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C'est le grand moment. Je le sens, parce que la voiture ralentit pour s'engager sur une allée drôlement arborée, un truc comme on en trouve uniquement dans les contes. Mes yeux ébahis - et terrifiés, oh, tellement terrifiés - détaillent déjà la façade du bâtiment splendide qui doit accueillir la réception. « Oh boy. » C'est trop, c'est beaucoup trop. « C'est le plus beau de tous mes bijoux tu trouves pas ? » La voiture s'arrête et je porte une de mes mains à mon cou. Sans mon nœud papillon, je suis un peu plus libre de respirer. J'opine vaguement du chef, accroche un petit sourire à mes lèvres. Je suis à deux doigts de lui faire un autre compliment, de surenchérir, mais les mots - qui sonnent vraiment bien dans ma tête - refusent de franchir mes lèvres. Après un temps d'arrêt, je sors pour ouvrir la porte de Molly - qui n'a plus de chaussures. Mais qu'est-ce que j'ai fait. On croirait deux ados qui jouent à "papa-maman". Sauf que là c'est réel. La réception est pour nous. Mes yeux ne trouvent pas tout de suite ceux de Molly, parcourent d'abord la façade avant de tomber sur une petite allée toute décorée de ballons. Je déglutis, tente de camoufler un peu la panique qui me prend aux tripes. « Prêt ? »
Non.
Vraiment pas.
Tout sauf cet adjectif.

C'est sa main qu'elle me tend, pourtant, le phare au milieu de la tempête de panique. « Prêt. » Et nos doigts se mêlent.

A peine pouvons-nous apercevoir la petit cour dans laquelle se déroulera la réception que je cherche Charlie des yeux. Où est-elle, ma grande perche rousse, quand j'ai besoin d'elle ? Mes yeux se posent ici et là, au milieu des tables, toutes recouvertes de bouquets de fleurs. C'est trop, c'est beaucoup trop. L'espace aménagé me suffoque un peu. « Je sais pas danser. », que je murmure. « La valse. Je sais pas danser la valse. » C'est un truc comme ça, la première danse, non ? Est-ce qu'il faudra en danser une ? Enfin, les invités sont bien en vue. Quelques têtes inconnues, des gens invités par Molly. Lorsque, enfin, je repère Charlie et Ariane dans tout ce chaos organisé, je voudrais me précipiter auprès d'elles. Et pourtant, mon pas reste mesuré, calqué sur celui de mon épouse. Mon épouse. Mes doigts serrent doucement les siens, alors que je me rapproche de la table devant laquelle se tient une tête qui m'est parfaitement inconnue. C'est sans doute la soeur de Molly. Toute sa famille, en fait, peut-être, parce qu'elle n'est pas la seule tête inconnue qui se trouve devant cette table. Et moi, je suis là, comme un idiot, à avoir simplement envie de courir me cacher derrière une table, un siège, un pot de fleur, n'importe quoi.

« Bonjour. Je m'appelle Léo et.. heu... C'est un honneur de vous rencontrer, je suppose ? » Non, ne suppose pas bon sang, tiens toi droit, arrête de tous les regarder comme si tu les voyais pour la première fois de toute ta sainte vie même si c'est vraiment la première fois que tu les vois de toute ta putain de vie et et et « Non, c'est vraiment un honneur. » Imbécile. Où elle est, Charlie, quand j'ai besoin d'elle pour faire un truc comme ramener ses jumeaux dans la place, histoire que tout le monde fasse "ooohhh qu'ils sont beaux", "qu'ils sont à croquer", "non vraiment c'est merveilleux", "félicitations", "j'espère qu'un jour vous aurez les mêmes" mais en nous regardant nous à la place d'elle et oh mon dieu non, pas de bébés, c'est un terrain glissant je suis sur un terrain glissant et bientôt je vais m'enfoncer dans le sol avec tous les gravillons et et et « Je fais des études en psychopathologie. Je suis désolé. Je n'ai pas de nœud papillon. Je l'ai perd- Non, c'est Molly qui l'a. » Pause. Je passe du coq à l'âne en me tournant du côté de Ariane et Charlie. « Et donc, Molly, je te présente Charlie- » Qu'est-ce que je fais ici bordel de- « -et Ariane. Respectivement la meilleure marraine du monde et ma meilleure amie. »Temps d'arrêt. Moue contrite. « L'inverse. C'est l'inverse. » Oh boy.

