Je viens de passer un long moment avec ce mec au prénom imprononçable. Je lui ai même donné quelques conseils de drague, il avait l'air perdu le pauvre brun. Mais il n'a pas choisi d'être là apparemment, et ça se voyait. Je lui fais un petit signe de tête quand je le vois assis devant une jolie brune, il a plutôt intérêt à avoir écouter ce que je lui ai dit, il pourrait bien avoir une touche. Je me concentre tellement sur ce qui se passe à côté de moi que je ne vois même pas la petite blonde qui s'assoit en face de moi. Un grand sourire, pleine de naïveté, tout à fait mon genre. Elle est peut-être un peu jeune, mais elle est majeure si elle est inscrite à ce speed dating. Et ça, c'est le principal.

Masque du mec parfait mis en place, et mon sourire que j'affiche, plus grand que jamais. Je compte bien la séduire, même si j'ai que quelques minutes. C'est une proie facile je le sens, je repartirai certainement avec son numéro, ou un nouveau rendez-vous, et ça va être simple. Elle va trouvé ça naturel, elle appellera ça le feeling, ou l'alchimie, mais tout sera calculé. Tout dans les moindres détails. Exactement comme je l'ai fait pour Elora, ou pour chacune des filles qui peut entrer pendant très peu de temps dans ma vie. Mais je me concentre pas sur ça tout de suite. Là, mon objectif c'est qu'elle succombe.

« Comment s'appelle cette belle blonde ? » Un clin d’œil charmeur, et le sourire qui va avec. Plus je lui pose des questions moins elle va pouvoir m'en poser. Alors autant commencer la conversation et faire semblant d'être intéressé par ses réponses. « Tu as de très beaux yeux ! » ça par contre c'était vrai. Des yeux assez clairs, mais différents des miens. Alors je continue de les regarder, de la regarder. « Qu'est ce que tu fais ici ? »

Je quitte Jimena bien moins confiante que cette dernier quant à mon sort à l'issue de cette journée speed dating. Il faut dire que je soupçonne très aisé, pour une femme telle que la mexicaine, de croire au succès : ses filets doivent regorger de poissons en tout genre. La Valladores fait rapidement tourner toutes les têtes, alors que pour ma part, je jouis d'un réel talent pour me mêler à la tapisserie.

Dépitée, pessimiste, je m'installe à la table qui m'est indiquée. Cette fois-ci, je me retrouve en face d'un garçon aux cheveux d'ébène. J'observe son profil, ce dernier bien trop captivé par la table où échangent un brun et mon ancienne interlocutrice pour se concentrer sur ma personne. Voilà qui débutait bien. J'avais au moins un représentant de la gent masculine cette fois-ci, mais il était plus intéressé par les voisins que par ma fraise. Je soupire discrètement, baissant les yeux sur les motifs de la nappe que j'étudie question de passer le temps. Ce speed dating constitue un cuisant échec, je n'aurais jamais dû m'y inscrire. Ça m'apprendra.

« Comment s'appelle cette belle blonde ? » Je sursauterai presque d'entendre la voix de l'australien. Je scrute quelques instants le portrait de mon rendez-vous éphémère. La première chose que je remarque sont ses yeux saillants. Deux perles d'un bleu aussi éclatant que le plus radieux des cieux. « Elia. Et toi ? » Parce que je suis soudainement très curieuse de comment un si bel homme puisse s'appeler. J'ai envie d'en connaître davantage sur ses origines, comment il mène sa vie et ce n'est pas le rouge qui teinte déjà mes joues qui m'en privera. « Tu as de très beaux yeux ! » Je ris timidement, teint désormais pivoine, confiant en toute sincérité : « Je pensais exactement la même chose... » Et je lui adresse un sourire aussi complice que tendre. J'estime cela vraiment spécial que nous remarquons tous deux le même élément chez l'un l'autre. « Qu'est ce que tu fais ici ? » Alors, c'est à ce moment-même qu'il faut que je trouve une réplique maline, quelque chose qui me démarquera de toutes les autres. Ce n'est pas tous les jours que j'ai l'attention d'un tel homme et il m'est indispensable de mettre toutes les chances de mon côté pour que cet échange se passe le mieux possible. La balle est dans mon camp, je ne dois assurément pas me louper ! « J'avais envie de voir s'il y a des personnes intéressantes qui traînent à ce genre d'événements... » Je marque une pause, malicieuse. « T'en es une ? » Voyons voir la vision que le brun a de lui-même. Je n'en mène pas large parce que clairement, il est mille fois plus expérimenté que moi. Mais je compte bien me défendre et marquer des points avec lui. « Tu fais quoi, dans la vie ? » J'enchaîne, avide d'en découvrir davantage sur sa personne.

