Et elle était mal à l'aise, tellement. Quand elle a passé de longues minutes à fixer son reflet dans la glace, à ne pas reconnaître le trait de rouge à lèvres qu'elle a mis, celui que sa mère lui a fortement conseillé (à savoir ancré dans sa paume comme s'il était la seule et unique option viable).

Elle est malheureuse, Ginny. Elle le montre de moins en moins, et ça c'est tout un exploit. Elle se plie au sourire constant de Bailey, elle enfile le masque le plus faux qu'elle a en stock, et elle suit, elle ne sait faire que ça. Elle suit les plans de ses parents, elle suit là où on lui montre d'aller. Elle est devenue la poupée de chiffon qu'ils ont toujours voulu qu'elle soit, se laissant manipuler en oubliant complètement ce qu'elle gagnera - ou perdra - à la clé. L'important c'est de se prêter au jeu, même si le jeu ne vaut rien, même si les règles sont cruelles, même si tout le monde triche et même si elle n'en a rien à faire, de terminer ou non la partie.

On sonne et elle sait que c'est Elise qui est là, que Saül est peut-être avec elle. Bailey est encore retenu au boulot. Il travaille tellement ces derniers temps qu'elle n'arrive à le voir qu'entre deux insomnies, quand il entre dormir et qu'elle s'est sans surprise aucune depuis longtemps réveillée. Les Williams censés venir les prendre pour la soirée prévue, un gala de charité ou un lancement de marque ou un apéro de bourgeois Ginny elle n'a pas suivi. Elle n'a même pas RSVP si vous lui demandiez - c'était sa mère, bien sûr, qui l'avait fait à sa place.

Elle file à la porte, elle a enfilé une robe, l'effort y est. Le rouge carmin jure, ses mèches sont décoiffées. Et quand elle ouvre, quand elle tombe nez-à-nez avec une Elise seule et tirée à quatre épingles, elle ravale durement Ginny. Elle n'est pas à sa place dans leur monde, elle ne le sera jamais. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'on découvre la supercherie, ce n'est qu'une question de temps avant qu'on découvre que son mariage est tissé sur un filet immense de mensonges, aussi.

« Je prends mon sac et je suis prête. » son sac est désorganisé et perdu un peu partout à travers le salon, elle n'a rien de prêt non plus. Tu mens encore, Ginny.

wanna see the world when i stop breathing

ft @Ginny McGrath & Bailey Fitzgerald

Ce soir là, tu étais partie plus tôt que prévu. Ton petit doigt t'avait prévenue que Ginny ne serait probablement pas prête quand tu allais arrivé, que ce soit maintenant ou une heure plus tard, elle ne serait pas prête. Enfin, elle ne serait pas prête à ton oeil à toi. Et puis, ça devait forcément arranger Saül que tu partes plus tôt- surtout sans lui - que tu conviennes que vous vous rejoignez plus tard jamais si possible. Ça vous arrivait parfois de faire comme si vous étiez tellement préoccupé par les autres que vous n'aviez pas vraiment eu le temps d'être "ensemble". Vous arriviez ensemble et repartiez toujours ensemble. Le reste du temps ? Boff, simplement en cas d'extrême nécessité. Ça ne vous empêchait pas d'avoir l'air unis et amoureux aux yeux de tous. Disons simplement que vous saviez exactement comment bien placer vos cartes, comment faire pour que tout le monde voie ce que vous vouliez qu'il voit. De vrais experts en la matière! C'est donc avec un peu d'avance que tu arrives chez Ginny.  « Je prends mon sac et je suis prête. » Ton sourcil se arque. Tu regardes l'heure. Ok, tu aurais dû partir beaucoup plus tôt. Tu avais même songé à lui apporter quelque chose à se mettre,et vraiment, tu regrettes de ne pas l'avoir fait. Tu te demandes si elle a au moins investie cent dollars dans cette robe qu'elle porte, alors que la tienne compte dans les quatre chiffres. Ginny semble un peu perdu et surtout pas prête du tout. « Et Bailey ? » que tu demandes en la voyant seule. Tu savais que son mari devait être là aussi. Tu n'avais peut-être juste pas suivit qu'il vous rejoigne plus tard. Peut-être a t-il eu un empêchement va savoir ! Elle semble toutefois belle et bien seule chez elle. Temps mieux ! Bailey ne sera pas là pour t'empêcher de la mettre à ton image. « Je peux entrer ? Je pourrais t'aider à finir de te préparer ? » C'était pas vraiment une proposition, mais plutôt une constatation. Une manière poliment raté de dire que tout était à refaire. La pauvre!

« Et Bailey ? » elle cafouille Ginny, elle perd pied.