”Elle s’appelle Molly comme la drogue, c’est bien ce qu’elle a dit là ?” « La Charlie c'est mieux. »

Et il est marié Léo. Il l'a fait le gars, il est allé jusqu'au bout. Et même si ça me fait chier à un niveau de pas avoir été capable de lire ses réponses avant qu'il les envoie, que je pourrai pas me moquer des merdes qu'il a pu mettre dans son questionnaire d'inscription pour se retrouver là à faire ses débuts au petit écran l'oeil brillant, la bouche en coeur, il est beau le gamin. Il est beau et il a dit oui contre toute attente et même si Charlie a couiné un nombre de fois impossible à calculer entre 40 000 et 400 000 000 - reste que la cérémonie s'est relativement bien passée. Assez pour qu'on autorise la populace à aller voler des bouteilles de champagne et des p'tits fours à la réception d'après.

J'ai faim, je crève de faim. Mais Villanelle a accouché, et je peux plus utiliser la défaite de "la nana qui pourrait être ma petite soeur est enceinte j'vous jure regardez il lui reste des mèches rousses dans la tête" pour prendre 4 fois plus de bouchées qu'autorisées (et faire comme si j'allais la nourrir elle et son ventre d'avant qui aurait pu contenir six bébés). Du coup, faut que je joue au vautour, faut que je surveille les serveurs, faut que je rôde autour d'eux comme une creep et au final, ça change pas vraiment de d'habitude.  

Léo arrive comme une fleur avec sa femme, ça me fait toujours drôle de penser ça, comme si elle était sa possession genre, c'est quoi cette histoire. « Et donc, Molly, je te présente Charlie et Ariane. Respectivement la meilleure marraine du monde et ma meilleure amie. » what? « L'inverse. C'est l'inverse. » oh, pauvre coco. Et ma paume tapote son torse avec presque de la compréhension, presque j'ai dit, j'ai pas un coeur qui a poussé entre la cérémonie et le cocktail d'arrivée, faut pas charrier.

« Elle est la marraine de ma poupée voodoo préférée du coup ça compte. » une gorgée de bulles plus tard, je prends le temps d'inspecter la brune, de détailler ses traits fins, son sourire solaire. Elle a l'air de rayonner en permanence la fille, elle a l'air de vivre sur son nuage de paillettes et de suite ça me donne le signal d'alarme. Les gens foncièrement heureux sont les pires. « C'est là où on te fait peur en te disant que si tu lui brises le coeur on te brise les jambes? » elle raille ma voix d'ingénue, c'est presque dit avec un ton doux, c'est presque rassurant si on se fie à l'intonation et pas aux paroles qui vont avec. « J'ai jamais été douée avec l'ordre dans lequel les choses se passent pendant un mariage. » ni pour le mariage de Léo, ni pour le mien. On se refait pas.

Je ne sais pas trop ce qui s’est passé, mais ma soeur vient de se marier avec un inconnu.  Je ne sais absolument pas ce qui lui a pris honnêtement? Ce n’est pas le genre de ma soeur de faire une telle chose... quoique c’est peut-être son genre, je le connais peut-être pas tant ma soeur au final. Je ne sais pas si elle comprend l’importance et la signification du mot mariage. Un mariage c’est pour la vie, un mariage c’est sérieux... elle ne pourra pas divorcer comme ça après quelque semaines ou quelques mois sans que cela ait des conséquences. Un divorce apporte toujours des conséquences. Personnellement, je n’aurais jamais été capable me marier à l’aveugle avec une inconnue. Ce n’est que mon opinion sur la chose. Je respecte le choix de ma soeur et je lui souhaite tout le bonheur du monde.

Comme cet événement est filmé, j’ai fait garder mes enfants parce que ce n’est pas un endroit où emmener mes enfants. Il y a trop de gens et beaucoup trop de personnes inconnues. Mes enfants sont donc à la maison avec Jimena qui les garde. J’aime bien cette femme, elle est gentille et elle apporte beaucoup à mes enfants. Elle leur montre parfois des mots en espagnol, elle leur fait découvrir de nouvelles choses, elle leur montre des choses qui les impressionnent, bref elle apporte beaucoup à mes enfants qui sont assoiffés de connaissances.