Je continue de l'observer. Elle est vraiment mignonne, elle a un air si innocent. Elle est rêveuse, et elle espère certainement trouver l'homme de sa vie ce soir. Je peux même lire dans son regard qu'elle m'aime bien. Peut-être qu'elle pense que c'est moi l'homme de sa vie, la rencontre qu'elle devait faire ce soir. Pauvre petite âme si innocente. Mais je n'ai pas de peine pour elle, j'ai juste envie de m'amuser. De jouer. Parce que c'est pour ça que je suis venu, parce que je n'imagine plus trouver réellement l'amour un jour. Parce que je trouve un semblant de bonheur dans les histoires d'un soir, ou dans les cœurs que je brise. Parce que, moi, je n'ai jamais été assez stupide pour offrir mon cœur à qui que ce soit. Ou peut-être une fois quand une tornade rousse est entrée dans ma vie, mais ça a dû duré moins d'une minute.

« Jet » Elle non plus n'aura pas le droit à mon vrai prénom, je trouve qu'il y a déjà bien trop de personnes qui le connaissent. Alors mon prénom n'existe plus, je suis uniquement Jet et c'est bien mieux ainsi. « Ooooh je vois qu'on a déjà les même pensé ça commence bien ! Bien mieux que mon rendez-vous précédent ! » Je hoche la tête en me tournant légèrement vers le brun pour le montrer discrètement du doigt. « C'était la brune toi ? » Ils ont certainement échangé les partenaires. Je continue de faire tourner la conversation autour d'elle, je compte bien ramasser toutes les informations possibles et imaginables avant de décider ce que j'allais bien pouvoir en faire. Est ce que je suis une personne intéressante ? Bien évidemment quelle question. « Je te laisse juge ! » Mais le masque du mec parfait est toujours en place. « Les mecs mystérieux passent toujours pour les plus intéressants en général ! » Et je hoche la tête avant de boire une nouvelle gorgée dans mon verre. Je fais quoi dans la vie ? Heuuu... Mauvaise question. « Je suis dans la musique, je chante, je joue de la guitare et du violon ! » Officiellement. Officieusement je deal. « Et toi ? Tu travailles ? T'as des loisirs ? » Vas y Elia, raconte moi absolument tout.

Ils sont réellement captivants, les yeux de mon nouvel interlocuteur. Je peine à m'en détacher, je me soupçonne capable d'admirer leur couleur inlassablement. Ils me ont rêver, si clairs, si purs, des iris comme j'en avais jamais vus auparavant et que je juge exceptionnels. Par ailleurs, les cheveux bruns du garçon ainsi que sa barbe de quelques jours ne font qu'accentuer le ciel de son regard, le souligner avec un charme et une beauté déstabilisants.