Si déjà elle était maladroite de base, les mensonges qui s'accumulent et qui la repoussent dans ses retranchements n'ont rien pour la rendre à l'aise. Elle cherche une excuse, elle cherche une esquisse de fuite, elle cherche si fort quel masque enfiler qu'elle en oublié que la vérité est toute autant une option que le reste, pour une fois. « Ils viennent tout juste de signer un nouvel artiste au studio. » elle inspire, sa silhouette se calme et cesse de faire des allers et retours inégaux, son souffle s'apaise, momentanément. « Il est débordé. Je devrais peut-être lui téléphoner. » le lien de cause à effet ne ferait aucun sens, n'en fait pas tout court. Mais elle se dit qu'une bonne épouse téléphone à son mari, qu'une bonne épouse lui laisse savoir qu'elle l'attend malgré les heures qu'il cumule depuis des semaines au boulot, qu'il est attendu tout court. Il sait, il n'a pas besoin d'un appel, et jamais elle ne serait ingrate au point de le déranger sur son lieu de travail. Pourtant, elle se dit qu'ainsi Elise risque de n'y voir que du feu. Naïve gamine qu'est la McGrath.  

Son sac qu'elle finit par retrouver, les pièces perdues qu'elle attrape d'une main et d'une autre. Elle n'est pas à sa place Ginny, elle aurait mieux fait d'annuler sa présence ce soir pour rester enfouie dans des tonnes de couvertures à lire un livre, à peindre. Elle n'a pas besoin de grand chose pour être heureuse la brune, juste un peu de calme et de silence pour se retrouver dans une vie qui lui échappe. « Je peux entrer ? Je pourrais t'aider à finir de te préparer ? » oh, lala.

Et elle s'immobilise directement la brune, elle calcule ses options, elle n'en a tristement aucune. « Oh, mais je- » vite, Ginny, réfléchit. Et son regard dérive à travers la pièce. Elle cherche un miroir pour infirmer les dires d'Elise mais lorsqu'elle trouve son reflet, elle ne peut s'empêcher d'être d'accord ; elle n'a rien qui semble prêt. La suite sera de penser à un plan B, de trouver une issue de sortie, d'inventer une excuse, de patauger dans un néant qui la déstabilise plus qu'elle ne le montrera vraiment. « On ne sera pas en retard? » la défaite de la dernière chance, dirons-nous.

« Faut que je parte. » Elle vient encore me voler un baiser. Elle fait glisser ses lèvres le long de ma mâchoire. Jusque dans ma nuque. Elle laisse sa trace. « Jill… » « Elle peut attendre. » Ses mains qui glissent de nouveau entre mes jambes. Un soupire qui m'échappe alors que je me laisse aller dans son étreinte. Elle sait parfaitement comment gagner du temps. Je pourrais me laisser aller. Je ne veux pas aller à cette soirée. Je pourrais rester ici, dans mon bureau, avec Jill. Je pourrais, mais je pense à Ginny, seul avec le couple Williams. Je ne peux pas lui faire cela. Je lui avais promis d'être là. Elle sent que je suis ailleurs Jill. Elle mord ma peau et je la repousse. « Arrête. » Trop tard. La marque sera là, parfaitement visible au-dessus du col de mon costume. Elle pense marquer son territoire. Elle va juste activer une multitude de rumeurs sur la vie sexuelle que j'entretiens avec sa sœur. Les gens vont parler. C'est certain. « Tu penseras à moi au moins. » Un rire nerveux m'échappe. Je pense constamment à toi Jill. Lui dire cela, c'est la faire fuir. Alors, je hausse les épaules et tente de lisser mon costume. Je dois rentrer. Elle le sait et on s'observe de loin. Aucun de nous ne craquera en premier. Question de fierté. Je m'en vais sans me retourner.

Je suis vraiment en retard. Elise Williams est déjà dans l'appartement. J'entends le son de sa voix et je frissonne. Je méprise ce genre de personne. Elle est déjà en train de critiquer Ginny, j'en suis persuadé. Elle se pense mieux que tout le monde la Williams. Elle va avoir de quoi parler la Williams lorsque j'entre dans la pièce, la cravate défaite, les cheveux en bataille et cette marque sur ma peau. « Désolé j'ai été pris par le travail. » L'excuse, le mensonge idéal. Mon regard croise celui de Ginny à la seconde. Je suis désolé. Elle le sait. J'espère qu'elle le comprendra. « Elise. » Sourire forcé, sourire crisper. La soirée va être longue et je suis déjà en train d'envisager un million d'excuse pour s'en échapper. Et je me redresse, inspire un grand coup et prends le rôle du mari parfait. Je me dirige vers celle qui est ma femme aux yeux de tous et pose une main sur sa hanche pour venir embrasser sa joue. Toujours dans la retenue, toujours pour la laisser à l'aise. « Tu es magnifique. » Prends ça, Elise. Je renoue ma cravate correctement. Je lisse le col de ma chemise. Elle ne nous lâche pas du regard Elise. Je la méprise. « Un souci Elise ? »