Je me trouve désormais à la salle de réception. Je suis assis dans un coin de la salle avec un verre à la main et je regarde les gens présents. Je ne parle pas beaucoup dans la vie, mais j’observe énormément et j’ai une très bonne mémoire. Étrangement, je ne me sens pas à l’aise dans cet endroit... sans doute en raison des caméras. Mine de rien c’est intimidant de voir des caméras et de savoir que certaines choses se retrouveront peut-être à la télévision. J’espère ne pas être trop filmé... raison pour laquelle je tente m’éviter tout contact avec les caméras. Je ne suis pas certain que je sois visuellement télégénique. Être une vedette n’a jamais été mon rêve. Je bois donc tranquillement du vin en surveillant les alentours.

Retrouver le visage de Ariane et Charlie a au moins le mérite de me calmer un peu - mais pas trop quand même. Il me faudrait probablement un verre. Et un xanax, aussi. « Elle est la marraine de ma poupée voodoo préférée du coup ça compte. » J'ai un petit sourire. Et dire que cette journée est déjà loin. Que nous possédons désormais le titre de "meilleur parrain-marraine de toute la voie lactée". Ça fait beaucoup de planètes. « C'est là où on te fait peur en te disant que si tu lui brises le cœur on te brise les jambes? » « Ariane. » Je n'ai pas eu d'interactions avec la famille de Molly, il serait fâcheux de détruire toute interaction potentielle entre cette dernière et mon entourage à moi. Mon cercle resserré, exclusivement féminin et seulement agrandi par la présence de Clément. Ce que c'est bizarre, d'ailleurs, de le voir ici. Je ne pensais pas que le tout serait aussi étrange. « Tu peux tout faire dans l'ordre que tu veux ça gênera personne... » Elle est gentille, Molly, à souligner ma maladresse sans pour autant la blâmer. Ma main n'a toujours pas lâché la sienne. On se soutient mutuellement dans la tempête. « J'ai jamais été douée avec l'ordre dans lequel les choses se passent pendant un mariage. » « J'ai faim et vous aussi, je parie. Empêche Charlie de manger tous les petits fours. Et laissez-moi de côté un grand verre de champagne. Pas dans une flûte, je veux un vrai verre. » Je me mets à la hauteur de Charlie pour l'embrasser sur la joue, me ravise avant de donner le même traitement à Ariane au profit d'un simple tapotement sur l'épaule. « Vous nous laissez une seconde ? » Et je prends la suite de Molly.

Les caméras ne sont jamais loin, mais peut-être le plan pris depuis derrière les ballons sera-t-il plus dramatique et moins invasif que si l'équipe de production nous avait suivi. Le micro que je garde constamment sur moi me donne l'impression d'être dans une mauvaise version d'un roman de Orwell.« Je... Je suis désolée » Je fronce les sourcils, arrête de me triturer les mains en me rendant compte que je suis en train de le faire. « Tu veux que je te laisse avec tes invitées ? » « Pourquoi tu dis ça ? Elles sont gentilles, tu sais. » Et la réplique sonnait peut-être un peu agacée. Je toussote, regarde ailleurs. « Ou, on peut partir si tu veux, il doit bien y avoir une sortie de secours quelque part... » Elle sait aussi bien que moi que nous ne pouvons pas faire un truc pareil. « On peut pas faire ça. » « Tu peux toujours partir toi si ça va pas, je t'en voudrais pas tu sais, je veux juste que ça aille mieux, t'as l'air terrorisé. » Moi, l'air terrorisé ? Haha. « Je vais survivre. Rassure ta famille, je crois que je n'ai pas fait très bonne impression. Respire. Dans quelques heures, c'est terminé. » Une paire d'heures, peut-être. Nous devons prendre l'avion ce soir. « Je ne vais pas me tirer d'ici. Et puis fuir, c'est bon pour les robinets. », que je murmure en souriant. Ma main n'a pas osé retrouver la sienne et je m'éloigne déjà, le regard entendu. Cette petite aparté aura au moins eu le mérite de me laisser quelques secondes pour respirer.

