Les jours se suivaient et se ressemblaient. La chaleur de l’été Australien était pour beaucoup signe de réjouissance, de ballades en ville en dégustant une glace, de pique-nique entre amis se terminant par un cercle autour d’un feu, ou d’après-midi sur la plage entre deux pages d’un bouquin et d’une baignade rafraichissante. Pour Cade, ces derniers mois n’avaient guère été aussi divertissant. Depuis qu’il avait perdu son boulot, il ne parvenait plus à relever la tête et tout lui semblait si fade, comme une toile dénuée de couleurs. Il se sentait démuni, abandonné de toute mission qui pouvait le rendre important aux yeux des autres. Et ce n’était pas Milena ou l’un de ses deux frangins qui allaient pouvoir le foutre un coup de pieds au cul. Tous avaient pris quelques jours de vacances de leurs côtés, ne se doutant pas une seule seconde du désarroi que leur ainé pouvait affronter. De toute façon, fier et têtu, Grimes était dans une sorte de dénégation qui le poussait, chaque soir depuis quelques semaines, dans l’un des pubs de la ville ou sa périphérie. Sa visite chez Savannah n’avait pas eu pour effet de lui retirer cette habitude, bien au contraire… Seul dans son petit appartement minable de Redcliffe, Cade n’avait cessé de la revoir avouer sa toute nouvelle relation. La colère se mêlait à la déception et la boisson était là encore une très bonne échappatoire pour stopper ces pensées. Il se revoyait avec elle, plongé dans une bulle de douceur et de réconfort, et tout se floutait petit à petit pour laisser entrevoir le visage de son nouveau mec… - Un scotch ! Fit-il, veste en jean noire sur le dos, en s’accoudant au comptoir et en posant ses fesses sur un tabouret haut.

La barmaid, jeune et jolie comme un cœur, ne tarda pas à le reconnaitre. Il lui adressa d’ailleurs l’un de ses plus grands sourire avant de reprendre déjà très joyeusement. – Comment ça va… Jessica ? C’est bien ça ? Elle se méfiait, l’ayant déjà vu dans des états peu appréciables. Pourtant, elle savait qu’elle devrait le servir, quoi qu’il arrive, c’était son job.  Muette, elle se contenta de lui sourire brièvement et fit claquer un verre sur le comptoir avant d’y verser l’alcool. Sans tarder, Grimes l’approcha de ses lèvres et en engloutit plus de la moitié en une seule gorgée. Ça piquait ! La première était toujours la plus dure, mais il serra les dents et regarda face à lui. Ce qu’il préférait dans ses moments, c’était observer autour de lui. Laisser le feu lui brûler la gorge et s’abstenir de réfléchir à ce qu’il allait devenir, à ce qu’il allait bien pouvoir faire de la suite. Il les enchaina. Deux, trois, puis cinq verres. La pauvre Jessica assurait son service sous son regard de plus en plus provocateur et perturbant. Les idées de Cade n’étaient plus très claires, c’était certain. Pour autant, il n’était pas encore décidé à se tirer. – Jess… un autre. S’il vous plait ! il accentua ses derniers mots, devenant très familier avec la barmaid qui commençait à hésiter, torchon et verre à pieds dans les mains. Ses jolis yeux bruns se perdaient inlassablement derrière lui. Il s’occupa donc de plonger son regard insistant dans le sien pour lui signifier sa présence. – C’est votre premier job non ? Dans ce cas, la première chose que votre abruti de patron devrait vous avoir appris, c’est que le client est roi. Et que vous devez le servir jusqu’à ce qu’il déplace son cul pour le mettre dehors, ou que le client en question dégobille sur le comptoir. Comme je n’en suis pas là… j’aimerai un autre scotch… Jessica. Elle regardait de nouveau derrière lui et semblait comme tiraillée. Finalement, une voix masculine se fit entendre. – Ca ira ma belle. Je m’en occupe. La jeune femme posa le verre désormais bien sec dans un coin et hocha de la tête avant de disparaitre un peu plus loin. Cade la suivit des yeux, et tourna enfin la tête vers celui qui pensait pouvoir le priver de son scotch. – Salut Grimes.

Un homme d’une quarantaine d’année s’installait à côté de lui, l’air de rien. Il buvait ce qui ressemblait à du vin mais qui était certainement moins fort que ce dont Cade avait besoin pour encaisser cette présence détestable. D’ailleurs, un air encore plus las se logea sur le visage de l’ex agent fédéral. – Connor. Michael de son prénom. Il tombait mal. Cade n’était pas du tout ouvert à une quelconque discussion avec lui. – T'es venu te dorer la pilule en Australie ?! L’autre manqua de rigoler à son nez. – Oh non. Je suis là parce que j’ai pris ta place Cade. Le regard noir de Grimes se posa alors sur lui. S’il avait eu un flingue à la place des yeux, Connor sera déjà au sol, baignant dans son sang. Et il se moquait, souriant et fier de venir balancer ses lauriers la figure de Cade. – Quel dommage ! Une si belle carrière ! J’ai encore du mal à comprendre comment la commission a brillamment ignorer tous tes exploits ! Nul doute que ce connard y était pour quelque chose. Depuis le temps qu’ils étaient rivaux et qu’il lui collait aux basques. – Mets la en veilleuse, J’suis pas d’humeur à écouter tes conneries. Il s’évitait de le regarder et se pinçait l’arête du nez en fermant les yeux. –Tu sais… Je suis ici depuis quelques temps déjà et j’avoue que ta… décadence fait peine à voir. Il était insupportable et ça depuis des années déjà. Grimes tourna le visage à l’opposé et tentait de garder son calme. Une chose bien compliquée avec un tel taux d’alcool dans les veines. – Regardes toi… Pauvre petit agent fédéral qui a sauvé sa belle de son bourreau de frère et qui en paie directement les conséquences. En amenant ce sujet, il risquait gros. Ça bouillonnait.  L’autre porta son verre de vin à sa bouche en continuant. – Le truc moche c’est que… tu ne pourras plus utiliser ton badge pour mettre des filles dans ton lit, mais… vois le bon côté des choses. Un héros en déclin, ça peut faire fantasmer. Il bu une gorgée tandis que Cade était toujours à sec et rêvait de lui en coller une bonne. Il avait posé sur lui un regard massacrant mais il souriait pour lui répondre. Michael observait Jessica de loin, et puis il reprit pour achever son adversaire du soir. – Je suis sûr que c’est le dada de la jolie blonde avec qui tu étais chez les Andersen !  Il fronça les traits de son visage. – Ouhh, quelle bombe tu as déniché Cade ! Tu as du t’éclater toute la nuit ce soir-là ! Voilà qui était de trop. Connor venait d’énumérer les choses qui faisaient le plus mal à Cade et son sang ne fit qu’un tour. Il bondit de son tabouret et l’attrapa par le col avant de le plaquer contre le comptoir. Les quelques personnes présentes, Jessica comprise, s’exclamèrent en voyant l’Ex agent fédéral dans une fureur incontrôlable. – Depuis combien de temps tu m’espionnes Connor ?! Tu n’as pas eu le courage de t’montrer avant et tu viens m’emmerder maintenant que la place est libre ?!

Ma vie connaissait son lot de rebondissement dernièrement. Je pensais pourtant m'être épargné ces derniers en optant pour le chemin de la facilité depuis un petit moment. J'avais eu l'impression d'en rester maître, et que je parviendrais à retrouver un quotidien loin de toute agitation. J'y étais parvenue, j'avais réussi à me satisfaire de tout ça, de ce calme,de cette avancée qui ne demandait aucune prise de risque. Mais la visite de Cade à mon appartement, après un long moment d'absence, en avait sonné la fin. Ce choix qui m'avait semblé être le plus raisonnable était remis en question sans plus attendre. Ses mots concernant notre histoire font écho dans mon esprit, m'empêchant de m'en défaire. Sa douceur, ce regard sincère qu'il m'avait offert par une proximité enivrante...Tout est là pour faire naître un sentiment de culpabilité, mais aussi de réel doute. Il était sorti de ma vie depuis un petit moment certes,mais maintenant qu'il avait fait cette brève apparition chez moi, je ne parvenais à me résigner que je faisais le bon choix. Ce manque qu'il avait créé n'en était que plus fort alors que la levée du drapeau blanc pouvait nous permettre de nous retrouver. Mon statut ne me le permettait plus cependant. Malgré les tensions qui s'installaient avec cet homme qui partageait depuis peu ma vie, et que je semblais déclencher inconsciemment par ce côté lunatique et quelque peu distant, j'étais bel et bien impliquée dans cette histoire. Cette humeur résulte également d'une autre apparition dans ma vie, le retour d'un fantôme de mon passé...

