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@Saül Williams & Elise

« Habille-toi. On sort. » que tu lui dit alors qu'il vient à peine de se réveiller. Tu le vois déjà venir, grognon et râleur, se cherchant déjà probablement une défaite pour éviter cette conversation qui aura lieu qu'il le veuille ou non. Hier, tu l'as laisser s'en échapper, mais pas aujourd'hui. Alors que tu vois qu'il est sur le point d'ouvrir la bouche, tu le coupes rapidement. « C'était pas une suggestion » que tu ajoutes plus brusquement, indiquant clairement qu'il n'y avait pas place à la discussion. Tu le regardes donc s'exécuter d'une lenteur épouvantable. Il t'exaspères déjà et tu le soupçonnes même de le faire exprès. Même le temps d'un si court séjour, tu n'arrives pas à le supporter vingt-quatre heure sur vingt-quatre. C'est probablement même pire. Tu as trop de temps à jouer les amoureuses et pas assez de moment de répit. À peine avez-vous passé la porte de votre chambre que déjà la comédie prend jeu. Ta main vient rapidement enrouler son bras, un geste si naturel qui est pourtant totalement faux. Vous descendez les marches, saluant chaleureusement les quelques membres déjà levé, pour finalement vous sauvez dehors, à l'abris des regards indiscret. « J'peux pas croire que je te laisse deux p'tites minutes avec Auden et que ça tournes en bagarre » que tu lui balances les lèvres pincées en continuant de marcher histoire de s'éloigner de cette maison et de n'avoir aucun spectateur de cette discussion qui pourrait possiblement mal tourner. Tu n'es pas friandes des disputes. Enfin, pas en public. Tu vises l'harmonie parfaite au près de tout le monde, même si c'est la famille, c'est du pareil au même pour toi. C'est pas d'une femme dont Saül a besoin, c'est d'une babysitter. Dès que tu considères que vous êtes assez loin, ta main se détache rapidement lui pour laisser place à cette réel distance qui existe entre vous deux. Tu le regardes, croisant les bras contre ta poitrine, en attente d'une explication à cette altercation qu'il y avait eu entre les frères Williams. Et non, tu n'es définitivement pas prête pour la réponse.

« Habille-toi. On sort. »

Et il grogne déjà, Saül. Il a oublié la veille, encore dans le coaltar. Rien ne compte, sinon qu'on vient de couper son temps de sommeil. Il était bien, là, l'italien, sous les draps, à reposer son corps fourbu. Un œil s'ouvre, puis l'autre. La douleur achève de le réveiller, lui qui comatait un peu depuis quelques minutes. Elise a le truc pour lui casser les pieds dès le lever. Elle sait s'y prendre. Saül ne se lève pas pour autant, la laisse faire, l'observe, le visage déjà mauvais. Sa mauvaise humeur revient au grand galop. « C'était pas une suggestion. » Et le voilà qui soupire, la tête renversée sur le traversin. Quelques minutes plus tard, il est débarbouillé, habillé, opérationnel. Ses yeux fendent la pièce en deux, alors que la douleur lancine au milieu de son visage. « T'as rien de mieux à faire que de m'emmerder, un vingt-six décembre ? », qu'il râle déjà, par dessus son souffle, en laissant passer Elise devant lui dans les escaliers. La maison est encore endormie, Daniel doit dormir. Saül lui a laissé sa chambre d'adolescent, cette pièce qui soit le seul endroit un peu chaleureux que Saül ait un jour habité. Cette pièce couverte de trucs insignifiants, de photos de familles. Cette pièce à la fenêtre jumelle à celle de Auden, cette fenêtre qui appelle à la mélancolie et au souvenir.

« J'peux pas croire que je te laisse deux p'tites minutes avec Auden et que ça tournes en bagarre. » Le voilà qui lève les yeux au ciel, à peine ont-ils fait deux pas dehors. Le froid est glacial, mord le nez endolori de Saül. « On ne s'est pas battu. » A peine. On a juste discuté. Avec les poings. Et entre deux menaces de mort à peine dissimulées. Les époux tournent sur un petit sentier, qui mène à un endroit plus reculé de la propriété. Ce genre d'endroit qui appelle les secrets et qui ne sont connus que des âmes en peine. Les espions potentiels n'ont plus corps, ici. Les voilà seuls dans le silence de l'Italie qui s'éveille, la brume encore paresseusement accrochée aux arbres comme de la dentelle. Elise se détache alors, croise les bras comme si elle attendait des explications. Le souffle de Saül fait de petits nuages. Il dévisage son épouse comme si elle était celle avec des comptes à régler. « Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? C'était juste une discussion. Entre adultes. » Et ça le faire rire, en plus. Son ricanement se mue finalement en grimace. Ce foutu nez est brisé, pour sûr, en témoigne la tuméfaction violette qui grignote le centre de son visage.

« Tu m'as vraiment fait lever pour ça ? C'est mon frère, Elise. Je sais gérer. » Saül redoute de se lancer dans la discussion, voilà tout. Il sait qu'il ne fait que retarder l'échéance. Il sait qu'elle posera des questions. Il sait qu'ils finiront par réveiller la campagne Italienne, avant que le soleil ne chasse les brumes accrochées aux branches des oliviers.