Je rejoins le buffet en traversant la piste de danse, me plante aux côtés de Ariane et de ma meilleure amie après avoir réquisitionné un plateau de gâteaux miniatures au goût indéterminable. « Je suis déjà un mari pas terrible. Elle doit me détester. » Elle a de quoi. « Vous pouvez garder mes chats ? Pour la durée du voyage de noces. Je vais en voyage de noces. » Oh bon dieu. Vite, un petit-four. « Je vous sacre officiellement marraines de mes chats. Et vous aurez le droit de vous servir dans ma réserve d'alcool. Sauf toi, Charlie, t'as des bébés. » Je suis déjà en train de descendre un verre de vin. « Elle est trop mignonne, hein ? Elle vous a même fait un compliment. », que je lance en reposant les yeux sur Molly. Je suis déjà un mari pas terrible.

J’ai raté la cérémonie. Pourtant j’avais tout prévu, ma robe, ma coiffure, tout. Je voulais être là pour Molly. Je voulais pas louper ce moment, parce que je savais qu’elle allait dire oui, je savais qu’elle aller jouer ce jeu un peu fou jusqu’au bout. Je n’avais pas prévu que James se coupe avec des bris de verres. Je n’avais pas prévu qu’il me demande de surveiller le bar le temps qu’il parte aux urgences. Je n’avais pas prévu que ça allait durer des heures. Encore moi que Jet allait décider de venir rendre visite pile à cet instant précis et que l’on finirait à moitié nu dans la réserve du bar. Je ne sais pas ce qui me prends lorsque je suis avec lui, je découvre une facette de ma personnalité complètement nouvelle. Je deviens imprudente, je goûte à l’interdit, je ferais tout pour me retrouver contre son corps. Ça m’embrume l’esprit, ça me fait même oublier la cérémonie de mon amie. Et encore une fois, à cause de lui, je me mets en retard. Encore une fois, il a marqué la peau de mon cou et ma clavicule. Et si avant j’aurais trouvé cela vulgaire, aujourd’hui ça me fait frissonner. Je tente de le cacher avec du maquillage, je remets ma robe en place, j’enfile mes talons. Je laisse le bar à Itziar qui viens tout juste d’arriver et j’attrape le premier taxi qui passe dans la rue direction le mariage ou non mariage de Molly.

Lorsque j’arrive sur le lieu de la réception je comprends en quelques secondes que mon amie à vraiment dit oui et je me sens presque émue. Je le suis encore plus lorsque je l’aperçois dans sa belle robe à l’autre bout de la pièce. Je me précipite vers elle alors qu’on annonce la première danse du couple. « Je suis là ! » Je tombe dans ses bras et embrasse sa joue bruyamment. « Tu l’a vraiment fait alors ? » Et je ris un peu avant de chercher son cher mari du regard. Lorsque je remarque le marié, un petit rire m’échappe. « C’est lui ton mari alors ? » Et je le reconnais le petit brun. Mon sauveur du taxi fou. « Tu sais qu’il m’a sauvé d’un chauffeur de taxi bizarre une fois ? » La coïncidence est un peu folle. Et je me tourne vers Molly qui semble stressée mais heureuse. Je ne saurais le définir. « Tu vas bien ? »

Michael demeurait à mes côtés, témoin de ma méfiance qui suivait une courbe exponentielle dans mon organisme. Je devinais qu'à mon regard, il augurait le pire face à mon comportement à venir. Cependant, mon époux se trompait sur toute la ligne : Molly vivait un événement extrêmement important de sa vie qui devait lui procurer euphorie. J'annihilerais tout ce qui se mettrait sur la route de la félicité de ma sœur. Même si cela impliquait de menacer sans vergogne le chérubin qui lui avait mis la bague au doigt.