wanna see the world when i stop breathing

ft @"Ginny McGrath" & @Bailey Fitzgerald

« Ils viennent tout juste de signer un nouvel artiste au studio. Il est débordé. Je devrais peut-être lui téléphoner. » Tu as envie de rouler les yeux. Qu'elle ne l'appelle surtout pas. Tu n'as pas envie de l'avoir dans tes pattes. Qu'il vous rejoigne là-bas, c'était parfait pour toi. Ça te laisserait le temps de t'occuper de Ginny, de la rendre parfaite pour ce soir. « S'il est débordé.. vaudrait mieux ne pas le déranger » que tu insiste. C'est là que tu lui propose de t'occuper d'elle. Ça la surprend. Ou peut-être que ton commentaire/proposition manquait un peu de tact. « Oh, mais je- On ne sera pas en retard? » Ouf! Il valait beaucoup mieux que vous arriviez en retard plutôt qu'elle se pointe avec la tête qu'elle a. Tu es sur le point d'ouvrir la bouche lorsque la porte s'ouvre à nouveau derrière toi. Il pouvait pas arrivé dix minutes plus tard celui-là ? « Elise. » « Bailey » que tu lui répond avec un sourire aussi faux que le sien, si ce n'est pas plus. Ton regard hautain se pose sur lui alors qu'il renoue sa cravate. « Un souci Elise ? » Oui, t'es arrivé trop tôt. C'est ce que tu as envie de dire. Tu voudrais pouvoir le chasser. Parce qu'il vient tout gâcher. « En fait, oui. C'est un peu embarrassant, mais t'as quelque chose ici » que tu débutes en montrant l'endroit exacte où se trouvait la marque dans son cou. « Tu devrais nettoyer ça. Ça nous laissera le temps de finir de se préparer » Le sourire narquois qui vint s'installer sur tes lèvres. Cette marque ne partirait pas. Tu le savais. Voilà la belle preuve que ce n'était pas le boulot qui l'avait retenue. Il fallait être un peu con pour être démasqué si facilement.

« Elise. »
« Bailey »

Si l'air avait pu perdre mille degrés et mille autres, ç'aurait été le cas. Elle est constamment frigorifiée Ginny, mais elle ne sera jamais autant glacée que le ton qu'ils empruntent l'un et l'autre, l'un avec l'autre. Ses yeux suivent d'instinct la silhouette de Bailey qui passe la porte, lui qui revient du boulot et qui revient surtout de l'une de ses escapades secrètes. Elle ne pointera jamais le moindre détail apparent, bien trop occupée à le couvrir de tous les moyens possible parce que lorsqu'elle s'occupe de lui, elle s'oublie elle-même parfaitement. « Désolé j'ai été pris par le travail. » elle réduit la distance entre son mari et elle la brune, sa main qui passe avec toute la douceur du monde entre ses mèches ébouriffées pour les replacer avec attention, un fin sourire rassurant qui se niche sur ses lèvres lorsque ses doigts qui tremblent un peu moins depuis qu'il est arrivé s'affairent à renouer convenablement, comme on lui a appris, le noeud défait de sa cravate.

« En fait, oui. C'est un peu embarrassant, mais t'as quelque chose ici » Elise cible un élément que Ginny avait tout fait pour nier, un parmi tant d'autres, une fissure à travers les milliers de leur mariage arrangé quoi que si parfait aux yeux des autres. Ses lèvres s'égarent sur la nuque d'un Bailey pris au piège, elle embrasse la marque laissée par sa soeur sans dire un mot à ce sujet, elle l'efface du plus beau et du plus faux masque qu'elle a en sa possession.

« Tu es magnifique. » qu'il reprend, maintenant qu'elle s'est dégagée de lui et que son sourire fait désormais écho au sien. « Un souci Elise ? » « Tu devrais nettoyer ça. Ça nous laissera le temps de finir de se préparer » elle s'esquive déjà la McGrath devenue Fitzgerald par la fatalité des choses. Ses pas la mènent au bar incrusté dans le mur de leur loft, y dégainant les bouteilles qu'elle ne touche jamais sauf pour eux, sauf pour le monde entier excepté elle. « Comme d'habitude? » elle diffuse l'attention, elle attend la confirmation des boissons avant de s'y affairer en parfaite hôte maintenant. Elle reprend contenance maintenant que Bailey est dans la même pièce qu'elles. « Saül va bien d'ailleurs? Je suis désolée, j'ai pas demandé. » le verre d'Elise fin prêt qu'elle lui tend, celui de Bailey qui suit dans l'élan. Elle a presque réussi à esquiver autant la discussion que la mise en beauté, lorsqu'elle laisse sa main attraper deux tubes de rouge à lèvres éparses, laissés sur la table basse qu'elle avait oubliés. Attendant, muette, que l'homme à qui elle a dit oui quelques mois plus tôt choisisse pour elle.