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Tu n'es pas patiente. Pas ce matin. Et il joue avec tes nerfs. L'envie de le pousser en bas du lit te prend alors qu'il daigne enfin se lever. Pas trop tôt. « T'as rien de mieux à faire que de m'emmerder, un vingt-six décembre ? » Oui, vraiment, tu aurais mieux à faire en se lendemain de Noël. Passer du temps avec ton époux était bien le dernier de tes désirs. « Toujours un réel plaisir de passer du temps avec toi mon amour » que tu lui réponds sarcastiquement avec ce faux sourire aux lèvres. Votre réveil matinal vous permets au moins d'éviter la plupart des autres Williams qui sont fort probablement encore endormi -ce qui serait probablement le cas de Saül aussi si tu ne l'aurais pas forcé a se lever- Il veut mieux régler vos compte en toute discrétion. « On ne s'est pas battu. » Tu poses rapidement un regard sévère sur lui. Il te prend pour une conne ou quoi ? Tout le monde dans cette maison a été témoin de cette dispute bruyante. Tout le monde. Tu n'en aurais pas fait un cas s'ils auraient fait ça en toute discrétion. En même temps, avec la tête que Saül à ce matin, ce serait très difficile de cacher quoique ce soit. « Tu devrais le dire à ton visage. Il a pas l'air au courant » que tu lui dit en t'arrêtant finalement dans ce petit sentir. Tu viens poser ta main sous son menton afin d'avoir une meilleure vue des dégâts. « C'est pas beau à voir » que tu ajoutes en te disant que ça allait bien lui prendre trois pouces de fond de teint pour arriver à masquer tout ça pour son retour au bureau. Pas nécessaire que cet incident se sache en dehors de la famille Williams. « Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? C'était juste une discussion. Entre adultes. » Lui ça le fait rire, et toi, ça te fait grincer des dents. Discussion entre adultes ? N'importe quoi ! Des enfantillages plutôt. Deux vrais gamins c'est deux là ensemble. « Tu m'as vraiment fait lever pour ça ? C'est mon frère, Elise. Je sais gérer. » Et là, c'est à ton tour de rire. Visiblement, non, il n'était pas capable de gérer. Oui, les deux frères avaient souvent des conflits, mais de là à en arrivé au poing... il s'était forcément passé quelque chose. Quelque chose dont Saül ne semblait pas vouloir parler. « Désolé de te l'apprendre, mais ça fait longtemps que c'est moi qui gère tes conneries » Merci crise de la quarantaine. Ça l'a une fin ça un jour ? « Arrête de me faire perdre mon temps. Peu importe ce que tu caches, je vais finir par le savoir. Avec ou sans ton aide » Aussi bien le dire maintenant. Il valait mieux l'apprendre par lui que par Auden. Parce que oui, si Saül ne veut pas parler, tu iras voir Auden. Tu ignores toujours que tu es dans le même bateau que ton mari.

Le ton ne va pas monter, pas encore. Ce n'est pas ce que veut Saül. Il a assez donné la veille. Maintenant que Auden est parti, il n'a plus la force de hausser le ton. Pourtant, ses poings le démangent encore. Les frères se sont tout dit, il n'y avait rien à rajouter. « Toujours un réel plaisir de passer du temps avec toi mon amour. » Saül lève les yeux au ciel. Il n'y a rien de plus énervant - si, il y a Auden, il y a toujours Auden - que d'entendre Elise user de son sarcasme si tôt dans la journée. Des années qu'ils se supportent et pourtant Saül arrive encore a être agacé du ton qu'elle emploie avec elle. « Ne commence pas. » Ils sont deux, à commencer, à ne pas pouvoir s'entendre au saut du lit. Quand les couples se saluent avec des mots doux, eux usent de toute l'amertume dont ils sont capables.

Les voilà qui s'engagent dehors, et les mains se délient. Elles ne sont toujours liées que par les apparences, de toute façon. Le sentier tranquille accueille leur pas lourd. Saül resserre, sur ses épaules, le chandail qui le protège du froid mordant. Elise demande des comptes et il répond sans trop de hargne; les hostilités n'ont pas encore commencé. « Tu devrais le dire à ton visage. Il a pas l'air au courant. » La langue du quarantenaire claque, sur son palet, lorsque Elise vient attraper le visage de ce dernier entre ses doigts gelés. Les yeux glacés de Saül voudraient faire brûler ceux de Elise, et pourtant, l'italien ne recule pas. « C'est pas beau à voir. » Là, il écarte son visage, sans lâcher son épouse des yeux. « Je dirai que j'ai glissé dans les escaliers. », qu'il grogne entre ses dents. Une belle chute. Personne ne dira rien, de toute façon, au bureau. Personne n'ose jamais rien lui dire, surtout pas lorsqu'il tire une gueule de dix pieds de long. Encore une fois, il s'autorise à mentir pour sauver les apparences. Il y a longtemps que Saül ne sait plus faire que comme cela, de toute manière. Lui et sa femme sont de parfaits petits illusionnistes.

