Je me suis réveillé en sursaut à trois heures du matin, en panique et encore à moitié endormi, je me suis mis à chercher Connor de partout dans la chambre d’hôtel. Il m’aura fallu près de dix minutes pour réaliser que je n’étais pas chez nous, que j’étais en Australie et que Connor n’était plus là. Cette triste réalité m’a heurté de plein fouet et fut accompagner d’une belle crise d’angoisse qui s’est solder par un appel à ma petite sœur. Merci le décalage horaire, elle a pu me répondre tout de suite et on a passé près de deux heures au téléphone. Bien entendu, je ne me suis jamais rendormi après cela. J’ai pris une douche comme pour tenter de laver l’angoisse qui me collait à la peau et je me suis assis à mon bureau. Et comme toujours ces dernières semaines, je suis resté des heures devant le document vierge ouvert sur mon ordinateur. Je n’ai rien écris. Pendant trois heures, je n’ai pas bougé, perdu dans mes pensées et ma douleur. Puis j’ai écrit à Connor. Cercle vicieux qui se répète sans cesse depuis mon arrivée dans cette ville. J’essaye de rédiger la suite de mon roman, je note même quelques idées, mais je finis toujours par me diriger vers le carnet dédie à mon mari. Il est le seul a qui j’écris depuis des jours et je ne sais pas si je serais, un jour, capable de finir mon roman. Je le voudrais pourtant. Je veux offrir une belle fin à mon personnage, une conclusion. Je voudrais extérioriser tout ce que je garde pour moi depuis le début de la maladie de Connor. Des idées, j’en ai par milliers, mais dès qu’il s’agit de les coucher sur le papier rien ne viens. Syndrome de la page blanche. Angoisse du vide. Rien et toujours rien.
Alors après des heures à fixer mon écran, je décide de sortir faire un tour. Je vais me rendre dingue à rester enfermer dans cette chambre d’hôtel et j’avais promis à ma sœur de faire attention à moi. Je vais m’aérer l’esprit, tenter de mieux comprendre cette nouvelle ville qui m’héberge. Je prends tout ce que les passants me donnent, je prends tout ce qui me changera les idées. Je marche sans but, j’observe, j’écoute, je découvre. Une heure, après avoir quitté la chambre et au détour d’une rue, je tombe sur un café au nom qui surprends : Death Before Decaf. Original. Ça me plaît. Tellement que je décide de passer la porte pour aller m’offrir une boisson. L’endroit est animé, coloré. Vivant. Je sens que je vais aimer venir ici. Je me dirige vers le comptoir et observe la liste des produits proposé sur les affiches. Lorsque mon regard se pose sur une des serveuse mon cœur se serre immédiatement. « Jill ? » Je la regarde complètement interloquer. « Jill McGrath ? » Ce n’est pas possible. Je la pensais encore à Londres ou je ne sais où dans le monde, mais pas ici. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Et la voir ranime de vieux souvenirs que j’aurais aimé éviter aujourd’hui. Et pourtant… Elle est une constante dans ma vie, une pièce du puzzle qui manquait cruellement.
Jill a passé une bonne partie de l'après-midi au DBD. Matt n'était pas là, il devait certainement être occupé avec sa nouvelle femme ou en train de chercher une énième recette de pancakes avec des fruits inconnus. Alors Jill est restée, Bailey était au studio et elle n'avait pas vraiment plus à faire. Elle a préparé des cafés, fait sortir un client qui étaient déjà complètement bourré à 16h. Mais sinon, la journée est plutôt calme. Elle a envoyé quelques textos à Bailey pendant son service, a même voulu proposer à Lola de passer avant de se souvenir qu'elle n'accepterait certainement pas de reposer les pieds au DBD de sitôt. Alors elle est restée seule derrière son bar à discuter avec des clients différents toute la journée. Elle a encore de nombreuses heures à servir les clients et elle soupire, c'est bien trop calme et elle s'ennuie. Mais elle reste, elle ne laisse pas le DBD entre les mains de n'importe qui, même si elle est toujours remontée contre Matt. Elle aurait pu lui faire ce coup, et laisser tous les clients du DBD se servir de l'alcool gratuitement pour une durée indéterminée.