Je remonte la rue en marchant pour rejoindre le canvas, dans le seul but de pouvoir vider un verre, et possiblement me vider l'esprit par le biais de ce dernier. La soirée n'aurait pas dû se dérouler ainsi, mais l'échange que j'avais eu avec Joshua m'avait poussé à quitté son appartement un peu plus tôt, le laissant dans l'incompréhension la plus totale alors qu'il me reprochait une fois de plus mon silence et cette fuite qui s'en était suivi. J'étais la reine dans ce domaine, et bien qu'il méritait des explications, je ne me voyais pas évoquer ce qui semer le trouble dans mon esprit, puisque j'étais incapable moi-même de savoir ce qu'il en était. J'observe un instant mon téléphone que je viens de déverrouiller, prête à céder à cette envie qui me guette de façon récurrente depuis l'autre soir, d'autant que j'ai l'excuse parfaite pour la justifier, et soupire l'instant d'après en tâchant de me ressaisir. A peine la porte fût poussée, que je balaye l'endroit du regard, espérant peut-être y trouver ce que je suis venue chercher inconsciemment. Je n'aurais pas le temps de m'en assurer qu'une dispute semble éclater à proximité du bar. Les yeux écarquillés, il ne me faudra pas longtemps avant de réaliser que l'un des protagonistes se trouve être cet homme, que je suis venu chercher et qui semble perdre tout contrôle sur sa personne. Ni une ni deux, je me précipite jusqu'à eux, sans une once d'hésitation, ayant la sagesse de ne pas déposer une main sur l'épaule de Cade, qu'il interprétera à coup sûr comme une menace malgré que l'intention soit tout autre "CADE!" m'écriais-je pour le ramener à la réalité alors que machinalement, et sans mesurer la gravité que cela pourrait engendrer, mon corps est venu s'interposer entre les deux hommes, prenant conscience bien assez vite que je pourrais être la première à récolter la virulence de cet homme. "Wow...hé.Hé...hey "balbutiais-je avec douceur en tentant de capter son regard et son attention. Son regard est noir, vide de tout sentiment. Un regard que je ne lui connais pas, et qui semble presque m'effrayer. Ma main se pose sur l'une de ses épaules, espérant ainsi le pousser à ce moment d'accalmie passagère. Mais cet homme, dont je ne connais même pas le prénom, et dont je sauve courageusement le joli minois va avoir les mots de trop, assez pour relancer la tempête Grimes. Je le devine instantanément, et le geste pour me dégager de façon protectrice, mais bien brutale, va suffire à me faire abdiquer avant que je ne me mettre à crier pour espérer obtenir de l'aide. Mais je les observe, et aucun d'eux ne semble avoir le cran de se lancer réellement, soucieux de s'en prendre une. Mon regard retrouve Cade lorsque son fidèle ami du moment vient à claquer son front contre le sien, venant propulser l'ancien agent en arrière. Un geste suffisamment violent pour qu'un client vient à agripper la bête sauvage, parvenant à l'empêcher de nuire. Bouleversée par ce qui se passe, mon corps vient rapidement se mettre à hauteur de Cade, qui est plutôt mal en point. "Est ce que ça va?" demandais-je en m'efforçant de dissimuler mon inquiétude. Le patron choisit ce moment pour débarquer. "Tout le monde dehors!" lance t-il, ignorant bien les blessures que cette altercation a pu provoquer. "Attendez juste.."lâchais-je doucement pour récolter une certaine indulgence de sa part, pendant que Cade découvre les dégâts causés sur son visage. "J'ai dis dehors!" Je me pince les lèvres, agrippant Cade pour m'assurer qu'il soit en état de se relever, alors que son adversaire de ring passe la porte dans un même temps. "Okay on y va...." déclarais-je, piétinant le verre brisé pour me diriger vers la sortie. "Files moi les clés de ta bagnole, demandais-je en me tournant vers Cade, tendant la main alors que nous nous retrouvons à l'extérieur.

Michael Connor était de ces types qui prenaient leurs pieds en regardant les autres sombrer et en les piétinant après avoir patienté et parfois agit pour leur décadence. Cela faisait quelques années déjà que Cade et lui se croisaient régulièrement pour le boulot et à chaque fois, l’air hautain de son collègue, ses sourires narquois et ses agissements vicieux avaient lui avaient donné la gerbe. Et plus d’une fois il avait manqué de lui en foutre une, que ce soit devant les chefs, ou devant des victimes avec qui il s’amusait parfois. Grimes n’était pourtant jamais passé à l’acte. La jolie face de rat de Connor n’avait jamais été abîmée malgré qu’il le méritait bien mais aujourd’hui… aujourd’hui en venant le chercher ouvertement alors que ce n’était vraiment pas le moment, Mr le connard ne perdrait pas sa journée. Il se targuait de prendre la place et l’enfonçait bien comme il fallait en lui rappelant les faits mais l’ex agent fédéral, à cran depuis un petit bout de temps et hydraté de plusieurs verres de scotch ne se retiendrait pas aussi bien. Il suffit d’ailleurs qu’il enchaîne les sujets sensibles ; Son licenciement récent, Joan qu’il ne connaissait même pas, et puis maintenant Savannah dont il parlait comme s’il s’agissait d’une putain… s’en était bien trop et la bombe Grimes explosa.

Le tenant par le col d’une chemise qu’il avait dû payer une blinde, Cade avait plaqué le dos de Connor sur le comptoir et, visage complètement crispé, il le toisa en le menaçant de lui refaire le nez à tout moment. Il était clair que cet abruti l’espionnait, qu’il préparait son coup depuis plusieurs mois et qu’il venait récolter et exposer ses lauriers. Il n’aurait fait que se vanter de son nouveau poste, peut être que Cade aurait pu se contenir. Mais il était entré bien trop profond dans la vie personnelle de l’ex agent pour que celui-ci puisse rester de marbre. – Depuis combien de temps tu m’espionnes Connor ?! Tu n’as pas eu le courage de t’montrer avant et tu viens m’emmerder maintenant que la place est libre ?! L’autre n’en menait pas large. Plus fluet que Grimes, il n’était pas tellement en position de force et subissait les foudres d’un homme dont l’impulsivité était nourrie d’alcool… Cade attendait. Mais avant que Connor n’ait pu ouvrir sa bouche de vipère, ce fut une voix féminine qu’il connaissait bien qui retentit dans la salle. "CADE!" L’appelé ne réagit pas, trop emballé par sa fureur de l’instant. Et même quand le doux visage de Savannah tenta de s’immiscer dans son champ de vision, ses yeux verts restèrent braqués sur Connor. Un regard noir, vide mais néanmoins bourré de colère. Presque un animal se délectant de la crainte de sa proie avant de lui envoyer le coup de grâce. "Wow...hé.Hé...hey " Cade ne daignait pas la regarder. – Ne m’dis pas qu’en plus d’être bien gaulée, elle sait te tenir par le slip ?! Les mots de trop. D’un geste sans doute un peu brusque, il écarta la jeune femme et son poing s’écrasa sur la joue trop bien rasée de son adversaire. Grimes n’était plus là. Il n’était plus maitre de ses gestes, conduits par sa rage, il n’entendait même pas les gens s’exclamer autour de lui, et les verres se briser en tombant du comptoir. Il semblait hors de lui, prêt à l’achever sans même réfléchir, seulement, l’autre ne voulait pas se laisser humilier. Il répliqua par un coup de tête qui aurait pu péter le nez de Cade et qui l’envoya plusieurs mètres derrière. L’ex agent fédéral ne tint plus sur ses jambes alors que la douleur commençait déjà à le lancer dans le bas du visage. Il ne réalisait pas trop qu’ils étaient en train de foutre le bordel dans le bar et Savannah qui semblait inquiète passa encore inaperçu à ses yeux. "Est ce que ça va?" Il la regarda quand même, mais aucune question ne vint quant à sa présence ici, volontaire ou non. Il ne lui fournit aucune réponse avant que le patron ne sorte de sa tanière. "Tout le monde dehors!" C’était attendu. Cade n’aurait pas son dernier verre, mais il pourrait peut-être finir Connor à l’extérieur. Il y pensait encore quand Savannah l’aidait à se relever et qu’il prenait la direction de la sortie à son bras, son autre main constatant les dégâts sur sa lèvre ouverte qui saignait déjà. "Okay on y va...." .
Une fois dehors, tout le monde se dispersait en les regardant du coin de l’œil. Des pas précipités qui voulaient échapper à la suite de la baston mais curieux tout de même de voir qui vaincrait. Cade, comme sonné, ne retrouva pas Connor quand il redressa la tête. "Files moi les clés de ta bagnole" Elle était là. Et sans tous ces verres, il aurait pu discerner cette petite chaleur qui s’alluma dans son cœur. Seulement, tout lui semblait démesuré et il haussa les sourcils avec un air suffisant.  – Je n’crois pas non. Un sourire se dessinait presque sur ses lèvres. – Je m’sens en pleine forme, retournes auprès de ton fils. Fit-il, pour ne pas dire « ton mec ». Ca chauffait dans son crâne. Il contourna Savannah, et en s’essuyant une nouvelle fois la lèvre, il se dirigea vers le Chevrolet, garée un peu plus loin sur le parking du bar.