Et elle continue, Elise. Elle creuse; Saül s'agace, les yeux ailleurs - probablement levés au ciel. « Désolé de te l'apprendre, mais ça fait longtemps que c'est moi qui gère tes conneries. » « Quelles conneries tu gères, Elise, à part les taches que je fais sur mes chemises pendant les dîners auxquels on se rend dans la semaine ? » Les deux quarantenaire démarrent fort. Saül s'attend à recevoir une claque retentissante, un truc qui lui fera encore regretter le vingt-quatre décembre, quand tout allait encore bien. « Arrête de me faire perdre mon temps. Peu importe ce que tu caches, je vais finir par le savoir. Avec ou sans ton aide. » N'en ont-ils pas terminé, tous, avec leurs menaces ? L'homme d'affaires dévisage sa femme, le regard mauvais. « C'est mon temps à moi, qui est perdu, là. Il est parti, Auden. Tu vas l'appeler, lui envoyer un gentil message pour lui demander pourquoi il s'est disputé avec son frère ? » Ses mains accompagnent le ton sarcastique qu'il emploie, et ses jambes se sont automatiquement mises à faire les cent pas. Mais c'est devant Elise qu'il revient se planter, bras croisés, une poignée de secondes plus tard. « Il n'a rien à t'apprendre. Et moi non plus. Pourquoi tu ne peux pas me laisser gérer ? » Les mots de Auden lui reviennent en tête, alors qu'il plante ses yeux clairs dans ceux de Elise. Mais pour l'instant, il ne veut pas lâcher le morceau. Pour l'instant, il se croit encore capable de préserver Elise. Pour l'instant, il sent qu'il peut encore 'gérer l'affaire' tout seul. Mais il sait aussi qu'Elise ne va pas le laisser tranquille tout de suite - pour son grand malheur.

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« Ne commence pas. » Et tu souris, fière de l'avoir emmerder si facilement. Peut-être aurais-tu dû attendre un peu pour lancer les hostilités, mais qu'importe, c'était plus fort que toi et beaucoup trop facile. Rapidement, vous vous retrouvez dans ce petit boisée, impatient de vous hurlez dessus. Pour quelle autre raison auriez-vous besoin de vous éclipser à une heure si matinale ? Tu détails l'état de son visage en agrippant son menton, un geste qu'il repousse assez rapidement. Tu te demandes si Auden à la même tête que lui ce matin... fort probablement. « Je dirai que j'ai glissé dans les escaliers. » Tu hausses un sourcil. Carrément imbécile cette raison. « Wow! Le parfait cliché de la femme battue. Brillant! » Et tu le critiques encore. Comme si un jour tu allais lui donner raison, ou pire encore, soutenir l'une de ses idées. La seule bonne action qu'il n'est jamais jamais fait aura été de t'offrir un fils. Et encore là, si tu serais totalement honnête envers toi-même, tu saurais bien que c'est probablement la décision la plus horrible que vous n'ayez jamais fait. Mais non, t'es pas honnête. T'es juste égoïste. Va savoir lequel de vous deux est le pire. « Quelles conneries tu gères, Elise, à part les taches que je fais sur mes chemises pendant les dîners auxquels on se rend dans la semaine ? » Le ton est monté d'un cran entre vous deux. Même pas deux minutes que vous êtes seuls et déjà vous avez envie de vous arrachez la tête. Ce qu'il t'énerves ! « Oh bien sûr! Pour toi, c'est tout ce que je sais faire, être ta putain de bonne » Tu essaies de ne pas trop lever le ton malgré la rage qui t'habites. Tu ne voudrais surtout pas attirer des oreilles indiscrète, mais franchement, tu n'es pas très certaine d'y arriver. Saül, il te mets beaucoup trop facilement hors de toi. Il t'en fait perdre tes bonnes manières. Tu ne peux pas croire qu'il néglige tout ce que tu fais pour préserver l'harmonie de votre famille. « C'est mon temps à moi, qui est perdu, là. Il est partit, Auden. Tu vas l'appeler, lui envoyer un gentil message pour lui demander pourquoi il s'est disputé avec son frère ? » Oui, c'est exactement ce que tu allais faire. Puisque si Saül me voulais rien te dire, il ne restait que Auden pour le faire. Tu aurais sûrement plus de chance avec lui qu'avec ton propre mari. Comme c'est ridicule! « Pourquoi pas ? Ça te poserait problème peut-être ? » Si vraiment ce ne serait que des enfantillages, pourquoi est-ce qu'il ne veut pas te le dire ? Pourquoi il ne voudrait pas que tu ailles chercher la réponse ailleurs ? Parce que c'était plus sérieux qu'il ne le prétendait. Peu importe votre relation, après vingt ans, vous vous connaissez tous deux comme deux gouttes d'eau. Probablement le seule avantage de ce mariage. « Il n'a rien à t'apprendre. Et moi non plus. Pourquoi tu ne peux pas me laisser gérer ? » Parce que tu ne te mêles jamais de ce qui te regarde ? Parce que tu ne peux pas t'empêcher de contrôler sa vie ? Parce que tu crois toujours pouvoir faire mieux que lui ? Toutes des bonnes réponses! « Te battre avec ton frère, j'appelle pas ça gérer » Tu soupires doucement. Saül est complètement fermé comme une huître et lui hurler dessus ne semble pas fonctionner. Tu respires un bon coup, tentant de reprendre un certain calme bien trop lointain. Tu t'approches légèrement de lui. « J'aime pas les secrets entre nous.. » que tu ajoutes d'une voix plus mielleuse. Tes yeux se lèvent vers les siens, tentant d'appeler Saül à la raison. Était-ce possible ?