J'attendais à la salle de réception, installée à la table qui était réservée aux proches de la mariée. Tristan se trouvait à ma gauche, discret, verre vissé à la main. Le nouveau couple arrive main dans la main. C'est bon signe, déjà, ça correspond bien à ce que ma cadette aimerait. Léo a l'air totalement effaré quand il arrive à la hauteur de la table où je suis installée. J'assimile la prière de Molly d'être tolérante au regard qu'elle me lance et je le lui promets d'un sourire sincère. « Sois gentille s'il te plait... » « Je veux que ton bonheur. » Elle le sait et l'on sait toutes les deux que je suis capable de tout pour protéger ma cadette, certes parfois pas de la meilleure des manières. « Je reviens te voir après Allie... » « Prends bien soin de toi et profite. C'est un de tes jours, aujourd'hui. » Je la serre affectueusement dans mes bras avant de reprendre place sur ma chaise. Je désirais que lorsque Molly songera à ce jour des années plus tard, ce ne sera qu'avec un irrémédiable sourire tendre. « Bonjour. Je m'appelle Léo et.. heu... C'est un honneur de vous rencontrer, je suppose ? » Je fronce les sourcils, désapprobatrice. Il suppose ? Je me tourne vers Tristan et Michael, me retenant férocement de ne pas cracher ma répartie à la tête du bouclée. Il veut que je lui prouve à quel point je peux vite cesser de le faire supposer et lui apporter des garanties ? « Non, c'est vraiment un honneur. » Je reporte mon attention sur Léo, plissant les yeux pour mieux le scruter. « Je fais des études en psychopathologie. Je suis désolé. Je n'ai pas de nœud papillon. Je l'ai perd- Non, c'est Molly qui l'a. » Est-ce qu'il s'est diagnostiqué, lors de ses études ? Mais le voilà qu'il s'adresse désormais à Charlie et Ariane, leur présentant poliment ma sœur. « T'en penses quoi, Tristan, de tout ça ? De Léo ? » Je murmure à l'oreille de mon aîné afin que personne ne nous entende - et surtout par les spécialistes du son de l'émission. Tout comme moi, mon frère avait à cœur le bonheur de Molly.

Les minutes passent, on nous sert des petites fours, propose de remplir nos verres. J'opte pour un nouveau rafraîchissement - rien de trop fort pour tout bien garder à l’œil - et teste quelques amuses-bouches. « Comment ça va ? » La jeune mariée revient, me prend dans ses bras. Je ris doucement, resserrant notre étreinte. « Moi ça va, comment ça va, toi, Angie ? » Je pose mes mains sur ses épaules dénudées, la couvant du regard. « Sois gentille s'il te plait, il est gentil je te jure ! Regarde, il m'a aidé à enlever mes chaussures parce que j'avais mal au pied et j'ai son nœud papillon au poignet... » Mes yeux passent de ses pieds à son poignet. Un sourire en coin apparaît sur mes lippes. « Il est mignon. T'inquiètes pas, tant que t'es heureuse et qu'il est réglo avec toi, il n'aura rien à craindre de ma part. » J'avais toujours respecté les choix de Molly même si je n'avais pas eu ma langue dans ma poche pour la défendre. Pete en avait été le parfait exemple. J'avais soutenu ma sœur qui voulait persévérer dans cette relation mais j'avais également tenu à ce qu'elle en souffre le moins possible. « Je suis contente que tu sois venue. » « J'aurais loupé ça pour rien au monde. T'es merveilleuse, Molly. T'es sublime. » Je le pensais honnêtement. « On attend les mariés pour ouvrir le bal. » annonce l'animateur au micro, juste avant qu'une vingtenaire ne vienne féliciter ma soeur pour son mariage.

Tout va si vite. Les mariage s’enchaînent, les réceptions allant avec aussi. Tout le monde pleure ou alors c’est elle qui ne s’arrête pas et voit désormais le monde toujours embué. Les deux, sans doute, alors qu’elle doit jongler entre les ‘oui je le veux’ et les caprices des enfants, échangeant Willow contre Gabriel entre ses bras ou ceux de Tim à chaque fois qu’ils doivent de nouveau les sortir de la poussette. La mécanique est bien huilée et avec un peu de chance aucun des deux ne fera une crise de nerfs avant la fin de la journée.