Cette soirée était définitivement merdique. Le ton avait été donné assez rapidement au sein de mon appartement, et on ne peut pas dire que je pouvais clamer mon innocence dans cette histoire. J'étais la seule et unique  responsable de tout ce qui pouvait m'arriver. Si je me torturais sans cesse l'esprit, c'est justement parce que les choix que je faisais n'étaient pas les bons, je m'apprêtais une fois de plus à foncer droit dans le mur et à en subir les dommages collatéraux ensuite. Il était évidemment bien plus simple pour moi de me mettre sur la défensive, de m'enfermer dans cette forme d’indépendance plutôt que d'oser avouer ce qui se tramait réellement dans mon esprit, et qui me rendait parfois si irritable. Je voulais faire une trêve dans ce combat que je menais, et auquel il m'était impossible de lâcher prise. Ce passage dans le bar est censé m’octroyer un instant de paix, je n'avais cependant pas deviner que je débarquerais au moment où l'ancien agent faisait une fois de plus des ravages.  Cette scène me surprend t-elle? Pas tant que ça. La dernière fois que nos chemins s'étaient croisés, il était apparu une marque similaire à celle qu'il pourrait récolter sous mes yeux ahuris, bien qu'il semble visiblement en position de force. J'aurais très bien pu le laisser s'enfoncer dans cette mauvaise conduite, sachant pertinemment que je ne parviendrais pas à le ramener à la raison, mais j'en étais tout bonnement incapable. Et même si je m'apprêtais à récolter à mon tour les méandres de sa fureur, j'étais bien celle qui avait le courage de les arrêter, en se glissant maladroitement entre leurs deux corps, mais surtout en faisant face à celui qui avait prit pas mal de place dans ma vie depuis mon retour en Australie. La tension entre les deux hommes est palpable, et mon rythme cardiaque se retrouve mis à mal en devinant les conséquences de cette folie passagère. Cade ne prend même pas la peine de croiser mon regard, préférant concentrer son attention sur son bourreau du moment. Ce dernier, qui semble être parvenu à le rendre hors de contrôle va d'ailleurs le relancer, profitant du bouclier humain que je représente physiquement " – Ne m’dis pas qu’en plus d’être bien gaulée, elle sait te tenir par le slip ?!" Mes yeux s’écarquillent, mais c'est déjà trop tard. Mon corps se retrouve délibérément écarter de la scène pour laisser place à une violence inouïe. Je suis paniquée, incapable de deviner ce qui parviendra à les arrêter, si ce n'est le coup de trop. Les bruits qui découlent de cette altercation sont un supplice, et je tente d'en assurer la fin en demandant l'intervention d'autres personnes, qui seront plus à même à contrôler leur force masculine. C'est pourtant un coup de tête particulièrement virulent qui viendra à accorder un moment de répit. Moment parfait pour empêcher que l'adversaire de Cade ne vienne à profiter de sa faiblesse en l'achevant par une nouvelle attaque, alors que ce dernier se trouve désormais démuni sur le sol. Je m'empresse de le rejoindre, observant les dégâts causés sur son visage avec une certaine inquiétude. Ma main se pose machinalement sur son épaule, fronçant les sourcils face à la douleur  qu'il doit éprouver. Il n'a pas été épargné. Un coup d'oeil vers le perturbateur, qui semble tout aussi amoché, et voilà que nous sommes priés de dégager les lieux, sans une seule once de compréhension. Je l'aide à se relever, probablement abattu par l'intensité du moment, ou l'alcool qui inonde sans aucun doute ses veines, va savoir... Il semble plus solide que je ne l'imagine, soulageant après quelques secondes mon épaule pour vouloir se défaire de mon aide. Mon corps précède le sien face à la sortie, profitant de l'air frais pour tenter de me ressaisir. J'ai clairement besoin de prendre du recul et de dédramatiser tout ça...Je me tourne vers Cade, qui a un instant, arrêter la marche pour observer les alentours, prêt à se lancer dans un second round. Fort heureusement, celui qui est responsable de la blessure qu'il arbore a décidé de mettre les voiles, laissant flotter un sentiment de soulagement. Mes lèvres se pincent avant de demander à cet homme -que je reconnais pas- ses clés de voiture. "– Je n’crois pas non." Mon regard se perd dans le sien, laissant apparaître  un calme apparent. L'amusement me fait défaut là tout de suite. "Je m’sens en pleine forme, retournes auprès de ton fils." Un souffle irrégulier pour illustrer mes pensées alors qu'il s'éloigne, persuadé d'être apte à prendre le volant en s'approchant de sa voiture. Il ouvre la portière conducteur lorsque je viens d'un geste vif et excessif, refermer cette dernière par la force d'un coup de bassin, me dressant une fois de plus devant l'objet de sa convoitise. Mon regard menaçant confronte le sien, révélant ce caractère incontrôlable qu'il ne va pas apprécier. "J'pense pas avoir formulé une question!" lançais-je la mâchoire serrée. "Files moi tes clés "articulais-je volontairement pour qu'il perçoit la menace qui sommeille derrière tout ça. Derrière cette impression de vouloir le materner se cache surtout un besoin de contrôler la situation, d'éviter le pire. Je suis bien placée pour savoir que la vie ne tient qu'à un fil, et ce soir, Cade n'est véritablement pas disposé à rentrer sans mettre en danger la vie d'autrui. Alors tant pis si je viens à mettre un coup à son égo, mais il devra s'y résigner. Je ressens au delà de ça, le besoin d'être présente, parce que j'ai contribué certainement d'une façon ou d'une autre à sa chute moi aussi. Et parce que j'ai ce sentiment étrange que ma place n'est nulle part d'autre ce soir. Un long échange de regard pour savoir lequel de nous sera capable de résister à la pression. Je ne cède pas.

Comment pouvait-il en être autrement ? Croiser Connor dans un tel contexte et dans un tel état, c’était signer au bas d’un contrat qui évoquait clairement une baston. Et que dire du paragraphe sur les quelques verres de scotch que Cade avait avalé avant son arrivée surprise ?! Depuis toutes ces années, l’ex agent fédéral avait rêvé de lui en coller une bonne et il s’était estimé bien assez patient en l’écoutant balancer ses conneries. Sa rage n’avait pas fait qu’amplifier, elle avait pris le pas sur tous ses autres sentiments et il ne voyait qu’une seule chose : Son poing dans la face de cet abruti, pour le faire taire, pour lui montrer qu’il aurait peut-être sa place mais pas sa vie ! Savannah qui sortait d’il ne savait trop où passa d’abord inaperçu. Mais bien qu’il ne quittait pas Connor des yeux, Grimes entendait cette voix féminine, un peu tendue sur le moment, qu’il connaissait et adorait la plupart du temps. Il serrait les dents, toisant l’autre avec une hargne pour l’instant contenue. Et puis, s’en était trop. Quand il évoqua Savannah encore une fois, Cade ne pouvait retenir cet instinct presque animal qui était en lui et l’amocha dans un bruit sourd, en épargnant cette brutalité à la jolie blonde. Le spectacle n’en était pas moins insoutenable. Pour elle, et sans doute pour le reste des gens qui se trouvaient là et qui n’hésitaient entre la peur et l’agacement de voir leurs petites soirées tranquilles se transformer en un tableau bien plus mouvementé.

