L’idée de base était drôle. Ils en avaient rigolé pendant si longtemps qu’ils s’en étaient fait des abdos, comme à leur habitude. Mais lorsque la jeune australienne appris que Clément était sérieux, qu’il l’avait bel et bien inscrit son nom sur cette liste, c’était une autre histoire. Pourtant, cette idée de se moquer des gens qui s’inscrivent à ces dates, c’était plutôt marrant. S’imaginant tout type de profil qui pourraient s’y inscrire, s’imaginant les discussions stériles et fausses qu’ils s’échangeraient, des bougies ringardes faites pour apporter un peu de douceur … Cette idée du speed dating qu’ils s’étaient faite était peu flatteuse. C’est pour cela, lorsque la jeune MacLeod appris qu’elle devrait s’y rendre, que ce n’était pas une mauvaise plaisanteries, les rires s’étaient vite estompés. Mais c’était mal la connaître si son meilleur ami pensait qu’elle ne relèverait pas le défi du jeune danseur.

Elle n’y croyait toujours pas, jusqu’à ce qu’elle s’y retrouve et que la jeune brune voit toutes ces personnes, se prenant toutes au sérieux. Elle voit les profils types : ceux qui se sont mis sur leur 31, ceux qui ont caché leur alliance, ceux qui viennent en couple ou encore en amis, et ceux qui comme elle viennent en touriste avec aucune idée derrière la tête. Sybbie avait poussé la porte peu convaincue sur cette soirée et sans aucune intention, mais elle jouerait le jeu, c’était le deal. Aucune mauvaise foi n’était acceptée. Elle n’allait pas fuir en courant, elle essayerait même d’y prendre goût, peut-être rencontrer des personnes intéressantes. Après tout, une pipelette comme elle saurait s’intégrer facilement. Avoir la langue bien tendue, ça détend l'atmosphère, il n’y aurait pas de moment où aucun des deux ne parlent, ce dont beaucoup doivent craindre. Elle n’avait jamais été de nature réservée, elle ne craignait pas ce rendez-vous, elle prenait même ce défi avec le sourire.

La belle blonde à l’entrée au sourire gravé sur le visage l’interpelle, voyant bien qu’elle ne savait pas vraiment où se rendre. Elle ne savait pas comment ça se passait finalement, avant et entre les tête-à-tête. Ce n’était pas vraiment la question qu’elle s’était posée. L’organisation, c’était secondaire. Par contre, ce qu’elle pouvait bien dire … Mais c’est alors que l’organisatrice surbookée arrive sur ses grands talons, Sybille ne peut s'empêcher de commencer la conversation avec une jeune rouquine à ses côtés, visiblement stressée et peu rassurée. « J’ai pas les règles. » l’interpelle-t-elle, alors qu’elle hausse les épaules. « On m’a inscrite de force. On est sensé attendre ? Genre ... Comme au bal de promo où seules les belles filles sont invitées à danser ? », essayant de la détendre comme elle le pouvait, d’une petite blague. La rouquine la regarde les yeux ronds, ça n’avait visiblement pas fonctionné. L’organisatrice aux cheveux d’or arrive vers les deux jeunes femmes, faisant résonner ses talons contre le carrelage. Sa robe élégante a l’air de danser sur sa silhouette après chaque pas. Visiblement, certaines personnes se prenaient vraiment au sérieux, ici. Cette dernière les accueille d’un immense sourire, que la jeune Sybille lui rend immédiatement. « Mesdames. Bienvenue à vous ! » La jeune australienne, trop curieuse, suit du regard toutes les tables au loin, elle avait déjà plein de choses à raconter à Clément. « Puis-je noter vos noms ? », accrochant de nouveau le regard de Sybille vers le sien. Sa voisine répond d’une voix tremblante. « Penny … Penny Sampson. » Sybbie se retient de sourire, voulant à nouveau la détendre d'une petite blague, mais elle avait réussit à se contenir cette fois-ci. Sybille voulait lui dire, à la pauvre Penny, qu'elle n'était pas ici pour un entretient d'embauche. « Très bien, miss. Vous pouvez rejoindre la table 10, où se trouve le beau brun à la chemise en soie. Voici votre enveloppe, ainsi que les règles de l’événement. » Cette dernière la prend rapidement, déjà rouge de honte, avant de rejoindre sa table désignée, d’un pas … lent et lourd. La jeune femme aux sourire ravissant se tourne cette fois-ci vers la jeune brunette, qui se dépêche de lui répondre. « Sybille MacLeod. Ou Syb. Sybbie. Dieu sait sous quel nom il m’a inscrit. » Un sourire en coin, elle observe à nouveau les gens présents ici, ainsi que la déco. La déco était vraiment trop rose à son goût, trop typé “ici c’est la saint-valentin” également. Par contre c’était bien peuplé. A croire que l’amour amène les gens ici. C'était le jackpot pour les organisateurs. « Très bien, je vois votre nom ... ici. C'est bon, c'est noté. Bienvenue ! Table sept, voici votre enveloppe. Vous y trouverez un rappel du fonctionnement et les noms de vos prochains rendez-vous. Vous pouvez déjà vous y rendre, je vais inviter votre premier date à vous rejoindre. » termine-t-elle en pointant une table à quelques mètres. Sybille lui répond d’un sourire ainsi que d’un hochement de tête, avant de rejoindre la dite table, décorée pour l’occasion. Elle n’eut pas de mal à la trouver, zigzagant entre les autres. Evidemment vide, elle s’y installe, laissant sa veste sur le portant à ses côtés. Ouvrant ensuite l’enveloppe, sans attendre plus longtemps ; trop curieuse de lire les noms inscrits. Si l’organisation était bonne, le premier à la rejoindre serait un certain Blake.