« Jet » Ça sonne comme un surnom. Si c'est un prénom, c'est réellement atypique, ça me plaît bien. Court, droit au but, pas de fioriture superfétatoire. Je me retiens de lui demander si ces trois lettres figurent sur son acte de naissance, je me garde cette part de mystère que je trouve bien agréable. « C'est classe, Jet. » Je complimente sincèrement. « Ça en jette. J'aime beaucoup. Sans mauvais jeu de mots. » Un sourire timide, en coin, apparaît sur mon fin minois. Un rire timoré file entre mes lèvres lorsqu'il remarque, tout comme moi, que nous avions tous deux exposés le ton de nos yeux. « Ooooh je vois qu'on a déjà les même pensé ça commence bien ! Bien mieux que mon rendez-vous précédent ! » Spontanément, je jette un coup d’œil au brun avec les cheveux mi-longs, qui sera sans doute mon troisième rendez-vous du jour. « C'était la brune toi ? » J'acquiesce doucement avant de prendre la parole : « Oui. Mais j'aime pas les filles. T'aimes les garçons ? » Ma question est audacieuse, toutefois, peu de temps se trouve devant moi. Autant j'ai envie de marquer le plus de points possibles avec Jet, autant il me faut savoir à quoi m'en tenir. Puis, j'espère sincèrement qu'il ne tombera pas dans les filets de Jimena, bien plus canon que moi.

« Je te laisse juger ! » L'australien me réplique quand je le questionne, de manière détournée, s'il se classe parmi les personnes intéressantes. Excellente réponse. Il n'a pas l'égo de se lancer des fleurs, n'est pas assez coincé pour se montrer hésitant. Il me semble sûr de lui et assumer qui il est, peu importe le regard d'Autrui. J'adore. « Les mecs mystérieux passent toujours pour les plus intéressants en général ! » Je l'observe boire une gorgée de son rafraîchissement, conservant un sourire séduit sur mes lippes. Je ne suis pas spécialement fan des mystères, si ce n'est pour les élucider. Ainsi, je l'interroge sur la manière dont il mène sa vie. « Je suis dans la musique, je chante, je joue de la guitare et du violon ! » Un air impressionné emprunte derechef mes traits. « C'est génial, ça ! Tu es dans un groupe ? Tu joues quel style ? » « Et toi ? Tu travailles ? T'as des loisirs ? » Mes yeux pétillent d'intérêt pour Jet comme d'entrain à l'idée de discuter de ma passion via laquelle je gagne ma vie. « Je suis dans la gastronomie. C'est ma grande passion. J'aime beaucoup jouer avec les ingrédients pour innover. C'est un énorme terrain de jeu, tellement de possibilités, de saveurs, de textures, d'art et de savoir-faire... » C'est étonnant, comme il est facile de lui parler, à ce quasi inconnu. Aucune chance que je l'oublie rapidement.

Je me présente, elle se présente aussi. Et je crois que j'ai déjà oublié son prénom. Eli ? Ela ? Elena ? Merde. J'aurais quand même pu faire un effort pendant 5 minutes. C'est pas comme se les rendez-vous étaient vraiment long. Mais c'est pas utile le prénom, elle sera encore plus séduite si j'utilise des surnoms. Je le sais, elle est déjà sous mon charme. J'ai certainement mis une ou deux minutes. Tellement facile. Elle ne sait pas à quel point elle ne voit pas la bonne personne, à quel point le portrait que je peins de moi est erroné. Elle ne le saura pas ça, on ne se connaitra certainement jamais assez pour qu'elle puisse s'en rendre compte. « Je l'aurais pas mal pris si ça avait été un jeu de mot, ça aurait pu me faire rire. » ça c'est faux je pense, parce que c'était pas drôle. Et on parle de nos deux anciens rendez-vous, je me renseigne sur ses préférences sans poser les questions directement. « J'aime les gens en général, je m'arrête pas à un physique. » J'enchaine mensonges sur mensonges. Et c'est dingue à quel point je peux être convainquant.