Bien qu’il soit plus fluet que l’ainé Grimes, Connor répliqua de façon efficace. Ce coup de tête dans les dents renversa la tendance, éloignant Cade de plusieurs mètres et le laissant déjà avec un goût de sang dans la bouche. Le regard tempétueux, il l’observa une seconde avant que Savannah ne l’aide à se relever pour quitter les lieux, selon les ordres du patron. Tout le monde partait, la salle se vidait. Il n’avait d’autre choix que de suivre mais il ne renonçait pas pour autant. Dehors, il le chercha des yeux. Cet enfoiré qui devait avoir la mâchoire démontée de son côté ! C’est la jolie blonde qui le ramena très doucement à la réalité…et aussi cette douleur qui le lançait sur la lèvre. Il finit par poser des yeux brillants sur elle. Ses clés de bagnole ?! Plaisanterie ! Elle ne pouvait pas lui demander ça, elle savait bien ! Sans aucune rancœur dans la voix, Cade refusa son aide et se dirigea vers la Chevrolet lustrée mais presque imperceptible dans la nuit noire. Il ouvrit la portière, prêt -ou pas- à prendre la route pour aller se vautrer dans son pieu. Ou s’arrêter dans le prochain bar qui retiendrait son attention…

"J'pense pas avoir formulé une question!" Elle se tenait là. Elle lui faisait la leçon alors que ce n’était franchement pas le soir. "Files moi tes clés " Ses yeux dans les siens, il se mit à rire pour lui-même, et leva la tête vers un ciel plus couvert que d’ordinaire. – Pourquoi il faut toujours que tu te pointes quand justement j’essaie de t’sortir de ma tête ?! Malgré l’air sérieux de Savannah, Cade n’était pas décidé à lui obéir. Il restait volontairement loin d’une réalité qui lui paraissait si difficile ces derniers temps mais néanmoins on ne peut plus proche. L’alcool était parfait pour délier les langues et faire triompher la vérité non ?! – Rien n’a changé Savannah ! Hormis le fait que j’me fasse chier, je mange toujours aussi mal, je déteste qu’on me prenne pour un con, je picole comme un trou et je rentre chez moi… tout seul comme un grand. Il attendit de voir l’expression sur ce si joli visage pour sourire à nouveau malicieusement. Il finit par froncer les sourcils et grimacer en ajoutant ironiquement. – Non attends… en fait, y’a une chose qui a changé ! Je m’suis fait jeté par une nana l’autre soir ! Elle se sera reconnue dans ses propos, bien entendu. Après s’être rendu compte que le niveau de sa connerie était peut-être trop élevé, l’expression sur son visage redevint neutre petit à petit. Il était au fond du trou. Savannah avait déjà dû s’en rendre compte. Il n’était pas nécessaire d’en rajouter une couche ! Un tintement clair, Grimes sortait les clés de la poche de sa veste et, abdiquant contre son gré, il les tendit au bout de son index en soupirant. – Bien. En avant Schumacher ! Il lui faisait confiance. Depuis longtemps. Ceci en était une preuve irréfutable. N’ayant pas l’habitude de contourner sa propre voiture pour s’installer côté passager. Cade resta silencieux en s’enfonçant dans le siège de cuir. Il posa un coude sur le rebord de la fenêtre et s’essuya la lèvre sans oser affronter la réaction de la jolie blonde. Avait-il honte de ses actes ?! Pas encore. Il baignait trop dans l’alcool et l’écho des mots de Connor pour redescendre.

Cette rencontre, qui pourrait paraître hasardeuse, est loin de ressembler aux autres. J'ai parfois réussi à récolter sa fureur, mais celle qui l'habite à cet instant précis est bien plus tenace, bien plus dangereuse aussi. Ma présence face à lui, qui le sépare de son ennemi du moment ne suffira même à le ramener à la raison. Je m’évertue pourtant de tout mon être pour qu'il faiblisse, qu'il ne se laisse pas dépasser par cette colère, qui résulte aussi d'une grande quantité d'alcool ingurgitée au cours de la soirée. Il doit surpasser tout ça. J'ai bien peur que cette fois, ce lien particulier qui nous unit soit insuffisant pour le remettre dans le droit chemin, et l'instant d'après, je me retrouve à assister à cette scène qui est d'une violence sans nom. C'est le coup qu'aura reçu l'ancien agent qui viendra à clore ce duel. Je m'empresse de m'assurer de son état, et sans même que nous ayons le temps de reprendre non esprits, nous sommes priés de quitter les lieux sans plus attendre.

Une partie de moi est soulagée de passer cette porte, même si l'attitude de Cade laisse apparaître une envie certaine que de vouloir poursuivre les hostilités en dehors de ce bar. Inutile, puisque la source de sa fureur n'est plus à portée de main. Une victoire en soi. Il est temps pour nous d'en faire autant, et naturellement, je viens à demander les clés du petit bijou qui l'a amené jusqu'ici. Sa réaction ne parvient pas à adoucir les traits de mon visage, laissant apparaître un sérieux à tout épreuve. Bousculé dans sa fierté, il cherche à garder le contrôle en s'éloignant, n'imaginant pas un seul instant que je puisse revenir à la charge. Mon regard défie le sien, témoignant d'une confiance absolue pour oser le confronter. Je n'abandonnerais pas. Ce n'est pas une option cette fois-ci, ca n'a rien à voir avec qui rabaisse l'autre, et même si je dois m'assurer de balancer ces foutus clés dans un caniveau pour l'empêcher de conduire, je le ferais. "– Pourquoi il faut toujours que tu te pointes quand justement j’essaie de t’sortir de ma tête ?! " Je retiens ma respiration, consciente que je ne suis peut être pas la meilleure personne pour lui venir en aide ce soir. Des mots qui témoignent de l'attachement qu'il éprouve à mon égard, malgré ce sourire ironique logé sur ses lèvres, et qu'il semble exprimer plus facilement depuis cette fameuse dispute. La question, c'est pourquoi? " – Rien n’a changé Savannah ! Hormis le fait que j’me fasse chier, je mange toujours aussi mal, je déteste qu’on me prenne pour un con, je picole comme un trou et je rentre chez moi… tout seul comme un grand." Je détourne le regard, forcée de dissimuler mon irritabilité du moment. C'était loin d'être bien glorieux. "Bravo, j'suis fière de toi!"Je me pince les lèvres pour tenter de ne pas céder à cet appel, ce besoin qu'il a de vouloir m'embarquer dans sa folie. – "Non attends… en fait, y’a une chose qui a changé !"Mon regard s'autorise à retrouver le sien, avec une certaine appréhension. "Je m’suis fait jeté par une nana l’autre soir !"Un air désemparé que je ne contrôle pas, malgré toutes mes bonnes intentions que j'y mets jusqu'à présent. Il n'imaginait pas une seule seconde les répercutions que sa visite dans mon appart' avait provoqué dans ma vie également, mais rien ne servait d'en parler. Je m'enfonce dans le silence, contenant des mots qui pourraient nous lancer dans une discussion que je ne suis pas en mesure de vouloir avoir avec lui tout de suite. Un silence gagnant alors qu'il lève l'index, agitant les clés sous mon regard comme s'il s'agissait d'un trophée. "– Bien. En avant Schumacher !" Je les agrippe fermement, ne lui laissant pas la possibilité de revenir sur sa décision. Il contourne la voiture, me laissant l'opportunité de soupirer pour me défaire de cet état de faiblesse. Je l'observe après avoir mit le contact, remarquant cette indifférence ultime de sa part. Pas un seul regard. N'a t-il pas saisi que j'étais de son côté? Le trajet se déroule dans les mêmes conditions. Je n'éprouve pas le besoin de parler. J'ai ces images qui défilent dans ma tête, qui ont précédé notre balade, les feux des phrases qui éclairent mon visage me sortent régulièrement de mes pensées. Qu'allait-il se passer après ça? Je n'en avais pas la moindre idée.... J'avance instinctivement vers chez lui, jetant parfois un coup d'oeil de coin pour guetter son comportement.