Elle lave des verres, elle fait rapidement le tour de la salle et elle revient derrière le bar. Mais cette fois, une voix qu'elle connait l'interpelle. Une voix qu'elle connait bien, et qu'elle ne pensait pas vraiment réentendre un jour. Et encore moins en Australie au beau milieu du café de son frère. « Hugo ? » Elle tourne rapidement la tête pour être sûre. Il est là, assis sur un des tabouret autour du bar. « Moi je vis ici depuis quelques temps des gens, je suis revenue. Mais toi qu'est ce que tu fiches ici ? » Hugo est une personne intégrante de sa vie qui l'a sauvé d'elle-même à de nombreuses reprises à Londres. Et Dieu sait qu'elle a souvent eu besoin d'aide alors qu'elle était en chute libre. Il a l'air fatigué, il n'a pas l'air au top de sa forme. « Tu vas bien ? »
Je voulais me changer les idées. Je voulais juste prendre l’air, marcher un peu, aller me chercher un café. Je n’avais pas prévu de croiser quelqu’un de mon passé. Je n’avais absolument pas planifié de me retrouver face à face avec Jillian. Lorsque mon regard se pose sur elle, je sens mon cœur se serrer. Voir la brunette me fait immédiatement penser à Connor. La vie avait fait que je rencontre son cousin et le hasard avait mis Jill sur la route de mon compagnon. Connor adorait Jill. Elle était sa camarade de classe, celle qui ne savait pas vraiment ce qu’elle faisait là, mais qui se devait de continuer le cursus pour faire plaisir à ses parents. Il l’avait pris sous son aile Connor. Ils étaient toujours fourrés ensemble sur le campus et toujours en duo pour travailler sur des projets. C’est comme ça que j’ai fait la connaissance de la jeune femme. C’est bien plus tard, au fil du temps, après avoir fait la connexion avec Levi, que j’ai commencé à tisser un véritable lien avec elle. On a été présent pour elle, du mieux que l’on pouvait. Je ne compte plus le nombre de fois où elle a dormi sur le canapé et où on se retrouvait à discuter tous les trois autour d’un petit-déjeuner le lendemain. Je m’étais attaché a elle, mais la vie avait fait que… J’avais perdu Levi de vue et petit à petit, c’est Jill qui s’est échapper. Elle avait ses problèmes, ses conflits à régler. Je n’arrive plus à me souvenir de notre dernier moment ensemble et pourtant, je cherche alors que son prénom s’échappe d’entre mes lèvres. Elle est surprise de me voir Jill. Elle rayonne aussi. C’est la première chose que je remarque. Elle à l’air bien, apaisée et heureuse. Elle a changé la Jill que je connaissais. Et alors qu’elle m’explique vivre ici depuis un moment et qu’elle me retourne la question, je prends conscience de ma réalité actuelle. Je ne suis pas ici en voyage, je suis ici pour fuir. Est-ce qu’elle est au courant ? Est-ce que quelqu’un lui a dit ? Une connaissance de Londres ? J’en doute… Je vais devoir lui annoncer ? Tout va trop vite, mais je dois dire quelque chose avant qu’elle s’inquiète, avant de passer pour un fou. Je vais bien ? Si tu savais Jill… « Je… » Tu quoi Hugo ? Comment je peux lui annoncer ça sur son lieu de travail. « Je suis venu ici pour écrire. » Il reste plus qu’à annoncer la suite. « Tout seul. » Et les mots ont à peine franchi mes lèvres que je me rends compte de ma connerie. Elle va croire que ça ne va pas avec Connor, qu’on, c’est séparer. Si seulement ça ne pouvait être que ça… S’il pouvait encore être vivant, juste à bouder à Londres. Je soupire tristement avant d’ajouter : « Connor… Il a été malade. » Je pourrais pas dire la suite. Je ne vais pas y arriver. Je t’en supplie comprends ce que je cherche à te dire Jill. S’il te plaît…
Jill reste interdite une seconde. Hugo. À Brisbane. Elle attend une seconde, elle regarde, oui c'est bien lui. Et il est tout seul. C'est étonnant. Elle le connait depuis longtemps, et il était là quand elle elle était au plus bas. Elle s'étonnait de ne pas voir Connor à ses côté, elle aurait aimé le voir Connor. Elle ne leur avait pas donné de nouvelles depuis un très long moment à eux aussi. Parce que Jill donne rarement des nouvelles, elle n'est pas du genre à garder contact même avec les gens qui ont pu être proche d'elle un jour. Elle était comme ça Jill, et elle ne changerait probablement jamais. Mais ça ne changeait rien au fait qu'elle était terriblement heureuse de voir son ami. Mais quelque chose avait changé chez lui, il avait l'air bien moins heureux que dans son souvenir. Parce qu'elle le connait bien malgré tout, ils avaient vraiment été proche, de vrais bons amis qui avaient été présent l'un pour l'autre pendant des années. Ils avaient été un trio. Elle avait rencontré Connor à l'école d'architecture. Et c'est certainement grâce à lui qu'elle est restée, qu'elle a eu ce diplôme et qu'elle n'a pas abandonné après seulement 2 heures de cours.