On parle aussi des métiers, et, bien évidemment, j'arrange encore la vérité. C'est bien plus beau, et ça la fait rêver. « Non je joue seul, je joue mon style j'aime bien composer. Je fais un peu de tout. » ça c'est vrai quand même, j'aime bien jouer, depuis toujours. C'est une constante dans ma vie et j'aime bien en parler. « Donc tu cuisines bien ! Tu me feras goûter un jour ? Que je vois quels sont tes talents ? » Ne fais pas des plans sur le long terme Jet. C'est peu probable que cette histoire dure. « T'as d'autres talents d'ailleurs ? »

Un sourire poli se dessine sur mes lèvres lorsqu'il indique que l'éventuel jeu de mot sur son prénom aurait pu le faire rire. J'en doute un peu parce que je le juge très mauvais, mais je perçois qu'il essaie vraiment de rester positif et avenant dans cet échange, ce que j'apprécie énormément. Je m'interroge sur ses ambitions une fois que la sonnette aura retenti et annoncera un nouveau tour de table. Quoi qu'il en soit, je m'évertue à gagner le max de points auprès du garçon. « J'aime les gens en général, je m'arrête pas à un physique. » Je ne peux retenir mes sourcils de se froncer légèrement. L'idée est belle, romantique, si tolérante, mais j'ai vraiment du mal à saisir ce concept, peut-être à cause de mon gigantesque manque d'expérience dans le domaine. « Donc t'es pansexuel ? » J'ose questionner, ma timidité se dissipant petit à petit. C'est qu'il est facile de discuter avec un homme qui ne joue pas de contrariété ni d’agressivité.

Il est musicien et je ne vais pas le cacher : ça me fait vibrer. J'ai un peu de mal avec le manque de sécurité qui repose sur ce genre de métier mais j'ai toujours été touchée par la sensibilité dont disposent les artistes. « Non je joue seul, je joue mon style j'aime bien composer. Je fais un peu de tout. » De plus en plus volatile, le Jet. Il aime tout le monde, joue tous les styles. « T'as pas l'air contraignant, » je commente avant qu'il ne me questionne sur mes propres passions. « Donc tu cuisines bien ! Tu me feras goûter un jour ? Que je vois quels sont tes talents ? » Je hoche la tête à l'affirmative, ravie. « Je bosse à L'Interlude, à Spring Hill. Tu passes quand tu veux. » Je lui file un ticket VIP au passage. L'Interlude était un restaurant de gastronomie française avec une bonne petite réputation, qui affichait complet le plus souvent du temps. « T'as d'autres talents d'ailleurs ? » A vrai dire, la cuisine est tellement la pièce maîtresse de mon existence, et ceci depuis mon plus jeune âge, que je n'ai jamais songé au fait que je puisse avoir d'autres talents. Ou même un plan B. J'improvise toutefois parce que ça ferait mauvais genre selon moi de lui dire que je me focalise que sur une seule chose dans la vie - surtout si lui-même n'est pas très fan de gastronomie. « Les sensations fortes. Je les traque, je suis une droguée d'adrénaline. » Ça n'a pas l'air comme ça, sous mes petits airs angéliques et frêles, mais c'était un enthousiasme que mon père m'avait transmis depuis toute petite. Les sauts à l'élastique ou en parachute, les randonnées périlleuses, le vélo de montagne, le paravent, la plongée dans les bas fonds... J'essayais chaque mois d'offrir ce rush d'adrénaline à mon organisme. « T'as déjà mis ta vie en danger ? » A quel point Jet peut-il être volatile ?

Elle utilise un mot que je ne connais pas. Pansexuel ? Ça existe vraiment au moins. Pourquoi tout le monde était toujours obligé de poser des mots sur tout. On peut pas juste dire qu'on peut vouloir se taper n'importe qui dans un bar quand on a assez d'alcool dans le sang ? Non, il fallait un mot, il fallait une case. Mais je garde mon sourire, je suis quand même curieux encore. « Qu'est ce que c'est que ce mot étrange ? » Je ne veux pas passer pour un illettré, et encore moins pour un vieux. Alors je continue de la charmer avec les yeux, pour qu'elle se perde dans l'intensité de mon regard. C'est si facile de les perdre. Elle gobe tout, elle croit à chacun de mes mots. Elle doit penser que tout est naturel, que je suis aussi emballé qu'elle, alors que je m'amuse juste à peaufiner mes stratégies d'approches, que je veux voir en combien de temps je peux faire succomber les filles naïves. C'est tout ce qui compte là maintenant.