La porte d'entrée s'ouvre, il appuie sur l'interrupteur, laissant apparaître un endroit quelque peu laissé à l'abandon, qui s'associe très bien à son propriétaire. Je tente de cacher toute réaction qui serait susceptible d'être mal perçue, et me dirige vers le frigo, avec un naturel déconcertant. Cet appareil électrique ne sert donc qu'à rafraichir quelques bouteilles de bière. Okay, je ne juge pas, non. J'en attrape une, et me dirige vers Cade qui est venu s'installer dans le canapé. La main tendue vers lui, je viens cependant apporter une petite précision. "Tiens....Pose ça sur ta lèvre." déclarais-je d'une voix posée, alors que je le délaisse quelques secondes pour trouver un torchon que je viens humidifier, pas certaine de trouver de quoi désinfecter dans le coin. Je reviens auprès de lui, tirant sur la table basse pour la rapprocher du canapé, et ainsi me permettre de lui faire face en m'installant dessus. "Allez, approches toi Rocky" . Calé dans le fond de son canapé, il se redresse légèrement, réduisant cet espace entre nous, assez pour que je vienne à sentir une sensation étrange dans le ventre. Ma main vient se déposer sur sa nuque, l'autre se charge de nettoyer la plaie avec une extrême douceur, mais pas suffisamment puisqu'il vient à laisser échapper un souffle de douleur, qui accompagne une grimace passagère. "Désolée..."murmurais-je en croisant son regard. L'espace d'un instant, je parviens à oublier tous les derniers événements qui ont pu se produire entre nous, faisant naître cette envie de retrouver ces moments si légers que nous avions l'habitude de partager. "Tu prépares donc ta nouvelle carrière?" Référence à ce qui n’amenait chez lui ce soir et qui fait naître un léger sourire sur mes lèvres. " Tu n'l'as pas épargné non plus." lançais-je en m'occupant de panser cette plaie qui venait abimer sa jolie bouche. "Avec un peu de chance, il n'aura pas de femme bien gaulée pour le remettre en état lui" Un sourire malicieux, en référence à ce qui avait semble t-il eu raison de l'ancien agent, seule remarque j'avais pu entendre entre eux. "Un copain à toi?" demandais-je l'air de rien. Au vue de la situation, cette dispute ne pouvait se résumer à un duel pour obtenir les faveurs de la serveuse, j'avais du mal a y croire en tout cas

Grimes avait déjà été nettement plus déchiré qu’il ne l’était ce soir-là. Il se souvenait d’ailleurs de cette cuite qui l’avait amené à louper son plumard pour se réveiller une dizaine d’heures plus tard, la face contre la moquette de sa chambre et la tête en vrac. Il avait d’ailleurs passé le plus clair de sa journée dans l’obscurité, en essayant de ne plus se préoccuper de ce bourdonnement incessant dans ses oreilles. Il n’était pas aussi perdu mais bien assez pour que tout ce qui lui passait par la tête atteigne sa bouche et sorte sans retenue. Ainsi, il n’en fallu pas longtemps pour qu’il fasse culpabiliser la seule personne qui lui venait en aide, et sans aucun doute une des seules à pouvoir le raisonner malgré tout, en dévoilant son omniprésence dans ses pensées. Depuis qu’elle lui avait avoué fréquenter quelqu’un d’autre alors même qu’il était prêt à bannir toute forme de jeu pour se lancer dans quelque chose de plus sérieux, Cade tentait de voir autre chose. Qu’elle et tout ce qu’elle pouvait faire avec lui, tout ce qu’ils auraient pu être, n’encombrent pas le flux médiocre de ses réflexions. Et sans plus attendre, il poursuivait en lui rappelant qu’il pouvait s’occuper de lui-même malgré le piteux état dans lequel il se trouvait. Au-delà de cette question d’ego qui flottait au-dessus de ses mots, il s’agissait là de véritables plaies qu’il n’aurait probablement pas avoué de façon sobre.

"– Bien. En avant Schumacher !" Une petite minute avait suffi pour qu’il constate l’expression désabusée sur le visage de Savannah. Il consentit finalement à lui confier les clés de sa voiture, se rendant vite compte qu’après ça, la route lui semblerait longue et semée d’embuches s’il conduisait… Il fallait que la pression redescende. Et pour ça, il fallait qu’il la mette en veilleuse. Le trajet resta silencieux, Cade avait les yeux rivés sur la fenêtre, coté passager, tel un adolescent prit en flagrant délit et raccompagné illico à la maison. Les réflexions de Connor revenaient inlassablement, ce qu’il venait de balancer à Savannah aussi. Il se sentait con et cette hargne se retournait contre lui-même. L’ex agent fédéral tenait encore sur ses jambes quand il passa le seuil de sa porte et qu’il alluma le petit salon où trainaient des vêtements, des tasses de café pas lavées et d’autres papiers divers et variés. Il alla directement se vautrer sur le canapé et se passa une main sur le visage. Il n’y verrait pas plus clair, ça, c’était le boulot de la nuit qui arrivait. "Tiens....Pose ça sur ta lèvre." Pourquoi elle était encore là ?! Pourquoi elle ne s’était pas contentée de le raccompagner devant l’immeuble ? Après tout, elle avait sans doute autre chose à faire que de l’aider à cuver son alcool… Cade saisit la bouteille de bière et hésita d’abord à la poser contre sa lèvre endolorie. Finalement, l’effet du froid là-dessus lui fit un bien fou. Un anesthésiant de fortune qui lui picotait légèrement la lèvre inférieure. "Allez, approches toi Rocky" Bien trouvé cette comparaison ! Grimes approcha ses fesses du bord du canapé et se laissa faire sans rechigner. Enfin…presque. Il ne put retenir une grimace et un petit grognement quand elle toucha la plaie. "Désolée..." Non. Elle n’avait pas à l’être. Si ça faisait mal, il ne pouvait qu’être reconnaissant qu’elle soit encore là. Muet, il rencontra son regard. Il lui semblait moins accusateur, moins lourd de sensibilité. Il retrouvait Savannah Williams malgré le contexte.

"Tu prépares donc ta nouvelle carrière ?" Il ne pouvait pas sourire mais à l’intérieur, ce sarcasme lui plut beaucoup. – J’ai un certain potentiel si on ferme les yeux là-dessus. Fit-il en désignant d’un geste très bref sa bouche qui allait porter une vilaine cicatrice pendant plusieurs jours. " Tu n'l'as pas épargné non plus." Elle s’était interposée mais n’avait pas empêché cette explosion de violence dont il l’avait épargné jusqu’ici. Même lors de cette partie de Poker où elle s’était vue menacée par des mafieux, il était parvenu à se contenir bien mieux que ça. "Avec un peu de chance, il n'aura pas de femme bien gaulée pour le remettre en état lui" Connor était un abruti qui savait taper au bon endroit. Rien que de l’imaginer poser les yeux sur Savannah, il avait déjà envie de lui en coller une autre. – Non par contre il a déniché un très bon poste cet enfoiré ! Il n’en revenait pas. Ce connard était venu lui agiter les lauriers devant le nez et avec ça, il s’était permit d’évoquer les mésaventures de sa vie personnelle. Il recula en serrant les dents. Ce nouvel excès de colère venait de lui soulever la douleur dans sa lèvre. "Un copain à toi?" Cette fois, un petit sourire faussement amusé se dévoila. – Un admirateur ! Commença-t-il avec un ton ironique avant de poursuivre plus sérieusement. – Connor a toujours été une belle ordure mais maintenant qu’il est à ma place, il se pavane avec sa couronne sur la tête ! Grimes soupira. Le pire, ce n’était même pas le boulot mais bien tout ce qu’il avait lancé par la suite. – Il était chez les Andersen… Aborder cette soirée, c’était comme expliquer à Savannah que Connor n’avait pas été tendre et qu’il était derrière ses basques depuis quelques temps déjà. – Et apparemment, t’es plutôt son genre ! Les mots qu’il avait employé pour qualifier la jolie blonde étaient sans équivoques. L’ex agent fédéral baissa la tête, son regard se perdit dans un vide qui lui paru titanesque et puis, avant de sombrer, il releva les yeux sur Savannah. – J’suis désolé… cinq secondes de silence et il continua. - … Pour c’que j’ai dit tout à l’heure. Woaw, Cade Grimes qui s’excusait ?! L’effet de l’alcool, probablement.

Pensais-je avoir la faculté de le raisonner dans ce moment de folie? Pas le moins du monde... J’espérais cependant provoquer un miracle, qui serait en mesure de l'épargner, et j'étais surtout incapable d'observer ça sans rien faire. Ma veine interruption aura peut être été un échec, en attendant c'est ensemble que nous retrouvons un semblant d'air frais en passant la porte du bar. J'aspire le savoir chez lui, loin de tout débordement, et m'empresse de jouer les anges gardiens pour atteindre ce but. Mais ce cher Grimes n'est pas si docile, encore moins lorsque l'alcool a rythmé une bonne partie de sa soirée... Il faudra donc que je fasse preuve de persévérance pour l'affronter, osant lui donner un bref aperçu de ce qui pourrait l'attendre s'il venait à refuser à nouveau, sans jamais sourciller. Ces quelques mots qu'il va pourtant avoir vont pourtant parvenir à me déstabiliser. Une volonté de sa part, sans aucun doute. Est-ce les effets de l'alcool qui le rendent soudainement bavard à mon sujet? Lui qui n'a jamais réellement pris le temps d'exprimer ce qu'il pouvait penser de nous, ou même de moi? J'y décèle certains messages, que j'aurais pu apprécier entendre dans un autre contexte, mais la situation ne me le permet pas, je reste silencieuse, convaincue que je ne ferais qu’attiser le feu d'avantage. Il se range finalement, acceptant que je me charge de le raccompagner à bon port. Dans la voiture, ce silence que nous nous imposons me permet de songer à tout ce que j'ai pu entendre ou voir ces dernières minutes, essayant de me persuader de l'innocence de cet homme à mes côtés.