C'est quand elle voit Hugo devant elle qu'elle se rend compte qu'ils lui ont manqué. Elle aurait peut-être dû essayer de les revoir. Mais elle n'avait pas vraiment la notion d'amitié à cette époque là, elle passait son temps à essayer d'oublier qu'elle était à Londres et à vouloir éviter sa famille au maximum. Et Jill se pose en face de Hugo, derrière le bar. Elle sourit, elle aussi est bien différente depuis qu'elle est revenue à Brisbane. Il est venu seul, elle fronce les sourcils. Seul ? « T'écris quoi ? » Elle sent qu'il va expliquer quelque chose mais que c'est dur à dire. Elle s'inquiète, oui elle s'inquiète en voyant les yeux triste de son ami.
Connor a été malade. A été. Et il n'est pas là, donc il n'est pas guérit. Et si Hugo est ici, aussi détruit, c'est que Connor n'est plus là. Et la respiration de Jill s'arrête pendant quelques longues secondes. Son ami de Londres était mort, et elle n'a pas pris de nouvelle, elle n'était même pas au courant. Tous les souvenirs reviennent. Une vague, une vague qu'elle se prend en pleine tête et sa tête tourne. Elle s'accroche au bar et elle tourne la tête vers la deuxième personne derrière le bar. « Je prends ma pause. » Pas de discussion possible. Elle fait le tour du bar pour prendre Hugo dans ses bras. Connor était pour Hugo ce que Bailey est pour Jill. Et elle ne peut même pas s'imaginer ce qu'il peut bien ressentir. Elle avait perdu un ami, et lui avait perdu l'homme de sa vie. « Je suis désolée... »
On lui en a jamais voulu à Jill lorsqu’elle disparaissait pendant des semaines, voir des mois. On lui en a jamais voulu lorsque l’on a fini par comprendre qu’elle avait quitté Londres pour suivre celui qu’elle aimait depuis des années sans jamais vouloir l’avouer à qui que ce soit. On avait compris avec Connor, après tout, on l’avait toujours connu comme cela la brunette. Je sais que mon mari ne lui en a jamais voulu de pas avoir été présente lorsqu’il était malade. Je lui avais proposé d’appeler Jillian pour la tenir au courant, il avait refusé. Pendant des mois, il m’a tenu tête à ne vouloir avouer sa maladie à personne. Puis tout est allé trop vite et il est parti en gardant son secret me laissant la lourde tâche d’annoncer la nouvelle à nos proches. Je n’avais pas prévu de recontacter Jill. Pas tout de suite tout du moins. J’avais même oublié que Brisbane est sa ville natale, que si Levi est venu ici, c’est parce que toute sa famille vit ici. Je suis venu sur un coup de tête et me voilà nez à nez avec la brunette. Je voudrais trouver la force de faire semblant. Je voudrais lui assurer que tout va bien, que Connor est juste rester à Londres pour le travail, mais j’en suis incapable. Il me manque, j’ai besoin de parler de lui. Je ne peux plus garder tout ça pour moi, je n’ai pas la force de faire semblant. Il était son ami et il n’y aura jamais de bonne manière pour annoncer cela.
Elle comprend de suite Jill. Du moment où j’annonce être seul, je vois son regard changer, ses sourcils se froncer et son sourire perdre en intensité. Je suis tellement désolé. C’est tout ce qui me vient à l’esprit, mais je suis incapable de le formuler. Je reste planter là face à elle. Je tente une explication maladroite, incapable de formuler la vérité. Six mois. Il est parti depuis six mois et je ne sais prononcer les mots qui collent à la situation. C’est trop pour moi. Je ne suis pas prêt à faire face à cette réalité-là. Mais elle a compris Jill. Elle demande sa pause et en quelques secondes elle se retrouve devant moi pour me serrer dans ses bras. Je me mords la lèvre presque jusqu’au sang pour ne pas laisser les larmes s’échapper. Je m’étais promis d’arrêter de pleurer. C’est rater. Je me racle la gorge et embrasse la joue de Jillian. « Tu pouvais pas savoir… Je suis désolé de te l’annoncer comme ça. » Je suis désolé de te l’annoncer aussi tard et sur ton lieu de travail. Je pourrais m’excuser pendant des heures, mais je reste là face à la jeune femme. Elle m’entraîne vers un coin tranquille de la salle tandis que je me force à chasser la boule qui c’est former dans le fond de ma gorge. « Je me souvenais plus que tu vivais ici. » J’ai tout oublié du moment où il est parti de toute manière. « Comment tu vas ? » Distrait moi Jill. Je sais qu’elle va finir par poser des questions et je lui répondrais toujours. Mais pour quelques secondes encore, j’essaye de me convaincre que l’on aura pas besoin de parler de Connor.