Blake observa sa montre avant d’entrer le bâtiment. Il s’assura qu’il était bien à l’heure, pile à l’heure. D’habitude, il se fichait bien d’être ponctuel, de faire attention aux horaires mais pas ce soir. Il était seul, comme beaucoup de personnes autour de lui mais il semblait le moins nerveux de tous. Beaucoup avaient l’air de se demander ce qu’ils faisaient là. Blake aussi, se demandait ce qu’il faisait là mais à la différence des autres, il ne le montrait pas. Il ne donnait pas l’air d’être là parce qu’on l’y avait obligé, il ne donnait pas l’impression qu’il avait été piégé pour se trouver ici. Non, lui, il avait simplement été payé. Du pareil au même. Sauf qu’il était payé pour avoir l’air de s’intéresser à tout ça, de rencontrer de belles demoiselles, d’être gentil, attentif et sincère. Bref, un parfait gentleman qui se faufilait à travers les tables dans le seul but d’en rencontrer une seule. Celle qui le payait pour être là. Dépenser de l’argent pour ne pas repartir seule d’un speed-dating, il fallait être sacrément dérangé. Mais Blake jouait le jeu. Il ne savait pas qui était la demoiselle et ne le saurait que si elle se manifestait. En gros, si elle ne trouvait personne d’autre pour prendre son numéro, pour la rassurer sur sa beauté éphémère ou pour la ramener chez lui. Si elle repartait seule, il entrait en jeu et lui proposait un second rendez-vous. Il n’y avait rien de plus simple. Sauf que pour trouver cette demoiselle, il allait devoir faire des rencontres, se mettre à table avec des étrangers et faire comme si tout ça était facile pour lui, comme s’il était un poisson dans l’eau. Et c’était bien ce qu’il faisait de mieux. Faire semblant d’aimer les femmes était un jeu d’enfant, tout comme prétendre être attiré par les hommes. Il ne comprenait pas ce besoin constant que l’humain avait de vouloir se mettre en couple, de chercher sa moitié, de se prêter à ce genre de mascarade. Mais si cela avait un tel succès, il devait bien y avoir une raison. Et effectivement, il y avait plus de monde qu’il ne l’imaginait. Il observa les hommes, les femmes qui se pressaient pour attendre leur tour, pour se voir attribuer une table et rejoindre un parfait inconnu. Il ne comprenait pas le principe, il avait du mal avec les interactions sociales mais celles-ci étaient les plus étranges du monde pour lui. Mais soit, il allait faire ce qu’il faisait de mieux. Il s’était habillé de façon classe et décontractée à la fois. Pantalon noir, chaussures noires. Chemise blanche dont il avait retroussé les manches sur ses avant-bras et dont il avait ouvert le col. Une façon d’afficher ses tatouages sans trop en montrer. Il s’avança quand vint son tour et annonça son nom et son prénom. On lui confia une enveloppe, on lui expliqua la procédure. Table 7, la jeune femme l’attendait déjà. Si Blake avait été un observateur, il aurait pris un malin plaisir à regarder autour de lui pour voir quel genre d’homme pouvait assister à ces réunions. Mais il s’en fichait, il n’était pas là pour ça. Il avait une soirée entière à passer et il gardait son énergie pour avoir l’air aussi gentil que possible. Aussi charmant que nécessaire. Sans trop en faire.