En passant la porte, je retrouve cet endroit, qui semble bien différent des dernières fois où j'ai pu m'y retrouver. L'état général laisse à désirer et dénonce un laisser-aller finalement peu surprenant. Je n'y accorde finalement plus d'importance, préférant me concentrer sur les premiers soins que je pourrais apporter à Cade, qui semble avoir déjà déclarer forfait sur le canapé. Par une bienveillance certaine, je viens plaquer le tissus sur sa bouche, remarquant l’étendue des dégâts par cette distance réduite alors qu'il semble pour une fois disposé à se soumettre à mes demandes. Mes doigts effleurent le haut de sa nuque, à la naissance de ses cheveux pour avoir un appui suffisant pour nettoyer sa blessure, une tâche qui s'annonce quand même tumultueuse au vue de l'ouverture de la plaie. Hésitante, ayant l'impression qu'il pourrait me demander d'un moment à l'autre de déguerpir, n'y voyant là qu'une provocation de ma part, je l'observe silencieusement dans un premier temps. Mais la raison de ma présence ici est tout autre, et je parviens probablement à lui avouer à travers ce regard que nous échangeons un court instant. Je suis là pour lui, je n'en ai peut être pas donné l'impression ces dernières semaines, mais contre toute attente, il peut définitivement compter sur moi, même si sa fierté l'empêchera de retenir cette idée et d'en profiter pleinement.


Pour parvenir à l'apaiser, je m'emploie à prendre un ton plus léger, un humour qui a souvent été la clé de toute cette histoire et qui parviendra peut être à le faire baisser les armes face à moi. " – J’ai un certain potentiel si on ferme les yeux là-dessus." Je détourne le regard de ses lèvres jusqu'à son regard, ravie de voir qu'il est réceptif à mes bonnes intentions. " Il y a quand même encore pas mal de travail à fournir..." Je hausse les sourcils, m'efforçant de rester sérieuse pour dissimuler un léger amusement. Une constatation pourtant bien sincère s'en suit, forcée de constater que sa silhouette, jusque là bien entretenue n'est pas qu'un leurre, et qu'il peut se montrer redoutable. " Tu n'l'as pas épargné non plus." Je viens replier le tissus sur lui même, parvenant à trouver une surface plus propre pour frotter le sang séché sur sa peau en énonçant la seule remarque que j'ai pu entendre, et qui a provoqué cet excès de violence démesurée chez Grimes. "– Non par contre il a déniché un très bon poste cet enfoiré ! " Cette colère semble refaire surface alors qu'il me confie la source de cette fureur passée. Je l'observe brièvement, pas certaine que le moment soit idéal pour poursuivre cette discussion, mais tente malgré tout d'en connaître l'origine. Je n'aurais pas parié sur une entente profonde, de vieux amis, mais ça ne ressemblait pas plus à une amitié créé ce soir là autour de quelques verres. Ce semblant de sourire chez lui, si faux soit-il, parvient à m'apporter un certain réconfort.  "– Un admirateur !" Je hausse les sourcils, empruntant un air tant surpris qu'amusé. "T'en as d'la chance" . Ce sourire légèrement moqueur s'estompe pourtant bien assez vite face à cette confession "– Connor a toujours été une belle ordure mais maintenant qu’il est à ma place, il se pavane avec sa couronne sur la tête !"  Okay. Here we are. Un ancien collège, débarqué de je ne sais où, pour susciter l'agitation de l'ancien agent et en récolter les terribles conséquences.  "– Il était chez les Andersen…" L'attention que je portais à nouveau sur ses lèvres fût compromise par cette simple révélation. Les Andersen....Cette soirée dans laquelle j'avais accompagné Cade, avec une couverture toute ficelée par ce dernier et qui avait laissé apparaître les premières tensions entre nous. Après avoir découvert le passé obscure de cet homme, j'étais parvenue à en comprendre l'attitude qu'il avait eu ce soir là dans le bureau, et qui était d'avantage justifiable, mais ca n'effaçait pas ce que les autres avaient pu percevoir à travers notre binôme. Heureusement pour nous, c'est ce moment qui avait eu lieu dans l'antre de ce bureau qui avait laissé apparaître les moments de faiblesse. Il n'empêche que je n'en restais pas sereine. Ma présence auprès de ce cher Grimes aurait t-il eu un impact sur ce qui s'était passé quelques minutes auparavant dans ce bar? "Oh". Le seul son capable de sortir de ma bouche sans qu'il n'engage une réellement question ou un avis.  "– Et apparemment, t’es plutôt son genre !" Je hausse les sourcils, prête à dissimuler la moindre émotion à cette nouvelle. Je m'autorise une sorte de souffle pour concéder un léger rictus "Et alors, tu comptes refaire le portrait à chaque homme qui osera aborder mes atouts?" Je retrousse légèrement les lèvres, souhaitant lui faire comprendre que l'idée était tout simplement stupide et espére également partager mon amusement. Mon physique pouvait être un point fort, l'effet blonde pulpeuse, mais m'avait parfois amené des regards bien moins agréable à supporter. C'était malheureusement ainsi, et Cade ne parviendra pas à changer cette donne, qui importune d'ailleurs une majorité de femme sur cette terre, malheureusement. Je semble perdre Cade un instant, et ce relâchement me pousse à jouer avec ce tissus que je détiens entre les mains,  baissant le regard sur ce geste que je répète machinalement, mon corps est toujours à proximité du sien, mes jambes ayant trouvé refuge entre les siennes pour le besoin de cette scène. Le son de sa voix va me pousser à relever le visage et affronter son regard. "– J’suis désolé…"  Les raisons restent assez floues dans mon esprit, notre relation s'étant étendue assez longtemps pour laisser une palette bien trop importante  "- … Pour c’que j’ai dit tout à l’heure. " J'apprécie ces excuses et décèle une sincérité à toute éprouve à travers ce contact visuel. Je m'en enivre, forcée d'avouer que, le temps et cette image peu flatteuse qu'il m'avait offerte ne suffisaient pas à me rendre si insensible à ce qu'il dégage. "Ca va"  énonçais-je dans un souffle, il n'était pas obligé de faire ça. Je n'étais pas là pour le blâmer, bien au contraire, je savais que certaine situation pouvait nous pousser dire ou faire des choses que nous regretterions après. Mon regard se ballade à travers le sien. "Je veux juste m'assurer que tu vas parvenir à te défaire de tout ça.." Une légère moue pour appuyer mes dires.

Filer les clés de sa Chevrolet chérie était un exploit que Cade n’aurait pas réalisé si ça n’avait pas été Savannah en face de lui. Il ne comptait plus les fois où, bien alcoolisé, il était parvenu à ramener ses fesses, saines et sauves, jusqu’à son appartement. Non sans quelques abus sur l’accélérateur, ou sur les mots employés à l’égard de quiconque tenterait de lui faire une queue de poisson…mais il n’avait jamais eu besoin de quelqu’un pour le raccompagner comme un adolescent qui n’était plus capable de penser. Au-delà d’avoir du mal à confier le volant de son bijou, c’était juste l’image que ça renvoyait qui ne lui plaisait pas du tout. Depuis qu’il était en âge de conduire, Cade était autonome et son égo pouvait bien souvent le pousser à l’être de façon déraisonnable. Côté passager, il n’avait pas pipé mot. Pas même une remontrance sur la façon dont Savannah écrasait la pédale de frein ou la manière dont elle empruntait ses virages. Il était emmuré dans son alcool, dans les commentaires de Connor et dans cette hargne qui descendait petit à petit, à mesure qu’ils approchaient de son immeuble de Redcliffe.