« Pourquoi être compliqué ? L'amour ça se réfléchit pas, c'est instantané, et je pense qu'on peut tomber amoureux de n'importe qui. Tu crois à l'âme sœur ? » Oh Jet. Quel fourbe je peux être. Je lui parle d'amour alors que je ne me souviens plus de son prénom, et c'est là que je vais savoir ce qu'elle pense, que je vais être sûr que l'affaire est dans la poche. Elle cuisine, et ça ça peut être pratique. Elle travaille dans un restaurant, encore mieux. Repas gratuits si j'arrive à rester proche d'elle pendant un temps. « Il va falloir que je note cette adresse. » Son prénom n'est pas resté dans mon esprit, mais le nom du restaurant y restera ancré. Oh oui j'aime les sensations fortes moi aussi. Mon truc du moment c'est le deal et les courses de voiture illégales. Grâce à ça je me sens vivant, j'ai l'impression de vivre la meilleure partie de ma vie. « Oui, je crois bien. » Avec la drogue, après un vol, pendant ses courses, à chaque fois que je me battais. Mais c'est pas les parties dont je dois parler, parce que ça pourrait l'effrayer. « Est ce que t'as déjà fait quelque chose d'illégal ? » En voilà une question intéressante.

Lorsque Jet m'indique aimer les personnes pour ce qu'elles composent sans la barrière de leur genre, je ne peux m'empêcher de lui demander s'il est pansexuel, un terme qu'il ne connaît pas. « Qu'est ce que c'est que ce mot étrange ? » Ça m'échappe le fait d'avoir une orientation sexuelle sans être en mesure de la nommer. A-t-il déjà fait des recherches sur ses attirances ? S'est-il déjà posé des questions sur la nature de ses pulsions ? Ou s'en fiche-t-il tout simplement éperdument et se contente-t-il de vivre tel quel, sans mot à user ? Peut-être est-ce une divergence générationnelle. « C'est comme ça qu'on appelle les gens qui sont attirées par d'autres personnes sans considération de leur sexe biologique, de leur expression de genre ou de leur orientation sexuelle. »

Le garçon est totalement captivé et son optique est simple : « Pourquoi être compliqué ? L'amour ça se réfléchit pas, c'est instantané, et je pense qu'on peut tomber amoureux de n'importe qui. Tu crois à l'âme sœur ? » Non et oui. Il déballe beaucoup avec tant d'aisance des paroles sur mes croyances et mes rêves qu'il m'ébranle. Je ne pense pas que l'on puisse tomber amoureux de n'importe qui : pour ma part, il m'apparaît impossible d'éprouver des sentiments romantiques pour une autre fille, par exemple. En revanche, je suis d'accord avec le reste : l'amour frappe sans cérémonie et on ne contrôle pas les émotions qu'il prodigue. C'est un sujet qui m'est cher et même si j'ai une expérience nulle dans ce domaine, je crois dur comme fer à l'âme sœur et au coup de foudre. « Oui, et au coup de foudre aussi. T'es déjà tombé amoureux ? Tu parles d'expérience ? » Je me demandais s'il y avait des personnes qui n'avaient jamais rencontré leur âme sœur ou connu cette forte sensation d'envoûtement une fois dépassée la trentaine ou la quarantaine.

L'on bascule sur nos passions. Je l'invite à passer à L'Interlude, restaurant où je travaille. Il promet noter l'adresse, je conserve un sourire tendre et intéressé à son égard. Il croit bien avoir déjà mis sa vie en danger, ce qui me fait néanmoins sourciller. N'est-ce pas le genre de choses dont on est sûr ? « Est ce que t'as déjà fait quelque chose d'illégal ? » Je hoche la tête en signe de dénégation. « Jamais. Et toi ? » Puis, titillée, j'enchaîne : « Comment tu peux seulement croire avoir mis ta vie en danger ? C'est comme avoir pris une cuite : tu le sais ou pas, non ? » C'est à ce moment-là que je réalise à quel point je suis chiante, comme fille, à jouer sur les mots. Pas étonnant que je n'ai pas de copain ni tant d'amis que ça, à être si contrariante. Je grimace à ces réflexions, affichant un air désolé, fâchée contre moi-même.