Jill est contente de voir son amie au DBD. C'était inattendu, elle ne pensait pas le revoir un jour, et certainement pas à Brisbane alors qu'elle l'avait rencontré à Londres. Mais elle sourit, elle compte bien rester avec lui tout le temps qu'il sera là. Est ce qu'il rentre d'ailleurs ? Est ce qu'ils se sont installés ici avec Connor ? Ils ont vraiment beaucoup de choses à rattraper. Et si le destin les a remis sur la route l'un de l'autre c'est certainement pour une bonne raison. Elle sourit, elle lui offre le verre qu'il commande, prête à discuter pendant des heures de tout et de rien. Mais quelque chose ne va pas, elle le sent, elle le voit dans ses yeux. Il a l'air vide, triste, et Jill s'intéresse à lui. Elle cherche des informations parce qu'elle n'aime pas le voir comme ça. Ça fait des années qu'elle ne l'a pas vu, mais elle le connait encore bien.
Elle comprend. Il suffit d'une phrase, un regard, et elle comprend. Connor n'est plus là. Connor est mort et ça lui brise le cœur. Ils étaient amis, ils ont fait leurs études ensemble et une tonne de souvenirs lui reviennent en mémoire. De beaux souvenirs qui deviennent de plus en plus douloureux. Mais elle ne pleure pas, elle prend sa pause et elle prend Hugo dans ses bras. « T'excuses pas c'est rien... Tu... » Tu vas bien ? Mais elle ne posera pas cette question, elle le sait qu'il ne va pas bien. « T'es ici depuis combien de temps ? » Elle essaie de détourner la conversation, la question est logique. Et elle ne lâchera pas Hugo. Il avait été là à Londres quand elle allait mal, et elle sera là pour lui aujourd'hui, maintenant qu'il est là. « Tu comptes rester ? » Elle espère que oui. Et elle l'écoute parler, il ne pleure pas lui non plus, il a envie de changer de sujet et elle le suivra Jill. « Je suis revenue il y a quelques temps maintenant. » Et elle ne compte pas repartir d'ici. « Je vais bien, on a beaucoup de choses à se raconter je crois. » Un mariage, un bébé... Que de bonnes nouvelles en théorie, mais est ce qu'elle peut lui en parler là ? Elle ne veut pas qu'il se sente mal, elle ne veut pas qu'il s'enfonce en voyant qu'elle va bien mieux qu'il y a quelques années.
C’est impossible à dire. Je voudrais pouvoir prononcer les mots pour que Jill ne se fasse pas d’idées, pour qu’elle comprenne parfaitement ce que je sous-entends, mais j’en suis incapable. Je crois que je ne pourrais jamais dire ces quelques mots. Il est mort. Il est plus là. On ne le reverra jamais. C’est inenvisageable et pourtant, c’est bel et bien la triste réalité. Heureusement, Jill comprend. Je le vois dans son regard. On n’a pas besoin de se le dire. Elle sait… Et ça me soulage de ne pas avoir à le dire. Ça me soulage qu’elle ne m’impose rien, qu’elle n’attaque pas de suite avec un million de questions. Bien au contraire, elle m’offre une étreinte si réconfortante que je pourrais rester dans ses bras de longues minutes encore. Je resserre mes bras autour de ses épaules une seconde de plus et un sourire honnête se dessine lentement sur mes lèvres. Malgré tout, je suis réellement heureux de la voir. On a perdu contact, il y a des années lorsqu’elle a fui le pays, mais je ne lui en ai jamais voulu de vouloir partir vivre sa vie. Elle avait besoin de s’évader. Et la Jill sauvage et indomptable que j’ai quittée semble avoir réellement changé. « T'excuses pas c'est rien... Tu... T'es ici depuis combien de temps ? » « Un peu plus d’un mois, quelque chose comme ça. » dis-je doucement parce que je perds bien trop souvent la notion du temps depuis le départ de Connor. Je m’enferme tellement dans cette chambre d’hôtel que je ne sais plus vraiment quel jour nous sommes ou quel est la date du jour, mais je tente de ne jamais trop laisser paraître. « Tu comptes rester ? » « Je ne sais pas. » Londres me manque parfois, mais je ne sais pas si j’aurais un jour la force d’y retourner. Tout, là-bas, me rappelle ma vie avec Connor. C’est un débat que je n’ai pas encore pris la peine d’entreprendre avec moi-même. « Je suis ici pour écrire, mais… C’est compliqué. » avouais-je un peu penaud. « Alors on verra avec le temps. » Je ne m’impose pas de délai. Personne ne m’attend vraiment à Londres. Le temps me dira si je dois poser mes bagages ici ou ailleurs.