Les bleus qu'il a sur le corps lui font un mal de chien. Saül aimerait faire disparaître cette marque violette qui grandit sur son nez, qui rend son visage agressif comme celui d'un boxeur enragé, plus méchant que d'habitude. Il se lasse déjà des regards qu'il récoltera de la part des curieux, même s'il tente de maquiller la scène de crime. « Wow! Le parfait cliché de la femme battue. Brillant! » Et le voilà qui lève les yeux, encore. « Tu as une meilleure idée, peut-être ? » Bien sûr, qu'elle en aura une. Pour sauver les apparences, elle est définitivement plus maligne que lui et il le sait. Prétendre le contraire ne change rien à ce fait.

Et elle l'emmerde, en plus de ça, à prétendre gérer ses conneries à lui. Saül voudrait lui énoncer tout ce qu'il fait, lui, pour elle - mais n'y parvient pas. L'italien sait que les mots auraient un goût amer, dans sa bouche, le goût du mensonge. Ils ne font que ça, depuis des années, mentir. C'est peut-être l'étrange qualité qu'on ne peut pas leur enlever, sous aucun prétexte : ils savent jouer le jeu avec brio, et personne ne semble s'en inquiéter. Personne, sauf peut-être Daniel, que Saül sait perspicace, même si le fils prodige ne vit plus à plein temps avec ses parents depuis un moment. « Oh bien sûr! Pour toi, c'est tout ce que je sais faire, être ta putain de bonne. » « Tu sais très bien la pression que tout ça représente. Je fais ce que je peux. » Et je le fais très bien. « J'attends la même chose de toi. » Tout ça, les dîners en famille, leur vie, Daniel. Des années qu'ils font 'comme si'. Peut-être ont-ils fini par croire à leur propre pièce de théâtre. Peut-être même qu'ils se sont perdu dedans. Le retour à la réalité est fracassant et ne se fait pas sans dommage, surtout lorsqu'on y comprend des facteurs que Saül n'avait pas pris en compte. Auden revient sur le tapis, Saül souffle un grand coup et se détourne, les mains sur les hanches. Il est épuisé, harassé par une discussion qu'il sait totalement stérile, comme toutes les discussions qu'il a avec Elise depuis des lustres. « Pourquoi pas ? Ça te poserait problème peut-être ? » Il n'y tient plus, le quarantenaire, il pointe son index accusateur et s'avance vers Elise. « Il est parti, d'accord ? Tu n'as rien à lui demander. C'est mon frère. Tout ce que tu vas récolter, ce sont des ennuis supplémentaires. » Et ils viendront de moi, les ennuis. Ils sont sans fin, en ce moment, les emmerdements. Saül voudrait qu'elle le laisse gérer, qu'elle arrête de lui retomber dessus à la moindre vague - quelle drôle d'idée. « Te battre avec ton frère, j'appelle pas ça gérer. » « On a discuté, Elise. N'agis pas comme si on avait essayé de s’entre-tuer. » Les mots de Auden tournent dans la tête du quarantenaire comme une litanie. 'La prochaine fois que je te vois, je te tue'.

Elle est maligne, Elise. Elle sait y faire, pour reprendre un peu de poids dans le débat, pour faire céder Saül. Il va voit pourtant venir, avec ses grands yeux bleus et son ton adouci. « J'aime pas les secrets entre nous.. » Parce que ce n'est pas ce qu'ils servent au reste du monde, les secrets ? Face au monde, ils sont une fusion parfaite, un couple qui fait bloc. Saül hésite, plante ses yeux dans ceux de sa compagne - bleu contre bleu. Leurs souffles font des volutes de fumées dans l'air glacé et ils restent comme ça quelques secondes, avant que l'italien ne se décide enfin à l'ouvrir. « Il sait. Auden. » Il sait, depuis toujours peut-être, n'a jamais rien dit, a préféré la fuite, mais maintenant il sait pleinement. Les deux époux n'ont jamais laissé les secrets s'installer entre eux, tout simplement parce qu'ils sont ceux qui dispersent, comme de la poudre aux yeux, les mensonges dans les esprits de leur entourage.

Et maintenant, c'est à leur tour d'en affronter les conséquences.