On parle de relations amoureuses, de gens qui peuvent tomber amoureux de n'importe qui, qui ne se préoccupent pas du corps. Moi je ne tombe juste pas amoureux. J'ai pas envie de faire ça. « Merci pour toutes ces explications ! » Je hoche la tête en souriant. C'était toujours quelque chose d'intéressant à connaître, un mot compliqué, que je pourrais réutiliser quand je me retrouverai à draguer une autre fille. Ce qui allait arriver dans quelques minutes puisque je n'avais pas fini mes rendez-vous de la soirée. Et peut-être même qu'après tout ça je rencontrerai une nouvelle jeune blonde désespérée. Mais pour l'instant je me concentre sur celle là, elle a l'air complètement hypnotisé et j'adore ça. Ma soirée se passe bien mieux que ce que je pouvais prévoir. « Je ne sais pas vraiment en fait, j'ai eu que des expériences avec des fills, sauf récemment, j'ai couché une fois avec un mec et c'était pas désagréable. » Un passage de vérité pendant ce rendez-vous ça ne pouvait pas faire de mal.

Une question compliquée, parce que quand on me parle d'amour je pense instinctivement à Ariane et j'ai envie de me frapper pour ça. Je serre les dents pour que la rousse sorte de ma tête et que je puisse me concentrer de nouveau sur mon personnage. « Honnêtement je sais pas, j'ai déjà eu des histoires mais ça n'a jamais duré très longtemps, je ne suis sûrement jamais tombé sur la bonne personne. » Ou peut-être que si. Et je secoue la tête pour faire partir cette pensée. « et toi ? »

Est ce que j'ai déjà fait quelque chose d'illégal ? Je ne vais pas lui faire la liste, ce serait sûrement une très mauvaise idée. « Oui ça m'est déjà arrivé ! » A vrai dire ça m'arrive tous les jours, à longueur de temps. Même là je me balade avec des pilules dans les poches de mon pantalon. Sa question est étrange mais elle m'intéresse, c'est vrai qu'on devrait être sûr des moments où on met nos vies en danger. « Rien qu'en vivant un peu on met sa vie en danger non ? » Je suis vague, et j'aime bien la voir réfléchir, chercher la réponse parfaite pour répondre, c'est assez amusant. « Qu'est ce que tu appelles mettre ta vie en danger ? »  

Il n'y a pas photo : Jet me captive. Que ce soit par son physique avantageux, ses yeux d'un bleu merveilleux souligné par l'ébène de sa chevelure et accentué par les traits de son portrait exceptionnel, ou par ses paroles. Il n'est pas contrariant, semble toujours ouvert à la discussion tout en respectant son interlocuteur, ce que j'apprécie énormément. « Je ne sais pas vraiment en fait, j'ai eu que des expériences avec des filles, sauf récemment, j'ai couché une fois avec un mec et c'était pas désagréable. » Ça m'échappe totalement, le fait de pouvoir être intime tantôt avec un homme, tantôt avec une femme, et juger les deux agréable. Je sais très bien que c'est possible, mais ce n'est pas un concept que j'arrive à saisir, sans doute parce que je suis encore pucelle ou que je n'ai pas l'esprit assez ouvert par les expériences de la vie. Il faut dire que je me focalise toujours les mêmes éléments et mène une existence bien cadrée. Cependant, ma curiosité est plus qu'aguichée et je désire toujours en savoir plus du bel homme qui se trouve face à moi. Un spécimen unique qu'on ne croise pas tous les jours, que ce speed dating m'aura permis de rencontrer. J'espère qu'il se pointera à L'Interlude.

« Qu'est-ce qui t'a donné envie de coucher avec lui ? » Je questionne ainsi, avant d'enchaîner : « Ça fait longtemps que tu couches avec des gens ? » Autrement dit, j'étais intéressée de savoir quand Jet avait perdu sa virginité. Curiosité malsaine, sans doute, mais nous parlions bien de nos orientations sexuelles, pourquoi pas des premières fois - ou en l'occurrence, de sa première fois ?