J’attrape mon café et suis la jeune femme jusqu’à une table quelque peu isoler du reste de la boutique. Un endroit un peu plus tranquille pour nos retrouvailles. Je ne cesse de l’observer alors qu’elle évolue face à moi. Il ne faudra que quelques secondes pour que je remarque la bague à son doigt, mais je lui laisse le temps de me répondre. « Je suis revenue il y a quelque temps maintenant. Je vais bien, on a beaucoup de choses à se raconter, je crois. » Un petit rire m’échappe alors que je viens poser mon index sur son alliance. « Qui est l’heureux élu ? » Je me souviens… Je me souviens de ses histoires sans lendemain à Londres, mais surtout de cet homme qu’elle aimait follement et qui était marié à sa sœur. Je me souviens de son cœur brisé et j’ose espérer qu’aujourd’hui elle est afin apaisée et surtout heureuse. Elle semble épanouie en tout cas et je suis vraiment heureux pour elle. « Ça me fait tellement plaisir de te voir… » Et je repense à mon mari, toujours. « Connor parlait tout le temps de toi. Je suis tellement désolé de ne pas t’avoir donné de nouvelles. »
Jill prend une pause, parce qu’elle a une nouvelle à digérer, parce qu’elle a un ami à revoir et à réconforter. Elle passe de l’autre côté du bar pour prendre Hugo dans ses bras. Il s’est passé tellement de choses depuis qu’elle est partie de Londres. Tout semble si loin, si irréel. Et Jill n’arrive pas à se rendre compte que Hugo est seul, parce que son mari est décédé. C’est terrifiant, il était jeune, plein de vie, et c’était vraiment quelqu’un sur qui Jill pouvait compter. Un homme adorable. Mais elle ne le reverra plus, personne ne le verra plus jamais. Elle respire longuement, essayant de ne pas se faire avoir par la vague de souvenirs qui la frappait d’un coup. Elle va être là pour Hugo, lui qui a toujours été là pour elle quand elle était au plus mal à Londres. Il lui rappelle cette époque qu’elle aurait préféré oublier, mais il a besoin de quelqu’un. Il ne peut pas rester seul, pas pendant qu’il vit des choses aussi difficiles. “Et tu vis où ?” Un mois, alors qu’il était à Londres avant. Est ce qu’il a un appartement, un endroit pour vivre correctement ?
“Tu dois prendre tout le temps dont tu as besoin.” Pour écrire, pour faire son deuil, pour essayer de vivre de nouveau. Jill n’a jamais vécu un deuil aussi fort, mais rien que de s’imaginer Bailey mourir elle ne peut contrôler la douleur dans sa poitrine. Alors elle essaie de capter le regard d’Hugo. “Maintenant que je sais que t’es là je vais pas te lâcher.” Un léger sourire se dessine sur ses lèvres. Elle va garder contact avec lui, elle ne va pas faire la même erreur que quelques années auparavant.
Il remarque l’alliance, il change de sujet et Jill suit son rythme. C’est important qu’il se change les idées. “C’est Bailey.” Il sait qui est Bailey, elle lui en a parlé à de nombreuses reprises quand ils étaient encore à Londres et qu’il était encore marié à Ginny. Comme ce temps paraît loin. “On a fait ça sur un coup de tête pour le jour de l’an, et voilà.” Elle sourit Jill, un sourire qui s’agrandit quand elle aussi elle pose un doigt sur l’alliance. Elle aussi elle est contente de le revoir, et elle attrape sa main pour la serrer un peu plus. “C’est rien, j’en ai pas pris non plus…” Et elle regrette certainement de ne pas l’avoir fait maintenant que c’est trop tard.
« Et tu vis où ? » « Pour le moment ? Dans une chambre d’hôtel. » Pour le moment. J’ai assuré à tout le monde que cela ne serait qu’une situation temporaire, que j’allais rester à l’hôtel une semaine ou deux. Un mois plus tard, je suis toujours là-bas et en aucun cas, je cherche un logement un peu plus permanent. Je ne sais plus vraiment si je compte m’installer ici. Londres me manque cruellement et pourtant, je me sens incapable de vivre de nouveau là-bas. Je me sens chez moi nulle part, alors je laisse le temps m’échapper. « C’est… Compliqué pour le moment. J’ai pas… Je me sens pas encore prêt à m’installer réellement. » Parce que cela fait vingt ans que je partageais ma maison avec quelqu’un et me retrouver seul, c’est le plus dur pour moi.