Il entra dans la salle et fit comme beaucoup, il analysa la disposition des tables et chercha son numéro sur l’une d’elle. Il n’avait même pas pris la peine d’ouvrir l’enveloppe pour connaître le nom de la première femme qu’il allait rencontrer. Il s’avança, faisant fi des regards que certaines lui adressaient, craignant ou espérant qu’il soit celui qui allait s’asseoir en face d’elles. Il trouva rapidement sa table et il s’arrêta un instant pour observer la petite brune qui y était assise. Et petite était plus qu’approprié puisque, même assise, la jeune femme ne semblait pas bien grande. D’ailleurs, elle  ne semblait même pas bien vieille. Il ne laissa pas sa surprise se peindre sur ses traits, il avait appris à taire ses réactions dans le cadre de son travail. A la place de ses réserves, il afficha plutôt un magnifique en posant son enveloppe sur la table pour attirer son attention. Quand elle leva les yeux, il inclina légèrement la tête, comme le parfait gentil bonhomme qu’il n’était pas. « Je crois que le sort nous a désigné pour être ensemble dans ce premier round. » Il avait un sourire sincère et il se désigna en posant une main sur sa propre poitrine. « Moi c’est Blake, enchanté. » Et il poussa le vice jusqu’à désigner la chaise posée en face de la demoiselle. « Je peux ? » Bon, elle aurait tort de dire non, puisque c’était le principe du speed-dating mais il était pour le consentement et si elle refusait de lui parler, il le respecterait. Il retournerait à la case départ pour attendre le prochain tour. Maintenant que la curiosité le titillait, il avait l’impression qu’il allait bien s’amuser.

Speed-dating # 1
w/ @Blake Lewis

Les yeux rivés sur cette petite enveloppe, la jeune Sybille n’avait pas fait attention que la deuxième moitié du speed-dating s’était avancé vers elle. Immédiatement : un prénom, les gens s’imaginent déjà dans leur tête a quoi pourrait bien ressembler cette dite personne. C’est un réflexe humain. En général, les gens se basent sur d’autres personnes qu’ils connaissent et qui partage ce prénom. S’ils aiment la personne, ça sera positif. Si votre pire ennemi a ce prénom, il est rare que vous partez sur une bonne première impression. Pour le coup, la jeune Sybille ne connaissait aucun Blake. Elle l’imaginait plutôt jeune, brun. Sportif, pourquoi pas ? La jeune brunette relève les yeux. Elle n’avait pas eu à attendre très longtemps. Devant elle se dresse donc son fameux premier speed-dating, chemise blanche impeccablement repassée, pantalon noir et cheveux soignés, elle voit qu’il est de ceux qui prennent soin d’eux, et ce n’était pas désagréable, bien au contraire. Dans son cas, elle avait essayé de laisser son petit côté extravagant à la maison, et de choisir une tenue un peu plus passe-partout, et moins décalée, bien qu’elle avait gardé cette touche colorée sur sa veste fleurie préférée, ça, elle n’avait pas pu s’en séparer. Elle venait ici non pas dans le plus grand sérieux au monde, mais il avait quand même fait ce petit effort pour marquer le coup.  

Ce dernier prend immédiatement la parole, sans attendre. Blake se présente rapidement, elle observe ses gestes discrètement, son regard s'accroche à sa main qu’il porte près de sa poitrine. Curieuse, elle ne peut s'empêcher d'observer les tatouages qui s’y dégagent. Elle laisse échapper un petit rire discret à sa première phrase d’accroche. Le trouvant sympathique au premier abord, elle ne pouvait qu’être rassuré. Même s’il avait clairement quelques années de plus qu’elle (du moins c’est ce qu’elle imaginait), il avait le mérite d’être poli et charmant. Du moins, il faisait des efforts. « Oui ! … Oui, bien sûr. » lui répond-elle, avant de lui échanger un sourire poli. Elle ne peut s’empêcher de l’observer à nouveau, mais n’oublie pas de se présenter à son tour, au fameux Blake. « Moi, c’est Sybbie. », continue la jeune australienne, appuyant ses propos d’un hochement de tête. « Enchantée, également. » Observant le jeune homme s’installer, elle décale l’enveloppe sur le côté. Elle n’avait que faire des directives ni des conseils qu’avait pu lui donner l’organisation. C’était pas naturel, et elle n’aimait pas ça. « Eh, dites moi. » Elle se relève de son dossier, essayant de ne pas paraître affaissée. « Ou plutôt ... Dis moi ? On peut se tutoyer ? Si ça te dérange pas ? » Elle laisse échapper un petit rire avant de lui poser la question qui la démange depuis quelques minutes déjà. « Je peux pas m’en empêcher … Ils vont jusqu'où, tes tatouages ? » Non, ce n’était pas son métier qu’elle lui demanderait en premier, ça, elle s’en fichait. Elle détestait les gens qui se définissent par leur métier. Elle préférait connaître les passions des gens, c’était bien plus significatif, ou encore leur groupe de musique préféré, ou leur quartier. La prochaine question qui la démangeait, c’était la raison pour laquelle il s’était inscrit ici. S’il était bavard, elle arriverait à décrocher quelques infos. Elle se faisait violence pour ne pas parler sans s’arrêter. Dans son dos, quelques rires gênés se distinguent, d’autres plus sincères. Certaines personnes ont du mal à masquer leur malaise. Il n’y avait pas vraiment de difficulté pour la MacLeod, qui prenait toute situation avec le sourire, et sans aucune gêne.

