pour tout le reste : malgré la distance et les obstacles, elle ne l’a pas abandonné et aucun indice ne laisse présager que la réalité sera assez puissante pour les séparer.    
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