Léo en fera une bien avant eux, même, c’est sûr et certain. Il va mourir tout rouge et elle espère fort que ce genre de marque ne restera pas sur sa peau post-mortem, parce que ça serait la loose. Les présentation entre elle et Ariane sont ratées mais au moins elles la font sourire alors que les deux jeunes femmes sont occupées à analyser le troisième dans les moindres détails, maintenant qu’elles ont une vision plus précise de la femme de Léo. Est ce que Charlie aurait jamais cru qu’un jour la participation de son stupide meilleur ami serait retenue ? Absolument pas. Est ce que Charlie aurait jamais cru qu’un jour son stupide meilleur ami allait accepter de se marier, devant des caméras qui plus est ? Absolument pas. « C'est là où on te fait peur en te disant que si tu lui brises le coeur on te brise les jambes? » Un coup de coude peu discret vole entre les cotes de la rousse alors que la jeune mère use de son plus beau sourire pour tenter de sauver les apparences. Elle aurait pu lui dire ‘mais non, elle rigole’ sauf qu’elle souhaiterait attendre au moins cinq minutes avant de mentir pour la première fois à la femme de Léo. Et un jour elle arrivera à l’appeler autrement que par la périphrase ‘femme de Léo’, mais pas tout de suite.

Il panique, il est partout et nulle part à la fois, il bégaye et confond les mots et ce n’est un secret pour personne que de savoir qu’il est paniqué. La blonde fait de son mieux pour lui tendre le sourire le plus rassurant qui soit, pour répondre à son baiser sur sa joue par un autre, pour l’arrêter un instant avant qu’il ne les laisse pour aller danser en venant passer ses mains autour de ses épaules pour lui offrir une dernière étreinte. Son mariage sonne comme des adieux alors que ce n’est que le début pour lui et que ça devrait l’être pour elle aussi. Leur vie change et évolue, ils ne sont plus des gamins et désormais cela n’est un secret pour personne. Léo Ivywreath est marié et Léo Ivywreath sera heureux parce qu’un autre scénario ne semble acceptable. ”Si je te garde pas dans mes bras c’est juste pour pas qu’elle puisse déjà être jalouse. Fais comme si je t’avais fait un câlin pendant deux heures. Au moins.” Elle espère réellement que cette inconnue est quelqu’un de bien. Elle ne sera jamais aussi bien que Léo, certes, mais elle peut au moins essayer. Tant qu’elle le rend heureux c’est finalement tout ce qui compte parce qu’il le mérite amplement. ”Va danser, faut encore qu’on négocie l’accord pour mon droit de regard (et de vol) sur ta réserve de vin avant que t’ailles vivre la meilleure lune de miel du monde.” Prenant sa tête dans ses mains une dernière fois, elle dépose un baiser sur son front, profondément heureuse pour lui - et le champ libre jusqu’au stock de petits fours.

Léo me gronde, Charlie me tempère, Molly m'anticipe, et moi, je m'amuse comme une petite folle.

Ce qui est cool avec les mariages quand t'es déjà mariée c'est que tu peux facilement tout critiquer et que ton avis passe pour de l'or en barre parce que tu sais. Dans leur cas à eux par contre, c'est chiant, ils ont rien décidé et je peux pas me moquer du choix du band ni de celui des fleurs parce que ça leur fera ni chaud ni froid et que le caméraman va probablement juste me tirer hors champ rien que parce que je vais avoir insulté sur le petit écran leurs commanditaires. Conneries.

”Va danser, faut encore qu’on négocie l’accord pour mon droit de regard (et de vol) sur ta réserve de vin avant que t’ailles vivre la meilleure lune de miel du monde.” je l'entends qui l'aime Léo, Charlie qui regarde son meilleur ami comme s'il quittait le nid alors qu'on sera jamais bien loin pour lui voler dans les pattes, et encore moins loin pour surveiller Molly Ivywreath et ce qu'elle peut bien avoir de louche sous ses grands cils et ses lèvres rougies. « Je sais pas encore si je l'aime. » ils se sont envolés pour aller danser quand j'ai initié un pas vers les bouchées avec une cavalière aussi affamée que moi. « Faudrait faire des rondes de surveillance. » je statue l'évidence, sachant très bien qu'elle comme moi venons de nous investir d'une mission de la plus haute importance à savoir de former la plus étanche des bulles autour de Léo advenant le cas où l'autre brune soit en fait une succube. On est jamais trop prudents.

Nos pas nous font bifurquer vers le bar, Tim gère les bébés comme un roi, la fête est à nous pour les prochaines 45 minutes au moins c'est pas rien. « Tu feel rouge, blanc, bulles ou rosé ce soir? » j'attends pas sa réponse, anticipant avec la mienne, m'étirant sur le comptoir pour attraper deux bouteilles d'une main et deux de l'autre. « La bonne réponse c'est : toutes ces réponses. »