Avant de devenir escort, il y avait des choses qui échappaient à Blake. La séduction en faisait partie. Il ne comprenait pas ce besoin de plaire, ce goût de se séduire, l’envie de se toucher, le désir de s’étreindre. Il ne savait pas comment aborder une femme et n’avait jamais, jamais, cherché à le faire. Il n’avait jamais mis ses plus beaux habits pour plaire, il n’avait jamais fait un sourire pour intéresser, il n’avait jamais cherché la phrase pour attirer. Il était brut, sincère, beaucoup trop aux yeux de certains. Il n’était jamais question de rentrer dans un jeu, de jouer avec son regard, avec ses mots, avec ses gestes. Il n’avait jamais fait l’effort de s’intéresser à quelqu’un d’autre que lui, il ne prêtait pas attention. Mais il avait suivi une formation, il avait appris tout ça, il avait appris les codes de la séduction. On lui avait enseigné ce que les femmes aimaient, ou du moins ce que tous pensaient qu’elles aimaient. On lui avait montré comment les satisfaire en société, ce qu’elles cherchaient auprès d’un petit-ami idéal. Mais pas seulement les femmes. Il avait également appris à se comporter avec les hommes. Aucune différence, il s’en fichait. Parce que si Blake avait appris, il ne comprenait toujours pas. Il n’arrivait pas à deviner les motivations de ces personnes autour de lui, toutes celles qui se cacheraient derrière de fausses excuses pour être là ce soir. Pourtant, malgré tout ça, il avait les codes pour se fondre dans la masse, pour se faufiler et pour apprivoiser. Il savait comme faire, du moins le croyait-il. La jeune femme assise à leur table lui adressa un sourire et il y répondit, rassurant. « Oui ! … Oui, bien sûr. » Elle semblait intriguée, rassurée. Il prit donc place en face d’elle puisqu’elle venait de l’y autoriser.  « Moi, c’est Sybbie… Enchantée, également. » Il la dépassait toujours, même assis. Elle avait des traits assez enfantins, elle semblait bien plus jeune que lui mais il était incapable de lui donner un âge. Elle avait une beauté simple, qui inspirait confiance et sympathie. C’était du moins les informations que son cerveau attroffié des sentiments le laissait entrevoir. Mais il était également un beau menteur et il n’était pas à l’abris que la personne ne face de lui ne joue pas également la comédie. « Eh, dites moi… Ou plutôt ... Dis moi ? On peut se tutoyer ? Si ça te dérange pas ? » Il esquissa un sourire en coin en hochant légèrement la tête. « Avec plaisir. » Il n’était vraiment pas friand des convenances de ce genre. Quand il rencontrait quelqu’un qui semblait dans sa tranche d’âge, il ne se posait pas la question d’habitude mais l’attention le fit sourire. « Je peux pas m’en empêcher … Ils vont jusqu'où, tes tatouages ? » Son sourire s’agrandit. Il avait fait exprès de remonter ses manches. C’était bien sûr la question qu’on lui posait le plus souvent. Il ne pouvait pas cacher qu’il était tatoué et ne le souhaitait. « Ils ne s’arrêtent pas… » Répondit-il de façon plutôt évasive. C’était toujours le meilleur moyen de répondre pour attiser toujours plus de questions. Non, ses tatouages se rejoignaient tous donc d’une certaine façon, ils allaient nulle part et partout à la fois. Il attrapa une serveuse d’un signe de la main pour qu’elle vienne prendre leur boisson. Il se contenta d’un soda, laissa la jeune Sybbie prendre ce qu’elle voulait et attendit patiemment que la jeune femme s’éloigne pour reporter son regard azur sur son date du soir. « Alors, Sybbie, c’est un surnom ou je me trompe ? …. » Il marqua une pause, haussant un sourcil pour marquer son interrogation et enchaîner avec sa véritable question. « Les tatouages semblent t’intéresser, est-ce que tu es tatouée aussi ? Ou tu voudrais sauter le pas ? » Il avait une bonne adresse pour ça. Il rit intérieurement, il avait des soucis de déformation professionnelle. Il n’allait pas la bombarder de questions, il savait qu’ils avaient peu de temps mais il n’était pas question de transformer une agréable rencontre en interrogatoire. Il fallait que les choses soient simples, naturelles.