« Maintenant que je sais que t’es là, je vais pas te lâcher. » Un sourire se dessine sur mes lèvres. Elle a toujours été comme cela Jill, toujours aussi franche et ouverte. Et j’apprécie sincèrement de la retrouver. Encore plus lorsque l’on se retrouve tous les deux dans un coin et que l’on échange un peu. Je remarque son alliance et cela me réchauffe le cœur. Je me souviens de ses histoires avec le mari de sa sœur, je me souviens à quel point elle pouvait être malheureuse à l’époque. « C’est Bailey. » Oh. Je fronce les sourcils et croise le regard de la jeune femme. « Mais… Il n’était pas marié avec Ginny. » Et je n’y comprends absolument plus rien, mais elle semble heureuse Jill. Elle a changé, je le vois. Elle parle de son mariage comme quelque chose de léger, mais cela se voit sur son visage que c’est un engagement qui lui tient à cœur. Je serais prêt à parier qu’elle est à l’initiative de ce coup de tête. « Tu as l'air heureuse Jill. » Et c'est quelque chose qui change. Quelque chose qui me plaît.
« C’est rien, j’en ai pas pris non plus… » Et qui peut réellement lui en vouloir ? On avait tous nos vies, elle ne savait absolument pas que Connor était malade, on l’a pratiquement dit à personne. « Je t’en veux pas Jill. Et lui non plus. » dis-je doucement en lui souriant quelque peu. « Ça a été une période vraiment dure pour nous. On c’était perdu dans notre bulle. » Et c’est peut-être bien pour cela que tout est si dur désormais. « Levi est à Brisbane ? » que je demande alors timidement. Je n’ai revu celui que je considère encore comme mon meilleur ami.
Jill est déjà passée de l’autre côté du bar pour rejoindre Hugo. Elle l’a pris dans ses bras et elle n’a pas posé de questions. Elle a compris, et elle pourrait en poser des tonnes pourtant, mais elle ne le fait pas. Alors elle pose d’autres questions, pour lui changer les idées, pour se changer les idées elle aussi. Elle essaie de ne pas laisser tourner en boucle des images de Connor. Elle ne réalise peut-être pas, elle ne réalise pas du tout encore. Il comptait pour elle, et elle va devoir vivre un deuil. “Tu sais que si t’as besoin d’un toit, même pour une nuit, tu peux demander.” Elle le regarde dans les yeux, elle sait que Bailey ne dirait pas non si il savait que Hugo était une personne en détresse qui avait besoin d’elle. “Prends le temps qu’il te faut. Pour absolument tout.” Et elle sera là pour lui à chaque étape maintenant, elle ne le quitte plus maintenant qu’elle sait qu’il est là.
Et il parle d’elle, alors elle le suit, elle suit son rythme. Elle ne veut pas le brusquer, ni le presser. “T’as loupé pas mal d’épisodes.” Et elle pourrait avoir le tournis rien que d’y penser si sa vie n’avait pas toujours été une gigantesque complication. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? C’est certainement le leitmotiv de tous les McGrath. “Merci…” Et elle se sentirait presque coupable. Elle ne veut pas afficher sa vie qu’elle arrange alors que celle d’Hugo s’est détruite.
Et elle continue d’avancer dans la discussion. Elle s’autorise quelques questions et elle s’excuse presque de ne pas avoir pris de nouvelles. Elle ne le fait jamais Jill, mais elle aurait pu. Elle regrette, elle ne pensait pas que ce genre de choses pouvaient arriver. “Je suis désolée quand même.” Elle baisse un peu la tête en tenant sa main. “Tu dois plus rester seul d’accord ?” Plus trop, même si il a sûrement besoin de moment avec lui même, elle ne veut pas le perdre lui aussi. “Oui il est en ville.” Elle sourit un peu, Levi connait aussi très bien Hugo. “Tu veux le voir ?”