La plus grande pièce de l’appartement reflétait à elle seule l’état végétatif dans lequel Grimes évoluait depuis quelques semaines. Des verres posés par ci par là trahissaient même quelques moments de pures faiblesses où, seul, il avait entamé puis vidé une ou deux bouteilles. Se sentant un peu fébrile après ce coup sur sa mâchoire, il se laissa tomber sur son canapé en redoutant presque le moment où la jolie blonde allait claquer la porte en lui rétorquant qu’il n’avait qu’à cuver son alcool sans elle. Il l’aurait presque mérité. Cependant, elle était là, à poser un torchon humide sur sa lèvre endolorie qui saignait quasiment jusqu’à son menton. Il la regardait… il ne pouvait pas en être autrement. Soit elle le considérait comme un très bon ami qu’on ne laisse pas dans la merde. Soit elle n’avait pas tourné la page sur leur relation, aussi compliquée était-elle. Quoi qu’il en soit, il retrouvait là ce petit quelque chose qui les liaient dans ce regard attentionné qu’elle posait sur lui au moment où ils engagèrent la conversation. La plaisanterie était même de mise. Chose qui avait clairement disparu depuis leur dernière nuit ensemble.  L’ex agent fédéral, sans entrer dans les détails, lui expliqua les raisons de sa réaction violente. Il lui présenta Connor sans prendre de gants et de toute façon, il n’y en avait pas à prendre quand il s’agissait de cet enfoiré. Cade fit l’impasse sur la partie Joan pour brosser le portrait d’un ex collègue fûté qui avait mené sa barque jusque chez les Andersen ; C’était là qu’il avait pu rencontrer Savannah et l’utiliser pour le faire monter en pression. Peut être même qu’il avait été cafté aux grands chefs que l’agent Grimes se pointait en compagnie d’un charmant mais faux binôme… "Et alors, tu comptes refaire le portrait à chaque homme qui osera aborder mes atouts?" Oui... non !... Cade se surprenait à ressentir une once de jalousie alors qu’il était plutôt adepte du allez-viens-on-en-discute-ensemble lorsqu’il s’agissait de vanter le physique de jolies jeunes femmes. Ses yeux vitreux restèrent figés sur elle, il s’en sentait coupable. - J’en sais rien. Peut-être bien… ! Il savait parfaitement que s’il rechopait un type qui parlait d’elle comme ça, il lui ferait bien comprendre que c’était le moment de la fermer, bourré ou pas.

En parlant d’alcool, ouais… Cade avait bien bu ce soir. Il avait chaud et Connor avait été la goutte d’eau. Peu lui importait, il n’avait plus rien à foutre en l’air, tout partait déjà en vrille. C’était donc presque naturellement qu’il s’excusa auprès de Savannah, se laissant aller dans un tourbillon de sincérité qu’il avait très peu démontré avec elle. "Ca va. Je veux juste m'assurer que tu vas parvenir à te défaire de tout ça.." Il laissa échapper un semblant de rire jaune. Elle voulait « juste s’assurer ». Alors c’était ça… elle prenait soin de lui juste pour l’aider à traverser cette période peu réjouissante ? Grimes ne s’arrêta pas là. – La vérité c’est que…. Je m’suis trop attaché à ce boulot, comme j’me suis trop attaché à toi. Il le reconnaissait. Il le réalisait. Ses sentiments pour Savannah avaient été bien difficiles à admettre mais ils étaient encore plus dur à ranger. – J’vais sans doute fracasser encore une ou deux tronches et recevoir des menaces de mort, mais… j’vais y arriver. Ses yeux verts étaient plantés dans ses iris bleus et il posa sa main sur celle de Savannah. Tout doucement, il lui retira le torchon et le saisit dans un tension irrésistible pour prendre la relève et finalement, son regard se détacha du sien. – Merci pour ton aide Sav’.

Il se leva et compressa sa plaie en contournant le canapé. Le vibreur d'un téléphone l'interpella. Ce n'était pas le sien. Il se tourna vers la jeune femme qui guettait le nom inscrit sur l'écran de son portable. - C'est sérieux. Entre vous... ? Il imaginait qu'il s'agissait d'une tentative d'appel de son nouveau cher et tendre, probablement inquiet de ne pas avoir de nouvelles, ou déjà en train de la fliquer pour savoir où elle était et avec qui...

Mes gestes s'enchainent dans cet appartement, au travers d'une attitude des plus naturelles. Ma présence dans ce lieu n'a pourtant pas été si récurrente, mais chaque fois que j'ai pu m'y retrouver, le jeune homme a toujours fait en sorte que je m'y sente bien, et au delà de sa volonté, je suis parvenue moi-même à lui trouver un sentiment de confort et de sécurité. Pourtant, il n'est clairement pas présenté sous son meilleur jour, la tempête Grimes ayant causé quelques dégâts sur son passage qui ne sont heureusement pas irrémédiables. Je n'y prête pas plus attention, préférant me concentrer sur mon inquiétude du moment, le propriétaire en question. Je l'entends déjà râler, monsieur l'indépendant, cet éternel solitaire qui n'attend l'aide de personne, je l'imagine prendre sur lui pour ne pas vouloir me foutre à la porte. Contre toute attente, il me surprend par une attitude pacifique, me laissant donc le loisir de soigner ses maux, ou du moins, d'essayer de les soulager. Cette proximité n'est pas anodine, pas pour nous, pas avec ce passé qui nous lie de façon certaine. Malgré le contexte qui nous y efforce, je ne parviens à rester indifférente, devinant que le temps n'a visiblement eu aucun impact sur cette attraction. Son regard posé sur moi, cette lutte n'en est que plus difficile. Nous en avions fais du chemin tous les deux depuis notre première rencontre. Si l'issue avait été chaotique dans un premier temps, nous étions parvenus à créer un lien bien plus fort que nous l'aurions imaginé jusqu'à présent, à travers une réelle complicité, des échanges parfois houleux, mais aussi des rapprochements physiques des plus torrides, ...et si j'étais incapable de mettre un terme sur notre relation à l'heure actuelle, je savais au plus profond de moi l'importance que je pouvais encore lui accorder, ma présence ce soir en était d'ailleurs une preuve indéniable, qui surpassait toute logique, tout raisonnement. J'ai juste la sensation que ma place n'est nulle part d'autre présentement, ce qui est d'autant plus difficile à expliquer.