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« Tu as une meilleure idée, peut-être ? » Tu croises les bras contre ta poitrine avec un air boudeur incapable de disparaitre de ton visage. « J'devrais arriver à le faire disparaitre » que tu finis par répondre tout simplement. Par chance qu'il ne travaillait pas demain matin, l'enflure devrait être partie avant son retour au travail. Il ne restera plus que le violet qui aura probablement tourné au jaune à masquer. Rendu là, ce sera un jeu d'enfant. Comme si rien n'était arrivé. « Tu sais très bien la pression que tout ça représente. Je fais ce que je peux. J'attends la même chose de toi. » Il attend la même chose que toi. Tu restes un peu bête face à cette phrase. À l'entendre parler, c'est comme si toi aussi tu avais fait quelque chose de travers. Il te reprochait cette confrontation peut-être ? Au moins, tu avais eu l'indécence de le faire en toute discrétion. Contrairement à lui et Auden, personne ne saurait jamais qu'une dispute avait explosé entre vous deux aujourd'hui. Personne. Puisque quand vous ressortirez de ce boisée, vous aurez encore l'air de ce petit couple parfait qui s'aime autant qu'au premier jour. Ce quo est pas tout-à-fait faux à bien y penser. « J'me suis pas battue avec personne. J'crois que je m'en sors pas trop mal... non ? » que tu lui réponds,  la pointe d'arrogance sur le bout de ta langue. Comme si s'était impensable de croire que toi, tu puisses avoir quoique ce soit à te reprocher. Malgré tout, tu insistes. Tu veux savoir ce qui s'est passé la veille. Tu veux savoir quel merde tu aura à gérer si jamais ça sortait au grand jour. Si jamais ce qui s'était passé éclatait de nouveau en plein repas de famille. Témoin à l'appuie cette fois. Mais Saül, il tient son bout. Il ne semble pas prêt à te le dire. « Il est parti, d'accord ? Tu n'as rien à lui demander. C'est mon frère. Tout ce que tu vas récolter, ce sont des ennuis supplémentaires. » Tu restes un peu surprise devant toute cette colère qui émerge de lui, alors qu'il vient poser son doigt accusateur sur toi. C'est drôle moins il veut que tu saches, plus tu veux savoir. « J'ai pas peur des ennuis... » que tu lui dit en ne brochant pas d'un poil. S'il croit te faire peur avec ces petites menaces. N'importe quoi. « On a discuté, Elise. N'agis pas comme si on avait essayé de s’entre-tuer. » Tu as envie de répliquer, de lui rappeler la tête qu'il a, des cris que toute la famille avait entendu hier. Tous se posent des questions, mais personne ne le fera. Personne sauf toi. Et puis, cette conversation ne mène absolument à rien. Tu optes alors plutôt pour la douceur, même si au fond, tu n'es pas complètement convaincu d'arriver a éteindre le feu qui semble l'habiter ce soir. Et voilà, un silence qui s'installe entre vous deux. Tes yeux qui cherchent les siens. Il hésite. Tu veux ajouter quelque chose, mais tu as peur de tout faire foirer. Tu marches clairement sur des oeufs avec lui ce soir. « Il sait. Auden. » « Il sait quoi ? » que tu lui demandes un peu trop vite, sans vraiment prendre le temps de réfléchir. Mais devant son regard sérieux, tu dois te rendre a l'évidence. Quelle est la seule chose que Auden ne devrait jamais savoir ? Daniel. Soudain, tu sens l'angoisse te prendre d'assaut. « Comment ça, il sait ? » Tu prends bien soin de détacher chacun de tes mots. Comment se pouvait-il qu'il sache après vingt ans ? « Tu... c'est toi qui lui a dit ? » Et ta voix se brise.

« J'devrais arriver à le faire disparaitre. » Bien sûr, qu'elle saura, Saül n'en doute pas une seule seconde. L'admettre blesse d'autant plus son ego qu'il sait qu'elle a raison sur toute la ligne. Mais ça, plutôt que de le lui laisser le prétendre, il préfère crever la gueule ouverte. Ce n'est pas demain la veille qu'elle obtiendra des remerciements. L'époux se contente d'un faible hochement de tête, grand pas vers un peu d'humilité - juste un peu.

Le ton monte d'un cran, se fait plus cassant. Saül sait que s'ils se perdent l'un et l'autre, cela causera leur perte. L'italien attend qu'Elise reste inébranlable, qu'elle ne ploie pas sous le fardeau de leur relation explosive - pas maintenant, pas après vingt longues années. Lui ne ploiera pas. Il se l'est promis en même temps qu'ils se sont dit oui devant l'autel, devant le prêtre et devant leurs familles réunies, eux qui avaient les yeux brillants et le cœur naïf. « J'me suis pas battue avec personne. J'crois que je m'en sors pas trop mal... non ? » « Encore heureux. », qu'il marmonne. 'Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais.' Le quarantenaire déteste qu'on le reprenne. Elise le fait trop souvent à son goût, mais sa seule arme consiste d'habitude à lever les yeux au ciel et à aller s'enfermer dans son bureau. Ici, pas d'échappatoire. C'est probablement ce qui pousse les deux compagnons à monter le ton d'un cran, alors que Saül menace Elise de cet index qui a aussi menacé Auden la veille. « J'ai pas peur des ennuis... » Tu devrais. « Tu devrais. » Oh, elle devrait. Saül sait combien il sait lui rendre la vie difficile. Un coup de téléphone aux meilleures université de la planète, et Daniel est reparti. C'est ce qu'elle récoltera, Elise, à remuer le couteau dans la plaie, à aller rappeler à Auden combien il lui serait légitime de parler à Daniel.

Et Auden sait. « Il sait quoi ? » Saül n'a pas besoin d'expliciter. Un seul regard suffit, un seul, et il voit dans les yeux d'Elise qu'elle comprend que quelque chose est en train de changer. Que quelque chose a déjà changé. Depuis vingt années, ils se préparent inconsciemment à cette explosion. Saül voulait probablement repousse l'échéance, mais c'était impossible. « Comment ça, il sait ? » L'italien ne lâche pas Elise des yeux. Il sait tout. Même pour cette femme, qui a donné naissance à son fils et qui est vraiment morte en couche, elle. « Tu... c'est toi qui lui a dit ? » Elle semble à deux doigts de craquer, Elise. « Il avait compris. Nier l'évidence ne servait plus à rien. » Son ton s'est refait étrangement calme, aussi bas qu'un murmure. Autour d'eux, la campagne semble bien silencieuse. « C'est Daniel qui compte. Il n'en saura rien. » Encore une promesse qu'il se sent capable de tenir, alors que celle qu'ils se sont faite il y a deux décennies vient de se briser en un millier d'éclats. Sa main gauche se tend vers celle d'Elise, la gauche, aussi. Ses doigts se mêlent au sien dans un geste d'une tendresse comme il n'en manifeste plus depuis des lustres. Côte à côte, leurs alliances brillent d'un éclat chatoyant, or contre or. « Auden ne lui dira rien. Je m'en assurerai. Daniel est grand, maintenant. Tout ira bien. » Et pourtant, ses yeux bleus ne trouvent pas ceux, glacés, de celle qui combat(tra) vents et marées à ses côtés.

