Il a l’impression que cinq minutes à peine se sont écoulées au moment à Deklan ouvre la porte avec le plus de facilité du monde, comme si finalement elle avait toujours été ouverte, cette fichue porte. Dans la mémoire du blond, aucune des deux n’a réellement cherché à ouvrir la porte à vrai dire. Ils se sont sûrement contentés de la pousser du bout du doigt et en sont venus à la conclusion qu’elle était verrouillée de l’extérieur ; quelle dommage, oh non. Peut être qu’ils avaient simplement besoin d’un peu de calme, l’un comme l’autre, au milieu de la fanfare de l’autre côté des murs et des chaussures collants sur le sol imbibé d’alcool. Ce sera un véritable carnage qu’il faudra nettoyer demain et Swann note mentalement de venir aider son aîné dès qu’il se sera battu contre sa gueule de bois en devenir.

Pour le moment encore, Lucia reste le seul centre de ses priorités (Lucia et les crêpes, lesquelles il est d’ailleurs certain d’en avoir préparé plus qu’elle et ça n’a absolument rien à voir avec l’épaisseur, ça, c’est juste une excuse parce qu’elle a perdu et lui gagné haut la main). « Le burger, tu sais le meilleur du monde, c’est le Betty’s Burger. » Il a beau être sacrément naïf quand il s’agit d’histoires de coeur touchant à lui de près ou de loin, cette fois ci il comprend bien là où elle voudrait en venir et là où elle n’ose justement pas aller. Il est doux pourtant, Swann, il ne ferait sûrement pas peur à qui que ce soit avec cette attitude là, encore moins quand il sourit et qu’on lui donnerait vingt ans à nouveau. « Vraiment ? Je ne sais même pas où il se trouve ! » Quil ment effrontément, le crêpier de fortune. Il connaît et c’est son préféré à lui aussi, lui qui pourrait réciter la carte par coeur que ce soit dans l’ordre alphabétique ou dans l’ordre des burgers dans lesquels ils mettent du plus au moins de sauce. Pourtant ce n’est pas un détail qu’il juge utile de préciser pour le moment, préférant jouer de son air de benêt. « Tu… Tu me diras ce que t’en penses du coup ? » « Tu viendras avec moi ? Imagine si tu me dis que je peux prendre tous les burgers sauf un seul et que justement c’est sur celui là que je tombe, la lose. » Précis et méticuleux, c’est plutôt le genre de frasque qui ressemblerait à Ginny mais certainement pas à lui. Là encore, pourtant, elle n’a pas besoin de connaître tous les détails de sa vie. Pas pour l’instant du moins, parce qu’ils ont une bonne harmonie pour le moment et qu’il ne voudrait en aucun cas la briser. Au contraire, il en rigolera bientôt et il espère qu’elle en fera de même (parce que oui, l’humour anglais est une espèce à part et il ne fait pas souvent l’unanimité en dehors de son île natale).

Lucia a l’air d’une condamnée qui récite ses dernières volontés et Swann sourit parce qu’il est débile et qu’il trouve ça mignon, finalement. « Et tu peux venir aussi, du genre, quand la concierge te pourchasse avec un balai parce que t’a oublié tes clés et qu’il est tard, ou si t’as personne dans son appartement sans colocataire avec qui regarder Netflix. » L’idée de voir sa concierge se balader avec un balai à la main le fait sourire, il calcule mentalement combien de jours il lui faudra pour passer du rez de chaussé au troisième étage sans se casser aucune hanche. « Je pourrai venir si je veux me lancer le challenge des douches de cinq minutes, aussi ? » Il viendra si elle le lui autorise encore demain. Il viendra et il amènera du colorant alimentaire, il amènera des crêpes déjà préparées chez lui avec amour. Il amènera tout le programme netflix avec les meilleurs films entourés de son fidèle stabilo jaune, il fera de même avec son livre de recettes anglaises mais ça c’est sûrement pas la meilleure idée du lot. Il viendra pour les raisons qu’elle a timidement citées et mille autres qu’il se trouvera, dans l’éventualité où elle ne souhaite pas venir chez lui, là où la porte lui sera toujours ouverte quoi qu’il arrive. Et surtout pour laver son pull préféré. « Si t’aime pas le mille-feuille, j’ai de la glace Ben & Jerry’s. » Il a les yeux qui brillent comme ceux d’un enfant s’apprêtant à chercher les oeufs de Pâques. Il lui en faut peu, certes, mais même peu sonne comme beaucoup quand il s’agit de Lucia. Elle avance pas à pas et il en fait de même mais ils dépensent et donnent sans compter. « Les deux ? Un mille feuille avec un peu de glace à côté ça doit provoquer une hyperglycémie dans la seconde mais ça doit être bon. Enfin, je crois. Si t’as Vanilla pecan blondie, ça doit même être suuuper bon. » Il n’est pas compliqué et tout lui va, c’est ce qu’il cherche à lui faire comprendre. Elle n’a pas besoin de stresser pour ses détails, qu’ils soient gustatifs ou de n’importe quelle autre nature. Même devoir passer le test face aux colocataires de la jeune femme ne lui fait pas peur finalement puisqu’il n’a que de pures intentions à son égard.

« On retourne avec les autres ? » Il a réellement apprécié ce moment seul avec Lucia mais c’est aussi un jour important pour Matt et il souhaite être présent pour lui, peu importe s’il aura bientôt tout oublié à cause du trop plein d’alcool. Cérémonieux, Swann tend la main vers elle et ouvre sa paume vers le ciel, cliché au possible. « Faut que je leur dise à quel point mes crêpes étaient mille fois meilleures que les tiennes. » Il conclut d’un rire enfantin, parce que c’est ce qu’ils sont au final.