Je parle irrémédiablement d'amour, c'est plus fort que moi. Le romantisme, l'eau de rose, le coup de foudre, tout ceci me passionne et me fait vibrer. Je rêve de mon idylle et suis impatiente de trouver l'homme de ma vie. « Honnêtement je sais pas, j'ai déjà eu des histoires mais ça n'a jamais duré très longtemps, je ne suis sûrement jamais tombé sur la bonne personne. » J'affiche une mine discrètement attristée pour le garçon. Il me semble avoir dépassé la trentaine et je trouve ça terrible de ne jamais être tombé amoureux. Il ne paraît pas plus contrarié que ça par la situation, mais à sa place, je me saurais dévastée. « Et toi ? » Je hoche la tête à la négative. « Jamais comme il faut. » Parce que bien sûr, mon cœur d’artichaut s'entiche rapidement. Néanmoins, aucune de mes histoires n'a su évoluer vers une relation amoureuse, à mon plus grand désarroi. « T'as des enfants ? » Parce que je savais qu'il n'était pas nécessaire d'aimer pour faire des bébés et souvent ceux-ci arrivent à un bien mauvais moment, comme il l'était le cas pour Joshua et Arrow.

Il m'avoue avoir déjà fait dans l'illégalité. Je me redresse sur ma chaise, cachant mon effarement. « Rien qu'en vivant un peu on met sa vie en danger non ? » Je fronce doucement les sourcils. « C'est sûr. Mais c'est toujours mieux d'être aux manettes du danger et le provoquer, non ? » « Qu'est ce que tu appelles mettre ta vie en danger ? » C'est à cet instant-même que je rougis, craignant qu'on ne soit pas du tout sur la même longueur d'ondes et qu'on ne partage pas la même définition du danger. Si c'était le cas, j'aurais l'air tellement ridicule ! « Me mettre dans tes situations où je pourrais mourir ou me blesser gravement... Me placer dans des circonstances où mon instinct et l'adrénaline atteignent leur paroxysme si bien que mon corps et mon esprit deviennent qu'un pour survivre. »

Plus on avance, plus la conversation est intéressante. Elle n'a pas l'air coincée et c'est agréable, elle pose toutes les questions qui lui passent par la tête. Je ne me gêne pas pour répondre et pour lui demander à elle aussi des choses qui m'intéressent. On parle de l'amour (sujet sur lequel je n'ai pas beaucoup d'expérience) mais de sexe aussi (là, je sais très bien de quoi je parle). Elle pose beaucoup de questions, mais elle n'a pas l'air expérimentée. « Je sais pas, une alchimie, ça c'est pas contrôlé, c'est juste arrivé ! » Je n'ai même pas vraiment d'explications sur pourquoi j'ai fini par coucher avec Allan. On était défoncé, et puis on se plaisait. Alors c'est arrivé comme ça. Sa deuxième question me fait hausser un sourcil. Je trouve ça étrange de poser la question comme ça. Est ce qu'elle est en train de me demander à quand date ma première fois ? Je crois bien. Mais c'est compliqué à dire. Je lève les yeux au ciel, je réfléchi un peu, je n'ai pas la date exacte. « Je sais pas, je devais avoir 13 ou 14 ans, à peu près. Je ne suis plus vraiment sûr de moi. Mais au pire, elle n'a pas besoin de réellement connaître la vérité. « Et toi ? T'as couché avec beaucoup de gens? »