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« Tu devrais. » Son ton est dure, mais toi, tu le prends plus ou moins au sérieux. Tu es encore convaincu que les deux frères ont fait une montagne avec rien du tout. C'est pas comme si ça leur prenait grand chose pour se chamailler. De toute façon, qu'est-ce qui pourrait être si grave de toute façon ? Probablement la dernière chose auquel tu t'attendais; ce secret vieux de vingt ans qui éclate finalement. « Il avait compris. Nier l'évidence ne servait plus à rien. » Comment avait-il pu comprendre ? Tu ouvres la bouche, mais rien n'en sort. Tu ne comprends rien. Tout se bouscule dans ta tête à une vitesse phénoménale. Vous aviez carrément passé d'une extrême à l'autre. S'il y a à peine quelques minutes vous vous hurliez à tue tête, il n'y avait désormais que de place pour les murmures. « C'est Daniel qui compte. Il n'en saura rien. » « Tu disais la même chose d'Auden » Saül t'avais aussi promis que personne ne saurait jamais rien. Personne, pas même Auden. Il avait bien couvert ses traces. C'est ce qu'il t'avait dit et tu lui as fait confiance. Devrais-tu encore le faire ? Ton regard s'abaisse lorsque tu sens la main de Saül venir entrelacée la tienne. Ton corps au grand complet se raidit devant ce geste qui ,pourtant, pourrait sembler plutôt banale, mais qui n'avait rarement lieu d'être entre vous deux. Du moins, jamais honnêtement « Auden ne lui dira rien. Je m'en assurerai. Daniel est grand, maintenant. Tout ira bien. » Tu hoches légèrement la tête à ses paroles. Tu le sais honnête. Tu sais qu'il pense vraiment ce qu'il dit. Pourtant, tu n'es pas certaine qu'il arrivera à garder son sang froid au milieu de tout ça. Tu es même convaincu du contraire. Tes doigts se resserrent brièvement contre les siens avant de t'en défaire complètement. Tu lèves un regard un peu fuyant vers lui, alors que tes bras reviennent se recroiser contre ta poitrine. « Je pourrais jamais te le pardonner si on le perd. » Non. Jamais. Tout comme Daniel ne vous pardonnerait jamais s'il apprenait la vérité. Il te détesterait. « Bon, c'est tout ? J'ai pas juste ça à faire » Et hop! tu changes rapidement de sujet dans une non-chalance très peu convaincante. Comment tu allais faire pour faire comme si cette conversation n'avait jamais eu lieu en retournant à l'intérieur ? Tu ne sais pas, mais tu n'avais pas vraiment le choix.

« Tu disais la même chose d'Auden » Elle le blesse, Elise. Elle lui rappelle les promesses qu'il ne tient pas, est incapable de tenir. Oui, Auden sait. Il faut sauver les meubles, voilà tout. Sauver ce qu'il reste à sauver de ce tsunami - Daniel. Il n'y a que lui qui compte. Le reste est artificiel. Sans importance. Saül continue dans ses promesses, continue de mentir à Elise sur son degré de contrôle de la situation. Elle l'a bien senti, pourtant, qu'il n'est maître de rien. Que tout lui échappe, pour la première fois depuis longtemps. Pour la première fois tout court. Le seul geste qu'il daigne faire vers Elise se solde pas la fuite de cette dernière. Saül croise ses avant-bras sur ses reins, les mains l'une dans l'autre. Cette posture lui donne un peu plus de contenance, lui qui sent que leur monde de mensonges s'ébranle comme un château de cartes. « Je pourrais jamais te le pardonner si on le perd. » Le quarantenaire opine du chef. Il sait. Il l'a compris depuis qu'il a vu Elise porter Daniel dans ses bras, à la maternité. Elle a semblé faire sien ce petit bébé dès le moment où elle a posé ses yeux sur sa tête.

« Bon, c'est tout ? J'ai pas juste ça à faire. » Elle le surprend de froideur, Elise. Elle parvient encore à le faire. Les yeux de l'italiens fuient dans les branchages, autour d'eux. Il voudrait figer ce fragile moment d'accalmie qui ne durera pas plus de quelques heures. Daniel a entendu la dispute. Daniel posera des questions. Daniel est un garçon intelligent. « Qu'est-ce que tu veux faire de plus ? Les valises ? Tu as raison. Nous partons demain. » Plus aucune raison de s'attarder ici, pour le couple. Il est venu le temps de retourner sous le toit hostile de leur demeure australienne. « Tu pourras dire à Daniel que je me suis disputé avec Auden pour des questions d'argent, si tu ne sais pas quoi lui dire. Il posera des questions, Elise. » Peut-être le couple ferait-il mieux de s'accorder sur le mensonge qu'ils doivent servir à leur fils, le temps que les choses se tassent. L'argent semble être une solution envisageable. Une raison que ne remettra pas en question Daniel. « C'est l'affaire de quelques semaines. Après, tout se calmera. Auden trouvera autre chose à penser. Daniel oubliera. » Si seulement.