La teinte sélectionnée qu'elle passe avec une lenteur et un calcul parfait sur ses lèvres, elle se peint un peu plus Ginny, elle se camoufle avant d'embrasser avec espièglerie la joue de Bailey et y laisser une autre marque, la sienne. « C'est mieux? » son sourire de gamine qui n'arrivera jamais à trahir à quel point elle est fausse. Pas ce soir, du moins.

« En fait, oui. C'est un peu embarrassant, mais t'as quelque chose ici » Elle vise dans le mille Elise. Comme son idiot de mari, elle a toujours les yeux de partout, elle veille aux moindres détails. Elle me rappelle tout ce que j’ai toujours détesté dans cette société d’être qui se veulent bien-pensant. Et encore une fois, il va falloir récupérer le coup, ne pas faire exploser un scandale. Une fois encore, il va falloir que je joue mon meilleur rôle alors que je suis déjà si épuisé de tout cela. Comme si elle l’avait compris sans que je n’exprime quoique ce soit, Ginny s’approche de moi. Elle demande l’autorisation sans jamais lâcher mon regard. Je voudrais la stopper, mais j’en suis incapable. Alors je laisse sa main glisser sur ma hanche et ses lèvres se rapprocher dangereusement de mon cou. Je déteste cela. Je pourrais hurler. Je pourrais la repousser violemment pour qu’elle ne me touche pas à cet endroit précis. Mais c’est ce qu’elle vient faire, Ginny. Elle vient embrasser la marque pour la faire sienne et mes doigts s’enfoncent dans son bras sans que je n’en aie pleinement conscience. Ne me touche pas là Ginny. Mais c’est trop tard. Elle rattrape le coup et je la déteste pour avoir osé faire ce qui, dans le fond, nous sauvera probablement. J’inspire un coup, prends un demi second, avant de me plonger à nouveau dans mon rôle. « Tu devrais nettoyer ça. Ça nous laissera le temps de finir de se préparer » « Ce ne sera pas nécessaire. » Parce que désormais, elle va croire que c’est Ginny qui a laissé ce bleu sur ma peau. Et parce que, désormais, elle va pouvoir aller raconter à tout le monde à quel point les deux jeunes mariés sont des amants torrides et que cela en serait presque indécent. Elle aura de quoi conter à ses faux-semblants de copines tout aussi friqués qu’elle. Mais je refuse de laisser Ginny seule avec la Williams.

Je referme correctement le col de ma chemise, lisse ma veste d’une main et forme pour la centième fois le nœud de ma cravate tandis que Ginny s’affaire pour nous servir un verre. « Comme d'habitude? » Je hoche la tête et déjà me dirige vers elle pour l’aider. Je sens le regard d’Elise sur nous et pourrais en frissonner. Il y a quelque chose chez cette femme qui me hurle de me méfier depuis le premier jour. « Saül va bien d'ailleurs? Je suis désolée, j'ai pas demandé. » « Va-t-il nous honorer de sa présence ? » Ou est-il trop accaparé par son poker ou les jeunes femmes qui l’entourent ? Saül est un ‘ami’ de mon frère. Ils sont du même acabit tous les deux. Si différent de celui que je tente encore d’être, malgré tout.

Ginny se plante devant moi avec deux tubes de rouge à lèvres et le jeu prend fin l’espace de quelques secondes, il n’y a pas de faux semblant lorsque je réfléchis à ce qui lui irait le mieux et que je finis par choisir la teinte la plus claire. C’est qui lui corresponds le mieux. Je lui souris en pointant le tube du rouge à lèvre, avant qu’elle ne s’en revête et vienne embrasser ma joue. « C'est mieux? » « C’est parfait. » Mon doigt qui vient frôler le dos de sa main. Message codé pour lui assurer que je serais à ses côtés toute la soirée tandis que les pas d’Elise dans mon dos me rappellent que l’on va encore devoir jouer en public ce soir. « Tu devrais fixer ta coiffure Elise. » Que je pointe du doigt tandis que Ginny récupère son sac à main et que je bois une gorgée de mon verre. « Quel est le but de cette soirée, déjà ? » Pourquoi doit on prendre que l’on s’apprécie ? Pourquoi sortir en grande pompe encore une fois ?