« Tu sais que si t’as besoin d’un toit, même pour une nuit, tu peux demander. » Ce serait drôle que les rôles s’inversent quelques années plus tard. Longtemps, nous avons hébergé Jill que ce soit après une soirée un peu trop alcoolisée ou pour des durée un peu plus longue lorsqu’elle ne savait pas vraiment où aller et que la maison de ses parents ne faisait pas partir de la solution. Je suis touché par sa proposition et lui souris tendrement. « Pour le moment, je suis bien à l’hôtel, mais c’est gentil. » Et peut-être que je finirais par l’entendre et l’accepter, le temps d’une soirée afin de voir d’autre êtres humains, afin de renouer des liens sociaux. Chaque chose en son temps.
J’apprends qu’elle s’est marié Jill. Qu’elle est mariée à cet homme qu’elle aimait déjà tant il y a de cela dix ans. Elle est particulière leur histoire, elle est invraisemblable même lorsque l’on ne fait pas réellement parti du cercle, mais je vois dans son regard qu’elle a trouvé une certaine stabilité. Elle a enfin la place qu’elle cherchait tant et je suis si heureux pour elle. Même si j’ai loupé tout un tas d’épisodes. « Je suis vraiment heureux pour toi. » C’est tout ce que je voulais pour elle et je suis sûr que Connor dirait la même chose. Je vois son regard qui se voile et viens poser ma main sur la sienne. « Eh… Tu as le droit de me parler de ton bonheur Jill. » Il ne faut pas qu’elle s’en veuille parce que moi, j’ai perdu l’homme de ma vie. « Profites-en surtout. De tous les instants. » C’est bel et bien le seul conseil que je pourrais lui donner. De profiter de chaque instant comme s’il s’agissait du dernier. Parfois, la vie va trop vite.
« Tu dois plus rester seul d’accord ? » Je hoche la tête si rapidement que je pourrais m’en briser la nuque. « Oui. » Je suis d’accord avec elle, même si parfois ce n’est pas évident. « Je suis heureux de te savoir ici. » parce que je sais que je pourrais me diriger vers elle quand ça n’ira pas. Et je demande pour Levi. Elle m’affirme qu’il est en ville. « Je sais pas si j’veux le voir. » Non, je n’en sais rien. Je ne sais pas si je suis prêt pour cela. « Je… Je verrais ça plus tard. » Oui, clairement, on en parlera plus tard. « Dis-moi… Je vais commencer à chercher un appartement, tu viendrais faire les visites avec moi ? »
Elle est là pour l’aider Jill. Elle pourrait lui offrir un toit pour des mois si il en avait besoin. Il a été là quand elle allait mal à Londres, alors c’est à son tour de lui rendre la pareille. Elle sourit, tente de se montrer rassurante même si depuis de longues minutes maintenant elle a des flashs de sa vie à Londres. Quand elle passait de bons moment avec le couple. Et elle soupire tristement de temps en temps. Sans pleurer, elle ne pleure que très rarement Jill en temps normal. Même si les hormones ne l’aident pas ces derniers temps Et elle ne veut pas que Hugo se sente mal, au contraire, elle compte bien essayer de lui changer les idées. Donc elle tente de garder son sourire même quand il lui parle de son mariage et de tout ce qui l’entoure. “T’hésites pas” Elle se répète et elle le laisse décider. Parce qu’il sait qu’elle est sérieuse, et qu’elle peut l’héberger même si il l’appelle au beau milieu de la nuit.
Il est heureux pour elle, même si elle hésite à parler parce qu’elle ne veut pas qu’il se sente mal. Elle hoche la tête Jill. “Je veux pas que tu te sentes mal. Mais oui tout va bien pour moi en ce moment, pourvu que ça dure.” Parce que les McGrath ne sont pas fait pour être heureux bien longtemps, ils finissent toujours par tout gâcher. Mais pour l’instant, Jill ne veut rien changer à sa vie, elle évolue et elle se sent bien. Elle va profiter de ce qu’elle a. Il ne doit pas rester seul, et elle compte bien ne pas le laisser seul maintenant qu’elle sait qu’il est dans la ville. “Tu fais comme tu veux, mais il est en ville.” Elle ne l’obligera pas à voir Levi non plus. “Oh oui ! Je connais tous les meilleurs coins de la ville.” C’est sa ville, elle connait tout. Et elle est contente de l’avoir retrouvé après tant d’années à Londres. “Je pourrais passer des heures à t’emmerder sur ton canapé.” Comme avant, comme à Londres.
« T’hésites pas » Un sourire se dessine sur mes lèvres alors que j’entends ses mots. C’est marrant parfois comment la vie nous permet d’inverser les rôles. Avant, dans une autre vie, j’étais celui qui lui disait cela en boucle, constamment. N’hésite pas à venir, Jill. N’hésite pas à appeler. Et d’ailleurs, au fil du temps, avec la confiance, elle n’hésitait plus. Elle était toujours la bienvenue chez nous et je vois dans son regard qu’elle aimerait me rendre la pareille. C’est touchant et je me mords la lèvre pour ne pas laisser mes émotions me submerger. C’est normal, après tout, non ? Les amis sont là pour se soutenir quand tout semble aller de travers.