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@Saül Williams & Elise

« Qu'est-ce que tu veux faire de plus ? Les valises ? Tu as raison. Nous partons demain. » Tu hausses les épaules. Tu aurais préféré prendre le prochain vole, mais tu te contentera de demain. Personne n'aurait été surpris que Saül décrétè que la famille parte maintenant parce qu'il avait une urgence au travail. « Tu pourras dire à Daniel que je me suis disputé avec Auden pour des questions d'argent, si tu ne sais pas quoi lui dire. Il posera des questions, Elise. » Tu sens l'angoisse t'emparer alors qu'il sous-entend que Daniel posera des questions. Tu le savais. Tu n'étais pas stupide. Tu avais vu le regard de ton fils remplis d'interrogation la soirée dernière. Tu savais qu'il allait poser des questions, mais de l'entendre... Tu ne pouvais pas croire que vous étiez entrain de vivre ça. « Je devrais arrivé à gérer notre fils » Le votre. Pas celui de Auden. C'était le votre. Tu essaie de rester de marbre. Tu as l'impression que si une quelconque émotion sort de toi, tu vas t'écrouler. Déjà que Saül semble avoir du mal a être confiant dans ses paroles. C'est rien pour t'aider. « C'est l'affaire de quelques semaines. Après, tout se calmera. Auden trouvera autre chose à penser. Daniel oubliera. » Bien sûr que Daniel finira par oublier. Il ne pouvait pas deviner la gravité des échanges entre son père et son oncle. Lui, il oublierait facilement. Mais Auden ? Comment pourrait-il l'oublier ? Tu te mets à sa place -quelque chose que tu fais trop peu souvent- et tu l'aurais complètement démolis. « C'est toi ou moi que t'essaie de convaincre ? » Tu ris. Un rire jaune. Un rire nerveux. « C'est quand même pas ça ton plan ? Attendre que les choses se calment tout seul ? » Tu voudrais qu'il te donne un plan élaboré et infaillible, qu'il te convainc qu'il a les choses en mains, qu'il à la situation sous contrôle, mais non. C'est tout l'inverse. Tu finis par t'échoir sur un rocher. Tu as l'impression que tes jambes vont te lâcher si tu ne t'assoie pas. Tu viens glisser une main dans tes cheveux alors que ton regard se perd dans l'horizon. « Je peux pas Saül. Je peux juste pas. » que tu ajoutes machinalement. Tu te sentais incapable d'affronter cette épreuve, de retourner à l'intérieur, de regarder ton fils comme si hier n'existait pas. Tu t'en sentais incapable, mais tu allais quand même le faire comme tu l'avais toujours fait.

« Je devrais arrivé à gérer notre fils. » Elle est amère, Elise, mais c'est le "notre" que Saül relève le plus. Oui, Daniel est leur fils, peu importe que Auden soit son père biologique. Il n'aurait pas su l'éduquer, ce gamin, Saül en est persuadé - tente de s'en persuader, du moins. Il a peu de mal à ne pas questionner ses propres décisions. Il sait que les choix qu'il a fait pour Daniel étaient les bons, peu importe ce qu'en dira Auden sur le moment. Bien sûr, qu'il en veut à son aîné. Mais c'est pour le bien de tous. Pour le bien de Daniel, de Elise, pour son propre bien à lui, et pour le bien de Auden. Un enfant, c'est beaucoup de responsabilités. Saül est persuadé que son petit frère n'est pas fait du bois qui constitue les parents, ceux qui couvent leurs progénitures avec une hargne sans pareille. « C'est toi ou moi que t'essaie de convaincre ? » « Personne. Je sais que j'ai raison. Je sais que nous sommes dans le vrai. » Mais Auden n'oubliera pas. Daniel non plus. Saül le sait, au fond. Aucun d'eux ne reviendra à sa petite vie tranquille. Il y avait un avant, il y a donc un après. Saül ne sait pas quelle période il abhorre le plus.

« C'est quand même pas ça ton plan ? Attendre que les choses se calment tout seul ? » L'immunité collective. Ne rien faire. Attendre que la vague passe, que la tempête se calme et que les souvenirs s'évacuent des mémoires, comme le poison fuit les chairs après un temps de repos. « Il y a des années que nous gardons tout cela jalousement. Nous, Daniel. Rien ne tombera, pas aujourd'hui. Pas si facilement. » Saül saura s'assurer que Auden ne réclamera rien. Saül ira le confronter à nouveau, s'il le faut. Saül n'a pas peur, pourtant devrait-il se méfier de l'eau qui dort - l'eau qui bout, précisément, dans le cas de Auden. Elise se laisse glisser sur un rocher. « Je peux pas Saül. Je peux juste pas. » Avec lenteur, Saül s'approche assez pour pouvoir poser sur l'une des épaules d'Elise une main forte. Une main qui soutient, qui hurle un "ça ira" silencieux. Face au soleil qui baigne la campagne, les deux époux se tiennent côte à côte, sans se faire face ni se regarder. « Tu peux. Tu dois, Elise. Ne le fais pas pour toi, encore moins pour moi. Fais le pour Daniel. Pense à lui. Il ne mérite pas que tout ce que nous avons construit vole en éclats. Il est trop jeune. Notre petit a besoin de stabilité. » Comme si ce que lui offraient ses parents était exemplaire d'équilibre, eux dont les mensonges pèsent lourd sur la balance de la vie.