« Peut-être que tu es trop exigeante ! » Il y avait beaucoup de filles comme ça. Qui passaient leur vie à chercher un prince charmant qui n'existe pas. C'est possible qu'elle soit comme ça, et elle a l'air jeune et pleine d'espoir. « Non j'ai pas d'enfants ! » Quelle horreur des enfants. Je n'en veux pas, je n'en voudrais certainement jamais. « Pourquoi c'est à ce moment là que tu m'annonces que t'as eu des jumeaux à 17 ans et que t'es déjà maman ? » Je souris légèrement, mais j'aimerais quand même bien savoir si c'était le cas. « Je pense que y'a quelques dangers que tu contrôles pas qui peuvent être intéressants ! » Se faire courser par des flics ou des dealeurs que j'avais volé. La sensation peut être terriblement intéressante. « Tu provoques quels genre de dangers ? » Qu'est ce qu'elle pouvait bien faire de si dangereux à ses yeux ? « Ta définition est pas mal ! J'approuve » Même si c'est le danger facile, le danger que n'importe qui peut prendre parce qu'il y a toujours un minimum de sécurité. Le genre de danger pour les gens ennuyeux en manque d'adrénaline.   [/quote]

« Je sais pas, une alchimie, ça c'est pas contrôlé, c'est juste arrivé ! » Je suis mitigée face aux propos du garçon. J'admire beaucoup ce côté spontané et instinctif : le fait de se plaire et d'y aller sans se poser de questions. Cependant, dans mon esprit, mes relations sont également tant cadrées que je doute que je pourrais jouer de la même souplesse que Jet. « C'est cool, ça. » Je commente néanmoins en toute sincérité. Curieuse, je lui demande si cela fait longtemps qu'il est intime avec d'autres personnes ; autrement dit, quel âge avait-il lorsqu'il a perdu sa virginité. Un léger rire file entre mes lèvres devant son air désabusé. J'ai l'impression de lui avoir demandé un élément insignifiant ou qui date tellement qu'il en a perdu toute sa saveur. D'ailleurs, il ne se rappelle plus de son âge exact lors de cet événement. « Je sais pas, je devais avoir 13 ou 14 ans, à peu près. » « Ça n'a pas l'air de t'avoir beaucoup marqué. C'était nul ? » Je continue mon interrogatoire franco. C'est que mes questions n'ont pas l'air de l'exaspérer et je suis vraiment très intéressée - captivée - par Jet. « Et toi ? T'as couché avec beaucoup de gens? » Je hoche la tête à la négative. « Non. Pas beaucoup. » Personne, mais ça, je ne lui avouerai jamais.

Je lui explique ne jamais aimer comme il faut. En effet, je ne suis pas parvenue à faire évoluer la moindre de mes relations au niveau supérieur. « Peut-être que tu es trop exigeante ! » « Peut-être... » Je consens, songeuse. Il venait éventuellement de là, mon problème. J'avais beaucoup d'a priori et des idées surtout bien fondées et formées sur ce que j'attendais de l'amour. J'étais extrêmement carrée et par cela, il était possible que je passe à côté de belles histoires. Cependant, j'y tenais tant à cette vision de romance que je n'étais pas sûre de vouloir la mettre de côté. « Je sais ce que je veux et j'ai tendance à tout faire pour l'obtenir... » J'avoue, malicieuse.

Il n'a pas d'enfant, ce que je juge une bonne chose. Mes yeux s'écarquillent lorsqu'il envisage que j'en ai eu à 17 ans. Ai-je vraiment l'air d'une femme qui pourrait être mère ?! Sans être encore avec le père de ces enfants ?! « J'ai pas d'enfant non plus, » j'assure avec un sourire, tout de même déstabilisée par cette image que je pourrais rejeter. « Je pense que y'a quelques dangers que tu contrôles pas qui peuvent être intéressants ! » Tout est dans l'art du lâcher prise, j'imaginais. Jet semblait l'exercer dans plusieurs domaines et peut-être pourrais-je en prendre de la graine. « Tu provoques quels genre de dangers ? » Mon attention dévie sur les tables autour desquels les interlocuteurs s'agitent, les animateurs s'animant à quelques mètres. « J'te propose de te le montrer en direct, un de ces quatre, » je suggère, téméraire et audacieuse. Au même moment, le terme de ce tour de speed dating était annoncé et je désirais ardemment laisser une dernière impression au bel homme muni d'yeux teintés d'un bleu inoubliable.