J’ai un pincement au cœur lorsque je vois Jill tant hésiter à me parler de sa vie au présent. Elle s’est mariée et je suis véritablement heureux pour elle, mais elle ose à peine l’être en face de moi. « Je veux pas que tu te sentes mal. Mais oui tout va bien pour moi en ce moment, pourvu que ça dure. » « Tu n’as absolument pas besoin de t’excuser Jill. » Vraiment pas. Je sais faire la part des choses. Elle a tellement galéré par le passé, elle le mérite son bonheur avec cet homme qu’elle a toujours aimé. C’est même rassurant pour moi de voir qu’elle a réussi à s’en sortir, qu’elle semble désormais un peu plus posée dans sa vie. Cela me fait du bien de la voir souriante et apaisée. « Ne m’en veux pas de dire ça, mais… Je suis persuadé qu’il serait si heureux pour toi. » Un sourire tendre se dessine sur mes lèvres en pensant à mon mari. « Il voudrait voir ta bague, tout savoir dans les moindres détails. Je suis pas si chiant à côté. » dis-je en riant un peu. Il faut bien dédramatiser quelque peu.
On en vient à parler de son cousin et la jeune femme m’apprend qu’il est en ville. Dans le fond, je m’en doutais, mais je ne sais pas si je suis vraiment prêt à me retrouver face à face avec Levi. On verra plus tard pour cela, pour le moment, je me concentre sur la brunette qui se trouve en face de moi. « Je pourrais passer des heures à t’emmerder sur ton canapé. » Un rire m’échappe. « Ça nous rappellera de bons souvenirs au moins ! » Je pose ma main la sienne tandis que nos regards se croisent. À Londres on passait des soirées entières à regarder des films, à parler de tout et de rien. Et même si c’est dur, parfois, j’aime me souvenir de ce genre de moments qui était si cher. « Il va falloir se refaire un marathon Harry Potter. » C’était devenu un rituel fût un temps quand elle n’allait pas très bien, on ne posait pas de questions avec Connor, on lançait Harry Potter et on installait Jill entre nous avec tout un tas de snack. « Et puis tu pourrais me présenter ce fameux Bailey, non ? » Je serais bien curieux de faire sa connaissance, c’est certain. « Je crois que je vais rester dans le coin, un moment. » dis-je doucement comme pour lui affirmer que l’on aura le temps de faire tout cela.
Elle a abandonné l’arrière du bar pour rejoindre Hugo. Elle a l’impression que c’était il y a une éternité cette vie à Londres. C’était un autre moment, et Jill était dans un tout autre état. Elle pense qu’elle a changé depuis Londres, elle l’espère en tout cas. Elle sourit Jill quand il parle de Connor, et du fait qu’il aurait été heureux pour elle. Elle a tellement peur de briser Hugo en affichant ce qu’il s’est passé dans sa vie ces derniers temps. Et pourtant, il a l’air de vouloir savoir le jeune homme, de vouloir tous les détails de la nouvelle vie de Jill. “Il aurait même dit que le diamant était pas assez gros avant de pouffer de rire.” Et c’est au tour de Jill de rire un peu plus fort. C’est bon de se rappeler de lui de manière positive. Mais Jill a encore du mal à réaliser qu’elle ne le verra jamais. Un nouveau pincement au coeur avant qu’elle ne repose toute son attention sur Hugo.
Elle continue de sourire, ils avaient passé de très bons moments en Angleterre tous les trois. Il ne sait sûrement pas à quel point il l’a aidé pendant cette période. Leur appartement était son refuge, un endroit loin de tout où elle se sentait en sécurité avant de retourner à sa vie de débauche. “Carrément !” Et déjà elle valide la prochaine soirée parce qu’ils vont se revoir. Elle espère que Hugo va rester dans les parages assez longtemps. Elle ne voudrait pas le laisser seul alors qu’il a encore l’air complètement chamboulé par la mort de Connor. “On va se revoir plusieurs fois alors !” Elle hoche la tête Jill en retournant derrière le bar pour lui servir un verre, et il a dû passer quelques heures assis en face d’elle à l’écouter parler. Ca faisait une éternité, et elle se demande pourquoi elle n’avait pas cherché à le revoir plus tôt.
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