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ft @Saül Williams

« Personne. Je sais que j'ai raison. Je sais que nous sommes dans le vrai. »  Tes lèvres viennent se pincer ensemble. Ton regard fuit dans les airs. Non, tu n'es pas convaincu par ses paroles. Tu sais bien que c'est simplement normal de dire à l'être aimé que tout allait bien aller alors que c'était faux. C'était ça la base d'un couple; rassurer l'autre même s'il n'y a plus d'espoir. Mais vous n'aviez rien d'un couple normale. Et toi, tu préférais la cruelle vérité aux doux mensonges. « Ne me mens pas » que tu laisses échappé en douceur dans un souffle. Si vous étiez tous deux maître de l'illusion, deux parfaits menteurs, entre vous, les mensonges n'avaient pas leur place. Du moins, c'était toujours ce que toi tu t'étais dis. « Il y a des années que nous gardons tout cela jalousement. Nous, Daniel. Rien ne tombera, pas aujourd'hui. Pas si facilement. » « J'espère que tu as raison.. » que tu lui réponds d'un ton peu convaincu, alors que tu décides de te laisser glisser contre l'un des rochers. Tu sens la présence de Saül s'approcher de toi, sa main qui vint se poser contre ton épaule. Tu détournes le regard vers lui quelques secondes avant de te reperdre dans l'horizon. « Tu peux. Tu dois, Elise. Ne le fais pas pour toi, encore moins pour moi. Fais le pour Daniel. Pense à lui. Il ne mérite pas que tout ce que nous avons construit vole en éclats. Il est trop jeune. Notre petit a besoin de stabilité. » Tu hoches la tête. Tu savais déjà tout ça. Tu avais probablement simplement besoin d'encaisser la nouvelle. Tu avais besoin de vivre ses émotions, mais ce n'était pas ici que tu pouvais le faire. Pas en Italie. Pas avec ton époux. « Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? » que tu lui demande docilement. Oui, tu savais être docile parfois. Quand c'était important. Tu t'attendais toutefoia à ce que sa réponse soit rien, de simplement continuer à vivre comme si ce secret n'avait pas éclater. Si aujourd'hui cette réponse te conviendrait parfaitement, demain ce ne serait plus le cas. Tu ne voudra pas rester là les bras croisés à attendre que la bombe explose.

« J'espère que tu as raison.. » Il voudrait préciser qu'il a toujours raison, Saül. Sauf quand il a tord, bien sûr. Mais ce n'est peut-être pas le moment de faire du zèle, pas alors que Elise semble se décomposer sur place. L'italien ne sait plus très bien si l'événement soude leur tandem ou ne fait que déchirer encore plus la plaie béante qu'est leur couple depuis des années. Faire la différence, il en est bien incapable. Bientôt, Elise se laisse glisser, elle s'affaisse comme une poupée de chiffon pour s'écraser sur le rocher à ses côtés. Saül la rejoint en deux pas, tente un contact pour la soutenir. Ce n'est pas dans ses habitudes et le mouvement paraît étrange, légèrement décalé, comme faisant défaut au tableau que les époux conçoivent ensemble depuis trop longtemps. « Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? » Saül ne sait pas plus qu'elle, il serait bien mal placé pour lui donner des conseils. Pourtant, c'est ce qu'il fait tout le temps, le décisionnaire de ce vieux rafiot branlant qui porte le nom de "mariage". « Comporte toi en mère. Ne change rien. » Leur fils n'a pas besoin de changement, surtout pas. Le changement lui ferait percevoir que quelque chose n'est pas normal, pas comme d'habitude. Des questions pourraient fleurir dans son esprit - et c'est très précisément ce que le couple veut éviter.

Les froids rayons du soleil de l'hiver se déposent déjà partout sur la campagne environnante. Saül n'a toujours pas retiré sa main de l'épaule de Elise, comme si c'était lui qui, au final, s'accrochait à elle. Ils s'accrochent l'un à l'autre, au final. « Tu es sa mère, Elise. Les géniteurs de ce garçon n'ont pas été là pour lui. Nous sommes ses parents. Nous prenons soin de lui. Personne ne nous retirera ça. » La parentalité est un sujet complexe. Les géniteurs et les parents peuvent être deux choses différentes, n'est-ce pas ? Avec lenteur et un peu maladroitement, Saül se penche assez en avant pour déposer au sommet du crâne de sa femme un baiser solitaire et silencieux, fugace. « Personne ne nous retirera ça. Jamais. », qu'il répète en y ajoutant un mot final, tranchant. Jamais. Et ça, Saül est prêt à y veiller. Sa main s'échappe bientôt de l'épaule de Elise, alors qu'il file vers la maison, dans la brume encore environnante. La campagne s'éveille. Saül est prêt à entamer sa journée.