Le sujet qui nous rassemble ce soir dans son appartement est évoqué. Si je reste dans un premier temps silencieuse, préférant le laisser s'exprimer comme il le souhaite plutôt que soutirer des infirmations capables de nourrir cette colère qui fait à nouveau son apparition, j'accorde cependant une grande attention à ce qu'il me livre. Cet homme que j'ai souhaité défendre n'a visiblement pas volé son gain, et si j'avais été la première à vouloir empêcher cet affront, une partie de moi était pourtant satisfaite que Cade se soit décidé à lui affliger une telle correction, non pas parce qu'il avait osé se rincer l’œil sur ma personne, mais plutôt parce qu'il avait participé à la descente de Cade, attisant l'aspect peu flatteur auprès de ses supérieurs. Je tente cependant de faire redescendre la pression par une remarque qui se veut ironique, mais totalement véridique. Il ne pourra pas parvenir à faire régner le respect autour de lui, surtout pas lorsqu'il s'agit des femmes et l'envie qu'elles suscitent souvent chez les hommes. Je n'associe pas une seule seconde cette réaction à une sorte de jalousie, il m'accorde juste assez d'attachement pour vouloir me sortir de cette case peu flatteuse dans laquelle cette apparence physique m'a souvent amené."- J’en sais rien. Peut-être bien… ! " Mon regard légèrement réprobateur, je viens à laisser apparaître un sourire presque moqueur à cette idée, "Va falloir te fixer de meilleurs objectifs". Il allait surtout devoir songer à abandonner toute forme de violence à l'avenir s'il voulait sortir la tête de l'eau. Cette odeur d'alcool qui émane de sa bouche ne suffit pas à me repousser, et mon regard trouve le sien lors de ses excuses, parvenant presque à me mettre mal à l'aise pour ce que ça représente. Il est rarement ce genre d'homme capable de communiquer, encore moins lorsqu'il y laisse une partie de sa fierté. Dans une remarque quelque peu maladroite, je lui fais savoir combien je m'inquiète pour lui. Je sais qu'il n'a jamais eu besoin de moi pour savoir gérer sa vie, mais maintenant que je suis parvenue à me faire une place dans celle-ci, je ne peux que me soucier de ce qui lui arrive." – La vérité c’est que…. Je m’suis trop attaché à ce boulot, comme j’me suis trop attaché à toi." Mon regard son perd dans le sien, tâchant de deviner ce que cela pouvait inclure. Il jouait inlassablement avec les mots, incapable de formuler clairement ce qu'il attendait de moi, de nous. Une partie de moi en est frustrée, mais l'autre, parvient encore à minimiser les faits, à me convaincre qu'il m'apprécie, certes, mais que ses intentions restent incertaines, qu'il n'est pas encore capable de se positionner et assumer ce qu'il veut. Il m'offre à travers ces mots l'opportunité de contourner réellement la signification d'un tel aveu, de les rendre peut-être moins intenses que ce qu'il peuvent réellement être. "A la seule différence, c'est que moi tu n'm'as pas perdu" lui rappelais-je. Peut être lui avais-je donné cette sensation en désertant son quotidien durant ces deux derniers mois, mais il n'en était rien. "– J’vais sans doute fracasser encore une ou deux tronches et recevoir des menaces de mort, mais… j’vais y arriver." Je laisse échapper un souffle doucement, pas vraiment satisfaite par cette idée. "...Ou tu peux peut-être songé à reprendre ta vie en main maintenant." C'était sûrement moins attrayant, certes, mais ça méritait d'être pris en considération "Il y a d'autres moyens d'occuper tes soirées....Comme..." je plisse les yeux pour m'accorder un instant de réflexion "...regarder un vieux dessin-animé, participer à une soirée de poker, ou te lancer dans la confection de gâteaux" Un sourire vient illuminer mon visage, faisant référence à tout ces souvenirs que nous avions en commun. Sa main vient se poser sur la mienne alors qu'un moment de flottement s'installe. Si nos échanges physiques s'étaient souvent rapportés à des besoins vitaux que nous éprouvions, un désir inébranlable, une affection plus profonde était parvenue à se frayer un chemin, quelque chose de plus attendrissant, assez déstabilisante pour que ce simple geste qu'il a envers moi me donne cette envie profonde et ennivrante de vouloir me blottir contre lui, de vouloir lui exprimer combien je suis rassurée de le voir ainsi, et parvenir ainsi à oublier l'image de cette violente altercation qui provoque de façon certaine, bien que dissimulée depuis notre sortie du bar, cette inquiétude que je lui voue. Mais je n'en ai pas le droit, aussi injuste que cela puisse paraître, je me dois de me tenir à l'écart, peu importe ce que je ressens. Sa main attrape finalement le torchon, parvenant à briser cette bulle formée autour de nous l'espace de quelques secondes. "– Merci pour ton aide Sav’." Je hoche de la tête, me pinçant les lèvres en dégageant une mèche de cheveux derrière mon oreille tout en baissant le visage. Mon téléphone se manifeste par le mode vibreur, me forçant à l'extirper de la poche de mon jean. Le prénom qui y figure me rappelle un instant le déroulement chaotique de cette soirée. Je filtre une fois de plus l'appel, qui n'a cependant pas échappé à l'ancien agent. Trois appels restés sans réponse, je ne suis pas en mesure de pouvoir lui parler maintenant"- C'est sérieux. Entre vous... ? " Je suis incapable de pouvoir répondre. J'aurais très bien pu le confirmer il y a de ça deux semaines, mais avec tous les récents événements, je venais à douter clairement de la trajectoire que prenait cette relation. Lui dire que ce n'était pas le cas revenait tout autant à mentir pourtant. Si j'étais un peu plus sur la réserve, je savais que cet homme qui tentait de prendre un peu plus de place dans ma vie, s'impliquait réellement. Lui ne pouvait cependant pas se vanter d'avoir fait la connaissance de Mathis, malgré ses belles paroles et sa patience indéniable. Alors que puis-je répondre à ça? Mes coudes viennent prendre appui sur mes jambes, mes mains se joignant dans un geste nerveux. "J'en sais rien" Mon visage bascule de gauche à droite, mon regard se perdant un instant sur le sol. "J'sais juste qu'il est prêt à c'que ça le devienne." Contrairement à Cade. Triste réalité, mais c'est ce qui expliquait pourtant d'une certaine façon cette distance entre nous.

Ce qu’il y avait de bien dans l’association Cade et alcool, c’était que le voile, habituellement si épais et présent, pouvait facilement se lever sur les sujets les plus sensibles. En presque 39 ans, beaucoup s’acharnait à obtenir ce résultat. Ils échouaient lamentablement là où une bonne bouteille de whisky faisait des miracles. L’ex agent fédéral gardait pourtant une certaine dignité dans ses mots ce soir, face à une Savannah réceptive qui était encore là, à panser sa plaie à la lèvre, en espérant peut être que quelque chose d’épique se produise. Quelque chose qui la conforterait dans son choix de s’éloigner de lui, ou au contraire, une déclaration qui la retiendrait plus que de raison. "Va falloir te fixer de meilleurs objectifs" Des objectifs ? Il n’en avait plus vraiment. Son boulot ? Inutile d’insister. Sa carrière qu’il jugeait exemplaire n’avait plus aucun impact sur sa hiérarchie. Sa famille ? Il ne savait même pas où étaient passés ses frangins. Quant à Milena, elle vaquait à ses occupations tout en s’assurant que son ainé ne provoque plus d’accident au volant de sa Chevrolet. Sa vie amoureuse ? Ah… quelle blague. D’ailleurs, il ne tarda pas à avouer cette triste vérité. Il s’était bien trop attaché à cette jolie blonde. Il avait aussi joué au con en bloquant tout signe de sentiments naissant et maintenant, il le payait. Il savait pourtant que laisser apparaitre une petite faiblesse pouvait couter cher. "A la seule différence, c'est que moi tu n'm'as pas perdu" Les yeux de Cade se figèrent dans ceux de Savannah. Parlait-elle d’amitié ? Si c’était le cas, c’était peine perdue. Leur expérience avait clairement prouvé qu’ils ne pouvaient pas être amis. Et encore moins maintenant qu’il avait ce petit truc là… à l’intérieur. Il hocha doucement de la tête, peu convaincu. Néanmoins, elle illustrait bien ses propos en se trouvant encore dans cet appartement, à tenter de le raisonner.

"...Ou tu peux peut-être songé à reprendre ta vie en main maintenant." Ce genre de discours, il en avait ordinairement une sainte horreur. "Il y a d'autres moyens d'occuper tes soirées....Comme.. ...regarder un vieux dessin-animé, participer à une soirée de poker, ou te lancer dans la confection de gâteaux" Elle le connaissait. Il n’avait rien à dire là-dessus. Cade esquissa un léger sourire en visualisant ces scènes et il haussa les sourcils. – C’est pas tellement à l’ordre du jour… Non clairement pas. Surtout l’idée de cuisiner des petits gâteaux. Car encore pourrait-il s’affaler devant un bon vieux Tex Avery, ou se rendre à un tournoi de cartes pour dépenser l’argent dont il manquerait dans quelques semaines, mais enfiler en tablier pour pâtisser, il n’y avait pas de risques ! Dans un geste voulu lascif, il récupéra le torchon et quitta cette bulle à l’atmosphère un peu trop étrange. Cette douce tension pouvait le faire vriller dans plusieurs sens, et il préférait pour l’heure éviter tout autre débordement.

Le téléphone de Savannah se mit à vibrer. Plusieurs fois. Pas de doute, il s’agissait d’un appel insistant et à voir l’expression sur le visage de la jeune femme, l’interlocuteur ne tombait pas très bien. Cade ne mit pas longtemps à deviner qu’elle n’osait pas répondre parce qu’il était là…et que par définition, ce n’était pas de Mathis cette fois dont il était question. Sa curiosité et sans doute l’envie de s’achever pour ce soir l’amena à cette question sur sa relation. "J'en sais rien. J'sais juste qu'il est prêt à c'que ça le devienne." Ouch ! Il le prenait pour lui. Cade resta figé sur place, encaissant ce qui semblait être un reproche en palpant nerveusement le torchon entre ses mains. Cependant, elle ne parlait que de lui. Il manquait son ressenti à elle et étrangement, cela n’était pas aussi fluide. – Et toi ? Elle. Était-elle prête à donner un sens concret à son couple ? Au fond, Grimes lisait déjà la réponse dans ses agissements, et sur son visage aux traits perturbés. Et puis, soudainement, avant qu’elle ne réponde, il rebroussa chemin. – Nan, oublies ça. C’est pas mes oignons… C’était malsain. Il ne voulait pas savoir si ce type avait une quelconque véritable importance pour elle ! Il ne voulait pas savoir la nature de leur relation ni même si elle avait un avenir ! Le goût amer du sang revint dans sa bouche, comme une coïncidence, et il reposa le torchon sur sa lèvre. – Prends soin de toi Savannah… Moi ça ira. Il tourna une nouvelle fois les talons vers le couloir sombre qui desservait l’endroit où il rêvait d’aller se terrer… sa chambre.